[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 novembre 1996
[Traduction]
Le président: Nous avons à l'ordre du jour l'examen du projet de loi C-51, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut.
Nos premiers témoins représentent la Fédération Tunngavik du Nunavut. Si j'oublie des noms, veuillez les ajouter avant votre exposé. Nous avons donc M. James Eetoolook, premier vice-président; M. Alan Braidek, conseiller juridique; Mme Lois Leslie, conseillère juridique; et M. Paul Okalik, conseiller. Est-ce que j'ai nommé tout le monde? Ai-je oublié quelqu'un?
Madame la greffière, avons-nous décidé si le comité dispose de 40 ou de 60 minutes?
La greffière du comité: D'une heure.
Le président: Nous avons une heure à notre disposition. C'est votre heure. Vous êtes nos témoins et vous êtes ici pour nous dire si vous appuyez ou non le projet de loi et pourquoi. Il s'agit en fait de la forme la plus totale de lobbying. Vous disposez de cette heure, et nous voulons que vous l'utilisiez. Nous nous attendons à ce que vous nous fassiez un exposé. Nous aimerions que vous vous nommiez avant de prendre le micro, et ensuite il y aura une période de questions et de réponses.
Comme je vous l'ai expliqué, si vous prenez une heure pour votre exposé, il n'y aura pas de temps pour les questions et les réponses. Il arrive que nous, politiciens, posions de longues questions. Si cela se produit, je tenterai d'intervenir. Ce n'est pas que je ne souhaite pas que vous fassiez passer votre message, c'est parce que la réponse m'intéresse plus que la question. Bienvenue à la salle 200. Nous avons réservé la plus belle salle de la colline du Parlement pour vous. Vous avez la parole.
Excusez-moi, il y a quelque chose que je devrais faire chaque fois: je demanderais aux membres du comité de se présenter de façon à ce que vous sachiez à qui vous avez affaire. Je suis Ray Bonin, député de Nickel Belt et président du comité.
M. Bachand (Saint-Jean): Je suis Claude Bachand, député de Saint-Jean; c'est une localité à 25 milles au sud de Montréal. Je suis le porte-parole officiel de mon parti en ce qui concerne les affaires indiennes.
M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): Je suis Garry Breitkreuz, de Yorkton - Melville, dans l'est de la Saskatchewan, et je représente le Parti réformiste.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Je suis John Murphy, député d'Annapolis Valley - Hants, en Nouvelle-Écosse, et dans ma circonscription il y a trois localités autochtones.
M. Hubbard (Miramichi): Je suis Charles Hubbard, de Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Nous avons trois localités autochtones.
M. Finlay (Oxford): Je suis John Finlay, vice-président du comité, et je représente Oxford, dans le sud-ouest de l'Ontario. Il y a une très grande localité autochtone dans la circonscription voisine de Brantford, mais aucune à Oxford.
M. Anawak (Nunatsiaq): Je suis Jack Anawak, de Nunatsiaq, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Le président: Vous connaissez tous Jack.
Je veux que vous sachiez que cela n'a pas empiété sur votre temps. Votre heure commence maintenant.
M. James Eetoolook (premier vice-président, Fédération Tunngavik du Nunavut): Merci, monsieur le président. Merci de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant votre comité.
Je m'appelle James Eetoolook, je suis le premier vice-président de la Fédération Tunngavik du Nunavut. À mes côtés, Alex Campbell, directeur général de la fédération, et Paul Okalik, consultant; il a négocié les revendications territoriales des Inuit. Je suis également accompagné de Lois Leslie, notre conseillère juridique en matière de législation, etc. Le grand type là-bas, c'est Alan Braidek, le conseiller juridique de la fédération. Il devait y avoir une personne de plus, mais elle n'est pas ici.
Merci de nous donner la possibilité de vous faire cet exposé.
La Fédération Tunngavik du Nunavut, la FTN, est l'organisme inuit responsable de la mise en oeuvre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut pour le compte des Inuit de l'Arctique de l'Est.
Nous sommes heureux de comparaître ici aujourd'hui pour vous présenter le point de vue de la FTN sur le projet de loi C-51, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut. Nous avons préparé également à l'intention du comité un mémoire dans lequel nous exprimons pleinement les préoccupations de la fédération concernant le projet de loi C-51. Je pense qu'on vous a remis ce document hier. Je l'espère. Ce matin, nous voulons souligner certaines de nos principales préoccupations et répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir à ce sujet.
Au cours de mon exposé, je vais m'en tenir aux questions et aux processus qui ont donné lieu au projet de loi C-51. Lois Leslie vous parlera de nos préoccupations portant sur le fond du projet de loi C-51.
Le projet de loi C-51 est le premier de plusieurs que ce comité devra examiner pour réaliser partiellement les obligations constitutionnelles du Canada aux termes de l'accord. Il convient donc de commencer par quelques remarques d'ordre général sur l'accord et sur le rôle du comité.
Il a fallu près de deux décennies pour négocier l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Les négociateurs inuit ont persévéré jusqu'à ce qu'ils soient convaincus qu'en échange de leur titre autochtone ils avaient obtenu, pour les générations présentes et futures, les outils essentiels à leur autonomie. L'accord ne vise pas à perpétuer le statu quo, mais a inauguré de nouvelles relations entre les Inuit et le reste du Canada.
L'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est un document constitutionnel. Or, l'article 35 de la Loi constitutionnelle (1982) prévoit que:
- (1) Les droits existants - ancestraux ou issus de traités - des peuples
autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.
- (3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est
fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d'accords sur des revendications
territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.
La protection de la relation entre les Inuit et le territoire est au coeur même de l'accord, comme le précise l'article 10 de l'accord. Afin de maintenir cette relation, les Inuit ont négocié la création de plusieurs institutions de cogestion qui visent à donner aux Inuit un plus grand rôle dans la prise de décisions essentielles en matière de réglementation de la faune, du territoire et des ressources ainsi que des activités de développement dans le Nunavut.
Ces institutions de cogestion incluent l'Office de gestion de la faune du Nunavut, le Tribunal des droits de surface du Nunavut, l'Office des eaux du Nunavut, la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut, et la Commission d'aménagement du Nunavut lesquels constituent une partie du régime intégré de gestion des territoires et ressources.
L'Office de gestion de la faune du Nunavut, le premier organisme à être négocié, a été cri le 9 juillet 1993, lors de l'entrée en vigueur de l'accord. Le gouvernement du Canada s'est engagé, aux termes de l'article 10.1.1 de l'accord à légiférer sur la création des quatre autres organismes dans des délais précis.
Une loi devait créer le Tribunal des droits de surface du Nunavut le 9 juillet 1994. Les lois créant la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut, la Commission d'aménagement du Nunavut et l'Office des eaux du Nunavut doivent être adoptées avant le mois de juillet 1999. Jusqu'à présent, aucune loi n'a été adoptée pour créer ces quatre institutions gouvernementales.
Depuis le mois de janvier 1994, le gouvernement canadien manque à son engagement constitutionnel fondamental en ce qui concerne le Tribunal des droits de surface du Nunavut, et, depuis le mois de juillet 1995, en ce qui concerne les trois autres organismes. Votre comité ne doit pas accepter ce comportement inconstitutionnel de la part du gouvernement du Canada.
Pour remédier éventuellement aux retards du gouvernement, la FTN a insisté pour que l'accord comprenne à l'article 10.10.1 une disposition de non-exécution. Selon cet article, les quatre organismes seront cris conformément aux termes de l'accord si aucune loi n'a été adoptée dans l'année suivant la date précisée dans l'accord, et ces organismes «seront réputés posséder, aux fins de la loi, tous les pouvoirs et fonctions décrits dans l'accord».
Les quatre organismes ont maintenant été cris aux termes de l'accord. Des nominations ont été faites au Tribunal des droits de surface du Nunavut le 25 avril 1996, et à l'Office des eaux du Nunavut, à la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut et à la Commission d'aménagement du Nunavut le 9 juillet 1996, conformément à l'article 10.10.1 de l'accord.
Depuis sa création le 9 juillet 1996, l'Office des eaux du Nunavut s'acquitte de ses fonctions aux termes de l'accord. La création de l'office en vertu de l'accord n'empêche pas le gouvernement de reconstituer l'Office des eaux du Nunavut aux termes du projet de loi C-51; l'article 10.10.1 de l'accord le prévoit expressément.
Toutefois, si le gouvernement choisit de recréer l'Office des eaux du Nunavut ainsi que les autres institutions publiques aux termes de l'accord, l'article 10.10.1 prévoit qu'il faut procéder «d'une manière prévue et conforme aux autres dispositions de l'article 10». De l'avis de la fédération, le projet de loi C-51 ne répond pas à ce critère explicite. Je vais maintenant parler de nos préoccupations quant au processus d'élaboration du projet de loi C-51.
En ce qui concerne le processus de consultation, aux termes de l'article 2.6.1 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le gouvernement du Canada a pris l'engagement suivant: «Le gouvernement consultera étroitement une organisation indienne désignée lors de la préparation de toute loi visant à mettre en oeuvre l'accord, y compris toute modification à celle-ci.»
De l'avis de la fédération, le gouvernement du Canada n'a pas respecté son obligation fiduciaire constitutionnelle de consulter étroitement les Inuit lors de l'élaboration du projet de loi C-51. Le gouvernement a tardé à élaborer le projet de loi. Une loi portant création de l'Office des eaux du Nunavut devait être adoptée avant le 9 juillet 1995. Les fonctionnaires du gouvernement du Canada et du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ainsi que les représentants de la fédération se sont réunis une première fois en septembre 1993 pour entreprendre les discussions sur les lois portant création du Tribunal des droits de surface du Nunavut, de l'Office des eaux du Nunavut, de la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut et de la Commission d'aménagement du Nunavut. Bien que les parties aient continué de se réunir pour élaborer la Loi sur le Tribunal des droits de surface du Nunavut, aucune autre discussion n'a eu lieu sur les lois portant création de l'Office des eaux du Nunavut, de la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut et de la Commission d'aménagement du Nunavut au cours des deux années qui ont suivi.
Comme nous le démontrons dans notre mémoire et les pièces jointes, la fédération a adressé plusieurs demandes au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au cours de cette période en vue de lancer des discussions sur les lois portant création des trois autres institutions. Le processus consultatif n'a pas été respecté. À la suite de plusieurs rencontres entre des hauts fonctionnaires du ministère et le président de la fédération et moi-même au printemps et à l'été 1995, il a été convenu que les discussions commenceraient sur les lois concernant ces trois institutions publiques, notamment par un atelier conjoint au mois d'octobre 1995. La fédération a proposé que l'on simplifie les lois le plus possible, compte tenu du fait qu'il n'était pas possible de respecter les délais de création des trois institutions, création qui était fixée par l'accord au 9 juillet 1996. Les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ont accepté le principe disant que plus c'est simple, mieux cela vaut.
Au mois de janvier 1996, les fonctionnaires du ministère ont distribué, pour examen, l'ébauche des principes d'élaboration des lois. Toutefois, avant que la fédération n'ait eu la possibilité de faire ses commentaires sur cette ébauche, le ministère a manifesté son intention de suivre une voie distincte en distribuant un avant-projet de loi pour chacun des trois organismes le 9 février 1996. La fédération n'avait jamais vu les avant-projets de loi et n'a pas non plus été prévenue qu'on allait les distribuer. Nous n'étions que des noms sur une liste générale de distribution.
La lettre d'accompagnement précisait que les trois avant-projets de loi devaient être refondus en un seul projet de loi sur la gestion des ressources du Nunavut que le ministère voulait mettre au point avant la première semaine de mai 1996.
Les consultations sur le projet de loi C-51 ont duré moins de trois mois. La fédération a dû faire face à un choix difficile lorsque le ministère a décidé, unilatéralement, de ne pas tenir compte du processus conjoint afin d'imposer son propre programme. La fédération aurait été tout à fait justifiée de refuser de continuer de participer aux discussions sur le projet de loi, puisqu'elle considérait que le gouvernement du Canada avait agi de mauvaise foi. Par contre, si la fédération acceptait de participer à l'examen du projet de loi selon l'échéancier du ministère, sa capacité de contribuer de façon significative à l'examen du projet de loi se trouverait gravement compromise.
Par ailleurs, la fédération tenait à ce que les organismes puissent fonctionner en vertu d'un mandat clair à compter du 9 juillet. En ce qui concerne l'office des eaux, un projet de loi préciserait les détails qui ne figuraient pas dans l'accord. La fédération a donc considéré ne pas avoir d'autre choix que d'accepter de tenter de travailler avec le gouvernement à la Loi sur les eaux du Nunavut afin de pouvoir s'assurer que le projet de loi était conforme à l'accord. Vu les délais déraisonnablement courts, nous avons promis d'examiner le projet de loi sur les eaux du Nunavut à condition que l'on retire les deux autres projets de loi.
Les discussions sur l'ébauche de la Loi sur les eaux du Nanavut n'ont débuté qu'en avril 1996. Même si nous avons progressé à cet égard, nous avons vite constaté qu'il existait entre les parties des divergences profondes qui ne pouvaient pas être réglées en quelques semaines seulement. Nonobstant un grand nombre de questions en suspens plus ou moins importantes, les hauts fonctionnaires du ministère ont informé la FTN que l'avant-projet de loi devait être déposé avant le congé d'été. Le 13 juin 1996, j'ai envoyé une lettre à Ron Irwin, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, pour lui demander de ne pas déposer l'avant-projet de loi tant que l'on n'aurait pas répondu convenablement aux préoccupations de la FTN. La demande a été rejetée.
À la suite de ce processus épouvantable, nous comparaissons devant le comité aujourd'hui avec une longue liste de questions en suspens concernant le projet de loi C-51. La FTN estime qu'en raison de l'inaction du gouvernement du Canada quant à l'élaboration du projet de loi C-51, et en raison du fait que des questions de fond restent en suspens, ce projet de loi ne doit pas avancer jusqu'à ce que le gouvernement respecte ses obligations en matière de procédure. Le projet de loi C-51 est la première d'une série de lois mettant en oeuvre l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut dont ce comité sera saisi. Il est donc particulièrement important que nous partions du bon pied.
Si le comité approuve une procédure d'élaboration et de mise en oeuvre de lois qui n'est pas conforme à l'accord, le ministère en déduira que ce comité a un comportement anticonstitutionnel, des pratiques négligentes, un comportement hypocrite dans les négociations et une attitude cavalière dans l'élaboration et la mise en oeuvre des lois.
J'en ai terminé. Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de comparaître.
Le président: Merci pour votre excellent exposé, même s'il était très complexe pour nous, comme vous pouvez l'imaginer. Votre témoignage a été enregistré et peut désormais faire l'objet de recherches.
Y a-t-il d'autres intervenants.
M. Eetoolook: Oui, monsieur le président. Je voudrais présenter Lois Leslie, notre conseillère juridique. Elle fera un exposé sur le projet de loi C-51, car c'est le sujet qui nous intéresse.
Le président: Continuez.
Mme Lois Leslie (conseillère juridique, Fédération Tunngavik du Nunavut): Bonjour. Comme James Eetoolook l'a indiqué dans son exposé, la validité constitutionnelle du projet de loi C-51 dépend de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
La FTN estime que le projet de loi C-51 n'est pas conforme à l'accord, et ce, à maints égards. Dans le texte de notre mémoire, nous présentons en détail les dispositions précises du projet de loi qui sont contraires à l'accord. Au lieu de lire le mémoire de la FTN, nous allons en souligner les points saillants dans l'espoir d'aider le comité à mieux comprendre notre position.
Je parlerai d'abord de l'objet du projet de loi C-51. La FTN estime que l'objet du projet de loi doit être d'établir l'Office des eaux du Nunavut conformément à l'accord. Afin de respecter l'accord, le projet de loi doit être fidèle à la lettre, à l'esprit et à l'intention de tout l'accord.
Au lieu de s'inspirer de l'accord pour rédiger le projet de loi C-51, le gouvernement du Canada a utilisé la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Dans sa forme actuelle, l'intention apparente du projet de loi C-51 est de reproduire au Nunavut le régime des eaux en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest.
La FTN rejette l'idée selon laquelle la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest est un bon modèle législatif pour l'Office des eaux du Nunavut, et ce, pour les raisons suivantes.
Premièrement, on ne mentionne pas la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest dans l'article 13 de l'accord. La seule référence législative dans l'article 13 se trouve à l'article 13.2.1, qui stipule:
- Doit être constitué, en tant qu'institution gouvernementale, l'Office des eaux du Nunavut
(OEN). L'OEN a, à l'égard de la réglementation, de l'utilisation et de la gestion des eaux de la
région du Nunavut, des responsabilités et pouvoirs au moins équivalents à ceux dont dispose
actuellement l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest en vertu de la Loi sur les eaux
internes du Nord.
- Et la citation est la suivante:
- LRC (1985), chapitre N-25, en plus des autres responsabilités prévues par le présent chapitre.
Deuxièmement, la FTN estime que l'article 13.2.1 de l'accord n'englobe pas toute la portée de la Loi sur les eaux internes du Nord, mais établit simplement les pouvoirs fondamentaux de l'office. Étant donné que le gouvernement semble se fonder si lourdement sur l'article 13.2.1, il est important de s'attarder un peu sur cette disposition de l'accord.
Que dit l'article 13.2.1? Tout d'abord, il stipule que l'office des eaux est une «institution gouvernementale». Deuxièmement, en tant qu'institution gouvernementale, l'office des eaux «a des responsabilités et pouvoirs à l'égard de la réglementation, de l'utilisation et de la gestion des eaux de la région du Nunavut».
Troisièmement, l'article 13.2.1 stipule que les responsabilités et pouvoirs que détient l'office en matière de réglementation, d'utilisation et de gestion des eaux sont «au moins équivalents à ceux dont dispose actuellement l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest en vertu de la Loi sur les eaux internes du Nord».
En plus des pouvoirs équivalents à ceux que détient l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest en vertu de cette loi, l'Office des eaux du Nunavut peut acquérir d'autres responsabilités prévues par l'article 13. Telle est la teneur de cette disposition.
L'article 13.2.1. ne porte ni sur les objectifs de l'article 13, ni sur les objectifs de l'Office des eaux du Nunavut. Il énonce simplement la portée des pouvoirs de l'office. Il prévoit que l'Office des eaux du Nunavut réglemente en émettant des licences, et que les pouvoirs d'émission de licences qui lui sont conférés sont au moins équivalents à ceux dont dispose l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest en vertu de la LEIN.
L'article 13.2.1 ne saurait être interprété comme énonçant les objectifs de l'office ou du projet de loi C-51. Sur les plans grammatical ou juridique, il n'est pas logique de dire que le rôle d'un office administratif en matière de réglementation est au moins équivalent à celui d'un autre office. Par contre, il est logique sur les plans juridique et grammatical de dire que les pouvoirs et l'étendue des pouvoirs de l'office sont au moins équivalents.
Il faudrait examiner les autres dispositions de l'article 13 et de l'ensemble de l'accord pour déterminer les buts et les objectifs de l'Office des eaux du Nunavut. Quand on prend l'accord sur le Nunavut dans son ensemble, comme on doit l'interpréter en vertu de l'article 2.9.1 de l'accord, on peut voir que l'accord est très différent de la Loi sur les eaux internes du Nord.
Comme James Eetoolook l'a indiqué dans son exposé, l'accord est une tentative d'établir un régime de réglementation cohérent au Nunavut en conciliant l'utilisation des terres, l'aménagement, la gestion des terres, de l'eau et de la faune, et l'examen des projets de développement. Le principe de la cogestion par les Inuit et le gouvernement fédéral représente un élément fondamental de ce régime. Grâce à la cogestion des terres, des eaux et des ressources, les Inuit seraient mieux placés pour assurer la mise en oeuvre des principes et des objectifs fondamentaux de l'accord.
Étant donné que l'on a rédigé le projet de loi C-51 en s'inspirant de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest comme fondement des dispositions de l'accord, le projet de loi ne reflète pas les buts et les objectifs de l'accord sur le Nunavut. La loi qui s'ensuit est décousue et difficile à interpréter. Qui plus est, il y a un certain nombre d'omissions.
On passe sous silence des rapports essentiels entre les diverses institutions gouvernementales cries en vertu de l'accord. Les droits des Inuit relatifs aux activités de l'office des eaux sont admis ou traités de façon subsidiaire. Des dispositions provenant de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest sont en conflit avec l'article 13, par exemple l'exigence de l'approbation des licences par le ministre et le pouvoir de réglementer l'utilisation sans licence. Nous abordons ces questions en détail dans le mémoire.
En conclusion, la FTN en étudiant des projets de loi comme celui-ci, qui met en oeuvre des accords sur les revendications territoriales, le comité a la responsabilité de faire respecter l'obligation fiduciaire de la Couronne et de s'assurer que le gouvernement du Canada honore ses responsabilités constitutionnelles en rédigeant ce projet de loi. Plus précisément, la FTN préconise que le comité pose les questions suivantes.
La procédure suivie par le gouvernement du Canada et, plus précisément, par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien était-elle conforme à la procédure énoncée dans l'accord et dans les arrangements administratifs subséquents convenus par les parties pour l'élaboration et la mise en oeuvre de la loi?
Deuxièmement, le projet de loi répond-il aux obligations fondamentales du gouvernement du Canada relatives à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la loi, conformément aux dispositions de l'accord?
La FTN estime que les deux questions revêtent une importance égale et que la réponse aux deux questions est un non catégorique. Étant donné que les lacunes du projet de loi touchent à la fois au fond et à la procédure, la FTN pense que le comité en tant que tel n'est pas en mesure de remédier à ces lacunes; il le serait si ces lacunes se rapportaient uniquement au fond de la question.
Par conséquent, le comité doit recommander que le projet de loi soit retiré et qu'il ne soit déposé à nouveau devant le Parlement que lorsque le ministère aura respecté ses obligations procédurales pour l'élaboration de ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup. Y a-t-il d'autres intervenants? Non. Nous allons donc passer à la période de questions.
M. Anawak veut-il commencer? Je n'aime pas vous mettre sur la sellette comme ça, mais c'est votre région. Vous aurez certainement l'occasion d'intervenir plus tard si vous préférez attendre.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. Bachand: Je vous félicite pour votre présentation, mais je vous avoue que je suis un peu surpris. À ma connaissance, il y a un water board qui fonctionne déjà. D'ailleurs, il y aura tantôt quelqu'un qui fera une présentation.
J'ai lu le projet de loi et je l'ai commenté en deuxième lecture en Chambre, et je n'y voyais rien de majeur. Et maintenant, tout à coup, vous demandez que le projet de loi soit retiré. Je suis de l'Opposition officielle.
Soit dit en passant, monsieur Eetoolook, quand vous écrivez au ministre, vous devriez envoyer une copie conforme à l'Opposition officielle, parce que ça nous aiderait beaucoup à suivre le débat. Je n'ai même pas eu le temps de lire la lettre du ministre et je vous avoue que je trouve le dossier un peu complexe ce matin.
Je suis surpris que vous demandiez que le projet de loi soit retiré. Si j'ai bien compris, le processus de consultation n'a pas été suivi du tout par le gouvernement fédéral. Vous dites aussi que c'est en rupture avec l'économie du texte de l'accord et que le gouvernement fédéral brise son lien fiduciaire avec les Inuit en essayant de faire adopter le projet de loi C-51.
Moi qui pensais que c'était un petit projet de loi dont la réglementation n'était pas si compliquée et qui protégeait l'environnement, je suis étonné ce matin. J'aimerais que vous donniez des explications supplémentaires. Est-ce qu'on va se contenter de dire au gouvernement qu'il a brisé le lien fiduciaire, qu'il n'a pas suivi le processus décrit dans l'accord et que, par conséquent, on lui demande de retirer le projet de loi? Est-ce que le projet de loi a du bon ou si vous nous demandez de le retirer parce que des conditions n'ont pas été respectées au départ? C'est ça, ma question.
J'ai peut-être l'air confus ce matin. Je n'ai peut-être pas pris assez de café, mais j'ai du mal à comprendre la logique de votre demande. Je m'apprêtais à voter et peut-être à proposer quelques amendements, mais de là à dire qu'on doit retirer le projet de loi... Cela veut dire que, si le gouvernement veut continuer, l'Opposition officielle va s'inscrire en faux et voter contre le projet de loi C-51. Alors, je vous demande de me donner des arguments autres que ceux de la brisure du lien fiduciaire et du fait que la procédure qui a été suivie ne concorde pas avec l'économie de l'accord.
[Traduction]
M. Eetoolook: Merci. Je demanderai à Lois Leslie, notre conseillère juridique, de répondre à vos questions.
Mme Leslie: Il y a deux questions, comme nous l'avons signalé dans notre mémoire, sur lesquelles la FTN se concentre ce matin. La première concerne la procédure et la seconde les problèmes de fond dans le projet de loi. Nous ne les avons pas examinées en détail dans notre exposé. Nous l'avons fait dans notre mémoire, qui comporte à peu près 43 pages, et nous invitons les membres du comité à lire nos observations écrites sur les problèmes de fond qui existent dans le projet de loi.
À notre avis, s'il y a tant de problèmes, c'est notamment parce que le processus a été si court. La FTN n'a pas eu l'occasion de régler bien des questions. De plus, le fait que le projet de loi soit inspiré de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest crée des problèmes dans la mesure où cette loi sert de base à un accord dont les principes et les objectifs sont tout à fait différents.
En ce qui concerne l'office des eaux, il a été cri en vertu de l'accord le 9 juillet, et il fonctionne dans ce cadre. La FTN soutient que le retrait de ce projet de loi n'empêchera pas l'office des eaux de continuer à fonctionner en vertu de l'accord. En fait, s'il faut adopter une loi, il est important qu'elle soit conforme à l'obligation du gouvernement du Canada de consulter étroitement les Inuit et que les dispositions de la loi soient conformes aux obligations constitutionnelles prévues par l'accord.
Le président: Monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz: Merci d'être venus devant le comité. Pour commencer, j'ai une question brève. Avant de comparaître aujourd'hui, avez-vous déjà eu l'occasion de nous présenter vos préoccupations?
Mme Leslie: Au comité même?
M. Breitkreuz: Non. Il existe deux partis d'opposition dans cette Chambre. Leur avez-vous exprimé vos préoccupations?
Mme Leslie: Je ne pense pas que nous ayons communiqué avec les autres partis. Je sais que M. Anawak a reçu des informations sur ce projet de loi, mais je ne crois pas que la FTN en a envoyé aux autres partis.
M. Breitkreuz: Vous avez parlé des obligations procédurales dans le cas du gouvernement. Si vous avez des préoccupations à ce sujet, nous ne pouvons pas vous aider à tenir le gouvernement responsable si vous ne nous informez pas, et, à ma connaissance, nous n'avons reçu aucune information. J'ignore pourquoi vous ne nous avez pas informés.
Il en est de même du rapport de la commission royale qui sortira cette semaine. Nous n'avons aucune information là-dessus. C'est vraiment difficile pour nous de faire notre travail si vous ne nous tenez pas informés. Je n'ai pas de questions à poser parce que vous ne nous avez donné aucune information. Nous ne pouvons pas vous aider à tenir le gouvernement responsable si vous ne nous donnez pas les informations dont nous avons besoin pour faire correctement notre travail. Quand nous parlons des obligations procédurales, c'est très utile que vous nous informiez de ce qui se passe. Merci.
Le président: Dans votre intérêt, je vais considérer cette intervention comme une question. C'est l'un des bouche-trous dont je vous parlais. Il y a d'autres choses qu'il faut inclure. Je voudrais que vous nous apportiez des détails ou des précisions sur le comportement anticonstitutionnel que vous avez mentionné. Ce serait peut-être avantageux pour les membres du comité d'en avoir une idée plus précise.
Monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz: J'aimerais savoir, car je n'ai pas étudié vos informations à l'avance, en quoi vos demandes sont différentes de ce que les provinces ont actuellement? Va-t-il y avoir des inégalités à cause de vos revendications? J'ignore si tel est le cas, et sans avoir étudié la question, je ne peux même pas me prononcer. Vous avez sans doute fait des recherches là-dessus.
C'est une question logique que j'aimerais poser. Je pensais que mon collègue du Bloc la poserait. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup de Canadiens, et notre travail consiste à représenter l'ensemble du pays. Comprenez-vous notre position? Veuillez répondre à cette question pour commencer. Sans information, il est vraiment difficile de poser des questions.
Mme Leslie: La FTN a fourni un mémoire aux membres du comité, et je les invite à le lire à loisir. Pour nous, cette loi est importante parce qu'elle vise à mettre en oeuvre les termes de l'accord.
Paul Okalik pourra sans doute vous en dire plus après mon intervention, mais au cours des négociations les Inuit ont voulu inclure dans l'accord même des détails relatifs aux différents organismes. Comme nous le disons dans notre mémoire, le gouvernement du Canada a refusé. Il a insisté pour qu'une loi supplémentaire soit élaborée ultérieurement.
L'article 10 de l'accord prévoit qu'une loi doit être adoptée deux ans après la ratification de l'accord en ce qui concerne l'office et la commission d'aménagement. Au cas où cette loi ne serait pas adoptée à temps, les Inuit ont proposé et obtenu, comme solution de rechange, que l'on établisse les organismes prévus dans l'accord, et c'est ce que nous avons fait. Néanmoins, le gouvernement peut toujours élaborer une loi et rétablir les organismes, mais il doit le faire conformément à l'accord.
La FTN soutient que, pour se conformer à l'accord, le gouvernement doit respecter clairement les obligations qui en découlent. Par exemple, l'article 2 de l'accord prévoit que le gouvernement du Canada a l'obligation constitutionnelle de consulter étroitement l'organisation inuit en élaborant la loi de mise en oeuvre. Cette disposition existe parce que la loi doit être conforme à l'accord. Elle ne doit pas nous détourner des dispositions de l'accord qui ont déjà été enchâssées dans la Constitution.
Par conséquent, il est très important que l'organisation inuit collabore étroitement avec le gouvernement pour élaborer cette loi. Cela ne s'est pas produit dans ce cas-ci. Étant donné que le projet de loi C-51 est l'un des premiers à être présentés à la Chambre, nous estimons qu'il est très important de faire comprendre au gouvernement que ce genre de comportement est inacceptable.
Il y aura trois projets de loi supplémentaires. Je crois que celui qui concerne les droits de service doit être déposé très prochainement. Nous en avons discuté pendant plus de trois ans. Pour ce qui est du projet de loi sur les eaux du Nunavut, les discussions ont commencé en avril et ont été interrompues en juin... juste quelques semaines plus tard. Notre fédération estime que c'est tout à fait insatisfaisant.
Le projet de loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui doit également être déposé à la Chambre sous peu, est le produit d'au moins cinq années de négociations entre le gouvernement et les groupes autochtones de l'Ouest. Par conséquent, il est inacceptable que le gouvernement dépose un projet de loi concernant un aspect crucial de l'accord après des discussions qui n'ont duré que quelques semaines. Il a, en effet, l'obligation explicite, en vertu de l'accord et également en vertu de ses responsabilités de fiduciaire, d'accorder aux droits issus de traités l'attention qu'ils méritent.
M. Breitkreuz: En fait, vous nous demandez de ralentir le processus afin que nous ayons davantage de temps pour l'examiner.
Mme Leslie: Exactement. Ralentissez-le et faites comprendre, par la même occasion, que ce processus est inacceptable pour tout futur projet de loi concernant cet accord.
M. Breitkreuz: Merci.
Le président: Merci.
C'est maintenant au tour de MM. Anawak, Finlay et Murphy, dans cet ordre.
M. Anawak: Merci, monsieur le président.
Le problème est dû en partie au fait que la Fédération Tunngavik du Nunavut a fait ses commentaires à son député, qui se trouve être moi. Je siège du côté du gouvernement, ce qui ne m'empêche pas de m'opposer à certaines des choses auxquelles la fédération s'oppose et auxquelles le président de l'Office des eaux du Nunavut trouvera sans doute à redire en ce qui concerne ce projet de loi. Voilà pourquoi nous allons devoir l'examiner de plus près, étant donné que c'est le premier et qu'il se reflétera dans les autres projets de loi que nous aurons au sujet du Nunavut.
Nous sommes à 30 mois du Nunavut et nous devons commencer à mettre les organisations en place. Vous vous demandez pourquoi il y a déjà un office des eaux. Ce sont des offices de transition que l'on met en place en prévision de la création du Nunavut.
Maintenant que les membres du comité ont entendu la Fédération Tunngavik du Nunavut, il nous revient d'examiner le projet de loi de façon constructive et de décider si nous voulons l'adopter à tout prix, avec des amendements, ou l'examiner plus attentivement.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Finlay.
M. Finlay: Merci, monsieur le président.
J'ai trouvé ce mémoire très intéressant. Je voudrais poser une question au sujet de l'avant-dernier paragraphe concernant l'accord. Nous avons la copie de cet accord, mais je ne l'ai pas apportée avec moi aujourd'hui.
Il peut y avoir des divergences d'opinions et d'interprétation. Si j'ai bien compris, vous dites que si ce n'est pas spécifié dans l'accord, ce que le ministère, la Fédération Tunngavik du Nunavut, la Commission d'aménagement du Nunavut et les autres essaient de négocier ne peut pas entrer en ligne de compte.
Cette position me paraît impossible à défendre. Si l'accord couvre tout, contentons-nous de le traduire dans la loi. Mais ce n'est pas le cas. C'est un accord pour négocier, pour faire entrer ces dispositions en vigueur. Si nous répétons constamment que l'accord ne spécifiait pas ceci, mais disait cela, nous avons un problème d'interprétation. Mon interprétation, la vôtre, celle du gouvernement ou celle des rédacteurs du projet de loi pourront varier un peu, et cela peut être tout à fait légitime.
Peut-être n'est-il pas possible de tout régler aujourd'hui, mais je voudrais savoir... En dehors du processus, qui semblera rapide, je le reconnais... mais je vois des raisons pour lesquelles il aurait pu être encore plus rapide, à savoir que ce genre d'organisme fonctionne déjà, apparemment avec succès, dans l'Arctique de l'Ouest. Je me trompe peut-être. Il ne fonctionne peut-être pas si bien, mais j'aimerais savoir ce qu'il en est. Nous pourrions certainement nous inspirer, dans une certaine mesure, des modèles qui fonctionnent bien.
L'approbation requiert des consultations, c'est vrai. Cinq ans, c'est beaucoup. Nous avons peut-être toute la vie devant nous, mais je ne le pense pas. M. Anawak vient de dire que le Nunavut verra le jour en avril 1999, et il est donc ainsi urgent de mettre en place certaines de ces dispositions. Je me demande ce que vous en pensez.
Mme Leslie: Merci, monsieur Finlay.
Nous ne demandons pas que cela prenne cinq ans. D'un autre côté, le gouvernement a eu trois ans pour adopter ce projet de loi. Il s'est engagé, à l'article 10 de l'accord, à adopter cette mesure dans un délai de deux ans.
Dans les annexes jointes à notre mémoire se trouvent des lettres démontrant que la fédération a demandé à plusieurs reprises au gouvernement d'entamer les discussions sur ce projet de loi à compter de septembre 1993. Comme M. Eetoolook l'a déclaré, on s'est finalement entendu pour entamer le processus au printemps et à l'été 1995; cependant, les discussions n'ont pas vraiment commencé avant avril 1996. La Fédération Tunngavik de Nunavut n'a épargné aucun effort pour amener les parties à la table de négociation, car nous savons que les consultations prennent du temps. La fédération doit consulter les gens des diverses régions du Nunavut, et cela ne peut pas se faire très rapidement.
M. Finlay: Puis-je poser une question supplémentaire? Estimez-vous que si ces négociations n'ont pas commencé en 1993, c'était sans raison valide? J'en vois quelques-unes, mais c'est ce que vous semblez dire. Le ministère des Affaires indiennes n'a-t-il rien fait pour passer à la mise en oeuvre de l'accord? A-t-on laissé cette question de côté simplement parce que nous manquions de temps, de personnel ou d'intérêt? Pour quelle raison cela n'a-t-il pas été fait?
Mme Leslie: Vous devriez demander au ministère quelles sont ces raisons. Le manque de ressources et toutes sortes d'autres raisons entrent sans doute en jeu, mais selon nous le gouvernement s'est engagé à adopter ce projet de loi. On a établi quelles seraient les ressources nécessaires quand l'accord sur les revendications territoriales a été ratifié, et le gouvernement doit honorer son engagement, que cela l'oblige ou non à y consacrer des ressources et du personnel supplémentaires. Ce sont là des obligations que le gouvernement a contractées.
M. Finlay: Mais vous placez le gouvernement dans une situation impossible, n'est-ce pas? La date est passée. Nous ne pouvons pas retourner en 1993 et tout recommencer. Il faut agir maintenant.
Mme Leslie: Nous sommes d'accord, et voilà pourquoi l'accord prévoit un mécanisme qui établit les organismes. Ceux-ci sont déjà en place et jouent déjà un rôle actif. Au moins, ils n'ont pas attendu cette loi.
Ce que je désire vous faire comprendre, c'est qu'il n'est pas nécessaire d'adopter cette mesure législative à toute vapeur pour respecter un délai déjà expiré. Le gouvernement devrait prendre le temps de bien examiner ce projet de loi afin qu'une fois adopté il soit conforme à l'accord. En attendant, l'office des eaux - et je suis sûre qu'il vous le confirmera lors de son témoignage - est déjà en train d'interpréter le mandat que lui confère l'accord sur le Nunavut.
Je sais que je n'ai pas répondu à votre question de tout à l'heure quant à savoir si le projet de loi peut conférer des pouvoirs supplémentaires à l'office des eaux. Bien sûr que oui. L'article 10 comporte d'ailleurs une disposition stipulant que la loi peut conférer des pouvoirs et des fonctions supplémentaires. Nous n'y voyons pas d'objection.
En fait, de nombreuses dispositions de la loi sont parfaitement acceptables. Nous ne demandons pas de recommencer tout le travail à zéro, mais nous croyons qu'un certain nombre de dispositions ne sont pas conformes à l'accord et doivent être modifiées. Les dispositions du projet de loi qui sont contraires à l'accord sont inconstitutionnelles et doivent donc être supprimées.
M. Finlay: Toutes vos objections sont-elles précisées dans ce document?
Mme Leslie: Oui.
Le président: Monsieur Campbell, voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Alex Campbell (directeur général, Fédération Tunngavik du Nunavut): Oui. Je voulais ajouter que ce n'est pas la FTN qui a mis le gouvernement dans une situation sans issue. Le gouvernement doit s'en prendre à lui-même, car il n'a pas veillé à ce que le processus de consultation se déroule efficacement. Nous, nous avons fait tout ce que nous avons pu. Lois l'a dit tout à l'heure: nous avons essayé de mettre le processus en branle dès avril 1993.
Le président: Monsieur Braidek.
M. Alan Braidek (conseiller juridique, Fédération Tunngavik du Nunavut): Merci, monsieur le président. Je voudrais dire une seule chose en réponse aux remarques de M. Finlay.
Monsieur Finlay, l'office des eaux exerçait déjà son mandat dans la partie occidentale, et vous vous demandiez pourquoi il ne convenait pas de prendre pour modèle la loi créant l'office des eaux.
Je pense qu'il est important de se rendre compte que l'office que crée la Loi sur les eaux du Nunavut découle du règlement des revendications territoriales, et cette loi vise à mettre en oeuvre les obligations que contient l'accord. Les parties à l'accord se sont entendues pour doter cet office de structures précises, et pour définir quelles seraient ses relations avec les autres institutions du point de vue de la gestion de l'environnement et des ressources dans la région du Nunavut.
Il est essentiel de garantir que cet office sera structuré correctement. Voilà pourquoi l'on ferait fausse route si on lui donnait pour assises l'actuel Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest. Ce dernier ne remplit pas son mandat, qui est de faire valoir les priorités sur lesquelles sont tombés d'accord les Inuit et le gouvernement du Canada. Nous sommes en présence d'un office, d'une loi, qui ne doit son existence qu'à l'accord, et pourtant l'accord ne constitue pas le fondement du projet de loi. On a choisi plutôt une autre loi, la Loi sur les ressources en eaux des Territoires du Nord-Ouest, pour en faire le fondement de cette loi-ci.
Voilà la difficulté. La difficulté provient du fait qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi visant à mettre en oeuvre les obligations du gouvernement en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. C'est une loi qui se veut uniquement un expédient, pour veiller à ce qu'il y ait le moins de modifications possible au régime.
Les Inuit ont signé l'accord en se disant qu'il s'agissait là d'un changement radical dans les rapports qu'ils avaient eus jusque-là avec le gouvernement du Canada. Ces rapports sont désormais définis dans l'accord. Il est donc important que la loi reflète cette évolution. Nous avons l'impression qu'on n'a même pas essayé de tenir compte de cette modification dans les rapports entre les Inuit et le gouvernement du Canada alors qu'elle est au coeur de l'accord. Voilà pourquoi nous sommes persuadés que cette loi ne sera pas efficace, car, suivant la procédure prévue, le processus de consultation est loin d'être conçu dans l'esprit de l'accord.
Les dispositions de la loi définissent le rôle du ministre, l'autorité réglementante pour certaines choses, alors qu'il n'est absolument pas question de cela dans l'accord. Vous me direz que ce n'est pas parce que ces éléments ne se trouvent pas dans l'accord qu'ils doivent être absents de la loi, mais je vous répondrai qu'il faut prendre l'accord dans son ensemble.
Pour d'autres situations où il est prévu que le ministre jouera un rôle, l'accord est très précis. Par exemple, l'Office de gestion de la faune du Nunavut doit, suivant l'accord, avoir des rapports très précis avec le ministre. De la même façon, le comité sera saisi d'un projet de loi concernant la Commission d'aménagement du Nunavut. Dans l'accord, on trouve toutes les explications nécessaires au rôle du ministre et à ses rapports avec le conseil consultatif ou la commission, mais pour ce qui est de l'office des eaux, l'accord est muet. Aucun rôle n'est prévu pour le ministre, et, selon nous, c'est parce qu'on ne voulait pas lui en donner un. Voilà ce qui nous inquiète sérieusement.
Le président: Je vais donner la parole à M. Murphy.
M. Murphy: Je ne connais pas très bien cet accord, et le projet de loi, mais j'ai l'impression que vous venez de nous dire qu'il n'y a pour ainsi dire pas eu de consultations. Le processus qui aurait permis d'effectuer les changements que vous souhaitez ne s'est pas concrétisé.
J'ai le calendrier des consultations et le nombre de réunions, treize. J'aimerais simplement comprendre pourquoi le gouvernement du Canada n'a pas écouté. Je vois qu'en août 1995 il y a eu une réunion avec la FTN. Puis en octobre 1995 encore deux réunions suivies de quelques autres en janvier, février, mars et avril 1996. Ce sont 12 des 13 réunions au cours desquelles la FTN s'est entretenue avec quelqu'un. Je me demande pourquoi les points que vous abordez aujourd'hui ne l'ont pas été lors de ces réunions.
Comme je vous l'ai dit, c'est quelque chose de nouveau pour moi. Jack en a peut-être entendu parler. Je me demande pour quelles raisons on ne vous a pas écoutés. Est-ce que je me fais des idées? J'ai ce calendrier de consultation et j'essaie simplement de comprendre la raison pour laquelle vous dites aujourd'hui qu'il y a urgence alors qu'il est évident qu'il y a eu des consultations.
Mme Leslie: Malheureusement, le problème, c'est que c'est aussi tout nouveau pour nous. C'est le premier texte législatif proposé au Parlement en vertu de cet accord, et la FTN n'avait peut-être pas compris qu'il lui fallait exercer certaines pressions pour que le gouvernement du Canada respecte ses obligations.
La FTN croyait que pour discuter de cette proposition législative il lui fallait s'adresser au gouvernement du Canada et elle a tout fait, y compris réclamer des réunions politiques avec le ministre et les collaborateurs du ministre. La FTN pensait avoir fait tout ce qu'elle pouvait pour empêcher l'adoption de cette loi.
Il faudra peut-être à l'avenir que la FTN fasse appel aux parlementaires avant qu'un projet de loi ne soit déposé. Nous pensions qu'une fois ce projet de loi déposé, venir devant votre comité nous permettrait de freiner l'élan du gouvernement et de lui faire comprendre que sa proposition est inacceptable.
M. Murphy: Permettez-moi de vous poser une petite question à ce sujet. Les questions que vous soulevez, que vous avez si bien présentées, les avez-vous soulevées lors de ces consultations, et personne ne vous a écoutés? La FTN a rencontré quelqu'un douze fois. Personne ne vous a écoutés?
Mme Leslie: Je ne peux pas dire que personne ne nous a écoutés. Il y a certainement eu échange de vues lors de ces consultations et échange de correspondance. Toutes ces questions ont été soulevées.
La FTN estime que s'il y avait eu suffisamment de temps les parties concernées aurait peut-être pu résoudre certaines de ces questions. Certaines de ces questions dont nous parlons en détail dans notre mémoire concernent le manque de référence aux relations entre l'office des eaux et les autres institutions du gouvernement qui d'après nous doivent être clairement énoncées dans le projet de loi, ainsi que la mission de l'office. Les fonctionnaires du ministère nous ont répondu que cela valait la peine d'y consacrer d'autres discussions, et en fait il a été dit à la FTN que dans un avenir plus ou moins proche le projet de loi pourrait être modifié et que ces questions seraient alors prises en compte.
La FTN trouve bizarre d'envisager une modification ultérieure du projet de loi alors que ces problèmes ont été identifiés avant même que le projet de loi ne soit adopté.
Le président: Il nous reste quatre minutes. M. Anawak a demandé la parole. Nous vous accordons deux minutes pour la question et la réponse, et ensuite vous aurez deux minutes pour conclure vous-mêmes vos remarques. Monsieur Anawak.
M. Anawak: Merci.
Je crois qu'en partie notre problème, c'est que pour la première fois nous sommes saisis d'un projet de loi sur une entité non existante. C'est ça le problème.
Je crois qu'il va nous falloir probablement examiner de très près ce projet de loi et peut-être reprendre les discussions avec la Fédération Tunngavik du Nunavut ainsi qu'avec l'Office des eaux du Nunavut. Il va nous falloir comprendre que le problème pour la FTN, c'est l'application de la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest au Nunavut... Il faut comprendre que les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut sont deux régions totalement différentes. Le Nunavut fait partie des Territoires du Nord-Ouest, mais le Nunavut ne fera plus partie de ces territoires en 1999. Il sera dirigé par un gouvernement, par un groupe qui a une optique très différente de celle du gouvernement actuel des Territoires du Nord-Ouest.
Le président: C'est la demande que vous aimeriez pouvoir faire après l'audition des témoins?
M. Anawak: Je dis qu'il va nous falloir sérieusement réfléchir aux préoccupations de la FTN, et je crois que l'Office des eaux du Nunavut viendra encore les renforcer.
Le président: Très bien.
Des remarques de conclusion?
M. Eetoolook: Merci, monsieur le président. J'espère que vous prendrez en compte notre déposition concernant le projet de loi C-51. J'espère que désormais les communications concernant les lois rédigées ou adoptées par le Parlement seront meilleures. Nous resterons en contact. Merci de nous avoir écoutés. Nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël.
Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez confirmé l'importance d'inviter des témoins avant d'adopter une loi, car beaucoup d'entre nous avaient l'impression que cette affaire serait réglée très rapidement et que tout le monde était d'accord. Vous avez donc confirmé la nécessité d'inviter des gens comme vous, et nous vous remercions infiniment de votre participation. Merci.
Nous entendons maintenant les représentants de l'Office des eaux du Nunavut, Thomas Kudloo, président, et Philip Dipizzo, directeur général, et bien entendu tous les autres membres de la délégation.
Nous allons devoir aller vite. Nous avons dix minutes de retard.
Bonjour. Soyez les bienvenus. Je sais que j'ai déjà oublié quelqu'un. Pour commencer, je tiens à vous souhaiter du fond du coeur la bienvenue. Comme vous venez de l'entendre, vous confirmez l'importance d'inviter des témoins. Nous avons déjà beaucoup appris ce matin, et nous attendons avec impatience de vous entendre.
Avant que vous ne commenciez, voudriez-vous présenter vos collaborateurs, surtout celui que j'ai oublié? Nous avons une heure. Je vous en prie, commencez.
M. Thomas Kudloo (président, Office des eaux du Nunavut): Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Thomas Kudloo, et je suis président de l'Office des eaux du Nunavut. Je suis accompagné d'Alastair Lucas, le conseiller juridique de l'Office des eaux du Nunavut, et de Philip Dipizzo, le directeur général de l'Office des eaux du Nunavut.
L'Office des eaux du Nunavut a été officiellement constitué le 9 juillet 1996. Le ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien a nommé ses neuf membres, dont quatre sont nommés sur la recommandation de la FTN et deux sur la recommandation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le président est nommé par le ministre fédéral sur les conseils des autres membres de l'Office des eaux du Nunavut. Sept membres, y compris le président, composent actuellement l'office. Le ministre des Affaires indiennes devrait combler les deux postes toujours vacants très bientôt.
Un petit personnel de cinq employés à temps plein et deux coordinateurs régionaux partagés avec la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut et la Commission d'aménagement du Nunavut aident l'office. L'office est maintenant opérationnel, et son siège se trouve à Gjoa Haven, dans les Territoires du Nord-Ouest. Depuis sa création, l'office a examiné plusieurs projets et tenu une audience publique sur le renouvellement d'une licence d'eau pour Nanisivik Mines, dont le site se trouve près de la communauté d'Arctic Bay, dans le haut Arctique.
Bien entendu, l'Office des eaux du Nunavut n'est pas partie prenante de l'accord conclu entre les Inuit de la région du Nunavut et Sa Majesté la Reine du chef du Canada. Il est évident que le projet de loi C-51 l'intéresse au premier chef, et il a suivi de très près avec la FTN, le ministère et d'autres instances de gestion des ressources les discussions préparatoires concernant la législation sur la gestion des ressources et y a participé.
Nous avons eu l'occasion de lire le mémoire préparé par la FTN. Nous pouvons dire dès le départ que nous sommes en plein accord avec son interprétation de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et que nous partageons ses inquiétudes quant au libellé actuel du projet de loi C-51.
La FTN, en tant que signataire de l'accord, a soumis le projet de loi C-51 à une analyse juridique complète et détaillée. En conséquence, soumettre ce projet de loi à un autre examen juridique serait superfétatoire pour l'Office des eaux du Nunavut et n'amènerait pas plus d'eau au moulin. Nous préférerions plutôt nous concentrer sur certains aspects pratiques de cette proposition législative et sur les obligations morales que l'accord impose au gouvernement du Canada.
Je souhaite rappeler la nécessité de ne jamais oublier que l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est le résultat tangible de plusieurs années de longues et intenses discussions; c'est une question de principes. Cet accord n'était pas le premier accord sur des revendications territoriales concernant la région arctique du Canada, mais contrairement à la Convention de la baie James et du Nord québécois et à la Convention définitive des Inuvialuit, il a pour objectif une approche innovatrice et globale de la gestion des ressources dans laquelle les pratiques traditionnelles et contemporaines des Inuit sont placées sur le même plan que l'idéologie occidentale.
Les négociateurs inuit ont consacré des jours et des semaines, loin de leur famille et de leur communauté, à des débats qui parfois se poursuivaient tard dans la nuit. Après des discussions parfois animées ils sont revenus chez eux avec un document qui répondait à la majorité des demandes des Inuit du Nunavut. Ils ont dit à ceux qu'ils représentaient qu'ils avaient travaillé dur, qu'ils pouvaient leur faire confiance, que c'était un bon accord et qu'il faudrait le ratifier immédiatement. Ces derniers ont reconnu que cet accord, bien qu'imparfait, serait la fondation de nouvelles relations entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada.
Ils avaient espéré que leur patrie, qui pendant des décennies avait été administrée par le gouvernement fédéral, deviendrait bientôt le Nunavut - notre terre, notre territoire. Les négociateurs ont négocié de bonne foi et supposé, peut-être naïvement, que le gouvernement fédéral défendait les mêmes principes. Quelques années plus tard le projet de loi sur les eaux du Nunavut ne respecte pas nombre des dispositions de l'accord, et il est très tentant de conclure que le gouvernement fédéral essaie d'obtenir par le biais de ce projet de loi des concessions des Inuit que ses négociateurs n'étaient pas parvenus à obtenir pendant les négociations.
Même pour quelqu'un comme moi, sans formation juridique, il est évident qu'une lecture rapide montre que plusieurs dispositions importantes de ce projet de loi sont en contradiction flagrante avec l'accord.
Sur ce, je cède la parole à Philip.
M. Philip Dipizzo (directeur général, Office des eaux du Nunavut): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Philip Dipizzo et je suis le directeur général de l'Office des eaux du Nunavut.
Comme la FTN l'a mentionné, le projet de loi C-51 porte sérieusement atteinte à l'article 10 de l'accord. Premièrement, il ne faut pas oublier que l'Office des eaux du Nunavut a été établi sans loi habilitante le 9 juillet 1996. Cependant, en vertu de l'accord l'office aurait dû être cri un an plus tôt, soit le 9 juillet 1995.
De plus, comme la FTN l'a signalé, cette mesure législative aurait dû être rédigée en étroite collaboration avec la FTN, mais de toute évidence cela n'a pas été le cas, puisque la majorité des recommandations de la FTN, sinon toutes, n'ont pas été prises en compte à la suite du dépôt du projet de loi devant le Parlement en mai dernier. Il semble que le gouvernement fédéral ait décidé de précipiter cette procédure dans le but de régler les problèmes causés par son insuccès à faire adopter cette loi à temps, et bien entendu elle ne répond pas aux attentes ni de la FTN ni de l'Office des eaux du Nunavut.
Comme nous l'avons dit, l'office est actuellement opérationnel, mais dans un vide juridique. Dans un contexte très incertain et très déconcertant, l'absence de loi guidant nos gestes quotidiens crée de l'indécision et des risques inutiles pour l'office et son personnel. Depuis juillet dernier, tous les jours nous nous posons la même question chaque fois qu'un projet nous est soumis: qu'est-ce que nous en faisons? Devons-nous tenir une audience publique? Devrions-nous l'envoyer pour examen à la commission d'examen de l'environnement?
Sans une loi appropriée, les décisions de l'office prêtent le flanc à des contestations juridiques de tous les côtés - de promoteurs, de groupes d'intérêts, d'organisations inuit comme la FTN, etc. Lorsque nous avons exprimé nos inquiétudes au ministre des Affaires indiennes l'été dernier, nous nous sommes vu répondre qu'il n'y avait pas de problème, qu'il suffisait de suivre les dispositions du projet de loi C-51 et que nous serions protégés.
Cette suggestion était très contestable. Elle était en porte-à-faux avec les accords juridiques. Comme vous le savez, un projet de loi n'offre pas de protection juridique. C'est un simple bout de papier qui n'a aucune valeur tant qu'il n'a pas été approuvé par le Parlement. Un projet de loi peut être modifié, et même rejeté, et dans ce cas-ci la situation est même encore plus particulière, puisqu'un des signataires de l'accord récuse le projet de loi.
Suivre le projet de loi C-51 n'offre aucune solution à l'office. Si nous décidions de suivre le projet de loi sous sa forme actuelle nous serions coincés.
Il suffit de lire les dispositions de l'accord et celles du projet de loi C-51 pour savoir que nous avons clairement un problème. Il y a énormément de contradictions entre les deux documents. Il est difficile de sentir l'influence des principes de l'article 13 quand on lit ce projet de loi. On a l'impression que le gouvernement fédéral a opté pour la solution de facilité et utilisé comme prototype, comme gabarit, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest en ajoutant ici et là quelques références à l'accord. Bien que la lettre de l'accord, nous le reconnaissons, soit très peu explicite dans certains domaines, son esprit et son intention sont partout conséquents, et c'est tout à fait vrai pour les questions relatives à la gestion des ressources. En fait, il y a un lien structurel très fort entre l'article 13 de l'accord relatif aux eaux et les autres articles de l'accord.
Une omission importante du projet de loi C-51, c'est la non-reconnaissance du régime global de gestion des ressources et des terres cri par l'accord. Les relations entre l'office des eaux et les autres institutions gouvernementales, tout particulièrement la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut et la Commission d'aménagement du Nunavut, dans des dispositions spécifiques des parties 4 et 5 de l'article 13, qui prévoient une structure et une procédure coordonnées pour l'institution de cogestion, sont fortement diluées, pour ne pas dire inexistantes.
Nous estimons que les nombreux paragraphes de l'article 13 relatifs aux autres institutions de gestion devraient être reproduits intégralement dans le projet de loi C-51. Le projet de loi C-51 pose quelques problèmes mineurs qui pourraient être résolus par des consultations entre la FTN, l'Office des eaux du Nunavut et le gouvernement fédéral.
Un de nos problèmes majeurs concerne les pouvoirs du ministre. En vertu de l'article 13.7.1 de l'accord, l'Office des eaux du Nunavut est la seule autorité à pouvoir approuver toutes les utilisations des eaux et tous les dépôts de déchets dans toute la région du Nunavut. Ni la lettre, ni l'esprit, ni l'intention de l'article 13... Bien que le ministre fédéral ait le pouvoir d'approuver la délivrance, la modification ou l'annulation de notre licence pour les eaux, l'office a tout pouvoir dans ce domaine. Aucun pouvoir de décision n'est conféré au ministre, et nos décisions ne sont pas assujetties à l'approbation, à l'examen ou à la considération du ministre fédéral, sauf peut-être en matière de sécurité nationale.
Si telle avait été l'intention des rédacteurs de l'accord, ils auraient inclus une telle référence à l'article 13. Les dispositions concernant le rôle du ministre existent dans plusieurs autres dispositions de l'accord sur les revendications territoriales - -dans les articles 5, 11 et 12, par exemple, mais non pas dans l'article 13. Il n'est pas très convaincant de dire plusieurs années plus tard que l'absence d'un rôle direct ou indirect pour le ministre est la conséquence d'un oubli des négociateurs fédéraux.
Bien que nous comprenions que l'article 55 du projet de loi ait peut-être pour but de ménager un mécanisme de responsabilité directe pour le ministre, l'intention de l'accord n'était nullement de promouvoir ou de garantir un tel principe. En matière d'approbation ou de délivrance de licences par l'Office des eaux du Nunavut, il n'est nulle part question d'une référence quelconque au ministre et il devrait, en être de même dans ce projet de loi.
Un autre domaine important où le projet de loi C-51 s'écarte clairement de l'accord, c'est la compétence territoriale de l'office. L'office a plein pouvoir sur l'utilisation, les permis et la réglementation des eaux dans toute la région du Nunavut. Cependant, le projet de loi C-51 exclut les parcs nationaux de la compétence de l'office. Nous n'arrivons pas à déterminer d'où vient cette référence, si ce n'est peut-être d'un désir d'apaiser le ministre responsable des parcs nationaux. Encore une fois, l'accord a préséance sur toute autre loi. La référence aux parcs nationaux à l'article 36 et dans d'autres articles du projet de loi devrait être entièrement supprimée.
Une autre référence dans le projet de loi C-51 parle du siège de l'Office des eaux du Nunavut. L'accord dit simplement que le siège de l'office des eaux doit être situé dans la région du Nunavut. C'est l'office qui a la prérogative de décider où situer son siège. L'article 25 du projet de loi, qui dit que l'office des eaux situera son siège à Rankin Inlet, est tout simplement inapproprié. En fait, le projet de loi C-51 devrait simplement reproduire la disposition contenue dans l'accord.
Le président: Merci.
M. Dipizzo: Encore un paragraphe.
Le président: Allez-y, je vous en prie.
M. Dipizzo: Il y a un autre article du projet de loi qui pourrait bénéficier d'une petite correction; c'est celui qui traite des dépenses des membres de l'office des eaux. L'article 13.3.8 de l'accord prévoit que les membres seront indemnisés d'une façon équitable déterminée par le gouvernement lorsqu'ils exerceront leurs fonctions, en sus de leurs frais de déplacement et de séjour. Il me semble que l'article 23 du projet de loi pourrait être modifié pour qu'il soit conforme au texte de l'accord.
Je cède maintenant la parole à M. Lucas.
M. Alastair Lucas (conseiller juridique, Office des eaux du Nunavut): Merci, monsieur Dipizzo.
Monsieur le président et mesdames et messieurs, je m'appelle Alastair Lucas. Je suis conseiller juridique à l'Office des eaux du Nunavut. Je vais aborder plusieurs questions de fond, dans le même ordre d'idées que M. Philip Dipizzo.
Je tiens à souligner, comme l'a fait M. Dipizzo, que même si nous nous préoccupons du manque de détails entourant le cadre législatif établissant l'Office des eaux du Nunavut, ce dernier reste néanmoins une agence de réglementation du gouvernement du Canada dûment et légalement constituée et ne fonctionne pas dans un vide juridique.
Les dispositions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, et en particulier l'article 13, qui porte sur les ressources en eau et l'Office des eaux du Nunavut, ont été confirmées et ratifiées par la loi de mise en oeuvre; cela a donc pour effet de donner force de loi aux dispositions de l'article 13 et aux autres dispositions de l'accord portant sur les ressources en eau et sur l'office. Je répète donc que l'office est un organisme dont le mandat est légal et qui est constitué en droit.
Voilà pourquoi le projet de loi ne me semble pas être aussi urgent qu'il aurait pu le paraître au départ. En effet, je répète qu'il ne comble aucun vide juridique. Comme l'a signalé Thomas Kudloo, l'office fonctionne déjà et a tenu sa première audience publique. Il a rendu sa première décision pour la demande de la mine Nanisivik. Il administre de façon active les permis sur le territoire du Nunavut, reprenant à son compte les activités précédentes de l'Office des eaux des Territoires du Nord-Ouest.
Il est donc très clair qu'il s'agit là d'un office bien établi, constitué légalement et opérationnel.
Cela dit, pour l'office, le projet de loi ne fait que reprendre la loi créant l'office des eaux. C'est un peu comme si on reprenait entièrement la loi portant création de l'Office national de l'énergie.
Cela étant, on serait donc justifié de tenir des consultations détaillées et exhaustives avec l'office. Il y a eu des contacts avec des fonctionnaires des Affaires indiennes et des discussions. Le fait même que l'office comparaisse devant le comité pour l'informer de certains aspects bien précis de son fonctionnement et de son administration ne fait qu'illustrer mes propos. Il aurait fallu discuter plus en détail certaines choses bien précises avec l'office, mais il est toujours temps de le faire et d'incorporer au projet de loi certaines des suggestions présentées par l'office dans son mémoire.
J'aimerais aborder un ou deux points supplémentaires. D'abord, la responsabilité légale des membres et du personnel de l'Office des eaux du Nunavut. C'est une question qui préoccupe les membres de l'office et son personnel. Le common law prévoit au départ une certaine protection à leur égard, dans la mesure où les membres de l'office agissent en toute honnêteté et en toute bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions; mais la loi est suffisamment imprécise pour que l'on soulève certaines questions.
Le mémoire recommande d'inclure dans le projet de loi une disposition qui traiterait du risque potentiel de responsabilité des membres de l'office et de son personnel. Nous vous recommandons de vous inspirer de ce qui a été fait en regard de la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve. Nous avons d'ailleurs joint à notre mémoire copie de l'article 16 de cette loi, où vous trouverez un régime complet d'indemnisation et d'assurance pour les membres de l'office cri par cette loi.
Voici ce qui se passe: l'office puise à même son budget des opérations courantes pour acheter de l'assurance-responsabilité. À défaut d'obtenir cette assurance, le gouvernement du Canada accepte d'indemniser les membres de l'office au besoin, dans la mesure où ils ont agi en toute honnêteté et en toute bonne foi et en ayant à coeur les intérêts de l'office. C'est d'ailleurs ce que l'on attend des membres et du personnel de l'office.
De plus, si la couverture de cette assurance-responsabilité ne suffit pas, la disposition prévoit que le gouvernement du Canada assume toute indemnisation supplémentaire s'il y a des poursuites contre un des membres de l'office.
S'il semble suffisant de protéger ainsi les membres de la Commission des ressources sous-marines de l'Atlantique crie par la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve, et s'il semble que cela tient compte des préoccupations de cette commission, je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas de même pour répondre aux préoccupations des membres et du personnel de l'Office des eaux du Nunavut au sujet de toute responsabilité éventuelle.
Je répète que cette protection ne vaut que si les membres et le personnel de l'office ont agi honnêtement et en toute bonne foi et en ayant à coeur les intérêts de l'office.
Pour ce qui est maintenant des dispositions financières concernant l'Office des eaux du Nunavut, le paragraphe 30(1) du projet de loi C-51 porte que l'office soumet un budget à l'examen du ministre fédéral. L'office voudrait que cette disposition se rapproche encore plus de l'article 13.3.17 de l'accord, aux termes duquel le gouvernement fédéral assume les coûts de l'Office des eaux du Nunavut; nous voudrions donc que l'article 30 oblige davantage le gouvernement fédéral à assumer les coûts de l'office qu'il ne le fait actuellement.
Nous recommandons également, dans la même veine, que l'office se tourne du côté des frais de demande et d'utilisation de l'eau payés par les détenteurs de permis comme source supplémentaire de revenus, particulièrement à long terme. L'office recommande que ces frais soient versés dans une caisse d'administration de l'office qui serait établie par la loi et qui serait administrée par l'office; ces revenus serviraient également à payer les coûts de gestion générale des permis délivrés par l'office. L'office est d'avis qu'il convient de gérer les ressources en eau en fonction du principe de l'utilisateur-payeur et que cette méthode de gestion est nécessaire à long terme pour répondre aux intérêts des résidents du Nunavut.
D'autres offices ou commissions au Canada ont d'ailleurs opté pour ce principe de l'utilisateur-payeur. Ainsi, l'Energy and Utilities Board de l'Alberta finance 50 p. 100 de ses frais de fonctionnement par le truchement de frais perçus annuellement auprès des exploitants des puits de pétrole et de gaz. Nous pensons qu'on pourrait faire de même en créant une caisse d'administration à l'Office des eaux du Nunavut, caisse qui représenterait pour ce dernier une source de revenus permanente.
La loi ne prévoit pas de budget pour les interventions. C'est d'ailleurs un problème auquel s'est heurté l'office au moment de sa première audience, et c'est un problème qui ne risque pas de disparaître. Il s'agirait de faire en sorte que les intervenants, groupes et organisations de citoyens sur le territoire du Nunavut - je ne parle pas nécessairement d'organismes tels que la Fédération Tunngavik du Nunavut, mais de particuliers qui pourraient vouloir intervenir pour demander un permis - reçoivent les fonds voulus pour préparer convenablement leur témoignage et intervenir de façon efficace. Il faut donc que l'office des eaux ait le pouvoir de mettre de côté un budget d'intervention. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a récemment été modifiée pour inclure la possibilité de créer un programme de financement des interventions à l'intention des offices et des commissions d'examen relevant de la Loi sur l'évaluation environnementale. Nous recommandons d'inclure une disposition similaire dans le projet de loi C-51.
Enfin, nous recommandons de modifier l'article 80 du projet de loi, article qui énumère les pouvoirs de réglementation du Cabinet. Je n'aborderai pas cette question en détail, mais je me ferai l'écho des doléances exprimées par la FTN dans son mémoire. Vous pouvez vous reporter à ce mémoire pour tous les détails. Ce qui préoccupe notre office, c'est que l'on accorde au gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, comme il se doit, des pouvoirs de réglementation. Or, il n'est aucunement prévu de consulter l'office des eaux, et encore moins de lui demander son aval, dans le cas de règlements qui sont émis en vue d'autoriser, par exemple, le rejet de déchets sans permis au Nunavut.
Lorsqu'il s'agit de règlements de ce genre, nous estimons qu'il conviendrait non seulement de consulter l'office, mais aussi d'obtenir son accord sur la structure de la réglementation et sur la forme définitive qu'aura le règlement. Autoriser le rejet de déchets sur le territoire du Nunavut va au coeur même du pouvoir de décisions de l'office des eaux. Voilà pour les recommandations spécifiques que vous fait l'Office des eaux du Nunavut.
Une dernière chose, monsieur le président et mesdames et messieurs du comité. J'ai reçu une demande de la part de M. William Tilleman, conseiller juridique de la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut, institution qui s'intéresse à l'évaluation et à l'examen de l'incidence sur l'environnement... Cette commission fait partie du processus intégré d'utilisation et de gestion des terres dont parlait la FTN, et ses activités sont reliées à celles de l'office des eaux. M. Tilleman a déposé une lettre auprès du comité. Qu'il suffise de dire que la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut appuie et entérine les recommandations écrites de l'office des eaux et appuie les recommandations de la FTN, dont M. Tilleman a révisé l'ébauche. Cela permet d'illustrer que le véritable enjeu est ici l'intégrité de l'accord sur les revendications territoriales.
Si la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut intervient de cette façon, c'est parce que ses activités et son mandat sont intimement liés à ceux de l'office des eaux. C'est d'ailleurs pourquoi j'attire l'attention du comité sur l'intervention que M. Tilleman a faite au nom de la commission d'examen.
Voilà tout ce que j'ai à dire. Thomas Kudloo voudra peut-être ajouter quelque chose.
M. Kudloo: Merci. Même si nous souhaitons vivement que la Loi sur les eaux du Nunavut nous donne un cadre juridique dans lequel fonctionner, nous préférerions garder le statu quo plutôt que de travailler en nous fondant sur une mesure législative aussi incomplète et incohérente que le projet de loi C-51, d'autant plus que plusieurs de ses articles pourraient sans doute être contestés devant les tribunaux. En effet, dans son libellé actuel, le projet de loi ne change pas grand-chose au statu quo.
Pour le bonifier, il faudrait travailler de façon beaucoup plus étroite avec la FTN. Une bonne loi est essentielle. Le gouvernement ne devrait pas essayer de faire adopter à la hâte le projet de loi sans avoir auparavant obtenu le plein consentement de la FTN. Entre-temps, l'accord prévoit des solutions de rechange qui nous permettraient de mieux fonctionner. Voilà pourquoi nous proposons l'adoption du règlement par le gouverneur en conseil au titre de l'article 13.7.3 de l'accord, ce qui permettrait d'établir une liste de catégories de projets qui ne seraient pas soumis aux audiences publiques de l'office.
La meilleure façon de faire, c'est d'accepter la proposition de règlement que nous recommandons. Cette proposition reconnaît la compétence et l'expérience de première main de l'office en matière de gestion des eaux et en ce qui concerne le processus d'approbation envisagé à l'article 13 de l'accord. Nous avons d'ailleurs présenté notre proposition au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, et nous espérons qu'il nous répondra favorablement sous peu.
Merci.
Le président: Merci. Passons maintenant aux questions des membres du comité. Monsieur Bachand.
[Français]
M. Bachand: Je vous remercie pour votre présentation. Si je l'ai bien comprise, contrairement à la Fédération Tungavik de Nunavut, vous nous suggérez des amendements au projet de loi. J'ai remarqué une dizaine de points. Si ces points sont corrigés, serez-vous d'accord sur le projet de loi C-51?
Deuxièmement, monsieur Lucas, vous avez parlé dans votre présentation d'un established legally-constituted board. Cependant, à la page 4 de votre présentation, vous dites:
[Traduction]
- ...l'absence de loi guidant nos gestes quotidiens crée de l'indécision et des risques inutiles pour
l'office et son personnel.
Pourriez-vous expliquer au comité ce que vous faites actuellement du côté du Nunavut Water Board? Comment procédez-vous? Je crois comprendre que vous n'en êtes pas certain.
Vous dites un peu plus loin que quand vous avez un projet devant vous, vous ne savez pas très bien comment fonctionner. Pourriez-vous nous expliquer d'abord votre fonctionnement et ensuite nous expliquer pourquoi vous nous dites, monsieur Lucas, que c'est un corps constitué légalement, mais qu'il y a du risque et de l'indécision? Si c'est un corps constitué légalement, les membres de ce corps devraient normalement être protégés.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous dites dans le texte qu'ils ne sont pas protégés? Étant donné que c'est un corps légalement constitué, ils devraient être protégés, à mon avis. Pourriez-vous aussi nous dire si vous seriez d'accord sur le projet de loi C-51 si on retenait les amendements que vous nous avez présentés?
[Traduction]
M. Lucas: C'est une question de détail. L'office fonctionne aux termes de l'accord et de la loi habilitante. Il a élaboré ses propres règles de pratique et de procédure, en vertu desquelles il a tenu une audience publique au sujet de la demande de la mine de Nanisivik dont je vous ai parlé plus tôt.
Par ailleurs, l'accord reste muet sur plusieurs points spécifiques, comme par exemple le risque de poursuites contre les membres et le personnel de l'office que j'ai mentionné. Une disposition en ce sens est donc nécessaire, surtout pour des raisons d'incertitude juridique.
Il est vrai que les membres des organismes de réglementation sont protégés par une immunité relative, ce qui signifie qu'ils ne peuvent être poursuivis pour des mesures qu'ils ont prises dans le cadre de leurs responsabilités, dans la mesure où ils ont agi en toute bonne foi et en ayant clairement à coeur leurs responsabilités. Mais cela n'est pas suffisamment précis pour éliminer tout doute au sujet de la responsabilité.
Voilà pourquoi il a été jugé nécessaire d'inclure une disposition dans la Loi de mise en oeuvre de l'Accord atlantique-Canada-Terre-Neuve, pour donner encore plus de balises et protéger un peu plus les membres de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers.
Pour ce qui est de votre première question, nous ne disons pas de façon catégorique qu'il faut retirer le projet de loi. Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que le projet de loi présente plusieurs difficultés et nous préoccupe à plus d'un point de vue.
Toutefois, certaines de ces difficultés sont fondamentales, et je pense par exemple au pouvoir du ministre d'approuver les décisions de l'office. L'office a décidé que l'accord primait à cet égard, et en insérant une disposition en ce sens dans le projet de loi C-51, vous allez à l'encontre de l'accord sur les revendications territoriales. Nous sommes d'ailleurs d'accord avec la FTN là-dessus.
Le président: Monsieur Breitkreuz.
M. Breitkreuz: Je n'ai pas de question pour l'instant.
Le président: Quelqu'un veut poser des questions du côté ministériel? Monsieur Finlay.
M. Finlay: Merci, monsieur le président.
Vous avez présenté de bonnes suggestions en vue d'améliorer le projet de loi. Personnellement, je m'intéresse de près au budget d'intervention. Vous ne le savez peut-être pas, mais j'ai déposé à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire, sur lequel nous travaillons activement.
Vous avez raison de dire qu'afin de prendre la meilleure décision qui soit il faut aller chercher la participation de spécialistes qui représentent d'autres milieux, outre le gouvernement, le parrain de la proposition ou le fonctionnaire. Toutefois, cela m'inquiète un peu. Vous dites ceci à la page 2:
- Leur peuple a convenu que cet accord, bien qu'imparfait, constituerait néanmoins le fondement
de nouvelles relations entre les Inuit du Nunavut et le gouvernement du Canada.
Au bas de la page 5, vous affirmez ceci:
- Dire plusieurs années plus tard que l'absence d'un rôle que pourrait jouer le ministre
directement ou indirectement est le résultat d'une omission n'est pas très convaincant...
Le président: Monsieur Finlay, posez votre question, je vous prie.
M. Finlay: Pourquoi accorder une exemption à l'eau?
M. Lucas: Parce que c'est ce qui a été convenu et que c'est ce que stipule, d'après l'office, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. S'il avait été prévu que le ministre devrait donner son aval à toutes les décisions de l'Office des eaux du Nunavut, cela aurait dû être stipulé clairement. Il existe ailleurs dans l'accord certaines dispositions prévoyant l'approbation du ministre, et elles ont été négociées.
Il existe plusieurs autres exemples de ce genre: de nombreux organismes de réglementation similaires dans les provinces peuvent prendre des décisions sur la gestion de l'environnement, y compris des décisions sur la gestion des ressources en eau, sans qu'elles soient soumises à l'approbation directe du ministre. Elles ne peuvent faire l'objet que d'une surveillance et d'un examen de politique de la part du ministre, et peuvent toujours donner lieu à des amendements à la loi. Nous estimons que c'est exactement ce qui était prévu ici.
M. Finlay: Sans être avocat, j'ai tout de même l'impression que ce qui vient d'être dit permet de résoudre le problème. Je pense qu'il s'agit d'une erreur d'omission, et non pas d'une erreur commise. L'office et vous-même semblez être d'avis que, puisque la situation est prévue pour les terres et pour les d'autres offices ou commissions, cela constitue une omission dans le cas de l'eau. C'est une façon de voir les choses. Je ne suis pas sûr qu'elle soit très convaincante Vous voyez, l'eau ne reste pas toujours au même endroit; elle circule. Est-ce que parler de responsabilité, c'est faire preuve de bon sens? Je me le demande. Vous dites que vous êtes d'accord pour qu'il y ait certaines normes, etc. Mais ce que je dis, pour ma part, c'est qu'il est possible de changer les attitudes ou de changer les critères, si c'est pour le bien de tous, et si cela se fonde sur de nouvelles données.
M. Lucas: En ce qui concerne l'approbation ministérielle pour l'office des eaux, cela demeure une question d'interprétation, et l'organisation actuelle des choses pourrait fort bien être justifiée. Dans mon expérience d'avocat spécialisé dans les ressources naturelles et l'environnement, les dispositions d'approbation ministérielle sont plus fréquentes dans le cas de processus d'évaluation environnementale axés sur des examens, dans le cas de processus qui n'aboutissent pas à des permis, mais plutôt à une série de recommandations quant aux conditions, etc.
La décision finale allie réglementation et décisions politiques, et il ne s'agit pas d'un organisme qui délivre des permis, comme un office des eaux qui reçoit une demande, étudie cette demande, pèse le pour et le contre, et tient des audiences avant de prendre une décision finale. Il se pourrait fort bien que cette distinction soit très justifiée. La Loi sur les eaux internes du Nord ne prévoyait pas d'approbation ministérielle, et, comme on l'observe dans le mémoire de la FTN, c'est ce qui a servi de référence pour l'accord du Nunavut et l'article 13.
Le président: Monsieur Anawak, vous avez quatre minutes.
M. Anawak: Merci, monsieur le président. Je m'en tiendrai à des observations sur le projet de loi.
À mon avis, l'Office des eaux du Nunavut et la FTN ont présenté d'excellents arguments, et c'est à nous maintenant d'y donner suite. Je pense que nous devrions demander aux représentants du ministère de revenir discuter de ces préoccupations, car c'est à eux...
Le président: Nous nous en occuperons. Nous ferons cette invitation lorsque la séance avec les témoins d'aujourd'hui sera terminée.
M. Anawak: Je voulais seulement m'en assurer. En l'absence de changements de fond, il se pourrait qu'on ne donne pas suite à cela.
Deuxièmement, je ne crois pas qu'il y ait ici des représentants de la Commission d'examen des projets de développement du Nunavut. Devons-nous déposer la lettre qu'ils nous ont envoyée, ou bien cela est-il déjà fait?
Le président: La lettre a été communiquée à tous les membres du comité.
Lorsque nous en serons à l'article 2 du projet de loi, n'importe qui pourra déposer n'importe quel document.
Y a-t-il des observations en guise de conclusion?
M. Lucas: Monsieur le président, voilà donc la position de l'Office des eaux du Nunavut, et l'office remercie le comité pour son attention.
Le président: Nous tenons à vous remercier infiniment pour les excellentes informations que vous nous avez apportées; cela nous sera très précieux pour notre évaluation. Merci.
J'invite maintenant Dick Spaulding, conseiller à la Commission d'aménagement du Nunavut, à s'approcher.
Monsieur Spaulding, nous vous souhaitons la bienvenue. Est-ce que vous étiez là au début quand j'ai expliqué notre procédure habituelle?
M. Dick Spaulding (conseiller, Commission d'aménagement du Nunavut): Oui, j'étais là.
Le président: Vous avez une heure; si vous prenez l'heure entière, il ne nous restera pas de temps pour vous poser des questions. Vous connaissez la procédure. Je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à commencer.
M. Spaulding: Merci, monsieur le président, membres du comité. Mon intervention ne prendra certainement pas une heure; je pense qu'il me suffira d'une quinzaine de minutes.
La Commission d'aménagement du Nunavut a soumis un mémoire écrit que je n'ai pas l'intention de lire. Le mémoire s'intéresse à deux questions de fond relatives au projet de loi, et dans les deux cas il s'agit des relations entre la Commission d'aménagement du Nunavut et l'Office des eaux du Nunavut, telles que prévues par le projet de loi.
D'après l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, l'office des eaux est tenu de refuser une demande de permis qui n'est pas conforme à un plan d'utilisation des terres approuvé ou qui n'a pas reçu une dérogation de la Commission d'aménagement du Nunavut. Cette exigence de l'accord ne figure pas dans ce projet de loi, et la Commission d'aménagement du Nunavut considère que c'est une exigence fondamentale de l'accord. C'est un élément fondamental pour l'intégrité du système de gestion du territoire et des eaux tel que déterminé par l'accord, et cela devrait figurer dans ce projet de loi.
Notre second argument, c'est que l'accord, encore une fois, oblige à soumettre toute demande de permis à la Commission d'aménagement du Nunavut avant de pouvoir la porter à l'attention de l'office des eaux. Encore une fois, le projet de loi ne précise pas cela. La Commission d'aménagement du Nunavut pense que cela devrait être précisé.
Voilà donc les deux recommandations de fond de la Commission d'aménagement du Nunavut. Nous avons également réfléchi à la façon dont on pourrait exprimer ces recommandations sous forme d'amendements. La commission est d'accord avec les amendements proposés par la FTN et qui figurent dans le projet de mémoire que nous avons vu.
J'aimerais m'assurer que ce projet de mémoire n'a pas changé, et, pour ce faire, je vais lire les amendements en question. Ils se trouvent au bas de la page 4 de l'exposé de la commission.
- (1) L'office fait parvenir toutes les demandes à la Commission d'aménagement du Nunavut,
qui vérifie si elles sont conformes à un plan d'utilisation des terres approuvé...
- Le mot «conforme», c'est la modification que nous suggérons à l'énoncé de la FTN.
- (2) Sous réserve de cet article, l'office ne modifie pas un permis existant et n'attribue pas un
permis lorsque la Commission d'aménagement du Nunavut a déterminé que la demande n'est
pas conforme à un plan d'utilisation des terres ou qu'une dérogation n'a pas été approuvée par la
commission, à moins que le requérant n'ait obtenu une exemption du ministre en ce qui
concerne la conformité...
En écoutant les autres intervenants ce matin, monsieur le président, je me suis aperçu que les rédacteurs défendaient certaines omissions dans le projet de loi sous prétexte que cela simplifiait le projet de loi en limitant ses dispositions au mandat de l'office des eaux dans le cadre d'un système dont nous devons reconnaître qu'il s'agit d'un système intégré qui pourrait déboucher sur une mesure législative beaucoup plus large.
D'après la commission d'aménagement, ce problème, qui est très sérieux pour les auteurs de ce projet de loi, devrait être réglé en considérant que ce principe est une exigence minimum. Un projet de loi de ce genre, dont on dit dans le sommaire qu'il met en oeuvre les dispositions de l'accord sur les revendications territoriales qui touchent la gestion des eaux, devrait comprendre toutes les exigences du système qui sont liées directement au mandat de l'office des eaux. Les deux omissions mentionnées par la commission ont trait au mandat de l'office des eaux. La commission est représentée ici aujourd'hui parce que ces dispositions l'intéressent au plus haut point. Les activités d'aménagement du territoire de la commission sont en cause également, mais cela a trait directement au mandat de l'office des eaux.
Le mémoire écrit de la commission contient également plusieurs arguments qui viennent renforcer la position que nous prenons aujourd'hui. J'aimerais relever certains de ces arguments, et pour commencer le fait que le projet de loi devrait préciser clairement les conditions qui justifient le rejet d'une demande de permis pour non-conformité.
En premier lieu, il y a l'article 10.2.1 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui prévoit que la loi de mise en oeuvre doit préciser les tâches de l'institution régie par la loi. Nous faisons observer respectueusement que la fonction qui consiste à refuser un permis pour non-conformité est une fonction primordiale de l'office des eaux, et que par conséquent elle a sa place dans cette loi.
Deuxièmement, toujours au sujet du même amendement, il faut s'interroger sur ce qui se produirait si cet amendement n'était pas adopté. Comment le projet de loi sera-t-il perçu par les requérants, par les Inuit et par l'ensemble du public? À notre avis, on risque d'y voir quelque chose de fondamentalement illogique. Cela causerait une certaine confusion dans l'esprit des parties qui sont censées bénéficier de cette loi.
Voici ce qui est illogique: l'article 41 du projet de loi prévoit que l'office des eaux peut délivrer des permis. Le projet de loi énonce aussi avec passablement de détails les conditions qui doivent être remplies par une demande pour qu'un permis soit délivré. Ces conditions comprennent les objectifs du projet de loi, ainsi que des directives informatives qui peuvent être stipulées par l'office des eaux ainsi que certaines conditions d'obtention du permis qui sont stipulées dans le projet de loi. Sans vous donner plus de détails, par rapport au projet de loi C-51 et à l'accord, il ne serait pas logique de décider que l'office des eaux peut délivrer un permis lorsque toutes ces exigences sont remplies, mais qu'en même temps, d'après la commission d'aménagement des terres, il n'y a pas conformité en ce qui concerne l'aménagement des ressources en eau.
On pourrait considérer que ce problème est résolu au paragraphe 3(1) du projet de loi, qui prévoit qu'en cas de dispositions incompatibles ou de conflits entre ce projet de loi et l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, c'est l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut qui prévaut. Eh bien, c'est tout à fait exact, et cela signifie que sur le plan constitutionnel, les décisions de non-conformité de la Commission d'aménagement du Nunavut finiront par être exécutoires pour l'Office des eaux du Nunavut. Mais, à notre avis, il n'y a aucune raison d'inscrire dans un tel projet de loi des dispositions incompatibles et des situations de conflit. Ce projet de loi est censé appliquer les dispositions de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, et il devrait donc être conçu en conséquence.
Les raisons pour lesquelles nous proposons un amendement qui précise aussi que les demandes de permis doivent être soumises à la commission d'aménagement avant d'être soumises à l'office des eaux sont comparables. C'est une exigence implicite de l'accord; ce n'est pas une exigence explicite. Toutefois, c'est tout aussi évident, puisque l'accord précise que la commission d'aménagement doit exercer certaines fonctions, doit étudier les demandes pour déterminer si elles sont conformes, avant que l'office des eaux ne prenne des décisions. Logiquement, la commission d'aménagement doit donc être saisie de ces demandes avant l'office des eaux.
Je le répète, si cela n'est pas précisé, le projet de loi risque de susciter de la confusion chez les bénéficiaires et chez les clients du système de permis.
Enfin, la commission considère que ces deux amendements sont nécessaires. Et s'ils sont nécessaires, c'est parce que les auteurs de l'accord, qui est à l'origine de ce projet de loi, ont jugé bon de les introduire dans l'accord en ce qui concerne la gestion des eaux, et non pas l'aménagement.
L'accord proprement dit précise qu'il s'agit bien d'un système intégré, que ces dispositions portent sur le fonctionnement de la commission d'aménagement tout autant que sur l'office des eaux, mais, néanmoins, il ne place pas ces exigences dans la partie consacrée à l'aménagement, mais bien dans la partie consacrée aux eaux, c'est-à-dire l'article 13.
Merci, monsieur le président. Voilà donc mes observations, qui portent sur le fond, et qui sont bien spécifiques. Elles reflètent un certain nombre de préoccupations dont il a déjà été question ce matin.
Le président: Merci.
Avant de passer aux questions, peut-être mes collègues ont-ils compris, mais j'aimerais avoir une précision au sujet des mandats de la commission d'aménagement en ce qui concerne l'utilisation des terres; dans quelles circonstances faut-il se procurer un permis approprié? Par exemple, supposons qu'une personne demande un permis visant l'utilisation des eaux; il faudrait préciser sur la base de quels critères on délivre ce permis. Supposons qu'on ait mentionné une utilisation spécifique des terres, mais qu'on dépasse les conditions du permis d'utilisation des eaux; dans ces conditions, le comité d'aménagement - j'ai plutôt tendance à les appeler commissions - refuserait le permis pour l'utilisation des terres. Les deux entités ont donc une compétence égale, et si elles ne réussissent pas à se mettre d'accord, le requérant n'obtient pas son permis pour l'utilisation des terres?
Si j'ai bien compris l'aspect aménagement - et j'ai siégé pendant plusieurs années à des offices d'aménagement - le comité d'aménagement exige que le requérant se conforme aux dispositions. Évidemment, il y a le critère de l'environnement, de l'utilisation des eaux, et c'est au requérant de s'assurer qu'il respecte toutes les exigences. Est-ce que votre système est différent? Pourriez-vous nous expliquer cela en quelques instants?
M. Spaulding: Tout d'abord, il faut dire qu'en vertu de l'accord, les eaux sont incluses dans l'aménagement du territoire; il n'y a donc pas séparation des pouvoirs au sein de la Commission d'aménagement du Nunavut. Les plans de la commission s'appliquent tout autant au régime en matière d'eau qu'en matière de sol.
Si j'ai bien compris votre question, il s'agit de déterminer si c'est au demandeur qu'il incombe de s'assurer que la demande est conforme aux exigences de la commission d'aménagement avant de présenter cette demande à l'office des eaux. Ai-je bien compris?
Le président: Si la demande ne satisfait pas la commission d'aménagement, elle pourrait exiger que le demandeur la corrige. Voici un exemple. Dans ma circonscription, l'Inco a mis une mine en chantier. J'ai déjà mentionné cet exemple. Le terrain exploité a une superficie de 400 pieds sur 300 pieds. Toute l'eau y est recyclée. Il n'y a aucun effluent. L'Inco a mis en place un système hermétique dans lequel toute l'eau est réutilisée.
Selon les différents plans d'aménagement du territoire qui existent dans notre région, l'Inco n'aurait sans doute pas rempli les conditions d'obtention d'un permis, mais la commission d'aménagement a exigé que... Je suppose que, sachant que sa demande ne serait pas approuvée, l'Inco y a apporté les corrections nécessaires avant de la présenter. Elle a mis au point un système qui, après avoir reçu l'aval de l'office des eaux, satisfaisait la commission d'aménagement. Nous, nous parlerions d'environnement.
Qui contrôle le processus, la commission d'aménagement ou l'office des eaux?
M. Spaulding: Si la demande de permis d'utilisation des eaux déroge à un plan, alors c'est la commission d'aménagement qui rend la décision. Le demandeur doit recommencer le processus. Il y a cependant deux autres possibilités. Tout d'abord, si la demande ne déroge que légèrement aux exigences de la commission d'aménagement, telles qu'elles sont établies dans les plans d'aménagement du territoire, la commission peut, en vertu de ses propres pouvoirs, autoriser la dérogation.
Sinon, une fois que l'office des eaux, a conformément à l'accord, rejeté la demande pour défaut de conformité, le demandeur peut encore en appeler au ministre, en vertu d'une procédure spéciale, pour essayer d'être exempté des exigences de la commission d'aménagement.
Le président: Une dernière question, brièvement. Tenez-vous des audiences publiques à l'égard de ces demandes afin que la collectivité, ou du moins les propriétaires des terrains avoisinants, aient l'occasion de faire entendre leur opinion?
M. Spaulding: La commission d'aménagement tient surtout des audiences lorsqu'elle ébauche et met au point des plans d'aménagement du territoire, avant de soumettre ceux-ci au gouvernement. Chaque fois que la commission établit un plan d'aménagement du territoire au Nunavut, elle doit tenir des audiences publiques dans la région touchée par le plan. C'est l'une des exigences de l'accord.
Les dispositions de l'accord n'exigent pas la tenue d'audiences pour vérifier la conformité de chaque projet proposé. La commission pourrait peut-être recevoir le témoignage de certaines personnes, mais c'est une question qui ne s'est pas encore posée.
Le président: La différence entre le régime du Nunavut et celui de l'Ontario, c'est donc la possibilité d'en appeler devant la Commission des affaires municipales de l'Ontario. Au Nunavut, c'est le ministre qui reçoit les appels. Est-ce exact? Si votre demande est rejetée et que vous désirez en appeler...
M. Spaulding: Il ne s'agit pas d'un appel, mais plutôt d'une exemption spéciale. D'une façon générale, l'accord prévoit que les décisions rendues par la commission en matière de conformité sont sans appel, sous réserve d'une dérogation.
Le président: Je prie mes collègues de m'excuser d'avoir pris autant de temps.
[Français]
M. Bachand: Merci beaucoup, monsieur le président, d'avoir volé ma question. Je vais la présenter d'une autre façon.
Monsieur, au titre des appropriate revisions, vous dites:
[Traduction]
- L'office doit transmettre toutes les demandes à la Commission d'aménagement du Nunavut,
qui s'assure qu'elles sont conformes au plan approuvé d'aménagement du territoire...
Puis vous ajoutez:
[Traduction]
- D'après cet article, l'office ne peut ni délivrer ni modifier de permis si la Commission
d'aménagement du Nunavut a résolu que la demande n'est pas conforme au plan
d'aménagement du territoire...
Je voudrais juste que ce soit très clair. Je crois que vous considérez la Nunavut Planning Commission supérieure au Nunavut Water Board. Le Nunavut Water Board est conditionné au Nunavut Planning Commission. Vous êtes supérieur, vous avez le Nunavut Water Board sous votre gouverne. Il me semble que l'ensemble des demandes vont devoir vous être présentées en premier lieu et vous avez le dernier mot pour dire oui ou non aux demandeurs. Vous dites même aux gens du Nunavut Water Board que s'ils veulent réviser, modifier ou émettre une licence, ils doivent d'abord passer par le Nunavut Planning Commission. Est-ce que je me trompe ou si c'est bien ce que je lis?
[Traduction]
M. Spaulding: Il ne s'agit pas des caprices de la commission, mais bien des exigences de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. C'est en vertu de cet accord que le régime est établi.
Ce n'est pas que la commission ait préséance sur l'office des eaux, mais plutôt que ses pouvoirs sont plus généraux, alors que l'office des eaux délivre des permis à l'égard de projets. Le mandat général de la commission d'aménagement consiste à planifier l'utilisation des eaux et du territoire, et c'est dans ces plans que l'on trouve ces exigences très générales.
Lorsque la commission d'aménagement détermine qu'une demande de permis d'utilisation des eaux est conforme au plan - et c'est le pouvoir qui, d'après nous, devrait être précisé dans le projet de loi - l'office des eaux peut ensuite, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'accord et par la loi, décider d'en étudier certains aspects particuliers, comme par exemple les conditions relatives à l'élimination des déchets qui assortissent le permis. La commission n'a donc pas davantage de pouvoirs, mais plutôt des pouvoirs plus généraux.
Le deuxième argument porte sur la séquence des étapes dans le traitement des demandes. Nous ne voulons pas que la commission d'aménagement ait le dernier mot dans l'octroi des permis d'utilisation des eaux, mais elle devrait être la première à examiner les demandes de permis, les examiner en regard de son mandat, pour ensuite les transmettre à l'office des eaux, qui en ferait autant.
Le président: Quelqu'un a-t-il d'autres questions à poser?
Nous discutions pour déterminer qui, de la commission d'aménagement du territoire ou de l'office des eaux, est l'instance supérieure. La commission d'aménagement s'occupe de l'aménagement du territoire; si elle n'est pas d'accord avec les décisions de l'office des eaux, elle peut refuser de délivrer un permis d'aménagement du territoire. Est-ce exact?
M. Spaulding: La commission d'aménagement ne délivre pas de permis; son rôle consiste à s'assurer de la conformité des demandes au plan. Le régime d'autorisation d'aménagement du territoire continue de fonctionner, sous réserve des décisions de la commission en matière de conformité, mais sans que soient utilisés ses mécanismes.
Je tiens à répéter que les pouvoirs de la commission d'aménagement s'appliquent tout autant aux eaux qu'au sol. L'examen que fait la commission est tout simplement plus général que celui que fait ensuite l'office des eaux.
Le président: Merci beaucoup. Cela nous montre un autre aspect de la question.
Chers collègues, nous avons quelques points à traiter. Tout d'abord, puis-je proposer... Monsieur Anawak, vous avez manifesté l'intention, une intention qui semble partagée, d'inviter...
M. Anawak: Eh bien, compte tenu des témoignages que nous avons entendus de l'Office des eaux du Nunavut et de la Fédération Tunngavik du Nunavut, il semble que l'orientation du projet de loi ait été déterminée davantage par les Affaires indiennes que par la FTN et l'OEN, alors qu'il aurait dû se fonder sur un dialogue entre les parties.
J'avoue que je me suis peut-être montré négligent en n'insistant pas suffisamment sur cette question, à cause d'autres problèmes. Je crois vraiment qu'il faudrait faire un examen très approfondi de ce projet de loi. Si des modifications de fond n'y sont pas apportées pour calmer les inquiétudes exprimées par la FTN et l'Office des eaux du Nunavut, eh bien, je ne vois pas comment je pourrais appuyer la mesure législative.
Le président: Monsieur Anawak, vous avez proposé que nous invitions les représentants du ministère; c'est ce que j'allais faire.
M. Anawak: Oui.
Le président: Le souhaitez-vous encore?
M. Anawak: La prochaine étape consiste à entendre de nouveau les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes, pour voir à ce que les amendements qui doivent être apportés, si nous nous entendons sur ces amendements, soient proposés par le ministère.
Le président: Cela nous permettrait également d'entendre un autre son de cloche quant aux préoccupations qui ont été exprimées. Je suis prêt à recevoir une motion pour que nous entendions les fonctionnaires du ministère jeudi à 11 heures, si cela vous va.
M. Anawak: Eh bien, je suis prêt à présenter la motion.
Le président: Il est proposé que nous invitions les fonctionnaires du ministère à nous rencontrer de nouveau jeudi cette semaine, à 11 heures, pour discuter de ces problèmes et répondre aux autres questions du comité.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. Bachand: J'aurais un commentaire sur la proposition de mon collègue. Je voudrais simplement lui rappeler que la Commission royale d'enquête dépose son rapport sur les Affaires indiennes jeudi et qu'on risque d'être pris dans une tourmente absolument épouvantable. Je ne voudrais pas manquer la prochaine réunion avec les fonctionnaires des Affaires indiennes. Je suggère aimablement qu'on la reporte à mardi prochain parce qu'on risque tous d'être très occupés jeudi.
Le président: Est-ce quelqu'un connaît l'heure du dépôt de cette étude?
[Traduction]
Jack, savez-vous pour quelle heure c'est prévu?
M. Anawak: Oui, c'est pour cela que la journée de jeudi n'est peut-être pas le meilleur moment, car il y a toute une série d'événements, tout au long de la journée. Et même si, à mon avis, cela devrait avoir préséance sur la Commission royale...
Le président: Proposez-vous que nous les rencontrions à 11 heures mardi prochain?
M. Anawak: Oui.
La motion est adoptée
Le président: Nous avons un budget à vous soumettre. Je vous informe, chers collègues, que vos comptes sont en souffrance; vous ne payez pas vos factures, et vous devriez en avoir honte.
Une voix: Nous sommes si peu habitués à dépenser que nous ne savons plus quand payer.
Le président: Je n'ai toujours pas d'argent pour le café. Je rougis encore de ce que nous n'ayons pas de café à offrir à nos invités à nos réunions. Et comme nous l'avons dit à maintes reprises, il nous faut recevoir une motion de l'un des membres du comité. Il suffit que nous obtenions 50 p. 100 des voix plus une pour avoir du café à chaque réunion. Pour ma part, je serais favorable à une telle motion si elle était présentée.
Une voix: Monsieur le président, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la partie A - une somme de 3 000 $ pour la réimpression du rapport du comité?
Le président: Il s'agit du rapport sur l'éducation, qui a remporté un très vif succès. Tous les Canadiens en veulent un exemplaire. Nous devrions être fiers que la demande soit aussi forte. Au moins, il ne s'empoussière pas sur une étagère.
Une voix: Combien nous en reste-t-il d'exemplaires?
Le président: Pas beaucoup.
Je dois attendre d'avoir une motion pour présenter la demande.
M. Murphy: Je propose que le budget soit adopté tel quel.
Le président: Des questions? Des précisions? Ce budget ne prévoit pas de dépenses. Ce qui est autorisé, ce sont les dépenses qui n'ont pas encore été payées. S'il y en a d'autres, vous devrez d'abord les autoriser. Il s'agit de transférer l'argent dans un compte de façon à payer nos factures.
La motion est adoptée
Le président: Merci beaucoup. La séance est levée.