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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 5 décembre 1996

.0908

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Je déclare ouverte la séance de ce matin. Nous allons commencer, puisque nous avons des députés de l'Opposition officielle, du troisième parti et du parti ministériel.

Nous sommes très heureux d'accueillir ce matin Carol Bellamy, directrice générale de l'UNICEF. Joe Judd est directeur adjoint de la Division du programme du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, UNICEF.

Je suis très honoré ce matin, madame Bellamy, car il y a exactement 40 ans j'ai eu mon premier contact avec l'UNICEF.

Permettez-moi de vous raconter comment cela s'est produit. J'étais au début de ma carrière d'enseignant et le directeur est venu me demander d'organiser les boîtes de l'UNICEF étant donné que j'étais le seul enseignant de sexe masculin à cette école. Je devais par ailleurs m'assurer que chaque enfant avait une boîte de l'UNICEF pour l'Halloween. Je devais recueillir l'argent, le compter et le remettre à l'UNICEF. Nous n'avons pas recueilli beaucoup d'argent, car notre établissement scolaire était situé dans les quartiers pauvres de la ville. Nous avons cependant réussi à recueillir quelques centaines de dollars.

Depuis ce temps, je m'intéresse à l'UNICEF avec lequel j'ai conservé des liens. Lorsque je suis devenu secrétaire parlementaire, le ministre Ouellet m'a demandé d'être le porte-parole du gouvernement pour le rapport annuel de l'UNICEF.

Comme je le disais, c'est donc pour moi un honneur de présider la séance de ce matin.

Selon notre façon de procéder habituelle, nous vous demanderons de faire des observations liminaires puis nous passerons à la période des questions. Le premier intervenant sera un député de l'opposition, puis nous passerons à un député ministériel.

Sans plus tarder, je vous cède la parole.

.0910

Mme Carol Bellamy (directrice générale, Fonds des Nations Unies pour l'enfance): Merci beaucoup.

Bonjour à tous. Je sais que c'est pour vous une période très occupée et je vous remercie donc de l'occasion qui m'est donnée de venir témoigner devant votre comité.

Permettez-moi de commenter vos observations liminaires. Je suis directrice générale de l'UNICEF depuis un peu moins de deux ans. Lorsque j'ai été nommée à ce poste, bon nombre de mes amis sont venus me voir pour me dire qu'ils se rappelaient très bien qu'ils avaient déjà recueilli de l'argent à l'occasion de l'Halloween pour l'UNICEF. La générosité était automatique devant cette petite boîte orange. Je dois vous dire que nous utilisons toujours les petites boîtes orange pour recueillir de l'argent pour aider l'UNICEF à faire son travail.

J'ai une autre histoire de petite boîte orange à vous raconter. Récemment, j'assistais à un événement aux États-Unis. L'un des ambassadeurs américains pour l'UNICEF est l'actrice Meg Ryan. Elle a dit que l'une des raisons pour lesquelles elle a décidé récemment d'aider l'UNICEF c'est que lorsqu'elle était jeune, elle avait aidé à recueillir des fonds pour l'UNICEF avec cette petite boîte orange, mais elle a admis qu'elle avait alors gardé l'argent qu'elle avait recueilli. Elle se sentait donc très coupable et des années plus tard elle s'est sentie obligée d'aider l'UNICEF. Au taux d'intérêt actuel, elle a calculé qu'elle devait considérablement d'argent à l'UNICEF. Elle a donc décidé d'aider en participant aux campagnes de financement.

Permettez-moi de faire quelques brefs commentaires au sujet de l'UNICEF. Je serai ensuite heureuse de répondre à vos questions ou commentaires.

Tout d'abord, je dois dire que je suis ravie d'être ici au Canada. Le Canada appuie depuis longtemps l'UNICEF. Il appuie l'UNICEF grâce à l'aide gouvernementale, et je dois souligner qu'il s'agit d'un appui financier; le Canada est l'un des principaux soutiens financiers de l'UNICEF - et je dois ajouter qu'il apporte un soutien intellectuel important également. Le Canada est depuis longtemps membre du conseil d'administration de l'UNICEF, et je dois dire que c'est un membre très actif et très constructif.

Je ne parlerai pas en détail des activités de notre conseil d'administration qui compte maintenant 36 pays membres. Il joue - et a certainement toujours joué - un rôle clé à un moment où tous les organismes des Nations Unies tentent de jeter un regard critique sur leurs activités et sur leur fonctionnement; nous voulons être les plus efficaces et efficients possible; nous examinons nos politiques; nous tentons d'éviter le double emploi; et nous essayons de voir comment nous pouvons travailler de façon cohérente. Notre conseil d'administration joue un rôle particulier à cet égard.

Je tiens donc à vous en remercier. Je veux également remercier les Canadiens en général qui appuient leur gouvernement et le comité national au Canada, qui a apporté un appui très important. Je tiens à le reconnaître.

Le 11 décembre, la semaine prochaine, l'UNICEF célébrera son 50e anniversaire. En fait, nous avons célébré notre 50e anniversaire toute l'année, mais ayant moi-même plus de 50 ans, je dis toujours aux gens qu'il ne faut pas essayer d'atteindre la cinquantaine trop rapidement. Nous avons donc en fait 49 ans, et nous aurons bientôt 50 ans.

Et c'est donc un moment intéressant pour prendre un peu de recul et faire un petit examen. L'UNICEF a été créé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, essentiellement comme fonds de secours humanitaire - c'est pourquoi le «f» pour «fonds» fait toujours partie du nom - en grande partie pour répondre aux besoins des enfants à la fin de la Seconde Guerre mondiale en leur fournissant couvertures, aliments et autres secours d'urgence. Cinquante ans plus tard, nous nous apercevons que la plupart de ces enfants encouragent aujourd'hui considérablement l'UNICEF, de sorte que nous ne faisons pratiquement plus cela. Cependant, dans certains cas - par exemple en ex-Yougoslavie - nous sommes retournés aux endroits même où nous étions il y a 50 ans. Nous constatons cependant que des progrès énormes ont été accomplis pour les enfants au cours de ces 50 années, même si certains problèmes demeurent.

J'aimerais souligner qu'en 1996, le nombre d'enfants dans le monde qui vivent dans des régions où il y a une forme de conflit armé violent - pas nécessairement des guerres mondiales, mais des conflits internes, du Rwanda au Sri Lanka jusqu'en ex-Yougoslavie, pour ne nommer que quelques pays - est sans doute tout aussi élevé qu'il l'était il y a 50 ans. Donc, bien que l'UNICEF ait changé au fil des ans - ce n'est plus uniquement un fonds d'urgence, mais il s'intéresse considérablement au développement du peuple à la base - nous nous apercevons que ce développement est par ailleurs influencé dans de nombreux cas, de toute évidence, par les conditions qui prévalent dans le pays où nous travaillons. Il y a de plus en plus de pays où ces conditions sont également des conditions de conflit armé. Donc, le problème de la guerre pour les enfants est un problème très direct, un problème clé pour nous.

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Je dois souligner qu'encore une fois nous abordons le problème d'un point de vue de développement fondamental. Nous croyons que même à une époque d'anormalité, une certaine normalité reste importante pour les enfants - en d'autres termes, les services de santé de base; les spins de santé primaires de base; l'immunisation; des interventions de soins de santé peu coûteuses, simples, compréhensibles; les activités antidiarrhéiques; la vitamine A; l'iodisation du sel; l'eau potable.

Je voudrais souligner plus particulièrement la question de l'enseignement primaire, l'enseignement de base. Si on ne peut maintenir un enseignement de base même au milieu du pire conflit, il n'y aura plus personne pour diriger le pays lorsque le conflit sera terminé. La prochaine génération sera perdue dans le processus.

Après 50 ans, que pouvons-nous dire? Qu'est-ce qui a été accompli? Je dis à mes collègues de l'UNICEF que les gens aiment l'UNICEF; pourtant, si on y réfléchit, on s'aperçoit qu'il y a deux choses qu'on nous reproche vraiment dans le monde aujourd'hui. Tout d'abord, le fait que nous fassions partie de l'ONU, et l'ONU ne connaît pas sa plus grande période de gloire ces jours-ci. Ensuite, nous oeuvrons dans le domaine du développement. Les gens disent que nous dépensons de l'argent pour le développement, mais qu'est-ce que nous en retirons? Cela fait-il une différence?

Ma réponse dans les deux cas est la suivante: je pense que nous pouvons défendre fermement l'ONU et défendre fermement le développement. Ça ne veut pas dire que nous devions en défendre tous les éléments. Je suis fermement convaincue que l'ONU tout comme l'UNICEF doivent s'administrer avec plus d'efficience et d'efficacité, mais c'est ce que nous tentons de faire. C'est la même chose pour le développement. Je ne suis pas prête à dire que tous les éléments du développement ont été parfaits par le passé, mais je pense qu'il est très important de reconnaître que l'investissement dans le développement a fait une différence. Je veux vous en parler brièvement dans le contexte suivant.

J'ai parlé des 50 ans, mais j'aimerais vous parler de la dernière décennie, même s'il s'est passé beaucoup de choses auparavant. En 1990, il y a eu un événement très important, le Sommet mondial pour les enfants. Ce fut en fait le début d'un certain nombre de ces sommets importants. Le Canada a été l'un des six initiateurs de ce sommet. C'était une idée brillante de mon prédécesseur, Jim Grant.

Plus de 70 chefs d'État et plus de 150 représentants de haut niveau de ces pays ont participé au Sommet mondial pour les enfants. Ce sommet s'est avéré une tribune où les gens ont parlé, ont lu des déclarations et ont écrit des choses sur papier, mais ils y ont également pris un engagement. Ces gouvernements se sont engagés à tenter d'améliorer la qualité de vie des enfants, surtout dans le domaine de la santé, de l'éducation et des droits des enfants, et d'évaluer les progrès accomplis. Voilà ce qui est vraiment important. Ce n'a pas tout simplement été une rencontre où les gens sont venus et sont repartis sans que quoi que ce soit ne soit fait.

Depuis ce sommet, on a tenté de voir quelle a été la différence, si cela avait fait une différence. En fait, il y a quelques mois, le Secrétaire général a publié un rapport sur ce qui a été accompli jusqu'au milieu de la décennie. Quels ont été les résultats de ces engagements en vue d'essayer d'assurer l'immunisation universelle des enfants, d'améliorer la santé des enfants? Quels ont été les résultats de ces cinq années, pour chaque pays?

Pour vous donner quelques statistiques, 129 pays ont atteint l'objectif de couverture vaccinale qui avait été fixé pour le milieu de la décennie. J'utilise certaines des statistiques non pas pour vous ennuyer, mais pour vous montrer qu'on a examiné comment ces ressources financières ont été dépensées et si le développement fait une différence. On estime actuellement que sans ce programme d'immunisation, près de 3 millions d'enfants par année mourraient de la rougeole.

La poliomyélite et la draconculose sont à la veille d'être pratiquement éliminées. Nous n'en sommes pas encore là. La couverture vaccinale pour la poliomyélite se situe à 80 p. 100 dans le monde, et les 20 p. 100 qui restent seront peut-être aussi difficiles que les 80 premiers p. 100. Mais si on tient compte du fait qu'on a réussi à éliminer la variole il y a environ 25 ans, que nous avons pratiquement éliminé la draconculose, et je crois qu'au cours des 10 à 15 prochaines années - et j'aimerais bien que ce soit possible au cours des cinq prochaines années - mais d'ici les dix prochaines années, la poliomyélite pourrait être éliminée dans le monde. La poliomyélite a depuis quelques années été complètement éliminée des Amériques. Et cette année, il y a eu une journée nationale de l'immunisation en Inde au cours de laquelle 70 millions d'enfants ont été immunisés.

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Je voulais tout simplement vous donner ces statistiques pour vous montrer qu'à l'UNICEF, nous mettons surtout l'accent sur la santé et l'enseignement primaire - je ne dis pas que c'est seulement l'UNICEF - mais nous tentons vraiment de mesurer la différence qu'apporte l'investissement de ces ressources financières dans l'UNICEF.

Je tiens à mentionner deux autres projets auxquels le Canada a participé de plus près. L'iodisation du sel est quelque chose de très simple. Chaque être humain a besoin d'une toute petite quantité d'iode. L'une des principales sources est le sel. L'un des domaines dans lequel l'UNICEF a été très actif avec les divers gouvernements dans des pays où nous travaillons est de les aider à comprendre les lois ou les plantes qui produisent du sel iodé.

Quelle différence est-ce que cela fait? En fait, un manque d'iode est la cause principale de retard mental dans le monde aujourd'hui. Donc, pour les enfants handicapés ou d'autres problèmes de ce genre, l'iodisation du sel est une question très importante. Le Canada accorde un appui important à l'UNICEF à cet égard. Ainsi, le Canada aide d'autres pays à mettre en place un tel programme.

Je tenais donc tout simplement à dire qu'il y a vraiment de bonnes nouvelles pour ce qui est de l'investissement des dollars pour le développement. Les taux de mortalité infantile ont pratiquement été réduits de moitié au cours des 25 dernières années. Comme je l'ai dit, nous nous rapprochons de l'immunisation universelle. Le traitement des troubles dus à une carence en iode et la réhydratation par voie orale ont fait des progrès importants.

Cela étant dit, peut-être parce que j'ai déjà moi-même travaillé pour le gouvernement - j'ai travaillé dans les secteurs privé et public - il reste encore des défis à relever. Ce rapport du milieu de la décennie qui parle de bonnes nouvelles signale cependant certains domaines où il reste encore beaucoup de travail à accomplir.

Lors du sommet de 1990, des engagements ont été pris en vue de réduire la malnutrition chez les jeunes et la mortalité maternelle. Ce sont deux domaines où, à l'échelle mondiale, les progrès ont été beaucoup moins positifs. En fait, la question de la malnutrition chez les enfants est toujours un problème très important à l'échelle mondiale. Ce n'est pas seulement la malnutrition aiguë qui tue les enfants, mais également la malnutrition sévère et modérée qui empêche les enfants d'étudier ou de travailler aussi bien à l'école.

C'est la même chose pour la mortalité maternelle. Les décès et les blessures ne devraient pas être aussi fréquents lorsqu'une femme donne naissance à un enfant. Nous devons changer certaines choses. Nous devons donc revoir nos stratégies et nos politiques dans ces deux domaines.

J'aurais une autre observation à faire avant de conclure.

Le rapport soulignait également certains domaines où il y a eu des améliorations importantes, notamment pour ce qui est de l'accès à l'éducation - il y a un plus grand nombre d'enfants qui fréquentent l'école aujourd'hui - et pour ce qui est de l'accès à de l'eau non contaminée et à une meilleure hygiène. Bien qu'il y ait eu certaines améliorations dans ce domaine, la croissance démographique dans le monde a été plus rapide que ces améliorations. Le rapport disait donc que d'une part, il y a eu d'importantes améliorations au niveau des soins de santé primaires, mais qu'il y a toujours des progrès à accomplir. Il dit que sur le plan de la mortalité maternelle et de la nutrition il y a eu très peu d'améliorations, et qu'il faut donc repenser les politiques à cet égard. En ce qui a trait à l'éducation et à l'eau, il y a eu quelques progrès, mais il faut essayer d'aller encore plus vite que la croissance démographique.

Permettez-moi de conclure en disant simplement que c'est ce que nous avons fait ces dernières années. Tournons notre regard davantage vers le XXIe siècle. L'une des choses vraiment intéressantes à l'UNICEF ces jours-ci concerne ces améliorations dans bon nombre de domaines de la santé et de la survie des enfants. Nous nous attaquons présentement à certains des problèmes que connaîtra la prochaine génération au XXIe siècle.

Nous nous intéressons tout particulièrement à la question des droits des enfants. Cent quatre-vingt sept pays dans le monde ont maintenant ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, notamment le Canada, qui a été l'un des premiers pays à la ratifier. Je dois dire qu'un pays important qui ne l'a pas encore fait est le mien, et malheureusement je ne crois pas qu'il le fera dans un avenir rapproché.

Cependant, comme la Convention relative aux droits de l'enfant a pratiquement reçu la ratification universelle, l'UNICEF fera de plus en plus de travail dans le contexte des droits de l'enfant.

Qu'est-ce que cela signifie? Est-ce que cela signifie que ce n'est pas ce que nous avons fait? Non, cela signifie que c'est ce que nous continuerons de faire. Il s'agit du droit à la santé et à l'éducation. Mais si on voit ces choses dans le contexte d'un enfant qui a le droit à la santé et à l'éducation, cela crée davantage de durabilité. En d'autres termes, ce n'est pas tout simplement parce qu'on est triste pour un enfant et que ce serait bien que l'on fasse quelque chose pour cet enfant. Cela signifie qu'un enfant, peu importe où il vit dans le monde, qu'il soit pauvre ou riche, a droit à une santé décente. Il s'agit donc pour nous d'un défi réel à l'aube du XXIe siècle.

Il y a la question plus moderne de la violence, qu'il s'agisse de la violence dans les rues due aux crimes, aux agressions ou à la prostitution, ou à la guerre. Il y a la question de l'exploitation, que ce soit sur le marché du travail ou la traite des femmes. Il y a les défis de la santé des adolescents reliés aux styles de comportement des jeunes d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de l'abus d'alcool ou d'autres drogues ou d'autres problèmes, ou des problèmes auxquels les enfants sont de plus en plus confrontés dans les rues de Nairobi, les enfants prostitués du Népal et les travailleurs juvéniles au Honduras. En effet, même si l'UNICEF n'a pas de bureaux dans une partie du monde industrialisé, il existe des défis pour les enfants aujourd'hui, le défi de la pauvreté chez les enfants.

.0925

Nous célébrons donc notre 50ième anniversaire en étant très satisfaits de nos réalisations, mais tout en étant très conscients de la tâche qui nous attend à l'avenir.

Je conclurai en disant que tous les responsables de l'UNICEF y mettent du leur pour trouver une façon de mener nos activités qui tienne compte du fait que nos ressources financières ou humaines n'augmenteront pas à l'avenir; nous cherchons donc des moyens de mieux tirer parti des ressources dont nous disposons actuellement.

Je parle à la fois des ressources financières et humaines, car, selon nous, la qualité de notre personnel est aussi importante que le montant de notre budget. Nous travaillons d'arrache-pied en vue de rationaliser, resserrer, cibler et améliorer nos systèmes, que ce soit dans le domaine de la gestion ou de la technologie, ou nos méthodes de prestation des programmes.

Je voulais signaler certaines choses. Je dis toujours que ce qu'il y a de bon à venir de New York, c'est que je parle trop vite, mais cela me permet d'en dire un peu plus.

Voilà quelques informations au sujet de l'UNICEF. Je vais faire mon possible pour répondre à vos questions. Si j'ai oublié quelque chose qui vous intéresse tout particulièrement ou dont vous avez entendu parler, je répondrai volontiers à vos questions à ce sujet.

Le président suppléant (M. Flis): Merci beaucoup. J'ai délibérément omis de présenter une biographie détaillée à votre sujet car tous les membres du comité ont reçu un communiqué de M. Axworthy, lequel porte le numéro 234 et est daté du 4 décembre. Il y est question de l'engagement du Canada envers l'UNICEF, et tout ce dont vous avez parlé, sous les auspices de M. Axworthy, M. Boudria et David Dingwall, ministre de la Santé.

Vous avez fait l'éloge du Canada. Notre pays ne pourrait pas faire ce qu'il fait sans la participation des responsables de l'ACDI, qui sont présents aujourd'hui. J'aimerais demander aux personnes assises à la table de se présenter.

Mme Annamaria Laurini (agent principal de financement des programmes, UNICEF): Annamaria Laurini, Bureau de financement des programmes de l'UNICEF.

Mme Ardith A. Molson (principale directrice des programmes, Division de la coopération technique multilatérale, Agence canadienne de développement international): Ardith Molson, ACDI.

M. Robert Ehrhardt (directeur général, Division de la coopération technique multilatérale, Direction des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international): Robert Ehrhardt, ACDI.

M. Anthony Kennedy (directeur, Bureau de financement des programmes, UNICEF): Anthony Kennedy, UNICEF.

M. Harry S. Black (directeur général, UNICEF Canada): Harry Black, UNICEF Canada.

Monsieur Flis, vous avez pris la parole lors de notre conférence de presse il y a deux ans, et M. Dupuy est intervenu lors de notre assemblée annuelle l'an dernier. Il est bon de retrouver de vieux amis autour de cette table.

M. Wah Wong (président, UNICEF Canada): Wah Wong, président bénévole d'UNICEF Canada.

Le président suppléant (M. Flis): Nous sommes heureux que vous ayez pu vous joindre à nous ce matin pour cette importante discussion.

M. Paré sera premier à poser ses questions.

[Français]

M. Paré (Louis-Hébert): Je vais poser des questions courtes.

[Traduction]

Mme Bellamy: Vous parlez tous français mieux que moi. Ma langue seconde est l'espagnol, je regrette.

[Français]

M. Paré: Je vais poser des questions très courtes et, si les réponses sont courtes, je pourrai en poser plus.

Le Sommet mondial de l'alimentation se déroulait récemment. Il s'était donné, à mon point de vue, un objectif très frileux, soit de diminuer les problèmes d'alimentation de 50 p. 100 sur 20 ans. J'aimerais savoir quelle position défendait l'UNICEF et si vous étiez présents à ce sommet.

[Traduction]

Mme Bellamy: Je serai brève, ce qui vous permettra de poser une autre question.

Oui, nous sommes actuellement une petite délégation. Je dirigeais la délégation lors de ce sommet, et j'y ai effectivement fait un exposé.

Nous avons appuyé cette conférence. La position que nous avons défendue, toutefois, reposait sur le fait que la diminution de la faim dans le monde n'est pas uniquement liée à la question de la production alimentaire; il faut tenir compte d'un vaste éventail de questions, comme la malnutrition et la pauvreté. Il ne faut donc pas simplement se concentrer sur la production alimentaire et la politique agricole. Cela ne constitue qu'un élément de l'enjeu global que représente la réduction de la faim dans le monde.

[Français]

M. Paré: On a souvent entendu des groupes dénoncer les programmes d'ajustement structurel des institutions financières internationales. Ces programmes-là causent souvent plus de pauvreté chez les plus pauvres.

.0930

Quelle lecture faites-vous, par rapport à l'effet des programmes d'ajustement structurel, de la situation des enfants dans les pays en développement?

[Traduction]

Mme Bellamy: Il s'agit d'une question plus complexe, mais je vais essayer d'y répondre.

En fait, je pense que l'UNICEF a donné l'exemple en déclarant que lorsqu'on parle d'ajustement - et pour citer l'expression d'un de mes anciens collègues de l'UNICEF: «l'ajustement au visage humain» - il importe de comprendre que bon nombre de ces gouvernements ont dû procéder à des modifications de leurs systèmes financiers et autres, mais que si l'on endette trop lourdement un pays, on risque de créer une situation dont les principales victimes seront les enfants.

L'un des principes que nous, à l'UNICEF, soutenons est celui qui débouchera sur la stratégie envisagée pour l'année 2020, à savoir comprendre que les gouvernements des pays en développement, au même titre que ceux des pays industrialisés, doivent bien comprendre que l'investissement doit servir à des fins économiques mais parallèlement à des fins de développement. Il faut admettre que les deux sont indissociables.

Par conséquent, si l'on se concentre uniquement sur la réduction de la dette, ou sur la restructuration des systèmes financiers ou des systèmes économiques, sans comprendre qu'il faut absolument investir dans le domaine humain, qu'il s'agisse de l'enseignement, des soins de santé ou des services humains, il sera impossible de mettre sur pied un système financier équilibré.

En un mot, l'ajustement structurel a, en général, eu une incidence néfaste sur les enfants. Notre tâche est de convaincre les gouvernements d'investir suffisamment dans l'avenir de leurs enfants, même s'ils entreprennent des programmes d'ajustement structurel.

[Français]

M. Paré: J'aimerais savoir comment se répartit le budget de l'UNICEF par rapport aux services d'urgence et par rapport au développement humain durable.

[Traduction]

Mme Bellamy: Je serai ravie de répondre à cette question.

Le budget de l'UNICEF est d'environ 1 milliard de dollars américains, en arrondissant un peu. Cela ne correspond pas entièrement à toutes les activités que nous sommes en mesure de mener, car nous nous heurtons actuellement à certaines difficultés. Notre budget n'a pas été aussi sévèrement réduit que certains autres secteurs des Nations Unies, mais d'après nos propres prévisions pour les prochaines années, nous nous attendons au mieux à un budget identique, ce qui nous obligera à faire certaines coupures. C'est pourquoi nous faisons notre possible pour optimiser nos ressources financières.

Nous constatons également qu'il existe un déséquilibre sérieux entre ce que nous appelons les «ressources générales», qui correspondent aux programmes de base, et les «fonds supplémentaires», destinés au financement de projets particuliers qui sont peut-être excellents mais qui ne nous permettent pas toujours d'utiliser ces ressources de la façon la plus rentable possible.

Troisièmement, toutefois, nous sommes un organisme des Nations Unies «au financement facultatif». En d'autres termes, nous relevons des Nations Unies, mais chaque année, à l'instar de la plupart des fonds et programmes, il nous faut demander les fonds nécessaires pour notre budget annuel. C'est pourquoi nous nous rendons au Canada - à plusieurs reprises, je l'espère - ou en Allemagne, aux États-Unis, en Inde ou au Bangladesh, chaque année, pour y défendre notre position et nous faire évaluer par leurs gouvernements respectifs. Je pense que ce n'est pas une mauvaise chose. Cela vous permet de savoir si vos activités sont ou non adaptées aux besoins.

En cela, nous ne sommes pas assujettis au système des quotes-parts. Comme vous le savez, il a beaucoup été question dernièrement, aux Nations Unies, des gouvernements, et notamment celui des États-Unis, qui n'ont pas payé leur quote-part. Notre avenir ne dépend pas du versement de sa quote-part par un gouvernement donné, même si nous avons une opinion à ce sujet et espérons que tous les gouvernements feront leur part, mais chaque année, nous devons aller demander directement des fonds auprès des gouvernements.

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Nous recueillons également environ 30 p. 100 de notre budget - et je parle en chiffres bruts - auprès du secteur privé. Cela se fait en grande partie grâce aux 38 comités nationaux auxquels l'UNICEF participe, comme le Comité national canadien pour l'UNICEF. Ils font tous partie de la grande famille. Même s'ils ne relèvent pas directement de l'UNICEF, ils font partie de la grande famille.

Voilà quel est actuellement notre budget.

Vous avez posé une question précise au sujet des services d'urgence. Depuis deux ou trois ans, il y a eu quelques changements, mais l'an dernier, un peu moins de 25 p. 100 du budget global de l'UNICEF a été consacré à ce que j'appelle des situations d'urgence complexes. N'oubliez pas que lorsqu'on parle de «situation d'urgence», cela englobe toutes sortes de choses depuis une grande sécheresse jusqu'aux inondations, mais nous sommes de plus en plus présents dans des pays en guerre, qu'il s'agisse du Burundi, du Rwanda, du Sierra Leone, du Libéria, du Sri Lanka ou du Guatemala, même s'il faut espérer que ce pays connaîtra enfin la paix après 30 ans de guerre.

Cela dit, j'aimerais faire une remarque. Les gens demandent quelle proportion de notre budget va aux situations d'urgence, comme s'il s'agissait d'un secteur distinct de nos activités courantes. Même dans ces pays, la majorité des fonds vont aux programmes d'immunisation, de soins de santé primaires et d'enseignement primaire. Par exemple, je reviens tout juste d'une visite au Rwanda où l'UNICEF s'occupe surtout d'un programme de soins de santé de base.

J'ajoute toutefois que, bien évidemment, étant donné que nos programmes doivent être adaptés aux besoins du pays où nous sommes présents, il nous faut offrir certains programmes précis pour faire face à ces situations d'urgence complexes. Par exemple, au Rwanda, nous nous sommes occupés des enfants soldats et de leur démilitarisation.

Lors des tout récents mouvements de réfugiés qui rentraient en grand nombre dans leur pays, nous avons travaillé de concert avec d'autres organismes de l'ONU - sous la direction du Haut-commissariat pour les réfugiés - dans le but de réunir les enfants et leur famille. Par exemple, certains de nos représentants se tenaient aux frontières, munis de porte-voix, en disant: «Accrochez-vous aux vêtements de vos parents», et, au moyen d'appareils photo Polaroïd, ils étaient prêts à photographier les enfants qui avaient perdu leurs parents. Dans le cadre de ce programme de réunification des familles, nous avons collaboré avec l'organisme Sauvez les enfants et la Croix-Rouge internationale.

Par conséquent, sur les 25 p. 100 de notre budget que nous consacrons aux situations d'urgence, l'essentiel va à des activités de développement de base, et une certaine partie sert précisément aux situations d'urgence: les enfants soldats, les services d'orientation psychosociale, la réunification des familles, etc.

Le président suppléant (M. Flis): Il vous reste du temps pour une dernière question.

[Français]

M. Paré: Je reviendrai plus tard.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Nous aurons du temps, je pense, pour un deuxième tour de questions.

Monsieur Sarkis Assadourian.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup.

Je vous souhaite la bienvenue au Canada.

Mme Bellamy: Merci.

M. Assadourian: J'ai quelques brèves questions à poser.

Comment décidez-vous dans quelles situations d'urgence il vous faut intervenir? Vous contentez-vous de regarder les émissions de CNN?

Des voix: Oh, oh!

M. Assadourian: Appliquez-vous des critères pour choisir les projets que vous souhaitez financer? C'est ma première question.

Deuxièmement, les États-Unis font-ils leur contribution à l'UNICEF à temps et pour le montant requis, ou font-ils simplement traîner les choses en attendant de voir qui va présider le Conseil de sécurité cette année, en se disant: «Boutros-Ghali ne pose pas de problème», avant de décider de verser leur contribution ou non? Font-ils de leur financement une question d'ordre politique?

Troisièmement, j'ai parlé à Stephen Lewis...

Le président suppléant (M. Flis): Nous n'avons le temps que pour une question à la fois, Sarkis. Pourquoi ne pas permettre à Mme Bellamy de répondre à votre première question?

Mme Bellamy: Tout d'abord, comment décidons-nous? Non, ce n'est pas simplement en regardant le poste CNN, je tiens à vous le garantir. En fait, il y a parfois dans certains pays des situations d'urgence dont on ne parle jamais à la télévision et qui sont pourtant très graves.

À l'heure actuelle, l'UNICEF applique des programmes par pays. En fait, notre organisme est très décentralisé. Je m'explique. Notre siège social est effectivement situé aux Nations Unies, à New York - en fait de l'autre côté de la rue - mais nous sommes fortement décentralisés depuis de nombreuses années.

Nous élaborons nos programmes grâce à un processus d'attribution par pays. Autrement dit, dans le cadre des politiques approuvées de l'UNICEF, nous désignons un pays, qu'il s'agisse d'un pays de l'Afrique subsaharienne comme le Tchad ou encore l'Argentine ou les Philippines, et nous élaborons le programme de concert avec le gouvernement en cause et les autres partenaires présents et nous le soumettons à l'approbation du conseil d'administration.

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Comme vous vous en doutez, les programmes sont donc différents selon les pays auxquels ils sont destinés. Notre programme en Afrique du Sud est différent de celui du Mali, bien qu'il s'agisse de deux pays d'Afrique.

Nous réalisons des programmes dans 140 pays. Si nous nous trouvons de plus en plus souvent pris au beau milieu de conflits armés, c'est parce que nous sommes déjà présents dans ces pays. Autrement dit, nous étions déjà présents au Burundi et au Rwanda il y a plusieurs années. Nous n'y offrons pas des programmes depuis 50 ans, mais nous étions présents au Rwanda il y a plusieurs années, même avant 1994, où le génocide a vraiment eu lieu. Et nous étions présents en Amérique centrale avant que cette région du monde ne connaisse la guerre vers le milieu des années 1980.

Ainsi, nous ne nous disons pas: «Tiens, il y a une guerre au Sri Lanka et nous ferions mieux de créer un programme dans ce pays.» En général, nous sommes déjà présents dans le pays lorsque les conditions changent.

Prenons l'exemple de la situation actuelle en République centrafricaine, pays où nous appliquons un programme traditionnel de l'UNICEF; lorsque je dis «traditionnel», je ne veux pas dire démodé. Il faut réorganiser ce programme. Je vais peut-être devoir rappeler certains de nos représentants dans ce pays, car nous ne pouvons pas faire grand-chose.

L'Afghanistan est un autre exemple. Nous avions dans ce pays un programme de base, mais étant donné l'évolution de la situation, il nous faut modifier et réorganiser le programme, quitte à réduire certaines activités, car il nous est difficile d'atteindre la population.

Le seul changement que je peux mentionner est le suivant. À l'instar de bon nombre d'organismes qui s'occupent de développement, depuis la fin de la guerre froide au début des années 1990, l'UNICEF est désormais présent dans certains des pays d'Europe centrale et de l'Est ainsi que dans le Commonwealth des États indépendants. Auparavant, nous n'avions aucune activité dans ces pays.

Par exemple, en ex-Yougoslavie, nous n'étions pas présents à cause de la guerre qui y faisait rage, même s'il nous a fallu nous décider à intervenir. Nous avons envoyé des représentants dans cette région, car les systèmes de bon nombre de ces pays qui étaient très perfectionnés dans bien des cas se détériorent rapidement.

Les systèmes de soins de santé et de services humains, surtout dans bon nombre des anciennes républiques soviétiques qui constituent le Commonwealth des États indépendants, étaient très perfectionnés, mais depuis que les gouvernements en cause se concentrent sur l'économie de marché et les réformes politiques, les services médicaux et autres n'ont plus la priorité et se détériorent rapidement. C'est pourquoi nous avons décidé d'intervenir dans ces pays.

Quelle était exactement votre deuxième question, qui m'a paru également excellente?

M. Assadourian: La question de savoir si les États-Unis versent leur juste part.

Mme Bellamy: Oh, c'est exact. Je regrette. C'est pourquoi je l'ai oubliée.

M. Assadourian: Comment pouviez-vous oublier cette question?

Des voix: Oh, Oh!

Mme Bellamy: En fait, le fait que les États-Unis n'aient pas versé leur quote-part à l'ONU n'a pas eu d'incidence négative sur l'UNICEF, comme je l'ai déjà dit, car les contributions incomplètes - et les États-Unis ne sont pas les seuls, mais ils sont les principaux coupables - se répercutent davantage sur le financement des organismes spécialisés des Nations Unies que sur celui de l'UNICEF.

Les États-Unis versent en fait une contribution à l'UNICEF. Ce pays est celui dont la contribution gouvernementale à l'UNICEF est la plus importante depuis quelques années. Pour ce qui est de la contribution du secteur privé - et j'entends par là les cartes et les dons de particuliers - c'est l'Allemagne qui vient en tête, mais la plus forte contribution à être versée par un gouvernement à l'UNICEF est celle des États-Unis. L'ensemble des pays scandinaves viennent au deuxième rang, mais la plus forte contribution à être faite par un seul gouvernement est celle des États-Unis.

Jusqu'ici, depuis quelques années, l'UNICEF a réussi à maintenir son budget. Il n'y a pas eu de croissance, mais il n'y a pas eu de réduction non plus, contrairement à d'autres organismes. Je dois dire que chaque année, c'est un nouveau défi pour nous car nous devons affronter le Congrès américain et le gouvernement des États-Unis. Jusqu'ici nous avons réussi à conserver la part de notre budget qui nous vient du gouvernement américain, et j'espère que les choses resteront ainsi. Nous faisons tout notre possible.

Pour répondre à votre question, donc, cela ne nous a pas fait de tort.

Quant à la question concernant le secrétaire général, nous préférons ne pas nous en mêler du tout; toutefois, quelle que soit la suite des événements, j'espère que les choses vont changer car cela crée manifestement des incertitudes à l'ONU, et à une époque où l'organisation a déjà assez de problèmes, toute cette incertitude ne fait qu'aggraver les choses. J'espère donc que la situation va débloquer, peu importe comment.

Le président suppléant (M. Flis): Vous aviez une troisième question?

M. Assadourian: Oui, au sujet des mines terrestres.

Comme vous le savez, les mines terrestres blessent surtout les femmes et les enfants, et surtout les enfants car elles ressemblent à des jouets. C'est ce que nous avons appris la semaine dernière lors de notre réunion. Appliquez-vous des programmes visant à supprimer les mines terrestres, ou comptez-vous sur les autres gouvernements pour agir dans ce domaine?

.0945

Mon autre question découle de la conversation que j'ai eue l'an dernier avec Stephen Lewis. Ce dernier a été envoyé par l'ONU - par l'UNICEF, sauf erreur - dans des zones de guerre comme la Bosnie, l'Afghanistan ou d'autres pays, pour rédiger un rapport sur les répercussions de la guerre sur les enfants. Pourrions-nous obtenir ce rapport, s'il est disponible?

Mme Bellamy: Oui - bien qu'il ne s'agisse pas du rapport de Stephen Lewis. J'y reviendrai dans un instant.

Tout d'abord, nous sommes très actifs relativement au problème des mines terrestres. Nous ne sommes pas les seuls. Comme vous venez de le signaler, nous voulons jouer un rôle parce que les mines anti-personnel blessent les gens ou font des victimes sans distinction, contrairement aux guerres. Si on considère ce qui se passait au début du siècle, la majorité des gens qui étaient tués ou blessés en période de guerre étaient des soldats - ce n'est pas pour autant plus acceptable. Il en était simplement ainsi. Aujourd'hui, alors que nous approchons de la fin du siècle, plus de 90 p. 100 des personnes blessées ou tuées en temps de guerre sont des civils, et surtout des femmes et des enfants car ils deviennent les cibles.

Les mines terrestres contribuent énormément à cette situation. D'après les estimations, il y a plus de 110 millions de mines terrestres posées dans 64 pays du monde. Le coût de fabrication d'une mine anti-personnel est inférieur à 10 $ américains, d'après les estimations, et pourtant il en coûte entre 300 $ et 1 000 $ environ pour désamorcer une seule mine.

Les pays les plus touchés par les mines anti-personnel sont l'Afghanistan, l'Angola, l'ex-Yougoslavie, la Bosnie, le Cambodge et le Mozambique. Depuis 25 ans, la majorité de ces mines proviennent des principaux pays fabricants d'armes. Permettez-moi également de vous rappeler que l'ex-Yougoslavie est l'un des principaux pays actuellement truffés de mines terrestres. Avant le déclenchement de cette guerre, c'était l'un des principaux fabricants de mines terrestres.

L'UNICEF offre trois programmes différents pour lutter contre le problème des mines anti-personnel. Tout d'abord, nous offrons des programmes d'éducation à ce sujet, surtout destinés aux enfants, car les mines sont posées dans des endroits très différents. On peut expliquer aux adultes où ils peuvent marcher sans risque, mais c'est plus difficile pour les enfants. Ils vont à l'école et traversent des champs. Ils empruntent de nouveaux chemins. Ils sont donc les plus vulnérables.

Comme vous l'avez signalé, certaines de ces mines ressemblent à des jouets. Elles sont fabriquées expressément dans ce but pour qu'on les ramasse. Nous offrons donc un programme d'éducation.

Nous participons également à un programme de promotion mondial, dans le domaine humanitaire, aux côtés de nombreux autres organismes. Nous demandons instamment l'interdiction totale de la production, l'emmagasinage et la fabrication de mines anti-personnel. Nous félicitons le Canada de la position qu'il a adoptée et de la conférence tenue récemment à ce sujet à Ottawa, sauf erreur. Stephen y a assisté. Ce fut un événement très important.

Dans deux ou trois pays précis, nous nous occupons aussi, quoique de façon plus limitée, à la réadaptation des jeunes victimes, pour la pose de prothèses et autres activités semblables.

Notre rôle ne se limite pas à cela. Au Salvador, par exemple, nous avons mis en oeuvre un excellent programme de sensibilisation aux mines anti-personnel. Nous avons adopté un programme anti-guerre.

L'an dernier, dans notre rapport intitulé La situation des enfants dans le monde, nous avons décidé de nous concentrer sur un seul sujet: les enfants et la guerre. Nous voulions que les gens comprennent que de plus en plus d'enfants sont victimes de la guerre à notre époque. Nous avons décidé d'établir un programme en 10 points. Nous ne prétendions pas que cela mettrait fin à toutes les guerres, mais l'un des principaux éléments de ce programme était l'interdiction visant les mines anti-personnel.

Le rapport dont vous parlez, toutefois, est une sorte de rapport parallèle, si l'on peut dire. Je ne devrais pas dire cela, car il s'agit en fait d'un rapport officiel des Nations Unies, qui est sans doute encore plus important. Le rapport auquel Stephen Lewis a participé, en tant que responsable de l'UNICEF et parce que ces questions lui tiennent à coeur, est celui qui a été publié dernièrement par les Nations Unies. Ce rapport a été préparé sous les auspices d'un groupe d'experts présidé par Graça Machel, femme de l'ex-président du Mozambique. Ce rapport renferme un grand nombre de renseignements, et surtout des données statistiques, dans la mesure du possible - à l'échelle mondiale - sur la question des enfants et de la guerre. Là encore, la question des mines est évoquée dans ce rapport.

Nous allons donc poursuivre nos efforts, à l'échelle mondiale, pour faire interdire l'utilisation des mines, et sensibiliser la population dans les pays... par exemple nous avons publié une bande dessinée en Bosnie, de concert avec DC Comics. Cette bande dessinée, publiée en plusieurs langues, présente Superman pour expliquer aux enfants le danger que présentent les mines anti-personnel. Nous participons également, je le répète, à certains programmes de réadaptation.

M. Assadourian: Pourrions-nous obtenir un exemplaire du rapport?

Mme Bellamy: Je n'en ai pas sous la main, mais nous pourrons vous en faire parvenir un exemplaire.

M. Assadourian: Je vous en saurais gré. Je vous remercie.

.0950

Le président suppléant (M. Flis): Beryl Gaffney.

Mme Gaffney (Nepean): Merci beaucoup. Nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à notre invitation de comparaître devant le comité.

J'étais à New York il y a quelques semaines et j'ai rendu visite à Steven Lewis. J'ai été ravie d'apprendre les activités que mène l'UNICEF et d'entendre parler de l'excellente collaboration qui existe entre votre organisme et l'ACDI, qui alloue des fonds à l'UNICEF.

Cela dit, vous savez que nous avons un sous-comité sur le travail des enfants auquel je siège. Vous avez parlé de l'exploitation des enfants et je suppose que le travail des enfants est directement en rapport avec cette question. J'ai une question très directe à vous poser.

Nous avons entendu des témoins représentant les enfants; nous avons entendu des témoins représentant des organismes ainsi que d'autres qui représentent l'industrie et qui prennent diverses mesures pour supprimer le travail des enfants dans leurs secteurs d'activité. Un bon exemple est évidemment la fabrication de tapis. UNICEF Canada se trouve apparemment mêlé à un débat quant au bien-fondé de la campagne Rugmark. Quelle est la position générale adoptée par l'UNICEF quant au recours au système d'étiquetage des produits d'exportation en vue de lutter contre le travail des enfants, et à la campagne Rugmark en particulier? Quelle est la différence et quel est le problème?

Mme Bellamy: Je ne pense pas qu'il ait de problème, mais je vais répondre à votre question. Permettez-moi de répondre à ce que vous avez dit au début et je parlerai ensuite de Rugmark.

À notre avis, toute la question du travail des enfants est intimement liée à celle de l'exploitation, et je n'essaie pas de catégoriser. Soit dit en passant, cette question mérite d'être définie. Il ne s'agit pas de toutes les formes de travail effectué par les enfants. Il s'agit du travail qui constitue une exploitation, qui est dangereux, tant sur le plan physique que psychologique. Il y a des gens qui nous disent: Je distribuais les journaux quand j'étais enfant; êtes-vous en train de me dire que c'est interdit? Non, bien sûr que non, mais nous parlons de certaines activités bien particulières.

En calculant à vue de nez, si l'on se fonde sur les estimations les plus récentes provenant d'un rapport de l'OIT, avec laquelle nous travaillons en collaboration étroite, 250 millions d'enfants dans le monde sont exploités pour le travail. Cela ne concerne pas seulement les pays en développement, même si les chiffres pour l'Asie et l'Afrique sont exorbitants. C'est un problème qui ne se prête à aucune solution catégorique, qu'il s'agisse de Rugmark ou de... Nous appliquons un programme au Bangladesh avec les fabricants de vêtements. Il n'existe pas de solution simple.

L'enseignement au niveau primaire, un bon enseignement obligatoire est l'un des éléments essentiels, et nous l'appuyons sans réserve. Il faut toutefois comprendre qu'il existe certaines répercussions d'ordre financier pour les familles. Il faut s'engager à respecter des codes d'éthique, à respecter le droit des enfants à ne pas être exploités, à publier plus d'informations et recueillir plus de données sur le travail des enfants. C'est une question très complexe.

Pour répondre à votre question précise au sujet de Rugmark, les responsables de l'UNICEF ne pensent pas que ce soit une panacée au problème du travail des enfants, mais ce n'est pas non plus négatif. Nous considérons qu'il s'agit là d'un projet, qui touche en l'occurrence l'Inde, entrepris de concert avec les fabricants de tapis, mais ce n'est qu'un aspect de la question. Il s'agit d'une activité qui contribuera à réduire l'exploitation des enfants au travail; en conséquence, c'est une activité parmi d'autres que nous appuyons.

Mme Gaffney: Un rapport doit-il être publié à ce sujet?

Mme Bellamy: Je ne sais pas s'il y aura un rapport. Sauf erreur, il y a eu certaines observations au sujet de l'ampleur de la campagne Rugmark, et sans doute à juste titre. La majorité des enfants exploités au travail ne participent même pas au marché du travail officiel. La majorité d'entre eux travaillent dans des secteurs secondaires - domaine agricole ou travaux domestiques.

Quant à savoir si la campagne de Rugmark est bonne ou mauvaise, si l'UNICEF fournit une aide à cette entreprise, c'est parce que nous croyons qu'elle contribue à réduire le travail des enfants.

Mme Gaffney: Il n'y a donc selon vous aucune divergence d'opinion?

.0955

Mme Bellamy: Oh, les opinions varient énormément, si vous voulez savoir ce que je pense vraiment.

Le président suppléant (M. Flis): Beryl, n'oubliez pas l'heure. Je vais permettre à Michel Dupuy de poser également une question.

M. Dupuy: (Laval-Ouest): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous dire que j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos observations très enrichissantes. Pour que vous en sachiez un peu plus à mon sujet, je suis un ancien ambassadeur auprès des Nations Unies et un ami personnel proche de Jim Grant. J'ai également été président de l'ACDI. Vous pouvez donc être certaine que j'appuie sans réserve l'UNICEF.

Mme Bellamy: Je vois. Oh, mais vous connaissez toutes les réponses.

Une voix: Cela fait peur.

M. Dupuy: Je voudrais tout d'abord revenir à ce que nous disait Beryl Gaffney. J'étais à Delhi il y a quelques jours et je me suis intéressé entre autres choses au travail des enfants et à l'attitude générale du gouvernement indien à l'égard des enfants. J'ai pu voir l'excellent travail que l'UNICEF fait sur le terrain. Il y a même des projets auxquels nous participons.

Que pensez-vous de la politique du gouvernement de l'Inde? À votre avis, celui-ci s'oriente-t-il dans la bonne direction, accorde-t-il à vos initiatives le soutien nécessaire ou en revanche, soutenez-vous ces initiatives? Que pensez-vous de la situation vue sous l'angle politique?

Mme Bellamy: C'est une excellente question. Le programme que nous appliquons en Inde est en fait celui qui a la plus grande portée. Lorsque je dis ce genre de choses, j'évite toujours de laisser entendre que c'est donc notre programme le plus important et qu'un programme de moindre envergure revêt donc moins d'importance. Il faut considérer que les programmes même les plus restreints de l'UNICEF sont tout aussi importants que les autres et nous essayons d'en garantir l'excellence au même titre que nos programmes de grande envergure. L'UNICEF ne sera de toute façon jamais un organisme qui dépense des cents et des mille et il ne faudrait pas évaluer une activité uniquement en fonction de son envergure.

Pour ce qui est des ressources financières en tant que telles, notre activité en Inde - comme on pouvait s'y attendre compte tenu de la population de ce pays - est la plus importante. De façon générale, nous sommes satisfaits de nos projets en Inde et de l'engagement du gouvernement. Je ne voudrais pas avoir l'impression d'hésiter sur ce sujet, mais je veux dire qu'il est toujours possible de fixer la barre un peu plus haut.

Notre conseil d'administration vient à peine d'adopter un programme provisoire - je regrette, c'est du jargon qui nous est propre, il s'agit en fait d'un programme à court terme - en vue d'apporter certains changements à nos activités, mais non pas parce qu'elles laissaient à désirer; en fait, il faut modifier nos objectifs à mesure que la situation s'améliore. En un mot, si l'UNICEF mène encore aujourd'hui dans un pays les mêmes activités qu'il y a dix ans, c'est qu'elle n'a pas su aider ce pays à mettre en place ses propres mesures. Cet aspect de nos activités me tient très à coeur. Je ne pense pas que nous devrions intervenir jusqu'à la fin des temps; nous devons aider les gens à s'aider eux-mêmes.

Nos activités en Inde ont donc évolué de diverses façons. Nous continuons à jouer un rôle très actif pour certains soins de santé primaires. J'ai parlé plus tôt de la journée nationale d'immunisation, à laquelle ont participé près de 60 ou 70 ou même 80 millions d'enfants. Je ne cherche pas à vous impressionner en citant ces chiffres, mais ce fut une activité très importante. L'UNICEF n'était pas le seul organisme à s'en occuper car c'est désormais le gouvernement de l'Inde qui applique ce programme. L'UNICEF lui vient en aide, ainsi que d'autres partenaires. Toutefois, à ce stade, il n'est plus nécessaire que ce soit l'UNICEF qui mène ce genre d'activités, bien au contraire.

Notre mandat a beaucoup évolué. Nous oeuvrons aujourd'hui, par exemple, dans certains domaines particuliers. Nous avons désigné les groupes féminins au niveau communautaire comme étant - je veux dire, pas toujours des groupes, mais des femmes - un élément essentiel de la poursuite et de la réalisation des objectifs en matière de développement, et c'est pourquoi elles sont au centre de nos activités.

Nous nous sommes également concentrés sur les écoles. Cette question est étroitement liée au problème du travail des enfants et - comment les appelle-t-on? Les écoles conviviales, agréables? Non. Comment les appelle-t-on? J'ai oublié l'expression.

Une voix: Les écoles joyeuses.

Mme Bellamy: Ah oui, les écoles joyeuses. Il s'agit d'un projet appelé les écoles joyeuses, qui vise à améliorer l'environnement... Il ne s'agit pas uniquement de la beauté de l'école. L'objectif ne se limite pas à envoyer les enfants à l'école mais à s'assurer qu'ils y restent.

Nous estimons entretenir de bonnes relations de travail avec le gouvernement indien. Nous pouvons compter sur son engagement. Bien entendu, nous pourrions faire plus et lui aussi. Nous devrions toujours chercher des façons d'améliorer les choses.

Le gouvernement de l'Inde prend également très au sérieux son rôle de membre du conseil d'administration. Il envoie des représentants aux réunions du conseil, ce que ne font pas tous les gouvernements participants à l'heure actuelle. Le Canada le fait également, ce qui est très important car cela rassemble des personnes qui s'y connaissent en matière de développement. Soit dit en toute déférence pour les missions qui se rendent à New York, il arrive que les personnes qui participent aux réunions soient charmantes mais totalement incultes en matière de développement.

.1000

Je dirais que dans l'ensemble nous sommes assez satisfaits. Là encore, en tant que directrice générale, je ne dois jamais être totalement satisfaite par nos activités, car il faut toujours se demander: pouvons-nous faire un peu mieux? Pouvons-nous être un peu plus efficaces? Est-il possible d'atteindre des résultats encore plus concrets? Je ne suis jamais prête à donner la note maximale, un A à quoi que ce soit. Je suis bien prête à nous accorder un B et à l'occasion un B+. Toutefois, je pense qu'il faut toujours se dire qu'il est possible de faire un peu plus, un peu mieux, encore un peu mieux. Il s'agit toutefois d'un programme qui est à mon avis excellent.

M. Dupuy: Ai-je le temps de poser une question difficile?

Le président suppléant (M. Flis): Malheureusement non, car j'ai remarqué que notre témoin suivant attend.

En vous accueillant, le ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, et bien entendu le ministre responsable de l'ACDI, a déclaré ce qui suit:

Vous avez pu juger par la qualité des questions qui vous ont été posées et l'intérêt manifesté... La plupart des membres du comité souhaitaient participer à un deuxième tour de questions, mais, malheureusement, nous n'en avons pas le temps. En tant qu'ancien enseignant, je vous donne un A+.

Mme Bellamy: Merci beaucoup à vous tous.

Le président suppléant (M. Flis): Avant que vous ne partiez, un petit souvenir, pour vous inciter à revenir au Canada: notre célèbre feuille d'érable.

Mme Bellamy: Merci beaucoup. Je suis très touchée.

Le président suppléant (M. Flis): Nous allons faire une toute petite pause en attendant que le témoin suivant s'installe.

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.1008

Le président suppléant (M. Flis): Mesdames et messieurs, nous passons maintenant à la deuxième partie de notre réunion.

Comme vous le savez tous, dans le cadre de son mandat, notre comité peut inviter à comparaître des personnes qui ont été nommées à divers postes dans le monde entier. Il ne s'agit pas de remettre en cause la qualité ou le calibre des personnes nommées; c'est un processus toujours très instructif. Cela facilite nos relations bilatérales ainsi que nos relations multilatérales.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui l'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Canada auprès de la République française, M. Jacques Roy. L'ambassadeur est accompagné par certains représentants du ministère: Robert Richard, directeur adjoint de la division des relations de l'Europe de l'Ouest et Albert-Jan Galpin, de la Division de l'Union européenne.

Vous êtes ici depuis suffisamment longtemps pour être habitués à ces interruptions inattendues. On nous dit que le timbre pourrait commencer à retentir pour annoncer un vote. Si c'est le cas, il s'agira d'un vote d'une demi-heure, et même si les lumières clignotent, nous essaierons de continuer le plus longtemps possible. Ensuite, nous verrons si nous avons le temps de revenir pour terminer. Sinon, il nous reste encore un sujet ce matin, le bois d'oeuvre. Je compte sur l'indulgence des membres du comité. Lorsque le timbre aura cessé de retentir, ou encore après le vote, nous verrons si nous avons le temps de continuer.

Monsieur l'ambassadeur, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.

M. Jacques Roy (ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Canada auprès de la République française): Merci, monsieur le président.

.1010

[Français]

C'est un grand honneur pour moi d'être ici avec vous ce matin pour vous parler des relations entre la France et le Canada.

Comme vous le savez, je suis arrivé en France il n'y a que quelques mois. Auparavant, j'étais ambassadeur auprès de l'Union européenne. En ma qualité d'ambassadeur auprès de l'Union européenne, j'ai participé à la réunion au sommet qui a eu lieu entre le Canada et l'Union européenne à la fin du mois de juin à Rome, ce qui m'a permis d'accompagner le premier ministre et le ministre Axworthy lorsqu'ils sont arrivés à Lyon, le 27 juin, à la réunion au sommet du G-7. Je suis donc arrivé officiellement en France en compagnie du premier ministre et du ministre Axworthy et cela m'a permis de participer à la réunion qui a eu lieu entre le premier ministre Chrétien et le président Chirac le 27 juin.

J'ai présenté mes lettres de créance au président Chirac le 10 juillet. Comme vous le savez, je suis né à Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie. Sainte-Anne-des-Monts est un village qui comptait 2 400 habitants lorsque je suis né et qui en compte actuellement à peu près 5 000. Donc, vous comprendrez que lorsque je suis passé devant la Garde républicaine, à l'Élysée, et que j'ai monté les marches pour entrer dans le palais, je pensais à mes origines à Sainte-Anne-des-Monts et je me disais que le ministère des Affaires extérieures du gouvernement canadien a une représentation très diverse dans ses diplomates. Les diplomates canadiens viennent non seulement des grandes villes du Canada, mais également de petits villages éloignés comme celui de Sainte-Anne-des-Monts.

[Traduction]

Lors de mes entretiens avec le président Chirac, je lui ai dit que mes trois principaux objectifs en France seraient d'intensifier les relations commerciales et économiques entre la France et le Canada, d'accorder une attention particulière au développement de nos relations culturelles et, enfin, de travailler avec les autorités françaises pour défendre la cause de la Francophonie dans les pays de la Francophonie, mais plus particulièrement en étroite coopération avec la France.

À l'époque, je ne m'étais pas encore rendu compte de l'intensité et de la diversité des relations qui existent entre la France et le Canada, du grand nombre de manifestations culturelles qui ont lieu sans arrêt. J'étais là-bas depuis tout juste une semaine lorsque j'ai été invité à Saint-Malo pour l'arrivée des grands voiliers en provenance de Québec. C'est une cérémonie importante qui a lieu régulièrement à Saint-Malo à quelques années d'intervalle. Cela m'a donné l'occasion de visiter la maison de Jacques Cartier à Saint-Malo, une maison qui a été restaurée par une anglophone du Québec, Mme Lilian Macdonald-Stewart. Il y a tout juste une semaine, elle a été décorée de la Légion d'honneur par le président du Sénat.

Tout cela a une signification particulière pour moi car je suis né en 1934, c'est-à-dire 400 ans après l'arrivée de Jacques Cartier à Gaspé.

[Français]

Durant l'été 1934, mes parents, c'est-à-dire mon père et ma mère enceinte de moi, sont allés à Gaspé pour participer au 400e anniversaire de la venue de Jacques Cartier. Il y avait des représentants de la France, de l'Angleterre, des États-Unis et du Canada. Vous comprendrez qu'en 1934, il n'était pas très facile de se rendre à Gaspé. De toute façon, plusieurs s'y sont rendus et mon père avait été très impressionné par ces célébrations.

Lorsqu'il est retourné à Sainte-Anne-des-Monts, il a eu de très longues discussions avec ma mère concernant le nom qu'il donnerait à l'enfant si c'était un garçon. Comme le représentant français s'appelait Flandin, mon père avait décidé que son fils s'appellerait Flandin. Ma mère s'y est opposée avec véhémence et elle a réussi à convaincre mon père que je devais m'appeler Jacques du nom de Jacques Cartier. Selon moi, c'est la plus grande victoire qu'a obtenue ma mère.

[Traduction]

Depuis mon arrivée à Paris, j'ai reçu un grand nombre de visiteurs. Cela montre à quel point le gouvernement fédéral d'une part, mais également les provinces et les chefs d'entreprise canadiens, d'autre part, attachent de l'importance à ce pays.

.1015

Neuf ministres fédéraux sont venus à Paris. Huit ministres provinciaux sont venus également, de même qu'un premier ministre, celui de l'Ontario. Le vice-premier ministre du Québec est en visite là-bas aujourd'hui. Nous avons reçu aussi le vice-premier ministre de la Saskatchewan, et nous attendons le premier ministre de l'Alberta la semaine prochaine. Nous avons reçu également un grand nombre de chefs d'entreprise. Comme vous le savez, beaucoup d'entreprises canadiennes ont remporté un très grand succès en France.

McCain contrôle 30 p. 100 du secteur des frites congelées. On va voir en France ce qu'on a déjà vu en Belgique où cette compagnie occupe 90 p. 100 du marché des frites congelées. Comme vous le voyez, certaines compagnies canadiennes se sont acquis d'excellents marchés en Europe.

Bombardier est très présent en France, de même que Nortel, Québécor, Cascades, et beaucoup d'autres compagnies. Dans mes efforts pour intensifier les relations économiques entre la France et le Canada, j'ai pris des contacts systématiques avec les industriels français et des gens qui pourraient être intéressés à investir au Canada. C'est un exercice qui me donne beaucoup de satisfaction. D'après ce que j'ai appris lors de ces rencontres, en règle générale, les investisseurs français ont confiance en l'avenir du Canada et les possibilités d'investissement dans notre pays les intéressent beaucoup.

Du côté culturel, il y a pratiquement chaque jour une manifestation ou un événement culturel canadien à Paris ou ailleurs en France. Nous avons dépensé beaucoup d'argent pour rénover le centre culturel canadien. Une salle de ce centre sera consacrée au multimédia. Nous sommes en contact avec plusieurs compagnies canadiennes car nous voulons nous assurer que cette pièce sera conçue d'une façon qui leur sera utile, et nous espérons aussi qu'elles fourniront une bonne partie du financement nécessaire au fonctionnement de cette pièce.

Comme vous le savez, nous allons recevoir d'ici peu la visite du premier ministre et nous sommes en train d'arrêter le programme de cette visite.

En juin dernier, le premier ministre Juppé de France est venu au Canada et a déclaré que la France avait l'intention de doubler son commerce avec le Canada d'ici l'an 2000. Il est allé plus loin, disant que la France avait l'intention de devenir le premier partenaire européen du Canada.

J'ai mentionné aux autorités françaises que le Canada était tout à fait prêt à relever ce défi. C'est un défi considérable, mais je suis heureux de pouvoir vous dire que cette année, nos exportations à destination de la France devraient augmenter d'environ 35 p. 100. Elles ont augmenté l'année dernière dans cette même proportion.

Nous avons eu beaucoup de succès lorsque nous avons cherché à encourager les citoyens français à venir au Canada. Cette année, nous devrions recevoir environ 475 000 Français.

À l'ambassade, nous répondons aux questions des citoyens français qui souhaitent venir au Canada; 80 p. 100 d'entre eux veulent aller au Québec. Nous sommes heureux de remplir cette fonction pour le compte de la province de Québec.

Depuis mon arrivée à Paris, j'ai essayé de coopérer dans toute la mesure du possible avec

[Français]

délégation générale. Nous avons travaillé de façon très étroite dans le dossier de l'amiante.

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Nous avons eu plusieurs réunions. Nous avons eu, entre autres, une conférence de presse conjointe. Nous n'avons pas eu gain de cause concernant les dérogations possibles à la loi française qui doit entrer en vigueur le 1erxx janvier 1997. Nous avons toutefois obtenu gain de cause sur certains points. Ainsi, les autorités françaises nous ont dit qu'elles n'avaient pas l'intention de faire pression auprès de l'Union européenne pour qu'une réglementation paneuropéenne bannisse l'amiante et qu'il serait peut-être possible plus tard, lorsque l'opinion publique serait moins en réaction contre l'emploi de l'amiante, de permettre des dérogations. Nous comptons poursuivre notre travail dans ce sens.

J'aimerais simplement conclure cette présentation liminaire en disant que les relations entre le Canada et la France sont excellentes. Nous avons pu le démontrer lors des efforts qui ont été faits pour trouver une solution au problème des réfugiés au Rwanda, au Burundi et au Zaïre. C'est grâce à la coopération très étroite qui a régné entre la France et le Canada que quelque chose a pu être fait.

Il y a environ deux mois, j'ai eu l'honneur de remettre une décoration au général de La Presle, qui a commandé les Forces canadiennes en Bosnie. C'était très touchant de l'écouter nous dire que lui-même avait un grand respect pour les officiers canadiens et pour les Forces canadiennes qui sont présents et présentes depuis déjà un certain temps en Bosnie. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur l'ambassadeur, notre premier intervenant est M. Bergeron, vice-président de notre comité.

[Français]

M. Bergeron (Verchères): Bonjour, Excellence. C'est un plaisir que de vous retrouver après quelques mois de séparation. Nous nous étions vus à Bruxelles, alors que vous étiez ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne. Ce comité était alors un comité mixte et un de nos anciens greffiers, qui est parmi nous aujourd'hui, était à Bruxelles dans le cadre de la révision de la politique étrangère du Canada.

Je lis sur votre curriculum vitae que vous succédez à l'honorable Benoît Bouchard. Je ne m'attends certainement pas à ce que vous nous fournissiez un complément plus personnel de votre curriculum vitae. Cependant, vous n'êtes sans doute pas sans savoir que par les temps qui courent, il est beaucoup question ici de succession, notamment à la chefferie du Bloc québécois qui, comme vous le savez, a été fondé par Lucien Bouchard. Lorsqu'il est question de remplacer Lucien Bouchard, cela signifie chausser de grands souliers. Vous devez savoir de quoi je parle puisque vous avez eu à chausser ceux qu'il portait comme ambassadeur du Canada à Paris.

Je constate que vous avez également chaussé les souliers qu'avait lui-même portés notre collègue de Laval-Ouest, l'honorable Michel Dupuy, et...

M. Dupuy: C'est Lucien Bouchard qui a chaussé mes souliers.

M. Bergeron: Nous sommes bien conscients de l'importance et du prestige du poste d'ambassadeur du Canada en France. Nous nous réjouissons de l'importance et de la qualité des relations qui existent entre le Canada et la France. Je pense qu'elles sont en tous points positives.

Comme le président vous l'a indiqué, d'après le Règlement, nous convoquons occasionnellement, après nomination par décret, un certain nombre d'ambassadeurs, théoriquement pour évaluer leurs compétences et qualifications. Mais nous avons pris l'habitude d'en faire davantage une rencontre au cours de laquelle nous discutons des relations bilatérales entre les pays concernés.

Dans votre cas, je pense qu'il n'est pas question de faire une analyse un tant soit peu sérieuse de vos qualifications puisqu'elles sont tout à fait éloquentes. Votre feuille de route est impressionnante. Là n'est donc pas le propos de cette rencontre.

Je doit cependant vous dire, Excellence, que l'année dernière, nous avons été quelque peu ébranlés, non pas par rapport à votre compétence, mais par rapport au jugement que vous avez porté dans l'affaire Berthu. Votre réaction un peu excessive et un peu intempestive, à cette occasion, aurait pu avoir des conséquences néfastes sur les relations entre le Canada et le Parlement européen.

.1025

En effet, nous avions et nous aurons toujours, tant que la délégation pour les relations avec le Canada ne sera pas remplacée, des gens qui ont toujours été très sympathiques à la cause du Canada dans des dossiers très importants comme, par exemple, celui de la fourrure.

Cela dit, j'aimerais aborder des questions qui concernent plus particulièrement les relations entre le Canada et la France. Nous sommes bien conscients du travail très positif qu'a fait et que fait encore l'ambassade du Canada dans le dossier de l'amiante en collaboration avec le gouvernement du Québec.

Mais vous n'êtes pas sans savoir non plus que nous avons quelquefois l'impression que l'ambassade du Canada, dans les dossiers qu'elle traite et qui concernent particulièrement le Québec, a tendance à être un peu envahissante. Par exemple, nous avons ouï dire que l'ambassade du Canada, l'ambassadeur lui-même, aurait établi des contacts directs avec les élus municipaux de la région de l'amiante au Québec et nous voyons peut-être là une transgression des compétences du Québec en matière municipale. J'aimerais, en premier lieu, avoir vos commentaires sur cette question, Excellence.

M. Roy: Merci bien. Je dois dire que lorsque vous avez parlé de mes prédécesseurs, je me demandais si en parlant de Benoît Bouchard et des problèmes que vous aviez au sein du Bloc québécois, vous suggériez que je pose déclare ma candidature comme chef du Bloc québécois.

Des voix: Ah, ah!

M. Roy: Cela ne m'était pas venu à l'esprit, je dois avouer.

M. Bergeron: Je m'en garde bien, Excellence.

M. Roy: Vous avez également parlé d'une question de jugement à Bruxelles concernant la présidence de la délégation canadienne au Parlement européen. À mon avis, la seule personne qui ait fait preuve d'un manque de jugement à propos du problème que vous avez soulevé, c'est le président de la délégation canadienne du Parlement européen, M. Berthu. Je crois que du côté canadien, nous avons fait preuve d'un jugement exemplaire.

Quant au dernier sujet que vous avez soulevé, je dois dire que je comprends mal l'objet de la question. J'ai effectivement communiqué avec des maires du Québec qui m'ont appelé à Paris pour avoir mon interprétation de ce qui se passait dans le dossier de l'amiante. C'est avec plaisir que j'ai répondu, avec autant de candeur que possible, aux questions que ces maires m'ont posées. Si vous voulez suggérer que les maires du Québec n'ont pas le droit d'appeler l'ambassadeur du Canada à Paris, eh bien, c'est une nouvelle pour moi. Ce sont eux qui ont décidé de m'appeler. Je dois dire que j'ai pris leur appel avec plaisir et que je leur ai donné tous les renseignements que je pouvais leur donner. Merci.

M. Bergeron: Loin de moi, Excellence, l'idée de suggérer que les Québécois et les Québécoises, quels qu'ils soient et quel que soit le poste qu'ils occupent, ne puissent bénéficier des services qui leur sont offerts par le réseau des ambassades canadiennes à l'étranger. Tant et aussi longtemps que les Québécoises et les Québécois paieront des taxes et des impôts à ce gouvernement, il est normal qu'ils soient bien servis par ce gouvernement. Dans ce sens, je suis tout à fait d'accord sur le fait que des élus municipaux puissent communiquer avec les ambassadeurs de telle sorte qu'ils puissent recevoir les services auxquels ils sont en droit de s'attendre.

Cependant, les informations que j'ai obtenues étaient qu'à quelques moments, vous aviez communiqué directement avec les élus municipaux. Peut-être étaient-ce des retours d'appels. Si c'est le cas, veuillez considérer cette question comme étant non pertinente.

Cela dit, Excellence, j'aimerais, puisque vous avez jugé à propos de revenir sur l'affaire Berthu, vous dire que je diffère passablement d'opinion avec vous.

Quoique je ne veuille porter aucun jugement sur la déclaration de M. Berthu, je pense qu'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs - et j'en ai fait part à l'ambassadeur du Canada auprès de l'Union européenne - , il est un peu inacceptable qu'un exécutif cherche à intervenir dans les affaires internes d'un Parlement, à plus forte raison que le gouvernement d'un État étranger cherche à intervenir dans les affaires internes d'un Parlement. C'est ce que vous avez tenté de faire l'année dernière, ce qui a provoqué un certain nombre de problèmes qui, comme je le soulignais, auraient pu avoir des conséquences néfastes.

.1030

Indépendamment de la déclaration de M. Berthu, je m'inquiète surtout de l'impact qu'aurait pu provoquer votre attitude intempestive, comme je l'ai qualifiée tout à l'heure, sur les relations entre le Canada et le Parlement européen.

Cela dit, Excellence, vous me permettrez de revenir encore une fois sur les relations entre le Canada et la France.

Vous avez accordé beaucoup d'importance dans votre présentation, et à juste titre, aux manifestations culturelles, à la culture. On aurait pu évidemment parler également d'éducation et d'un certain nombre de sujets qui relèvent de la compétence exclusive des provinces.

La question que je voudrais vous poser, Excellence, dans un premier temps, est la suivante: est-il possible d'obtenir de votre part l'assurance formelle que vous ne tenterez en aucune façon d'entraver des relations directes et privilégiées du Québec avec des intervenants français, en tentant par exemple de vous opposer à des conclusions d'ententes de coopération bilatérale franco-québécoise, dans des champs de compétence qui relèvent exclusivement des provinces, particulièrement concernant le Québec, en matière de culture et d'éducation?

M. Roy: Comme vous le savez, il est acquis depuis déjà plusieurs années que le Québec peut avoir des relations directes avec les autorités françaises. Il n'est pas question pour moi ni pour personne d'autre de remettre les acquis du passé en question. Lorsque le Québec veut avoir des rencontres, des négociations avec les autorités françaises, du moment que ces rencontres ou ces négociations éventuelles se tiennent dans le cadre des arrangements pris par le passé, il n'est pas question pour moi d'intervenir.

Tout ce qui se fait selon les règles doit pouvoir se faire à l'avenir selon les règles déjà établies. Il n'est pas question d'apporter de changements aux règles déjà acquises.

M. Bergeron: Une autre question, Excellence. Il semblerait - s'il s'agit d'une rumeur, veuillez me le confirmer et j'en serai rassuré - que l'ambassade du Canada ait été informée il y a au moins six mois du projet qu'entretiennent certains pays européens, dont la France, d'interdire l'utilisation de bardeaux bituminés, lesquels sont fabriqués notamment au Québec.

Si c'est le cas, je me surprends et m'inquiète, Excellence, que l'ambassade du Canada n'ait pas informé les autorités québécoises, en particulier par l'intermédiaire de la délégation générale du Québec à Paris, de ce projet qui était en voie de réalisation.

M. Roy: Je ne sais pas si nous avons été informés six mois à l'avance, mais je sais que nous sommes intervenus sur le sujet. Nous semblons pouvoir obtenir gain de cause. Sur tous ces sujets, il y a des rencontres fréquentes et régulières entre nos agents commerciaux de l'ambassade et ceux de la délégation générale du Québec. J'ai l'impression qu'il doit y avoir eu des échanges là-dessus.

Je ne suis pas en mesure de vous dire exactement quand ces renseignements ont été transmis à la délégation générale du Québec, mais comme ces rencontres sont très régulières, j'ai l'impression que ces informations ont dû être échangées entre les partenaires de l'ambassade et ceux de la délégation.

M. Dupuy: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur, d'avoir pris la peine de traverser l'Atlantique pour nous rencontrer, mes collègues et moi. Nous attendions votre visite avec beaucoup d'intérêt. Je crois que le départ que vous avez pris à Paris est tout à fait digne de celui de vos prédécesseurs.

J'aimerais vérifier auprès de vous des questions à proprement parler de politique étrangère. La France a passé, dans l'évolution de sa politique étrangère, à travers différentes étapes vis-à-vis du Canada.

.1035

Il y a eu, nous le savons tous, une période qui a été difficile sous le général de Gaulle. Par la suite, la position de la France, telle qu'exprimée par Raymond Barre, alors premier ministre, avait été essentiellement qu'à l'égard du Canada, il y aurait ce qu'il appelait la non-ingérence et la non-indifférence, ce qui veut dire le respect scrupuleux de la souveraineté du Canada.

Par la suite, il y a eu une autre évolution, qui s'est manifestée lorsque le président Mitterrand était en charge de la France. Cette évolution a été exprimée par lui-même lorsqu'il a dit: «Nous avons normalisé les relations entre le Canada et la France». Lorsque j'ai quitté l'ambassade à Paris, je crois que nous étions arrivés à une étape encore plus avancée, celle d'avoir établi une relation amicale entre le Canada et la France.

Est-ce que vous qualifiez maintenant la relation entre le Canada et la France de relation amicale et est-ce que vous considérez que la politique étrangère de la France à l'égard du Canada peut être ainsi caractérisée?

M. Roy: Monsieur le président, je suis très heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui, comme je le disais tout à l'heure, et pour une raison très spéciale: l'un de mes prédécesseurs se trouve ici en la personne de Michel Dupuy, qu'on appelait à ce moment-là l'ambassadeur Dupuy, en France. Comme on le soulignait tout à l'heure, c'est un poste important en France et chausser les souliers d'un prédécesseur est toujours très difficile. M. Dupuy a laissé une marque très profonde à Paris et mes interlocuteurs français se réfèrent souvent à lui. Alors, c'est avec beaucoup d'émotion, d'une certaine façon, que je rencontre aujourd'hui mon prédécesseur.

Concernant les relations entre la France et le Canada, elles sont effectivement excellentes. Lorsque le premier ministre Raymond Barre a parlé de non-ingérence et de non-indifférence, il a établi une politique que la France poursuit encore aujourd'hui. Je dois souligner, à ce sujet, que la non-indifférence de la France vis-à-vis du Canada n'est pas surprenante. Nous avons des soldats canadiens enterrés dans 585 cimetières en France. L'ambassade est invitée à participer à des cérémonies de commémoration presque chaque semaine. Ce sont toujours des cérémonies extrêmement émouvantes, où les Français nous disent jusqu'à quel point ils sont reconnaissants envers le Canada d'avoir laissé tant de morts sur le sol français.

Les Français ne sont évidemment pas indifférents au sort du Canada, étant donné que 75 p. 100 de la valeur de leurs investissements est en dehors du Québec et 25 p. 100 de la valeur de leurs investissements au Québec. Alors, il est évident que les Français ne sont pas indifférents au sort du Canada.

Ils ne sont pas indifférents non plus lorsqu'ils savent que deux millions d'anglophones sont devenus bilingues au cours des dernières années, que 300 000 anglophones à Toronto parlent le français et que chaque année, 300 000 jeunes entre cinq et neuf ans vont aux écoles d'immersion en langue française.

Pour toutes ces raisons, la France n'est pas indifférente à ce qui se passe au Canada. Nous devons être très conscients du fait que cette politique de non-indifférence est totalement compréhensible.

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Nous collaborons de façon très étroite avec la France dans différents domaines. Dans le domaine de la politique étrangère en Bosnie, au Rwanda, au Zaïre et au sein de la Francophonie en général, nos relations sont excellentes. Nous faisons du très bon travail ensemble au sein du G-7.

Très souvent, les positions française et canadienne sont concordantes. Les Français m'ont également dit très souvent que le président français travaille avec grand plaisir avec le premier ministre canadien parce que c'est la seule personne autour de la table, le seul autre chef de gouvernement, avec lequel il peut parler français.

Toutes ces raisons font que les relations entre le Canada et la France sont très bonnes, et même excellentes, et j'ai l'impression qu'elles vont continuer d'être excellentes et même de s'améliorer encore davantage. Merci.

M. Dupuy: Faisant de nouveau appel à des souvenirs, il est évident qu'il doit s'établir un certain rapport entre l'ambassadeur du Canada en France et le délégué général du Québec en France. Vous avez déjà, dans votre présentation, indiqué qu'il y avait des intérêts convergents.

Lorsque j'étais à Paris, un point fondamental sur lequel la déléguée générale du Québec, Louise Beaudoin, et moi-même, étions d'accord, était que les différends qui pouvaient exister entre Québec et Ottawa devaient se régler ici, de ce côté de l'Atlantique, et ne pas se projeter du côté européen de l'Atlantique. En d'autres termes, pour parler un langage courant, il fallait laver notre linge sale chez nous et non ailleurs. Ce principe fondamental s'est reflété dans nos opérations, car nous nous rencontrions périodiquement pour, précisément, éviter qu'il y ait des situations désagréables qui puissent entacher soit la réputation du Québec, soit celle d'Ottawa.

Ma question est la suivante: est-ce que le même esprit de respect mutuel, et je dirais même de respect de nos hôtes français quand nous y sommes, persévère et se maintient?

M. Roy: Dès mon arrivée à Paris, la première semaine, j'ai invité le délégué général du Québec à un déjeuner où nous avons passé en revue l'état des relations entre le Canada et la France, entre l'ambassade du Canada et la délégation générale du Québec, et nous avons convenu que nous travaillerions ensemble lorsque cela serait possible, mais qu'il était bien entendu que dans certains domaines, lorsque les objectifs seraient divergents, les discours que nous tiendrions aux Français seraient également divergents.

Donc, le message serait semblable sur les points de convergence et différent sur les points de divergence. Nous n'avons pas eu l'occasion, jusqu'à maintenant, de prendre des positions divergentes en public, mais si besoin il y a, ces positions-là seront prises. Il est bien entendu qu'il est bien préférable que nous lavions notre linge sale ici, au Canada, au lieu de l'étaler en public à Paris, en France.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Merci, monsieur l'Ambassadeur.

Je reviens à l'Opposition officielle avec M. Bergeron.

.1045

[Français]

M. Bergeron: Excellence, je crois qu'on peut sans s'offusquer s'attendre à des propos ouvertement partiaux de la part des députés qui siègent autour de cette table. Mais, quoiqu'on ne puisse dire de l'ambassadeur du Canada en France qu'il est partisan, on peut constater, sans crainte de se tromper, qu'il est nettement orienté.

On ne s'attend pas évidemment, de la part d'un ambassadeur du Canada à l'étranger, qu'il fasse la promotion de la souveraineté du Québec. On s'attend de la part d'un ambassadeur à l'étranger qu'il fasse la promotion d'un Canada uni.

Cependant, je m'étonne un peu d'entendre votre interprétation. Je ne m'en suis pas étonné de la part de mon collègue M. Dupuy, qui a maintenant toute sa liberté de parole en tant que parlementaire. Quand il parle des relations difficiles entre la France et le Canada sous le général de Gaulle, ça illustre de façon très éloquente les problèmes qu'on a pu vivre l'année dernière avec le Parlement européen. Dès qu'il y a quelque chose qui irrite Ottawa, celui-ci réagit toujours de façon excessive. Ottawa, je dois dire, a tendance à être un peu soupe au lait à l'égard des déclarations venant d'Europe qui pourraient être le moindrement sensibles au mouvement souverainiste québécois.

Je suis par contre très surpris de votre interprétation un peu étroite de la non-indifférence de la France à l'égard du Canada. Bien sûr, les éléments que vous avez soulevés sont probablement de nature à intéresser les Français et à justifier leur non-indifférence à l'égard du Canada, mais vous avez fait abstraction d'un très grand nombre d'autres raisons qui font en sorte que le gouvernement français est très certainement non indifférent à ce qui se passe ici.

Pour revenir à la question de la partialité de l'ambassadeur du Canada en France, je voudrais vous poser la question suivante : est-ce que l'ambassadeur du Canada en France, lorsqu'on lui pose des questions sur l'état de la situation politique au Canada et au Québec, répond de façon objective en décrivant ce qui se passe véritablement, ou est-ce qu'il adopte, si je peux m'exprimer ainsi, la position un peu illusoire du gouvernement fédéral, qui est de dire qu'il n'y a pas de problèmes et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes?

Ils disent que les Québécois ont choisi le Canada et que maintenant, on travaille aux vrais problèmes, c'est-à-dire l'emploi, le pain et le beurre, laissant entendre par le fait même qu'il n'y a pas de problèmes et que les Québécois sont très heureux dans le régime fédéral actuel, alors que près de 50 p. 100 d'entre eux, l'année dernière, ont exprimé une opinion passablement divergente. Est-ce que vous faites état de cette situation, Excellence, lorsque l'on vous pose des questions sur la situation politique canadienne et québécoise?

M. Roy: Je vous remercie de poser la question. Je dois dire qu'il serait difficile de prétendre que les résultats du référendum n'ont pas été ceux qu'ils ont été. Les Français lisent les journaux et savent que les résultats du référendum ont été serrés. S'ils me posent des questions, je dis qu'effectivement, les résultats du référendum ont été serrés. Il n'est pas question pour moi de dire autre chose.

Je leur dis également que plusieurs sondages ont indiqué que 80 p. 100 des Québécois ont répondu qu'ils préféraient le Canada quand on leur a demandé quel était le pays qu'ils préféraient dans le monde. Et je dis aussi que 25 p. 100 ont répondu qu'ils pensaient que les Québécois, au cas où la souveraineté l'aurait emporté lors du référendum, continueraient d'avoir des députés fédéraux ici, à Ottawa.

Alors, lorsqu'on me pose des questions, je tente de répondre avec les éléments que nous avons, qui parviennent de sondages ou d'autres sources. Il est évident, également, que lorsqu'on me demande quels sont les vrais problèmes au Québec et au Canada, je peux répéter ce que dit le premier ministre Bouchard, à savoir que l'objectif du gouvernement du Québec est, pour le moment, d'assainir les finances.

Je crois donc comprendre, mais vous semblez suggérer que ce n'est pas le cas, que pour le moment, l'objectif du gouvernement du Québec, ce sont les jobs, et c'est également l'objectif du gouvernement fédéral. Lorsqu'on me demande quelle est la première priorité du gouvernement québécois en ce moment, je leur dis, comme le dit le premier ministre Bouchard, que c'est d'assainir les finances et de trouver des jobs.

.1050

Je voudrais que vous me disiez si je me trompe et si vous auriez des réponses différentes. Pour le moment, j'ai l'impression que cela reflète bien les priorités du Québec et celles du Canada. Merci.

M. Bergeron: Excellence, le gouvernement du Québec a ses porte-parole pour véhiculer son message et il le fait très bien. Je ne suis pas là pour véhiculer le message du gouvernement du Québec. Ma question n'avait rien à voir avec la position du gouvernement du Québec sur la question de l'assainissement des finances publiques. C'est un objectif salutaire, tant au Québec qu'au Canada, et il est important qu'on s'y attarde. Mais là n'est pas l'objet de ma question.

Vous ne semblez pas avoir bien compris l'objet de ma question. Soit dit en passant, vous me permettrez de trouver un peu odieux que vous cherchiez à faire une interprétation à partir de sondages du résultat du référendum de l'an dernier. Pour ma part, j'estime que les Québécoises et les Québécois, et vous ne semblez pas l'assumer, sont suffisamment intelligents pour avoir compris la nature de la question qui leur était posée, et je prends les résultats pour ce qu'ils sont et non pas pour ce que je voudrais qu'ils soient.

La question que je vous ai posée est la suivante: lorsque des interlocuteurs français vous posent une question sur la situation politique au Québec et au Canada, du genre «est-ce que vous pensez que le mouvement souverainiste va poursuivre sa lancée?» ou «est-ce qu'on va réussir à réformer le régime fédéral dans le sens des aspirations des Québécoises et des Québécois?», est-ce que vous leur répondez, ce qui semble être le cas - et si ce n'est pas le cas, je vous en prie, dites-le moi - , que pour le moment, il n'y a pas de problème, que les Québécois ont choisi le Canada et que 80 p. 100 d'entre eux pensent que c'est le plus beau pays du monde, etc.? Essayez-vous de masquer la réalité et de jeter de la poudre aux yeux en vertu de sondages qui ne sont pas représentatifs de la réalité?

Un sondage n'est qu'une photographie de la réalité. Si on veut véritablement savoir ce que les Québécois pensent, il faudra le leur demander dans le cadre d'un référendum. Je vous rappellerai que les Québécois ont déjà rejeté la Constitution de 1982, ne serait-ce que par leur gouvernement, mais également en 1992, lors d'un référendum qui portait sur la rénovation, la modification de cette Constitution. On peut essayer de faire de la démagogie d'un côté comme de l'autre.

Je reviens à ma question. Est-ce que vous faites une présentation objective des faits sur le malaise qui existe au Québec et qui risque d'aller croissant si des modifications substantielles ne sont pas apportées au régime fédéral actuel?

M. Roy: Merci bien. Je leur dis que depuis les résultats du référendum, différentes mesures ont été prises au sein du gouvernement fédéral pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui se posent entre les citoyens du Québec et le gouvernement fédéral. Il semble que certains éléments sont importants pour le Québec dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, et des négociations sont en cours entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec pour tenter de trouver une solution au problème.

Il est important pour les citoyens du Québec d'avoir la reconnaissance du statut de société distincte. Je leur dis qu'une motion a été approuvée en Chambre des communes à ce sujet et que différentes discussions ont lieu avec les autorités provinciales à travers le Canada pour faire avancer le concept de société distincte. Je leur dis que le gouvernement fédéral fait montre d'un grand désir de trouver des solutions au problème et que le fédéralisme canadien est un des fédéralismes les plus flexibles à travers le monde.

J'ai moi-même passé quelques années de ma vie en Suisse et j'ai pu faire des comparaisons entre ce qui se passe en Suisse et ce qui se passe au Canada. On me pose parfois des questions sur le bilinguisme à Ottawa. Je leur dis que lorsque je suis arrivé à Ottawa en 1960, il était très difficile de trouver de l'affichage en français et que maintenant, lorsque j'y reviens, et de façon assez fréquente, je constate que la situation a changé considérablement. Je vous invite, quelles que soient les personnes autour de la table, à aller à Berne, en Suisse, capitale d'un État fédéral, où les Français romans sont une minorité, mais une minorité très importante, pour tenter de trouver de l'affichage en français.

.1055

Il y a cinq ans, il n'y avait pas d'école publique francophone à Berne. Il n'y a pas d'université francophone à Berne. L'école primaire publique francophone à Berne n'a commencé qu'en 1970 et ce n'est qu'en 1990 qu'ils se sont rendus à la septième année du cours primaire en français. Je pourrais donner d'autres exemples, mais pour revenir à la question que vous posez, je fais les plus grands efforts d'objectivité pour décrire la situation.

Maintenant, ce qui peut sembler objectif d'un point de vue peut ne pas sembler objectif d'un autre point de vue, dépendant de celui que nous partageons, n'est-ce pas? Au cours des années de ma carrière, j'ai appris que la recherche de l'objectivité était toujours très valable, mais que l'objectivité totale était très difficile à atteindre. Vous pouvez cependant être sûr d'une chose, c'est que le personnel de l'ambassade et moi-même faisons tous les efforts voulus pour tenter d'être aussi objectifs que possible pour présenter la situation. Lorsque j'ai fini de faire ma présentation officielle, je fais toujours part à mes interlocuteurs de mes convictions profondes, à savoir que l'unité canadienne sera maintenue.

Je prononce ces paroles en partie pour rassurer les investisseurs français qui, comme d'autres, lisent les journaux et voient souvent la notion d'incertitude politique mentionnée à propos du Québec. Je leur dis souvent qu'ils ne devraient pas être inquiets de cette incertitude politique parce que, de toute façon, l'unité canadienne va être maintenue. Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur Assadourian, vous avez la parole, même nombre de minutes.

M. Assadourian: Merci beaucoup. J'ai attendu suffisamment longtemps, monsieur le président, je devrais pouvoir prendre mon temps.

Premièrement, monsieur l'ambassadeur, je tiens à vous féliciter pour votre nomination, je félicite également le premier ministre qui vous a nommé, ce qui met fin à la tradition Bouchard à Paris, en France. En effet, nous avions Lucien Bouchard, ensuite nous avons eu Benoît Bouchard, et maintenant nous avons Roy. Je suis donc très heureux qu'on mette fin à une ancienne tradition et qu'on la remplace par une nouvelle.

Je tiens à dire également que lorsque je suis arrivé au Canada, je suis d'abord allé à Montréal où j'ai vécu pendant trois ans. Mes parents vivent toujours à Montréal. Ils ont énormément apprécié votre présentation. Ils ont peut-être certains handicaps - ils sont «ethniques» et ils ont de l'argent - mais la présentation que vous avez faite là-bas leur a beaucoup plu.

Lors d'une discussion à la suite du référendum pendant laquelle nous discutions du séparatisme, l'ancien ambassadeur en France a déclaré il y a quelques mois que le Canada n'était pas un pays. Il a dit qu'à son avis cela était un fait.

Pouvez-vous commenter cette déclaration, si vous jugez que cela en vaut la peine. Si vous préférez vous abstenir, je comprendrai, ce n'est pas une obligation.

De la même façon, tout de suite après les élections, le gouvernement du Québec a déclaré qu'il congédierait tout employé en mission à l'étranger qui ne défend pas des idées séparatistes. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette façon de représenter les Canadiens, avec cette pratique qui consiste à congédier tout employé qui ne partage pas l'opinion du gouvernement. Ce n'est pas la façon dont ils exécutent leurs tâches qui est en cause, mais bien leurs convictions politiques. Est-ce que cela est courant dans les cercles diplomatiques? C'est une autre question que je vous pose.

Monsieur l'ambassadeur, si nous sommes ici, c'est parce que nous voulons discuter des relations commerciales entre le Canada et la France. Au début de votre intervention, vous avez cité trois objectifs, dont le premier était les relations commerciales entre le Canada et la France. Pouvez-vous nous donner des détails entre le commerce qui se fait entre le Canada et la France, les sommes que cela représente? Vous avez dit que vous aimeriez voir ce commerce doubler d'ici l'an 2000 approximativement.

J'aimerais que vous nous donniez une ventilation des échanges que nous avons avec la France.

.1100

M. Roy: Pour ce qui est de savoir si le Canada est un pays, personne en France ne m'a posé la question. Je pense que les Français savent tous que le Canada est un pays.

Non seulement les gens savent que c'est un pays, mais c'est un pays pour lequel ils ont le plus grand respect. J'ai été touché au plus haut point par l'affection que les gens portent au Canada, une affection qu'ils manifestent volontiers avec les représentants canadiens. Sur ce plan-là, il semble donc tout à fait évident, que du moins pour le reste du monde, le Canada est un pays, un pays merveilleux.

En ce qui concerne les opinions et les convictions politiques des gens qui sont en mission, je ne sais pas exactement comment les décisions sont prises au Québec. Toutefois, je sais qu'au gouvernement canadien, et en particulier au ministère des Affaires étrangères, on ne nous demande pas quelle est notre affiliation politique. Dans nos ambassades à l'étranger, il y a des gens de diverses tendances politiques, et tous essaient de défendre les intérêts canadiens. C'est sur cette base-là que les gens travaillent à l'ambassade.

En ce qui concerne le commerce, il connaît actuellement une expansion considérable. Nous exportons des produits bruts à destination de la France, mais nous exportons également des produits finis. Bombardier exporte un grand nombre d'avions. Cela explique en partie la raison pour laquelle nos relations commerciales se sont intensifiées à ce point depuis quelques années. Le marché des avions prenant de l'expansion, nos exportations en prennent également beaucoup.

La même chose vaut pour d'autres produits. Il y a actuellement une pénurie de pâtes et papiers. Les prix ont augmenté, et nous avons obtenu d'excellents résultats.

Les investissements français au Canada et les investissements canadiens en France ont également beaucoup augmenté. Le commerce dépend de plus en plus des investissements, et par conséquent, plus les investissements sont importants, plus les relations commerciales s'intensifient. C'est la raison pour laquelle il est particulièrement important à l'heure actuelle de convaincre les investisseurs français de venir au Canada et d'encourager les investisseurs canadiens à se tourner vers la France.

Très récemment, lors d'un séminaire sur les relations entre le Canada et l'Europe qui s'est tenu à Bordeaux, j'ai appris quelque chose de très intéressant. Un représentant français au consulat général de France à New York conseillait aux investisseurs français de la région de Bordeaux de venir au Canada d'abord, pour mieux pénétrer ensuite le marché américain. Il disait que c'était une meilleure méthode.

Cela dit, j'ai été intrigué par quelque chose qui s'est produit lors de la même réunion en présence du maire L'Allier de Québec. Les villes de Bordeaux et de Québec sont jumelées. Nous étions à la même réunion, et on a annoncé que la région de Bordeaux ouvrirait son premier bureau au Canada à Toronto. J'ai trouvé cela très intéressant, mais j'ai été assez étonné de ce choix.

Tout cela pour vous dire que les relations commerciales entre la France et le Canada sont très étendues, et également que les diverses parties font des efforts considérables pour intensifier ces relations.

.1105

Lorsque le premier ministre Harris s'est rendu en France, il a été en mesure d'annoncer que la province de l'Ontario venait de contracter en France des obligations s'élevant à trois milliards de francs français. C'était la première fois que la province faisait une telle chose. Cela montre à quel point l'Ontario s'intéresse aux possibilités offertes par la France, et c'est probablement aussi le cas des autres provinces.

Merci.

Le président suppléant (M. Flis): Merci, Sarkis.

M. Dupuy, puis M. Bergeron qui voudrait un second tour.

[Français]

M. Dupuy: J'aimerais revenir brièvement aux questions très intéressantes de notre collègue, M. Bergeron. Elles me semblent mettre en cause la nature même de ce qu'est une mission diplomatique à l'étranger, quelle soit canadienne ou autre pays. Seriez-vous d'accord, monsieur l'ambassadeur, pour dire que le capital le plus important d'un ambassadeur à l'étranger, c'est sa crédibilité auprès du gouvernement auquel il est nommé?

Si l'ambassadeur s'engage dans une vue biaisée des choses, à plus forte raison s'il a des positions qu'on peut identifier clairement comme partisanes, quelle crédibilité aura-t-il auprès du gouvernement étranger qu'il est supposé renseigner? Si telle est la règle du jeu de base, ne croyez-vous pas, précisément en réponse à M. Bergeron, que la présentation objective et la capacité d'analyse objective d'un ambassadeur est sa plus grande vertu? Dans ces circonstances, on ne peut que faire confiance à l'ambassadeur du Canada en France, qui est un professionnel et qui n'a jamais été mêlé à la politique d'une façon ou d'une autre, ce qu'on ne peut pas dire du délégué général du Québec à Paris en ce moment.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Lorsqu'ils quittent le corps diplomatique, des considérations politiques interviennent.

[Français]

M. Roy: Je suis totalement d'accord avec M. Dupuy. La crédibilité d'un ambassadeur est extrêmement importante et la crédibilité d'un ambassadeur canadien en France est particulièrement importante. Chaque fois que je suis appelé à faire des déclarations en public ou à avoir des discussions en privé avec les autorités françaises, j'ai toujours derrière la tête l'importance de faire une présentation qui soit la plus objective possible.

C'est là que se détermine, dans la tête de mes interlocuteurs, la crédibilité de l'ambassadeur du Canada. Si je faisais des présentations qui, dans l'esprit de mes interlocuteurs, n'étaient pas valables, je perdrais ma crédibilité et l'importance de mon rôle diminuerait considérablement. Si je faisais des déclarations ou des présentations qui n'étaient pas acceptables pour les Français, selon leur étude de la situation, ils demanderaient à leur ambassadeur de France ici si ma présentation reflète les faits. Si elle ne reflète pas les faits, le rôle de l'ambassadeur du Canada à Paris devient, à ce moment-là, marginalisé. Il n'est donc pas possible, dans mon propre intérêt et dans celui du gouvernement du Canada, de dire des choses qui ne correspondent pas à la réalité.

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur Bergeron.

M. Bergeron: Avant de faire un petit préambule à ma question, je voudrais vous poser une question très directe par rapport à la réponse que vous venez de donner. Étant donné votre réponse, diriez-vous, Excellence, que c'est la raison pour laquelle vous avez été remplacé à Bruxelles?

.1110

M. Roy: Je dois vous dire que lorsqu'on m'a demandé d'aller à Paris, cela a été un grand honneur pour moi. Vous semblez dire qu'on m'a remplacé à Bruxelles parce qu'on avait des doutes à mon égard. Je dois dire que pour tout diplomate canadien, se faire demander d'aller à Paris est un grand honneur. C'est une grande promotion que d'être nommé à Paris et j'ai donc été très heureux d'accepter.

M. Bergeron: Excellence, je tiens à corriger. Je ne suggère rien. Je posais simplement la question.

Cela dit, je dois dire que j'étais d'accord sur la précédente question de mon honorable collègue de Laval-Ouest. J'ai même été très surpris du préambule qui l'a mené à ces questions, mais je n'étais pas tout à fait d'accord sur la conclusion.

On ne peut pas présumer d'emblée de l'objectivité de l'ambassadeur du Canada à Paris ou ailleurs, pour les raisons qu'expliquait l'ambassadeur lui-même quant à la façon dont sont sélectionnés les membres du personnel des Affaires étrangères, d'une part. D'autre part, si je regarde cela de façon objective, je vois qu'il y a des ambassadeurs dont on connaît un peu les orientations politiques et qui, après leur carrière, deviennent députés de la formation politique dont on se doutait qu'ils approuvaient les orientations politiques. Et il y a, à l'inverse, d'anciens ministres fédéraux que l'on peut présumer fédéralistes et qui, après avoir été ministres fédéraux, deviennent tout à coup délégués généraux du Québec à l'étranger et font la promotion d'une tout autre option.

Pour ma part, je dirais que pour ce qui est de la crédibilité et de l'objectivité qui sous-tend cette crédibilité, on repassera.

Cela dit, j'aimerais revenir sur votre dernière réponse à la question que je vous posais, Excellence. Vous avez dit que vous cherchiez à rassurer les investisseurs français en leur disant que le Canada demeurera uni. Grand bien vous fasse, et j'espère que vous aurez raison pour vous, mais je suis loin d'être certain que le Canada demeurera uni.

Cela dit, je veux bien qu'on rassure les investisseurs français, mais je voudrais éviter qu'on les berne. Vous leur avez dit, par exemple, qu'à Ottawa, l'affichage est de plus en plus bilingue. J'imagine que c'est pour cette raison qu'il y a eu de nombreuses manifestations au cours des derniers mois réclamant plus d'affichage bilingue à Ottawa. Et j'imagine que vous en avez fait part à vos interlocuteurs français.

C'est probablement pour cette raison, d'ailleurs, que le Comité parlementaire sur les langues officielles ici, à Ottawa, dans la Capitale nationale de ce pays, voulait aborder la question du bilinguisme dans l'affichage dans la Capitale nationale. C'est probablement aussi pour cette raison que ce comité parlementaire voulait se pencher sur cette question et j'imagine que vous allez en faire état également à nos interlocuteurs français.

Mais j'imagine également que c'est pour cette raison que - pas en 1960 mais en 1996 - moi-même, député fédéral à la Chambre des communes, atterrissant à l'aéroport d'Ottawa en provenance de l'étranger, à l'aéroport de la Capitale nationale de ce pays, et ayant été abordé de façon un peu abrupte, en anglais seulement, par un douanier canadien qui refusait de me parler en français, je me suis vu envoyer à la fouille parce que je refusais de lui parler en anglais. Ici même, en février 1996 précisément, on m'a fouillé à l'aéroport d'Ottawa parce que j'avais refusé de parler anglais au douanier canadien. J'imagine que vous ne faites pas état de ce genre de choses à nos interlocuteurs, Excellence.

J'aimerais, pour quitter autant que faire se peut le débat partisan que je ne m'attendais pas à avoir avec vous ce matin, Excellence, vous poser une question concernant des données factuelles qui nous ont été communiquées.

Il semble - et j'avais posé cette question au ministre Axworthy lorsqu'il avait comparu devant le comité - qu'on ait réduit, au niveau de l'ambassade canadienne, les efforts de promotion culturelle, particulièrement de la culture québécoise.

D'après les informations dont je dispose - et peut-être sont-elles erronées - , il semble que les bourses ou les subventions ne sont plus octroyées au mérite mais bien sur une base de répartition géographique, ce qui a évidemment pour effet de pénaliser les industries culturelles québécoises. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, Excellence?

.1115

M. Roy: Je ne veux pas faire de commentaire précis là-dessus, mais il faut avoir à l'esprit que la participation des groupes culturels québécois en France est beaucoup plus grande que celle des autres provinces, pour la bonne raison qu'il y a une langue commune au Québec et à la France, que les groupes culturels québécois sont en France depuis plusieurs années et que bien souvent, ils ne passent pas par l'ambassade du Canada ou par la délégation générale du Québec. Il y a plusieurs groupes culturels québécois qui vont en France parce qu'ils font de l'argent en France. Ils n'ont pas besoin de subventions.

Lorsqu'on regarde ce qui se passe du côté culturel en France, on peut être agréablement surpris de voir que les manifestations culturelles, canadiennes en général et québécoises en particulier, sont extrêmement nombreuses, et que même si on voulait en arriver à une distribution différente sur le plan géographique, la quantité de manifestations culturelles québécoises resterait toujours très supérieure à celle des manifestations culturelles canadiennes en général. La situation ne changera pas. Merci.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): J'aimerais dire que lorsque j'étais à Vienne, il y a environ un an, le groupe de danse La La La du Québec y donnait des représentations qui avaient un énorme succès. Lorsque je suis allé à Cuba pour l'ouverture d'une foire commerciale internationale, un chanteur de jazz et un pianiste du Québec se trouvaient là également et ils jouaient avec un chanteur de jazz de Cuba. Ils avaient un très grand succès. Le lendemain, nous n'avons plus parlé de la foire commerciale, mais plutôt des échanges culturels entre Québec et Cuba.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

M. Bergeron: J'aurais peut-être un commentaire, monsieur le président, puisqu'il semble que nous ayons épuisé la série de questions que nous voulions adresser à l'ambassadeur. Pour ma part, vous me permettrez simplement de terminer avec un souhait, celui que l'ambassadeur du Canada à Paris travaille, bien sûr, dans le meilleur intérêt du Canada, mais également dans le meilleur intérêt du Québec, qui fait encore pour le moment partie du Canada, cela dans le respect des compétences du Québec ou de ses champs de compétence exclusifs.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): J'aimerais que l'ambassadeur réponde à cela d'abord puis... D'accord, pourquoi ne pas entendre toutes les observations et questions, après quoi l'ambassadeur pourra répondre. Beryl.

Mme Gaffney: Je suis restée très silencieuse pendant tout cet échange, monsieur l'ambassadeur, mais c'est surtout parce que je ne parle pas français. J'aimerais bien pouvoir parler français.

Après avoir lu votre curriculum vitae, après avoir vu la liste des pays où vous avez été en poste, je suis absolument convaincue que vous servez avant tout les intérêts du Canada et de toutes les provinces, et le Québec est toujours une province du Canada. Je tiens à vous rassurer, je suis absolument convaincue que c'est votre principale préoccupation en votre qualité d'ambassadeur du Canada à Paris.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Flis): Est-ce que quelqu'un a autre chose à ajouter pour terminer? Dans ce cas, monsieur l'ambassadeur, le mot de la fin vous revient.

M. Roy: Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier tous de m'avoir reçu ici ce matin. Je considère que c'est un grand honneur. Cet après-midi, je vais quitter Ottawa en comprenant mieux les préoccupations des membres de votre comité.

Certains ont dit que je devrais faire valoir non seulement les opinions du Canada, mais également celles du Québec, et cela, le plus objectivement possible.

[Français]

À ce sujet, j'aimerais dire que je vais continuer à faire tous les efforts possibles pour tenter de présenter la situation de la façon la plus objective possible. Il est évident pour moi que le rôle d'un ambassadeur du Canada à l'étranger est de présenter une vision positive du pays.

.1120

Il est également important, dans la situation dans laquelle nous vivons présentement, de dire avec conviction que des efforts sont faits actuellement, au Canada, pour tenter de trouver des solutions aux problèmes qui peuvent se présenter à l'occasion et que le Canada est un pays uni qui va demeurer uni. Il faut le dire avec conviction, et c'est ce que je m'efforce de faire de façon pratiquement quotidienne à Paris. Je le fais parce que j'ai moi-même la conviction profonde que le Canada restera uni. Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Merci, monsieur l'Ambassadeur.

Monsieur l'ambassadeur, lorsque vous rentrerez à Paris, nous vous demandons de remercier tout le personnel de l'ambassade au nom du Comité des affaires étrangères. En effet, on oublie parfois les gens qui travaillent en coulisses, et il est important de les remercier pour l'excellent travail qu'ils font, pour la façon dont ils représentent le meilleur pays de la planète - c'est ce que pensent les Nations Unies.

Nous vous souhaitons encore beaucoup de succès pour la nouvelle année. Merci d'être venu.

Mesdames et messieurs, nous allons faire une pause de sept minutes après quoi nous aborderons notre dernier sujet d'étude pour la matinée, c'est-à-dire le bois d'oeuvre. Je vous demanderais de ne pas vous éparpiller et d'être de retour à 11 h 30.

.1122

.1135

Le président suppléant (M. Flis): J'aimerais que les membres du comité reprennent leur place.

Comme vous le savez, lors de la dernière réunion de ce comité, le Parti réformiste a déposé une motion au sujet du bois d'oeuvre. Nous avions décidé de remettre la discussion à la séance d'aujourd'hui pour pouvoir obtenir des éclaircissements.

Je suis heureux d'accueillir Ron MacDonald, le secrétaire parlementaire du ministre responsable du Commerce international. Je vais lui demander de commencer par quelques observations après quoi nous passerons aux questions et à la discussion.

Nous avons également des gens du ministère qui connaissent bien cette question: Wallace Dowswell, chef de l'unité du bois d'oeuvre; et Keith Aird, sous-directeur du groupe de travail sur le bois d'oeuvre.

Nous vous remercions d'être venus, parce que la dernière fois que nous en avons discuté, nous manquions un peu de spécialistes. Nous sommes donc très heureux de vous avoir parmi nous.

Monsieur le secrétaire parlementaire, voulez-vous commencer?

M. Ron MacDonald (secrétaire parlementaire auprès du ministre du Commerce international): Certainement. Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas d'exposé préparé, mais j'aimerais tout de même donner aux membres du comité une idée des événements qui nous ont conduits à la situation où nous nous trouvons actuellement, après quoi je répondrai à vos questions. J'ai pensé que cela vaudrait mieux que de perdre du temps à faire un exposé.

Nous nous sommes mis d'accord sur le système actuel d'allocation des quotas pour le bois d'oeuvre après deux interventions des États-Unis, mesures antidumping et l'imposition de droits compensatoires. Dans les deux cas, nous avons contesté ces interventions en faisant appel aux mécanismes de règlement des différends, et dans les deux cas, nous avons gagné notre cause. Les États-Unis ont ensuite changé la loi, et on pouvait penser qu'une autre ère de droits compensateurs était sur le point de s'ouvrir.

À ce moment-là, l'industrie a contacté le gouvernement canadien et a annoncé qu'elle souhaitait signer une entente accessoire avec les Américains. Il ne s'agissait pas d'une initiative du gouvernement, mais bien des industriels des quatre provinces qui avaient été touchées. Ces industriels ont annoncé qu'ils voulaient essayer de conclure une entente accessoire avec les États-Unis pour éviter une nouvelle intervention sous forme de droits compensateurs, et cela, en dépit du fait qu'à leur avis nous aurions fort bien pu, une fois de plus, gagner notre cause.

S'ils ont pris cette décision, c'est que des poursuites pour droits compensateurs immobilisent des fonds considérables. Au lieu de voir des fonds importants ainsi immobilisés, au lieu de subir les frustrations que cela provoque immanquablement aux postes frontières, les industriels ont indiqué qu'ils préféraient être raisonnablement certains d'avoir accès au marché américain.

Des négociations eurent donc lieu à Washington jusqu'aux environs de Pâques, l'année dernière, après quoi l'entente fut annoncée. L'industrie a assisté à toutes les négociations, ce n'est pas une chose qu'on leur a imposée. En fait, l'industrie a même contacté le gouvernement pour demander l'autorisation de participer aux négociations. Des représentants de l'industrie et des gouvernements provinciaux assistèrent à toutes les négociations à Washington.

En fait, l'entente fut conclue et initialée aux environs de Pâques, l'année dernière, et le Canada signa au nom de l'industrie et des quatre provinces intéressées.

A la toute fin des transactions, il y eut des retards pour préciser certaines choses. On se demandait si les produits des six autres provinces seraient exemptés ou pas, et c'est précisément ce qui s'est produit.

Nous nous sommes donc mis d'accord sur un système, d'accord avec l'industrie et avec les quatre provinces, la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec, et les États-Unis acceptèrent de ne prendre aucune mesure contre la production de bois d'oeuvre de ces quatre provinces entrant aux États-Unis. Le régime suivant était en place.

On décida qu'à chaque année 14,7 milliards de pieds linéaires pourraient entrer librement sur le marché américain. Ce chiffre de 14,7 milliards de pieds linéaires représente environ 90 p. 100 de la meilleure année que nous ayons eue, c'est-à-dire 1995. L'industrie acceptait une réduction de 10 p. 100 par rapport à la meilleure année, 1995, en échange d'un accès libre au marché américain pour le bois d'oeuvre. Cela représentait 14,7 milliards de pieds linéaires.

Toujours dans le cadre de l'accord, 650 millions de pieds linéaires pourraient passer la frontière en payant des droits de 50 $. Autrement dit, une fois le bois libre de droits expédié, on pourrait encore expédier 650 millions de pieds linéaires avec un droit de 50 $ par 1 000 pieds linéaires.

.1140

Une fois ces quantités expédiées, les exportateurs canadiens de bois d'oeuvre de ces quatre provinces peuvent encore exporter à destination du marché américain, mais à partir de ce seuil, ils doivent verser un droit de 100 $. Ces droits sont perçus par le gouvernement fédéral qui les reverse aux gouvernements provinciaux. Voilà le système dont nous avons convenu.

De plus, nous avons négocié ce qu'on appelle une prime sur le prix de déclenchement. Cette prime fonctionne de la façon suivante. Chaque fois que le prix moyen trimestriel du bois d'oeuvre canadien dépasse 405 $ américains sur le marché américain, nous obtenons automatiquement 82 millions de pieds linéaires supplémentaires qui sont libres de droits. Je n'ai pas assisté aux négociations - est-ce que c'était 92 millions?... - 92 millions.

Si les États-Unis se sont laissés convaincre d'accepter ces dispositions à la toute fin des négociations, c'est qu'ils étaient certains que le prix atteindrait 405 $. En fait, après avoir lu la documentation des négociations, je peux vous dire que le prix du bois d'oeuvre a atteint une moyenne trimestrielle de 405 $ américains une seule fois au cours des cinq années précédentes.

Cela dit, au cours des deux premiers trimestres, le bois d'oeuvre canadien a dépassé ce prix et nous avons obtenu, pour les deux trimestres, 92 millions de pieds linéaires supplémentaires. Nous pensons obtenir la même chose pour le troisième trimestre également. En effet, le prix a été exceptionnellement élevé. Il fut un temps où le prix du bois d'oeuvre canadien sur le marché américain atteignait 300 $ ou 320 $ les 1 000 pieds linéaires. Il y a eu des hauts et des bas, et à l'heure actuelle, il doit être de 485 $, mais il est monté jusqu'à 565 $.

Ainsi, à l'heure actuelle, les producteurs canadiens de bois d'oeuvre obtiennent sur le marché américain les prix les plus élevés. Même en utilisant les quotas qu'on leur donne, même en devant payer le droit de 100 $ pour la production qu'ils expédient sur le marché américain, en dépit de ces 100 $, leurs bénéfices sont plus importants qu'ils l'ont jamais été.

Autrement dit, une compagnie qui a reçu un quota et qui l'a utilisé, qui a dépensé ses bons de 50 $ et qui doit maintenant verser des droits de 100 $, cette compagnie touche tout de même 385 $, une fois ses droits versés. C'est encore 50 $ de plus que le prix le plus élevé qu'elle obtenait il y a un an à l'époque où on a négocié l'entente.

Comment sommes-nous parvenus à cet accord sur la répartition des quotas? Je l'ai dit au début, à l'époque des négociations, nous nous sommes pratiquement contentés de suivre les instructions de l'industrie du bois d'oeuvre. Il y a cinq associations au Canada, deux en Ontario, une en Alberta, une au Québec et une en Colombie-Britannique. Nous avions eu des négociations - j'étais président - avec l'industrie en août.

Il y avait environ 72 personnes autour de la table, et nous nous sommes mis d'accord pour répartir les quotas plus ou moins sur la base des chiffres de 1995. Ces chiffres de 1995, une fois ajustés, accordent environ 59 p. 100 du quota total à la Colombie-Britannique. Je crois qu'en Ontario nous avons eu 10,3 p. 100, 7,7 p. 100 en Alberta et 23 p. 100 au Québec. Les gouvernements représentés autour de la table, de même que les associations industrielles, ont jugé que c'était une répartition équitable et raisonnable, qu'elle correspondait bien aux exportations passées de ces provinces vers le marché américain.

Art Eggleton ne voulait pas imposer un système de quotas à l'industrie parce que nous ne connaissons pas l'industrie. Ce sont les associations industrielles qui connaissent ce secteur. Par conséquent, nous avons repris les consultations en août, septembre, octobre, novembre et, aujourd'hui, en décembre, nous poursuivons ces consultations pour nous assurer que le système en place reflète bien les conditions dans le secteur.

Nous avons repris contact avec toutes les associations et nous leur avons dit: si en Colombie-Britannique les exportateurs reconnus de bois d'oeuvre disposent de 59 p. 100 des quotas, à votre avis, comment faut-il les répartir? Dans chaque situation, chaque association industrielle nous a soumis la formule qu'elle jugeait la plus équitable pour répartir ces quotas dans la province. Nous avons suivi les conseils de l'association de la Colombie-Britannique et c'est ainsi que nous avons réparti les quotas. Nous avons également appliqué les conseils de l'association albertaine et des deux associations ontariennes, de même que nous avons appliqué les indications de l'association du Québec.

Sur cette base, les quotas ont été répartis. En même temps, nous avions décidé de réorganiser les quotas d'exportation des grossistes. Nous avons décidé que les manufacturiers secondaires auraient un quota séparé. Ces décisions furent prises après consultation, et les cinq associations et les gouvernements provinciaux représentés à la table des négociations ont accepté ce système à l'unanimité.

.1145

Aujourd'hui, les quotas ayant été répartis, certaines compagnies viennent nous voir et nous disent qu'il doit y avoir une erreur, qu'elles n'ont pas obtenu autant qu'elles auraient voulu. Il n'y a pas d'erreur. À chacune d'entre elles, j'ai répondu que si, à leur avis, les données sur lesquelles nous nous sommes fondés sont erronées, nous étions prêts à réexaminer les données dans chaque cas.

Le problème, maintenant que le bois d'oeuvre atteint un prix beaucoup plus élevé, c'est que tout le monde veut des quotas supplémentaires. Le propre d'un système de quotas, c'est qu'il impose une limite, et nous sommes coincés à 14,8 milliards de pieds linéaires. Nous ne pouvons pas inventer d'autres quotas. Les seuls nouveaux quotas possibles, ce sont ceux de la prime au prix de déclenchement. C'est la seule façon d'augmenter les quotas.

Nous avons essayé d'être très ouverts dans la façon dont nous répartissons les quotas. Il y a trois ou quatre semaines, le ministre a déposé à la Chambre des documents expliquant comment les quotas sont répartis, les pourcentages par province, ce que nous faisons dans le cas des scieries frontalières au Québec, le statut des grossistes, et également les ajustements que nous avons dû apporter pour nous assurer qu'il n'y aurait pas d'exportation excédentaire vers les États-Unis pendant les deux premiers trimestres.

Une fois les quotas alloués et les chiffres établis, nous avons envoyé une lettre à chacun des présidents et directeurs généraux des associations en leur expliquant de façon détaillée comment les quotas avaient été répartis dans leur province. Nous ajoutions que nous poursuivrions les consultations et, effectivement, ces consultations se poursuivent quotidiennement. Nous leur avons donc dit que nous continuerions, et cela nous amènera à une nouvelle série de réunions importantes en janvier, et à cette occasion, nous avons l'intention de leur demander comment, à leur avis, le système doit être ajusté, quelles anomalies ont fait surface, et quels ajustements il conviendra d'apporter le 1er avril.

Voilà donc en quelques mots le système de répartition des quotas. Voilà ce que nous avons fait. Je ne dirais pas que cela a été sans problème car, en effet, nous avons rencontré des problèmes importants. Les données que nous fournissait l'industrie ont souvent été insuffisantes. Au départ, les grossistes nous ont envoyé des données qui ne correspondaient pas à nos besoins. La définition des manufacturiers secondaires reste encore à préciser, en particulier dans la province de Québec. C'est un point sur lequel l'association ne cesse de se plaindre.

Toutefois, dans l'ensemble...

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur MacDonald, permettez-moi de vous interrompre. J'aimerais que nous gardions du temps pour les questions.

M. MacDonald: D'accord. Dans l'ensemble, comme nous l'avons dit, nous n'avons pas l'intention d'appliquer ce système d'une façon inflexible. Nous sommes prêts à écouter les associations industrielles et les gouvernements, et le ministre est tout à fait disposé à apporter des ajustements pour rendre le système aussi équitable et raisonnable que possible.

Le président suppléant (M. Flis): Avec la permission de l'opposition officielle, c'est Lee Morrison qui va commencer les questions puisque c'est le Parti réformiste, qui a demandé à ce qu'on organise cette séance. Vous ne voyez pas d'inconvénients à ce que je les laisse poser les premières questions puisqu'ils ont demandé cette discussion?

[Français]

M. Sauvageau (Terrebonne): Ils peuvent posent une question.

Le président suppléant (M. Flis): Voulez-vous répéter, s'il vous plaît?

[Traduction]

M. Sauvageau: Une question, oui.

Le président suppléant (M. Flis): Lee Morrison remplace Charlie Penson, qui a soulevé cette question.

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Nous n'avons que 10 minutes.

Ron, vous nous avez longuement expliqué comment le système des quotas fonctionnait, et vous avez dit ensuite qu'il y avait en fait des problèmes. À mon avis, ce sont des problèmes extrêmement graves. Certaines compagnies se sont vues allouer des quotas qui représentent 10 p. 100 de leur production, et ces mêmes compagnies ont fait des investissements considérables depuis un an environ, justement pour profiter du marché américain. Aujourd'hui, elles sont au bord de la faillite. Il n'y a pas d'autre solution.

Dans une telle situation, lorsque des gens qui ont fait des plans à long terme et qui voient du jour au lendemain tout s'effondrer, je ne sais pas ce qu'il faut faire pour gérer un marché de produits extrêmement important, peut-être un des plus importants en Amérique du Nord, et cela, avec un nombre très réduit de fonctionnaires. Ce n'est vraiment pas raisonnable, Ron.

M. MacDonald: Je suis d'accord avec vous. Vous parlez d'un grand nombre de nouveaux venus.

Quand nous avons rencontré les représentants de l'industrie, nous savions qu'en prenant 1995 pour base des allocations, certaines activités après 1995 et après le premier trimestre de 1996 n'entreraient pas dans les quotas. Nous nous sommes donc entendus avec l'industrie et celle-ci a conclu que l'anomalie dont vous parlez serait rectifiée si elle réservait 628 millions de pieds linéaires.

Or, cela ne s'est pas produit. Je serai très franc, l'industrie a sévèrement sous-estimé les quotas dont elle aurait besoin compte tenu des nouveaux arrivants.

.1150

Nous avons demandé aux nouveaux arrivants de remplir un questionnaire. Nous avons demandé aux cinq associations qui représentent l'industrie de préparer ce questionnaire, et c'est ce qu'elles ont fait. Sur cette base, nous nous sommes aperçus qu'au lieu de 700 ou 900 millions de pieds linéaires pour les nouveaux arrivants, on nous demandait 8,4 milliards de pieds linéaires.

Après avoir examiné méthodiquement toutes les demandes, nous nous sommes aperçus que les véritables besoins des nouveaux arrivants se situaient probablement aux environs de 1,2 milliard de pieds linéaires.

Le ministre a donc fait usage de son pouvoir discrétionnaire. Nous avons alloué cette quantité, mais en même temps, nous avons reconnu que des investissements considérables avaient été faits. Par conséquent, bien que les quotas nécessaires ne soient pas disponibles, le ministre a déclaré qu'au fur et à mesure que de nouveaux quotas se libéreraient (grâce à la prime sur le prix de déclenchement) il les allouerait non pas à l'ensemble de l'industrie, mais en priorité aux nouveaux arrivants dont vous avez parlé. Il s'agit des nouveaux arrivants qui n'ont pas obtenu ce qu'ils avaient demandé et qui peuvent se trouver dans une situation financière difficile.

Voilà donc ce que nous avons fait. Dès que la prime sur le prix de déclenchement pour ce trimestre devient disponible, les 92 millions de dollars, le ministre a l'intention de les allouer, cas par cas, aux compagnies dont vous avez parlé.

C'est un problème. Je reconnais que c'est un problème. C'est un problème dont nous allons discuter avec l'industrie en janvier, parce que nous avions besoin de 400 ou 500 millions de pieds linéaires de plus.

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Sauvageau: Merci beaucoup.

Je ferai d'abord un commentaire à l'honorable secrétaire parlementaire responsable du commerce international. Vous avez parlé des documents explicatifs concernant l'attribution de quotas qui ont été déposés il a trois ou quatre semaines. Bien humblement et bien gentiment, je vous demanderais si vous en avez des copies en français parce que cela nous ferait plaisir de les voir et de les lire étant donné qu'on ne les a jamais eus.

Deuxièmement, au niveau de l'attribution des quotas, vous avez affirmé qu'il y avait eu des problèmes, mais que vous n'aviez pas eu l'ensemble des informations et que certains grossistes avaient pu s'infiltrer, ce qui fait que, comme l'on dit tantôt les collègues réformistes, cela a créé certaines injustices ou plusieurs injustices pour les compagnies qui avaient investi beaucoup.

Puisqu'on a affirmé tout cela et qu'on a déclaré que des erreurs avaient pu se glisser, est-ce qu'il y a un processus d'appel ou un processus de correction qui sera mis en branle rapidement? Ou est-ce qu'on va faire un discours politique et déclarer qu'on va se pencher sur la situation, créer des sous-comités et, l'année prochaine, dire à ceux qui ont fait faillite que, vraiment, on s'est trompés?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur MacDonald.

M. MacDonald: Deux choses. Premièrement, vous parlez de mes observations sur les informations qui sont loin d'être complètes, mais ces informations nous avaient été données par l'industrie. Au ministère, nous avons mis les bouchées doubles, nous avons fait venir des experts d'aussi loin que Genève, des experts en matière de gestion des systèmes de quotas. Je peux vous assurer que le personnel de mon bureau parlementaire et moi-même avons travaillé pendant 38 jours sans interruption. Nous n'avons pas manqué un seul jour. Nous avons travaillé tard le soir pour essayer de structurer un système de gestion équitable.

D'après l'entente, ces quotas devaient être alloués au plus tard le 1er octobre. Au lieu de procéder au hasard, sur la base d'informations incomplètes, le ministre avait décidé d'envoyer des lettres de quotas, mais de ne pas annoncer le quota officiel pour le mois d'octobre. Pendant tout le mois d'octobre, on a envoyé des vérificateurs officiels s'assurer de l'exactitude des données que nous possédions, des données qui nous semblaient douteuses. Ils ont vérifié et corrigé ces données et les ont inscrites dans le système. Autrement dit, les allocations définitives à la fin d'octobre reposaient sur les données les plus exactes que nous pouvions obtenir.

La procédure d'appel est la suivante: si une compagnie estime qu'on a utilisé des données erronées, elle peut contacter le ministère qui donne suite très rapidement. Pour les compagnies qui ont utilisé tout leur quota pendant les deux premiers trimestres... Certaines d'entre elles l'ont effectivement fait, parce que le prix était tellement élevé. Quand le bois-d'oeuvre se vend 500 $ après s'être vendu 300 $, si j'avais une scierie, je serais très tenté d'utiliser mon quota au maximum et le plus vite possible pendant que le prix est si élevé. C'est un marché instable et le prix peut toujours changer.

Certaines compagnies ont donc décidé délibérément d'expédier deux ou trois fois plus de bois que d'habitude à cause de ce prix très élevé. Comme nous étions un peu inquiets de la réaction, nous avons décidé...

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur MacDonald, pourriez-vous parler un peu plus lentement pour que les interprètes puissent vous suivre?

.1155

[Français]

M. Sauvageau: Je pense avoir entendu la réponse. Si j'ai bien compris, lorsqu'une entreprise n'est pas satisfaite, elle vous appelle. C'est ça?

[Traduction]

M. MacDonald: Monsieur le président, la réponse est longue car le sujet est très complexe.

M. Sauvageau: S'il vous plaît...

Le président suppléant (M. Flis): Un peu d'ordre, s'il vous plaît.

Je dois vous prévenir tous: le timbre retentit, je vais prolonger la séance jusqu'à 12 h 05 et je vous demande de donner des réponses très courtes.

Si vous pouviez terminer, monsieur Sauvageau, je donnerai ensuite la parole à M. Gilmour.

[Français]

M. Sauvageau: Si vous vous rendez compte que des grossistes ont obtenu des quotas trop importants, seront-ils retirés et redistribués à des producteurs qui ne sont pas grossistes?

[Traduction]

M. MacDonald: C'est ce qui a été fait. Les grossistes n'ont pas reçu de quotas. Nous les avons redistribués aux industries primaires.

En ce qui concerne la procédure d'appel, les gens qui considèrent avoir été traités injustement peuvent se faire entendre très rapidement. Pour ceux qui ont déjà épuisé leur quota, nous avons même une banque de quotas, un programme unique, une chose qui ne s'est jamais faite dans un système de quotas, et qui les empêche de se heurter à un cul-de-sac. Ils sont autorisés à puiser dans leur quota de l'année suivante.

[Français]

M. Sauvageau: Il n'y a donc pas de grossistes pénalisés?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Flis): Excusez-moi. Monsieur Gilmour, je vous en prie.

M. Gilmour (Comox - Alberni): Merci, monsieur le président.

Ce que l'industrie a accepté, c'est une réduction de 9 p. 100 par rapport au niveau record de 1995. C'est ce à quoi l'industrie s'attendait. Toutefois, et cela est confirmé par nos recherches et également par les recherches de Weetman, les quotas qu'ils obtiennent sont de 25 à 35 p. 100 inférieurs à ce qu'ils attendaient, et non pas de 9 p. 100 inférieurs.

Voilà ce qui inquiète l'industrie. Voilà la raison pour laquelle ils se heurtent à de tels problèmes, c'est parce que la baisse des quotas est bien supérieure à la baisse de 9 p. 100 qu'ils attendaient. Êtes-vous en mesure de nous dire que les 14,7 milliards moins la marge de 2 p. 100 ont été alloués, ou bien reste-t-il une marge tampon? Dans ce cas, de combien est-elle?

M. MacDonald: Je vais vous dire précisément ce qu'il en est. Je vais vous citer des chiffres. L'allocation de base a été fixée à 14,7 milliards. Nous avons élaboré un modèle moins les nouveaux arrivants, et nous l'avons situé à 2 p. 100, conformément à l'entente avec l'industrie pour les nouveaux arrivants. Cela représentait 294 millions de pieds linéaires.

Nous avons dû procéder à un ajustement de transition unique parce que les excédents ne sont pas admis. Pendant les deux premiers trimestres, comme nous n'avions pas de quotas, la frontière a été prise d'assaut. Nous avons donc dû faire des ajustements pour ramener la situation à zéro au moment de la mise en place du système de quotas. Nous avons eu besoin de 170 millions de pieds linéaires pour cet ajustement.

Ensuite, il y a une réserve de transition de 50 millions. C'est la seule marge que nous ayons. Elle doit servir aux anomalies, aux situations particulièrement difficiles.

Par conséquent, l'allocation totale pour cette première année est de 14,186 milliards à cause des ajustements qui ont été effectués. L'année prochaine, elle sera de 14,7 milliards. Ces ajustements se font une seule fois, pour la période de démarrage. Nous avons alloué tout ce qui était disponible.

Si nous avons eu des problèmes, c'est en partie parce que les industries primaires ont omis de déduire les 14 p. 100 environ qui avaient été alloués aux industries secondaires dans tout le pays. Certaines grosses compagnies sont venues nous voir. Chaque fois qu'elles en manifestent le désir, elles peuvent venir nous parler de leur quota. La plupart repartent en disant: oh, nous avions oublié de déduire l'allocation nationale de 14 p. 100 pour les industries secondaires.

En fait, tout le monde en voudrait plus, mais si vous vous penchez sur les chiffres - des chiffres que nous avons déposés à la Chambre et que je vous soumettrai avec plaisir avec des informations supplémentaires si vous le souhaitez - c'est une formule mathématique. En fin de compte, tout le monde voudrait plus de quotas, nous le savons, mais nous avons 14,7 milliards. Nous discuterons avec les associations industrielles qui nous diront si elles souhaitent voir la méthode changer. Si elles nous proposent quelque chose d'équitable et de raisonnable, nous l'accepterons.

M. Gilmour: Pourriez-vous nous donner cette liste détaillée que vous venez de parcourir?

M. MacDonald: Certainement.

M. Gilmour: Vous nous dites catégoriquement que tous les quotas ont été alloués et qu'il ne reste pas de marge.

M. MacDonald: La seule marge dont nous disposons, ce sont les 50 millions. Nous avons les 50 millions, et c'est une réserve uniquement pour la période de transition. Nous nous occupons de rectifier les erreurs de données, les cas où les compagnies nous ont donné des informations qui ont dû ensuite être corrigées. Certaines compagnies ont soumis leurs demandes en retard. Ce qui restera de cette réserve au 1er janvier sera versée dans le système. Nous ne voulons pas d'une banque de quotas.

Nous en avions besoin pour le premier trimestre, mais ce qui restera au 31 décembre retournera dans le système pour être réparti au prorata.

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Le président suppléant (M. Flis): Y a-t-il d'autres questions?

M. White (Fraser Valley-Ouest): Merci, monsieur le président.

Je suis d'une région où toute cette entente a posé de graves problèmes. Jusqu'à présent, j'ai compté environ 400 employés qui perdent leur emploi. Cela a eu des répercussions graves sur notre région. Dans cette même région, l'industrie laitière est très présente, et tout ce système de quotas est en train de changer.

Ce qui est ironique, c'est que l'exploitation forestière est un des derniers secteurs à vraiment suivre les lois du marché, et voilà qu'on impose à cette industrie un système de quotas, ce qui ne s'était jamais fait. C'est probablement un des derniers marchés véritablement libres qui restaient.

Comment peut-on ignorer que ces quotas vont finir par devenir un produit d'échange, comme ils le sont devenus dans l'industrie laitière, un produit en soi, et comment pouvez-vous concilier ces deux situations, d'une part le fait qu'on impose un système de quotas à une des plus grosses industries du pays et, d'autre part, le fait que le secteur laitier cherche actuellement à se débarrasser de ces mêmes quotas?

M. MacDonald: Deux choses.

Premièrement, vous pourriez parler à l'association industrielle de Colombie-Britannique et lui demander pourquoi elle était en faveur d'un système de quotas. Cette association de Colombie-Britannique représente des gens qui sont responsables de 59 p. 100 des exportations, c'est une proportion très importante, et c'est une des parties qui a le plus insisté pour avoir une entente accessoire et un système de quotas.

Je ne sais pas ce qu'ils en pensent après un an d'expérience, ils ont peut-être changé d'avis, mais c'est justement la raison pour laquelle nous avons ce mécanisme de consultation. Nous avons l'intention d'écouter les associations au fur et à mesure que la situation évolue.

En second lieu, il y a la notion de commerce et de quotas, et c'est une des préoccupations que nous avions, Randy. Nous ne voulions pas que cela devienne un produit. C'est ce qui s'est produit dans le secteur des pêches, c'est ce qui s'est produit en Colombie-Britannique avec les oeufs de harengs: on a, ni plus ni moins, loué les permis. Vous avez ces agents, confortablement assis dans leur fauteuil, et ils font tous les bénéfices. Notre système prévoit des règles très strictes en ce qui concerne le transfert des quotas.

En fait, une des raisons pour lesquelles les grossistes n'ont pas eu de quotas, c'est que si on considère la valeur de leurs actifs de grossistes, si en plus on leur accorde un quota, cela devient extrêmement tentant: une grosse scierie primaire pourrait fort bien les racheter uniquement pour avoir leurs quotas. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de ne pas leur donner de quotas.

Il est certain que le système administratif est très complexe. Cette année, nous allons émettre plus de 550 000 permis. Pour tous les autres produits à quotas, nous avons émis un total de 450 000 permis: avec ce projet, il y aura plus du double de permis.

Le président suppléant (M. Flis): Excusez-moi, je vais devoir couper la parole à M. White car M. Duncan a une question.

M. Duncan (North Island - Powell River): Très rapidement, j'aimerais apporter une précision au sujet de l'organisme avec lequel vous traitez en Colombie-Britannique. Si je ne me trompe pas, il représente 59 p. 100 des exportations, mais la majeure partie de ces exportations partent outre-mer, et non pas aux États-Unis.

M. MacDonald: Je parlais de 59 p. 100 des exportations à destination des États-Unis, pour les quatre provinces en cause, qui viennent de Colombie-Britannique.

M. Duncan: Mais les activités de l'organisme COFI sont très centrées sur la côte. Avant toutes ces menaces de mesures compensatoires au début des années 1980, la majeure partie de la production côtière était encore expédiée vers les États-Unis. Aujourd'hui, la majeure partie de ces exportations partent vers l'Orient parce qu'ils ont fini par se réveiller.

C'est un marché libre où n'existe pas ce concept d'office de commercialisation. Cela va être un gros problème.

J'aimerais revenir un instant sur les chiffres.

M. MacDonald: Certainement.

M. Duncan: Vous avez dit au début que 628 millions de pieds linéaires avaient été réservés, et que cela n'avait pas été suffisant pour les nouveaux arrivants. Vous avez dit que ces nouveaux arrivants représentaient en réalité 1,2 milliard de pieds linéaires.

M. MacDonald: C'est ce qu'ils avaient demandé, si vous allez au fond des choses.

M. Duncan: Mais j'ai cru comprendre que vous aviez réglé cette situation?

M. MacDonald: Non.

M. Duncan: D'accord. Vous avez donc ces 628 millions, ces 2 p. 100 pour les nouveaux arrivants...

M. MacDonald: Cela en fait partie.

M. Duncan: C'est en plus?

M. MacDonald: Non, cela en fait partie.

M. Duncan: Cela en fait partie.

M. MacDonald: Voilà comment nous nous y sommes pris; nous avons réservé 294 millions de pieds linéaires. L'industrie a annoncé qu'elle prendrait 2 p. 100 du total des 14,7 milliards. Nous avons ajouté à cela les deux primes pour prix de déclenchement, c'est-à-dire 184 millions de pieds linéaires. Nous savions que nous obtiendrions la prime pour prix de déclenchement pour les deux premiers trimestres parce que les prix étaient tellement élevés. De plus, nous avons eu aussi 150 millions de pieds linéaires avec des droits de 50 $, et voilà comment nous sommes arrivés au chiffre de 628 millions.

Le président suppléant (M. Flis): Monsieur le secrétaire parlementaire, je dois malheureusement interrompre le débat, mais auparavant, je tiens à remercier les membres du Parti réformiste d'avoir attiré l'attention du comité sur cette question. Je remercie également le secrétaire parlementaire et les gens du ministère qui, en dépit du peu de temps dont nous disposions, sont venus jeter une certaine lumière sur cette question.

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M. MacDonald: Monsieur le président, puis-je demander quelque chose? Si certains membres du comité ont connaissance de cas précis, et je sais qu'ils en ont, je me ferai un plaisir d'en discuter avec eux.

Le président suppléant (M. Flis): La séance est levée.

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