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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 1er mai 1996

.1811

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

En attendant l'arrivée du ministre de la Justice, je vais passer en revue les décisions prises aujourd'hui à la lumière de l'ordre du jour, que je demanderai au greffier de nous lire.

Monsieur le greffier, je vous prie de bien vouloir nous lire l'ordre du jour.

Le greffier du comité: L'ordre du jour, daté du 1er mai 1996, prévoit que le projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit renvoyé au Comité permanent des droits de la personne et de la condition des personnes handicapées.

La présidente: Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs, les décisions prises ce matin annonçaient que nous aurions le plaisir d'accueillir ce soir parmi nous le ministre, qui nous présentera donc le projet de loi, et qui sera suivi de trois témoins. Nous avons prévu, pour ce soir, accorder entre 30 et 45 minutes à chaque témoin. Il a été décidé que toutes les personnes autour de la table sont égales entre elles aux fins des discussions avec les témoins. Chacun de nous disposera de cinq minutes, jusqu'à expiration de la période de 30 minutes, ou de 45 minutes, ce soir. Une fois écoulé le temps alloué, nous passerons aux témoins suivants.

En ce qui concerne demain, nous avons jusqu'ici pris contact avec 32 témoins.

[Français]

En tant que Québécoise, je suis aussi intéressée que vous, monsieur. Nous avons pris contact avec toutes ces personnes, et je n'ai pas encore reçu de réponses, mais cela va venir.

[Traduction]

Demain, donc, ce sera cinq minutes chacun, et 30 minutes par témoin. Que ceux d'entre vous qui ont des questions très particulières à poser se sentent libres d'intervenir comme bon leur semble.

Vous avez un rapport. Vous savez quels témoins doivent comparaître ce soir, notamment Égalité pour les gais et les lesbiennes et la Coalition for Equality. Je pense qu'il y a également un autre intervenant, un particulier, qui doit venir de Calgary. J'ignore encore si cette personne est arrivée. Nous l'apprendrons sans doute prochainement.

Monsieur le Ministre, bienvenue au comité. C'est le premier gros dossier dont nous sommes saisis, mais je peux vous dire que nous avons eu des tables rondes très intéressantes, qui ont commencé à se réunir et qui se penchent sur les questions des nouvelles technologies et de leur incidence sur les droits de la personne, ce qui vous intéressera vraisemblablement ultérieurement. Pour ce soir, je vous serais reconnaissante de bien vouloir nous faire quelques remarques liminaires. Les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser. Lorsque vous aurez terminé votre exposé, nous ouvrirons la période des questions avec les députés du Bloc.

[Français]

Bienvenue chez nous, monsieur le ministre.

L'honorable Allan Rock (ministre de la Justice): C'est pour moi un plaisir d'être devant le comité. Tout d'abord, je voudrais dire que je suis ici ce soir pour présenter le projet de loi C-33 seulement en ce qui a trait à l'orientation sexuelle comme base de discrimination selon l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

.1815

Cependant, j'ai l'intention de déposer plus tard au printemps un deuxième projet de loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait aux personnes handicapées et à plusieurs autres changements dont nous avons discuté l'année dernière.

J'avais l'intention d'inclure toutes les modifications dans le même projet de loi, mais nous avons décidé de présenter cette modification dans un projet de loi séparé, car nous n'avons pas encore terminé nos consultations sur les autres changements. Donc, je reviendrai ici dans les semaines à venir, je l'espère, pour vous présenter les autres changements.

[Traduction]

La présidente: Je peux vous dire, monsieur le Ministre, que nous en serons très heureux. Le comité a travaillé très fort aux trois rapports sur les personnes handicapées, et nous espérons en fait une réponse de vous d'ici le 10 mai. C'est avec impatience que nous attendons la réalisation des promesses qui ont été faites relativement aux changements visant les personnes handicapées, et je suis donc très heureuse que vous ayez porté cela à notre attention.

[Français]

M. Rock: Permettez-moi de vous présenter le projet de loi C-33 et de traiter brièvement des aspects principaux de ce projet de loi.

Comme vous le savez, madame la présidente, la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique au gouvernement fédéral et aux entreprises réglementées par le gouvernement fédéral, comme les banques, les compagnies de chemin de fer, et les entreprises de transport aérien et de télécommunication. Elle régit principalement l'emploi, la fourniture de biens et la prestation de services dans chacun de ces secteurs. Elle s'applique à environ 10 p. 100 de la main-d'oeuvre au Canada.

[Traduction]

Nous exécutons aujourd'hui un engagement pris par le gouvernement envers le peuple canadien lors de la dernière campagne électorale. Nous donnons ainsi suite à une promesse qui a été faite par les gouvernements qui se sont succédés depuis 1986.

Ce faisant, le fédéral ne fait que rattraper ce qu'ont fait les gouvernements provinciaux et territoriaux, dont huit ont déjà modifié leurs lois en matière de droits de la personne pour y inclure l'orientation sexuelle.

[Français]

Nous réaffirmons aussi, aujourd'hui, la détermination du Parti libéral du Canada de mettre fin à toute forme de discrimination. La politique du Parti libéral prévoit cette modification depuis près de 20 ans. Pas plus tard que cette fin de semaine-ci, le parti a renouvelé son engagement à cet égard.

[Traduction]

Nous avons eu un congrès d'orientation à Windsor, et cette résolution y a été adoptée par une majorité écrasante.

Pour évaluer cette proposition, il est extrêmement important de constater ce que fait l'amendement et ce qu'il ne fait pas. Hier, lorsque j'ai pris la parole à la Chambre des communes dans le cadre du débat de deuxième lecture, je me suis efforcé de faire ressortir cette distinction et de fournir des précisions sur les différents aspects qui ne sont pas couverts par le projet de loi.

Peut-être que nous aurons l'occasion, au cours de la période de questions ce soir, de revenir sur certaines de ces questions.

L'amendement s'attaque à la discrimination. Il traite de l'équité et de l'égalité pour tous les Canadiens. Il parle de traiter nos concitoyens avec dignité et respect. Dans un pays qui tire une fierté d'être juste et tolérant, il s'agit d'une proposition qui vise à offrir à tous des droits égaux, et non pas des droits particuliers.

Je viens de dire que nous sommes fiers, dans notre pays, d'être tolérants et équitables, et ce à juste titre. Nous avons un dossier qui fait beaucoup d'envieux partout dans le monde. Mais cela n'est pas venu par accident. Cela est venu parce que nous avons enseigné et répandu des valeurs de tolérance et de respect, valeurs qui se trouvent reflétées dans nos lois.

Notre législation en matière de droits de la personne est un modèle pour le monde entier, et nombre de pays l'ont copiée. Si nous voulons maintenir cette société tolérante et civile dont nous sommes fiers, nous ne pouvons pas vaciller quant à notre responsabilité collective les uns envers les autres et tout particulièrement envers ceux qui sont vulnérables et pour qui la discrimination est, malheureusement, une réalité dans leur vie.

.1820

En déposant ce projet de loi, je pense que nous donnons suite à ces valeurs fondamentales. Nous donnons suite à la nécessité de les favoriser et nous nous préoccupons de ceux et celles qui sont vulnérables et victimes de discrimination.

Je recommande donc au comité d'adopter le projet de loi. Je sais qu'il y a des questions qui préoccupent les députés et je suis très heureux d'avoir aujourd'hui la possibilité d'y réagir franchement.

J'aimerais auparavant vous présenter les gens du Ministère qui m'ont beaucoup aidé dans la préparation du projet de loi et de la séance de ce soir. Il s'agit d'avocats chevronnés et de membres de la Division des droits de la personne du ministère de la Justice. M'ont donc accompagné ici ce soir pour m'aider, et j'aurai vraisemblablement besoin de leur aide, John Scratch, Steven Sharzer, Jim Hendry...

Pourriez-vous vous lever afin que les membres du comité sachent qui vous êtes?

La présidente: Ils peuvent même s'installer à vos côtés, si vous le voulez, monsieur le Ministre. Je pense, pour ma part, qu'il est toujours bon que tout le monde s'assoie à la table.

M. Rock: Lisette Lafontaine est également ici.

Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que voudront me poser les membres du comité.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le Ministre.

Tout ce que je peux vous dire c'est qu'en ce qui me concerne, préoccupée que je le suis par cette question depuis que nous avons examiné l'article 15 de la Charte canadienne, aux côtés deM. Svend Robinson et d'autres, ce dont nous sommes saisis suscite chez moi de graves inquiétudes. La discrimination sous quelque forme que ce soit à l'égard d'une personne considérée comme citoyen canadien n'est certes pas quelque chose que nous aimerions voir perdurer. Je suis donc ravie que l'on en parle. Nous avons lutté longtemps et vigoureusement pour que cette question soit mise à l'ordre du jour.

[Français]

Le premier intervenant sera M. Bernier.

M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): C'est en raison de mon âge.

La présidente: C'est cela. Il faut toujours être respectueux des cheveux gris.

M. Bernier: J'aimerais d'abord remercier le ministre d'avoir accepté de venir répondre à nos questions. J'aimerais lui dire, d'entrée de jeu, que l'Opposition officielle, comme il a pu le remarquer il y a quelques instants à peine, est très heureuse, tous ses députés ayant appuyé le projet de loi du gouvernement à l'étape de la deuxième lecture. Je suis fier d'appartenir à un parti qui ne fait pas de compromis par rapport à la nécessité de faire preuve de tolérance dans notre société.

On l'a dit cette semaine, l'Opposition officielle attendait ce projet de loi depuis longtemps et nous nous réjouissons qu'enfin on puisse, comme parlementaires, prendre une décision sur ce sujet d'une extrême importance.

Je laisserai à mon collègue Ménard le soin de revenir sur d'autres dispositions du projet de loi ou d'autres points de vue. Quant à moi, je voudrais vous poser deux types de questions différents.

Je voudrais que vous nous expliquiez - vous l'avez fait en Chambre fait à plusieurs occasions, mais je pense qu'il est nécessaire de le répéter, surtout à ceux et celles qui s'y opposent encore - quelle est la portée exacte de ce projet de loi en regard d'autres dispositions éventuelles, par exemple les programmes d'action positive et l'équité en matière d'emploi.

Des collègues et d'autres personnes disent qu'après avoir adopté ce projet de loi, nous serons obligés d'atteindre des quotas de représentants de la communauté homosexuelle dans les milieux de travail.

Également, que répondez-vous aux gens qui prétendent que cette modification fera en sorte que le gouvernement et les entreprises qui ont des chartes fédérales vont devoir accorder des bénéfices aux couples homosexuels? J'aimerais qu'on clarifie cela une fois pour toutes pour qu'on puisse passer à autre chose par la suite.

.1825

Vous l'avez dit en Chambre cette semaine, mais j'aimerais que vous précisiez encours une fois pourquoi vous avez trouvé important de faire cette allusion à la famille dans le préambule de votre projet de loi. Vous nous avez parlé de votre famille cette semaine en Chambre. Quelle est votre conception de la famille en 1996? La famille, pour vous, est-elle synonyme d'un homme et d'une femme mariés qui ont des enfants? Pourquoi était-il nécessaire d'en faire mention dans le préambule du projet de loi?

[Traduction]

M. Rock: J'aimerais tout d'abord remercier M. Bernier pour les remarques qu'il vient de faire et lui dire à quel point j'apprécie l'appui que nous a donné son caucus lors du vote à la deuxième lecture.

Je vais tenter de répondre les unes après les autres aux différentes questions que vous m'avez posées. Tout d'abord, en ce qui concerne la portée des modifications, la Loi canadienne sur les droits de la personne ne vise que le gouvernement fédéral lui-même, en tant qu'employeur, et les entreprises qui sont réglementées par lui, en d'autres termes les entreprises qui sont d'envergure nationale, par exemple les banques, les sociétés de fiducie et les compagnies aériennes. La loi est limitée, dans son application, à l'emploi ou milieu de travail et à la fourniture de biens et de services. Elle ne s'applique à aucun autre aspect.

L'article dont il est question ici, celui établissant les motifs de discrimination illicite, interdit la discrimination. Il dit: voici pour quels motifs il est interdit, en milieu de travail à réglementation fédérale, de faire de la discrimination à l'endroit d'une personne par rapport à une autre, les caractéristiques concernées n'ayant rien à voir avec la valeur de la personne.

Lorsque vous demandez quelle est la portée du projet de loi, ma réponse est la suivante: le projet de loi a pour objet d'ajouter l'orientation sexuelle à la liste des caractéristiques personnelles qui n'entrent pas du tout en ligne de compte dans la détermination de la valeur d'une personne aux fins de la réglementation d'une entreprise qui relève du fédéral sur les plans emploi ou fourniture de produits et services. Je pense que c'est là, en gros, ce dont nous discutons.

Les questions telles l'action positive, l'équité en matière d'emploi ou l'imposition de quotas interviennent-elles? Absolument pas. L'action positive est couverte par l'article 16 de la loi sur les droits de la personne, où il est envisagé un programme d'initiatives spéciales visant à aider soit à éduquer les gens, soit à fournir des renseignements pour lutter contre les pratiques discriminatoires. Or, le projet de loi dont le comité est saisi ne vise pas l'article 16 pour contredire, par exemple, ce qui a été proposé par le sénateur Kinsella dans le projet de loi S-2.

Quant à l'équité en matière d'emploi, il s'agit là d'une question qui est visée par une loi distincte. En effet, depuis le début de la présente législature et aussi récemment que l'an dernier, je pense, le comité a eu l'occasion de faire un examen exhaustif de cette question. Vous vous souviendrez, vous appuyant sur l'excellent travail effectué par le comité dans ce domaine, que même si les principes en matière d'équité sont établis dans la loi, celle-ci ne traite ni directement ni indirectement de l'orientation sexuelle. Cette question n'a aucun rapport avec le projet de loi dont vous êtes saisis ni avec la législation en matière de droits de la personne.

Enfin, il n'a jamais été pensé, suggéré, recommandé ni envisagé de recourir à des quotas, de quelque genre que ce soit, une fois le projet de loi adopté et bien en place. Les systèmes de quotas ne s'inscrivent nullement dans la législation en matière de droits de la personne et n'ont pas du tout leur place dans le cadre du projet de loi qui nous occupe. Il s'agit tout simplement là d'une vérité.

En ce qui concerne la dernière partie de votre question, je vais vous dire quelques mots au sujet des avantages. Je commencerai par dire que les avantages font l'objet de discussions dans les lieux de travail fédéraux. Le Tribunal des droits de la personne et d'autres tribunaux sont saisis de litiges portant sur l'admissibilité de demandeurs à divers avantages, allant des congés de deuil à l'assurance médicale, en passant par les régimes de pension. Les différentes revendications s'appuient sur quantité de facteurs, dont l'orientation sexuelle. Si le gouvernement ne faisait rien, si le projet de loi n'avait pas été déposé, si cette question n'avait pas été soulevée, ces affaires seraient toujours en suspens. Les tribunaux seraient toujours ceux qui décideraient.

.1830

Le projet de loi, comme vous pouvez le constater à la lecture, ne traite pas d'avantages. Il n'en confère pas. Il ne fait pas état de la question des avantages. Il interdit néanmoins la discrimination au travail fondée sur l'orientation sexuelle. D'aucuns prétendront que parce que nous avons ajouté ces mots, cela viendra soutenir les arguments des revendicateurs d'avantages. Ce sera aux tribunaux qu'il reviendra de trancher. Quoi qu'il en soit, le projet de loi ne confère pas d'avantages.

À cet égard, je sais que d'aucuns craignent qu'en prenant cette mesure, soit en ajoutant l'orientation sexuelle, l'on ouvre grand la porte et qu'on pose les jalons d'une révolution en matière d'avantages consentis aux gais et lesbiennes. Je répondrai que l'expérience des provinces où des lois semblables ont été adoptées n'appuie pas cette crainte, au contraire.

M. Bernier: C'est exact.

M. Rock: Il y a dix ans, l'assemblée législative de l'Ontario était engagée dans un débat très semblable à celui que nous avons vécu ces derniers jours au Parlement. En effet, pour me préparer, et par intérêt, j'ai lu le hansard de l'assemblée législative, les débats de 1985-1986, époque à laquelle Ian Scott a proposé et défendu son projet de loi. Cela ne vous étonnera pas d'apprendre que nombre des thèmes du débat étaient les mêmes.

Si vous examinez l'histoire des milieux de travail en Ontario au cours des dix dernières années, vous constaterez que la question du droit aux avantages est toujours d'actualité. Le simple ajout de l'expression «orientation sexuelle» à la loi ontarienne sur les droits de la personne n'a réglé aucune de ces questions. Les tribunaux de la province en sont toujours saisis.

Il me semble que c'est exactement ce qui va se passer au niveau fédéral. Nous n'avons pas modifié les textes réglementaires en matière de pensions. Nous n'avons pas rouvert la Loi sur l'impôt sur le revenu, et nous ne comptons pas le faire. Nous avons tout simplement énoncé un principe, soit que la discrimination fondée sur ce motif est intolérable.

Je vais maintenant passer à la deuxième question posée par M. Bernier.

M. McClelland (Edmonton - Sud-Ouest): Excusez-moi, madame la présidente. J'avais l'impression que nous allions avoir des tours de cinq minutes.

La présidente: Pour le premier tour, chaque premier intervenant pour son parti disposera de dix minutes, et ce sera le cas pour vous également, après quoi nous aurons des tours de cinq minutes. Cela ne vaut que pour la comparution du ministre. Pour les autres audiences, ce sera cinq minutes pour tout le monde, et tous les membres du comité seront égaux. C'est comme pour le projet de loi: tous les gens sont égaux, sauf le ministre.

Si les dix minutes sont écoulées, le comité est-il d'accord pour que le ministre termine sa réponse?

Merci. Allez-y je vous prie.

M. Rock: Je ne prendrai pas beaucoup de temps, mais je voulais donner une réponse complète à la première question, car j'ai pensé que d'autres voudraient peut-être la soulever également.

La deuxième question concernait la famille et son inclusion dans le préambule. L'objet d'un préambule, du moins à mon humble avis, est de donner le contexte dans lequel la loi doit s'insérer. Nous avons fourni le contexte ici en réaffirmant que ce que nous visons, c'est la discrimination au travail ainsi que dans la fourniture de biens et de services. Nous réaffirmons l'importance que le gouvernement accorde à la famille. Nous voulions que cela figure dans le préambule car, bien franchement, d'aucuns tenaient à ce que nous énoncions et réaffirmions ce principe. Pour régler cette préoccupation - et plusieurs membres de mon caucus me l'ont exprimée - nous avons inclus cette déclaration.

Quant à la question de savoir ce que j'entends moi-même par «famille», je pense que la famille est une chose qui est déterminée par chacun. Je ne peux que vous dire qu'en ce qui concerne mon expérience personnelle, ma famille c'est la personne avec laquelle je suis marié depuis 13 ans ainsi que trois enfants. Je ne dis pas qu'il s'agit là de la seule définition possible de «famille», mais c'est là ma famille.

Il pourrait y en avoir d'autres... Certaines personnes parlent de «la famille traditionnelle». Qu'est-ce que la famille traditionnelle? Il existe de nombreux chefs de famille monoparentale qui vivent avec leurs enfants, sans conjoint. Il y a des gens qui divorcent et qui se remarient et qui ont parfois deux familles, les enfants issus du premier mariage et ceux issus du deuxième. Il y a des gens qui adoptent des enfants et qui ont une famille.

Je ne pense pas que l'on puisse trancher et dire qu'il existe une famille traditionnelle ou bien que la famille doit être définie d'une certaine façon. Nous avons ajouté le préambule pour donner le contexte et j'espère que nous y sommes parvenus.

.1835

La présidente: Merci beaucoup.

M. McClelland: Merci, madame la présidente.

Monsieur le Ministre, j'accepte le fait que le projet de loi va être adopté et devenir loi, et j'aimerais par conséquent inscrire mes questions dans l'optique qu'il se pourrait qu'un jour la Cour suprême du Canada se penche sur nos délibérations.

C'est dans ce contexte, donc, que j'aimerais vous poser quelques questions bien précises. Tout d'abord, le gouvernement acceptera-t-il des amendements pour définir ce que vous nous avez déjà dit, ce qui limiterait la portée du projet de loi à ce qui est prévu, selon vos propres paroles?

M. Rock: Vous voulez dire que cela ne s'applique qu'aux lieux de travail fédéraux ainsi qu'aux biens et services produits par des compagnies à réglementation fédérale?

M. McClelland: Non. Je veux dire en stipulant, par exemple, à l'article 16, qu'en ce qui concerne l'action positive, rien ne devrait aller à l'encontre du préambule à l'article 2 de la loi et, pour être plus clair, que les programmes spéciaux énoncés au paragraphe 16(1) ne devraient pas être autorisés en ce qui concerne les personnes perçues comme étant défavorisées ou victimes de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

M. Rock: Mais cela est-il nécessaire si l'orientation sexuelle n'est pas mentionnée à l'article 17?

M. McClelland: Je pense qu'il y a un très grand nombre de personnes qui sont préoccupées par le projet de loi mais qui ne le seraient pas si elles avaient la garantie que le seul but, le seul objet du projet de loi, est d'empêcher la discrimination. Je pense que la quasi-totalité des Canadiens sont d'accord là-dessus. Ce n'est pas la question de l'action positive qui suscite des inquiétudes chez les nombreux Canadiens que nous représentons ici.

M. Rock: Madame la présidente, je serais sans doute mieux en mesure de répondre à la question si je comprenais mieux la nature de ces inquiétudes. M. McClelland pourrait peut-être avoir l'amabilité de me dire quelle est la nature de ces inquiétudes relativement à l'article 16.

M. McClelland: Ce qui préoccupe les gens c'est que l'on modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne en y incluant l'expression «orientation sexuelle» sans pour autant avoir défini celle-ci. Peu importe que les gens qui sont favorables au projet de loi trouvent cela ridicule ou non. Il y a un grand nombre de Canadiens qui sont très inquiets, et c'est leur droit. Et leurs inquiétudes ont certaine valeur. Elles tiennent. Si le projet de loi pouvait être modifié pour apaiser ces craintes...

M. Rock: Mais quelles sont ces craintes? Je ne vous ai pas encore entendu me dire ce qu'elles sont.

M. McClelland: Les gens craignent qu'en modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne en y incluant l'expression «orientation sexuelle», cela lui confère la sanction de l'État. Cela pourrait mener à la reconnaissance de mariages entre personnes de même sexe et à l'offre aux couples homosexuels d'avantages prévus au départ pour les couples hétérosexuels, par suite de l'intérêt que porte l'État envers les familles et les enfants. C'est cela qui inquiète les gens.

M. Rock: L'article 16 traite de programmes spéciaux. Comment un amendement à l'article 16 pourrait-il régler ces craintes?

M. McClelland: Tout ce que je dis, c'est que l'article 16 pourrait être modifié. En ajoutant l'expression «orientation sexuelle» au projet de loi, il est clairement compris que l'article 16, la partie concernant les programmes d'action positive, ne couvre pas l'orientation sexuelle.

M. Rock: Tout d'abord, et même si nous allions tenter, par le biais du projet de loi, de résoudre les préoccupations que vient de soulever mon honorable ami, je ne pense vraiment pas que l'article 16 soit l'endroit indiqué pour le faire. L'article 16 traite d'une question très limitée. Cette question, c'est l'organisation et la présentation de programmes sociaux, qui ont pour objet de contrecarrer la discrimination systémique.

M. McClelland: Sans parler de l'article 16 ou d'un quelconque autre article, le gouvernement serait-il réceptif à l'idée de mieux définir les concepts que renferme le projet de loi?

Je sais qu'on veut faire rapidement adopter le projet de loi pour quantité de raisons. Mais que se passerait-il si nous pouvions l'améliorer de sorte que les Canadiens qui ont des préoccupations tout à fait valables mais qui n'épousent pas les opinions de la plupart des personnes réunies autour de cette table, Canadiens qui sont représentés par deux d'entre nous seulement, puissent voir leurs préoccupations réglées? Leurs préoccupations sont valables, et si l'on parvenait à les régler, alors nous nous retrouverions avec une meilleure loi.

.1840

M. Rock: Tout d'abord, permettez-moi de dire que je ne pense pas qu'il soit question de compter les têtes autour de la table, ni même à la Chambre des communes. Hier, lorsque j'ai parlé en faveur du projet de loi, j'ai reconnu qu'il y a des gens qui ont de telles préoccupations, et j'ai également dit que je ne prétends pas que quiconque ait une supériorité morale dans ce domaine ni que quiconque soit supérieur à autrui du fait de défendre une position ou une autre.

M. McClelland: J'accepte cela.

M. Rock: Je ne voudrais pas que vous pensiez faire partie d'une minorité numérique et que de ce fait personne ne respecte ces opinions. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Mais pour en revenir à votre question, je pense que la loi doit être modifiée pour résoudre les préoccupations qui peuvent être réglées par voie de changements législatifs, mais je ne pense pas que nous devrions ajouter des mots ou des dispositions pour la forme, surtout si cela n'aide pas vraiment, et je pense que telle est la situation ici.

Pour ceux qui prétendent que le fait d'ajouter l'expression «orientation sexuelle» à l'article 2 va déboucher sur des mariages homosexuels ou des adoptions chez des homosexuels ou autres, la chose à faire, c'est d'analyser ces préoccupations de façon rationnelle, d'examiner les preuves, d'étudier l'effet de l'article et de la loi, puis de voir si cette conclusion se défend. Je vous soumets respectueusement que ces conclusions ne sont pas défendables. Les arguments avancés ne sont pas convaincants.

Je ne dis pas que ces préoccupations ne sont pas légitimes. Si quelqu'un a ces craintes, alors elles sont honnêtes et c'est là la situation.

Le gouvernement fédéral ne traite même pas de la célébration du mariage, alors l'amendement ne pourrait pas avoir cet effet-là.

La présidente: Merci. Madame Hayes.

Mme Hayes (Port Moody - Coquitlam): Merci d'être venu.

Au sujet de cette question, précisément... En fait, je vais me reporter à un article de journal. Dans les motifs de la décision rendue dans l'affaire Brian Mossop, le juge Antonio Lamer dit ceci: «...l'on ne saurait condamner ce refus (de l'avantage) comme constituant une discrimination fondée sur la «situation de famille»...».

Il poursuit en disant:

Ce sont là deux personnes influentes qui semblent être opposées à ce que vous venez de dire. Avez-vous quelque chose à répondre à cela?

M. Rock: Oui. Permettez-moi de répondre à vos questions en ordre inverse.

Max Yalden a récemment comparu devant le comité du Sénat chargé d'examiner le projet de loi S-2, et il a affirmé très clairement n'avoir jamais dit que la Commission des droits de la personne allait redéfinir «conjoint» ou «famille» ou autre. Quant à ce qu'est un mariage et à sa définition juridique , il a dit très clairement que ce n'est pas à lui de trancher. Il a parlé d'avantages, mais il s'agit là d'une question tout autre. En tout cas, il a clairement dit qu'il ne va pas se lancer dans une redéfinition juridique de ces termes.

J'en arrive maintenant à l'affaire Mossop, et je pense que ce que vous avez soulevé est important, car nous commençons aujourd'hui...

Mme Hayes: Pourrait-on faire un peu marche arrière? Vous avez bien dit que cela n'aurait pas d'incidence sur les avantages, n'est-ce pas, et vous venez de dire que Max Yalden prétend que si. Êtes-vous de son avis? Je vous demanderai de tirer cela au clair, et je songe ici tout particulièrement aux avantages de conjoint.

M. Rock: Les avantages, c'est autre chose. Il me semble qu'au sujet des avantages il a dit devant le comité ici réuni, en 1994...

Mme Hayes: Oui.

M. Rock: ...que selon la commission - et il parlait au nom de celle-ci - il se pourrait qu'on adopte une position différente en matière d'avantages. Vous savez, il a droit à son opinion.

Mme Hayes: Le public est-il au courant de cela et avez-vous expliqué cela à la population?

M. Rock: Il l'a, lui, expliqué publiquement. C'est lui le commissaire, et c'est le tribunal qui prend les décisions. Mais je tiens à ce qu'il soit très clair qu'il a dit expressément qu'il ne va pas redéfinir les termes «mariage», «état matrimonial» ou «conjoint».

J'en arrive maintenant à Mossop, car il s'agit d'un point très important. Cela a été soulevé aujourd'hui du fait que certains journaux en aient parlé et que certaines personnes aient exprimé des préoccupations à cet égard.

J'ai pris la peine de relire la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mossop et il est vrai que ces explications qu'on a attribuées au juge en chef se trouvent à la page 582 de la décision, mais si vous lisez la décision en entier, il en ressort clairement ce que je vais maintenant vous expliquer.

Tout d'abord, les juges étaient au nombre de sept. Ils ont décidé à la majorité de rejeter la demande de congé de deuil d'un membre d'un couple homosexuel, disant que la «famille» n'englobe pas les couples homosexuels.

.1845

Deuxièmement, en expliquant les motifs de sa décision, le juge en chef exprimait son opinion et celle de deux autres juges, soit trois sur sept, ce qui n'était pas une majorité. L'observation qu'il a faite à la page 582 ne s'appliquait pas forcément à sa décision et s'inscrivait plutôt en marge, et cela doit donc, techniquement, être appelé obiter dictum, ce qui n'a aucun effet jurisprudentiel.

Ce qui est plus important - et j'entends écrire une lettre à l'auteur de l'article paru dans le journal d'aujourd'hui, car il a tout compris de travers - d'un point de vue juridique, lorsqu'on lit l'arrêt majoritaire sur le point principal, on constate que le juge LaForest, qui se rangeait du côté de la majorité, traite de ce point précis, dans un passage qui se trouve à la page 586 du jugement.

Je vais maintenant vous lire, madame la présidente, un extrait de la décision du juge LaForest:

Voilà ce que dit la décision majoritaire sur le ratio decidendi de la Cour suprême du Canada en 1993. Au lieu de citer hors contexte un paragraphe non pertinent de la décision du juge en chef et de le brandir aux fins étroites du journaliste, voyons plutôt ce que nous disent véritablement cette affaire et cette décision, qui correspond à la loi du pays.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le Ministre.

Madame Augustine, je vous prie.

Mme Augustine (Etobicoke - Lakeshore): Merci, madame la présidente.

Monsieur le Ministre, j'examine plusieurs éléments d'information dans le contexte de la discussion que nous avons, non seulement entre collègues mais également avec des commettants.

Pourriez-vous faire avec nous un survol de la Charte, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, dont nous sommes signataires ou dans le cadre duquel nous avons certaines obligations, et de tout amendement qui s'imposerait à la lumière du texte réglementaire ou...

La présidente: Du changement proposé.

M. Rock: Tout d'abord, comme vous le savez, la Charte est un document constitutionnel. Il s'agit de la loi suprême du pays. Elle a préséance sur toutes les autres lois, et toute loi qui est adoptée, mais qui va à l'encontre de la Charte, devient invalide.

La Charte établit des droits fondamentaux, dont certains sont énoncés à l'article 15 interdisant la discrimination. Cet article dresse la liste de certains motifs de distinction illicite. La Cour suprême du Canada maintient que cette liste de motifs n'est pas exhaustive, ce qui signifie que d'autres peuvent y être ajoutés aux fins du respect de la Charte. En fait, plus tôt cette année, la Cour suprême du Canada a réaffirmé que l'article 15 doit être interprété comme incluant l'orientation sexuelle.

La Charte et la législation en matière de droits de la personne jouent des rôles différents dans notre société. La Charte, en tant que document constitutionnel, est l'étalon par rapport auquel on établit la validité des lois fédérales et autres et d'autres initiatives du gouvernement. La Loi canadienne sur les droits de la personne, elle-même assujettie à la Charte, régit quant à elle, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'emploi et la fourniture de biens et de services par les compagnies à réglementation fédérale.

Quant aux liens qui existent entre les deux, ce que je vous dirais, c'est que si je travaillais dans une banque, par exemple, et qu'on me congédiait parce qu'on apprenait que j'étais homosexuel, ma plainte ne serait pas déposée en vertu de la Charte, car ce ne serait pas une initiative du gouvernement qui serait en cause. Il s'agirait d'un droit privé et j'invoquerais par conséquent la Loi canadienne sur les droits de la personne s'il était question de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et je me plaindrais auprès de la commission, qui demanderait peut-être une audience devant un tribunal qui pourrait, lui, imposer des mesures de réparation prévues dans la loi.

Ce que nous faisons avec le projet de loi c'est aligner la Loi canadienne sur les droits de la personne sur la Charte, et nous tenons à ce que s'appliquent au gouvernement et à ses lois les mêmes normes et la même éthique que celles qui sont imposées aux employeurs et aux fournisseurs de services à réglementation fédérale. Je pense que cela cadre avec nos obligations internationales en matière de droits de la personne, et c'est ce sur quoi repose la politique du gouvernement.

.1850

Mme Augustine: La deuxième partie de ma question concernait les modifications - toute modification résultant du projet de loi C-33 ou devant être apportée à d'autres lois fédérales.

M. Rock: Nous ne comptons pas apporter de modification à d'autres lois fédérales.

Dans quelque chose que j'ai lu la semaine dernière, il était dit que si le projet de loi est adopté il nous faudra modifier 40 ou 50 autres textes de loi fédéraux. Or, ce ne sera pas le cas.

La présidente: Monsieur le Ministre, si cela ne vous ennuie pas...

Mme Augustine: Je veux bien partager le temps qui m'est alloué avec mes collègues.

La présidente: D'accord.

J'aimerais enchaîner sur vos questions, si le voulez bien, aux fins d'éclaircissement et en tout cas de mon édification personnelle, et peut-être de celle d'autres députés également: quelle incidence cela pourrait-il avoir sur les lois provinciales?

M. Rock: Aucune. Les lois provinciales régissent les lieux de travail à réglementation provinciale ainsi que la fourniture de biens et de services dans la province concernée. Chaque province et territoire du pays a une loi en matière de droits de la personne.

D'ailleurs, huit provinces et territoires reconnaissent l'orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination. Quoi qu'il en soit, en dehors d'une fonction exemplaire, ce qui vient un petit peu tard étant donné que nous sommes en retard par rapport à huit provinces sur dix, il n'y aura aucun effet.

La présidente: Merci.

Monsieur Scott, si j'ai bien compris, vous voulez partager la période de temps prévue. Vous disposez de six minutes.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Merci beaucoup, madame la présidente. Je n'aurai peut-être pas besoin de six minutes.

Merci beaucoup, monsieur le Ministre, d'être venu nous rencontrer ce soir. J'apprécie beaucoup votre présence parmi nous. Il est une chose qui me frappe, et ce depuis que je suis arrivé sur la colline il y a quelques années: très souvent, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi, on consacre énormément de temps à parler des choses que le projet de loi ne fait pas, à parler des craintes qu'ont les gens quant à tout ce que les modifications supposent. J'aimerais revenir un instant sur ce que nous essayons de faire ou plutôt sur ce que vise le projet de loi.

Tout le monde semble être d'accord, lorsqu'on parle de... Vous savez, nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous voulons aller dans ce sens. Nous voulons empêcher la discrimination fondée sur cette caractéristique en particulier. Je tiens à souligner que c'est selon moi le cas.

La question devient alors - et j'aimerais entendre votre opinion là-dessus - celle de la fréquence de la discrimination et, partant, de la nécessité d'adopter le projet de loi, sur la base des motifs sur lesquels nous sommes tous d'accord.

M. Rock: Vous m'invitez à revenir sur les principes d'origine. Je répondrai en disant qu'à la base, le projet de loi a pour objet de veiller à ce qu'en vertu de la loi du pays, des personnes travaillant dans un lieu de travail à réglementation fédérale ne puissent pas être mises à pied ou se voir refuser une promotion du fait d'être homosexuelles, et qu'une compagnie à réglementation fédérale qui fournit des biens ou des services ne puisse pas vous les refuser du fait de votre homosexualité.

Hier, dans le discours que j'ai prononcé à la Chambre, j'ai décrit les effets du dispositif de la partie I de la loi, soit ce qu'elle prévoit en matière d'embauche, de fourniture de services, d'adhésion à des organisations d'employés, de propagande haineuse et de harcèlement. C'est cela que vise le projet de loi. Il a pour objet d'interdire ce genre de comportements. Ce que nous disons ici, c'est que vous ne pouvez pas faire de la discrimination fondée sur la race, la religion ou l'origine nationale, et on va maintenant y ajouter l'orientation sexuelle.

Quant à l'incidence du problème, la Commission canadienne des droits de la personne a un dossier qui regorge de plaintes déposées par des personnes qui ont justement été victimes de ce genre de discrimination. Mon courrier des dernières semaines est rempli d'exemples de personnes qui ont souffert de ce genre de discrimination et qui demandent des mesures de réparation.

Permettez-moi de dire que depuis 1992, les tribunaux interprètent la loi comme incluant l'orientation sexuelle, impatients qu'ils étaient de voir le Parlement rendre complet le texte de loi grâce au changement proposé dont le comité est aujourd'hui saisi. D'aucuns demandent pourquoi, étant donné que les tribunaux ont déjà interprété le texte de loi de cette façon, l'on se donne la peine d'adopter un projet de loi? Certains disent que l'on crée toute cette controverse pour rien.

J'aimerais dire deux choses en réponse à cela. Premièrement, nous ne devrions pas nous en remettre aux tribunaux pour l'établissement de la politique publique relativement à des questions de ce genre. Il s'agit là d'un rôle qui revient au législateur, et nous devrions avoir le courage de l'assumer.

.1855

Deuxièmement, recourir aux tribunaux pour ce genre de choses est un processus très imparfait. Il y a eu une décision en Ontario en 1992, qui a été très utile, mais l'an dernier il y a eu la décision dans l'affaire Vriend, en Alberta, qui est allée dans l'autre sens. Aujourd'hui, il y a un doute: les gens se demandent laquelle des interprétations de ces deux cours d'appel supérieures du pays préférer. Or, les droits des gens ne devraient pas dépendre de la conciliation de jugements de cour d'appel contradictoires. Les droits des gens devraient être clairement énoncés dans les lois.

Permettez-moi de dire encore autre chose avant de m'arrêter, madame la présidente, car je pense qu'il me le faut, en réponse à la question: pourquoi cela est-il nécessaire? Qu'est-ce que cela change? À certains égards, la modification est très limitée. Elle ne s'applique qu'aux compagnies fédérales, aux lieux de travail, etc. À d'autres égards, elle est extrêmement importante en tant qu'exemple et manifestation de leadership moral.

Nous avons distribué un petit livret de questions et de réponses lorsque j'ai déposé le projet de loi lundi. Dans la réponse que nous offrons dans le livret, nous soulignons que l'une des conséquences de la discrimination à l'endroit des gais et des lesbiennes que l'on sous-estime dans notre société est le taux de suicide supérieur chez les homosexuels, surtout les adolescents. Toutes les données disponibles au Canada - et vous en entendrez peut-être parler dans le courant de vos travaux - font ressortir que chez les adolescents en particulier, le taux de suicide est supérieur chez ceux qui constatent à un moment donné dans leur développement qu'ils sont gais ou lesbiennes. La société est si peu accueillante, si hostile, les stéréotypes sont si profondément enracinés, l'ambiance est si menaçante et décourageante que les jeunes se suicident lorsqu'ils constatent qu'ils sont homosexuels, se disant qu'ils ne peuvent plus continuer.

Vous avez déclaré tout à l'heure que tout le monde s'entend pour dire qu'on ne peut pas faire de discrimination. Est-ce que tout le monde s'entend vraiment pour dire cela, dans tous les domaines? Si c'est le cas, pourquoi les jeunes se suicident-ils? Il se passe quelque chose qui doit être réglé. J'espère que le projet de loi qui, comme je l'ai déjà dit, a une portée très étroite, sera un pas en avant, même s'il n'est que modeste: j'espère qu'un jeune, quelque part, comprendra que le gouvernement fédéral met tout cela par écrit, s'avance dans l'arène et se jette dans la bagarre, et qu'il se dira que les choses finiront peut-être par changer et qu'il n'a plus à se sentir découragé et désespéré au point de vouloir s'enlever la vie.

Je ne voudrais pas trop dramatiser, mais je pense qu'il y a ici un lien et qu'il vaut la peine de s'y pencher.

M. Scott: C'est là l'objet de la question. Cela a à voir avec le fait qu'il est facile d'adopter l'idée d'une façon générale, mais que cette nouvelle attitude doit être accompagnée de gestes, à moins de prétendre que la discrimination n'est pas si courante que cela, ce qui ne fait que souligner la nécessité du projet de loi. Voilà pourquoi j'ai essayé d'obtenir une réponse sur l'incidence du problème.

M. Rock: En fait, en 1985, le comité composé de représentants de tous les partis a travaillé là-dessus et a conclu... J'ai un exemplaire du rapport dans mon bureau. En 1985, les députés, dont certains sont peut-être ici... je ne sais pas s'ils étaient...

Une voix: La présidente du comité et moi-même étions là.

M. Rock: Vous étiez membres du comité. Vous devez donc savoir que dans le rapport de 1985 vous aviez écrit...

La présidente: Non, c'est lui qui a rédigé cette partie, et nous, nous avons donné notre aval.

M. Rock: Eh bien, vous l'avez peut-être écrit, mais nous, nous l'avons lu. Je me souviens d'avoir lu un résumé de vos conclusions. Il n'y avait aucun doute quant à l'existence de cette forme de discrimination, qui était très néfaste, très réelle et qui avait une très grave incidence sur la qualité de vie de certains citoyens et citoyennes.

La présidente: Monsieur le ministre, pour votre édification, permettez-moi de vous dire qu'il n'y a pas un seul hameau, village ou ville où nous nous soyons rendus pendant cette période de trois ou quatre mois où nous n'avons pas rencontré des familles, des hommes, des femmes et des enfants, qui nous ont parlé de l'incidence négative et parfaitement catastrophique de la discrimination sur leurs vies. J'aimerais également que vous sachiez qu'à l'époque, les forces armées et les forces policières n'admettaient dans leurs rangs ni gais ni lesbiennes, et nous avons eu de nombreuses réunions à huis clos avec des cadres supérieurs et des gens haut placés dans la société qui nous ont dit qu'ils étaient gais ou lesbiennes mais qu'ils ne pouvaient pas l'afficher publiquement et qu'ils s'étaient mariés pour cacher leur préférence sexuelle de façon à pouvoir poursuivre leur carrière.

Je peux vous dire que l'effet de tout cela a été épouvantable sur notre comité. Patrick Boyer, le président, qui avait, je pense, eu une attitude très différente au départ... le comité dans son ensemble ne pouvait qu'être sensible aux conséquences de l'absence de cette forme de discrimination dans la loi et à la nécessité d'apporter des changements.

.1900

Quelqu'un posait-il une question?

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Madame la présidente, c'est une question que j'aurais pu poser. Je suis fier de vous.

Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous dire que je suis vraiment très heureux du geste que vous avez posé et qu'il y a tout lieu de se réjouir que tout cela donne lieu à un débat à la Chambre des communes.

Au-delà de toute partisanerie, les membres de ce comité sont fiers d'avoir pu compter sur votre détermination. J'espère aussi que nous n'oublierons pas que, comme comité, nous allons avoir une majorité. Je suis convaincu que vous partagez mon analyse et que nous allons finalement adopter ce projet de loi en troisième lecture.

Il y a des gens qui y ont travaillé. Permettez-moi de rappeler que les représentants d'une organisation nationale qui s'appelle EGALE seront nos prochains témoins. Cette organisation a fait, à travers le pays, de l'Île-du-Prince-Édouard à la Colombie-Britannique, une campagne en faveur de cette loi-là. J'espère que vous allez les inviter à prendre une bière avec vous, parce que nous avons une dette de reconnaissance envers eux.

Monsieur le ministre, j'ai trois questions.

Premièrement, ce qui joue contre nous lorsque nous abordons cette question-là, c'est la question qu'Andy Scott a posée. C'est le sentiment qu'ont un certain nombre d'élus et un certain nombre de Canadiens que la discrimination a pris fin en milieu de travail. À toutes fins pratiques, la loi va concerner les milieux de travail qui sont régis par l'appareil fédéral et la prestation de services.

Accepteriez-vous, si c'est possible, de déposer les documents qui vous ont été remis par les fonctionnaires, où on donne des exemples de discrimination très actuelle, très contemporaine, très immédiate en milieu de travail, pour que nous soyons tous bien outillés pour convaincre les gens qui en sont moins convaincus que nous, que ce soit des collègues du Parti réformiste ou d'autres de nos collègues, que cette discrimination-là existe?

N'oublions pas que c'est l'affaire Haig, qui était l'exemple le plus achevé de discrimination dans l'armée, qui a amené la Cour d'appel de l'Ontario à déclarer inconstitutionnelle la loi que vous avez révisée par votre projet de loi. Donc, si nous pouvions avoir des exemples de discrimination très immédiate, nous ferions vraiment cause commune et nous pourrions aider les collègues récalcitrants.

Deuxièmement, je comprends la rationalité de ce que vous avez exprimée et j'ai suivi la conférence de presse que vous avez donnée. Tous les députés appartiennent d'abord à une famille, naturellement, mais ils n'ont pas tous la même définition de la famille.

Je constate que vous tirez une certaine fierté du fait d'être marié depuis 13 ans et je vous en félicite, mais seriez-vous prêt à accepter des amendements où on pourrait parler de la famille «dans ses multiples composantes»? Je crains que, si la famille n'est pas définie dans le préambule, la magistrature puisse rendre des jugements restrictifs.

On sait que c'est inévitable. Tôt ou tard, on va y arriver, d'abord parce que la famille est en mutation. Tôt ou tard, nous allons tendre vers la reconnaissance des conjoints de même sexe. Ce n'est pas le but de cette loi-là; il faut être très clair et vous l'avez été très clair par le passé. Ne croyez-vous pas que si on ne parle de la famille que comme fondement de la société, la magistrature puisse en faire une interprétation restrictive? Seriez-vous disposé à accueillir un amendement qui nous mettrait à l'abri de ces éventualités?

.1905

Troisièmement, je sais que vous allez déposer d'autres amendements à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Dans le passé, nous avons été sensibilisés par d'autres témoins qui souhaitaient que l'on revoie les mécanismes d'appel et la constitution des tribunaux des droits de la personne.

Prévoyez-vous déposer des amendements qui vont modifier la façon de constituer les tribunaux des droits de la personne?

Voilà mes trois questions.

M. Rock: Je serai très heureux de donner au comité toute la documentation que nous avons préparée et utilisée au ministère de la Justice en ce qui a trait aux exemples de discrimination. Je demanderai à mes adjoints de préparer tout cela pour demain ou vendredi.

[Traduction]

La deuxième question traitait de la notion de famille. Lorsque nous préparions le préambule, nous avons examiné différents libellés. La question était de savoir s'il fallait parler de famille traditionnelle ou d'autres types de famille ou encore de définir ce qu'est une famille.

Il me semble que la conclusion à laquelle nous avons abouti était qu'à bien y penser il n'était pas nécessaire de définir la famille. Deuxièmement, l'expression «famille traditionnelle» aurait peut-être vexé certains, par exemple des personnes qui ont divorcé et qui se sont remariées, des mères célibataires ou des pères célibataires ou encore des veufs ou des divorcés.

Au lieu de définir la famille, concentrons-nous donc sur ce qui compte vraiment ici. Nous avons parlé de la famille et évoqué le principe de l'importance de la famille dans le seul but d'établir un contexte. Mais la question fondamentale ici est celle de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en milieu de travail et dans la fourniture de biens et de services. Il est question ici d'égalité et d'équité.

Par conséquent, je préférerais ne pas détourner l'attention du comité ou de la Chambre en m'engageant dans un processus visant à définir ce qu'est une famille. En passant, si les familles sont aujourd'hui menacées au Canada, et je pense que c'est dans une certaine mesure le cas, ce n'est pas du fait d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Si les familles sont aujourd'hui menacées au Canada c'est à cause de l'incertitude économique à laquelle elles sont confrontées. C'est à cause d'abus qui sont commis ou de drogues qui sont consommées...

M. Robinson (Burnaby - Kingsway): Ou bien de réductions au niveau des paiements de transfert.

M. Rock: Il se passe toutes sortes de choses qui sont très controversées.

Il me semble que si nous nous inquiétons véritablement pour les familles et les enfants et si nous tenons à ce qu'on s'occupe des gens, alors je ne pense pas qu'il nous faille consacrer notre énergie à essayer de redéfinir certaines expressions dans la législation en matière de droits de la personne. Je pense qu'il vaudrait mieux que nous consacrions notre énergie à essayer d'améliorer l'économie et à faire certaines des choses fort sages dont parlent le ministre des Finances et le ministre de l'Industrie. Il nous faut mieux travailler avec les autres paliers de gouvernement pour servir ceux et celles qui sont dans le besoin. Je pense que c'est à ce niveau-là que l'on pourra renforcer les familles.

La troisième question concernait les autres modifications que nous avons proposées.

[Français]

Comme je l'ai dit ce soir, j'ai l'intention de déposer à la Chambre des communes un projet de rapport sur les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce qui a trait aux personnes handicapées, notamment sur l'obligation pour le tribunal de faire a reasonable accommodation, comme vous l'avez suggéré.

La présidente: Vous allez l'inclure dans les autres documents?

M. Rock: Oui.

La présidente: C'est formidable.

M. Rock: Nous avons l'intention de proposer un tribunal plus petit et spécialisé, et plusieurs autres modifications dans le but de moderniser et améliorer la Loi canadienne sur les droits de la personne.

M. Ménard: N'oubliez pas que je vous invite à considérer... Je pense que personne ne peut définir ce qu'est la famille. Mon idée est de dire: Est-ce que l'on ne se mettrait pas ainsi à l'abri d'une éventuelle interprétation restrictive qui pourrait encore donner lieu à de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle? Essentiellement, c'est cela.

.1910

Si vous et vos fonctionnaires avez le sentiment qu'en maintenant la famille...

La présidente: Mon ami, nous allons avoir du temps. Il y a beaucoup de temps.

M. Ménard: Je sais que le Parti réformiste veut parler de cela. Excusez-moi, madame la présidente.

La présidente: Ne vous inquiétez pas. On est ici pour clarifier toutes les questions.

M. Ménard: Excusez-moi. Sorry, colleagues. Je vais reprendre ma place.

[Traduction]

Mme Hayes: J'aurai trois questions. Je vais vous les poser très rapidement et j'espère que vous disposerez de tout le temps dont vous aurez besoin pour y répondre.

La première concerne quelque chose dont j'ai parlé tout à l'heure. Pourquoi n'avez-vous pas parlé publiquement du fait que cela aura vraisemblablement une incidence sur les avantages de conjoint, ce que vous avez affirmé dans la première série de questions?

Ma deuxième question est la suivante. La définition de «famille» donnée par notre parti repose sur les liens du sang, du mariage et de l'adoption, le mariage étant l'union d'un homme et d'une femme, telle que définie dans la loi. Tous les exemples que vous avez donnés seraient certes inclus dans notre définition. Accepteriez-vous personnellement notre définition?

Troisièmement, je suis d'accord avec vous: nous sommes en faveur de droits égaux et d'une protection contre la discrimination pour tous les Canadiens. En ce qui concerne les avantages de conjoint, il est à mon sens question du droit ou de l'admissibilité de certains groupes. Vous êtes avocat, mais moi je ne le suis pas. L'expression «droits égaux» est-elle synonyme d'«admissibilité égale»?

M. Rock: Premièrement, permettez-moi de dire très clairement que dans la dernière série de questions, je réagissais aux propos de Max Yalden. Il nous fournit la preuve depuis de nombreuses années qu'il est tout à fait en mesure de se défendre. Je vais donc le laisser se défendre. Vous lui avez imputé des paroles qu'il n'a selon moi pas prononcées, et il me semble qu'il a tiré tout cela au clair lors de sa comparution devant le comité sénatorial. Laissons donc Max Yalden de côté pour l'instant.

J'ai très clairement exposé la position du gouvernement dans le cadre de ces questions et réponses. Le projet de loi ne traite pas d'avantages. C'est aussi simple que cela.

Mme Hayes: Le projet de loi n'en traite pas. Mais, encore une fois, en tant qu'avocat, en tant que membre du barreau, et sachant ce qui est arrivé dans le passé, il semblerait que Max Yalden prévoie que cela débouche sur des prestations ou des avantages de conjoint.

M. Rock: Il devra lui-même s'expliquer là-dessus.

Mme Hayes: Êtes-vous de cet avis personnellement?

M. Rock: Il devra lui-même s'expliquer là-dessus.

Mme Hayes: Je vous demande votre opinion juridique, en votre qualité d'avocat.

M. Rock: Le projet de loi ne traite pas d'avantages. Les avantages de conjoint font l'objet de litiges devant les tribunaux à l'heure actuelle, avec ou sans cet amendement. Le projet de loi ne va pas trancher ces questions.

Mme Hayes: Mais quelle serait votre opinion juridique?

M. Rock: Au sujet de quelle question?

Mme Hayes: Celle de savoir si le projet de loi débouchera sur des avantages de conjoint.

M. Rock: Je pense que la réponse est qu'il nous faudra attendre de voir ce que les tribunaux décideront. Tout dépend des avantages concernés, des faits pertinents dans chaque cas et des différentes circonstances.

Ce sera aux tribunaux qu'il reviendra de trancher relativement à ces questions, car le Parlement ne l'a pas fait. Le projet de loi ne va pas résoudre ces questions, un point c'est tout. Il n'en traite pas directement et il ne règle pas la question des avantages. La situation demain sera la même qu'elle a été hier. Le lendemain de l'adoption du projet de loi, il y aura toujours devant les tribunaux des revendicateurs de prestations et d'avantages et il faudra toujours attendre de voir ce que les tribunaux décideront.

Mme Hayes: À votre avis, cette éventualité est-elle plus probable avec le projet de loi, ou bien celui-ci ne change-t-il rien à ce niveau-là?

M. Rock: Cela dépend en grande partie de l'approche des tribunaux ainsi que de l'avantage demandé.

Je n'essaie pas de m'esquiver. On est en train de boxer dans le vide ici. On dit qu'on est tous en faveur de droits égaux, mais on ne veut pas que le gouvernement interdise la discrimination ,car l'épouvantail sortira peut-être de l'ombre pour accorder des avantages à tout le monde. Ce que je dis, c'est que cette logique ne...

Mme Hayes: On n'a pas répondu à cette question.

M. Rock: On vous donne une réponse que vous n'aimez pas.

Mme Hayes: Non, ma question cherchait à connaître votre opinion, mais vous ne me la donnez pas.

La deuxième question visait à savoir si vous acceptez notre définition de ce qu'est la famille.

M. Rock: J'ai déjà dit que je ne pense pas que l'on gagne quoi que ce soit à essayer de définir le terme «famille». Je ne pense pas que cela nous aide. On parle ici d'interdire la discrimination et non pas de définir la famille. Si l'on s'inquiète pour les familles, alors qu'on fasse quelque chose pour leur venir en aide, pour venir en aide à leurs enfants, pour lutter contre la pauvreté dans l'enfance et les abus commis à l'endroit d'enfants ici au Canada. Si l'on s'inquiète pour les familles, alors qu'on les appuie en adoptant des lois telles que les gens auront de meilleures possibilités de se trouver un emploi, en travaillant avec les gouvernements pour aider les plus démunis. Si l'on s'inquiète pour les familles, alors qu'on se concentre là-dessus et qu'on ne s'adonne plus à des discussions arides sur la définition des liens du sang, car cela ne nous mènera nulle part.

.1915

La présidente: Excusez-moi, monsieur le Ministre, mais j'aimerais invoquer la prérogative du président. Une question a été posée. Pourriez-vous, je vous prie, répéter votre définition de famille, étant donné qu'au Québec, par exemple, une proportion élevée de personnes vivent en union libre et ont des enfants? S'agit-il de familles? J'aimerais connaître votre définition.

Mme Hayes: Oui. Nous disons que c'est l'union d'un homme et d'une femme, telle que définie par la loi, et les unions de fait sont reconnues dans la loi. Ces unions feraient donc partie de notre définition.

La troisième question, donc, si vous me permettez de...

M. Rock: Pardonnez-moi de vous interrompre. Qu'en serait-il d'une femme vivant seule avec trois enfants? Parlerait-on de famille?

Mme Hayes: Certainement. Il s'agit des personnes qui sont liées entre elles par le sang, le mariage ou l'adoption. Cette mère serait certainement liée aux enfants qu'elle a portés, ou qu'elle a adoptés...

La présidente: Si elle vivait avec une autre femme, serait-ce la même chose?

Mme Hayes: Non, nous disons qu'il doit s'agir de l'union d'un homme et d'une femme...

La présidente: Je vois. Elle a donc ces trois enfants. Ces enfants sont à elle, mais elle vit avec une autre femme, alors ce n'est pas bien.

Mme Hayes: Il me semble que ce n'est pas moi le témoin.

La présidente: Je cherchais tout simplement à comprendre ce que vous vouliez dire.

Mme Hayes: Je vous ai donné la définition. Vous pouvez en faire ce que vous voulez.

La troisième question que j'aimerais vous poser est la suivante: est-ce que «droits égaux» et «admissibilité égale» sont synonymes? Est-ce discriminatoire de dire qu'une personne n'a pas droit à ce à quoi a droit une autre personne?

M. Rock: Je ne suis pas certain de comprendre. Tout ce que nous essayons de faire ici c'est de veiller à ce que, si vous êtes gai ou lesbienne, vous soyez traité de la même façon que tout le monde, dans votre milieu de travail fédéral ou si vous demandez des biens ou des services fournis par des compagnies à réglementation fédérale. C'est cela, l'égalité.

Mme Hayes: Oui. Et qu'en est-il des droits dans ces domaines?

M. Rock: Qu'entendez-vous par «droits»?

Mme Hayes: Les droits ou l'admissibilité aux avantages.

M. Rock: Voilà qu'on est revenu à la question des avantages.

Mme Hayes: Oui.

M. Rock: Vous n'aimez pas la réponse que je vous ai donnée là-dessus, alors à quoi sert-il d'y revenir encore? Ma réponse est que le projet de loi ne traite pas d'avantages.

Mme Hayes: Non, ma question porte sur la reconnaissance de droits égaux. Est-ce que «droits égaux» et «admissibilité égale» sont synonymes?

M. Rock: Apparemment pas, puisqu'en Ontario, par exemple, où même s'il y a une certaine égalité sur le plan protection contre la discrimination, depuis que l'orientation sexuelle a été ajoutée en 1986 à la loi ontarienne sur les droits de la personne, la question de savoir si les avantages s'appliquent continue de faire l'objet de litiges. Je pense donc que la réponse à votre question est non.

La présidente: Monsieur Robinson.

M. Robinson: Merci, madame la présidente.

J'aimerais remercier de nouveau le ministre d'être venu comparaître devant le comité et souligner le rôle qu'a joué la présidente dans le cadre des travaux du Sous-comité sur les droits à l'égalité en 1985. Elle a joué un rôle décisif au sein de ce comité et dans l'aboutissement de ses travaux. J'ai peut-être joué un certain rôle au niveau de la rédaction, mais je sais que la présidente a contribué au résultat final et je tiens à le souligner, pour que cela figure au procès-verbal, et à la remercier pour le leadership qu'elle a assuré dans ce dossier.

J'aimerais poser une question supplémentaire, qui découle de celle qui vient tout juste d'être posée, après quoi j'en aurai deux autres.

La présidente, Mme Finestone, vient de vous interroger au sujet d'une famille composée d'un couple de lesbiennes et de trois enfants. Nous avons dans cette salle des gens qui font partie de familles. Brent Hawkes appartient à une famille avec son conjoint, John. Ils sont ensemble depuis 14 ans. Michelle Douglas fait partie d'une famille avec sa conjointe, Rose. Elles sont ensemble depuis sept ans. J'aimerais que le ministre nous fournisse quelques éclaircissements. Lorsque le gouvernement reconnaît et affirme l'importance de la famille, les familles que je viens d'évoquer y sont-elles incluses?

M. Rock: Nous n'avons pas défini le terme «famille» justement parce que nous ne voulions pas discuter de la question de savoir qui est inclus et qui ne l'est pas. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le projet de loi concerne la discrimination et c'est là-dessus qu'a porté notre travail. Je me demande vraiment si ce n'est pas futile de discuter de la question de savoir si un tel ou une telle appartient à une famille aux fins du préambule.

M. Robinson: Je cherche tout simplement à obtenir des éclaircissements. Il n'est pas futile, monsieur le Ministre que les gais et les lesbiennes sachent si nos familles sont incluses dans le projet de loi.

Est-ce l'intention du ministre - et sa comparution devant le comité vise justement à tirer cela au clair - de faire en sorte que les familles gaies et lesbiennes soient également incluses parmi les familles dont il est question dans le projet de loi?

M. Rock: L'intention du ministre est d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. C'est ce que vise le dispositif du projet de loi.

M. Robinson: Et les familles dont il est question dans le projet de loi englobent-elles les familles lesbiennes et gaies?

M. Rock: Les familles dont il est question dans le préambule sont les familles canadiennes. Par conséquent...

Je ne pense pas...

M. Robinson: Englobent-elles les familles lesbiennes et gaies?

M. Rock: Je ne vais pas me lancer dans une discussion sur la question de savoir qui est inclus et qui est exclu. Je ne pense pas qu'il soit utile de définir le terme «famille», car il en existe de nombreuses définitions. Il est difficile de trouver un terrain d'entente sur le plan définition, et il n'est pas nécessaire, aux fins de...

.1920

M. Robinson: Madame la présidente, les gais et les lesbiennes, qui lisent le projet de loi, qui examinent le préambule et qui constatent que le gouvernement veut reconnaître et proclamer l'importance de la famille, veulent savoir si le gouvernement réaffirme en même temps l'importance des familles gaies et lesbiennes.

Je demande donc une nouvelle fois au ministre si les familles de Michelle Douglas, de Brent Hawkes, de Jim Egan, ainsi que celle du couple de lesbiennes avec trois enfants, dont a parlé la présidente, sont reconnues en tant que telles dans le projet de loi? Est-ce là l'intention du ministre?

M. Rock: L'objet du projet de loi est d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, et c'est ce qu'il fait. On m'a interrogé plus tôt dans l'après-midi au sujet de ramifications juridiques en matière de famille et de situation de famille, et j'ai évoqué un jugement de la Cour suprême du Canada.

M. Robinson: Je ne vous interroge pas là-dessus.

M. Rock: Mais je réponds...

M. Robinson: Sauf le respect que je lui dois, le ministre ne répond pas.

M. Rock: Si, je réponds.

M. Robinson: Ces familles sont-elles incluses dans la définition de «famille», oui ou non? Les gais et les lesbiennes qui entretiennent des relations d'amour et d'engagement au sein de familles sont-ils inclus dans cette proclamation du gouvernement?

M. Rock: Nous avons expressément refusé de définir le terme «famille». Je ne suis pas ici pour définir ce qu'est une famille. Je suis ici pour vous dire...

M. Robinson: Le ministre n'est donc pas prêt à affirmer que les familles gaies et lesbiennes sont incluses dans la définition de «famille» aux fins du projet de loi.

M. Rock: Je vous dis que je ne suis pas ici pour définir la famille. Là n'est pas l'objet du projet de loi.

M. Robinson: Et vous n'êtes pas prêt...

M. Rock: L'objet du projet de loi, madame la présidente, est d'interdire la discrimination.

M. Robinson: Le ministre refuse de confirmer aux gais et aux lesbiennes que nos familles sont incluses dans le projet de loi.

J'aimerais poser au ministre une question au sujet des avantages. Le ministre a fait état de la décision Mossop. Le ministre sait que suite à cette décision la Cour suprême du Canada s'est prononcée sur cette question dans une autre affaire, l'affaire Egan et Nesbit. Je suppose que le ministre est au courant de cette décision et qu'il sait qu'une majorité des juges, soit cinq sur neuf, a affirmé que la discrimination à l'endroit des couples de même sexe et la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle supposent un traitement différent à l'égard de personnes du même sexe qui se représentent comme étant un couple de droit commun, par opposition aux personnes de sexe opposé qui font de même.

M. Rock: En effet.

M. Robinson: J'imagine que le ministre sait que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, selon la majorité des juges de la Cour suprême du Canada - Sopinka a été décisif là-dessus - comprend également la discrimination dans la reconnaissance d'avantages et de prestations pour les couples homosexuels.

M. Rock: En effet, et si je me souviens bien, la Cour suprême a également invoqué l'article 1.

M. Robinson: Oui, mais cela n'inclut pas la reconnaissance des avantages, et le ministre l'a reconnu et connaît la décision. Je pense également que...

M. Rock: Mais je pense...

M. Robinson: Non, le ministre a raison, et j'aimerais donc passer à...

M. Rock: ...l'affaire concernait la question de savoir si un requérant en particulier avait droit à des prestations particulières, et la Cour a décidé que nonobstant tout ce qui avait été dit...

M. Robinson: Dans ce cas particulier.

M. Rock: ...qu'à cause de l'article 1...

M. Robinson: Précisément.

M. Rock: ...dans cette affaire, il était admissible de refuser les avantages concernés.

M. Robinson: Précisément. Mais la Cour a également décidé à la majorité que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle inclut la discrimination à l'endroit de couples homosexuels.

M. Rock: Et elle a poursuivi en disant que c'est au Parlement qu'il revient de déterminer le rythme auquel le changement social s'opérera. Nous allons attendre de voir ce que fait le Parlement au fur et à mesure que ces questions progressent.

M. Robinson: C'est exact. Néanmoins, il est assez clair que la discrimination...

La présidente: Monsieur Robinson, cela m'ennuie de vous embêter ainsi, mais il vous reste environ deux secondes.

M. Robinson: Dans ce cas, je vais poser ma question.

Le ministre a confirmé que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle inclut l'octroi d'avantages, et que c'est aux tribunaux qu'il revient de décider. Ma dernière question concerne ce que l'on entend par «orientation sexuelle». Les trans-genderistes sont depuis des décennies victimes de discrimination au sein de la société canadienne, comme le sait le ministre. Le ministre est-il prêt à confirmer que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle couvre également les trans-genderistes?

M. Rock: La Cour d'appel fédérale a eu l'occasion de définir l'orientation sexuelle aux fins d'une affaire relativement récente, et elle a abordé la question de l'orientation en s'appuyant sur l'hétérosexualité, l'homosexualité et la bisexualité. Compte tenu de cela et d'autres affaires où il a été question d'orientation sexuelle, je pense que c'est là l'approche que suivraient les tribunaux. Je pense que c'est ce à quoi nous devrions nous attendre en tant que définition de l'orientation sexuelle dans ce contexte.

Permettez-moi de revenir un instant sur l'affaire Egan et Nesbit, car cela se rattache à quelque chose qui a été soulevé plus tôt ce soir, notamment la question de savoir si l'ajout de l'orientation sexuelle amènera automatiquement la reconnaissance d'avantages. La réalité est que dans l'affaire Egan et Nesbit, la Cour a décidé que l'article 15 de la Charte devrait être interprété comme englobant l'orientation sexuelle. La discrimination fondée sur l'orientation sexuelle n'est pas permise dans les lois fédérales et les mesures gouvernementales, mais, s'appuyant sur les faits, le tribunal a refusé d'accorder aux intéressés les avantages demandés , ce qui prouve qu'il est possible et d'interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et de ne pas étendre les avantages de conjoint aux couples de gais ou de lesbiennes. Pour ceux qui prétendent que cela amènera automatiquement...

.1925

M. Robinson: Ce n'est pas automatique.

M. Rock: C'est exact, ce n'est pas automatique.

La présidente: Monsieur Robinson, je vous ai accordé beaucoup de latitude. J'ai laissé le ministre répondre à vos questions.

M. Rock: Il a terminé ma phrase.

La présidente: Ah bon? Très bien alors.

Russell MacLellan.

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur le Ministre, d'être venu ici ce soir. J'ai apprécié vos explications selon lesquelles des études montrent que les jeunes homosexuels courent deux ou trois fois plus le risque de faire une tentative de suicide que les adolescents hétérosexuels.

J'aimerais passer à autre chose. Au cours des dernières années, nous avons constaté la création, au sein de nos services de police, d'unités spéciales de lutte contre les crimes qui s'appuient sur des préjugés. Le Service de police régional d'Ottawa-Carleton a créé une unité du genre en janvier 1993 par suite de la réalisation que dans cette ville des crimes sont commis à l'endroit de certaines personnes du fait de leur race ou de leur orientation sexuelle. Que dites-vous à ceux qui prétendent que la discrimination à l'égard d'autrui à cause de son orientation sexuelle n'est pas un problème dans notre société?

M. Rock: Nous avons insisté sur ces questions plus tôt en réponse à M. Scott, mais il est évident pour tout le monde que c'est un problème. Ce que vous venez de dire au sujet de la création au Canada d'unités policières de lutte contre les crimes à caractère raciste, etc. est encore une autre manifestation de l'existence du problème.

Le comité se souviendra peut-être que l'an dernier on a adopté le projet de loi C-41, traitant de la détermination des peines en droit pénal. Le projet de loi contenait une disposition exigeant des tribunaux qu'ils traitent comme étant une circonstance aggravante dans la détermination de la peine le fait que le coupable ait été motivé par la haine ou par des préjugés envers la victime. La discussion en comité a porté, au moins en partie, sur la question de savoir si cette disposition était nécessaire. Malheureusement, les preuves en ce sens étaient abondantes.

Des services de police partout au pays ont non seulement créé des unités de lutte contre les crimes à caractère haineux mais elles ont également rapporté que l'une des catégories les plus courantes de crimes à caractère haineux, qui est en même temps l'une de celles qui prend de plus en plus d'ampleur, est celle des crimes fondés sur des préjugés ou sur de la haine à l'égard des gais et des lesbiennes. Les preuves sont donc abondantes et la disposition contenue dans le projet de loi est un tout petit pas en avant dans le contexte d'un effort important qui doit être maintenu.

M. MacLellan: J'aimerais partager le temps qui m'est alloué avec M. Maloney.

La présidente: Dans ce cas, je vais donner à M. Maloney le temps qui vous reste.

J'aimerais vous poser une question, si cela ne vous ennuie pas. La question de la haine et de la propagation d'attitudes haineuses à l'égard des homosexuels au moyen de l'Internet et de tous les nouveaux systèmes de communication n'est pas abordée dans le projet de loi.

M. Rock: De façon générale, la propagande haineuse est couverte par l'article 13, qui stipule que si vous favorisez la haine envers des personnes qui peuvent être identifiées sur la base d'un motif illicite de distinction, alors la commission peut prendre des mesures. S'il était allégué que de tels messages visaient une personne du fait de son orientation sexuelle, ce qui est un motif illicite de discrimination, alors la commission pourrait intervenir.

La présidente: Merci.

Monsieur Maloney.

M. Maloney (Erie): J'aimerais que vous me fournissiez un éclaircissement sur l'échange que vous avez eu avec M. Robinson relativement à l'affaire Egan et Nesbit. Dans cette affaire, il y a eu refus d'avantages. Il a été dit que ce n'était «pas automatique». Dans quelles circonstances - ou bien l'affaire fait-elle état de circonstances - cela serait-il envisagé?

M. Rock: Automatiquement?

M. Maloney: Non, quand cela serait-il envisagé? Si ce n'est pas automatique, quand cela serait-il envisagé? Les juges ont-ils fait état de cela dans cette affaire?

.1930

M. Rock: Oui, dans le sens qu'ayant jugé que la discrimination fondée là-dessus est interdite, ayant jugé qu'a priori les administrateurs du régime de pension concerné avaient fait de la discrimination, la question est devenue la suivante: étant donné que ce n'est pas valide pour cette raison-là, l'article 1 renverse-t-il les choses? L'article 1 permet de s'écarter des principes énoncés dans la Charte uniquement dans la mesure et les circonstances raisonnablement justifiées dans une société libre et démocratique.

La Cour a par conséquent entrepris cette analyse et a décidé à la majorité que cela était tout à fait autorisé dans une société libre et démocratique. Elle a fait état de conditions et de considérations sociales. Elle a conclu que c'était au Parlement de décider quand et dans quelle mesure autoriser des prestations de pension aux membres de couples homosexuels.

Je ne sais pas si je réponds à votre question. Quoi qu'il en soit, il y a eu une analyse qui a couvert cela.

M. Maloney: Cela me satisfait. Merci.

La présidente: Monsieur le ministre, chacun des trois partis de l'opposition demande à poser une question. Je sais que la période de temps prévue sera écoulée dans cinq minutes. Acceptez-vous de répondre à encore trois questions?

M. Rock: Bien sûr.

La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Bernier, allez-y.

M. Bernier: Monsieur le ministre, je veux revenir sur la question de la famille. Cela m'apparaît crucial. Puisque vous refusez de définir la famille dans le préambule, puisque vous avez refusé également de reconnaître, en répondant aux questions de mon collègue Robinson, le fait qu'une famille dont les parents sont homosexuels forme une famille au sens où on l'entend dans le préambule du projet de loi, je dois parler de votre intention.

Si j'étais juge d'un tribunal et que je devais prendre en cause un litige, puisque vous n'avez pas défini ce qu'est la famille, je devrais me référer à votre intention comme législateur. Comme vous n'affirmez pas que vous reconnaissez la famille dont les parents sont homosexuels, je voudrais savoir si c'est là votre intention.

Deuxièmement, si vous répondez oui à cette question, pourquoi ne pas simplement enlever cette référence de la famille qui, comme vous l'avez dit, n'a rien à voir avec le reste du projet de loi?

[Traduction]

M. Rock: Le mot est là, non pas dans le dispositif du projet de loi, mais dans le préambule, qui a pour seul objet d'établir le contexte. J'ai refusé l'invitation de M. Robinson de définir le terme «famille», car je ne pense pas que ce soit utile, ni nécessaire.

M. Robinson: J'invoque le règlement. Je n'ai pas demandé au ministre de définir le terme «famille». Je lui ai demandé si certaines familles étaient englobées.

La présidente: Merci beaucoup.

M. Rock: Il me faut dire, pour ma part, que dans mon esprit en tout cas, répondre à la question de M. Robinson exigerait de moi que je définisse le terme «famille». Je ne pense pas que ce soit nécessaire ou utile.

Quant à l'interprétation, je pense que si un tribunal devait trancher, il se rapporterait au libellé du projet de loi et notamment à l'expression «orientation sexuelle» dans le contexte des motifs illicites de distinction. L'adoption du projet de loi ne va pas forcément amener une interprétation du terme «famille».

Si vous me le permettez, je vous rappellerai que depuis 1983, la Loi canadienne sur les droits de la personne fait état de la situation de famille et que cela a fait l'objet d'interprétations. Je vous ai déjà lu des extraits d'un jugement de la Cour suprême du Canada, qui a décidé à la majorité en 1993 - et c'est le juge LaForest qui a rédigé la décision - que la famille n'englobe pas les couples de même sexe. Nous avons l'interprétation de la Cour sur cet aspect de la question.

[Français]

La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Bernier?

[Traduction]

Monsieur McClelland.

.1935

M. McClelland: Pour plus de clarté, monsieur le ministre, plusieurs groupes religieux ont fait part de leur crainte d'être sanctionnés s'ils exprimaient sur les ondes leurs préceptes religieux condamnant l'homosexualité. D'autres ont également soulevé l'éventualité que certaines religions qui condamneraient l'homosexualité pour des raisons morales du haut de la chaire dans leur église s'exposeraient à des sanctions. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, je vous prie?

M. Rock: Ce projet de loi et la Loi sur les droits de la personne ne s'appliquent pas à la radiodiffusion; et dans la mesure où les Églises sont réglementées, c'est là un pouvoir provincial, et non fédéral.

De quelles religions parlez-vous, si vous me permettez la question?

M. McClelland: De toute religion considérant l'homosexualité comme moralement condamnable. Si dans une émission sur les ondes - et la radiodiffusion relève de la sphère de compétence fédérale - quelqu'un déclare l'homosexualité immorale, cette personne s'expose-t-elle à des sanctions?

M. Rock: Pas en vertu de la Loi sur les droits de la personne, telle que je la conçois. La radiodiffusion relève de la réglementation fédérale, mais la Loi sur les droits de la personne s'adresse au milieu de travail régi par la réglementation fédérale, et vise donc l'emploi, de même que la fourniture de biens et services. Des pratiques discriminatoires ou une discrimination dans ce contexte sont interdites.

Mais si de telles déclarations étaient lancées, leur légalité serait jugée à la lumière des dispositions sur l'incitation à la haine... je suppose que vous ne parlez pas de messages incitant à la haine.

M. McClelland: Non, je dis très clairement que...

M. Rock: Je comprends ce que vous dites, et je réponds que la légalité de tout propos tenu est régie par le Code pénal, et notamment l'article sur l'incitation à la haine, et sur le plan de la responsabilité civile, par les lois relatives à la diffamation si une personne en particulier est visée.

La présidente: Est-ce que cela répond à votre question?

M. McClelland: Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Robinson.

M. Robinson: Je vous remercie, madame la présidente. J'ai plusieurs courtes questions.

J'imagine que le ministre conviendra que les principes très importants énoncés par la Loi canadienne sur les droits de la personne doivent être appliqués ici sur la Colline du Parlement, à la Chambre des communes, au Sénat, de même que dans la Bibliothèque du Parlement.

M. Rock: Nous devrions certainement être les premiers à les respecter. Est-ce que cette question n'a pas été abordée à ce comité il y a peu de temps?

M. Robinson: Je ne sais pas si elle l'a été ici, mais elle l'a certainement été au Bureau de la régie interne, et je suis heureux d'entendre le ministre confirmer que nous devons respecter ces principes.

J'aimerais poser deux autres questions. Je vais peut-être les poser toutes les deux, et le ministre pourra répondre ensuite.

Voici la première. Comme le ministre le sait, un certain nombre de gens au sein de la communauté gaie et lesbienne, notamment l'Association ÉGALE, ont dit craindre que, dans la série de modifications ultérieures que le ministre a l'intention d'apporter à la Loi sur les droits de la personne, il veuille inclure une disposition similaire à l'article 1 de la Charte des droits, ce qui aurait pour effet d'affaiblir considérablement les modifications dont nous sommes actuellement saisis, de même que d'autres dispositions de la loi. J'aimerais que le ministre nous dise s'il a l'intention de proposer ce genre de modification.

Deuxièmement, le ministre, en tant que Procureur général du Canada et ministre de la Justice, pourrait-il nous indiquer la relation qu'il voit entre, d'une part, la Loi canadienne sur les droits de la personne et, d'autre part, d'autres lois fédérales, en particulier la Loi de l'impôt sur le revenu et les lois relatives aux pensions, et nous dire dans quelle mesure la Loi canadienne sur les droits de la personne a préséance sur les autres lois fédérales, c'est-à-dire que ses dispositions l'emporteraient en cas de conflit avec d'autres lois?

M. Rock: Rien dans la loi n'établit expressément qu'elle a préséance sur d'autres lois fédérales, et je ne sais si l'on peut invalider les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple, si elles sont contraires à la Loi sur les droits de la personne. Comme vous le savez, c'est une argumentation que l'on entend fréquemment dans les procès où des plaignants font valoir que des pratiques, conditions de travail ou prestations régies par une loi fédérale devraient être accordées nonobstant les limitations législatives parce que ces limitations sont contraires à la Loi sur les droits de la personne. Parfois, les tribunaux leur donnent raison. Mais aucune disposition de la loi n'affirme sa préséance.

.1940

Mais c'est à l'étude. Nous allons introduire une série de modifications, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. Nous avions initialement l'intention d'y inclure, entre autres, une défense de type article 1, de façon à ce qu'un tribunal judiciaire ou administratif ait le pouvoir de déterminer, en cas de violation de la Loi sur les droits de la personne, si cette violation est justifiable dans une société libre et démocratique, c'est-à-dire procéder à une analyse de ce genre.

De fait, je pense que lorsque nous avons formé l'intention de proposer cette modification, elle avait l'appui des groupes de promotion de l'égalité du Canada. Je suis même certain que tel était le cas. Mais dans l'intervalle, je pense que beaucoup de gens ont changé d'avis sur la question. C'est peut-être dû à l'arrêt Egan et Nesbit. Quoi qu'il en soit, plusieurs groupes de promotion de l'égalité, ou leurs représentants, ont pris contact avec moi pour me dire qu'ils ne sont plus partisans d'une défense de type article 1.

Nous revoyons donc la question et cherchons à mieux cerner leurs préoccupations, et nous n'avons pas encore pris de décision finale. De fait, l'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas inclus le restant des mesures dans ce projet de loi est que nous n'avons toujours pas terminé ces consultations.

Nous nous penchons sur la question et si M. Robinson a un avis à nous communiquer, je serais ravi d'en parler avec lui à un autre moment pour profiter de ses lumières.

M. Robinson: Je prends le ministre au mot et précise bien que ce type de défense, à mon avis, n'a pas sa place dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, du fait qu'il existe déjà d'autres dispositions, comme celle sur les exigences professionnelles normales et d'autres, qui suffisent amplement.

M. Rock: Cela remplacerait ces dispositions sur les exigences normales...

M. Robinson: Cette éventualité suscite de profondes préoccupations et j'espère que le ministre reconsidérera.

M. Rock: Eh bien, c'est ce que nous faisons. C'est ce que je viens de dire. Nous nous en reparlerons.

M. Robinson: Je vous remercie, madame la présidente.

La présidente: Cela dit, mesdames et messieurs, nous avons eu le bénéfice de la présence du ministre au-delà de l'heure promise, et je lui en suis reconnaissante.

M. Rock: Le plaisir était le mien, madame la présidente.

La présidente: Je veux m'assurer que nul ne reste avec des questions ou des interrogations sans réponse, afin que vous puissiez tous prendre vos décisions en connaissance de cause.

Monsieur le Ministre, je vous remercie de la clarté de vos réponses.

Mme Hayes: J'aurais bien une autre question à poser, mais je ne le ferai pas.

La présidente: Je tiens à vous remercier grandement de la clarté de vos explications et de votre volonté de faire en sorte que notre société en soit une où tous les citoyens sont égaux. Je pense que bon nombre des questions qui taraudaient peut-être certains députés ont reçu réponse avec l'éloquence qui caractérise votre discours, et nous vous en remercions infiniment.

M. Rock: Je vous remercie, madame la présidente.

Membres du comité, merci bien.

La présidente: Je vais suspendre la séance quelques instants pour donner aux témoins suivants le temps de prendre place.

.1943

.1950

La présidente: Mesdames et messieurs, nous avons le plaisir d'accueillir les représentants d'ÉGALE.

Vous avez certainement porté à l'attention du public en général, dans le Canada tout entier, les préoccupations de ceux qui ont une orientation différente - homosexuels, hétérosexuels, lesbiennes et gais confondus - et nous sommes impatients d'entendre vos vues sur ce projet de loi, de même que les recommandations que vous pourrez formuler.

Auriez-vous tout d'abord la bonté de vous présenter?

M. John Fisher (directeur exécutif, Égalité pour les gais et les lesbiennes): Je me nomme John Fisher, je suis directeur exécutif d'ÉGALE. J'ai le plaisir d'être accompagné ce soir de Michelle Douglas, du révérend Brent Hawkes et de Mme Carmen Paquette.

Pour commencer, nous sommes très heureux d'être ici ce soir, et très heureux et fiers de pouvoir féliciter le gouvernement d'introduire ces modifications visant à proscrire la distinction fondée sur l'orientation sexuelle. Comme beaucoup de gens dans cette pièce et dans tout le pays le savent, ces changements ne se sont fait que trop attendre. Les communautés lesbiennes et gaies attendent depuis de nombreuses années que notre gouvernement nous protège de la discrimination, et nous sommes ravis d'être sur le point de toucher au but.

Il importe de réaliser que les lesbiennes, les gais, les bisexuels et transsexuels ont longuement souffert de discrimination dans l'histoire du Canada, qu'il y a seulement 25 ans le Code criminel contenait encore des dispositions qui pouvaient nous faire condamner à la prison pour le crime d'aimer un autre être humain du même sexe. Même une fois ces dispositions abrogées, l'homosexualité restait un motif pour refuser aux immigrants l'entrée au Canada et, si une personne avait obtenu un visa d'immigrant et que l'on découvrait qu'elle était homosexuelle ou lesbienne, elle pouvait être expulsée du pays.

Tout au long des années 1960 et 1970, le gouvernement fédéral lui-même a mené des enquêtes poussées pour déterminer lesquels de ses employés pouvaient être lesbiennes ou gais, dans le but de les renvoyer de la fonction publique. Suite à ces enquêtes, auxquelles la GRC participait activement, des centaines de lesbiennes et de gais ont été expulsés de la fonction publique fédérale. Jusqu'à très récemment, les forces armées avaient pour politique déclarée d'interdire la présence de lesbiennes et de gais dans les rangs des militaires.

La présidente: [Inaudible - Éditeur]

M. Fisher: Exactement.

Hier encore, nous avons entendu au moins l'un de nos élus déclarer qu'il devrait être légal, à son avis, de congédier une personne pour le seul motif de son homosexualité. Il est très clair à nos yeux que la discrimination est un problème très réel qui fait partie de notre vie quotidienne au Canada.

Le ministre de la Justice a parlé à juste titre de la fréquence terrifiante du suicide chez les jeunes. Des sondages effectués sur cette question ont fait apparaître le cas d'un jeune homosexuel de Nouvelle-Écosse, par exemple, sur le courrier duquel quelqu'un avait écrit - sans doute un employé postal - les mots: «courrier de pédé». Un couple de lesbiennes voyageant en train se tenaient simplement par la main et se sont vu enjoindre d'arrêter sous peine d'être expulsées du train.

Un gai de ma connaissance exécutait très bien et depuis de nombreuses années son travail de concierge d'immeuble et était très apprécié des locataires. Mais le conseil d'administration de la société gérante, en apprenant qu'il était gai, a conclu qu'il devait être séropositif - ce qui était d'ailleurs faux - et lui a ordonné de libérer son appartement de fonction et l'a congédié, disant explicitement que c'était parce qu'il était homosexuel et sans doute séropositif.

.1955

Les cas comme ceux-ci sont nombreux. La discrimination fait partie de notre quotidien et de la réalité que nous vivons, et nous exhortons ce comité et le gouvernement à faire en sorte que la Loi canadienne sur les droits de la personne dise explicitement ce que les tribunaux ont implicitement statué, à savoir que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est tout simplement inacceptable et n'a pas sa place dans la société canadienne.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Fisher.

Chacun d'entre vous va-t-il commencer par des remarques liminaires?

Mme Michelle Douglas (représentante, Égalité pour les gais et les lesbiennes): Oui, madame la présidente, et merci.

Je suis heureuse de pouvoir relater, de première main, la discrimination dont j'ai souffert aux mains du gouvernement fédéral. J'ai été renvoyée des Forces armées canadiennes en 1989, exclusivement en raison de mon orientation sexuelle.

La présidente: En 1989?

Mme Douglas: Oui. Je suis entrée dans les forces armées en 1986, comme officier...

La présidente: Je suis intriguée par la chronologie et la date. Ce que vous dites m'intéresse beaucoup. On nous avait donné à entendre que cela avait été abrogé en 1987.

C'est en 1987-1988, monsieur Robinson, que cela a été...

M. Robinson: Non, c'était un moratoire, Sheila.

La présidente: C'est tout? C'était donc un moratoire. Et ils continuent cette chasse aux sorcières?

M. Robinson: Ils le faisaient à l'époque.

Mme Douglas: En fait, ma carrière a duré de 1986 à 1989. Une fois que les forces armées, après quelques interrogatoires plutôt humiliants, ont su que j'étais lesbienne, ils m'ont renvoyée des forces armées en 1989. Bien qu'ayant bénéficié d'une libération honorable, le document indiquait explicitement que je n'étais pas utilement employable en raison d'activités homosexuelles avouées.

Pourtant, ma carrière dans les Forces armées canadiennes avait été plutôt brillante. J'ai été reconnue comme la meilleure de ma promotion à l'issue de ma formation de base. Un général pour lequel je travaillais m'avait classée parmi les 5 p. 100 supérieurs de tous les officiers avec lesquels il avait jamais travaillé au long de sa carrière militaire de 28 ans. Il est maintenant major-général.

En dépit de ces états de service, j'ai été renvoyée de l'armée au seul motif de mon orientation sexuelle. Je suis toujours employée dans la Fonction publique fédérale. Je sais de première main ce qu'est la discrimination au seul motif de l'orientation sexuelle. J'ai été congédiée par le gouvernement pour cette seule raison.

Je suis donc inquiète de voir que je ne jouis d'aucune protection expresse dans mon emploi actuel. Par exemple, si on me refusait un avancement pour ce seul motif, je n'ai pas de protection expresse. Je suis inquiète et me sens vulnérable et pense avoir des raisons de l'être. Lorsqu'on a été mise à la porte pour cette raison précise, je pense que c'est une crainte réelle et fondée. Inscrire l'orientation sexuelle dans la Loi canadienne sur les droits de la personne réconforterait et rassurerait les gais et lesbiennes face à ce risque très réel. À mon avis, c'est certainement une question de justice et d'égalité que d'interdire de congédier quelqu'un au seul motif de l'orientation sexuelle.

Voilà ce que j'avais à dire, madame la présidente. Je vous remercie.

La présidente: Très émouvant. Je vous remercie de ce récit.

Mme Douglas: Merci.

Le révérend Brent Hawkes (représentant, Égalité pour les gais et les lesbiennes): Je me nomme Brent Hawkes et je suis pasteur principal à la Metropolitan Community Church of Toronto. Les membres du clergé ne sont pas réputés pour leur laconisme, mais j'essaierai d'être bref. Je sais parler vite et j'espère donc pouvoir tout caser.

Je voudrais parler plus particulièrement de la réaction de la communauté religieuse aux questions qui nous occupent. Il est évident que cette communauté est profondément divisée. On constate un extrémisme, habituellement importé des États-Unis, notamment sous forme d'un magazine intitulé The Torch, un brûlot révolutionnaire de la chrétienté blanche qui appelle à l'extermination des gais et des lesbiennes.

Il y a deux ans, des menaces de mort ont été proférées contre notre Église. La police nous a dit que ces menaces étaient sérieuses et que je devrais porter un gilet pare-balles lors du défilé de la Journée de la fierté des lesbiennes et des gais. Rien que pour conduire un service religieux, il me fallait porter un gilet pare-balles et l'église devait être fouillée deux fois par des chiens policiers avant la cérémonie.

Nous ne prenons pas cela à la légère. Dix-sept de nos églises ont été incendiées dans le monde, causant la mort de 31 personnes, et cela fait que nous ne pouvons pas prendre à la légère les menaces et l'intimidation.

Nous comparons cela à l'enseignement des Écritures, qui nous disent de faire preuve d'amour, de justice et de bonté et d'aimer notre prochain comme nous-mêmes. Nous comparons cet appel à l'amour dans les communautés religieuses avec une société très brutale où l'on peut être congédié simplement à cause de ce que l'on est et de qui on aime. Je vous le demande, quel enseignement donnons-nous à nos enfants lorsque nous tolérons ce genre de discrimination? La discrimination heurte les gens de foi épris de justice.

J'ai ici des télécopies, dont j'espère que vous les avez reçues aussi. L'une provient du modérateur de l'Église unie du Canada, la plus grande confession protestante du Canada, disant que ce projet de loi ne s'est fait que trop longtemps attendre, que la discrimination est une mauvaise chose et que la société canadienne peut faire mieux que cela, et que ce projet de loi y contribuera.

.2000

J'ai aussi un fax de l'Église anglicane du Canada disant qu'elle a réclamé cette législation dès 1979 et réitéré cette demande en 1995. Vu ces prises de position de l'église, j'encourage votre gouvernement dans cette entreprise de modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne visant à inscrire l'orientation sexuelle sur la liste protégée.

J'ai aussi une déclaration un peu moins claire de la Conférence canadienne des évêques catholiques. J'aimerais citer un extrait de son document:

J'ai également un fax de l'Église cathare du Canada, qui est membre du Evangelical Fellowship of Canada, disant qu'elle se dissocie de la position de l'Evangelical Fellowship of Canada, une organisation coiffant différentes confessions et qui est maintenant l'un des chefs de file de la lutte contre ce projet de loi. Nous voyons donc là l'un de ses membres affirmant que l'association ne parle pas en son nom.

Une question a été posée au sujet des émissions religieuses. Je n'ai rien contre le fait que les chaînes religieuses disent que l'homosexualité est immorale. Je pense que leur théologie et leur interprétation des Écritures sont fautives, mais si elles veulent clamer cela, elles peuvent le faire. En revanche, je vois un problème lorsqu'un Jerry Falwell dit qu'il n'a rien contre l'idée de passer au napalm les gais et lesbiennes qui manifestent devant la Maison blanche. C'est de l'incitation à la haine, et notre société ne doit pas le tolérer.

Je ne pense pas que ce projet de loi porte atteinte en aucune façon aux familles. Ce dimanche, je vais retourner dans ma congrégation. Il se trouve que ce sera le dimanche de la famille dans mon église. Bien que nos fidèles soient homosexuels à 90 p. 100, en ce dimanche nous aurons beaucoup de mamans et de papas et de frères et soeurs et de fils et filles qui viendront, avec les membres de leur famille, célébrer le culte en famille dans notre église.

Ce n'est pas que les gais et les lesbiennes soient à l'extérieur et demandent à être englobés dans la définition de la famille; nous y sommes déjà. Nous demandons simplement une reconnaissance de cette réalité et de sa validité. Je parlerai de valeurs familiales dans mon sermon de dimanche et je pense que les familles présentes diraient que l'une de leurs valeurs est la protection contre la discrimination.

Ainsi, prôner les valeurs familiales c'est prôner l'inclusion, prôner l'amour, prôner le droit des gens à travailler, indépendamment de qui ils aiment. Ce n'est pas une valeur familiale que d'approuver la discrimination. Ce n'est pas une valeur familiale que de tolérer la haine. Ce n'est pas une valeur familiale que de se cacher derrière la religion pour prôner l'intolérance.

J'espère donc que votre comité entendra l'appel des Écritures à l'amour et à la justice et à la merci, et entendra l'appel des Écritures à aimer son prochain et à faire ce qui est juste, et écoutera, en vérité, la majorité des Canadiens de diverses confessions qui sont en faveur de ce projet de loi.

La présidente: Je vous remercie de ces remarques très émouvantes.

[Français]

Madame Paquette, s'il vous plaît.

Mme Carmen Paquette (représentante de Equality for Gays and Lesbians Everywhere): Salut. Je vais m'adresser à vous en français.

Je vais commencer mes remarques en disant que j'ai siégé pendant trois ans en tant que commissaire des droits de la personne en Ontario. Je sais donc ce que c'est que vivre sous un régime provincial où l'orientation sexuelle est incluse dans la loi. Si vous avez des questions à ce sujet-là, il me fera plaisir d'y répondre.

Nous sommes cependant ici pour vous dire que la population canadienne nous appuie. Tous les sondages, depuis 10 ans, démontrent que la population canadienne ne veut pas qu'il y ait de discrimination envers les gays et les lesbiennes. C'est vrai que les sondages, au niveau de la reconnaissance de nos relations, sont en courbe ascendante; d'année en année, il y a de plus en plus d'appuis. Depuis 10 ans, les Canadiens sont fortement d'accord qu'il n'y ait pas de discrimination.

En ce qui a trait à la reconnaissance de nos relations, nous pensons qu'on est en train, avec l'éducation communautaire, de gagner cette bataille et qu'il y a beaucoup de progrès à ce niveau.

Donc, les Canadiens appuient la fin de cette discrimination. Huit provinces et territoires ont déjà cette protection, dont ma province. Les tribunaux, dans l'affaire Haig, ont déjà dit qu'il fallait interpréter la Charte comme incluant l'orientation sexuelle. Un sénateur conservateur a même pris l'initiative dans ce dossier-là.

.2005

Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que le Canada vous attend. On vous attend et on s'attend à ce que vous adoptiez ce projet de loi.

Je vous remercie.

La présidente: Merci, madame Paquette.

Monsieur Ménard.

M. Ménard: Je l'ai déjà mentionné, mais je pense que c'est utile de le rappeler. Il est évident que si on a aujourd'hui un projet de loi comme celui-ci devant le Parlement, c'est parce qu'on a eu un organisme comme EGALE. Tout le monde doit reconnaître l'excellence du travail que vous accomplissez depuis déjà plusieurs années, et il faut prendre le temps de vous remercier et de vous dire que, si on est reconnaissants au ministre d'avoir corrigé une situation que tout le monde reconnaît comme discriminatoire, il faut également reconnaître le travail bénévole que vous effectuez depuis de nombreuses années. Je veux profiter de cette occasion pour vous remercier.

J'ai deux questions. Évidemment, on ne discutera par de l'orientation sexuelle, car on sait que vous souhaitez que cela soit un motif clairement exprimé à l'intérieur de la loi.

Souhaitez-vous que nous travaillions à définir la famille ou si vous nous recommandez le statu quo et l'adoption de la loi sans une tentative de définition de la famille?

Vous avez vu le débat qui s'est engagé entre moi-même et le ministre. Mon collègue Bernier est également intervenu de même que Svend Robinson. Donc, que nous suggérez-vous en tant que comité en ce qui a trait à la famille?

[Traduction]

M. Fisher: Comme beaucoup d'autres membres du comité l'ont déjà fait, nous avons noté qu'il y a une mention de la famille dans le préambule de ce projet de loi. Nous préférerions, bien entendu, que cette mention traduise explicitement la réalité de l'existence de nombreuses formes différentes de familles dans la société canadienne. Comme vous l'avez entendu, il est évident, à nos yeux, que nous aussi avons des relations familiales. Nous avons nos mères, nos pères, nos soeurs et frères, les familles de nos compagnes et compagnons - tous font partie de ce que nous concevons comme la famille.

J'ai entendu le ministre dire que la famille est quelque chose de subjectif et que le gouvernement a évité exprès de la définir afin que ces questions restent l'apanage des tribunaux, afin d'éviter d'accroître ou d'amoindrir, explicitement ou implicitement, la faculté des tribunaux de donner leur interprétation au fur et à mesure de l'évolution de la société canadienne.

À mes yeux, mon compagnon fait partie de ma famille. J'ai été ravi récemment de passer Pâques avec ses parents et son frère et sa soeur, et de me sentir membre de cette famille pendant que nous fêtions Pâques. Nous pensons que dans un monde idéal, cette forme familiale serait explicitement mentionnée. Le projet de loi ne donne pas de définition, ni restrictive ni extensive, de la notion de famille, et bien que ce ne soit pas idéal, nous sommes disposés à l'accepter, vu les remarques du ministre.

[Français]

M. Ménard: Vous êtes donc d'accord que dans notre rapport final, nous ne recommandions pas qu'il y ait une modification à la définition de la famille. On s'entend là-dessus.

Deuxièmement, vous avez, particulièrement vous, John, une vaste expérience et vous vous êtes promené à travers le Canada.

Souhaiteriez-vous nous donner des exemples très immédiats, très contemporains, très actuels de discrimination encore vécue en milieu de travail? Souhaiteriez-vous sensibiliser le comité à des situations particulièrement choquantes? Nous avons évidemment eu les témoignages de vos collègues. Par exemple, les Forces armées ont émis un communiqué, l'an dernier, disant qu'elles s'engageaient à ne plus faire de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle.

Depuis l'émission de ce communiqué en 1995, avez-vous eu des indications que les Forces armées, ou d'autres agences fédérales, continuaient de faire de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle?

[Traduction]

M. Fisher: Il est manifeste que dans chaque province de ce pays la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est répandue. Je la rencontre régulièrement dans mon travail. Avant d'assumer mes fonctions de directeur exécutif d'ÉGALE, j'ai travaillé avec M. Philip MacAdam, l'avocat qui a plaidé la cause Haig. Il a une clientèle surtout lesbienne et homosexuelle et nous avons vu des cas choquants de discrimination. À mon bureau, je reçois régulièrement des appels de lesbiennes et de gais de tout le pays, dont beaucoup sont trop terrifiés pour seulement donner leur nom, de crainte d'être découverts. Certains songent au suicide.

.2010

Aussi frustrant que ce soit de ne pouvoir leur assurer la garantie fédérale de leur droit à l'égalité, je fais de mon mieux pour leur faire comprendre qu'il n'y a pas une opposition monolithique à cela au sein de la société canadienne, que tous les sondages d'opinion, comme Mme Paquette l'a dit, font ressortir clairement une majorité favorable à cela dans la population.

Il n'y a pas eu d'enquête exhaustive sur la discrimination dans notre pays car les pouvoirs publics n'ont tout simplement pas posé ces questions dans leur recensement. Il est donc difficile de donner des chiffres, mais je sais que beaucoup de gens en souffrent.

Je vois que Brent souhaite répondre.

Le révérend Hawkes: Il y a là deux aspects. Il y a d'abord la question de la discrimination qui peut être chiffrée. Mais ce qui est probablement plus répandu et plus néfaste pour notre société, est la crainte qu'ont les gens d'être découverts et de perdre leur emploi.

Par exemple, mon conjoint et moi-même vivons ensemble depuis 15 ans. Nous avons récemment fêté l'anniversaire de notre relation. Mon père, mon frère, ma soeur et son mari, les jumeaux, mes cousins, mes neveux et nièces sont tous venus du Nouveau-Brunswick pour cette fête. Je suis un peu un personnage public. Je circule beaucoup, on me voit beaucoup dans les médias et mon conjoint, John, est très timide et réservé. Il arrive, de temps en temps que les caméras le surprennent à mes côtés ou à proximité. Il travaille pour une banque et, il y a une semaine et demie, des rumeurs y circulaient disant que John est gai, et il était inquiet pour son emploi.

Il est rentré et a raconté que toutes ces rumeurs circulaient. Il n'a jamais porté un badge, ne s'est jamais habillé de façon voyante, n'a jamais dit à personne qu'il est gai. Il a suffi qu'il soit à mes côtés à un moment où j'avais besoin de lui. Les caméras l'ont surpris et il a maintenant peur de perdre son emploi.

Il y a donc des cas patents de discrimination, mais il y a aussi la peur dans laquelle vivent les gens d'être découverts. Il importe donc de documenter les cas, mais il est nécessaire également de reconnaître la peur.

[Français]

La présidente: Madame Paquette.

Mme Paquette: J'aimerais parler de l'expérience des commissions provinciales des droits de la personne, qui existent au Québec depuis 20 ans et en Ontario depuis 10 ans. Dans ces deux provinces, 2 p. 100 des plaintes qui sont déposées le sont pour le motif de la discrimination sur la base de l'orientation sexuelle.

Les gays et lesbiennes qui déposent les plaintes ont une peur atroce de même inscrire leur nom sur la plainte. Ils veulent aller au bureau le soir; ils ne veulent pas venir aux bureaux des commissions le jour. Cela démontre qu'il existe un grand degré d'homophobie dans la société. Même dans ces deux provinces, où les commissions existent depuis 20 et 10, on a peur de de se prévaloir de son droit de lutter contre la discrimination.

Les gens ont beaucoup de difficulté à signer leur nom parce qu'ils disent que c'est de la paperasse, que cela circule au gouvernement, qu'il y a plein de gens qui vont savoir qu'ils sont gays ou lesbiennes. Cela démontre jusqu'à un certain point pourquoi les gens hésitent beaucoup à déposer des plaintes. C'est un indice que la loi, bien qu'elle soit nécessaire, n'est pas en soi la seule façon d'éliminer la discrimination.

[Traduction]

La présidente: Il faut donc une éducation et une évolution.

[Français]

Mme Paquette: C'est cela.

[Traduction]

La présidente: Je vous remercie.

M. McClelland: Madame la présidente, j'aimerais d'abord faire quelques aveux.

Pour commencer, John, j'ai eu tort et vous avez été surpris.

Il y a quelque temps, j'ai essayé de rallier le soutien de John à une solution de rechange à certains de ces problèmes. À l'époque, j'avais dit qu'il n'y avait pas la moindre chance que cette mesure soit jamais introduite car elle était tout simplement trop explosive politiquement. J'ai donc eu tort, et vous avez été surpris.

Deuxièmement, et je pense que c'est de la plus extrême importance...

Tout d'abord, j'admets tout ce que vous quatre avez dit. J'ai fait une expérience personnelle... et j'ai parlé à des gens qui ont confirmé bon nombre des choses que vous avez dites.

Mais surtout, John, en réponse à une chose que vous avez dite dans vos remarques liminaires et qui concernant M. Ringma, Bob m'a assuré il y a encore à peine quelques heures... parce qu'il m'a expressément demandé si je le considérais comme homophobe. J'ai dit non.

Je tiens à ce que vous le sachiez, car le contexte dans lequel il a formulé ses remarques était que peu importe qu'une personne soit homosexuelle ou noire - et je pense important que vous le sachiez - que ce qui comptait, c'était son travail.

.2015

La façon dont cela est sorti et tout ce qu'il a fait était absolument déplorable, je le reconnais - et je ne cherche pas à le défendre - mais je tiens à ce que vous sachiez que je ne serais pas un membre d'un caucus qui tolérerait de telles opinions. Il n'y a pas place pour nous deux dans un tel caucus. Je pense qu'il n'est pas bon que vous viviez dans un pays en pensant qu'un parti politique tolère un tel comportement, à une époque où il se passe tant d'autres choses. Je le dis le plus sincèrement du monde.

Cela dit, j'aimerais partager mon temps de parole avec mes collègues. J'ai une courte question.

Ce qui m'intéresse dans ce débat, c'est de prévenir la discrimination. J'ai parlé à des gens qui m'ont dit que la plus grande source d'inquiétude aujourd'hui, particulièrement aux États-Unis, est la réaction provoquée par la discrimination inverse sous forme de mesures d'action positive - pas nécessairement celle visant les homosexuels et lesbiennes, mais la réaction négative provoquée par l'ensemble des mesures d'action positive aux États-Unis.

John, chaque sondage montre que plus on est jeune et plus on est tolérant. Quelle sera l'évolution naturelle de ces changements? Pensez-vous que la communauté gaie va continuer à faire pression pour une plus grande reconnaissance - la reconnaissance du mariage homosexuel, par exemple, qui suscite une véritable levée de boucliers - ou bien attendrez-vous que les choses évoluent toutes seules?

M. Fisher: Tout d'abord, je suis heureux d'apprendre que les propos de M. Ringma ont été cités hors contexte. J'ai cru comprendre qu'il a déclaré aujourd'hui qu'il est en faveur de l'égalité de tous les Canadiens. Si c'est exact, je compte qu'il votera en faveur de ce projet de loi.

Une voix: Vous pouvez toujours espérer une conversion.

M. Fisher: Oui, il a dit qu'il affirmerait sa position lors du vote final.

Pour ce qui est de la suite des événements, je pense qu'il faut être très clair. Ce projet de loi ne place pas le gouvernement fédéral loin en avance sur tous les autres, il ne fait que lui faire rattraper son retard et l'amener là où se trouvent la plupart des provinces et le reste du pays depuis des années - le Québec depuis presque 20 ans et l'Ontario depuis 10 ans. Les tribunaux ont rendu des jugements allant dans le même sens et le Sénat ne voit pas de problème dans cette mesure. La société canadienne est prête.

La société s'attaque déjà à la question des relations. Maintes grandes entreprises accordent déjà à leurs employés homosexuels des prestations identiques à celles des hétérosexuels. Le gouvernement fédéral lui-même, vers la fin de l'année dernière, a accordé quelques prestations aux conjoints d'unions homosexuelles.

Je pense que les lesbiennes et les gais ont droit à l'égalité dans tous les aspects de leur vie, y compris dans le contexte de leurs relations. Je serais ravi que le projet de loi que nous étudions aujourd'hui fasse la même chose que le projet de loi 167 en Ontario, et réécrive chaque loi discriminatoire à l'égard des lesbiennes et des gais vivant dans une union homosexuelle.

Il ne le fait pas, mais je crois en la pleine égalité des lesbiennes et des gais et je ne trouve pas convaincant l'argument qui veut que si l'on reconnaît les lesbiennes et les gais comme égaux dans ce contexte, on sera obligé un jour de les traiter sur un pied d'égalité dans tous les domaines de leur vie. Franchement, j'espère que ce jour viendra. Nous verrons si c'est le cas ou non, mais nous ne relâcherons pas nos efforts en ce sens.

M. McClelland: Je vous remercie, John.

Mme Paquette: J'ai entendu cet argument du retour de manivelle trois fois déjà dans ma courte vie. Je l'ai entendu en tant que Franco-ontarienne, à propos des droits linguistiques, en tant que femme, et maintenant en tant que lesbienne. S'il vous plaît, cessez de vouloir me protéger. Je peux me défendre. Je suis adulte. Je veux être reconnue. Ne craignez pas qu' éliminer la discrimination amène un retour de manivelle. Je veux me tenir debout et être un être humain entier.

La présidente: Andy.

M. Scott: Je vous remercie, madame la présidente.

Je vous remercie de votre témoignage. Il est très utile. Il peut être particulièrement utile sous l'angle de ce dont Mme Paquette a parlé. Je ne veux pas vous donner une impression fausse. Je pense que vous privilégiez l'aspect législatif par rapport à l'aspect éducatif. En droit, nous devons poser les principes auxquels nous croyons en tant que pays, et je pense que ceci est un pas dans cette direction.

.2020

Parallèlement, je pense qu'il importe de cadrer le débat de telle façon qu'il soit lui-même inclusif, pour tenter de rallier ceux qui sont ouverts au message antidiscrimination.

Voyez-vous, je ne cherche pas à nuancer ma position. Je suis profondément en faveur de cette mesure. Mais ce que je dis aussi - et je pense que Mme Paquette l'a très bien dit - c'est que nous devons fonctionner de cette manière dans notre vie quotidienne également, et il y a toutes sortes de choses dans notre quotidien où la loi ne peut nous protéger.

Je trouve par conséquent très utile pour ce débat que l'on nous parle aussi souvent que possible de la réalité de la discrimination. La nécessité de la combattre cède souvent le pas à quantité d'autres considérations, dont M. Rock et d'autres ont parlé, et qui sont extérieures à ce problème.

Nous pouvons trouver un large terrain d'entente sur la question de la discrimination, et j'apprécie énormément que vous en ayez parlé de cette façon. J'apprécie également votre patience.

Ce que je dis n'est pas tant une question qu'une façon de dire combien j'apprécie la manière dont vous avez structuré vos propos. Cela rend le débat beaucoup plus ouvert. Cela m'aide certainement dans ma circonscription, en me permettant de parler de toute cette problématique d'une manière propre à rallier la plupart des gens.

Le révérend Hawkes: La difficulté que nous avons à tenter de faire comprendre aux gens... J'ai passé une heure à la télévision aujourd'hui avec Roseanne Skoke, pour tenter de lui faire comprendre, tenter de la raisonner etc...

Une voix: Oh, oh!

M. Ménard: Félicitations.

Le révérend Hawkes: En fin de compte, elle m'a dit qu'elle ne pense pas qu'il faille protéger les juifs, ou qu'il faille protéger les catholiques, ou les femmes. Elle pense que toutes ces catégories devraient être rayées de la législation sur les droits de la personne. En fait, elle pense qu'il ne devrait pas exister de législation sur les droits de la personne.

La présidente: Je pense que l'holocauste n'aurait pas dû avoir lieu non plus.

Le révérend Hawkes: Voilà ce qu'elle pense. C'est dû à une paranoïa extrême concernant l'avenir.

La difficulté que nous rencontrons en tentant de raisonner les gens... si nous parvenions seulement à limiter le débat au projet de loi à l'étude. Mais comme je le dis, le problème n'est pas là. Le problème surgit lorsqu'on commence à agiter toutes ces craintes concernant tous ces autres aspects...

Une voix: C'est juste.

Le révérend Hawkes: ...pour s'abriter derrière. C'est là qu'il devient difficile de faire entendre raison aux gens.

Lorsque les gens commencent à parler de pédophilie, à parler de droits spéciaux, à parler de la définition du mariage et de toutes ces autres questions, c'est là que la peur surgit. Je voudrais seulement que ceux qui sont opposés à ce projet de loi cessent de parler ce langage incendiaire et d'amener sur le tapis ces autres questions qui font trembler quantité de gens qui n'ont pas lieu de craindre cette mesure.

Le législateur doit montrer le chemin, et non éveiller les peurs. Il doit montrer la voie, cerner le sujet au plus près et ne pas chercher à attiser les craintes dans le public.

J'ai réellement apprécié la compréhension qui marquait vos propos, lorsque vous parliez de nous écouter, mais les actes comptent plus que les paroles.

Votre parti dit qu'il représente ses électeurs. Nous connaissons les sondages d'opinion, et pourtant pas un seul député de votre parti n'a voté en faveur du projet de loi. Il ne s'agit pas seulement de représenter vos électeurs, d'autres motifs vous animent.

Mme Augustine: En guise d'introduction, j'allais dire précisément ce que vous avez dit, révérend Hawkes. À écouter la discussion aujourd'hui, à écouter mes collègues et d'autres tout au long de ces dernières semaines, toute cette polémique sur l'ouverture des vannes... Cette expression ne cesse de revenir: si vous faites cela, vous ouvrez les vannes.

Pourriez-vous consacrer quelques minutes à parler de ce que l'on pourrait appeler les peurs, toute la série d'arguments qui sont invoqués, tout ce fatras? Je sais que le ministre l'a fait, et je sais qu'il y a eu toute une série de discussions sur l'adoption - je ne vais même pas revenir sur le sujet de la famille, vous avez entendu tout cela - la question de la pédophilie, de l'inceste, même si ce dernier est un sujet mineur.

.2025

On nous parle de tous les maux qui feraient irruption dans la société à la suite de cette mesure. Si l'on prend tous les discours que nous avons entendus à la Chambre, particulièrement ceux tenus aujourd'hui par les députés réformistes, et qu'on les met bout à bout - l'enfer et la damnation et le crime feront irruption dans la société suite à l'adoption de cette modification.

Si donc vous pouviez parler de certains de ces maux qui viendraient nous submerger une fois les vannes ouvertes, ce me serait utile.

Le révérend Hawkes: Lorsqu'on examine certains des termes employés, on voit ressurgir certains des vieux stéréotypes concernant les gais et les lesbiennes. Lorsqu'on entend parler d'infiltration des écoles, d'imposition de notre mode de vie à la jeunesse, de pédophilie, toutes ces images, ce ne sont que les vieux stéréotypes contre lesquels nous avons eu à nous battre et à nous battre encore.

Les mots que prononcent les gens trahissent leur pensée. Beaucoup de gens nourrissent encore ces stéréotypes et il reste beaucoup d'éducation à faire. L'une des choses très intéressantes que montrent les sondages d'opinion c'est que, mis à part la droite religieuse - et laissons-la de côté un moment... ce serait merveilleux si on pouvait l'oublier pendant quelques instants - c'est que tous ceux qui s'opposent à ce genre de législation sont surtout des personnes qui ne connaissent pas d'homosexuel ou de lesbienne. C'est manifeste. Il y a des gens qui n'ont ni ami, ni membre de la famille qui soit gai ou lesbienne. C'est ce que montrent les sondages. Il y a certes des exceptions.

On laisse perdurer ces stéréotypes; on laisse les gens continuer à nous voir ainsi.

M. Fisher: Je pourrais peut-être ajouter que certains sont tellement opposés à cela qu'il n'y a rien que nous puissions dire ou faire qui les fera changer d'avis. D'autres sont tellement à l'aise et au courant de ces questions qu'il n'y a vraiment pas grande éducation à faire ni à discuter avec eux.

La plupart des autres se situent quelque part au milieu, et c'est la majorité du public. Certains ont grandi avec des mythes et des stéréotypes concernant l'homosexualité et ce que c'est que d'être lesbienne ou gai. Certains ont appris dès leur plus jeune âge, dans leur famille, à l'école, dans leur église, que l'homosexualité est une abomination qui conduira à la destruction de la famille ou à la destruction de la société, que nous molestons tous les enfants. La liste des mythes et stéréotypes est interminable et nous n'avons pas le temps de les passer tous en revue.

Comme Brent le dit, la plupart des gens, s'ils apprennent à connaître une lesbienne ou un gai, se rendent compte que la réalité est beaucoup plus triviale. Nous sommes des gens ordinaires, nous sommes des Canadiens ordinaires comme les autres, nous faisons partie de leur famille comme parent, comme frère ou soeur, nous sommes les enfants de leurs voisins ou leurs collègues de bureau, les gens qui nettoient les escaliers de leur immeuble ou soignent leurs dents.

Nos vies sont des vies très ordinaires, comme celle de tout un chacun. Mais la plupart des gens, s'ils apprennent à nous connaître et s'informent, ils voient que les mythes et les stéréotypes ne sont que cela et peu à peu en viennent à comprendre et accepter que nous ayons droit à la même égalité que tout le monde.

Mme Augustine: J'aimerais vous parler d'une merveilleuse discussion que j'ai eue aujourd'hui...

La présidente: Terminez là-dessus.

Mme Augustine: Oui.

J'aimerais vous demander d'en parler. C'est toute la question de l'ostentation, avec les parades homosexuelles, où l'on affiche la mère de toutes les ostentations. Pourriez-vous parler à la communauté...

La présidente: La belle-mère de l'ostentation: est-ce ce que vous avez dit?

Mme Augustine: La mère de toutes les ostentations.

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Oh, d'accord.

Mme Augustine: Vous voyez ce que je veux dire.

Le révérend Hawkes: Il y a une grande diversité au sein de notre communauté, et le jour du défilé toute cette diversité s'exprime. Une bonne partie de cette diversité est à célébrer, mais pas toute.

Franchement, j'ai eu une dispute au sein de notre Église au sujet de la participation à la journée de la Fierté. Des membres de notre Église en appréciaient peu certains aspects. J'ai dit que nous devions y aller. Des pères gais doivent y être. Des parents et amis de lesbiennes et de gais doivent y être. Toute la diversité de notre communauté doit y être représentée, afin que les gens puissent voir que nous ne sommes pas tous à un extrême ou à l'autre, mais qu'il y a diversité.

.2030

Je veux simplement rendre hommage, car l'une des choses dans ce pays qui nous a aidés à combattre les stéréotypes, qui a été d'une efficacité cruciale, est le fait que Svend et Réal aient pu se déclarer homosexuels avec franchise. Ils se sont racontés, et les gens ont pu voir la vie qu'ils mènent et voir le respect dont ils jouissent en tant que législateurs.

Les jeunes gais de tous les pays, les gamines lesbiennes et les gamins gais, vous voient à la télévision, entendent parler de vous, vous voient en action, et disent que peut-être cela va aller, qu'il vaut peut-être la peine de s'accrocher. Et les parents vous voient aussi.

Si c'est cela s'afficher, continuez à le faire. Vous méritez donc vraiment un coup de chapeau pour avoir montré ouvertement et franchement votre vie.

Mme Paquette: Vous savez, après la Journée de la fierté homosexuelle, le Ottawa Sun aime montrer en couverture les deux ou trois hommes qui sont habillés comme... Je n'étais même pas habillée... dans les années 1970, car je ne suis pas intéressante, j'ai l'air d'une belle-mère, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

Mme Paquette: Ce n'est donc pas intéressant pour les gens qui veulent semer la haine contre nous de montrer le genre de personnes que vous voyez autour de cette table, c'est pourquoi il y a une sélection délibérée de nos images pour réellement promouvoir la haine contre nous. C'est délibéré parce que s'il y a 8 000 personnes... Combien de personnes se promènent en talons hauts? Je veux dire, dans la parade il y a surtout des gens comme nous, des Canadiens ordinaires.

M. Fisher: Je ferai une dernière remarque, madame la présidente. Si vous voyiez le monde selon notre perspective, les hétérosexuels affichent leur sexualité sans arrêt. Chaque jour, nous voyons des hétérosexuels afficher leur sexualité. Lorsqu'ils le font, c'est normal. Lorsque nous le faisons...

La présidente: Cela fait vendre des disques et des films, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

M. Fisher: Exactement. Alors que si nous disons simplement la vérité sur qui nous sommes et menons notre vie, on nous accuse de nous exhiber. Il s'agit simplement pour nous d'être francs, d'être ce que nous sommes et de vivre nos vies avec la même ouverture et la même honnêteté que vous.

Mme Hayes: Je voudrais d'abord m'élever catégoriquement contre l'étiquette que la députée d'en face a accolée aux propos tenus par notre parti aujourd'hui. Je la mets au défi de trouver un seul de ces mots dans le hansard de demain. C'est le genre d'étiquetage que l'on ne voit que trop souvent.

Vous avez dit certaines choses très émouvantes aujourd'hui, et je sais que vous êtes des gens ordinaires, que vous avez une vie, que vous avez des relations, et je respecte tout cela. Pour mettre tout cela en contexte, j'ai pris part à une émission de radio aujourd'hui et il y avait un homosexuel et moi-même. C'était intéressant parce que nous portons le même nom de famille, par coïncidence.

Lorsque l'animateur a demandé: «Oh, est-ce que vous êtes apparentés?», l'autre personne a répondu: «Bon Dieu non, sûrement pas». Voilà ce qu'il a dit. J'ai l'habitude.

Il ne l'a pas dit du tout sur un ton gentil, il avait un de ces tons dans la voix. Lorsque j'ai dit: «Eh bien, je ne verrais aucun mal à être apparenté avec vous, en verriez-vous un à l'être avec moi?», il a répondu: «Tout à fait».

C'est là le genre de choses... Ce n'est pas toujours vous, et pas seulement vous, qui subissez ces préjugés. Tout n'est donc pas toujours comme vous le dites.

Dans la même veine, la Société canadienne du SIDA publie une brochure décrivant l'homophobie. C'est un mot de plus en plus employé, et j'ai remarqué qu'on l'applique à de plus en plus de choses. On m'a traité d'homophobe aujourd'hui, moi aussi. Tout ce que je fais, c'est d'essayer de tracer les limites. Cette brochure disait qu'une personne est homophobe si elle n'est pas en faveur des prestations pour les gais et les lesbiennes, prestations de conjoint comprises. Voilà la définition donnée.

.2035

Mais, ainsi que l'un de vos membres l'a dit il y a quelques instants, la majorité des Canadiens ne sont pas actuellement en faveur de prestations complètes. Aucun sondage n'indique que la majorité y est favorable.

M. Fisher: Ce n'est pas vrai. Il y a des sondages qui penchent dans l'autre sens.

Mme Hayes: Concernant les prestations de conjoint?

M. Fisher: Oui, il y en a. Tout dépend de la manière dont la question est posée. Nous savons tous combien les sondages varient sur ce sujet. Mais certains sondages font apparaître une opinion majoritaire en faveur de la reconnaissance.

Mme Hayes: J'estime qu'il y a une différence entre la prévention de la discrimination et la pleine reconnaissance - ou la protection comme quelque chose d'unique et de clairement défini - du mariage hétérosexuel, entre un homme et une femme.

Une voix: Pourrais-je vous demander une précision?

Mme Hayes: Pourrais-je juste finir de poser ma question? Appelleriez-vous homophobe quelqu'un qui n'approuve pas les prestations de conjoint?

M. Fisher: J'aimerais établir une distinction, qui n'est pas facile à faire dans une petite brochure, entre deux termes: homophobie et hétérosexisme. Ce sont des mots qui ne sont peut-être pas familiers à tous. L'homophobie est le terme que nous utilisons, et qui devient assez répandu, pour désigner une personne qui est violemment anti-gaie ou anti-lesbienne et qui propage les préjugés et l'intolérance de façon routinière.

L'hétérosexisme est un peu plus subtil. Il ne s'agit pas nécessairement d'homophobie déclarée, c'est plutôt une façon de considérer le monde, une façon de tout considérer selon la perspective hétérosexuelle et qui cherche à imposer cette perspective à tout un chacun, qu'il l'épouse ou non.

Nous appelons hétérosexiste quelqu'un dont la conception de la famille est tellement ancrée qu'il ne peut envisager ou tolérer la possibilité que nos familles, nos amours, nos vies puissent avoir droit à un respect égal. L'hétérosexisme est ancré dans l'enseignement qui a été inculqué à nombre d'entre nous depuis la naissance en ce qui concerne la nature de la famille - les images que nous voyons à la télévision, les livres que nous lisons sur qui aime qui, les publicités télévisées.

Mme Hayes: Je vous demande pardon. Pourriez-vous répondre à ma question?

M. Fisher: Je réponds à votre question.

Mme Hayes: Peut-être une réponse brève, dans ce cas.

M. Fisher: Il est difficile de résumer ma vie en cinq secondes, mais j'essaierai.

Mme Hayes: Je ne vous demande pas le résumé de votre vie. Appelez-vous homophobe quelqu'un qui s'oppose aux prestations de conjoint?

M. Fisher: Personnellement, j'établis la distinction entre l'homophobie et l'hétérosexisme. Je qualifierais cette personne d'hétérosexiste.

Mme Hayes: Vous êtes donc en désaccord avec la Société canadienne du SIDA.

M. Fisher: Je dirais qu'il est très difficile de brosser tout un contexte dans une brochure.

Mme Hayes: C'est dit très clairement dans cette brochure.

Le révérend Hawkes: À mes yeux, cela dépend des raisons de l'opposition aux prestations de conjoint. Si la raison est la haine des gais et des lesbiennes, alors, oui, je qualifierais cette personne d'homophobe.

Mme Hayes: Et si c'étaient des raisons économiques, ou autres, ou le désir de réserver certaines prestations à certains types de familles?

M. Fisher: Qu'en est-il des termes racisme et sexisme? Personne n'aime être traité de raciste ou sexiste. Mais si le fait d'imposer une discrimination n'a pas de fondement rationnel, alors nous appliquons des termes comme raciste ou sexiste.

Si quelqu'un est contre les Noirs, sans fondement rationnel, c'est du racisme. Si quelqu'un est opposé à la reconnaissance égale des lesbiennes et des gais sans fondement rationnel, alors c'est de l'homophobie.

Mme Hayes: J'ai une courte question. Qui finance ÉGALE? Avez-vous des crédits publics, et si oui, de combien?

M. Fisher: Je ne sais pas dans quelle mesure cela a à voir avec le projet de loi à l'étude, mais je vous réponds bien volontiers.

Mme Hayes: Cela m'indique où vous vous situez.

M. Fisher: Nos fonds proviennent du public. Une bonne partie de nos fonds proviennent de dons faits par des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des hétérosexuels qui aspirent à une reconnaissance égale des lesbiennes et des gais et qui soutiennent le travail que nous faisons.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Robinson.

M. Robinson: Merci beaucoup. Je veux moi aussi remercier les témoins de leur comparution à ce comité.

J'ai le privilège de connaître chacun d'entre eux personnellement. Je voudrais dire simplement que chacun d'eux a fait preuve de beaucoup de courage et d'intégrité et d'initiative à la défense des gais, des lesbiennes, des bisexuels et transsexuels. En tant qu'homosexuel, je tiens à dire combien cela compte pour moi et combien il est précieux de bénéficier d'un tel leadership, tant de la part d'ÉGALE collectivement que de la part de chacun de vous, individuellement.

Je voudrais revenir un instant sur l'affaire Ringma. Je n'allais pas le faire, mais vu les propos d'Ian, je pense qu'il comprendra que je veuille bien préciser de quoi il retourne ici.

Il ne s'agit pas de propos cités hors contexte. Voici ce qu'il a dit il y a un an et demi:

Il a déclaré aussi:

.2040

Ces paroles ont été prononcées il y a un an et demi. Si M. Ringma estime avoir été cité de travers ou hors contexte, il avait 18 mois pour rectifier. Il ne l'a pas fait. Les choses sont donc claires et c'est pourquoi, Ian, les gens sont si indignés devant ce qui a été dit. Je tiens à ce que cela se sache.

Pour ce qui est de mes questions - je dispose de cinq minutes - j'aimerais vous en poser sur deux aspects.

La présidente: J'aimerais que vous adressiez vos questions aux témoins, je vous prie, et je ne pense pas que quiconque assis de ce côté soit un témoin.

M. Robinson: Je posais mes questions par l'intermédiaire de M. McClelland.

J'ai deux questions, et ma première concerne la nécessité de ce projet de loi. D'aucuns disent que nous n'en avons pas vraiment besoin - certains membres du Parti réformiste, par exemple - que tout le monde est déjà égal.

Je voudrais donner un exemple montrant pourquoi nous en avons besoin: les crimes haineux. L'un des crimes haineux dont on parle le moins sont les agressions contre les homosexuels. Des gais et des lesbiennes, et d'autres perçus comme tels, sont attaqués et battus.

Je me trouvais il y a quatre jours à Red Deer, en Alberta, où j'ai pris la parole dans une conférence. J'ai rencontré des gens qui m'ont parlé d'un homme de Red Deer. Il y a trois semaines, en sortant d'un bar homosexuel, il s'est fait attaquer par un gang. On l'a traité de pédé, on lui a cassé les deux bras, coupé l'une des oreilles et on l'a abandonné sur le trottoir, dans le coma. On l'a battu uniquement parce qu'il était gai.

L'une des plus grandes tragédies, c'est que trop de personnes ainsi agressées ont peur de porter plainte à la police. Pourquoi? Parce qu'elles craignent de perdre leur emploi, du fait de l'absence de protection dans la législation sur les droits de la personne.

Nous en avons désespérément besoin. En Alberta, cette protection n'existe pas. On y agresse de ce fait les homosexuels. S'ils portent plainte et que l'affaire passe dans les journaux, ils ont peur de perdre leur emploi parce qu'ils n'ont aucune protection dans la législation sur les droits de la personne.

Je voulais simplement saisir cette occasion pour signaler cette autre raison qui fait que cette législation revêt une importance énorme. Il faut que les gens aient assez confiance pour porter plainte lorsqu'ils sont victimes de ces crimes. C'est de cela que nous parlons - de crimes horribles.

Il y en a qui ont toujours peur de se déclarer. J'estime avoir énormément de chance d'être un gai déclaré. Si je peux avoir quelque influence sur les jeunes, je peux vous dire que c'est le plus grand privilège que me donne le travail que je fais.

Je ne suis pas seul dans ce Parlement à être homosexuel. Il n'y a pas que deux députés homosexuels. Il y en a beaucoup plus. Mais à cause de cette discrimination, qui est encore si répandue et si omniprésente, nombre d'entre eux ont encore peur de le dire. C'est tragique et c'est l'un des méfaits de l'homophobie.

J'ai une question pour Mme Paquette. Je crois savoir que vous siégez à la Commission des droits de la personne ontarienne.

Mme Paquette: J'en ai été membre.

M. Robinson: Désolé. Vous avez siégé à la Commission des droits de la personne ontarienne.

[Français]

La présidente: Madame Paquette, vous pouvez répondre dans votre langue maternelle, si vous le voulez.

Mme Paquette: Je suis Franco-Ontarienne.

M. Robinson: Vous avez siégé à la Commission des droits de la personne en Ontario, où il y a une loi qui interdit la discrimination basée sur l'orientation sexuelle.

Mme Paquette: Oui.

M. Robinson: Votre commission, et c'est important que M. Ménard l'entende, entend des plaintes à l'égard de l'orientation sexuelle selon le code ontarien. En avez-vous aussi entendu à l'égard de la non-reconnaissance des couples gays et de la non-reconnaissance des avantages sociaux?

Mme Paquette: Oui. Vous vous rappelez le débat qui a eu lieu il y a deux ans sur le projet de loi 167. La loi de l'Ontario, dans sa définition de la famille, ne reconnaît pas les couples gays, mais protège contre la discrimination. Il est vrai aussi que plusieurs couples gays déposent des plaintes auprès de la commission ontarienne relativement à leur reconnaissance en tant que couple gay.

Certains causes sont plus connues, notamment la cause Leshner. Les couples déposent des plaintes pour faire reconnaître leur relation, et c'est pour cela qu'on a tenté de faire adopter le projet de loi 167. La loi ne suffisait pas; elle nous protégeait contre la discrimination, mais ne reconnaissait pas nos relations. C'est pour cela qu'on voulait avoir une loi en Ontario.

Une voix: Mais certains ont gagné.

M. Robinson: Oui, c'est ça.

.2045

[Traduction]

Le révérend Hawkes: La législation est en vigueur en Ontario depuis dix ans.

La présidente: Voudriez-vous dire vos mots de conclusion, je vous prie? Nous avons déjà largement dépassé le temps imparti. Je vous remercie.

Le révérend Hawkes: Cette mesure n'a pas ouvert les vannes à toutes sortes d'autres modifications de loi. En réalité, je ne connais pas une seule autre loi qui ait été modifiée par voie de conséquence au cours des dix dernières années.

J'aborde cela en tant que pasteur, et je vous invite, particulièrement les adversaires de ce projet de loi, à m'accompagner dans les hôpitaux, dans les unités de soins intensifs, lorsqu'un membre d'un couple qui a vécu pendant dix ans avec le patient ne peut aller rendre visite à son amant avant que celui-ci meure parce que la loi en Ontario dit que c'est réservé aux maris et femmes. La reconnaissance matrimoniale n'est pas seulement une affaire de loi et de quelque mouvement pro-homosexuel partant à la conquête du monde. Le fait de pouvoir voir son conjoint avant qu'il ou elle meure... nous parlons là de tragédies de la vraie vie.

Mais ce projet de loi ne traite pas de cela. Ce projet de loi ne va pas ouvrir les vannes. Mais ce sont là les réalités.

La présidente: Avant que vous poursuiviez avec votre mot de la fin, j'ai autorisé M. McClelland à poser une courte question.

M. McClelland: Il y a quelques semaines, on a pu lire dans la rubrique «Éthique» du Ottawa Citizen que des Églises chrétiennes de la région de Toronto s'étaient réunies et avaient suggéré comme solution de compromis que les relations homosexuelles fassent l'objet d'une déclaration civile - je ne me souviens plus des termes exacts - ou soient qualifiées de partenariat domestique, ce partenariat pouvant être celui de deux personnes quelconques. Enlevez l'aspect sexuel et deux personnes quelconques pourraient contracter un partenariat domestique. Cela pourrait englober un couple gai.

L'idée, c'est d'éliminer la pression visant la reconnaissance de l' union homosexuelle comme mariage, puisque cette notion a une si profonde signification historique et religieuse et constitue un point de friction. Le journaliste écrivait que cela signifierait que les deux parties, tant la communauté gaie que la communauté religieuse, mettraient un peu d'eau dans leur vin pour aboutir à ce compromis.

Il me semblait que c'était une idée à explorer, et je suis désolé de l'évoquer maintenant, mais je serais très intéressé - et les autres membres du comité aussi, j'en suis sûr - à connaître votre réponse.

Le révérend Hawkes: J'aimerais beaucoup avoir un dialogue avec vous sur cette question. Elle est très complexe.

Notre crainte est qu'en parlant de partenaire domestique, comme les Conservateurs l'ont fait lors du débat sur le projet de loi 167 en Ontario, les gens se fassent des illusions. Cela revient à dire aux gais et aux lesbiennes, calmez-vous, nous allons instituer le partenariat domestique et vous jouirez de vos droits. Mais cela ne se fera jamais, car cette notion est une grande atteinte au mariage hétérosexuel. Elle suppose qu'un frère et une soeur peuvent être assimilés à un homme et une femme mariés.

J'adorerais donc avoir cette conversation avec vous, mais il faudra que ce soit une autre fois, lorsque nous aurons le temps d'en discuter à fond. Je suis très réticent à participer à un débat - et j'ai déjà commencé - qui nous détourne de l'intention du projet de loi.

M. McClelland: J'en ai conscience.

Le révérend Hawkes: Ce projet de loi, à notre sens, vise à permettre à une personne de garder son emploi peu importe qui elle aime.

M. McClelland: Je vous remercie.

La présidente: Y a-t-il d'autres interventions?

Dans ce cas, je tiens à vous remercier et à vous dire que j'ai trouvé ces échanges de vue très civils extrêmement intéressants et importants, et je vous en suis reconnaissante. Merci de nous avoir fait part de ces récits d'expérience personnelle et d'avoir traité des questions dont nous sommes saisis. Merci beaucoup.

M. McClelland: J'aimerais proposer une motion, madame la présidente, à l'effet qu'au plus tard à 23 h 30, le 2 mai 1996, la présidence interrompe les délibérations du comité et mette aux voix, sans autre débat ou amendement, toutes les motions nécessaires à l'adoption en comité du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La présidente: Je vous remercie.

Voulez-vous appuyer cette motion, Maurice?

M. Bernier: Non.

Une voix: J'appuie la motion.

.2050

[Français]

M. Ménard: Puis-je poser une question, madame la présidente.

On comprend la nécessité d'aller rapidement et on s'est expliqués ce matin. Est-ce que vous pouvez nous donner la liste des témoins qui ont confirmé? Avant de discuter de temps, il faut savoir qui vient. Sinon, on discute dans le vide.

La présidente: Un petit moment.

[Traduction]

Le greffier: Ils en sont encore à faire le tour des témoins.

La présidente: Avez-vous une idée de combien doivent venir? Ils ont passé la journée au téléphone, puisque nous...

Le greffier: Je crois que nous en avions au moins 14 lorsque j'ai quitté mon bureau, mais beaucoup n'avaient pas confirmé, et je n'ai donc pas le chiffre final.

[Français]

La présidente: Il y en a déjà au moins 14.

[Traduction]

N'oubliez pas qu'une motion a été adoptée prévoyant la fin de l'audition des témoignages à 22 heures.

[Français]

Nous avons déjà adopté une motion disant qu'il n'y aura plus de témoins après 22 h demain. C'est déjà décidé: un vote à huis clos et pas de témoins après 22 h.

M. McClelland propose que les décisions, pour l'étude article par article, se terminent à 23 h 30. Ce serait notre prochaine démarche, après avoir entendu les témoins invités.

[Traduction]

M. McClelland: Madame la présidente, puis-je demander un vote enregistré?

La présidente: Certainement.

Ai-je l'unanimité?

Des voix: Non

La présidente: Nous allons procéder à un vote enregistré, s'il vous plaît.

La motion est adoptée [Voir les Procès-verbaux]

La présidente: Nous allons maintenant faire une courte pause.

.2052

.2122

La présidente: Je rouvre la séance et souhaite la bienvenue à la Coalition for Equality.

Ayez la bonté de vous présenter.

M. Randall Pearce (président, Coalition for Equality): Bonsoir, madame la présidente et membres du comité.

Je me nomme Randall Pearce et je suis président de la Coalition for Equality. Je suis accompagné de la présidente de Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays, Mme Margaret Nosworthy, et d'un autre membre de cette association, Mme Marion Marks, de Kingston.

La Coalition for Equality oeuvre pour mettre fin à la discrimination à l'encontre des lesbiennes et des gais au Canada. Notre conseil consultatif national se compose de personnes appartenant aux organisations suivantes: Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays; le comité Ad Hoc de l'Église anglicane; l'Église unie du Canada; du conseil scolaire de la communauté urbaine de Toronto; de la Police de la communauté urbaine de Toronto; et de représentants de Montréal, Ottawa et Vancouver.

Je vais maintenant demander à Marg Nosworthy de commencer avec notre bref exposé liminaire. Nous ferons chacun une courte déclaration.

La présidente: Merci beaucoup.

Mme Margaret Nosworthy (présidente, Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays): À l'heure où nous sommes réunis ce soir pour étudier ce projet de loi, les parents de lesbiennes et de gais retiennent collectivement leur souffle, espérant que vous allez mettre un terme à la souffrance, à l'anxiété et à la peur sans fin qu'ils éprouvent pour leurs enfants d'un bout à l'autre du pays.

Je me nomme Margaret Nosworthy et je suis heureuse de comparaître en tant que membre de la Coalition for Equality et que présidente de Parents, Families and Friends of Lesbians and Gays, mais, surtout, en tant que mère et grand-mère emplie de fierté.

Ma fille est lesbienne. Elle est officier de police et mère elle-même. Notre histoire est un peu différente de celle d'autres relations mère-fille, en ce sens qu'à Noël 1989 ma fille est venue nous voir pour les Fêtes. Je lui ai demandé qui elle voyait, et où étaient ses petits amis. Elle m'a répondu: «Laissons cela, maman». J'ai dit non, j'aimerais savoir. C'est alors qu'elle m'a dit: «Maman, je suis lesbienne». Cela a été le début de mon éducation.

Je peux donc comprendre toutes les préoccupations et questions qui vous traversent l'esprit. Mon mari et moi avons eu à confronter les mêmes.

Cela ne m'a pas empêché de dire des choses stupides et égoïstes, du genre: «Ne le dis surtout pas à ton père, cela le tuerait»; sa santé n'était pas alors très bonne. Comme si elle avait besoin d'être encore davantage culpabiliséé. Je ne pensais qu'à moi. «Qu'avons-nous fait de mal? Comment cela est-il arrivé?» J'ai essayé de tout garder caché, de ne rien dire à personne, pleurant des rivières de larmes... c'était une douleur incroyable. Puis mon mari et moi sommes allés au chalet, et il voulait savoir ce qui n'allait pas dans notre couple. J'ai dû lui dire que le problème, ce n'était pas lui, c'était notre fille - qu'elle était lesbienne.

Puis j'ai vu une petite annonce dans le journal sur PFFLAG et ai compris l'angoisse d'autres mères et pères. Mais ce qui a vraiment changé ma façon de voir est le récit qu'a fait une mère du suicide de son fils. Je suis rentrée à la maison en courant, ai pris le téléphone et ai dit: «Judy, pour l'amour de Dieu, ne te tues pas!». Elle m'a répondu: «Maman, d'où sors-tu? Ne t'inquiète pas, je ne vais pas me tuer». C'est à ce moment-là que j'ai réalisé combien j'avais été un parent égoïste. Cela m'est tombé dessus comme une tonne de briques. C'était la première fois que je songeais à sa souffrance et non plus à celle de Bob et de moi-même.

.2125

On finit par se rendre compte que ce sont nos enfants qui doivent apprendre toutes ces choses par eux-mêmes, puis nous les enseigner. Cela semble injuste. Lorsque je me retourne sur ces premiers mois, je me demande pourquoi il y avait une telle souffrance. Pourquoi une mère ferait-elle passer ses préoccupations propres devant celles de son enfant? Est-ce dû à l'ignorance? J'espère que c'était de l'ignorance, et pas des préjugés ou du sectarisme, bien que certains parents jugent ainsi leurs enfants et les jettent à la rue - «les enfants jetés», comme nous les appelons, qui grandissent seuls dans les rues du centre-ville.

Comme beaucoup de parents, je ne savais pas grand-chose de l'homosexualité - certainement rien de positif. La société m'avait enseigné qu'elle est immorale. Le plus grand bienfait de ce projet de loi sera qu'il va instruire le public. Il va instruire les parents comme moi. Il va instruire les jeunes adultes qui se débattent avec leur sexualité toute neuve et j'espère qu'il va panser les plaies des familles et prévenir la tragédie des suicides.

Les gens sont en quête de la vérité. L'orientation sexuelle n'est pas un choix. C'est exclu. Tous les homosexuels que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils se sentaient différents dès leur plus jeune âge, ma fille comprise. Elle peut déménager, changer de métier ou se faire couper les cheveux, mais elle ne cessera jamais d'être lesbienne. Je ne cesserai jamais d'aimer ma fille, sa compagne et mon petit-fils.

Vous savez, 500 000 personnes sont sorties dans la rue le jour de la Fierté à Toronto, l'an dernier, et m'ont applaudie et acclamée, et les autres gens de PFFLAG, parce que je suis la mère d'une fille lesbienne. Le Canada est vraiment un lieu étrange si on doit y louer une mère juste parce qu'elle aime sa fille.

Tant de lesbiennes et de gais brûlent d'être acceptés par leurs parents. Il faut nous enseigner les choses différemment. Nos enfants ont dû tout apprendre seuls, puis nous aider à comprendre. Les gens doivent confronter la réalité dans leur vie quotidienne. Je me fâche contre les gens - de mon âge et plus jeunes - qui disent qu'ils n'ont rien contre les gais à condition qu'ils restent à leur place, et que de toute façon ils habitent tous au centre-ville de Toronto.

Il est temps que les gens comprennent que les lesbiennes et les gais sont nos médecins, nos infirmières, nos enseignants et enseignantes, nos agents de police et réparateurs de télévision. Beaucoup de Canadiens sont en rapport avec des lesbiennes et des gais chaque jour, simplement ils ne le savent pas. Penser que nous pouvons décider si nous allons avoir des contacts avec des lesbiennes et des gais, c'est comme croire que nous pouvons décider si le prochain hiver va venir, sauf qu'en l'occurrence on ne peut pas s'enfuir en Floride. Là-bas aussi, il y a des lesbiennes et des gais.

Perpétuer un système où il n'y a pas de protection pour l'orientation sexuelle, c'est perpétuer l'ignorance. Prétendre que les lesbiennes et les gais n'existent pas... comme les parents qui disent: «Bon, sois gai, mais comporte-toi normalement lorsque tu viens à la maison» Quelle idée ridicule. Mais ils le font. Donc, pendant la durée d'une fin de semaine, ils ont un enfant gai qui joue la comédie. Ce n'est pas drôle. C'est un mensonge, et il fait mal. La souffrance est celle de l'enfant, parce qu'on lui refuse son identité, sa dignité et le soutien qu'il devrait trouver dans sa famille.

Comment pouvons-nous croître en tant que parents et enfants si nous le faisons séparés au lieu d'être unis? On nous a appris à être ni vus ni entendus. On a enseigné aux générations passées de lesbiennes et de gais à se cacher. Cette génération ne se cachera pas. Elle va clamer son existence.

Ce projet de loi peut aider. Il peut aider à mettre fin à la souffrance sans fin, à l'anxiété et à la peur qui prend aux tripes. Vous pouvez donner à nos enfants leur dignité. Vous pouvez mettre un visage sur ce problème crucial. Vous pouvez le faire sortir du placard, et tous les parents, les familles et amis des lesbiennes et gais suivront. Vous serez surpris de voir combien ils sont nombreux.

.2130

J'aimerais maintenant céder le microphone à Randall Pearce, président de Coalition for Equality.

M. Pearce: J'avais prévu de prendre la parole ensuite, mais je pense qu'il est plus important que vous entendiez Marion avant moi.

Allez-y, Marion.

Mme Marion Marks (membre, Coalition for Equality): Je vous remercie.

Je me nomme Marion Marks et mon mari et moi-même vivons à Kingston depuis maintenant 35 ans. Nous sommes arrivés au Canada il y a 40 ans.

J'aimerais remercier les membres de ce comité permanent de me permettre d'exprimer mes sentiments ici en tant que mère d'un fils gai. Je me suis toujours vantée de mon libéralisme et lorsque mon neveu s'est déclaré gai il y a 19 ans, en 1977, sur un autre continent - les deux garçons n'ont pas été élevés ensemble - je lui ai accordé toute ma sollicitude, de même qu'à mon frère et à ma belle-soeur. Cependant, j'étais préoccupée, car je savais que même des gens politiquement corrects et sophistiqués n'hésitaient pas à ridiculiser les lesbiennes et les gais.

Mais j'étais également inquiète pour mes propres raisons égoïstes. Je soupçonnais que mon fils pourrait être gai depuis l'âge de trois ans. Au fil des ans, son comportement a renforcé mes craintes. Il avait quantité d'amies, mais jamais de petite amie en particulier lorsqu'il a avancé en âge. Je me disais parfois que je devrais faire quelque chose pour le changer, mais c'était un enfant adorable et quel droit avais-je d'essayer de le changer?

Les traits qui me faisaient penser qu'il était gai étaient intégrés à sa personnalité. Il était doux et sensible aux problèmes des gens dès son plus jeune âge. S'il avait perdu cela, il n'aurait plus été le fils que nous connaissions et aimions. Il aurait été un étranger pour nous, et un étranger pour lui-même. Je n'ai rien fait, mais j'avais peur pour lui et m'inquiétais pour son avenir.

Plus tard, lorsque j'ai commencé à lire sur le sujet, j'ai appris que l'on ne peut modifier son orientation sexuelle, même si on le désire.

Un soir de 1983, mon mari et moi-même bavardions avec notre fils alors âgé de 21 ans, qui nous évitait depuis six mois. Il étudiait à l'Université de Toronto à l'époque. Il est aujourd'hui médecin.

Nous avions une conversation franche et une réconciliation commençait à poindre. Nous étions très fâchés parce qu'il nous évitait tellement. Mon mari a fait une remarque, disant que nous devrions toujours nous parler avec franchise. Évidemment, notre fils ne pouvait laisser passer une telle occasion et une telle ouverture, et a répondu: «Eh bien, puisque nous parlons si franchement, sachez que je suis gai». Il était très ému en parlant et a éclaté en sanglots. Nous nous sommes précipités pour l'embrasser et lui avons dit que nous l'aimions. Nous avons continué à bavarder un moment et il s'est calmé. Lorsqu'il est parti, je l'ai entendu qui sifflotait en s'éloignant.

Mon mari et moi, qui ne sifflotions pas, étions repliés dans le placard proverbial. Nous étions en larmes et ne savions que dire. J'étais épuisée et suis allée me coucher tôt et me suis endormie immédiatement. Je me suis réveillée à 3 heures du matin. J'étais complètement réveillée. C'est pour toujours, pensais-je; cela va durer toute notre vie et toute sa vie. Le fait qu'il soit gai ne disparaîtra jamais.

Après m'être apitoyée sur moi-même pendant quelques mois, j'ai commencé à m'inquiéter pour sa situation dans une société hostile. J'avais toujours entendu parler des agressions contre les homosexuels, mais maintenant elles revêtaient une horreur nouvelle et effrayante à mes yeux. Notre fils paraissait si détendu et heureux que je craignais qu'il ne se rende pas compte des dangers dont nous pensions qu'ils le guettaient. Nous en avons parlé avec lui. Il a répondu que c'est moi qui ne me rendait pas compte du danger de la situation - moi. «Crois-moi, disait-il, mes antennes sont en alerte et prêtes à réagir au danger à chaque instant».

.2135

J'ai commencé à m'intéresser à la protection juridique accordée aux lesbiennes et aux gais. J'ai vu que l'orientation sexuelle n'était un motif illicite de discrimination ni dans le Code des droits de la personne ontarien ni, au niveau fédéral, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela a été pour moi une révélation effrayante. Je me suis dit que mon fils n'avait pas la même protection au regard de la loi que celle que je trouvais naturelle pour moi-même.

J'ai été transportée de joie lorsque le Code des droits de la personne ontarien a été modifié afin d'y inscrire l'orientation sexuelle au cours de l'hiver 1986-1987. J'attends depuis que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit modifiée dans le même sens. Je suis convaincue que ce sont les gens qui exercent l'autorité qui déterminent nos normes de comportement.

Le gouvernement du Canada transmet un message clair au public en n'inscrivant pas l'orientation sexuelle dans la Loi sur les droits de la personne. Ce message est sans équivoque: les lesbiennes et les gais sont des citoyens de deuxième catégorie; ils ne méritent pas la même protection que celle accordée aux autres minorités qui ont été victimes de discrimination par le passé.

D'après tout ce que nous avons entendu - et ce que nous entendons encore - ce message est très bien reçu par tous. Il n'y a rien de mal à raconter des blagues cruelles sur les lesbiennes et les gais et leur arracher leur dignité et leur humanité.

En tant que juive qui suis aussi souvent invisible, je peux vous assurer que c'est une expérience humiliante que d'entendre ce genre de blagues. C'est pire quand elles portent sur un enfant chéri et je sais les ravages que ces mots cruels exercent sur l'amour-propre des lesbiennes et des gais. Le taux de suicide effrayant des jeunes lesbiennes et gais en témoigne abondamment.

Il était bon de voir l'orientation sexuelle figurer dans les catégories définies dans la législation récente réprimant les crimes haineux. Cependant, j'estime que tant que l'orientation sexuelle ne figurera pas dans la Loi sur les droits de la personne, on invite ouvertement des jeunes gens peu sûrs d'eux-mêmes à battre les gais. C'est la plus grande crainte des mères et pères de fils gais.

Il est indispensable que le premier ministre et le gouvernement mènent cette modification à terme en faisant savoir fermement que la protection juridique des lesbiennes et des gais est un droit de la personne et représente la politique du gouvernement. Il ne devrait, par conséquent, pas y avoir de vote libre sur cette question. La législation sur les droits de la personne du gouvernement fédéral éduque le public et lui donne l'exemple.

En tant que mère, je ne peux comprendre pourquoi on prétend que les lesbiennes et les gais réclament des droits spéciaux alors qu'ils ne demandent rien d'autre que ce qui est accordé à tous les autres groupes rejetés en marge par le passé. Pourquoi accuse-t-on les lesbiennes et les gais d'être une menace pour les familles?

J'ai entendu parler de parents qui rejettent leurs enfants gais et lesbiennes, mais pas l'inverse. J'ai lu que beaucoup d'adolescents fugueurs ramassés dans les villes du Canada sont des gais et des lesbiennes qui se sont enfuis de chez eux parce qu'ils y étaient en butte à des sévices verbaux et physiques. Pendant le débat sur la modification du Code des droits de la personne ontarien, on n'a cessé de brandir la menace que les gais et les lesbiennes représenteraient pour la famille.

Je terminerai en citant les paroles d'un homosexuel de 22 ans avec qui j'ai parlé à cette époque. «Pourquoi disent-ils que nous haïssons la famille? Nous venons tous de familles. Nous aimons nos familles». Je vous remercie.

.2140

M. Pearce: Merci, Marion, et merci à vous, Marg.

Il m'est difficile de prendre la parole après ces femmes. C'est chez elles que je puise mon courage, et aussi auprès de ma mère et de mon père, qui m'ont tant soutenu. Mais il me faut maintenant mettre le doigt sur certaines des réalités politiques auxquelles le projet de loi C-33 vous confronte.

Marg a raison. Les gens sont en quête de vérité. Certains députés prétendent qu'il n'y a pas de discrimination. C'est faux. Je l'ai ressentie, je l'ai subie et je l'ai vue. Ils affirment que cette mesure va déboucher sur le mariage et l'adoption homosexuels. Faux. Ce projet de loi signifiera la fin de la discrimination, rien de plus, rien de moins.

Certains ont affirmé que cette mesure protégera la pédophilie à titre d'orientation sexuelle. Faux. La pédophilie est un crime. Ce n'est pas une orientation sexuelle. D'autres disent que c'est une question morale, et ce ne l'est pas. C'est une affaire de droits de la personne et de dignité. D'autres encore clament que c'est une mesure radicale en faveur des droits des gais. Faux encore.

La Cour d'appel de l'Ontario a décidé en 1991 d'interpréter la Loi canadienne sur les droits de la personne comme si l'orientation sexuelle faisait partie des motifs de distinction illicite. La vérité est que le gouvernement ne fait qu'emboîter le pas au public canadien et non le précéder.

Une majorité de Canadiens ont dit à intervalles réguliers aux instituts de sondage qu'ils sont opposés à la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. En octobre 1994, le groupe Angus Reid a effectué un sondage pour le compte de Southam News, qui a montré que 81 p. 100 des Canadiens sont opposés à la discrimination dans le milieu de travail.

La semaine dernière, le groupe Angus Reid a publié un deuxième sondage montrant qu'une nette majorité de Canadiens est en faveur de l'adoption de ces modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne, et ce même au milieu de ce que je considère être la plus grande campagne de désinformation que ce pays ait jamais vue.

Certains détracteurs ont essayé d'exploiter cette question pour diviser le pays, pour affirmer que certaines régions du pays sont moins tolérantes que d'autres. En réalité, les résultats des sondages peuvent aider à unir le Canada. Le soutien majoritaire est à peu près uniforme dans le Canada anglophone, avec près de 60 p. 100 d'avis favorables. Mais, dans la province de Québec, les opinions favorables à ces modifications grimpent à 73 p. 100. Voilà certainement une valeur que nous partageons en tant que nation.

[Français]

Une voix: Quel beau pays, madame!

La présidente: Non. Quel beau peuple! Quelle belle province! Ça c'est un peu distinct.

[Traduction]

M. Pearce: D'autres ont insinué que cette question n'importe qu'à ceux qui vivent à Montréal, Vancouver et Toronto. D'où pensez-vous que je vienne? Avons-nous été mis au monde sur Ste-Catherine, sur la rue Davey, au coin de Church et Wellesley? Non. Nous avons des parents. Nous avons des familles dans des petites villes comme Almonte, en Ontario, et dans des localités de tout le Canada. De fait, le sondage Angus Reid de 1994 a révélé que plus d' un Canadien sur deux, 50 p. 100, connaît une lesbienne ou un gai: 34 p. 100 comme ami, 24 p. 100 comme collègue et 12 p. 100 comme membre de la famille. Ce sont des réponses multiples.

Cette question est donc importante dans toutes les circonscriptions du pays. Cependant, les gens ne sont peut-être pas aussi à l'aise pour en discuter dans les campagnes de l'Alberta ou du Québec ou même, Dieu sait, de l'Ontario, qu'à Toronto, Montréal ou Vancouver.

Une petite faction intolérante du caucus gouvernemental a failli faire dérailler ce projet de loi en affirmant qu'il pourrait leur faire du tort lors des prochaines élections fédérales. Encore de la désinformation.

L'exemple américain montre que les législateurs qui sont partisans de l'égalité des lesbiennes et des gais s'en tirent bien dans les élections. En 1994, le Congrès américain a adopté une loi pro-gaie appelée Loi sur la non-discrimination en matière d'emploi. Lors des élections suivantes, en novembre de la même année, tous les 13 sénateurs qui ont parrainé la mesure ont été réélus; sur les 120 membres de la Chambre des représentants ayant voté pour, 110 ont été réélus.

.2145

En Ontario, lors des élections qui ont suivi le rejet du projet de loi 167, tous les 17 députés néo-démocrates qui ont été réélus avaient voté pour la loi, dont huit du Nord de l'Ontario.

Si la législation sur les droits de la personne n'est pas en elle-même un enjeu électoral, elle est un indicateur de l'esprit de justice des politiciens. Dans une démocratie, on juge une société et ses chefs à l'aune du traitement que la majorité réserve à la minorité. Les droits des minorités n'enlèvent rien aux droits de la majorité. Les droits de la personne protègent ces caractéristiques immuables qui nous définissent en tant qu'individus. La politique du Canada en matière de droits de la personne en dit long sur qui nous sommes, en tant que peuple.

Cette mesure, si elle est adoptée, va protéger nos minorités, nous renforcer tous et préserver la haute réputation internationale du Canada. Il y a d'autres avantages plus concrets. La Loi canadienne sur les droits de la personne sera rendue conforme à la Charte des droits et libertés. La mission d'éducation publique de la Commission canadienne des droits de la personne sera étendue à la lutte contre l'homophobie.

Une prise de position claire du Parlement pourrait aider les jeunes homosexuels à accepter leur sexualité et réduire le taux alarmant des suicides, estimé par des études américaines être trois fois supérieur à celui des hétérosexuels. La protection des droits de la personne pourrait limiter la discrimination intentionnelle et fortuite qui sévit chaque jour dans nos rues et nos lieux de travail.

En l'absence de ces changements, ce sont les tribunaux qui continueront à faire la politique gouvernementale et les lesbiennes et les gais reprendront le fil de leur vie. Mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. La démocratie parlementaire exige que les élus agissent dans l'intérêt général ou national. Le problème auquel nous sommes actuellement confrontés est le résultat inéluctable qui survient lorsque des députés individuels font passer leurs intérêts personnels devant ceux du public.

Spectaculaire dans sa méchanceté, le député de Nanaïmo-Cowichan a fait passer ses préjugés, sa haine, son sectarisme et son racisme devant les intérêts des Canadiens. Il invoque le langage de l'égalité mais se trahit lorsqu'il dit: «Je dois ranger un Noir dans la même catégorie qu'un gai ou toute autre minorité».

Cet homme veut pratiquer la discrimination à l'égard de quiconque diffère de lui. Il s'est déshonoré, a déshonoré son parti. Il en a payé le prix en perdant son poste de whip, et il mérite d'en payer le prix avec son siège.

Les personnes comme lui considèrent les droits de la personne comme un jeu à somme nulle. Mais il n'en est pas ainsi. On arrive à la tolérance en enseignant aux gens que les différences de leurs voisins ne sont pas une atteinte aux valeurs qu'ils chérissent.

Le Canada est caractérisé par sa diversité. Au cours du prochain siècle, comme pendant le dernier, beaucoup d'immigrants viendront s'établir chez nous et il y aura place pour tous ceux qui partagent nos valeurs. Nous pouvons leur assurer que la haine n'en fait pas partie. Je vous remercie, madame la présidente.

Des voix: Bravo, bravo!

La présidente: Je pense que cela s'adresse à tous les témoins. Si vous étiez assis à ma place, d'où le regard embrasse la salle, vous auriez constaté à quel point votre intervention a retenu l'attention et suscité l'intérêt.

[Français]

Monsieur Bernier.

M. Bernier: Je veux d'abord remercier les représentants de la Coalition d'avoir accepté de venir nous rencontrer. J'appuie entièrement tout ce que vous nous avez dit.

J'ai été particulièrement touché par les propos de Mmes Nosworthy et Marks. Je trouve que leur témoignage mérite tous nos éloges.

.2150

Vous témoignez du fondement même de cette loi. Au fond, elle touche très peu de personnes. Vous avez parlé dans votre témoignage de la substance même du projet de loi, et c'est ce que moi et d'autres collègues avons indiqué en Chambre. C'est le message que l'on envoie à la population canadienne en en votant pour ou contre ce projet de loi.

Vous dites qu'étant donné qu'on attend ce projet de loi depuis tant de temps, les Canadiens pensent peut-être que le gouvernement du Canada tolérait l'intolérance vis-à-vis d'une partie de sa population. En adoptant ce projet de loi, nous allons mettre fin à cette situation. Vous avez raison de le dire, et je souhaite que ce projet de loi soit adopté à l'unanimité, précisément pour envoyer un message clair à l'ensemble de notre population, pour toutes les raisons que vous avez mentionnées.

Vous avez soulevé un point qui m'a fait sursauter à plusieurs occasions cette semaine et je voulais en parler avec nos amis du groupe EGALE. Quand M. Pearce a mentionné la pédophilie, j'ai entendu plusieurs collègues, tant libéraux que réformistes, faire ce lien entre l'homosexualité et la pédophilie; certains prétendent même qu'ils pourraient être tout à fait d'accord sur un projet de loi qui abolirait la discrimination si on définissait l'orientation sexuelle et qu'on précisait que la pédophilie est une orientation sexuelle.

J'ai réagi en disant que je considérais ce genre de remarque comme étant du gay bashing. Faire cette association-là, c'est jeter le blâme sur les gays et les lesbiennes. C'est laisser entendre que ce n'est que dans cette communauté qu'on retrouve des pédophiles, alors que la réalité est tout autre.

Je n'ai pas de questions à vous poser. Naturellement, comme vous et l'ensemble des députés de l'Opposition officielle, nous appuyons ce projet de loi. Encore une fois merci pour votre témoignage.

La présidente: Merci, monsieur Bernier.

[Traduction]

M. McClelland: Je tiens, moi aussi, à vous remercier de votre comparution et de vos propos très émouvants.

La question de la pédophilie a été évoquée sporadiquement. Je conviens que la pédophilie est la pédophilie, qu'elle soit hétérosexuelle ou homosexuelle. Elle est contraire à la loi et ne représente pas, à mon sens, une orientation sexuelle. Ce n'est pas un point de vue universellement accepté, mais c'est le mien.

Que cela nous plaise ou non, il y a des gens qui se sentent menacés par cela. Si, pour rendre ce projet de loi moins menaçant et donc plus facilement acceptable, on définissait l'orientation sexuelle comme l'homosexualité, la bisexualité, la transsexualité et l'hétérosexualité, cela le renforcerait-il ou l'affaiblirait-il?

M. Pearce: On a beaucoup parlé ce soir de l'opportunité de définir l'orientation sexuelle. Je n'en suis pas partisan. Le juge John Sopinka a demandé ce que l'on pouvait bien avoir besoin de préciser.

Si c'est à la pédophilie que vous en avez, qui est considérée comme un crime grave dans notre pays, alors concentrez vos craintes sur les 98 p. 100 de crimes pédophiles commis par le partenaire hétérosexuel de la mère. C'est là que sévit la pédophilie, et non pas dans la communauté gaie. Ces gens sont des déviants, de toute façon. Je ne les considère certainement pas comme faisant partie de ma communauté, pas plus que vous. Vous parlez là de 2 p. 100 des cas que l'on monte en épingle à cause de l'intérêt que les médias portent à ce crime monstrueux.

.2155

Il est important de définir le crime, mais il n'est pas important de définir l'orientation sexuelle s'agissant de citoyens respectueux de la loi. Définissons le crime, poursuivons le criminel et recherchons la cause profonde de ce comportement abominable dans notre société.

M. McClelland: Je vous donne raison. Est-ce que ces chiffres sont véridiques?

M. Pearce: Oui.

M. Robinson: J'ai une étude de l'American Academy of Pediatrics publiée dans la revue Pediatricians. Je me ferai un plaisir de la distribuer aux membres du comité.

La présidente: Ce serait très utile. Je vous remercie.

M. McClelland: J'ai une autre observation concernant les agressions contre les homosexuels. Je connais un cas où un homme a été battu presque à mort parce que d'autres pensaient qu'il était homosexuel. Il se trouve qu'il ne l'était pas, mais il a suffi que d'autres le pensent.

Il en a beaucoup été question dans le cadre de la législation réprimant les crimes haineux. Si je vous ai bien suivi... Vous avez dit qu'il est criminel de battre quiconque, pour quelque raison que ce soit, et qu'il faut rechercher les causes profondes de la violence dans notre société. Je pense que là où nous avons déraillé dans le cas de la législation contre les crimes haineux, et où je n'ai plus été d'accord, c'est lorsqu'on a dit que le fait d'agresser un membre d'un groupe identifiable, dont les homosexuels, était pire que d'agresser n'importe qui d'autre. À mes yeux, c'est illogique. Le problème est la violence dans notre société, et une agression est une agression, un point c'est tout.

Mme Nosworthy: Je pense que la raison pour laquelle c'est pire est que la société gaie ne se sent pas protégée. Si c'est un hétérosexuel qui se fait attaquer, son père dira qu'il aura la peau de ces salauds. Si c'était son fils homosexuel, il commencerait par réfléchir...

M. McClelland: Vraiment?

Mme Nosworthy: ...et se demander ce qui en résultera. C'est une réaction que je connais, car il y a un couple très intelligent qui possède un chalet en face de chez nous, de l'autre côté de la rivière. Bien qu'ils sachent que j'ai une fille lesbienne, ils n'ont jamais admis que leur fils est gai. Il y a deux ans, il a été gravement agressé à Toronto et a failli y laisser sa vie. J'ai demandé au père ce qu'il allait faire. Rien.

M. Pearce: Je pourrais peut-être intervenir à ce sujet.

J'ai moi aussi été attaqué. Je porte une cicatrice sur le sourcil droit. Je ne cherche pas la pitié, mais je vais vous raconter ce qui s'est passé. Je travaillais à Ottawa. Vers 9 h 30 du soir, je traversais à pied le marché. Tout près du centre Rideau, il y a quelques allées désertes qui mènent à des immeubles. Je marchais tranquillement, habillé comme je le suis aujourd'hui. Je ne disais rien ni ne faisais rien. Je rentrais simplement chez moi avec une serviette. J'avais l'air d'un homme d'affaires qui rentre chez lui. Il y avait une grève d'enseignants à Ottawa et un groupe de jeunes est arrivé qui s'est mis à scander «pédé, pédé, pédé, pédé, pédé». Ils ont coutume de scander l'insulte en vous faisant tourner comme une toupie. J'ai fini par ramasser une pointe de botte de cow-boy dans la tête.

C'est différent d'une agression ordinaire. Il y a des lois qui couvrent le simple tabassage. Ce sont les lois sur l'agression. La raison pour laquelle on a des lois pour réprimer les crimes haineux est de protéger les personnes spécialement visées parce qu'on les range, à tort ou à raison, dans un groupe donné. Nous avons décidé, en tant que société, que cela mérite une punition plus sévère.

M. McClelland: Sauf votre respect, je pourrais rentrer chez moi ce soir dans exactement les mêmes circonstances et me faire tabasser exactement dans les mêmes circonstances. Comment distinguez-vous entre vous et moi, sur le plan de notre orientation sexuelle?

M. Pearce: S'ils vous prenaient pour un homosexuel et vous insultaient en scandant «pédé, pédé, pédé», vous pourriez faire valoir que c'est un crime motivé par la haine et demander un châtiment plus lourd.

.2200

Il ne s'agit pas ici seulement d'instaurer un terrain de jeu égal; votre responsabilité de législateur est d'aider à rectifier les distorsions qui apparaissent au fil du temps. C'est le but de la législation sur les crimes haineux. C'est le but de la législation sur les droits de la personne.

M. McClelland: Je vous remercie.

La présidente: Monsieur Scott.

M. Scott: Encore une fois, j'ai apprécié votre témoignage. Je pense qu'il confère au sujet un visage très personnel et un visage canadien reconnaissable; il importe d'utiliser cette occasion pour réaffirmer les valeurs qui sous-tendent la modification de la loi, des valeurs qui ont l'adhésion, je pense, de la vaste majorité des Canadiens. C'est une occasion pour tout le monde de réfléchir à cela et de réaffirmer leur adhésion à ces valeurs. Votre témoignage y contribuera. Je vous en remercie.

La présidente: Madame Augustine.

Mme Augustine: J'ai moi aussi été énormément émue par vos exposés, votre franchise et par le fait que vous puissiez parler ouvertement de ce que vous avez vécu.

Vous avez parlé de confronter la vérité, de la faire sortir du placard. Est-ce qu'on ne pourrait pas appliquer cela également à ceux qui refusent de voir la réalité qu'ils ont sous les yeux, pas seulement à l'homosexuel ou à la lesbienne ou à la famille confrontés à ce...? Il me semble qu'une bonne partie de ce débat est due à un refus de savoir, un refus d'entendre, un refus d'écouter. Nous risquons de tellement nous obnubiler sur notre interprétation de ce que nous pensons sauvegarder et protéger que peut-être nous ne parvenons pas à percer la barrière et à confronter et entendre la vérité.

Nous tous, si nous étions confrontés à la réalité, si nous partagions certaines expériences et réellement écoutions avec amour et la conscience de ce qu'est notre société, nous réaliserions que... À mes yeux, c'est très clair: nous parlons ici de justice, d'équité, d'un droit, d'une discrimination, du droit d'un individu de vivre, de travailler, d' accéder librement aux biens et services.

Que nous adoptions ce projet de loi aujourd'hui, demain, après-demain ou le jour d'après, ce ne sera que le début de la réalisation de ce qu'il faut donner aux gens qui ont ce mode de vie. J'entends par là l'éducation qu'il faut faire afin que nous puissions ressentir ce que vous ressentez, que nous puissions être aussi ouverts que vous l'êtes et puissions affronter la vérité.

Lorsque je dis «nous», j'entends la société dans son entier, afin que nous puissions accepter non seulement les lesbiennes ou les gais, mais également tous leurs proches qui se soucient d'eux.

J'aimerais peut-être vous demander également ce que nous pouvons faire pour aider. Quel a été pour vous, en tant que parents, le déclencheur qui vous a amenés à comprendre vos fils et filles? Y a-t-il eu un mot en particulier, qu'est-ce qui vous a amenés à comprendre?

.2205

Mme Nosworthy: Eh bien, ma fille a renoncé à me faire comprendre après avoir essayé pendant six mois. Je continuais à dire que j'aimerais bien qu'elle trouve un jeune homme correct, qu'elle se marie et ait des enfants et renonce à toutes ces stupidités. Elle m'a dit: «Maman, tu ne comprendras jamais», et elle est partie.

Encore une fois, c'est différent pour nous parce que nous sommes mis de force devant la réalité, comme lorsqu'elles nous ont dit qu'elles voulaient avoir un enfant. Mon mari a dit que la situation était déjà suffisamment déplorable, et voilà qu'elles voulaient y ajouter un enfant. J'ai dit que cela ne nous regardait pas. L'enfant est né, un magnifique petit garçon. Il est âgé de deux ans aujourd'hui, et il est parfaitement adorable. Je suis censée le garder demain soir à 7 heures. Quoi qu'il en soit...

M. Pearce: Si quelqu'un a un avion privé...

Mme Nosworthy: Bien sûr, mon mari a dit: «Oh, mon Dieu», car il a plus de mal à s'y faire. Je suppose que je suis un peu plus ouverte. Mais je lui dis: «Bob, tu sais, ce petit gars n'aura jamais qu'un seul grand-père. Vas-tu être le genre de grand-père dont il pourra se souvenir plus tard avec affection, ou bien le genre de grand-père dont il dira qu'il ne l'a même pas connu». Cela l'a secoué et je peux vous dire que ce petit gars aujourd'hui, âgé de deux ans, prend le téléphone et dit: «Grand-papa Bob, es-tu heureux?» C'est l'amour qui compte. Aimez-vous vos enfants? Nous sommes une famille.

Ce que vous faites à nos enfants, vous le faites à nous, vous le faites à des frères et soeurs. Comment pouvez-vous diviser une famille et dire que tel enfant a des droits et que l'autre ne les a pas? Rendez-vous compte de ce que vous nous faites. Rendez-vous compte de ce que la société nous fait. Comment peut-on dire que ce n'est pas une famille? Ces deux femmes et ce bébé... c'est une famille. Elles ont davantage d'amour pour ce petit gars et davantage de temps que n'importe quel autre couple que je connais. Ce minuscule petit garçon, c'est toute leur vie.

Lorsque vous voyez l'amour que la communauté gaie accorde aux enfants parce qu'ils sont si précieux pour eux... il y en a si peu. Brent Hawkes était assis à cette place tout à l'heure; notre fille va dans son église et c'est merveilleux de voir comme cet enfant est aimé dans cette congrégation.

Donc, lorsque vous parlez de famille, il faut repenser les choses. J'ai dû tout repenser, et je sais donc exactement ce par quoi vous devez passer. Jamais, dans mes rêves les plus fous, aurais-je imaginé que je me trouverais un jour ici avec... et mon mari, évidemment, disait qu'il voulait un autre homme avec qui parler; il a dit, vous les filles, vous êtes toujours fourrées ensemble. Je lui ai répondu qu'il n'avait qu'à téléphoner à son fils.

Mais vous voyez toutes ces choses qui nous traversent l'esprit parce que nous n'en avons jamais parlé auparavant. De quoi parlions-nous lorsque nous étions jeunes? On nous disait de nous taire et de rester tranquilles dans notre coin, et personne ne parlait jamais de rien. Je ne sais pas de quoi les gens parlaient. Ils n'avaient pas la télévision, ils n'avaient donc pas d'excuses. Mais ils ne parlaient jamais de rien.

Mme Marks: J'aimerais dire un mot, car vous avez demandé comment faire pour que les gens se parlent et deviennent plus tolérants. Eh bien, adoptez ce projet de loi, et vous serez surpris de l'effet qu'il aura.

Depuis que la loi ontarienne a été changée pour y inscrire l'orientation sexuelle, partout où vous allez ils parlent de la discrimination qui n'est plus tolérée, même à l'Université Queen's, on mentionne maintenant l'orientation sexuelle.

Ce n'était jamais mentionné avant la modification du Code des droits de la personne ontarien. Je l'ai remarqué; c'était important pour moi. Maintenant, c'est partout. Tout d'un coup vous lisez le journal de Queen's et c'est là. C'est là depuis des années, depuis l'hiver 1986 lorsque la loi a été changée, mais cela n'y était pas auparavant, jamais. Puis les professeurs le voient, et ils empêchent les étudiants de faire des remarques. C'est la même chose dans les grandes institutions, les responsables des banques, tout le monde commence à faire attention et cela filtre du haut jusqu'en bas de la société. Cela ne fait aucun doute. Je l'ai vu moi-même à l'université et partout où je vais. C'était inouï il y a dix ans que de mentionner l'orientation sexuelle dans un code des droits de la personne, de lire qu'il ne fallait pas faire de distinction sur cette base. Aujourd'hui, cela paraît normal.

.2210

La présidente: Vous pourriez peut-être y revenir plus tard, car il se fait tard et notre comité doit siéger de 9 heures du matin jusque tard dans la nuit.

Monsieur Ménard.

[Français]

M. Ménard: Je suis très content d'avoir entendu votre témoignage, car je suis convaincu que nous n'en vivrons pas deux comme celui-là. Vous nous avez fait voir votre engagement personnel dans la compréhension de cette question.

Vous nous avez dit que pour changer les choses, il fallait donner des exemples concrets. On a devant nous des mères. Vous pourriez être ma mère finalement. Ma mère a eu le même réflexe que vous lorsque je lui ai dit que j'étais homosexuel. Ça ne la dérange pas de servir de la tourtière à un homme ou à une femme. Ce qui la préoccupait, c'était le fait que je puisse un jour être malheureux ou exposé à des situations d'intolérance. La seule façon de changer ça, c'est par les lois et par les mentalités. Ce soir, vous nous invitez à faire les deux.

Comment, d'après vous, peut-on multiplier votre témoignage? Ce serait extraordinaire que vous rencontriez la presse dans les prochains jours. Depuis trois jours, chacun d'entre nous a donné beaucoup d'entrevues. On a parlé de l'aspect juridique, de l'aspect technique, mais on n'a pas vraiment donné de témoignage. Ce serait très intéressant que vous rencontriez les journalistes. Ils sont une dizaine sur la Colline à s'intéresser de très près à cette question-là.

Comment croyez-vous qu'on puisse convaincre le Parti réformiste de voter en faveur de cette loi-là?

[Traduction]

M. Pearce: En réponse à votre première question...

La présidente: Je pense que la question s'adressait à Mme Nosworthy.

M. Pearce: Désolé.

Mme Nosworthy: Je ne pense pas que l'on puisse changer les gens du jour au lendemain...

Mme Marks: Ni changer les gens qui sont réellement sectaires. Je ne vois pas comment. Je pense que tout réside dans l'éducation - si le gouvernement peut agir, par le biais de la Commission des droits de la personne et des écoles, et enseigner aux enfants dès leur plus jeune âge à être tolérants les uns avec les autres et pas si cruels. C'est dans leurs familles qu'ils apprennent l'intolérance.

La plus grande tragédie c'est l'attitude, l'attitude des gens. Je comprends ce que vous ressentez Margaret, car je suis passée par là. Nous avions peur pour lui.

Mme Nosworthy: L'aspect positif est que nous recevons tellement de demandes émanant d'élèves du secondaire qui rédigent des dissertations. Ce qui est regrettable, c'est qu'ils ne peuvent les lire aux autres et ne peuvent en discuter parce que les conseils scolaires ne le permettent pas. Mais, au moins, ils écrivent les dissertations et d'autres élèves de la classe posent des questions. L'information commence donc à passer.

Les universités et collèges en font également des sujets de dissertation, mais c'est surtout le fait d'enseignants individuels. C'est donc toujours un individu qui doit mettre un visage sur un individu. Nous devons faire changer d'avis les conseils scolaires.

Mais là encore, c'est très délicat car des gens vous diront qu'ils ne veulent pas savoir, qu'ils veulent rester ignorants et rester comme ils sont. Cela les regarde. Mais ils ne pourront pas se boucher les yeux, car cette génération de jeunes pose les questions et veut savoir. C'est un sujet qui les intéresse réellement. C'est la dernière barrière discriminatoire qui reste, et elle ne restera pas debout très longtemps.

[Français]

M. Ménard: Ma mère a 60 ans.

[Traduction]

Une voix: J'ai 65 ans, mais ça va disparaître. Je peux vous dire que ça va disparaître.

M. Pearce: J'allais simplement vous offrir de distribuer des copies de ces exposés. Du moins, nous avons celui de Marg et nous pourrions vous envoyer celui de Marion.

La présidente: C'est bien, car je veux les utiliser dans mon discours à la Chambre. C'est excellent. Je vais vous citer.

Mme Nosworthy: Appelez-nous. C'est ce que nous faisons.

Mme Marks: Absolument, ce serait merveilleux. Mentionnez simplement nos noms, afin que nous puissions aller aider des gens.

M. Pearce: Je veux mentionner aussi que le mardi 7 mai, nous ferons venir sur la colline 12 parents de la région de Toronto et une demi-douzaine de Montréal, de même que dix anglicans. Nous avons fait des appels téléphoniques et envoyé des lettres au bureau de tous les députés. Si vous êtes intéressés à organiser une rencontre de vos collègues avec certaines de ces personnes, nous nous ferions un plaisir de répondre à la demande.

.2215

La présidente: Merci beaucoup, Randall. Sharon.

Mme Hayes: J'ai été intéressée par votre récit. Il m'a tellement rappelé le récit qu'a fait dans mon bureau quelqu'un qui vit dans ma circonscription. Les situations sont très similaires. Il s'agissait d'un fils qui a été tabassé et hospitalisé. Il a dit à sa mère de ne pas porter plainte parce qu'il avait peur. Il a de nouveau été tabassé, par le même groupe. C'est malheureusement trop fréquent dans notre société et il y a quantité de parents qui ont très peur pour leurs enfants. Ce garçon n'est pas homosexuel.

Un autre jeune homme dans ma circonscription a été agressé à 2 heures du matin par quatre jeunes délinquants - il est mort sans raison particulière, sauf qu'il avait proposé de les reconduire chez eux. Ces choses nous touchent vraiment tous, lorsqu'elles nous arrivent. Nous savons ce que ressentent les parents lorsqu'ils ont peur pour leurs enfants. Vous l'avez très bien exprimé.

J'aimerais revenir sur le thème de la confrontation de la vérité. Même ce soir, nous avons vu un ministre de la Justice, ici, qui ne voulait pas affronter la vérité de ce qu'il fait. C'est du moins mon interprétation. Il ne voulait pas définir la famille. Il ne voulait pas dire si cela entraîne des prestations de conjoint ni rien du tout. Il n'a pas dit toute la vérité, pas plus qu'il n'a dit toute la vérité au public.

La présidente: Je vous demande pardon, je m'élève contre cette affirmation. Je pense qu'il a indiqué très clairement que votre vérité et sa vérité sont deux vérités différentes. Je vous prie de citer ses propos avec exactitude.

Mme Hayes: D'accord. Il a refusé de définir ces choses. Il n'a pas voulu dire de quoi il retourne. Qu'en pensez-vous? Quelle est votre définition de la famille? Pensez-vous que les prestations de conjoint doivent être accordées? Plus précisément, que pensez-vous d'un ministre de la Justice qui ne veut pas parler de ces deux choses?

Une voix: Ce n'est pas ce que j'ai entendu.

M. Pearce: Ce qui me dérange dans votre ligne de questions - et j'ai écouté tout ce qui a été dit ce soir - c'est que vous vous concentrez sur qui doit être inclus, qui doit être exclu.

Une voix: Non.

M. Pearce: Désolé. Vous faites les politiques. Lorsqu'on fait une politique, on ne parle pas de qui est couvert et qui ne l'est pas. On parle de la raison d'être de la famille dans la société, de la manière dont elle sert les intérêts de la société. Si vous regardez la raison d'être de la famille, elle est d'offrir un soutien émotionnel et physique, d'offrir un soutien financier.

Ensuite vous considérez le résultat de ces fonctions. C'est une espérance de vie accrue, une dépendance moindre à l'égard de l'État, sur le plan des programmes sociaux. Si vous considériez les objectifs et élaboriez une politique publique au lieu de faire de la politique avec nos vies, nous serions plus à l'aise pour répondre à vos questions.

Mme Hayes: Je ne fais pas de la politique avec vos vies. Je vous demande si vous voulez voir la famille expressément définie dans la loi. Voulez-vous qu'elle précise si les prestations de conjoint sont visées par cela? Voilà ce que je demande.

M. Pearce: Ce projet de loi réalise un objectif, qui est de mettre fin à la discrimination, rien de plus, rien de moins. Nous sommes parfaitement satisfaits de son libellé. Nous ne serions en faveur d'aucun changement à ce projet de loi. Il devrait être adopté tel quel.

.2220

La présidente: Merci beaucoup, mesdames et messieurs.

Nous nous réunissons demain à 9 heures, dans la salle 371 de l'édifice de l'Ouest.

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