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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 octobre 1996

.1125

[Traduction]

Le coprésident (M. Graham): Nous recevons aujourd'hui le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Je vous remercie beaucoup, messieurs, d'être venus ce matin.

Nous allons maintenant tenir une séance mixte du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, d'une part, et du Comité permanent de l'agriculture, d'autre part. Le président du Comité permanent de l'agriculture, M. Vanclief, est à mes côtés, ainsi que divers membres de ce comité.

Je crois savoir que vous aviez prévu une rencontre avec le ministre mais qu'à cause du remaniement ministériel la rencontre a dû être annulée. Cela me désole mais, en contrepartie, nous sommes heureux de pouvoir vous rencontrer ce matin.

Je précise que le comité a tenu une séance sur la sécurité alimentaire mondiale en prévision du Sommet mondial de l'alimentation il y aune dizaine de jours. Cela a été très intéressant pour nous et nous sommes donc heureux de pouvoir relancer la discussion sur un plan un peu plus technique. Je vous remercie d'être venus.

Nous ne disposons que d'une quarantaine de minutes. Je vous demanderais donc de faire une courte introduction, après quoi les députés pourront vous poser des questions ou procéder à un échange de vues.

M. Per Pinstrup-Andersen (Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale): Merci beaucoup, monsieur le président.

Mesdames et messieurs les députés, c'est un honneur et un plaisir pour moi de pouvoir comparaître devant les deux comités réunis en séance mixte. C'est d'autant plus vrai en raison de l'immense importance de la participation du Canada à l'échelon international aux efforts en vue d'assurer la sécurité alimentaire de tous et de veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour permettre aux pauvres de la Terre de s'alimenter mieux.

Je tiens à souligner le rôle non seulement important mais essentiel que joue le Canada dans l'un des principaux efforts de développement en vue de réaliser la sécurité alimentaire sans altérer le milieu. Voici le groupe que je représente ici aujourd'hui, le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale. Le Canada était l'un des membres fondateurs de cette initiative lancée il y a 25 ans et il continue d'être un partenaire essentiel de cette entreprise.

Monsieur le président, j'aimerais prendre trois ou quatre minutes pour discuter des grands problèmes reliés à la sécurité alimentaire et à la malnutrition.

La poussée démographique que nous allons connaître au cours des 25 prochaines années, associée à l'augmentation du revenu dans un grand nombre de pays en développement - certainement en Asie, en Amérique latine et, nous l'espérons, en Afrique - conjuguée à l'urbanisation croissante et à l'évolution des modes de vie, feront que la demande d'aliments augmentera d'environ 80 p. 100 dans le monde en développement d'ici à l'an 2020. Je parle ici de la demande de céréales. La demande de plantes-racines augmentera à peu près d'autant et celle de la viande augmentera de 160 p. 100, chiffre renversant s'il en est, au cours des 25 prochaines années.

Cette augmentation de la demande alimentaire mondiale peut être satisfaite et elle peut aussi l'être sans augmentation spectaculaire du prix réel des aliments. Toutefois, si l'on maintient le statu quo, cela s'accompagnera fatalement de la dégradation des ressources naturelles, comme le déboisement, qui survient au rythme de 1 p. 100 environ par an dans les forêts tropicales. Cela se fera au prix d'une dégradation plus aiguë des sols et de la consommation mal avisée de l'eau, à moins que nous ne changions notre façon de faire. De là l'importance primordiale du Sommet mondial de l'alimentation. C'est pourquoi également la contribution du Canada à ces efforts, notamment dans le domaine de la recherche agricole, est si importante.

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Les échanges commerciaux vont se multiplier. Les pays en développement ne seront pas capables de répondre à l'augmentation de la demande alimentaire dont je viens de parler. Nous estimons que les pays en développement doubleront au bas mot leur importation de céréales d'ici à l'an 2020 et leur importation de viande se multipliera environ par vingt... je ne parle pas d'une augmentation de 20 p. 100 mais bien d'une multiplication par vingt. Il y aura donc un immense marché dans les pays en développement pour les produits agricoles et d'autres biens et services.

Mais cela dépendra beaucoup de l'ampleur de l'aide que nous apporterons aux pays en développement. La croissance économique rapide s'accompagnera d'un accroissement des recettes consacrées au commerce. Cela nous ramène à la question initiale, à savoir la nécessité de continuer à investir dans les mesures appropriées, notamment la recherche agricole.

On a estimé que pour chaque dollar consacré par le Canada ou mon pays, le Danemark, ou les États-Unis, à la recherche agricole pour les pays en développement, ces pays augmentent leurs importations de 4 $. L'aide étrangère à la recherche agricole et à ses activités connexes est donc un investissement. Un investissement dans notre avenir commun puisque si la mondialisation se réalise, nous ne pourrons pas rester indifférents aux millions d'habitants de la planète qui mourront de faim et aux centaines de millions de plus d'affamés. Ce n'est pas cela qui va assurer la stabilité internationale. De plus, nous pouvons investir dans l'accroissement du commerce dans l'intérêt réciproque du Canada et des autres pays.

Je voudrais ajouter une autre chose. Le rôle de l'agriculture comme moteur de l'économie des pays en développement à faible revenu a été sous-estimé depuis 10 ou 15 ans dans de nombreux pays, y compris au Canada j'imagine. Dans les années soixante et au début des années soixante-dix, on a investi en Asie de l'Est et du Sud-Est pour faire décoller l'agriculture. Aujourd'hui, ces placements rapportent sous forme de croissance économique rapide dans ces pays et une accélération des échanges commerciaux, y compris les importations en provenance des pays industrialisés.

Pour une raison que j'ignore, on n'a pas tiré des enseignements de cette expérience pour les pays en développement à faible revenu d'aujourd'hui. Il faut les aider à faire décoller leur agriculture. Pour tous les pays dont j'ai jamais entendu parler, à l'exception de Singapour, si le secteur agricole est stagnant, l'économie est stagnante. C'est une phase que traverse les pays. C'est moins important aujourd'hui pour la Corée et Taïwan et d'autres pays en développement à revenu élevé, mais ça s'explique par le fait que les investissements ont été consentis dans les années 60 et 70.

Le message que je voudrais donc vous laisser, c'est que le renforcement de la coopération avec le pays en développement doit contribuer à atténuer la pauvreté et, je l'espère, la faire disparaître. Elle aidera les petits enfants à grandir comme il faut. C'est cela l'objectif de l'aide étrangère, n'est-ce pas? Mais aujourd'hui, on parle beaucoup plus de coopération avantageuse pour les deux parties. C'est pourquoi l'aide étrangère ne doit plus être vue comme une aumône. C'est un investissement dans tout ce que j'ai énuméré, y compris dans notre propre avenir économique.

Comme vous le voyez, monsieur le président, c'est un sujet sur lequel je pourrais m'étendre pendant des heures. Il n'est dans l'intérêt de personne que je le fasse, et je vais donc m'arrêter ici. Je vous serais toutefois très reconnaissant de me laisser inviter un de mes collègues, M. Michel Petit de la Banque mondiale, à dire quelques mots à propos de l'interaction au niveau international. Auparavant, cependant, j'aimerais dire quelques mots sur l'organisation que je vous présente.

.1135

Le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale est un regroupement d'une cinquantaine d'organisations gouvernementales nationales et internationales. Le Canada fait évidemment du groupe. Il appuie l'oeuvre de 16 centres internationaux de recherche agricole répartis dans le monde, la plupart situés dans des pays en développement.

Nos travaux sont guidés par des priorités bien définies, mais l'objectif premier est d'aider les pauvres à sortir de la pauvreté - atténuer la pauvreté, la malnutrition et la précarité alimentaire. À cette fin, nous collaborons avec les institutions nationales des pays en développement ainsi qu'avec de nombreuses institutions des pays industrialisés, comme le Canada.

Je vais m'arrêter ici. Nous avons des documents que nous serons heureux de vous remettre et qui vous donneront plus de précisions. Nous serons heureux de répondre à vos questions, monsieur le président. Mais si vous me le permettez, j'aimerais céder la parole à M. Petit.

Le coprésident (M. Graham): Merci, monsieur Pinstrup-Andersen. Comme vous êtes le directeur général du Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale, je suis certain que vous pourriez nous en parler longuement, mais nous vous demandons plutôt d'être bref. Je suis sûr qu'on vous posera des questions fort intéressantes.

Oui, monsieur.

[Français]

M. Michel Petit (directeur de la recherche agricole et du développement écologiquement durable à la Banque mondiale, Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, je parle au nom de la Banque mondiale, où je suis responsable du groupe d'appui à la recherche agronomique. Laissez-moi vous dire brièvement que la Banque est très fière d'avoir participé à la création du GCRAI et de continuer à soutenir ce groupe. Nous pensons que c'est l'une des grandes réussites de l'aide au développement dans tous les domaines.

Cependant, nous sommes un peu inquiets parce que, malgré le Sommet mondial de l'alimentation qui se tiendra bientôt, l'agriculture a perdu un peu de sa classe dans les débats et de visibilité dans les débats relatifs au développement. On oublie un peu trop ce que M. Pinstrup-Andersen vient de nous dire, c'est-à-dire que le développement de l'agriculture dans les pays en voie de développement est absolument critique si l'on veut lutter contre la pauvreté, assurer la sécurité alimentaire et lutter contre l'exclusion sociale ou la marginalisation, ceci tout en protégeant l'environnement. Notre président, M. Wolfensohn, a pris conscience de ce problème et a replacé très haut le développement rural dans l'ordre du jour des problèmes de développement.

La deuxième source d'inquiétude est le parti pris urbain, ce que nous appelons dans notre jargon le «biais urbain». Beaucoup des politiques économiques, politiques macroéconomiques, politiques de change, politiques fiscales et politiques de protection aux frontières exercent une discrimination envers l'agriculture dans de nombreux pays en voie de développement. Il incombe à la communauté internationale d'amorcer un dialogue pour essayer de convaincre et de corriger ce «biais urbain».

Dans cette perspective, nous sommes convaincus que le soutien à la recherche agronomique est absolument essentiel, et mon message, si vous me le permettez, est de vous demander le soutien continu du Canada à cet effort.

La Banque est très heureuse d'avoir collaboré avec des représentants canadiens éminents. Un des fils de ce pays, Maurice Strong, est responsable du nom CGIAR et je suis fier d'être maintenant un de ses collègues à la Banque.

Nous sommes un peu inquiets en ce qui concerne la situation au Canada. Nous savons que, comme beaucoup de pays, vous avez des difficultés budgétaires. Néanmoins, nous espérons que, dans la perspective d'un partenariat conscient des interdépendances, comme l'a dit exactement Per Pinstrup-Andersen, la recherche agronomique constitue éventuellement l'un des domaines où l'on puisse le mieux montrer et mettre en oeuvre des procédures, des arrangements permettant, par des partenariats très divers, de mobiliser à la fois les forces vives, la communauté scientifique canadienne, les chercheurs des pays en voie de développement et les chercheurs des centres internationaux représentés ici, dans l'intérêt à la fois de la lutte contre la pauvreté et de l'agriculture canadienne, par exemple pour la conservation des ressources génétiques, laquelle est dans l'intérêt de toute l'humanité.

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Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Graham): Merci beaucoup, monsieur Petit.

[Traduction]

Monsieur Calder.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Merci, monsieur le président.

Messieurs, avec mon collègue Wayne Easter, je me trouvais à Washington en 1994 pour participer à Vision 2020. Monsieur Andersen, je me souviens de votre allocution. Je me souciais alors des mêmes choses qu'aujourd'hui.

Je prends souvent la parole devant des citadins, et l'une des analogies que j'adore faire, c'est de représenter la terre sous la forme d'une pomme. De cette pomme, je retire une tranche équivalente à un trente-deuxième du fruit et je jette le reste, qui représente les océans, les chaînes de montagne, les déserts, les villes, les routes, par exemple. Si l'on pèle ensuite cette tranche qui reste, cela équivaut aux terres agricoles de catégorie un et de catégorie deux à partir desquelles on nourrira en l'an 2020 les 8 milliards de personnes dont vous parlez.

Vous avez dit que la consommation de viande va augmenter de 160 p. 100, et cette augmentation sera probablement en grande partie due au fait que l'on constate une urbanisation constante en Chine et qu'on y délaisse les céréales en faveur de la viande. Quand nous en serons à l'an 2020, nous calculerons sans doute le pourcentage de protéines à l'acre plutôt que par tonne. C'est un facteur majeur.

Je pense que c'est en grande partie une question de responsabilité. Je suis éleveur de volailles et j'en élève autant que je peux. Je suis en faveur de la banque de céréales. Je cède tout excédent qui peut contribuer à nourrir les affamés du monde. Quand nous étions là-bas en 1994, je me souviens que la présidente de l'Ouganda avait dit que son pays avait augmenté sa production de café et qu'il était maintenant au cinquième rang des grands producteurs de café du monde. Cela m'avait paru impressionnant. Je lui ai demandé sur quel type de terre on produisait ce café, et elle m'avait répondu qu'on utilisait les meilleures terres agricoles. Je lui ai alors demandé sur quel type de terre les Ougandais produisaient leurs produits agricoles. Naturellement, on semblait s'intéresser plus à enregistrer des profits qu'à nourrir les gens du pays. C'est un sujet d'inquiétude.

Comment amener ces pays du tiers monde à adopter chez eux des mesures qui favorisent la conservation des sols et de l'eau?

Le coprésident (M. Graham): Vous êtes persuadé que nous le faisons bien ici, n'est-ce pas?

M. Calder: Je le crois.

M. Pinstrup-Andersen: Monsieur le président, je pourrais essayer de répondre tout au moins partiellement à la question et demander à mes collègues s'ils aimeraient ajouter quelque chose.

D'abord, je pense que pour convaincre les paysans ougandais de produire des denrées alimentaires pour leurs concitoyens plutôt que du café destiné au marché européen, il faut aider ces paysans à produire davantage d'aliments par unité de terre agricole. Il deviendra alors plus rentable de cultiver du maïs ou toute autre denrée qu'un paysan ougandais pourrait produire, que de cultiver du café.

L'un des problèmes auxquels nous faisons face maintenant tient au fait qu'on a mené beaucoup de recherche sur le café au fil des ans, et que le café peut s'avérer extrêmement productif et rapporter un revenu très élevé aux producteurs. Il n'y a rien de mal à cela dans la mesure où le producteur est un petit paysan qui utilise cet argent pour nourrir sa famille. Mais on a fait très peu de recherche sur les cultures vivrières que doit produire le paysan ougandais pour nourrir ses concitoyens.

Ce que nous essayons de faire, entre autres choses, tant à l'intérieur du système que nous représentons que dans les systèmes nationaux de recherche agricole en Ouganda et ailleurs, c'est de rétablir cet équilibre pour permettre aux agriculteurs de gagner plus d'argent en produisant des cultures vivrières que du café. Il nous faudra peut-être alors nous résoudre à boire du thé ou une autre boisson, mais on pourra s'arranger. Il me semble qu'en matière de production alimentaire, ce qu'il faut viser ce sont des hausses de productivité.

.1145

[Français]

Le coprésident (M. Graham): Monsieur Paré.

M. Paré (Louis-Hébert): Dans les témoignages que nous entendons au Comité des affaires étrangères et du commerce international, lorsqu'il est question de l'aide publique au développement et de la coopération internationale, on souligne souvent l'importance de la participation des femmes au développement dans les pays en développement. Je suis donc surpris de constater qu'aucune femme ne fasse partie des témoins que nous accueillons aujourd'hui. En inviter à faire partie de votre délégation, lors de prochaines comparutions, serait sans doute une heureuse initiative. Mais là n'est pas l'essentiel de mon propos.

On reconnaît habituellement que le problème de la pauvreté dans le monde n'en est pas un de ressources, mais de répartition.

D'autre part, il faut constater que dans les pays développés, les budgets pour l'aide publique au développement diminuent constamment. C'est le cas au Canada, comme dans beaucoup d'autres pays. On a un peu l'impression qu'en établissant désormais des relations commerciales et en libéralisant les marchés, on va régler tous les problèmes. C'est, en somme, le message universel qu'on diffuse actuellement.

Pour démontrer que ce n'est pas un problème de ressources, je prendrai l'exemple de ce qu'on se prépare à faire dans des pays développés, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. On se prépare à expérimenter l'utilisation des céréales pour fabriquer de l'éthanol. Cela me semble de la bêtise caractérisée que de faire une telle expérience alors qu'il y a des gens qui meurent de faim. Ce n'est donc pas toujours une question de ressources.

Je rappelle en terminant qu'en Chine, avec 6 p. 100 des terres agricoles, on a réussi jusqu'à maintenant à nourrir plus ou moins le quart de la population. Alors, à mon point de vue, le véritable problème... Je vous pose plutôt la question. Est-ce que la véritable question n'est pas de savoir comment conscientiser les pays développés par rapport au partage de la richesse?

[Traduction]

M. Pinstrup-Andersen: Monsieur le président, il me semble que cette sensibilisation est extrêmement importante, mais permettez-moi de parler d'abord de la pauvreté ou de la distribution par rapport à la production, parce que cela me semble une question très importante.

Prenons un exemple. Une femme pauvre d'Afrique tente de produire de quoi nourrir ses six enfants sur un tout petit lopin de terre. Elle y parvient de temps à autre, mais chaque fois que des insectes se mettent de la partie, elle n'y arrive plus, les enfants sont mal nourris, et il arrive que certains meurent. La sécheresse frappe aussi à l'occasion. C'est un milieu extrêmement hostile. Elle n'a probablement pas de débouchés où vendre ses produits.

Ce qu'il faut à cette paysanne qui a un très faible revenu, c'est d'avoir accès à des marchés et à des intrants, mais auparavant, il lui faut avoir accès à un type de technologie qui lui permettrait de produire davantage sur le lopin qu'elle possède. C'est là que le lien entre la production et l'éradication de la pauvreté entre en jeu. C'est à ce niveau que le système fonctionne. On essaie de fournir aux millions de petits paysans, dont la plupart sont des femmes... Et je regrette qu'il n'y ait pas une meilleure parité entre hommes et femmes au sein du GCRAI ni au sein du présent comité. Nous allons y travailler.

Or c'est là que le lien s'opère. Il me semble donc qu'il ne s'agit pas d'accroître la production alimentaire au niveau mondial. L'autre question qui se pose aussi, et je pense que nous pouvons probablement y parvenir avec l'aide du Canada et de nombreux autres pays exportateurs c'est vraiment de voir comment nous pouvons aider les 80 p. 100 de pauvres du monde entier qui vivent dans des zones rurales et dépendent directement ou indirectement de l'agriculture. Nous les aidons en améliorant la productivité des petits paysans. De ce fait, la situation du revenu s'améliore dans le reste de la zone rurale et par conséquent dans la zone urbaine.

Le cas de la Chine est tout à fait remarquable, où, vers la fin des années 70, grâce à des changements de politique et des changements technologiques dans le secteur agricole, on a dans un premier temps accru massivement la production et le revenu du secteur agricole, ce mouvement a été très rapidement suivi sur le plan de l'emploi et de la production de revenus à l'extérieur du secteur agricole parce que les agriculteurs avaient de l'argent à dépenser.

.1150

Voilà le genre de moteur qu'il faut mettre en marche. C'est pourquoi je pense que la production et l'éradication de la pauvreté iront de pair si nous nous y prenons bien. Si nous nous y prenons mal, nous pourrons avoir une forte production mais aussi un très grand nombre de pauvres. En fait, c'est précisément ce que nous constatons maintenant. Il y a 1,3 milliard de gens qui gagnent moins de 1 $ par jour. Il y a 800 millions de personnes qui sont mal nourries.

Pourtant le prix réel des denrées alimentaires sur le marché international diminue, ce qui donne l'impression que tout va bien. Ce n'est pas le cas. Nous nous y prenons très mal. Un très grand nombre de gens ne peuvent pas accéder au marché et livrer concurrence pour ces denrées alimentaires. C'est pourquoi les cours tombent.

Je m'en tiendrai là, monsieur le président, parce que mes collègues m'en voudront si j'accapare la conversation.

Le coprésident (M. Graham): C'est parce que vous voyagez avec une cohorte d'hommes, voyez-vous...

Des voix: Oh, oh!

Le coprésident (M. Graham): ...et que vous devez penser à parer tous les coups.

M. Pinstrup-Andersen: Vous avez sans doute raison.

Le coprésident (M. Graham): S'il n'y a rien à ajouter,

[Français]

Monsieur Petit, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Petit: Je serais heureux de répondre à la question sur la libéralisation et de faire un commentaire, incidemment, sur la production de café en Ouganda. Il me semble que d'une façon générale, la tendance à la libéralisation du commerce est quelque chose de très positif pour les pays en voie de développement et qu'ils en bénéficient, en termes d'une tendance générale. Cependant, il est clair que ce ne sera pas la réponse à tous les problèmes. Nous sommes bien d'accord là-dessus.

Il me semble que la libéralisation peut signifier pour les Ougandais que c'est probablement une bonne chose pour eux de produire du café, si c'est ce qu'ils peuvent vendre, parce qu'évidemment, ils auront besoin d'acheter beaucoup d'autres biens. Par ailleurs, le grand danger de la libéralisation, c'est que ce que nous appelons les biens publics dans le jargon des économistes, ce qui n'est pas produit par le marché, en particulier la recherche sur les cultures des pauvres et la protection de l'environnement, ne soient pas assurés convenablement par la recherche privée ou les développements privés.

C'est pourquoi l'effort du CGIAR, qui est essentiellement un effort public, est si important parce que sinon, nous n'aurons pas de recherches sur ce que nous appelons les cultures orphelines, orphan crops, par exemple. Le secteur privé ne va pas financer la recherche sur le manioc ou le cassave. Il le fera peut-être pour le maïs, le café ou le coton, ce dont on parlait tout à l'heure.

Donc, je ne pense pas que la libéralisation des échanges soit une mauvaise chose, et c'est un Français qui vous le dit en plus. La libéralisation des échanges est-elle une mauvaise chose? Au contraire, mais il faut en connaître les limites et être en mesure d'y apporter des correctifs. C'est l'appel que je vous lance. Merci.

[Traduction]

Le coprésident (M. Graham): Merci, monsieur Petit. Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): Oui, messieurs, j'ai quelques observations à faire. Je reviens à ce qu'a dit M. Calder tout à l'heure au sujet de la pomme et de la pelure de la tranche équivalente à un trente-deuxième de cette pomme.

Surtout en Amérique du Nord... Je prends ma propre ville en exemple. Nous venons tout juste de prendre une section des meilleures terres agricoles qui produisent 100 boisseaux à l'acre chaque année - et nous en avons réservé une autre section - pour en faire un site de décharge. Nous avons retiré de la production 32 sections de terres agricoles de première qualité - dont la couche de riche terre arable avait six pieds de profondeur - et nous bâtissons une ville là-dessus. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. C'est ce que je constate dans toutes les villes et toutes les localités que je visite tant ici au Canada qu'aux États-Unis. La superficie des terres que nous retirons de la production semble effarante, et je ne pense pas que nous ayons même commencé à examiner ce problème ni que nous soyons sur le point de le faire ni au Canada ni en Amérique du Nord ni ailleurs.

Et je considère une autre question intéressante; quand nous sommes allés dans le sud-est asiatique cet été, on nous a dit: «Nous achèterons tout le porc que vous pouvez produire et tout le boeuf que vous pouvez produire, il vous suffira de produire la qualité et la quantité dont nous avons besoin».

Dans ma circonscription, il y a une usine de conditionnement qui pourrait quadrupler sa production si elle pouvait trouver les cochons. Le problème, c'est que personne... Tout le monde essaie de prendre de l'expansion. Il y a aujourd'hui des élevages de porc qui ont des milliers et des milliers de truies. Ils veulent doubler, tripler ou même quadrupler - effectivement c'est possible - leur production, mais on ne leur accorde pas la permission environnementale. Ce sont des voisins dont personne ne veut.

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Si nous voulons approvisionner les huit milliards de personnes, peut-être même douze milliards de personnes, dont il est question, il va falloir nous attaquer à ce genre de problèmes. Les deux dont j'ai parlé sont pratiquement des problèmes universels, et il y en a beaucoup d'autres.

Y a-t-il des observations? C'est ce que j'ai pu observer. Est-ce que j'ai bien fait le tour de la question? Eh bien...

Le coprésident (M. Graham): On peut dire que l'Alberta n'est pas la seule région où l'urbanisation empiète de plus en plus sur des terrains agricoles précieux. On assiste au même phénomène en Ontario, et par conséquent, votre observation est très justifiée.

Peut-être ce monsieur a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Hubert Zandstra (directeur général, Centre international de la pomme de terre, Lima, Pérou): Je m'appelle Hubert Zandstra et je suis directeur du Centre international de la pomme de terre. Nous travaillons sur la pomme de terre et la patate douce. Cela dit, je connais la région dont l'honorable Bob Mills vient de parler, car j'ai travaillé sur ce type de sols à Melfort en Saskatchewan.

D'ailleurs, je considère que le problème de la disparition des terres agricoles et les torts que la production cause à l'environnement sont importants partout dans le monde. Toutefois, dans les pays en voie de développement, le problème ne tient pas à des excédents de fumier de porc, mais bien à un manque de moyens de production et de couvert végétal, à des problèmes d'érosion, à une perte de la biodiversité à cause d'une agriculture mal gérée et également manque de recherche dans le domaine agricole.

D'une certaine façon, c'est le contraire exactement de ce qui se produit ici où le problème tient à un excès de pollution; là-bas, c'est ce qui manque qui est problématique. Nous devons reconnaître, et pour sa part, le GCRAI le reconnaît, qu'il faut prendre des mesures pour rectifier les dommages causés aux ressources par la production, en particulier parmi ceux qui n'ont pas d'argent.

Ce sont les plus pauvres qui font du tort à l'environnement dans les pays en voie de développement, et c'est tourner le fer dans la plaie que de leur demander d'en prendre conscience et de faire mieux à l'avenir. Il faut commencer par augmenter leurs revenus avant de nous attendre à ce qu'ils améliorent l'environnement.

Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Graham): Merci, monsieur.

Monsieur Assadourian.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci beaucoup.

Monsieur le président, c'est la deuxième fois depuis deux semaines que nous discutons de l'alimentation. Je suis heureux de voir que cela devient un sujet d'actualité. Toutefois, cette fois-ci tout comme la dernière fois, personne n'a abordé la question des aliments tirés de la mer. Je ne sais pas pourquoi, car la mer offre d'excellentes possibilités de nourrir les gens qui ont faim dans le monde. Or, personne ici ne représente des organismes qui s'occupent des produits alimentaires tirés de la mer.

Sur la planète, les terres occupent un tiers de la surface et l'eau en occupe les deux tiers, mais les deux éléments ne sont pas exploités dans la même proportion. Est-ce que cela pose un problème, ou bien s'agit-il d'une insuffisance de la recherche? Que pouvons-nous faire pour améliorer la situation et pour produire plus d'aliments tirés de la mer?

M. Pinstrup-Andersen: Monsieur le président, c'est une question extrêmement importante.

Au Groupe consultatif sur la recherche agricole internationale, nous considérons que c'est un secteur particulièrement important qui nécessite de nouvelles recherches. Un nouveau centre a été créé il y a quelques années pour étudier spécifiquement les ressources aquatiques.

Certains des travaux effectués jusqu'ici visaient à déterminer si les pêches maritimes peuvent reprendre au point où l'on pourra augmenter la production. Comme vous le savez sans doute aussi bien que moi, la situation n'est vraiment pas prometteuse. Il est fort peu probable que les pêches maritimes produisent plus au cours des 25 années à venir, à cause de la surexploitation qu'on en a fait dans le passé. Bien sûr, dans une grande mesure, celle-ci est due à l'accès ouvert à la pêche et aux progrès technologiques très rapides dans le domaine des engins de pêche.

Il y a aussi quelques questions juridiques à l'échelle internationale pour savoir qui doit avoir accès à quelle partie des zones de pêche maritime. Il y a donc toutes sortes de questions à examiner en même temps que nous ferons des recherches biologiques pour essayer d'améliorer la productivité, tant de la pêche maritime que de l'aquaculture.

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Comme vous le savez, l'aquaculture a connu une croissance très rapide depuis 20 ans, et on se demande maintenant si elle continuera de pouvoir croître à l'avenir pour répondre à la demande de poisson. Selon nos propres projections, les prix du poisson augmenteront à l'avenir, contrairement à ceux de la plupart des autres denrées alimentaires. C'est donc une question sur laquelle nous devons nous pencher.

L'institut qui se penche tout particulièrement sur cette question s'appelle l'ICLARM. Il est situé dans les Philippines, et je suis heureux de pouvoir vous dire que c'est une femme, et une femme très compétente, qui en est la directrice générale.

Le coprésident (M. Graham): Merci, monsieur Pinstrup-Andersen. Monsieur Hoeppner.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Merci, monsieur le président. Je voudrais revenir à la question des pommes de terre.

Comme vous le savez, au Canada, on demande toujours aux agriculteurs de produire plus pour moins cher, mais quand le produit arrive sur les rayons des supermarchés, le prix augmente toujours. J'ai acheté un petit sachet de germes de blé rôti à l'aéroport il y a quelques mois. C'est quelque chose de nouveau. J'ai calculé ce que le prix de ce sachet représentait, et c'était 60 fois le prix que j'aurais obtenu pour le blé à la ferme. Une boîte de flocons de maïs coûte quelque chose comme 30 ou 40 fois le coût du produit de base. Comment pouvons-nous continuer à augmenter les coûts en ajoutant de la valeur au produit si nous voulons que les pays étrangers l'achètent? Comment pouvons-nous même demander aux agriculteurs d'autres pays de produire la même chose s'ils n'obtiennent pas un rendement convenable?

M. Pinstrup-Andersen: Il existe certains créneaux dans les pays en voie de développement pour les produits alimentaires dispendieux superconditionnés. Il me semble que mon propre pays, le Danemark par exemple, aurait avantage à explorer ces débouchés, et j'imagine que ce serait la même chose pour le Canada.

Dans la plupart des cas, les pays en voie de développement ne sont pas peuplés uniquement de gens dans la misère. Il y a un très grand fossé entre les riches et les pauvres, comme c'est le cas dans le pays où je réside maintenant dans le sud. Il existe cependant des créneaux dans la plupart des pays en voie de développement, en tout cas dans le sud-est et l'est de l'Asie, où l'on peut vendre des aliments superconditionnés à des prix raisonnables, je pense.

M. Hoeppner: Cela n'aide pas les pauvres.

M. Pinstrup-Andersen: Non, et cela n'aidera pas à résoudre le problème de la pauvreté.

M. Zandstra: Pour vous donner une idée de l'efficacité de la production, cela coûte environ 14c. américains, ou 18c. canadiens, pour produire un kilogramme de pommes de terre au Canada. Cela coûte environ 25c. dans le pays d'origine de la pomme de terre, c'est-à-dire au Pérou et dans la plupart des pays d'Amérique latine. Les systèmes de production au Canada sont très efficaces. Dans les pays en voie de développement, où l'on n'a pas accès à la technologie et à l'infrastructure, les systèmes de production sont faibles et le coût des produits alimentaires a tendance à être élevé.

Merci.

Le coprésident (M. Graham): Monsieur Terry.

M. Eugene Terry (directeur général de l'Association pour le développement de la riziculture à Bouaké, Côte d'Ivoire): J'imagine que certains de mes collèges hésitent à se lancer dans des questions de politique. C'est nettement une question qui a été soulevée au sujet de l'utilisation de bonnes terres agricoles pour la culture du café. Si certaines de ces terres ne sont pas utilisées pour les cultures vivrières c'est parce que ce sont les riches qui ont le pouvoir et non les pauvres.

Ce que je voudrais savoir, c'est quelle influence et quelles pressions vous pouvez exercer à titre d'hommes et de femmes politiques et de décisionnaires dans un pays qui est énormément respecté dans le reste du monde. Quelles pressions pouvez-vous exercer sur les dirigeants des pays du tiers monde pour que l'on commence à éliminer ces anomalies?

Le coprésident (M. Graham): Bien entendu, le Comité des affaires étrangères a énormément d'influence partout dans le pays et dans le monde entier, mais c'est très difficile pour nous d'exercer notre volonté sans aller au-delà de nos frontières, monsieur Terry. Je comprends cependant ce que vous voulez dire.

Selon moi, il s'agit d'éduquer les gens. Bon nombre des membres de notre comité ont voyagé à l'étranger et se sont entretenus avec les dirigeants d'autres pays. C'est l'un des aspects de notre travail et cela nous permet d'apprendre. Cela nous permet aussi de parler de notre propre expérience aux dirigeants d'autres pays et nous le faisons certainement. Ce que vous nous dites aujourd'hui enrichit notre bagage de connaissances. Quand nous rencontrons nos collègues dans d'autres pays, et nous nous rendrons sous peu dans l'ancienne Union soviétique, nous pourrons en parler aux dirigeants politiques. C'est pourquoi je pense que ce genre de réunion est très utile pour nous tous.

Vous avez cependant tout à fait raison de dire que nous ne pouvons pas exercer de pouvoir à cause de toutes sortes de contraintes.

Je vais donner d'abord la parole à M. Easter, ensuite à M. Hermanson, après quoi je pense que nous devrons...

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

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Pour être honnête, je pense que les pays eux-mêmes ont moins d'influence à l'époque de la mondialisation qu'auparavant. Notre monde politique, si je puis ainsi m'exprimer, se rétrécit de plus en plus pour ce qui est de pouvoir exercer une influence quelconque, alors que notre espace économique devient de plus en plus vaste. C'est de là que vient l'influence.

Je ne sais pas vraiment par où commencer, monsieur le président.

Monsieur Pinstrup-Andersen, je reconnais volontiers qu'il n'y aucun domaine où il serait préférable d'investir que celui de la recherche, même à l'échelle mondiale. Vous avez parlé de l'importance de collaborer dans l'intérêt de tous et je suis bien d'accord avec vous. Cependant, comme je l'ai déjà dit, nous vivons dans un monde où l'on ne parle même plus tellement de collaboration Vous êtes l'un des premiers à avoir employer ce mot depuis que j'ai été élu au Parlement. Le mot que nous entendons le plus souvent est «concurrence»; que le marché décide. Selon moi, la question-clé qu'il faut poser au sujet des recherches, de la nouvelle technologie et à peu près tout ce que nous faisons, surtout dans le Tiers monde, c'est qui contrôle tout cela et qui en profite.

Je fais partie d'un comité qui se penche sur la dignité du travail. La question est différente, mais je pense que c'est la même chose. Je voudrais vous lire un passage de l'oeuvre de Jeremy Rifkin, The End of Work. Il parle de la révolution technologique et du fait que cela représente d'énormes possibilités de transformation sociale mais aussi certains risques:

Je pense qu'il a tout à fait raison. Il y a le problème dont vous avez parlé pour le Tiers monde et qui a trait dans une grande mesure à la production agricole, mais il se pose de plus en plus un problème dans le monde industrialisé, où la technologie met des gens au chômage et élargit le fossé qui sépare les riches et les pauvres.

Nous nous élevons contre une situation contradictoire si l'on peut dire car en fin de compte, c'est le marché qui décide, et dans la question qui nous intéresse ici, pour être très honnête avec vous, le marché se fiche éperdument des gens ou de la pauvreté. C'est le dernier de ses soucis. Mais dans le monde d'aujourd'hui, les accords commerciaux internationaux étant ce qu'ils sont, c'est le marché - et non les politiciens - qui est le facteur absolument déterminant. Étant donné que ces deux politiques sont contradictoires, comment pouvons-nous, de nos jours, en tant que représentants du gouvernement canadien, lever cette contradiction, en défendant les intérêts de la population par rapport à ceux du marché? C'est une question simple.

Le coprésident (M. Graham): M. Easter n'a jamais fait ces observations auparavant.

M. Petit: Je propose une solution simple: appuyer le GCRAI.

M. Pinstrup-Andersen: Monsieur le président, sur une note plus sérieuse, cette question revêt une importance capitale. Nous devons concentrer nos efforts scientifiques sur les problèmes des pauvres. Sinon, je pense que l'honorable député a raison: il se peut fort bien que les riches s'enrichissent tandis que les pauvres s'appauvrissent. Nous sommes justement ici pour dire que nous pouvons utiliser la technologie et la science moderne pour régler les problèmes des pauvres, sinon cette tâche incombera au marché et au secteur privé, qui régleront certains problèmes des pauvres, mais assurément bien des problèmes des moins pauvres et des riches. Je pense que c'est extrêmement important. Nous devons aussi nous concentrer sur les soins de santé primaires, l'enseignement primaire, l'accès aux emplois et l'accès aux ressources pour les pauvres des pays en développement et des pays comme les nôtres.

À partir du moment où nous allons axer la recherche agricole sur l'augmentation des revenus et de la productivité des pauvres en milieu rural, je pense que nous aurons gagné le combat.

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Merci, monsieur le président.

Le coprésident (M. Graham): Permettez-moi de continuer dans le même ordre d'idées que M. Easter. Lors du Sommet alimentaire mondial, j'ai posé la même question aux participants.

Que ferons-nous de l'Organisation mondiale du commerce et des nouveaux types d'accords internationaux sur la propriété des innovations biotechnologiques, qui appartiendront à des grandes sociétés comme Cargill? En fait, tous les stocks d'aliments pour le bétail et toutes les choses dont vous avez parlé appartiendront à ces sociétés.

Toutes vos recherches aboutiront ailleurs. Elles ne seront pas destinées au bénéficiaire que vous escomptez, elles finiront par tomber entre les mains des sociétés de New York ou d'ailleurs, n'est-ce pas? Telle semble être la tendance.

Je présume que M. Easter voulait savoir comment nous pouvons éviter que cela se produise.

M. Geoffrey Hawtin (directeur général de l'International Plant Genetic Resources Institute de Rome en Italie): Il est très peu probable que les cultures les plus importantes pour les pauvres - et certaines d'entre elles ont été mentionnées ici, notamment le manioc, les patates douces et ainsi de suite - du moins dans un avenir prévisible, revêtent une quelconque importance pour les Cargill de ce monde. Si ces compagnies s'intéressent à ces cultures, elles produiront des variétés et des produits destinés aux classes riches des pays en développement qui ont les moyens d'acheter les intrants, et c'est ce qui les intéresse très souvent.

Par conséquent, il faudra attendre longtemps pour que l'on assiste à un changement important dans la production des cultures auxquelles nos organismes qui se préoccupent de la recherche internationale sur la pauvreté accorderont le plus d'importance.

Cette question nous préoccupe beaucoup. En tant que système, nous avons les plus grandes collections des différents types de cultures vivrières. Le GCRAI conserve près de 600 000 différents échantillons des principales cultures vivrières. Ces échantillons peuvent être obtenus gracieusement. Le Canada en reçoit autant que tout autre pays. Ils sont disponibles gratuitement à l'échelle mondiale.

En fait, le Canada conserve des doubles de certaines collections dans la banque génétique ici à Ottawa, et c'est un service qu'il offre à la communauté internationale. Nous avons conclu avec la FAO des ententes selon lesquelles ces collections ne sont assujetties à aucun droit de propriété intellectuelle. Par conséquent, il existe en quelque sorte une garantie qu'elles demeureront effectivement un bien public.

Le coprésident (M. Graham): Après M. Hermanson, il faudra bien conclure, car le temps qui nous est imparti est largement dépassé, et je pense que la plupart des députés ont d'autres obligations. Je vous invite donc à être bref.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminister): Merci, monsieur le président.

Dans votre exposé, que je n'ai pas entendu intégralement, vous avez parlé d'aide. On a un peu discuté de l'aide par rapport au commerce. Évidemment, les transactions commerciales sont une question d'argent. Parfois, les gouvernements participent au commerce, à l'instar du secteur privé.

Il en va autrement de l'aide, qui prend plusieurs formes. Une forme courante de l'aide est le cas d'un gouvernement qui accorde des subventions ou garantit les prêts à d'autres gouvernements de pays sous-développés ou en développement afin qu'ils achètent des biens d'un pays développé. Ensuite, il y a évidemment l'aide accordée par l'intermédiaire des ONG.

J'ai remarqué que très souvent, l'on a tendance à faire davantage un usage abusif de l'aide de gouvernement à gouvernement. Souvent, un gouvernement étranger qui n'est peut-être pas aussi responsable que nous le souhaiterions, utilise cette aide pour financer son armée ou pour traiter sa population de façon inhumaine. Par contre, quand les ONG aident d'autres pays, ils contournent souvent les gouvernements; il semble donc que cette forme d'aide, qu'elle vise à financer la recherche ou à nourrir des affamés, soit beaucoup plus efficace.

À votre avis, que peuvent faire les gouvernements pour améliorer l'aide? Comment mettre fin à l'aide de gouvernement à gouvernement, qui semble faire davantage l'objet d'abus et de malversation, et adopter une aide plus efficace et jouissant d'un appui accru tant du pays donateur que du pays bénéficiaire?

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M. Pinstrup-Andersen: D'une manière générale, les ONG réussissent très bien à atteindre les pauvres malgré les mauvais gouvernements en place dans bien des pays, et je pense qu'il faut leur donner notre soutien. Toutefois, l'aide officielle aux pays étrangers, c'est-à-dire l'aide de gouvernement à gouvernement, est encore nécessaire, et il me semble que nous, en tant que pays donateur, avons la possibilité de choisir les pays qui, nous le savons, dépenseront sagement notre argent. Le Canada ou le Danemark ne sont pas obligés d'accorder de l'aide à un pays en développement. Nous pouvons choisir les gouvernements qui, selon nous, ne feront pas un usage abusif de notre argent. Nous pouvons aussi exercer les pressions sur ces gouvernements, même si je pense que nous ne devons pas essayer de régler leurs problèmes sans comprendre pleinement quels sont les enjeux dans ces pays.

Voilà donc ce que je propose. Cependant, je pense que la question de l'aide par rapport au commerce doit être abordée avec énormément de scepticisme, car si nous avons des relations commerciales aussi importantes avec l'Asie de l'Est et du Sud-Est, c'est parce que nous étions disposés à leur accorder de l'aide dans les années 60 et 70. Cette politique a des retombées sur le plan commercial.

Je voudrais revenir à mon point de départ. Je pense qu'une aide étrangère adéquatement allouée est un bon investissement dans les futurs marchés d'exportation, entre autre. C'est une excellente combinaison.

M. Petit: L'appui aux établissements de recherche agricole des pays en développement, qui sont très souvent des institutions publiques, est assurément très légitime.

Le coprésident (M. Graham): Je demanderai à M. Vanclief, qui est président du comité de l'agriculture, de bien vouloir conclure la séance.

Le coprésident (M. Vanclief): J'adresse mes vifs remerciements aux témoins de ce matin. Tout d'abord, je tiens à les remercier de la contribution qu'ils ont apportée à l'exposé que le Canada présentera au prochain Sommet alimentaire mondial. Je sais que vous avez été consultés et que vous avez largement contribué à l'exposé et aux observations que le Canada présentera à cette occasion.

J'aurais également quelques commentaires à faire. Comme nous le savons, les progrès des dernières années en matière de production alimentaire dans le monde sont largement attribuables à l'expansion des superficies - et on nous a dit aujourd'hui que les superficies ne pouvaient croître, et de loin, aussi rapidement que par le passé - et à une exploitation plus intensive du sol, de même qu'à des rendements accrus. Comme d'autres l'ont dit, nous ne pouvons faire comme si de rien n'était. Nous allons donc devoir étudier d'autres possibilités.

Je me suis passablement déplacé au cours des dernières années dans diverses régions du monde, certainement pas autant que d'autres parmi vous, et ce qui m'a beaucoup frappé, ce qui devient de plus en plus évident pour moi, c'est que nous n'en faisons pas suffisamment en matière de gestion de la ressource eau. Étant du milieu agricole, je sais fort bien que les meilleurs sols du monde ne valent pas grand-chose s'il n'y a pas d'eau.

Je me souviens d'un endroit au Zimbabwe où nous avons traversé ce que moi, Canadien, j'appellerais tout simplement un désert. Le sol ressemblait terriblement à ce plancher qui est là devant nous. Pourtant, six pouces plus loin, les pois étaient aussi hauts que cette table. Il était donc évident que ce sol était fertile.

Ainsi, il y a beaucoup plus à faire à cet égard. Ce faisant, nous devons savoir quelle est la situation des producteurs dans ce pays... Les produits agricoles sont périssables, nous le savons bien, et les marges bénéficiaires sont minuscules. Or, à cause du caractère périssable des 100 livres de tomates ou de pois dont une dame du Zimbabwe peut disposer, elle n'a pas d'autre choix que de les vendre, et voilà où s'exerce la pression à la baisse.

Selon toute vraisemblance, les marges ne vont pas s'accroître. Dans bien des cas, la seule façon de composer avec un tel phénomène, c'est de produire davantage. Par conséquent, bien que le commerce et l'aide étrangère aient leur importance, c'est la production qui est indispensable... Et il faut produire en tenant compte de la viabilité des ressources et de l'environnement.

L'eau est une sorte de marotte pour moi. Je ne crois pas avoir tort. Nous parlons des avantages des obtentions végétales et de la biotechnologie, mais, à certains endroits, l'absence de production est tout simplement attribuable à la pénurie d'eau. Nous ne pouvons produire de l'eau. Je le sais très bien. Mais que faisons-nous - et ici je rêve peut-être en couleurs - en matière de dessalement? C'est coûteux, je le sais, mais aujourd'hui aucune idée ne doit être jugée farfelue.

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Je vous remercie de vos commentaires de ce matin. Je crois que vous nous avez tous incités à poursuivre la réflexion.

Permettez-moi de conclure. En guise de conclusion, je m'efforce toujours d'avoir à l'esprit des groupes qui ne comprennent pas l'importance de l'agriculture.

Un participant a déjà évoqué cette réalité un peu plus tôt. Pour ma part, je parle agriculture depuis mes années du Club 4-H, à l'époque lointaine où j'avais 12 ans. «Si l'agriculture va, tout va», comme l'a souligné quelqu'un ce matin. Voilà une vérité qui tolère bien peu d'exceptions parmi les pays du monde. Lorsqu'on réussit à bien établir l'agriculture, tout est possible.

À l'échelle de la planète, les défis sont considérables, tant sur le plan financier que sur d'autres plans. Comme Canadiens, que pouvons-nous faire? Nous pouvons accorder notre soutien aux groupes qui relèvent les défis budgétaires qui sont les nôtres - ici même au Canada - des groupes comme le vôtre, et ainsi, grâce à notre influence, les choses pourront changer. Il n'en reste pas moins que le défi est considérable pour nous tous.

Une fois de plus, je tiens à vous remercier de votre comparution d'aujourd'hui.

Le coprésident (M. Graham): Merci.

La prochaine réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international aura lieu jeudi matin à 9 heures.

La séance est levée.

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