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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 13 juin 1996

.0909

[Français]

Le vice-président (M. Bergeron): Nous sommes ici ce matin pour étudier le Budget des dépenses principal pour 1996-1997 concernant l'Agence canadienne de développement international. Nous avons le plaisir d'avoir parmi nous l'honorable Pierre Pettigrew, ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie. Il est accompagné de Mme Huguette Labelle, qui est une habituée de ce comité, M. John Robinson, vice-président, Direction générale des politiques, et Mme Claudia Roberts, directrice générale, Finances et gestion des marchés, Direction générale du personnel, de l'administration et de la gestion centrale.

Le ministre nous a déjà remis son allocution qui a été distribuée aux membres du comité. Je crois comprendre, monsieur le ministre, que vous voulez simplement faire une petite intervention d'ouverture après laquelle les membres du comité pourront vous poser quelques questions.

.0910

L'honorable Pierre Pettigrew (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie): Oui, mais j'aimerais quand même faire ces remarques qui ont été préparées avec beaucoup de soin pour les parlementaires et les gens qui ont la générosité de nous écouter.

Le vice-président (M. Bergeron): Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Pettigrew: Merci de votre accueil, monsieur le président. Je remercie mes collaborateurs d'être ici avec moi ce matin. Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui. J'étais déjà venu le 18 avril 1994 en tant que président du Forum national sur les relations internationales du Canada, et également le 18 avril 1996.

Je suis donc heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de ma vision de la coopération internationale et de ma volonté de jeter des ponts qui ne se limitent pas aux confins de la colline parlementaire. Je voudrais vous informer, parce que je veux vous présenter ce processus dans la mesure où vous le souhaitez.

Dès l'ajournement des travaux de la Chambre pour l'été, je vais entreprendre une tournée pancanadienne afin de rencontrer la grande famille des partenaires de l'Agence canadienne de développement international. Ma tournée comporte plusieurs objectifs, et je vous sensibilise à chacun de ces objectifs.

Je voudrais discuter avec eux des moyens d'adapter notre programme de coopération internationale au contexte budgétaire difficile. Je voudrais sensibiliser davantage les Canadiens aux enjeux de la coopération internationale. Je souhaite créer un intérêt pour le programme de partenariat afin d'accroître l'efficacité de notre programmation réduite. Enfin, je souhaite encourager la participation de toutes les régions du pays aux programmes de l'Agence.

[Traduction]

Puisque nous avons convenu de nous rencontrer aujourd'hui, bien avant que n'ait été établi mon programme de déplacements, je me propose de profiter de cette rencontre pour commencer mes discussions, pour effectuer un premier coup de sonde en quelque sorte.

Au départ, j'aimerais vous présenter ma vision de mon mandat, de l'ACDI et de la coopération internationale. Vous savez, je ne viens pas à l'ACDI sans expérience internationale. J'ai passé la plus grande partie de ma vie professionnelle à étudier le phénomène de la mondialisation et à aider nos entreprises à prendre des décisions judicieuses dans le contexte de ce phénomène, ce qui est essentiel pour leur survie et le maintien de leur compétitivité.

Je n'ai pas besoin de vous parler en détail du phénomène de la mondialisation et de ses conséquences, puisque c'est une question que vous connaissez bien en tant que membres de ce comité. J'aimerais cependant parler de certains aspects de la mondialisation qui affectent mon mandat et celui de notre agence canadienne. En effet, la mondialisation n'affecte pas seulement les pays développés, mais bien tous les pays.

Nous assistons, depuis la chute du mur de Berlin, au triomphe du libéralisme économique et de la démocratisation. Cependant, nous assistons aussi à des bouleversements sans précédent. La libéralisation des échanges prive l'État de moyens et d'outils, ce qui limite sa capacité de répondre aux besoins et aux demandes des citoyens et des groupes d'intérêts qui tendent à augmenter avec la démocratisation des sociétés.

Ainsi, la redistribution de la richesse est de plus en plus difficile à réaliser alors même que l'écart entre riches et pauvres s'agrandit et conduit à des déséquilibres sociaux. Si l'affrontement entre capitalisme et communisme monopolisa la grande partie du vingtième siècle, je pense, et je souhaite même, que la question de la redistribution de la richesse monopolise le vingt et unième siècle. L'humanité se doit d'y apporter une réponse.

[Français]

Quelles sont les réalités incontournables de la mondialisation? Quels sont ces phénomènes que nous devons savoir affronter et utiliser à notre avantage à défaut de pouvoir les maîtriser? J'aimerais me concentrer sur trois d'entre eux ce matin.

Premièrement, nous vivons à l'ère de l'intégration. Le commerce, la production, la technologie, la distribution et la finance ne sont plus des compartiments étanches, des étapes bien définies et distinctes d'un même processus. Désormais, toutes ces étapes sont intégrées et n'impliquent plus nécessairement l'intervention d'une multitude d'acteurs différents.

.0915

Deuxièmement, cette nouvelle époque se caractérise par la mobilité et la volatilité extrême des capitaux. Les flux de capitaux ne sont d'ailleurs pas les seuls flux transnationaux significatifs. Les individus, les biens, les services, les idées sont tout autant mobiles.

Troisièmement, l'intégration et la mobilité ont pour conséquence un accroissement sans précédent de la concurrence, non seulement entre entreprises, mais entre États. Les États sont forcés de reconnaître que leur économie doit pouvoir offrir aux investisseurs étrangers ainsi qu'à leur propre secteur privé un environnement propice à la conduite des affaires.

[Traduction]

Le phénomène de la mondialisation porte donc en lui la source de nombreux espoirs. Ceux du progrès technologique, social et politique. Ceux de la richesse. Mais la mondialisation porte aussi en elle sa propre logique de l'exclusion, non seulement pour les individus, mais aussi pour les nations elles-mêmes.

Les forces de la mondialisation n'attendent pas les économies plus lentes. Elles risquent de reléguer les pays en développement à un rôle de sous-traitance, les pays développés leur laissant le soin de produire ce qu'ils ne veulent plus produire.

Le lien, donc, entre mondialisation et coopération internationale se fait alors beaucoup plus clair. Il est donc plus important que jamais d'intégrer les pays en voie de développement au système mondial, de relier les périphéries aux centres.

Mais je dirais qu'il s'agit d'une nécessité non seulement pour les pays en développement, mais aussi pour le Canada. En effet, une économie mondiale à vitesses multiples est un danger pour la sécurité de la planète entière.

Le Canada se doit aussi de maintenir l'influence qu'il possède déjà sur la scène internationale. Nous nous devons de contribuer à l'édification d'un système mondial plus juste et plus équitable parce que notre pays représente une force positive à l'échelle de la planète... parce que nous sommes préoccupés par les besoins de solidarité, de justice et de partage ici même au Canada. Nous devons projeter ces valeurs à l'international et travailler à ce qu'elles occupent une place importante dans le débat mondial qui s'amorce.

Le meilleur moyen de redistribuer la richesse n'est pas simplement d'accroître les transferts de capitaux du Nord au Sud, ou de «donner aux pauvres». Non. Le meilleur moyen de redistribuer la richesse, c'est de permettre au Sud de bâtir sa propre richesse, de lui donner les outils et de favoriser les conditions qui lui permettront de la développer et de la faire prospérer. Voilà l'objectif de notre programme d'aide.

Ceux qui, au Canada, succombent à la tentation du repli et de l'isolationnisme et du chacun pour soi - bref, ceux qui aimeraient voir le Canada cesser d'aider les autres - oublient que notre prospérité repose sur un environnement mondial stable. Bref, le meilleur moyen de mette en péril nos acquis serait de laisser le monde à son propre sort.

Ce n'est donc pas un hasard si la coopération internationale sera le thème de réflexion des chefs de gouvernement et d'État réunis au prochain sommet du G-7 à Lyon en juillet. Celle-ci est devenue un enjeu important et essentiel pour l'avenir des pays développés et des pays en développement, un élément important de l'ordre mondial.

[Français]

La coopération internationale n'est pas un phénomène nouveau, loin de là. Mais elle change de visage. Je vous disais plus tôt que le rôle de l'État a considérablement changé au cours des dernières années. L'État a perdu une large part de son autonomie. Cela s'applique aussi à son rôle dans la coopération internationale.

Pour la première fois, et c'est important de le noter, les flux d'investissements privés dans les pays en voie de développement sont plus importants que les flux d'investissements des pays donateurs.

Je reviens justement d'un voyage en Afrique, où j'étais accompagné d'une délégation de gens d'affaires. J'ai vu qu'il y avait des occasions concrètes pour nos gens d'affaires en Afrique, partie du monde que l'on a trop facilement tendance à oublier pour cause de pessimisme.

Certains d'entre vous ont participé à la journée de l'ACDI organisée par l'Association des exportateurs canadiens. Je vous félicite d'ailleurs d'y avoir participé et je vous encourage à aider le secteur privé à tisser des liens de coopération avec l'Agence canadienne de développement international.

.0920

Le secteur privé a donc un rôle important à jouer dans le développement social et économique des pays en développement. Je suis impressionné par la qualité des interventions du secteur privé canadien dans les pays en développement et par leur véritable intérêt à devenir des agents de développement international, et à appuyer ainsi les efforts du gouvernement. Mais je suis aussi convaincu que notre secteur privé peut jouer un rôle encore plus important.

La redéfinition du rôle de l'État et la fragilisation de l'appareil social traditionnel, à la fois responsabilisent et rendent plus vulnérable l'individu. Notre coopération doit donc non seulement viser à réduire la pauvreté, mais aussi à accroître les capacités des sociétés et à leur permettre ainsi de prendre pleinement en main leurs propres destinées.

Pour ce faire, le gouvernement a identifié dans son Énoncé de politique étrangère six objectifs en matière de coopération internationale. Ces objectifs, que vous connaissez bien, ont amené l'ACDI à concentrer ses efforts sur des secteurs d'intervention particulièrement importants pour l'avenir des sociétés en développement.

Cela dit, notre programme de coopération vise également à encourager les alliances entre donateurs, entre institutions multilatérales, entre les ONG locales ici au Canada et dans les pays en développement.

Dans ce contexte d'alliances et de coopération, la traditionnelle dynamique donateur-récipiendaire n'existe plus. Nous devons être à l'écoute des besoins toujours plus particuliers des pays en développement. À l'inverse, ceux-ci doivent être pleinement au courant des contraintes qui obligent les pays donateurs comme le Canada à revoir leur rôle et leurs actions.

Nous devons aussi nous efforcer d'améliorer l'efficacité du système d'aide internationale dans son ensemble. Je pense qu'il est essentiel d'encourager davantage la pléthore d'organismes et d'institutions oeuvrant dans le domaine du développement à mieux tirer profit de leurs forces respectives afin d'éviter les dédoublements et les chevauchements et d'accroître ainsi l'efficacité de leurs interventions.

[Traduction]

À propos de contraintes, il est clair que le gouvernement ne dispose plus de la même marge de manoeuvre. Notre agence canadienne n'est pas dispensée de contribuer aux efforts du gouvernement pour réduire son déficit budgétaire. Nous devons aussi apporter notre contribution.

Vous constaterez que l'enveloppe budgétaire de l'agence pour cette année 1996-1997 demeure sensiblement la même que celle de l'année dernière à 2,2 milliards de dollars. Il serait donc peut-être plus important de parler des prochaines années financières 1997-1998 et 1998-1999, puisque l'ACDI devra effectuer des coupures budgétaires totalisant 309 millions de dollars. Il faut donc faire maintenant les ajustements nécessaires pour absorber les réductions prévues. Il s'agit d'un exercice délicat, douloureux, mais essentiel pour assurer un avenir cohérent pour l'ACDI.

J'entends impliquer dans cet exercice d'autres ministères ainsi que les partenaires de l'ACDI. Bien entendu, le comité permanent et ses membres seront informés de nos décisions. Je serai toujours ouvert à ses suggestions et sensible à ses priorités.

Je suis entré au Cabinet pour contribuer aux efforts du premier ministre pour maintenir l'unité du Canada et apporter les changements nécessaires pour préparer la fédération canadienne aux défis du prochain siècle.

[Français]

Il y a une parole de Louis Saint-Laurent qui me revient à l'esprit. Elle fut prononcée en 1947, mais il y a des choses qui, malgré leur âge, demeurent tout aussi justes. C'est là un gage de leur clairvoyance et de leur pertinence. En effet, Louis St-Laurent voyait un lien direct entre notre politique étrangère et l'unité de notre pays. Pour lui, et je cite, «le rôle de notre pays dans les affaires du monde ne sera grand que dans la mesure où nous maintiendrons ce principe, car un Canada désuni sera impuissant».

.0925

Le Canada est un exemple pour le monde. Nous devons mettre à profit les valeurs et les caractéristiques qui nous valent le respect de la communauté internationale et les appliquer à notre débat national.

Le Canada est également un pont pour le monde. Nous jouons un rôle essentiel en favorisant une meilleure compréhension entre le Nord et le Sud. Je l'ai constaté à la Conférence sur les technologies de l'information en Afrique du Sud dernièrement, où le Canada a parfaitement bien joué ce rôle avec le G-7 qui arrivait avec ses propres principes sur ce sujet extrêmement délicat des technologies de l'information, principes durement négociés entre pays du G-7, mais que nous avons su, nous, de la délégation canadienne, négocier avec les pays du Sud qui avaient besoin de certaines adaptations. C'est la sensibilité du Canada qui a permis véritablement à cette conférence d'être aussi utile qu'elle l'a été.

[Traduction]

Avant de conclure, j'aimerais vous parler d'un autre objectif très important de ma tournée canadienne.

On a reproché à l'ACDI et à ses programmes de ne pas représenter toutes les régions du pays. Je suis d'accord pour dire que l'ACDI peut être plus représentative. Cependant, je ne crois pas que la solution consiste simplement à réviser les pratiques d'allocations de l'ACDI. Cela serait ignorer que la majorité des organisations non gouvernementales, des entreprises oeuvrant dans les domaines de la coopération au Canada, proviennent du Québec et de l'Ontario, et que leur tradition et leur expérience dans le domaine de l'aide et de la coopération internationale remontent à loin.

Ce qu'il faut faire, par contre, c'est sensibiliser davantage les Canadiens et les Canadiennes aux enjeux du développement international. C'est encourager un plus grand nombre d'entreprises à travers le pays à soumissionner pour des contrats de l'ACDI et à entreprendre des projets à l'appui du développement international. C'est le message que j'entends porter lors de ma tournée pancanadienne dans quelques jours.

J'espère que cet exposé vous a donné une meilleure idée de mon mandat et de la vision que j'apporte avec moi dans mes nouvelles responsabilités. L'ACDI a des choix difficiles à effectuer. L'important est de les faire tout en permettant à notre agence canadienne de maintenir son extraordinaire réputation internationale et les forces et les avantages qu'elle a su développer depuis sa création.

[Français]

Je vous ai promis, au cours de ma présentation, de profiter de notre rencontre pour commencer mes consultations pancanadiennes avec vous. J'écouterai sincèrement et volontiers vos commentaires et je vais m'efforcer de répondre au plus grand nombre de questions possible. Je vous remercie de votre bienveillante attention.

[Traduction]

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

[Français]

Le vice-président (M. Bergeron): Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons maintenant passer à la période d'échange. Monsieur Paré.

M. Paré (Louis-Hébert): Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous avoir parmi nous, d'autant plus que vous êtes tout frais dans votre fonction. Il sera peut-être plus facile de vous parler.

Tout d'abord, vous avez parlé de mondialisation. Je suis heureux de constater que vous avez aussi mis en évidence les dangers de la mondialisation. Personnellement, je trouve qu'on se laisse entraîner sans discernement dans un néo-libéralisme qui comporte des conséquences extrêmement graves, entre autres pour les pays en voie de développement. Je suis heureux de constater que vous êtes conscient de ces problèmes.

Dernièrement, une rencontre de récipiendaires de prix Nobel mettait en évidence les conséquences de la mondialisation sur l'accroissement de la pauvreté et, principalement, l'accroissement de l'écart entre les riches et les pauvres. Dernièrement aussi, l'UNICEF mettait en évidence le fait que la mondialisation provoquait l'augmentation du travail chez les enfants.

Je pense qu'il faut tenir compte de ces deux avis. Ma question est la suivante: Est-ce que vous entendez faire en sorte que le Canada assume un leadership au niveau de l'Organisation mondiale du commerce afin qu'on dompte ce monstre que pourraient devenir le néo-libéralisme et la mondialisation?

.0930

Il faut qu'on lui donne des règles pour que ce soit un instrument au service du monde. Il ne faut pas que le monde soit au service de la mondialisation.

M. Pettigrew: Je suis touché par votre question et je suis extrêmement sensible aux préoccupations que vous soulevez. Pour ma part, je peux vous assurer qu'il y a un élément qui est absolument fondamental. Il est vrai que dans cette mondialisation de l'économie assortie une libéralisation à tout crin, il y a des occasions.

Il y a des occasions qui peuvent être magnifiques et il y a des gens qui peuvent très bien en profiter. Il y a quand même, au coeur de ce processus, une efficacité et un dynamisme que nous ne pouvons pas ignorer. Mais il y a de formidables dangers d'exclusion. Il y a un élément que nous ne devons jamais oublier, et c'est la finalité humaine de l'économie.

L'économie n'a pas de sens si elle renonce à sa finalité humaine. L'économie est là pour organiser et faciliter les rapports entre humains. Donc, la finalité humaine de l'économie est un élément qui doit être au coeur de la politique économique et de la politique internationale d'un pays comme le Canada.

Dans ce que nous faisons à l'Agence canadienne de développement international et en tant que gouvernement en général, nous ne devons jamais perdre cette perspective qui est absolument remarquable. Pour ma part, je serais certainement favorable à ce que ces éléments soient au coeur de la problématique de l'Organisation mondiale du commerce.

Comme vous le savez, nous travaillons aussi, à l'ACDI, avec l'Organisation mondiale du commerce. Nous faisons la promotion de l'Organisation mondiale du travail qui, comme vous le savez, est à Genève également et travaille étroitement avec l'Organisation mondiale du commerce. Nous encourageons les liens entre l'Organisation mondiale du travail, auprès de qui nous travaillons, et l'Organisation mondiale du commerce.

M. Paré: Je vais maintenant changer de secteur. Vous avez fait allusion tout à l'heure à votre participation, le 18 avril dernier, au colloque portant sur la sensibilisation du public. Je pense que vous avez vu juste en disant que dans une période de restriction des finances publiques, il y a un risque important que bon nombre de Canadiens aient tendance à se replier sur eux-mêmes et à se dire qu'ils n'ont plus les moyens d'aider les autres et qu'il faut commencer par s'aider soi-même.

Ce serait une vision à très court terme. Il ne faut absolument pas aller dans cette direction. Dans ce contexte, n'est-il pas encore plus important qu'avant de mettre en place des programmes de sensibilisation d'éducation du public canadien? Avez-vous l'intention, monsieur le ministre, de revoir avec l'ACDI le programme de participation du public pour tenter de redonner aux intervenants un outil pour sensibiliser les Canadiens?

M. Pettigrew: Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'il serait tragique que les Canadiens renoncent à cet élan de solidarité qui fait partie de leur identité depuis des années. Il est extrêmement important de bien mesurer que notre sentiment à l'endroit des gens partout à travers le monde réclame notre action, mais que notre intérêt également réclame notre action.

Nous avons un intérêt très clair, ne fusse que pour la stabilité de la planète, comme je le disais. Il faut le dire et le redire. Nous sommes déjà en train d'étudier, à l'ACDI, la façon dont nous devrions reprendre ces exercices de sensibilisation. J'avais annoncé que c'était une de mes priorités au tout début, quelques semaines après avoir été nommé ministre responsable de la Coopération internationale et même avant mon élection. J'avais fait cela, je pense, durant la première semaine de ma campagne électorale, au mois de février.

Je l'avais donc annoncé dès le début. Il y a déjà, à l'ACDI, une réflexion qui est entamée sur ce sujet, et nous avons des tables rondes où nous réfléchissons à cela, à savoir comment reprendre cet exercice de sensibilisation du public canadien. Je vais d'ailleurs faire une tournée canadienne dès la fin de la session parlementaire.

.0935

Je vais aller dans neuf villes canadiennes parler de l'importance de la coopération internationale et donc, inévitablement, sensibiliser le public canadien à la très grande importance de rester engagé envers les pays du Sud.

Je vous dirais, monsieur Paré, que les Canadiens sont conscients de cette réalité malgré les grandes difficultés que nous connaissons, parce que l'écart entre les pays du Nord et du Sud est le même que celui que nous connaissons dans notre propre société.

Le fait qu'un gouvernement veuille limiter cet écart grandissant entre les pays du Nord et du Sud prouve que ce gouvernement cherche également à ce que le même écart ne se creuse pas au sein de nos propres sociétés.

C'est le même geste, le même élan, et je suis très sensible à cette réalité-là.

M. Paré: Je ne doute pas, monsieur le ministre, de votre capacité d'influencer personnellement les Canadiens dans le cadre de vos tournées, mais il me semble que nous avions, avec le programme de participation du public, une multitude de Canadiens qui travaillaient à cette tâche-là. Il faudrait trouver le moyen de les remettre à l'ouvrage.

M. Pettigrew: Je suis d'accord avec vous. Comme je vous le disais dans la première partie de ma réponse, nous avons déjà un groupe de réflexion à l'ACDI qui est en train de penser à tout cela. Mais nous sommes également restés dans d'autres programmes de sensibilisation du public canadien.

J'étais à la Course Destination Monde. Si vous regardez cette émission qui rejoint des centaines de milliers de Canadiens qui écoutent la télévision en français, vous verrez que cette Course Destination Monde contribue à la sensibilisation du public.

Comme vous le savez, cette émission-là tient essentiellement parce que l'ACDI est là. J'ai d'ailleurs pris l'initiative, et j'ai créé la surprise, d'annoncer la contribution de l'ACDI sur les ondes.

Vous savez ce qu'on m'a dit par la suite? On m'a dit que du fait que l'ACDI avait été la première à s'engager dans cet exercice, qui est un grand exercice de sensibilisation du public, les autres commanditaires ont suivi. Nous sommes le partenaire majeur de la Course Destination Monde et nous continuons de lui donner une certaine crédibilité.

Merci.

Le vice-président (M. Bergeron): Monsieur Morrison.

[Traduction]

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, plutôt que de me cantonner dans des généralités, j'ai l'intention de vous poser un certain nombre de questions pointues, et je vais le faire tant que le président, dans sa sagesse, n'aura pas laissé tomber son couperet.

Tout d'abord, j'aimerais savoir pourquoi le budget des dépenses de l'ACDI, au poste des hauts fonctionnaires, a augmenté de 217 000 $, soit de 10 p. 100, alors qu'il a été réduit pour tous les autres postes, notamment ceux de la gestion, du personnel, de l'administration. Pouvez-vous nous fournir des explications à ce sujet? Il s'agit de la page 54 du Budget des dépenses.

M. Pettigrew: Le programme de l'Europe de l'Est relevait auparavant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. L'an dernier, mon prédécesseur a décidé de transférer ce programme à l'ACDI. Conséquemment, nous avons transféré des Affaires étrangères à l'ACDI les ressources correspondantes. À l'ACDI, nous avons comprimé nos frais de fonctionnement de 15 p. 100, ce qui correspond très exactement à la compression de notre programmation.

M. Morrison: Par contre, même s'ils sont déplacés latéralement, les hauts fonctionnaires ne subissent jamais de compressions. L'émondage ne se fait que par le bas.

M. Pettigrew: Non, monsieur Morrison; ils ont subi une compression de 15 p. 100, comme je viens de vous le dire. Si le montant est plus élevé, c'est qu'il y a eu déplacement vers l'ACDI du programme de l'Europe de l'Est, qui relevait auparavant des Affaires étrangères. En l'absorbant, l'ACDI doit évidemment dépenser davantage. Par contre, ce programme a également été comprimé de 15 p. 100 à l'occasion du transfert, tout comme l'ont été les crédits affectés aux postes de direction et aux autres aspects du fonctionnement de l'agence. Nous sommes en effet fiers de pouvoir le dire.

M. Morrison: Il y a une autre question qui me chicote depuis un certain temps. J'ai des préoccupations relativement aux experts-conseils qui travaillent dans les bureaux même de l'ACDI, au 200, promenade du Portage. Où pouvons-nous trouver un état financier montrant le montant de l'aide au développement qui est consacré à ces experts-conseils qui travaillent dans les bureaux de l'ACDI?

.0940

Je voudrais également savoir si, parmi ces experts-conseils qui travaillent à l'ACDI, il y en a qui occupent des postes qui leur permettraient de faire des recommandations sur l'attribution de marchés à des associés, ou peut-être même à eux-mêmes. Ont-ils cette attribution? Finalement, je voudrais que vous m'expliquiez ce qu'il en est. Que font ces gens dans des bureaux du gouvernement?

Mme Huguette Labelle (présidente, Agence canadienne de développement international): Il y a deux ou trois domaines assez importants de l'ACDI où nous avons des experts-conseils, bien que, quand nous avons dû réduire notre budget de 15 p. 100, ce soit ce secteur que nous avons examiné en priorité, et nous y avons effectué des réductions importantes.

La technologie de l'information est un des domaines où nous avons des experts-conseils, car il est très difficile de trouver parmi les fonctionnaires en poste des personnes qui ont les compétences dont nous avons besoin. Par ailleurs, nous avons parfois besoin de ces personnes pour de courtes périodes, par exemple pour mettre au point un nouveau système d'information. Une fois le système mis au point, nous n'avons plus besoin de ces personnes, de sorte qu'il ne serait pas dans notre intérêt d'embaucher du personnel.

Il y a aussi les domaines des services professionnels et techniques à court terme, auxquels nous faisons appel pour mettre sur pied un projet en particulier et pour faire le travail préparatoire. Il s'agit, non pas d'associer de grandes entreprises, mais des professionnels autonomes qui peuvent nous fournir l'aide provisoire dont nous avons besoin.

Enfin, nous avons aussi des experts-conseils dans le domaine de la formation, mais nous avons réduit de 50 p. 100 le nombre d'experts-conseils auxquels nous faisons appel dans ce domaine quand nous avons réduit notre budget de 15 p. 100.

Voilà donc les trois grands domaines où des réductions importantes ont été effectuées, et ce sont ces domaines que nous avons scrutés en premier.

M. Morrison: Merci, madame Labelle. Je crois toutefois savoir que vous avez un expert-conseil - je ne le nommerai pas ici en comité - qui exerce les fonctions de directeur général au ministère et qui s'y occupe de technologie de la gestion de l'information. Si j'ai été mal informé, dites-le-moi, je vous en prie. Si toutefois j'ai été bien informé, cette personne doit sûrement avoir été là depuis un certain temps. J'ai du mal à accepter qu'elle aurait pu exercer une influence sur l'attribution de marchés.

M. Pettigrew: La personne en question travaille dans les services informatiques et, d'après ce que j'en sais, elle participe aux programmes d'échange de cadres, qui est un programme d'échange très sain entre le secteur privé et le gouvernement. La personne n'est donc pas un expert-conseil et n'a jamais eu rien à voir avec l'attribution de quelque marché que ce soit. Mme Claudia Roberts s'est occupée personnellement d'examiner tous les aspects de l'attribution de marchés dans ce service, de sorte qu'il n'y a aucune possibilité de conflit d'intérêts.

M. Morrison: Si vous me permettez de revenir à Mme Labelle et à la réponse qu'elle a faite à ma question initiale, j'ai également demandé s'il y aurait moyen de savoir combien il en coûte pour ces experts-conseils qui travaillent dans les bureaux de l'ACDI. Autrement dit, à combien s'élève leur rémunération et combien en coûte-t-il pour les maintenir en poste? Leur présence n'est pas sans occasionner des coûts sur le plan de l'infrastructure. Nous ne pouvons certainement pas trouver cela dans le Budget des dépenses; alors je voudrais savoir où nous pouvons obtenir cette information.

Mme Labelle: Nous pouvons vous fournir cette information, parce que nous savons qui sont ces personnes. Elles sont généralement là pendant un certain temps seulement. Il se peut que nous embauchions ensuite quelqu'un d'autre pour répondre à un besoin différent à un autre moment. Monsieur le ministre, nous nous ferions un plaisir de fournir cette information au comité.

M. Morrison: Monsieur le ministre, je voudrais revenir, peut-être de façon périphérique, à une question que j'ai déjà posée à la Chambre. Il s'agit de la procédure de l'appel d'offres ouvert, et plus particulièrement du cas de Markham Electric International. Si vous vouliez bien m'expliquer pourquoi l'ACDI exclurait de la procédure de l'appel d'offres une entreprise de réputation internationale, ce serait bien.

.0945

Cependant, je m'intéresse davantage en réalité à la procédure d'appel, que je n'ai pas eu l'occasion de soulever à la Chambre. D'après les règles du Conseil du Trésor, l'ACDI est tenue de faire appel à un mécanisme indépendant de règlement des différends concernant les soumissions qui permet aux fournisseurs de contester n'importe quel aspect de la procédure de passation des marchés.

L'ACDI lui ayant fait savoir qu'elle pouvait en appeler de l'adjudication, Markham s'est présentée devant le Tribunal canadien du commerce extérieur. Le tribunal a toutefois refusé d'entendre la cause parce que le bénéficiaire ultime des travaux publics visés par le marché était le gouvernement malien, qui n'est pas un ministère du gouvernement canadien. Ce sont, bien sûr, les contribuables canadiens qui financent les projets, et c'est l'ACDI qui choisit le fournisseur.

Étant donné que les bénéficiaires de la plupart des marchés accordés par l'ACDI ne sont certainement pas canadiens, notre objectif étant de venir en aide à des pays étrangers, où est ce mécanisme indépendant de règlement des différends concernant l'adjudication? Si chaque fois on se heurte à la raison qui a été donnée à Markham, personne ne pourra faire appel de l'adjudication. Que peuvent faire les entreprises comme Markham qui veulent obtenir un redressement?

M. Pettigrew: C'est la première fois que j'entends dire que le tribunal n'avait pas compétence pour cette raison.

Si ce que vous nous dites aujourd'hui reflète bien ce qui s'est produit dans ce cas-là, nous trouverons certainement un autre moyen de faire en sorte que tous les soumissionnaires soient traités de façon équitable. La transparence est un élément très important. C'est un élément extrêmement important, et je suis extrêmement satisfait de constater que le nombre de marchés concurrentiels attribués par l'ACDI s'est considérablement accru ces dernières années.

Depuis deux ans, leur proportion est passée de 53 p. 100 à 69 p. 100, et, au cours des six mois à venir, nous porterons cette proportion de 69 p. 100 à 85 p. 100 grâce au système d'offres permanentes que nous sommes en train de mettre en place. Tout cela est de très bonne augure.

Permettez-moi de revenir aux résultats de l'appel d'offres ouvert, qui a signalé l'avènement de la transparence dans notre façon de fonctionner. Il est très important d'examiner cela.

Les régions qui obtiennent les marchés correspondent parfaitement aux régions d'où viennent les soumissionnaires. S'il y a moins de soumissionnaires d'une région donnée, il y aura évidemment moins d'entreprises de cette région qui obtiendront des marchés. Vous n'avez qu'à examiner les chiffres pour vous rendre compte que les marchés sont attribués dans les régions d'où proviennent les soumissionnaires.

Bien entendu, beaucoup des entreprises qui obtiennent des marchés sont du Québec ou de l'Ontario. Bien souvent, elles ont un bureau ici, mais elles proviennent en réalité d'une autre région du pays. Elles sont comptées comme étant de l'Ontario ou du Québec parce qu'elles ont un bureau à Hull ou à Ottawa d'où elles peuvent s'occuper de leurs affaires, et c'est une excellente façon de s'y prendre.

Il n'est pas très facile pour un ministre d'intervenir dans cette procédure. Le ministre ne peut pas intervenir dans la procédure. Les fournisseurs doivent passer par la détermination préalable, qui est faite par les fonctionnaires de l'ACDI selon des critères très objectifs. Les fonctionnaires nous soumettent ensuite une liste de huit, dix ou douze fournisseurs compétents.

J'ai moi-même été expert-conseil dans le commerce international pendant de nombreuses années. On ne demande pas à dix entreprises de soumissionner pour un seul marché. Neuf seront perdantes, et une seule obtiendra le marché. Il coûte très cher aux entreprises privées de soumissionner, et ces entreprises nous demandent, nous supplient de ne pas susciter chez elles des attentes trop élevées.

Chaque fois, il n'y a qu'un seul gagnant. On nous remet alors une analyse qualitative des compétences de chaque entreprise, de son expérience et de la mesure dans laquelle ces compétences correspondent aux exigences du marché, et tout le reste, puis nous ramenons la liste à trois, quatre ou cinq entreprises. Normalement, c'est trois, car nous croyons que c'est ce qui donne les meilleurs résultats.

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Dans le cas que vous avez évoqué, celui mettant en cause la société Markham, neuf entreprises avaient demandé à soumissionner. Sur ce nombre, sept avaient été retenues comme des fournisseurs compétents. Sur les neuf qui avaient demandé à soumissionner, sept étaient du Québec. Sur les sept qui ont été retenues comme fournisseurs compétents, six étaient du Québec quand nous avons établi notre liste abrégée.

Nous avons évalué les compétences nécessaires pour donner suite à la demande du gouvernement du Mali, nous avons examiné les compétences et les besoins de ce contrat pour en arriver à trois. Je peux vous assurer d'une chose: nous serons enchantés d'attribuer les contrats. Il y a une procédure prévue, très transparente.

Une fois fait le choix de trois entreprises, les résultats sont présentés au ministre. Après l'examen des soumissions, on me dit: voici le choix. Je peux poser des questions. Je peux demander pourquoi, je peux demander combien de points on a attribués pour ceci ou cela. J'ai la responsabilité de m'assurer que les mécanismes sont en place.

Je peux vous assurer que tout se fait dans la transparence la plus complète et qu'il ne s'agit pas du tout d'un processus politique. Il est très important que nous demandions des soumissions. C'est une bonne chose pour les pays bénéficiaires, et c'est une bonne chose pour nous. Je vais me rendre un peu partout dans le pays pour demander à un plus grand nombre d'entreprises de participer à ce processus.

Le président: Excusez-moi, monsieur Morrison, il nous faut passer au suivant. Je vous inscris à nouveau après M. Mills.

Monsieur Speller.

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence ici. J'ai quelques questions à poser au sujet de l'examen des programmes et des réductions budgétaires. En fait, après avoir entendu les questions du troisième parti, je suis tenté de vous lancer la balle, car j'estime que la population canadienne a le droit d'apprendre de vous, le ministre, exactement pourquoi nous avons un programme d'aide à l'étranger. Il y a beaucoup de désinformation sur ce qu'est au juste l'aide à l'étranger, ses avantages pour le Canada, etc.

Je sais que vous avez mentionné que vous allez faire une tournée au Canada et que vous allez vous rendre dans plusieurs villes. Il y a beaucoup de régions rurales, et je pense que, comme la séance science d'aujourd'hui est télévisée, je vais vous donner l'occasion d'expliquer aux Canadiens, en termes simples, pourquoi nous avons un programme d'aide à l'étranger.

M. Pettigrew: Nous avons un programme d'aide à l'étranger pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nous, Canadiens, connaissons la solidarité dans notre propre pays, entre nos régions. Nous sommes très sensibles à la nécessité de nous assurer que tous les Canadiens profitent du même genre de fonction publique, d'un océan à l'autre, indépendamment de la richesse que nous créons dans nos propres régions. Nous sommes donc solidaires, et nous comprenons l'importance de ce phénomène pour tous les Canadiens. J'estime que nous avons le devoir de projeter cette solidarité humaine à l'étranger, pour toute l'humanité. Voilà le principe fondamental.

Outre la solidarité que nous voulons faire rayonner, il y a le fait que nous considérons que plus il y aura d'économies développées, plus il y aura de possibilités pour les Canadiens. Nous devons améliorer la situation économique des autres; ainsi, ils pourront devenir des associés de notre économie par la suite. Nous sommes motivés par des considérations humaines, mais il est également excellent sur le plan économique que ces pays accèdent au développement économique. Ces pays deviennent nos partenaires économiques, et c'est une façon très saine de procéder.

Il y a également la question de la sécurité. Un monde stable est un monde meilleur pour le Canada. Un monde où les écarts s'accentueraient entraînerait une instabilité qui nuirait à nos intérêts.

Les Canadiens bénéficient beaucoup de nos programmes de coopération internationale. Je pense qu'en soi cela justifie amplement ces programmes. Toutefois, considérez comment nous nous y prenons. Il faut que les Canadiens comprennent que pour chaque dollar dépensé à l'ACDI, 70 cents servent à acheter des biens et des services à des Canadiens; 70 cents de chaque dollar de l'ACDI servent actuellement à s'acheter des biens et des services à des Canadiens. Donc, notre population bénéficie directement de ce programme.

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Il y a également des retombées, extraordinaires. Nous avons parfois des contrats... Prenons l'exemple du programme de maîtrise en administration des affaires pour la Roumanie, un contrat de 400 000 $. Il s'agit d'un programme dans le cadre duquel des Canadiens se sont rendus aider les Roumains à améliorer leurs compétences en gestion et en administration. Plus particulièrement, nous y sommes allés pour aider les Roumains à privatiser leur aviation civile. Ils avaient besoin d'aide pour ce faire.

Eh bien, Laurent Beaudoin, de Bombardier, de De Havilland, et de Canadair, a participé à ce programme subventionné par l'ACDI. En Roumanie, il s'est fait des contacts avec ceux qui ont privatisé l'aviation civile et leur a vendu pour 600 millions de dollars d'avions - 600 millions de dollars d'avions - une retombée des contacts privilégiés établis dans le cadre de ce programme particulier de l'ACDI.

Je pourrais vous citer de nombreux exemples semblables.

Nous devons travailler cet aspect. Je répète beaucoup au personnel de l'ACDI que le réseau mis en place au cours des 30 dernières années par l'ACDI est extraordinaire et que nous devons y inclure un plus grand nombre de Canadiens.

J'étais en Afrique du Sud à la conférence de l'ISAD sur la technologie. Les dirigeants de l'Afrique du Sud, ceux qui avaient été exclus du pouvoir, mais qui sont maintenant en place, sont de vieux amis de l'ACDI. Des fonctionnaires de l'ACDI sont allés voir ces dirigeants en prison, en ont fait libérer certains, en ont nourri un bon nombre, leur ont donné des cours pendant qu'ils étaient emprisonnés, sachant qu'un jour la liberté viendrait. Ces dirigeants sont maintenant les ministres et les sous-ministres qui dirigent divers organismes. C'est un réseau extraordinaire de contacts privilégiés que les Canadiens ont cultivés.

Je pourrais vous donner de nombreux exemples. Je suis profondément convaincu que la meilleure utilisation que les contribuables canadiens peuvent faire de leur argent, c'est de l'investir dans notre programme de coopération internationale.

M. Speller: Monsieur le ministre, j'ai quelques brèves questions à poser sur les compressions budgétaires. Je pense que cette question préoccupe de nombreuses personnes. Nous réduisons nos budgets d'APD, et d'autres pays font de même. Tous nous comprimons les dépenses. Y a-t-il un effort de coordination internationale afin d'assurer que certains pays ne sont pas laissés pour compte? Quand tous se retirent, je présume qu'ils quittent également le pays.

Deuxièmement, pendant que j'y suis, car je n'aurai probablement pas la possibilité de poser une autre question, je veux savoir où vous en êtes dans l'examen des programmes et si nous, membres de ce comité, pouvons exercer une influence sur ce processus. Vous allez prendre certaines décisions difficiles, et il serait peut-être utile que nous participions au processus. Nous représentons certaines régions du pays et nous pourrions peut-être vous aider lorsque vous vous rendrez dans ces régions.

M. Pettigrew: Merci beaucoup.

Pour commencer par votre première question, oui, vous avez raison, nous devons nous assurer que nous n'oublions pas certains pays tout simplement parce que nous vivons une situation très difficile. L'OCDE tout particulièrement y travaille et a préparé un document pour nous aider à coordonner ces politiques, mais il reste encore beaucoup à faire sur ce plan.

Nous nous réunissons beaucoup. Mme Labelle va rencontrer Brian Atwood, de USAID, par exemple. Lundi ou mardi prochain, je serai à Genève. Nous avons convié les dirigeants de neuf organismes d'aide de pays donateurs à se réunir, pour traiter surtout de la région des grands lacs d'Afrique, du Rwanda et du Burundi. Nous allons nous réunir pour parler particulièrement de la situation au Burundi. C'est une initiative canadienne. Je vais moi-même présider cette réunion, et Mme Labelle y participera.

Nous sommes donc plus actifs dans ce domaine et nous allons continuer à en faire plus.

En ce qui concerne Haïti, il y a des réunions de coordination qui se tiennent régulièrement auxquelles participent la France, les États-Unis, et nous-mêmes tout particulièrement, mais aussi d'autres pays.

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En ce qui concerne l'examen des programmes, merci beaucoup de vous y intéresser. Je vous assure que je souhaite sincèrement recevoir des suggestions de votre comité. Vous avez plus d'expérience que moi dans ce domaine. Bien que j'aie de l'expérience sur le plan des affaires internationales, vous connaissez mieux le programme de l'ACDI, et j'espère que vous me ferez part de vos opinions et de vos suggestions.

Nous venons tout juste de terminer notre propre examen interne. J'ai rencontré des représentants de tous les services de l'agence dans le but de comprendre ce que signifieront, dans les faits, les réductions budgétaires de 14 p. 100 prévues pour les deux prochaines années. J'ai donc une idée globale actuellement de nos activités.

Immédiatement après la fin de la session, je me rendrai dans neuf villes canadiennes, et je vous invite à participer, comme parlementaires, à ce processus. Lorsque je me rendrai dans les villes et régions d'où vous venez, je serais très heureux que vous participiez aux rencontres.

Ensuite, je verrai ce que nos partenaires sur le terrain nous diront sur ce qui est le plus utile et le moins utile dans leur travail. Les gens sont très francs à ce sujet. Certaines ONG et certains de nos partenaires nous diront qu'ils ont essayé telle ou telle chose par le passé, que cela n'a pas connu beaucoup de succès, un point, c'est tout. Nous allons donc être à l'écoute des Canadiens.

Nous prendrons les décisions qui s'imposent au cours de l'été. D'ici à octobre, j'aimerais avoir une idée claire des réductions qui s'imposent. C'est l'échéancier que je me suis fixé.

Je veux que l'on sache où nous allons, six mois - et non pas deux mois - avant que les mesures budgétaires ne soient appliquées. Je ne promets rien en ce qui concerne le mois d'octobre, mais je vous dis que c'est mon objectif. Je serais heureux d'avoir votre contribution à ce niveau.

M. Speller: Parlez-vous de votre document sur les perspectives ministérielles? Non. Avez-vous terminé ce document?

M. Pettigrew: Oui. Vous l'aurez très prochainement, d'ici une semaine.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Paré.

M. Paré: Je suis heureux de vous entendre nous dire que nous pourrions être présents lors des consultations. J'essaierai pour ma part d'être discret, mais je trouve important que les parlementaires soient présents lors de ces consultations-là.

Avec les coupures de 1998-1999, l'aide publique canadienne au développement tombera sous le seuil des 2 milliards de dollars, c'est-à-dire à 1,9 milliard de dollars, ce qui ne représentera plus que 0,25 p. 100 du produit intérieur brut. C'est donc la moitié de ce que c'était il y a 10 ans.

Dans ce contexte, est-ce qu'il ne serait pas pertinent - et c'est peut-être un petit peu l'objectif de votre grande tournée de consultation - de revoir complètement le partage de l'enveloppe entre les divers secteurs de l'aide publique canadienne?

À ce point de vue-là, j'ai deux commentaires à faire dont le premier concerne les ONG.

Comme les ONG doivent apporter une contrepartie à peu près équivalente aux subventions qu'elles reçoivent de l'ACDI, est-ce qu'il ne serait pas pertinent, dans un contexte de restrictions financières, d'augmenter la part des ONG, compte tenu du fait qu'elles vont ajouter elles-mêmes un dollar pour chaque dollar de contribution de l'ACDI? Ça me semble être un moyen extrêmement intéressant. On aurait avantage à faire cela, me semble-t-il.

Mon deuxième commentaire concerne les institutions financières internationales. J'ai été un peu surpris, scandalisé et même choqué à la lecture d'un document qui a été déposé au Sous-comité sur le développement durable humain hier, dans lequel on disait que la Banque mondiale, dans un rapport récent, rejetait tout lien entre le commerce international et le respect des droits du travail, les conditions de travail et d'autres critères reliés aux droits de la personne.

D'une part, la Banque invite les gouvernements à appliquer des politiques de marché et va même jusqu'à suggérer que l'on restreigne les droits et les privilèges des syndicats.

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D'autre part, les lois canadiennes ne prévoient rien sur la question des droits de la personne dans le volet de l'aide multilatérale. Compte tenu de ces deux éléments, je me pose beaucoup de questions puisque je sais qu'une grande partie de l'aide publique canadienne est véhiculée par les institutions financières internationales.

Est-ce le meilleur véhicule? Est-ce que le Canada a le moindre contrôle là-dessus, d'autant plus que les gens qui nous représentent aux conseils d'administration n'ont aucun compte à rendre aux parlementaires? Est-ce qu'il n'est pas temps de revoir tout cela?

Je comprends que l'on puisse être lié par des contrats. C'est souvent ce que Mme Labelle nous dit, mais j'aimerais qu'on se pose des questions sur la quantité de l'aide publique canadienne qui est véhiculée par les institutions financières internationales, compte tenu du peu de contrôle qu'on a et du peu de respect que la Banque mondiale semble accorder aux droits de la personne.

M. Pettigrew: Pour répondre à la première partie de votre question, je vous avoue que je n'ai pas encore décidé si nous devions envisager un retrait radical de certaines parties ou d'autres.

J'ai examiné plusieurs scénarios, mais je ne sais vraiment pas quelle décision prendre. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait ouvert aux suggestions. Je n'ai pas encore pris de décision.

Quand j'étais dans le secteur privé et que je regardais les ministres et les gouvernants, je n'aimais pas l'approche, comme on dit en anglais, de 10% across the board. Je n'aimais pas ces espèces de réductions de 10 p. 100 partout parce que je trouvais que c'était en quelque sorte une abdication du gouvernement.

Quand je voyais quelqu'un prendre des décisions comme celle-là, je me disais que c'était quelqu'un qui ne voulait pas faire de choix et qu'il ne devrait donc pas être au gouvernement. Selon moi, cette personne devrait faire un autre travail, parce que gouverner, c'est choisir, bien sûr en fonction du mandat que la population nous a donné.

Donc, philosophiquement ou politiquement, je suis plutôt en faveur de quelqu'un qui voudrait examiner ces solutions. Est-ce que je vais le faire? Est-ce que le meilleur service qu'on peut rendre et la meilleure utilisation de nos budgets sont de cet ordre-là? Nous verrons et je serai très ouvert aux recommandations qui me seront faites par les partenaires de l'ACDI à travers le pays et par notre comité ici.

Je voudrais vous dire aussi que nos contributions à la Banque mondiale et aux banques régionales ont été largement réduites. Nous avons réduit de 40 p. 100 notre contribution aux banques régionales, la Banque asiatique, la Banque africaine de développement et la Banque américaine de développement. Nous avons déjà réduit de 40 p. 100 la contribution canadienne à ces banques régionales et de 27 p. 100 notre contribution à la Banque mondiale.

Je peux vous assurer que le ministre des Finances a également fait sa part par rapport à ces enveloppes-là.

En ce qui concerne votre question sur le lien entre le commerce et le respect des droits, je n'ai pas vu le document de la Banque mondiale auquel vous faites allusion. D'une part, je suis surpris que ce soit dit de cette façon-là. Je ne doute pas de ce que vous me dites, mais je n'ai pas encore eu accès à ce document. Je vais le regarder avec intérêt et serai heureux de soulever cette question auprès de certains contacts que nous avons à la Banque mondiale et auprès du président de la Banque mondiale lui-même.

Je dois vous dire que je n'ai pas, personnellement, une attitude dogmatique sur cette question, mais il y a des situations qui sont carrément inacceptables. Vous me dites que le travail des enfants, d'après cette étude de l'UNICEF, a augmenté dans le cadre de la mondialisation. Il faut certainemnet combattre cette tendance avec les moyens qui sont les nôtres. Je suis d'accord avec vous.

Mais il faut également faire attention à ce qu'on entend par les droits de l'homme dans les milieux de travail, parce que cela varie beaucoup selon l'évolution de l'économie des pays. Les conditions qui prévalaient chez nous dans les années 1950 seraient absolument inacceptables aujourd'hui. Cela serait vu comme de l'abus. Vous comprenez ce que je veux dire. Naturellement, une société, à mesure qu'elle se développe, augmente sa qualité.

Il ne faut pas exclure les économies qui sont en développement, parce que ces pays ne sont pas encore capables de maintenir les mêmes conditions que nous. Ce serait les empêcher de progresser. Je trouve que nos politiques de commerce international doivent être réalistes et justes. Or, la seule façon d'être juste, c'est de donner une chance à ces pays et d'essayer, bien sûr, de les influencer dans le bon sens.

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[Traduction]

Le président: Monsieur Flis.

M. Flis (Parkdale - High Park): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je suis très heureux que vous ayez mentionné Louis Saint-Laurent et le lien qu'il voyait entre l'unité canadienne et notre politique étrangère. Je suis très heureux aussi de voir que vous allez visiter le pays. Pendant vos déplacements, j'espère que vous tenterez d'identifier des créneaux canadiens.

Lorsque je suis allé dans l'Arctique avec les membres de ce comité, j'ai été personnellement très impressionné par la technologie mise au point au Canada, technologie que nous commençons à exporter.

Par exemple, nous avons rencontré les représentants d'une entreprise qui construit des habitations en pans de bois dans l'Arctique, une technique spéciale. On ne peut creuser de sous-sols là-bas; il faut construire sur pilotis. Elle a déjà construit plus de 400 habitations de ce genre en Sibérie. On a créé ainsi de l'emploi pour les habitants de Yellowknife et du Nord ainsi que pour les Russes. C'est une véritable réussite, une réussite possible parce que cette entreprise a trouvé un créneau canadien: construire des habitations en pans de bois dans le Nord.

Lorsque vous vous rendrez dans l'Ouest, vous constaterez qu'il y a des créneaux canadiens.

Oui, nous devons être compétitifs sur le marché mondial, que ce soit dans le domaine de l'aide ou du commerce, mais le moment est peut-être venu de nous demander quels sont nos points forts: est-ce le déminage au Cambodge, les programmes préscolaires en Uruguay et en Argentine, etc.?

Lorsque j'ai demandé aux représentants de cette entreprise comment ils avaient démarré dans la construction d'habitations en Sibérie, ils m'ont répondu que c'était grâce au programme d'aide technique. Sans ce programme, qui relève maintenant de l'ACDI, ils ne se seraient probablement jamais lancés sur ce marché. Cela aussi a un lien avec l'unité canadienne.

Donc, lors de votre traversée du pays, j'espère que vous chercherez ces créneaux.

Nous sommes ici pour examiner le Budget des dépenses. Vous avez déclaré qu'il vous faudra réduire de 309 millions de dollars votre budget au cours des deux prochaines années financières. Y a-t-il un risque que ce qu'on appelait les programmes d'aide technique soient plus touchés que d'autres?

M. Pettigrew: Il va nous falloir faire très attention. Vous avez parfaitement raison.

Une façon d'aborder ce problème, monsieur Flis, c'est d'avoir recours aux leviers dont nous disposons dans les institutions internationales. Cela fait partie d'ailleurs de la réponse que j'ai donnée plus tôt à M. Paré.

Nous disposons de certains leviers dans les institutions internationales grâce à nos contributions. Il arrive très souvent qu'une entreprise du secteur privé obtienne de l'aide de l'ACDI afin de lancer un projet dans un pays en voie de développement et se procure le reste du financement à la Banque mondiale. Voilà pourquoi il nous faut en faire partie. Notre pouvoir de négocier à ce niveau serait limité si nous ne faisions pas partie de ce genre d'organismes.

En fait, dans nos partenariats, nous faisons beaucoup sur le plan du transfert de la technologie. Nous en trouvons des exemples sans pareils dans le domaine de l'environnement, de l'énergie, de la santé et des télécommunications. Il se fait de nombreux transferts de technologie dans ces domaines, chose excellente.

C'est une façon très élégante d'intégrer l'élément de l'unité, car pour de nombreux contrats il se forme des partenariats entre des entreprises québécoises, albertaines, néo-écossaises, etc. C'est un aspect très important, et je tenais à le mentionner à M. Morrison.

On a attiré mon attention sur un autre aspect qui - et cela me fait un grand plaisir - est lié à notre unité et à notre contribution efficace. Il arrive très souvent par exemple qu'une entreprise ontarienne obtienne un contrat, mais ensuite sous-traite, ce qui crée des bénéficiaires secondaires des contrats de l'ACDI qui se trouvent dans l'Ouest ou dans l'Est du Canada. Je pourrais vous citer des chiffres à ce sujet qui sont très impressionnants.

Donc, vous avez raison, nous procédons d'une façon très concrète, dans le cadre de ma stratégie. Toute ma vie professionnelle, j'ai cherché à construire des réseaux, des alliances, des partenariats dans le secteur privé dans tout le Canada, et je vais certainement continuer, comme je viens de l'expliquer. Et si vous voulez attirer mon attention sur des créneaux dans vos propres régions, je vous en prie, faites-le, et si nous pouvons faire des mariages entre divers partenaires ici et là au pays... Je pense que c'est là un aspect très important de mon rôle comme ministre.

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Merci beaucoup.

Le président: Monsieur le ministre, puisque la presque totalité de votre réponse portait sur la question de M. Morrison, peut-être M. Morrison voudrait-il céder son temps à M. Flis.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Morrison.

M. Morrison: Comme vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes tous amis ici.

M. Pettigrew: C'est ce que j'aime bien ici; on est aimable.

M. Morrison: J'aimerais revenir sur la question du processus de passation des marchés de service et de la procédure d'appel.

Pourriez-vous fournir, monsieur le ministre, un résumé détaillé de cette procédure d'appel au comité? Si cela peut vous aider, je peux vous dire que c'est le 8 mai 1996 que Markham Electric a appris que le Tribunal du commerce extérieur n'entendrait pas l'affaire parce que la compagnie ne traitait pas directement avec le gouvernement canadien.

Je trouve inquiétante toute cette affaire du processus d'adjudication, monsieur le ministre. J'ai été dans les affaires pendant longtemps. L'idée d'une sélection préalable me semble très paternaliste.

Vous dites que l'on fait ainsi gagner du temps et de l'argent aux soumissionnaires, mais aucun de ceux qui se sont plaints à moi du processus n'a d'objection à consacrer ses efforts à soumissionner de la façon normale, comme on le fait dans le secteur privé. D'ailleurs, on procède de la même façon pour soumissionner pour un contrat de la Banque mondiale ou d'une des banques régionales de développement. C'est ouvert à tous. Vous présentez votre soumission et vous courez votre chance.

Pourquoi exclure précisément certaines personnes, pourquoi ne pas donner à tous la possibilité de voir comment elles s'en tireront? C'est parfait pour ceux qui font déjà partie du circuit, mais pour les nouveaux qui veulent participer, c'est une mesure d'exclusion.

Pouvez-vous dire brièvement quelques mots à ce sujet? Ensuite j'aimerais vous poser une autre question.

M. Pettigrew: Monsieur Morrison, la pré-sélection, la liste restreinte, c'est ce que nous a demandé le secteur privé. Vous me dites n'avoir jamais rencontré de représentants d'entreprises qui ne soient disposés à le faire, et moi, je n'ai rencontré que des gens qui me disent: monsieur le ministre, si je n'ai pas la moindre chance d'obtenir le contrat, ne me laissez pas faire l'effort énorme de préparer une soumission.

Cela coûte cher, et il faut beaucoup de temps et d'énergie pour préparer une soumission. J'en ai beaucoup préparé moi-même, et j'étais beaucoup plus heureux si on me disait au début: vous n'avez pas la moindre chance d'obtenir le contrat parce que vous n'avez pas vraiment l'expérience pertinente.

Au cours des quelques prochains mois nous mettrons en place un nouveau régime pour aider justement les nouveaux et les petites entreprises, et cela nous permettra également... C'est pourquoi je vous ai dit que nous pourrions probablement augmenter la concurrence dans le cas de 85 p. 100 des contrats comparativement aux 69 p. 100 actuels, et ainsi, les nouveaux et ceux qui sont plus éloignés d'Ottawa, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas le même accès immédiat que ceux qui ont des de bureaux relations publiques ici qui surveillent tout, pourront alors participer beaucoup plus facilement.

Il s'agira d'un système d'offres permanentes avec sélection préalable. Le système d'offres permanentes prévoit dès le départ une sélection préalable. Une fois que vous vous êtes qualifié, vous faites partie du système pendant trois ans. Je pense que cela aidera les entreprises éloignées et également les nouveaux - ceux qui ne participent pas actuellement - à le faire.

Monsieur Morrison, je tiens à vous dire que je me suis fixé comme priorité d'intégrer un plus grand nombre d'entreprises canadiennes et d'élargir l'aspect régional de notre agence, et j'y travaillerai avec acharnement au cours des quelques prochaines années.

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M. Morrison: Je suis très heureux de voir que vous partagez mes inquiétudes au sujet de ce système, monsieur le ministre, et j'espère que les révisions que vous y apporterez amélioreront les choses.

Je suis également un peu préoccupé par le principe de la liste restreinte. Personnellement, est-ce que cela ne vous met pas un peu mal à l'aise que de devoir accepter cette procédure, de devoir vous en tenir à une liste de soumissionnaires pré-sélectionnés pour préparer une liste restreinte alors que vous ne pouvez pas être spécialiste dans tous les domaines - vous l'êtes dans de nombreux domaines, et peut-être même dans la plupart, mais pas dans tous - et devez choisir les soumissionnaires sur cette liste de sélection préalable avant de passer au processus final? Est-ce que vous n'êtes pas mal à l'aise à cette idée, monsieur le ministre?

M. Pettigrew: Non. Tout d'abord, vous devez comprendre que nous recevons des conseils et des précisions au sujet de tous les soumissionnaires qui se sont qualifiés. C'est-à-dire que vous pouvez vous qualifier, mais nous obtenons toujours de l'information, tel que le bilan de la compagnie et son expérience passée. Il y a donc une évaluation qualitative.

Quoi qu'il en soit, je pense que cela fait partie de mon travail. Comme ministre, il est important d'exercer son jugement. La répartition régionale nous préoccupe beaucoup. Nous travaillons pour élargir le processus. Nous ne mettons pas de restrictions, au contraire. Je ne suis pas convaincu que sans l'intervention des ministres les résultats ne seraient pas pires que ce qu'ils sont actuellement.

La situation actuelle n'est pas saine. Il nous faut y apporter des améliorations, y travailler. Je pense que le ministre a la responsabilité d'élargir le processus. Il est préférable de procéder ainsi, parce qu'on encouragera probablement ainsi encore plus ceux qui font déjà partie du système.

Le président: Je regrette, monsieur Morrison, mais vous avez épuisé votre temps.

M. Morrison: Vous êtes méchant.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Tout est relatif. Ce qui est méchant aux yeux du Parti réformiste pourrait dans certaines circonstances être bon pour d'autres.

Monsieur Assadourian.

M. Assadourian (Don Valley-Nord): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, j'ai quelques questions à poser. Presque toute la discussion jusqu'à présent a porté sur ce qui se passe au Canada. J'aimerais savoir ce qui arrive dans le pays bénéficiaire. Vous vous rappellerez que la semaine dernière on a publié la liste des 10 pays les plus corrompus du monde et des 10 pays les moins corrompus. L'un des pays les moins corrompus est le Canada, ce qui me rend très heureux.

Lorsque nous attribuons un contrat à une entreprise canadienne pour du travail dans un pays étranger, de quel mécanisme disposons-nous afin pour contrôler la corruption dans ce pays? Dans le cas des droits de la personne, je pense que la corruption représente la pire forme de violation des droits de la personne qu'on retrouve dans les pays du Tiers monde. J'ai peut-être tort - et reprenez-moi si c'est le cas - mais j'ai l'impression qu'une fois le contrat accordé, nous n'avons aucun mécanisme à notre disposition pour nous assurer qu'il est exécuté selon les conditions prévues et que la collectivité en profite, et non pas certains fonctionnaires dans les pays X, Y, Z.

Je connais quelques personnes qui habitent Toronto qui sont venues ici de pays du Tiers monde où elles étaient ce qu'on appelle des commis. Elles étaient multimillionnaires en arrivant au Canada. Il me semble qu'il est impossible d'être millionnaire quand on est commis au ministère de l'Import-Export dans un pays étranger.

Peut-être pouvez-vous donc nous dire ce qui arrive aux contributions que nous envoyons à l'étranger, et ensuite nous expliquer comment cela fonctionne ici.

M. Pettigrew: Monsieur Assadourian, permettez-moi de vous affirmer que l'on ne fait pas de millionnaires avec l'argent de l'ACDI. Je vous en donne ma parole. Il n'y a pas de millionnaires de l'ACDI parmi ceux qui sont venus ici.

Nous aussi nous avons vu la liste des pays corrompus. En aucun cas - en aucun cas - l'ACDI ne donne de l'argent à des gouvernements étrangers. Nous ne donnons jamais d'argent à des gouvernements étrangers. En fait, nous donnons du travail à contrat dans certaines régions du monde à des entreprises, mais c'est notre propre personnel qui dans la plupart des cas assure la prestation des services et des biens. Par conséquent, ces personnes se conforment aux normes canadiennes, à la façon de faire les choses ici. Nous exerçons un contrôle très serré sur nos projets et nous nous assurons que, quelle que soit la région du monde où se fait le travail, on respecte tous nos critères. Nous faisons une évaluation de chaque contrat, et nous avons un régime de vérification très serré. Nous faisons donc et une évaluation et une vérification de notre travail à l'étranger.

.1025

[Français]

Le président: Monsieur Bergeron.

M. Bergeron (Verchères): Monsieur le ministre, il me fait plaisir de m'adresser à vous, non pas en tant que président, mais en tant que participant aux travaux de ce Comité.

Pour votre gouverne, je tiens à porter à votre attention la référence citée dans l'intervention de M. Paré tout à l'heure. Il faisait allusion à un document qui a été remis hier au Sous-comité sur le développement durable humain faisant lui-même allusion à un rapport récent de la Banque mondiale. Toutefois, ce rapport n'est pas identifié dans le document dont je vous parle, qui s'intitule Droits de la personne et marchés mondiaux: Questions et défis qui se posent dans le contexte de la politique étrangère du Canada. C'est un document de la Bibliothèque du Parlement préparé par notre distingué recherchiste, M. Gerald Schmitz, et une de ses collègues, Corinne McDonald. Voilà ce qu'il en est de cette référence.

Monsieur le ministre, j'aimerais pour ma part faire allusion au rapport du Comité mixte spécial chargé de la révision de la politique étrangère du Canada. Je ferai deux commentaires.

Dans un premier temps, nous avons fait état dans ce rapport d'une nouvelle vision beaucoup plus large de la notion de sécurité. Cette vision incluait des thèmes aussi vastes que l'environnement, les mouvements migratoires et ainsi de suite.

Le rapport faisait également allusion à une politique beaucoup plus active de prévention des conflits, des troubles et des crises. On parlait donc de diplomatie préventive.

J'ai deux questions, dont la première a trait à la notion de sécurité. On a mis l'accent, dans le Livre blanc du ministère de la Défense, sur les missions de paix, puisqu'il était entendu que les problèmes externes pouvaient avoir des conséquences sur notre sécurité nationale. Conséquemment, ne serait-il pas pertinent, puisque le budget de ce ministère est cinq fois supérieur à celui de l'aide au développement, de rattacher les coûts de l'aide humanitaire inhérente aux missions de paix à ce budget de la Défense?

Deuxièmement, dans le cadre de la prévention des conflits et d'une diplomatie préventive, j'aimerais vous poser une question qui a rapport à l'efficacité budgétaire et à la saine gestion des deniers publics dans le domaine de l'aide au développement. Nous avons pu voir que la crise au Rwanda avait occasionné pour le Canada des déboursés astronomiques pour venir en aide aux populations rwandaises qui avaient vécu la tragédie d'il y a quelques mois. Je me souviens même qu'on avait discuté avec Mme Labelle des coûts encourus par le Canada lors de ces tragiques événements.

Conséquemment, comme il y a une crise semblable qui se profile à l'horizon au Burundi et dans un souci d'efficacité budgétaire, sachant que si une telle crise semblable survenait au Burundi, le Canada devrait certainement intervenir et investir dans ce pays des sommes considérables.

Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes préoccupé par la situation du Burundi. Nous avons eu l'occasion d'en discuter. Je crois comprendre également que vous auriez un plan d'action concernant ce pays. J'aimerais que vous nous en fassiez part, s'il vous plaît, monsieur le ministre.

M. Pettigrew: Oui, avec grand plaisir. Je commencerai par la question du Burundi. Je vais partir cette fin de semaine-ci pour Genève, où nous avons proposé une rencontre des neuf responsables des agences des principaux pays donateurs. Si nous avons provoqué cette réunion internationale - parce que c'est une initiative que nous avons prise et je présiderai moi-même la rencontre de la semaine prochaine - , c'est précisément pour marquer le coup et l'importance que la communauté internationale agisse alors que la situation se détériore semaine après semaine. C'est pour éviter un autre Rwanda.

.1030

Ce que nous voulons faire essentiellement à l'occasion de cette réunion, c'est coordonner l'effort d'aide humanitaire et de coopération entre les neuf principaux donateurs et intégrer le gouvernement du Burundi, qui participera à la rencontre. Je tiens à dire que les Burundais ont été invités pour qu'ils ne pensent pas qu'on mène une action indépendante d'eux. C'est au contraire une démarche qui veut les intégrer en profondeur, intégrer leur dialogue politique, par une coopération plus étroite avec la politique d'aide des neuf pays donateurs.

C'est donc une façon d'inaugurer une démarche intégrant le gouvernement du Burundi, menée en parallèle avec l'octroi de nos budgets d'aide qui s'en vont vers le Burundi. Je partage votre angoisse à l'endroit du Burundi et je peux vous dire que c'est parce que nous en sommes prévenus qu'on a provoqué cette rencontre. Nous n'avons pas attendu à l'automne. Nous le faisons maintenant, précisément pour marquer le coup. C'est très important. Nous vous ferons rapport sur cette réunion de Genève lundi et mardi prochains.

Je ne suis pas sûr d'avoir très bien saisi la première question sur les coûts. Le ministère de la Défense assume déjà les coûts des casques bleus et de l'aspect militaire de nos contributions à la stabilité dans certains pays, avec les Nations unies, évidemment.

M. Bergeron: Ma question s'adressait au ministre.

Le président: Votre temps est déjà dépassé.

M. Bergeron: C'est que M. le ministre ne comprend pas très bien la question. Il lui est donc difficile d'y répondre.

Le président: Pouvez-vous la préciser très brièvement?

M. Bergeron: Oui, monsieur le président.

Le président: Il doit s'agir d'une toute petite précision, que vous devez donner assez rapidement, parce qu'il y a d'autres...

M. Bergeron: Dans la perspective d'une nouvelle définition de la sécurité, unanimement acceptée par tous les membres de ce comité et par le gouvernement lui-même, n'y aurait-il pas lieu que le ministère de la Défense nationale, dont le budget est cinq fois supérieur à celui de l'aide au développement, assume lui-même les coûts de l'aide humanitaire inhérente aux missions de paix?

M. Pettigrew: Excellente suggestion. Vous avez raison, monsieur Graham, vous avez un Comité magnifique et je vous en félicite, parce que nous faisons équipe dans le cadre de nos responsabilités respectives. Je prends bonne note de votre suggestion. Il est vrai que nous devons parvenir à des définitions plus larges de la sécurité. Nous le faisons, et si plus de coûts pouvaient être assumés ailleurs, j'en serais ravi. Cela nous laisserait plus de sous pour faire le reste de notre travail de développement.

Pour le moment, comme c'est quand même également du développement, vous conviendrez avec moi qu'il est plus important de le faire en attendant que d'autres assument cette responsabilité.

Nous travaillerons dans ce genre d'orientation, qui me convient tout à fait. Je pense toutefois que tout le secteur de la diplomatie préventive doit demeurer une priorité pour le développement international. Il y a en effet des endroits où le ministère de la Défense ne peut pas aller et où l'Agence canadienne de développement international peut agir.

Pour les raisons que j'exposais tout à l'heure, des raisons de culture et d'expérience, parce que ce n'est pas le même monde, que chacun a son rôle dans la vie et que le rôle de notre agence est différent, il y a des missions que nous pouvons accomplir dans lesquelles le ministère de la Défense ne serait pas aussi bien vu.

Prenons l'exemple des tables rondes. Le premier ministre, M. Chrétien, en avait parlé au Sommet de Cotonou. Nous avions espéré pouvoir tenir au Burundi des tables de concertation entre parlementaires, journalistes et militaires des différentes factions. Nous n'avons pas été capables de les organiser dans le cadre de la Francophonie - parce que c'était dans le contexte de la Francophonie - , mais toute contribution possible au plan de la diplomatie préventive demeure une priorité pour nous.

J'en profite pour souligner aujourd'hui combien je suis personnellement heureux de la dimension plus politique que la Francophonie est en train d'assumer. Il y a maintenant au sein de la Francophonie une maturité politique qui nous permettra de faire du travail extrêmement important au cours des prochaines années. La réunion de Bordeaux a été véritablement un point tournant dans les débats politiques, notamment en ce qui a trait au cas du Niger.

[Traduction]

Le président: Monsieur Iftody.

M. Iftody (Provencher): Merci, monsieur le président.

Si vous vous êtes demandé pourquoi, monsieur le ministre, nos questions sont précédées aujourd'hui de longs préambules, c'est parce que nous sommes à la télévision.

Des voix: Oh, oh!

.1035

M. Iftody: Quoi qu'il en soit, je vous remercie de votre exposé.

M. Pettigrew: Je sens que la population canadienne se sensibilise à ces questions importantes.

M. Iftody: Tout à fait.

Au cours de votre exposé, vous avez longuement parlé de la libéralisation, de la mondialisation du commerce, de l'évolution des institutions des États et des instruments qui s'y trouvent, et, dans ce contexte, des changements technologiques et des disparités qui existent entre les riches et les pauvres dans ces pays qui subissent des réajustements. Si je vous ai bien compris, si nous nous intéressons à certains de ces pays, c'est que nous voulons les aider à faire une redistribution de la richesse en faveur des pauvres. J'espère avoir bien compris, mais on espère ainsi créer un lien direct et encourager les Canadiens à investir pour aider les pauvres dans ces pays.

J'aimerais envisager la question sous l'angle de la différence de richesse entre les régions urbaines et rurales dans ces pays en voie de développement. On peut supposer que dans plusieurs de ces pays, pendant cette transition, les plus grandes souffrances et privations se trouvent surtout en région rurale. S'il en est ainsi, si c'est surtout en région rurale, ne pourrions-nous pas jouer un rôle plus important, par exemple - et peut-être pourrait-on aller chercher un plus grand nombre de contributions dans l'Ouest du Canada - par l'intermédiaire de l'ACDI notamment, dans le secteur agricole?

Je voudrais faire le lien très brièvement avec ma propre circonscription - nous avons un groupe d'agriculteurs multiculturel, des francophones, des descendants des premiers colons ukrainiens dans l'Ouest du Canada, des Allemands - il s'agit de savoir si ces gens de l'Ouest du Canada peuvent jouer un plus grand rôle dans ce processus.

En résumé, ma première question est donc celle-ci: quel rapport y a-t-il entre la distribution de la richesse et l'investissement que nous sommes censés faire en tant que contribuables? Et quelle possibilité y a-t-il, monsieur le ministre, de relier cette démarche de la part du gouvernement du Canada à un rôle plus important pour les Canadiens de l'Ouest?

M. Pettigrew: Merci beaucoup de votre question à plusieurs volets. Elle est intéressante. Vous avez raison, c'est une façon de voir les choses, et le rôle des Canadiens de l'Ouest dans le développement.

Nous avons déjà un certain nombre de programmes qui mettent l'accent sur le développement rural. Vous avez raison à cet égard. Nous avons en particulier un programme important visant ce que nous appelons les micro-entreprises, lesquelles conviennent parfaitement au milieu rural. Dans le cadre de ce programme, nous aidons les petites entreprises, essentiellement agricoles, à se former. Nous pourrions essayer de voir ensemble quelle expérience peuvent apporter les petites entreprises de l'Ouest aux petites entreprises rurales qui essaient de démarrer dans les pays en voie de développement. Ce serait une excellente idée. Je vous remercie de m'en avoir parlé.

Les contribuables pourraient certainement y trouver leur compte. Les entreprises canadiennes profiteraient de ce transfert de leur expérience, mais en même temps elles s'amélioreraient. Le processus leur serait bénéfique à cet égard.

Nous avons un bon programme. Espérons seulement que des entreprises de l'Ouest voudront y participer. Nous essaierons de les encourager à le faire au cours des prochains mois.

Ce que nous essayons de faire, essentiellement, c'est renforcer les sociétés civiles. Il y a environ un an, j'ai eu l'occasion de lire un excellent ouvrage d'Alain Peyrefitte, un intellectuel français qui s'est intéressé au miracle du développement et qui a fait ressortir le lien entre le niveau de développement et les valeurs politiques, sociales et culturelles. En renforçant une société civile, on contribue grandement par la même occasion à son développement économique.

.1040

Nous avons besoin de meilleures institutions. Nous avons besoin de pays plus stables avec des sociétés civiles fortes. C'est le problème auquel nous avons dû faire face par le passé. La seule façon de développer un marché et de lui permettre de croître, c'est de renforcer la société civile et d'y apporter une contribution. Une fois le marché établi dans un pays, celui-ci peut devenir un partenaire commercial et industriel.

Nous aidons l'industrie laitière en Pologne, par exemple. M. Flis sera heureux d'entendre que le contrat en Pologne a été accordé à des gens de l'Ouest de l'Ontario. M. Flis a visité le projet. Il est déjà en cours et il prendra de l'ampleur. L'Île-du-Prince-Édouard contribue en Pologne à un projet de culture maraîchère impliquant une de ces micro-entreprises dont j'ai parlé.

Le président: Sans vouloir vous poser une question, monsieur le ministre, je tiens à vous dire que le comité a récemment visité l'Arctique. Je pense parler au nom de la plupart des députés en indiquant que nous avons été extrêmement impressionnés par les témoignages que nous avons reçus des divers groupes autochtones - Inuit, Dénés. Pour les revendications territoriales et les autres questions qui se posent dans les sociétés en développement, ils pourraient se révéler, au même titre que les gens mentionnés par M. Iftody, une autorité très importante à consulter en ce qui concerne l'ACDI.

J'évoque simplement cette possibilité. Je vois que Mme Labelle fait un signe de la tête. Je suppose que, comme d'habitude, elle m'a devancé.

Nous revenons dans le monde manichéen. Je vais demander à M. Morrison de reprendre son gourdin.

M. Morrison: Madame Labelle, à la suite de votre comparution devant ce comité le 12 décembre, vous avez indiqué que 93 p. 100 des dépenses des programmes de l'ACDI en 1994-1995 prenaient la forme de subventions, de contributions et d'autres paiements de transfert de l'ACDI, mais qu'un très fort pourcentage des 335 millions de dollars au total allait aux contrats de service. Je comprends que vous ayez besoin d'une certaine flexibilité dans vos dépenses, mais j'aimerais savoir pourquoi les contrats de service sont enfouis dans les subventions, les contributions et les autres paiements de transfert. Les fonds pour les contrats de service viennent-ils de ces trois autres catégories? Si oui, que se passe-t-il au juste? Je ne comprends pas votre comptabilité.

Mme Labelle: Pour les contrats de service qui entrent dans les fonds destinés aux programmes ou qui utilisent ces fonds, ce dont nous parlons, c'est de situations où nous embauchons une entreprise ou une institution - il peut s'agit d'une ONG, d'une université, d'un collège - en vue d'une étude de faisabilité. Comme ce n'est pas encore le projet, la dépense n'est pas inscrite sous cette rubrique. C'est un exemple.

Il peut s'agir également d'une conception très limitée d'un programme. Encore là, la démarche ne se transforme pas nécessairement en projet. Nous utilisons les fonds destinés au programme pour embaucher des particuliers, lorsque c'est nécessaire, ou de très petites comme de grandes institutions, à des stades précédant les projets, en vue d'une surveillance quelconque ou d'une évaluation. Nous utilisons à ces fins les fonds destinés au programme. Lorsque nous parlons d'informatique ou de formation du personnel, par exemple, nous avons recours aux fonds de fonctionnement.

M. Morrison: Je vais devoir revenir en arrière, parce que je ne comprends vraiment pas ce qui se passe.

Je vous pose une question plus simple et plus directe. Au chapitre des subventions, pour ce qui est du programme de partenariat, comment expliquez-vous l'augmentation de 71 p. 100, de 72 millions de dollars?

.1045

Mme Labelle: Monsieur le président, lors de la réduction de 15 p. 100 faite dans le cadre de la première étape de l'examen des programmes, le ministre précédent a examiné attentivement tous les aspects de notre budget. Un nombre important d'ONG se sont vu refuser nos fonds dans le cadre du programme de partenariat.

Pour nous assurer que malgré tout les petites ONG du Canada puissent continuer de contribuer au développement, un poste réservé aux petits projets a été créé. Nous en avons discuté avec vous à l'époque. C'est ce qui explique... Un montant important a été retranché du programme de partenariat; une partie de ce montant a été gardée pour les subventions aux petits projets. Les projets que nous aidons sont vraiment très limités. Ils ne dépassent pas 200 000 $, et ils impliquent des ONG.

M. Morrison: Je remarque dans le budget que la liste des entités admissibles à ces subventions au titre du programme de partenariat inclut presque tout le monde. Il y a très peu d'exceptions de prévues. Je pourrais en obtenir une si je savais comment m'y prendre.

Ce qui m'amène à une autre question. Arrive-t-il que des contributions soient accordées à d'autres entités que des ONG, à des intérêts du secteur privé? Si oui, quelles sont les directives et les règles du Conseil du Trésor relativement à la comptabilisation de ces subventions?

Le président: Avant que vous ne répondiez, madame Labelle, sachez qu'en tant que comité nous nous opposerions fermement à ce que vous donniez une subvention à M. Morrison. Nous ne voudrions pas le perdre.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Il ne faudrait pas qu'il parte dans un autre pays. Sa contribution ici est beaucoup trop importante.

Mme Labelle: Je me demandais comment nous pourrions faire, mais maintenant que vous nous avez enjoint de ne pas donner suite à la demande...

Des voix: Oh, oh!

Mme Labelle: Lorsque le programme pour l'Europe de l'Est et l'Europe centrale a été transféré, il l'a été selon des conditions qui permettaient l'octroi de contributions aux différents participants. Les directives du Conseil du Trésor étaient parfaitement respectées. Pour chacun des projets, il y avait également une contribution au pays concerné de la part de l'entreprise, de l'université ou de l'institution avec laquelle nous traitions. Nous ne payons pas le prix total, y compris un revenu raisonnable à l'institution, pour les compétences que nous allons chercher.

Ce n'est que lorsque les entreprises apportent une contribution elles-mêmes que nous versons une contribution à une entreprise à but lucratif. La part peut varier. Elle peut être de 25 p. 100 ou plus, selon les projets.

M. Morrison: Très bien.

Mme Labelle: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter que pour ce qui est du programme de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale, les pays bénéficiaires eux-mêmes contribuent aux projets. Il s'agit habituellement d'une participation trilatérale dans laquelle nous comptons pour environ un tiers.

M. Morrison: J'aurais aimé développer ce point davantage, mais l'heure avance, et je vais passer à autre chose.

Le président: Je regrette, monsieur Morrison, l'heure ne fait pas qu'avancer; le temps est écoulé.

Monsieur Dupuy.

[Français]

M. Dupuy (Laval-Ouest): Monsieur le président, puisque j'ai l'occasion de prendre la parole après M. Morrison et ses questions érudites et pointues, j'ai peur de donner l'impression que je passe du trivial au sublime, parce que ma question est de nature très générale.

Elle concerne la place des problèmes des pays en voie de développement dans le programme économique international. Dans les années 1970, il y a eu une sorte d'âge d'or pour le Nord-Sud et ça se comprend. Durant ces années, il y avait tout d'abord une certaine solidarité, je dirais même une solidarité certaine entre les pays en voie de développement.

.1050

Ils opéraient à travers le groupe des 77 aux Nations unies, à travers les non-alignés, et ils avaient l'appui des exportateurs de pétrole qui, à ce moment-là, pouvaient exercer des pressions sur les pays industrialisés. Donc, il y a eu une période du Nord-Sud où les problèmes économiques du développement des pays du Sud ont occupé un rang très élevé dans l'échéancier économique international.

Maintenant, les choses ont considérablement changé. Ces pays se sont morcelés. Il y a ceux qui sont partis en avant comme des tigres. Il y a ceux qui ont réussi à se développer d'une façon importante, comme l'Inde ou le Brésil, et qui ont développé une double personnalité puisqu'ils sont très peu développés sous une de leur face et au contraire très industrialisés sous une autre face.

Pour compliquer la chose, l'Union soviétique a explosé et fait entrer dans les circuits internationaux d'anciennes républiques qui sont des pays en voie de développement, et la Chine elle-même est entrée dans le domaine. On sait que l'OPEP a décliné.

Donc, comment évaluez-vous la possibilité de voir ces problèmes de développement regagner les premiers rangs parmi les hautes priorités internationales?

M. Pettigrew: J'apprécie beaucoup votre question, monsieur Dupuy, parce qu'elle sera au coeur de la problématique de la coopération et du développement au cours des prochaines années. Ce que je peux vous dire, c'est que cela ne se fera pas du tout de la même façon que dans les années 1970 et 1980. Vous avez très bien décrit l'éclatement qui s'est produit un peu partout dans le monde, d'où les besoins énormes en capitaux qui se font jour tous en même temps.

C'est quand même encourageant de faire face à ce problème. Il fut un temps où on aurait pu carrément penser que notre planète éclaterait sous les bombes nucléaires des deux grandes superpuissances qui se seraient autodétruites, nous entraînant dans le gouffre.

Il y a donc quand même une amélioration. Je le souligne parce que, très souvent, on ne parle des développements depuis 1989 qu'en termes des problèmes qu'ils nous causent. Bien sûr, intégrer l'Europe centrale, l'Europe de l'Est, l'ouverture espérée encore de la Chine et tout causent des problèmes, mais de beaux problèmes. Ce sont de beaux problèmes.

Je peux vous dire que je suis très sensible à cette réalité et qu'en ce sens, je reflète la priorité du premier ministre, Jean Chrétien. Le premier ministre du Canada, l'an dernier, alors qu'il était l'hôte du G-7 à Halifax, a beaucoup insisté pour que la réunion du G-7 au Canada porte sur la réforme des institutions financières internationales.

Vous vous souviendrez que M. Chrétien avait fait une tournée pour rencontrer tous les membres du G-7. Il était également allé dans certains pays en voie de développement pour s'assurer que le G-7 se penche sur la nécessité de réformer le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et les banques régionales de développement afin de remettre à l'échéancier économique international les priorités du monde en voie de développement.

Le premier ministre Chrétien a réussi à faire un bon bout de chemin, mais comme il était l'hôte, il n'a pas pu aller aussi loin qu'il l'aurait souhaité lui-même. Je dis ces choses-là assez librement parce que je n'étais pas membre du gouvernement à ce moment-là, mais bien commentateur à Radio-Canada, à l'émission Le Point, de cette réunion du G-7. Comme je savais que j'allais jouer ce rôle à l'émission Le Point, je l'ai suivi pendant des mois auparavant et j'ai suivi l'action du premier ministre Chrétien pour être mieux à même de commenter intelligemment ces développements.

J'ai donc vu que M. Chrétien avait fait cette tournée. Il aurait personnellement souhaité aller plus loin à ce moment-là, mais comme il était l'hôte, il était plutôt l'homme devant assurer le compromis entre les membres du G-7.

Nous avons la chance, monsieur Dupuy, de voir le président Chirac convoquer le prochain sommet, en être l'hôte et retenir la même priorité que le premier ministre du Canada, M. Chrétien, en mettant lui aussi le développement au coeur du programme. Il donne donc une autre poussée à la roue dans ce sens.

Nous venons d'avoir une visite extrêmement heureuse du premier ministre Juppé. Je peux vous assurer que les relations entre la France et le Canada, et la coopération que nous aurons à cet égard seront certainement très intéressantes et contribueront nécessairement, je l'espère bien, à réintroduire les pays en voie de développement dans les priorités du programme économique international.

M. Dupuy: Merci beaucoup.

.1055

Le président: Merci, monsieur le ministre. Monsieur Paré.

Monsieur le ministre, j'ai encore trois personnes sur ma liste. Vous serait-il possible de demeurer parmi nous quelques minutes après 11 h pour qu'on puisse terminer? Merci beaucoup. Vous êtes bien aimable.

M. Paré: Ma question s'adressera peut-être davantage à Mme Labelle qu'à M. Pettigrew.

Dans une lettre que j'adressais à M. Pettigrew, le 10 juin dernier, je m'inquiétais, entre autres choses, de l'augmentation des contributions canadiennes aux institutions financières internationales. J'avais puisé mon information dans le Budget des dépenses 1996-1997, Partie III.

J'ai donc été un peu surpris tout à l'heure par les chiffres que vous m'avez fournis, monsieur le ministre, qui font état d'une diminution des contributions. Or, à la page 26 de ce document se trouve le tableau 7 intitulé «Résultats financiers en 1994-1995». Les sommes prévues pour les institutions financières internationales étaient de 148,5 millions de dollars alors que les sommes réelles ont été de 351 millions de dollars, soit une augmentation de 202 millions de dollars.

Comment comprendre ces chiffres si on les compare à ceux que Mme Labelle vous a soufflés tout à l'heure?

Mme Labelle: Ce que ceci reflète tout d'abord, c'est le fait que le ministère des Finances et nous-mêmes avons voulu, l'an passé, donner un coup de barre pour traiter les arriérés que le Canada devait à ces institutions.

Donc, plutôt que de remettre au Trésor les fonds inutilisés, nous nous en sommes servi pour couvrir ces arrérages accumulés sur un certain nombre d'années. Le ministère des Finances y a ajouté aussi une certaine somme afin de nous aider à nous remettre à flot.

Le deuxième point que je voudrais souligner, monsieur le président, pour renchérir sur ce que le ministre vient de nous dire, c'est que lorsqu'on parle de 27 p. 100 de coupures pour la Banque mondiale et de 40 p. 100 pour les banques régionales, c'est dans le contexte du prochain exercice, où on refait le plein de chacun des fonds pour des prêts à des conditions de faveur.

À partir de l'an prochain, en fait, ces coupures vont commencer à se faire sentir, parce que c'est normalement sur une période de quelques années qu'on refait... Par exemple, on parle de IDA 10 et maintenant de IDA 11 pour la Banque mondiale, le fonds pour des prêts à des conditions de faveur de la Banque auquel on contribue.

[Traduction]

Le président: Monsieur Godfrey.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Merci.

J'ai une suggestion à vous faire, monsieur le ministre. Ensuite, j'aurais une question qui s'adressera probablement davantage à Mme Labelle. Ma suggestion, c'est que le comité serait peut-être intéressé à avoir plus de détails au sujet de vos déplacements au pays ainsi que les dates. Je ne sais pas si la suggestion s'adresse à l'ACDI ou à votre bureau. Il serait extrêmement utile que tout le monde sache le plus tôt possible où vous serez, surtout si les membres du comité se trouvent au même endroit.

Je ferais la même suggestion en ce qui concerne le comité sénatorial, qui est souvent oublié dans ce genre de démarches, pour que ses membres se sentent à l'aise lors des réunions. Ils pourraient vous proposer des noms ou des institutions utiles.

De façon plus générale, vous pourriez inviter les parlementaires de la région, députés et sénateurs, quel que soit leur parti politique. Ils pourraient être mis au courant de votre passage. Ce serait une façon de répandre le message.

Ma question découle du fameux rapport de 1993 du vérificateur général qui a amené l'ACDI, je sais, à revoir son mandat et son fonctionnement. La deuxième leçon que le vérificateur général a tirée de toute cette affaire - il parlait de la situation en 1992 - est la suivante:

.1100

Ma question est la suivante: Mme Labelle peut-elle nous donner des exemples concrets de choses qui ont été éliminées depuis 1993, d'endroits où nous ne sommes plus, de programmes que nous n'avons plus? Comment sommes-nous devenus mieux orientés du point de vue pratique?

M. Pettigrew: Je vais répondre à la question, John. Mme Labelle pourra ajouter quelque chose si elle le désire.

J'ai lu ce rapport. Je m'en souviens très bien. Je sais que certains pays - nous en avons discuté il n'y a pas tellement longtemps - la Norvège, par exemple, concentrent leur aide dans huit ou neuf pays, ne sont présents que dans 30 pays en tout. Dans le cas de la Norvège, elle partage le fardeau avec d'autres pays scandinaves.

La situation du Canada est cependant très différente. Nous en discutons continuellement ici à Ottawa. Le Canada est un pays beaucoup plus actif dans le monde que des pays comme la Norvège. Par ailleurs, je ne sais pas s'il y a un lien direct entre le niveau d'aide à un pays et l'influence qu'on peut avoir. Je n'ai pas vu une seule étude qui établisse clairement le lien que sous-entendait le rapport du vérificateur général à l'époque.

Je pense moi-même qu'un pays comme le Canada, qui fait partie du G-7... Nous faisons également partie du Commonwealth, et, à ce titre, nous avons des priorités historiques extrêmement importantes à respecter. Nous faisons aussi partie de

[Français]

la Francophonie. Nous nous sommes beaucoup développés du côté de la Francophonie depuis la dernière génération. Inévitablement, la présence du Canada dans le monde ne peut pas être aussi concentrée que celle d'autres pays parce que nous avons un rôle unique, que j'essayais de décrire dans mes remarques d'introduction, dans les affaires de ce monde. C'est un rôle de pont entre le G-7 et les pays en développement que d'autres pays ne peuvent pas jouer.

Je tenais à apporter cette réponse à cette question théorique parce que je ne vois pas de lien direct entre le rang

[Traduction]

que nous occupons en tant que pays donateur et l'influence que nous pouvons vraiment exercer.

Mme Labelle veut peut-être compléter ma réponse.

M. Godfrey: Je veux vérifier une chose auparavant. L'agence a-t-elle d'une certaine façon rejeté l'hypothèse du vérificateur général?

Mme Labelle: Le comité se souvient sans doute de la première réunion qu'il a tenue avec l'ancien ministre des Affaires extérieures et du Développement international, lors de laquelle ce dernier s'est dit en désaccord avec l'opinion du vérificateur général. Nous nous sommes évidemment comportés en conséquence.

Il est intéressant de voir qu'à l'exclusion de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale, environ 70 p. 100 des ressources de l'ACDI consacrées aux programmes vont à environ 28 pays. Quand je dis «environ», ce n'est pas parce que c'est 28,5,ou quelque chose de ce genre, mais parce qu'il y a des fluctuations d'année en année. Il peut y avoir un projet plus important une année dans un pays. C'est donc 70 p. 100 dans à peu près 28 pays.

Certains pourraient dire que ce serait mieux si c'était dans 20 pays. C'est le genre de chose dont veut discuter le ministre avec nos partenaires, et les membres de ce comité, au cours des prochaines semaines.

Le président: Merci.

Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): Monsieur le président, M. Speller a lancé des balles courbes, M. Bergeron et mon collègue, M. Morrison, des balles rapides. Pour continuer d'utiliser des termes de base-ball, je suis le frappeur de quatrième rang.

J'ai seulement deux ou trois observations à faire et une question à poser. Après avoir entendu ce que j'ai entendu aujourd'hui, je pense qu'il est important que vous vous souciiez de la réputation de l'ACDI. Mme Labelle et moi parlons depuis trois ans de l'importance pour les Canadiens de savoir que leur investissement rapporte. Je vous ai entendu le mentionner également.

.1105

L'ACDI est souvent considérée comme une industrie du Québec. Elle doit se répandre davantage et inclure tous les Canadiens pour qu'ils acceptent de continuer d'y contribuer au moyen de leurs deniers.

Je vous félicite donc de voyager un peu partout dans le pays et d'essayer d'y intéresser le plus grand nombre de Canadiens possible, de ne pas la réserver aux anciens qui en ont toujours fait partie.

En réponse à une question de M. Godfrey, nous avons appris que 70 p. 100 de l'aide était concentrée dans 28 pays etc. D'après ce que j'ai constaté dans les pays que j'ai visités et d'après mon expérience, les ONG et les organismes d'aide se nuisent souvent les uns les autres en voulant bien faire. Il ne semble pas y avoir de coordination de la part des Nations Unies ou d'une autre entité.

Si nous faisions en sorte que certains donateurs se limitent à certains pays, certaines ONG se spécialisent dans tel ou tel domaine, il me semble évident que nous pourrions être beaucoup plus efficaces avec notre aide limitée.

Je me demande ce que nous pouvons faire pour faire avancer cette idée. Je ne pense pas qu'il y ait eu de réponse concrète à cette question.

M. Pettigrew: Je continue d'examiner la possibilité d'une plus grande concentration. Je n'ai pas rejeté l'idée.

Je m'excuse. Je voulais simplement insister sur le fait que nous sommes dans une position différente. Je l'ai constaté en Afrique du Sud il y a quelques semaines. J'y ai entendu les ministres de deux pays du Nord - de deux pays développés - affirmer des choses que j'avais peine à croire face aux 33 pays en voie de développement qui se trouvaient là. J'ai décidé de changer complètement mon discours.

Je dis que le Canada est dans une position unique pour agir et que rien ne doit nuire à cette position. C'est le point que je veux faire comprendre.

Pour ce qui est d'une plus grande concentration, je suis prêt à l'envisager. Nous devons essayer de voir si c'est le meilleur moyen pour nous de répondre aux besoins des pays en voie de développement et de refléter les valeurs canadiennes là où nous voulons qu'elles soient reflétées.

Si nous pouvons mieux coordonner nos efforts avec d'autres pays donateurs, qui partagent notre philosophie, nos valeurs, notre approche dans l'action - M. Godfrey cite à juste titre l'exemple des pays scandinaves et rappelle la conversation que nous avons eue il y a une semaine ou deux - alors, je suis disposé à examiner de près la suggestion.

M. Jackson (Bruce - Grey): J'ai une observation à faire, de même qu'une suggestion, peut-être, monsieur le ministre.

Les Canadiens font beaucoup de choses à l'étranger, qu'il s'agisse d'installer des toilettes extérieures, de purifier l'eau contaminée par des produits chimiques, par l'arsenic, de tirer de l'eau des nuages de pluie. Les instigateurs des projets peuvent être des ONG comme des universités. Leurs efforts sont-ils reconnus et soulignés, votre ministère est-il mis en valeur - y a-t-il un prix d'excellence, ou quelque chose de ce genre?

Ma suggestion a trait à une sorte de foire commerciale. Dans ma circonscription de Bruce - Grey, il y a une entreprise qui vient de concevoir un bâtiment doté d'une capacité de communication par satellite; grâce à des relais, il serait possible de faire presque n'importe quoi, comme procéder à une opération chirurgicale à distance ou montrer à des Sud-Africains comment construire des maisons. Je me demande s'il y a une vitrine où pourraient être montrées ces réussites et à partir de laquelle pourraient se développer des partenariats. Il n'est pas nécessaire de créer quoi que ce soit de nouveau, de dépenser beaucoup d'argent; il s'agit peut-être simplement de collaborer avec quelqu'un d'autre.

M. Pettigrew: Nous récompensons et soulignons déjà l'excellente contribution de certains de nos partenaires de l'ACDI. Il y a seulement quelques semaines, nous avons organisé une soirée - nous le faisons dans le secteur privé - en collaboration avec l'Association des exportateurs canadiens, au cours de laquelle nous avons récompensé les cinq meilleurs exportateurs canadiens travaillant avec l'ACDI. Cette soirée a été très intéressante.

Certains d'entre vous y étaient, et je vous en remercie.

Je vous remercie de votre suggestion. Nous devrions peut-être également souligner la contribution des ONG ou des particuliers qui travaillent magnifiquement avec l'ACDI et participent au développement international.

J'apprécie grandement votre suggestion. Nous l'examinerons.

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M. Jackson: Je suis heureux d'entendre dire qu'il y a une foire commerciale. Il y a beaucoup de gens qui ont de bonnes idées et qui veulent entrer dans le système. Je sais que vous essayez de leur faciliter la tâche. Il y a bien quelque chose pour eux?

M. Pettigrew: Effectivement. En Afrique du Sud, l'ACDI a participé à un tel effort. Je dirigeais la délégation. De nombreux représentants des universités canadiennes et du secteur privé se sont joints à nous. Nous avons eu un kiosque à la conférence de l'ISAD en Afrique du Sud. L'expérience sera renouvelée. En collaboration avec ses partenaires, l'ACDI aura un kiosque à la conférence sur le sida à Vancouver le mois prochain. Je serai moi-même à cette conférence. Certains de nos partenaires également.

M. Jackson: Vous voyagez beaucoup au pays. Lorsque vous allez quelque part, les intervenants peuvent peut-être vous remettre leurs exposés.

M. Pettigrew: Merci.

[Français]

Le président: Et bien, monsieur le ministre, merci d'être resté un peu plus longtemps parmi nous et merci aussi pour la qualité et la franchise de vos commentaires et de vos réponses à nos questions.

Nous avons eu une discussion très enrichissante et je vous remercie de la part des membres du comité.

[Traduction]

J'aimerais faire une dernière observation à l'intention de Mme Labelle.

Comme vous le savez peut-être, ce comité mène une étude en profondeur de la situation dans l'Arctique - la coopération internationale et le rôle du Canada face aux grandes questions qui se posent dans l'Arctique, y compris, évidemment, l'environnement. Je vois que l'ACDI a récemment accordé un million de dollars à un institut russe pour qu'il étudie les problèmes de dégradation environnementale en Russie. M. Mills parle souvent au comité de la dégradation environnementale produite par les cours d'eau se déversant dans l'océan Arctique en Russie, etc.

J'espère que lorsque ce comité voyagera en Russie vous pourrez, au nom de l'ACDI, madame Labelle, préparer un exposé sur les projets en cours en Europe de l'Est; dans le cadre de notre voyage dans l'Arctique, nous voudrions peut-être également être tenus au courant des projets qui y sont menés. En étant sur place, nous pourrions nous familiariser davantage avec certaines des activités de l'ACDI. Nous vous en reparlerons avant l'automne.

Mme Labelle: Nous nous ferons un plaisir de le faire. Un exposé au préalable nous serait très utile à tous. Nous pouvons vous décrire notre activité et nos projets dans les régions du monde que vous entendez visiter.

Le président: Nous savons, à partir de nos contacts avec nos homologues européens et américains, que les problèmes environnementaux en Russie suscitent beaucoup d'inquiétude. Nous tenons à vous féliciter de la mesure que vous avez prise. Elle est très importante.

Merci encore une fois d'être venu rencontrer le comité, monsieur le ministre.

Cette séance est maintenant close. Nous allons faire une pause de deux minutes, puis poursuivre à huis clos notre discussion sur les questions de procédure entourant le rapport sur les PME.

Je m'excuse. Je pense que le ministre avait quelque chose à dire en guise de conclusion.

M. Pettigrew: Je veux avoir le dernier mot.

Je tiens à vous remercier beaucoup de votre accueil chaleureux ce matin et à vous dire que je suis toujours à votre disposition. Je me ferai un plaisir de venir vous voir chaque fois que vous en exprimerez le désir, parce que vous vous êtes montrés extrêmement sympathiques.

Le président: La séance est levée.

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