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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 23 octobre 1996

.1804

[Traduction]

Le président: Puis-je avoir votre attention, s'il vous plaît. Merci.

Le Comité des finances de la Chambre des communes est heureux de poursuivre ses audiences prébudgétaires. À notre table ronde, ce soir, nous accueillons d'abord M. Brian Raychaba etMme Yvonne Andrews du Réseau national des jeunes pris en charge; MM. Marc Maracle et Mathieu Courchene de l'Association nationale des centres d'amitié; de l'Association nationale des femmes et du droit, Mme Martha Jackman; de l'Association canadienne des banques alimentaires, Mme Sue Cox; des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Mme Judith Maxwell; du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, nous accueillons la présidente, Mme Joan Grant-Cummings; et du groupe La Voix - Le Réseau des aîné(e)s, MM. Robert Armstrong et Andrew Aitkens. Merci beaucoup d'être là.

Peut-être pourrions-nous commencer par une brève déclaration de trois ou quatre minutes de la part de chacun des groupes, après quoi nous pourrons passer à la période des questions, si vous êtes d'accord. Madame Andrews ou monsieur Raychaba, voulez-vous commencer?

M. Brian Raychaba (ancien agent de recherche, Réseau national des jeunes pris en charge): Très bien. En deux minutes, je ne pourrai pas vous donner de solution de rechange complète à l'orientation que vous entendez prendre, mais permettez-moi de vous dire d'abord que je travaillais pour un organisme qui s'appelle le Réseau national des jeunes pris en charge, lequel représente des enfants et des jeunes âgés de 14 à 24 ans qui vivent ou ont déjà vécu sous la surveillance d'organismes de protection de l'enfance, c'est-à-dire des familles d'accueil, des foyers de groupe, des établissements, etc.

Je veux tirer le maximum du temps qui m'est accordé aujourd'hui. Je vais donc aller droit au but. Le budget fédéral a des répercussions énormes sur la vie des enfants et des jeunes dans le besoin au Canada, qu'on le veuille ou non, pour le meilleur ou pour le pire. J'aimerais aujourd'hui examiner le budget fédéral comme un budget familial, parce qu'à notre avis, l'État - qu'il s'agisse des gouvernements fédéral ou provinciaux qui s'occupent conjointement de l'aide à l'enfance sur le plan du financement ou sur le plan de l'administration - assume une responsabilité parentale par le biais du système de protection de l'enfance en prenant soin des enfants et des jeunes qui ont été victimes d'abus et qui sont sans foyer.

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Bref, je veux vous entretenir aujourd'hui de certaines des responsabilités de l'État en tant que parent.

J'aimerais parler de la contribution du gouvernement fédéral aux dépenses sociales du Canada et de la façon dont cette contribution fait une différence pour les enfants victimes d'abus, victimisés et maltraités, et, partant, les enfants et les jeunes les plus vulnérables de la société. J'aimerais vous entretenir un peu des effets que les coupes prévues - à tout le moins par certaines personnes - à la contribution du gouvernement fédéral auront sur ce groupe et sur la société canadienne dans son ensemble.

En ce qui concerne le premier point, cela n'a rien de bien étonnant, le système de protection de l'enfance est constamment en état de crise depuis plusieurs années maintenant. Je n'apprends rien aux personnes qui sont autour de cette table.

Des restrictions supplémentaires aux dépenses dans ce domaine vont simplement, si elles se poursuivent, renforcer une tendance que connaissent bien ceux qui travaillent dans le système, c'est-à-dire les adultes fournisseurs de soins, les concepteurs de politiques, ou les personnes qui vivaient dans le système, comme Yvonne et moi. Il serait peut-être bon que je vous précise d'entrée de jeu que j'ai vécu dans une famille d'accueil, dans différents établissements de groupe, etc.

Quel impact le budget fédéral a-t-il sur les enfants et les jeunes qui vivent dans des établissements de protection de l'enfance? D'abord, les programmes de prévention et d'aide à la famille sont importants et essentiels pour nous. Des programmes comme ceux-là viennent en aide aux parents. Leur fonction et leur rôle sont de garder les enfants à la maison, de prévenir les abus d'abord et avant tout, et, je dirais, ce qui est le plus important pour le Comité des finances, de faire épargner au gouvernement les coûts qu'il doit engager lorsque des enfants doivent être pris en charge - non pas seulement les coûts du logement et de l'alimentation, mais comme vous le verrez plus tard, des coûts très élevés pour assurer la santé mentale et ainsi de suite.

Malheureusement, ces programmes sont les premiers à tomber sous le couperet des gouvernements provinciaux qui manquent de fonds et qui tentent de vivre selon leurs moyens.

Une fois pris en charge par un système de protection de l'enfance assujetti à ce genre de pressions financières, nombre, sinon la plupart - et je parle ici à l'échelle nationale - des 45 000 enfants et jeunes qui vivent dans le système de protection de l'enfance vont éprouver de graves problèmes psychologiques et de développement liés à leur situation antérieure d'abus, ou à leurs expériences de violence familiale, de négligence, de victimisation, etc. Ce sont là des expériences qui auraient pu être évitées, mais qui actuellement ne le sont pas à cause de l'absence de services de prévention et de soutien à la famille, et j'inclus là-dedans également les programmes communautaires et ainsi de suite.

Entre autres problèmes qu'éprouvent souvent les victimes d'abus et les survivants, mentionnons des comportements hostiles et agressifs, l'établissement de piètres relations sociales et personnelles, un manque flagrant d'estime de soi, de l'anxiété, de l'insécurité émotive - et je pourrais vous donner une liste de séquelles que ces problèmes ont sur le développement de l'enfant et du jeune, dont il est question dans les ouvrages spécialisés.

Ces expériences et les répercussions qu'elles ont sur les jeunes sont des obstacles énormes à un développement sain et normal. Et pour les traiter, il nous faut de l'argent, rien de moins, le même argent qu'il faudrait à quiconque ici est assez vieux pour avoir des enfants afin d'assumer les soins de santé, physique ou morale, prodigués à vos enfants, à votre fils ou à votre fille.

Malheureusement, le manque de ressources financières qu'éprouve le système de protection de l'enfance équivaut à une insuffisance de fonds pour assurer le traitement de ces jeunes dans toutes les provinces intéressées. Dans de nombreuses provinces, cela veut dire en réalité une absence complète de traitement, selon qu'on vit dans un centre urbain ou rural. Mais qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie, s'il en est, une aide professionnelle inefficace pour les jeunes qui font face aux graves problèmes découlant d'un abus ou d'un mauvais traitement, et je parle ici d'exploitation sexuelle, d'inceste, toute la panoplie. Comme pour une blessure physique, une blessure émotive et psychologique qui n'est pas traitée s'infecte et ne guérit pas.

Les enfants et les jeunes pris en charge par des organismes de protection de l'enfance hésitent souvent à s'ouvrir et à entreprendre le processus de guérison une fois entrés dans le système. La question que vous voudrez peut-être vous poser, comme je l'ai fait lorsque j'ai examiné le problème, c'est pourquoi ils agissent ainsi.

Eh bien, d'abord, de très nombreux jeunes qui sont dans le système de protection de l'enfance - et je m'inclus lorsque c'était mon cas - ne font tout simplement pas confiance aux adultes, et à juste titre. La raison en est que, souvent, les adultes ne sont pas très présents, à cause de leur charge de travail excessive et du stress lié au problème de manque de personnel. Si une personne se voit confier une charge de travail trop grande pour un être humain normal, elle s'épuise au travail et le personnel, qu'il s'agisse des travailleurs sociaux ou des fournisseurs de soins auprès des enfants et des jeunes, abandonne son travail. Les personnes qui sont les plus près des enfants et des jeunes placés dans des établissements sont en général celles qui sont le moins bien appuyées, qu'il s'agisse de salaire, de formation et de soutien.

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Le manque de ressources pour les soins en établissement, et là encore on parle de finances, signifie souvent que les placements que nous trouvons pour certains de ces jeunes - et très souvent, il n'y en a pas, ce qui fait que les organismes placent les jeunes et les enfants dans des hôtels parce qu'il n'y a pas de place ailleurs - ne conviennent pas à leurs besoins - oh surprise! - et le placement en établissement est un échec. Cela veut dire que le jeune ou l'enfant doit changer d'endroit à nouveau, si bien qu'encore une fois, ces jeunes hésitent de plus en plus à faire confiance aux adultes, à établir des relations saines avec des adultes sains.

Il y a donc une logique qui explique pourquoi la présence des adultes parmi ces jeunes n'est pas très grande et pas très longue. Le coeur du problème, ce sont des ressources insuffisantes, c'est-à-dire un manque d'argent.

Le manque de soutien et de surveillance du personnel et des familles d'accueil crée une situation explosive qui, trop souvent, éclate et se traduit par de l'abus et de la violence dans les foyers. Quiconque lit les journaux ou écoute les médias est conscient du problème de la violence et des mauvais traitements infligés aux jeunes qui sont soi-disant retirés de situations malsaines pour être protégés.

Cependant, c'est là une triste réalité, à tout le moins ici, mais un enfant ou un jeune est plus susceptible d'être victime d'abus dans le cadre du système de protection de l'enfance qu'il ne l'est dans son propre foyer biologique. Je ne serai pas le premier à dire que le système de protection de l'enfance du Canada, un système administré par les provinces mais financé en partie par le gouvernement fédéral, est dysfonctionnel et violent. Il présente toutes les caractéristiques d'un parent typiquement violent.

Je ne veux pas perdre de temps, je vais donc continuer.

Vous direz peut-être, comme certains, et après, la vie est dure, et nous vivons une période difficile; pourquoi vous, ou moi, ou le Canadien moyen devrait-il se préoccuper? La raison est simple: je me dis, en tant que contribuable, que ça me coûte de l'argent, pas seulement cette année, mais pour des décennies à venir, à vous autant qu'à moi, en tant que contribuables et citoyens, cela nous coûte cher. En termes simples - et ma collègue va poursuivre là-dessus - tôt ou tard, on finit par payer.

Si l'on veut investir véritablement dans les enfants et les jeunes qui ont été victimes d'abus, cela veut dire qu'on doit les aider à guérir à l'aide d'un système de protection de l'enfance bien financé et qui a les moyens nécessaires de bien s'occuper d'eux. Tant sur le plan éthique qu'économique, c'est la meilleure chose à faire.

Je pourrais vous parler des coûts que représente l'absence de mesures pour combattre les réalités de la violence et des abus familiaux, mais je me contenterai de vous dire que ces coûts sont renversants. Les gouvernements et les contribuables en paient le prix tous les ans, en assumant les dépenses liées aux services médicaux, juridiques, correctionnels, sociaux et de santé mentale. Le secteur privé assume une partie de ces coûts, que ce soient des régimes d'aide aux employés, le temps perdu au travail, le manque de productivité, et ainsi de suite.

La nouvelle économie mondiale, qui repose sur la matière grise et la technologie, veut que les jeunes générations de travailleurs soient très spécialisés, très instruits et suffisamment souples pour être concurrentiels. Malheureusement, les perspectives éducatives et professionnelles des jeunes et des enfants qui manquent de ressources dans le système de protection de l'enfance, les jeunes typiques et marginalisés de notre société, sont peu reluisantes. Les problèmes émotifs et les séquelles qu'ils ont sur leur développement et qui découlent de leurs expériences d'abus, auxquels s'ajoutent un manque de financement pour les services et de nombreux autres problèmes, trop souvent laissent très peu à ces jeunes, sur le plan cognitif et psychologique, pour leur permettre de réussir à l'école.

On parle beaucoup de la formation et de l'employabilité des jeunes Canadiens. Cependant, les efforts que déploie le gouvernement seront tout à fait inutiles pour les jeunes et les enfants victimisés si l'on ne tient pas compte des ressources que de nombreuses personnes doivent avoir même avant de pouvoir profiter des programmes de formation et d'emploi, ressources très peu nombreuses, d'ailleurs. Si l'on doit créer une série de programmes de formation et de création d'emplois pour aider les jeunes à travailler, de très nombreux jeunes marginalisés ne sont pas encore prêts à profiter de ces programmes.

À mon avis, la question qui se pose est la suivante: voulons-nous continuer de favoriser l'émergence d'un scénario, d'une situation, d'un contexte où le système de soins produit des citoyens qui n'ont pas les capacités émotives et intellectuelles nécessaires pour contribuer à la productivité économique et à la compétitivité mondiale du Canada?

Ils veulent y contribuer. Nous voulons y contribuer. Nous voulons être constructifs et productifs. Nous voulons certainement gagner notre vie, et croyez-le ou non, certains d'entre nous veulent payer leur juste part d'impôt aussi. Mais la plupart du temps, la vie des jeunes qui sont dans le système de protection, jusqu'à maintenant, est à refaire complètement, et le système d'aide à l'enfance financé par le gouvernement est lui aussi handicapé, incapable qu'il est de nous aider à aider ces jeunes à guérir et à être mieux équipés pour s'adapter au XXIe siècle.

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Le déficit existe, c'est vrai, mais il y a aussi des avantages sur le plan économique à financer des services d'aide et de soutien aux enfants et aux jeunes afin qu'ils mènent une vie adulte responsable et productive. Mais tout aussi vrai, il faut songer aux coûts sociaux qui vont revenir nous hanter si nous ne faisons pas d'investissements judicieux dès maintenant.

J'aurais pu vous parler, mais je ne l'ai pas fait, de certains autres coûts liés au crime, à la violence chez les jeunes et au cycle permanent de l'abus des enfants et de la violence familiale. Inutile de dire, ces coûts-là sont très réels.

Nous accumulons actuellement un déficit social, déficit que mes enfants, si je peux un jour avoir les moyens d'en élever, et les vôtres, devront absorber. À mon avis, la question que votre comité doit se poser est de savoir si nous sommes disposés à juguler ce déficit social autant que ce déficit financier que l'on connaît mieux.

Un budget fédéral axé sur le partenariat avec les gouvernements provinciaux aiderait, je l'espère, les familles à faire en sorte que leurs enfants et leurs jeunes ne soient pas confiés à des organismes de protection de l'enfance, et soutiendrait en même temps le système de protection de l'enfance afin qu'il puisse jouer un rôle de bon parent et bien les élever sinon, j'estime que vos enfants ou les miens, et les jeunes, ne pourront pas réussir dans la vie, ne pourront pas être productifs et constitueront un fardeau, peu importent leurs expériences passées.

Je termine en disant qu'il est à espérer que les mots se traduiront par des mesures concrètes pour venir en aide aux jeunes et aux enfants victimes d'abus. Prendrons-nous, prendrez-vous ces mesures? Au bout du compte, les politiques du gouvernement nous serviront d'indicateurs. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Raychaba.

Maintenant, nous accueillons MM. Marc Maracle et Mathieu Courchene de l'Association nationale des centres d'amitié.

M. Marc Maracle (directeur général, Association nationale des centres d'amitié): Merci beaucoup. Je tiens également à remercier le comité permanent de nous avoir invités, même si cela a été à la dernière minute. C'est la troisième année de suite que nous venons vous présenter les doléances des autochtones vivant en milieu urbain.

En termes simples, le but des centres d'amitié et du mouvement des centres d'amitié au Canada est d'améliorer la qualité de vie des autochtones qui vivent en milieu urbain en appuyant des activités établies par ces gens qui les encouragent à participer, sur un pied d'égalité, à la société canadienne, mais d'une façon qui respecte et renforce le caractère distinct de la culture autochtone.

On nous a demandé de vous présenter un aperçu de la façon dont fonctionnent les centres d'amitié au Canada, du point de vue économique, et de vous faire part de diverses préoccupations qui sont les nôtres, à savoir quels effets les politiques gouvernementales ont sur nos activités et en quoi elles restreignent notre capacité de mieux servir nos collectivités, de mieux y contribuer, et quelles sont nos interactions avec la population canadienne en général. En ce qui concerne certaines de ces réalités économiques, nous avons remis au comité des documents d'information sur l'Association, de même qu'un mémoire énonçant ce que nous vous présentons aujourd'hui. Je ne vous lirai pas tout le mémoire.

Il y a actuellement 114 centres d'amitié dans tout le pays, d'est en ouest. Nous comptons sept associations provinciales et territoriales, de même qu'un bureau national. Nous avons une expérience de plus de 40 ans dans l'application de programmes et la prestation de services grâce à nos quelque 2 000 employés à temps plein ou à temps partiel. Nous comptons plus de 1 000 membres de conseils d'administration qui travaillent bénévolement au sein de la collectivité. C'est là une façon responsable et efficace d'assurer les programmes et les services. Il s'agit d'une option, d'un mécanisme de rechange que le gouvernement a voulu, et qui est responsable. C'est ce que nous faisons à partir des attentes de nos communautés.

Les centres d'amitié ont été créés dans les années 1950; en effet, on a décelé un besoin par suite du nombre important d'autochtones qui s'établissaient dans les villes ou qui y avaient toujours vécu. Ces gens-là n'étaient pas dans le système. Les principales organisations de services, fédérales, provinciales, municipales ou territoriales, n'avaient jamais été capables de répondre à nos besoins. C'est à partir de là que sont nés les centres d'amitié.

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L'une des statistiques les plus révélatrices que la population canadienne ignore, c'est que de 60 à 70 p. 100 des 1,5 million d'autochtones du Canada vivent dans des centres urbains. C'est ça notre réalité.

Nous devons composer avec une population qui est très jeune. Près de 60 p. 100 des autochtones ont moins de 24 ans, et presque 40 p. 100, moins de 15 ans. Cela aura des répercussions énormes sur l'éducation, l'emploi et la formation. Si l'on regarde l'engagement financier du gouvernement fédéral - tout le monde parle de ce chiffre de plus de 7 milliards de dollars qui sont consacrés aux peuples autochtones - entre 10 et 20 p. 100 vont probablement aux autochtones vivant en milieu urbain, malgré le fait que la réalité soit complètement différente.

Nous ne sommes pas ici pour vous convaincre de quoi que ce soit, car les besoins dans nos communautés des premières nations, nos communautés inuit, et certainement dans les établissements métis, sont tout aussi criants et difficiles. Mais sur le plan urbain, nous faisons face à un certain nombre de problèmes, c'est-à-dire les compressions constantes dans les services sociaux destinés aux autochtones, y compris notre principal programme de financement, qui a été récemment transféré du Patrimoine canadien à l'Association nationale. Nous sommes préoccupés par l'orientation qu'a prise le gouvernement fédéral en matière d'emploi et de formation. Dans l'ensemble, les relations fédérales-provinciales, lorsqu'il est question des autochtones en milieu urbain, ont été ballottées de droite à gauche.

La «politisation» des programmes et des services est un aspect assez évident de la plupart des orientations récentes du gouvernement fédéral. Qu'il suffise de voir la stratégie actuelle en matière d'emploi et de formation et les répercussions négatives qu'elle a sur les autochtones vivant en milieu urbain. Les fonds sont réduits, on n'a plus accès aux programmes, les budgets sont tout simplement coupés et on nous renvoie aux gouvernements provinciaux et territoriaux.

Sur une note plus positive, cependant, l'Association a réussi à négocier le transfert de notre base de financement du Patrimoine canadien. Cela représente environ 15 millions de dollars au cours de l'exercice grâce auxquels on peut assurer un soutien financier global ou la prestation de programmes à 99 des 114 centres d'amitié. Nous aimerions que le comité permanent reconnaisse et fasse valoir au ministre des Finances qu'il doit faire des ajustements au financement des 114 centres d'amitié, afin de leur permettre de prendre de l'expansion, car il ne fait aucun doute que la migration se poursuit et que le nombre d'autochtones vivant en milieu urbain continue d'augmenter; en outre, il faudrait établir des liens avec le gouvernement et d'autres organismes de prestation de services pour mieux les servir.

Notre porte est ouverte, nous avons toujours été ouverts aux suggestions et à l'établissement de relations marquées au coin de la collaboration, et c'est ce sur quoi nous voulons tabler.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Maracle.

Martha Jackman.

Mme Martha Jackman (Association nationale des femmes et du droit): Merci. Je comparais aujourd'hui au nom de l'Association nationale des femmes et du droit, dont je fais partie.

Au nom de l'Association, je tiens à présenter trois brèves propositions concernant le prochain budget fédéral, la première, naturellement, portant sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux à l'échelle nationale.

Comme vous le savez, la loi budgétaire de 1995 a remplacé le Régime d'assistance publique du Canada par le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. À ce moment-là, le gouvernement fédéral s'est engagé, en vertu du paragraphe 13(3) de la nouvelle Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, à négocier avec les provinces un ensemble de principes et d'objectifs communs à l'égard des programmes et des services sociaux par le TCSPS afin de remplacer ceux qui ont été perdus par suite de l'abrogation du RAPC.

Lors de notre témoignage devant votre comité au cours de ses audiences prébudgétaires de l'an dernier, nous avons défini les normes et les conditions nationales devant être adoptées pour rendre le TCSPS conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et aux engagements pris par le Canada en matière de droits de la personne à l'échelle internationale. L'Association espère donc que la loi budgétaire de 1997 renfermera ces normes nationales qui ont été promises par le gouvernement fédéral en 1995.

Deuxièmement, je veux vous parler de la question de la révision fondamentale de l'équité du régime fiscal actuel. Lors de témoignages antérieurs devant votre comité, l'ANFD a soutenu qu'avant de procéder à d'autres compressions dans les dépenses fiscales ou de programmes, il fallait procéder de toute urgence à une révision majeure de l'équité du régime fiscal canadien. Plus récemment, le vérificateur général a attiré l'attention du Parlement sur le problème de la taxation des fiducies familiales, problème qu'avait déjà soulevé notre association auprès de votre comité.

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L'ANFD a déjà soutenu également devant votre comité que les dépenses fiscales du gouvernement fédéral en matière de REER devraient refléter davantage les besoins des Canadiens moyens que ceux des Canadiens les plus riches. Au lieu de réduire les contributions aux REER au niveau réclamé par l'ensemble des Canadiens qui profitent de cette déduction d'impôt, les limites aux REER ont été augmentées, ce qui bénéficie aux Canadiens riches au détriment des pauvres.

Dans le mémoire que nous avons présenté à votre comité en 1995, nous soutenions que le régime fiscal actuel renferme de nombreuses iniquités, notamment entre les deux sexes. L'Association recommande donc à nouveau à votre comité que le gouvernement fédéral entreprenne une révision exhaustive et attendue depuis longtemps des politiques et des dépenses fiscales du gouvernement canadien afin de garantir aux Canadiens que leur régime fiscal est à la fois efficace et équitable.

Enfin, en ce qui concerne une déclaration sur les répercussions entre les deux sexes eu égard à la loi budgétaire de 1997, notre association espère que le budget fédéral de 1997 sera accompagné d'une analyse sur cette question, laquelle clarifiera l'impact précis des choix budgétaires que fait le gouvernement sur les femmes.

Il y a deux ans, devant une réunion de groupes de femmes nationaux, provinciaux et régionaux, le ministre des Finances, M. Paul Martin, a déclaré que son ministère, aussi étendu et riche soit-il, était incapable de fournir une telle analyse de la politique financière ou des budgets du Canada. Depuis, le gouvernement fédéral a adopté un régime fédéral d'égalité entre les sexes, et lors de la quatrième conférence mondiale des femmes à Beijing, le gouvernement fédéral a endossé la déclaration et le programme d'action de Beijing.

Tant à l'échelle nationale qu'internationale, le gouvernement fédéral s'est expressément engagé à revoir ses politiques et décisions financières en tenant compte des problèmes reliés à l'égalité de sexes. En appuyant le programme d'action de Beijing, le gouvernement fédéral s'est engagé, en vertu du paragraphe 58(b) de ce programme, à analyser du point de vue de l'égalité des sexes, ses politiques et ses programmes, y compris ceux touchant la stabilité macroéconomique, les ajustements structurels, la dette et l'imposition, et à voir quelles répercussions ils ont sur la pauvreté, sur l'inégalité et particulièrement sur les femmes.

À partir de ces engagements, l'Association espère obtenir une analyse d'impact sur l'égalité entre les sexes de la part du ministère fédéral des Finances dans le prochain budget fédéral.

[Français]

Nous vous remercions de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Jackman. Madame Sue Cox, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Sue Cox (vice-présidente, Association canadienne des banques alimentaires): Merci beaucoup.

Je suis vice-présidente de l'Association canadienne des banques alimentaires et directrice générale de la Daily Bread Food Bank de Toronto, la plus grande du pays. Quand je parle des gens qui recourent aux banques alimentaires, je parle de ceux que je connais le mieux, c'est-à-dire les gens de Toronto, mais je pense que leur réalité est semblable à celle que vivent les personnes dans le même cas dans tout le pays.

Quand je rencontre les responsables des banques alimentaires ces temps-ci, comme je le fais assez souvent, la seule chose dont les gens parlent, c'est du manque de provisions. Les banques alimentaires sont tout simplement incapables de répondre aux besoins créés au cours des dernières années du fait que le financement des organismes comme le nôtre n'est plus assuré par le gouvernement fédéral mais par les gouvernements provinciaux, qui ont ensuite confié cette responsabilité aux organismes de charité comme les banques alimentaires.

Les besoins sont croissants, graves, et ont des conséquences sérieuses et à long terme pour le Canada. Nous n'avons pas suffisamment d'aliments. Nous n'avons pas les moyens de continuer d'absorber les carences des programmes gouvernementaux qui ne répondent tout simplement plus aux besoins des gens nécessiteux.

Permettez-moi de parler plus précisément du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, parce que, ce faisant, il nous faut parler de la disparition des normes nationales qui existaient dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada. Ce régime n'était peut-être pas la meilleure chose au monde, mais il renfermait des normes.

Les problèmes et la situation que je connais le mieux sont ceux de Toronto actuellement, où faute de normes nationales, les gens à faible revenu se retrouvent dans les situations les plus difficiles que je puisse imaginer au Canada. Actuellement, dans la grande région de Toronto, 150 000 personnes ont recours à des programmes de secours alimentaire tous les mois, et nous savons qui elles sont.

De temps en temps, il y a... Eh bien, je ne sais pas si cela est systématique, mais néanmoins, on a eu tendance à blâmer ces gens qui se retrouvent dans une situation de pauvreté et de chômage.

Je veux simplement dire que la moitié des personnes que nous voyons dans les banques alimentaires actuellement sont des chefs de famille, elles ont entre 25 et 40 ans, et vivent ce qui devrait être les années les plus productives de leur vie dans des circonstances normales. Plus récemment, les femmes en ont souffert davantage. Cinquante-cinq pour cent des chefs de famille qui s'adressent à des banques alimentaires sont des femmes. C'est une légère majorité. Si elles vont dans une banque alimentaire, c'est que les deux tiers d'entre elles doivent faire vivre des enfants actuellement.

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Ce que l'on constate en Ontario et, en fait, dans de nombreuses autres provinces à l'heure actuelle, les banques alimentaires étant incapables de répondre à leurs besoins de base, c'est que les gens ont de plus en plus faim, et ils ont véritablement faim: les chefs de famille doivent se passer de nourriture parce qu'ils sont incapables de s'en acheter pour eux et pour leurs enfants. Au moins 30 p. 100 des enfants de la grande région de Toronto dont les familles s'adressent à des banques alimentaires connaissent la faim. Et pour 15 p. 100 ou plus d'entre eux, c'est une situation très fréquente.

Voilà la réalité à laquelle nous faisons face. On ne se préoccupe pas suffisamment de ce que l'on appelle presque banalement maintenant le «déficit social». C'est tout simplement tellement extraordinaire pour nous maintenant que j'aurais bien aimé être avec l'autre groupe. J'entendsM. d'Aquino parler et je me demande comment vous pouvez justifier le fait que des enfants souffrent de la faim dans l'intérêt de tellement d'autres choses différentes et de tellement d'autres genres de structures fiscales qui profitent aux gens plus riches.

Ce que je vous demande, bien évidemment, c'est de donner du travail à ces gens. Le chômage est la raison pour laquelle les gens recourent aux banques alimentaires. C'est très simple. Les gens qui ont un emploi, pour la plupart, n'ont pas besoin d'utiliser les banques alimentaires. Une proportion allant du tiers aux trois quarts de ceux qui travaillent ont un emploi à temps partiel. Ils recherchent un emploi à temps plein et n'en trouvent pas. Un emploi, c'est la meilleure chose qu'une personne puisse avoir. Cela permet à une personne de mieux venir en aide à ses enfants, ou à tout le moins à sa famille, non pas seulement aux enfants mais à toute la famille qui est dans ce genre de situation. Un emploi vous permet d'améliorer votre situation si vous êtes une femme qui recourt aux banques alimentaires et que vous êtes dans cette situation à cause d'une rupture de couple, ce qui, bien sûr, est le cas de nombreuses personnes. La situation est très grave.

Enfin, je dois dire que plus il y a de gens qui sont forcés de recourir à l'aide sociale, plus il y en a qui doivent recourir aux banques alimentaires, et la restriction récente des critères d'admissibilité à l'assurance-chômage, ou peu importe comment on l'appelle aujourd'hui, a certainement contribué à ce recours de plus en plus fréquent aux banques alimentaires.

Je m'arrête ici. J'aurais bien sûr de nombreuses autres choses à vous dire.

Le président: Vous en aurez amplement l'occasion.

Madame Joan Grant-Cummings, si vous voulez vous approcher.

Mme Joan Grant-Cummings (présidente, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Je suis présidente du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

La première chose que je veux vous dire, c'est que plus tôt dans l'année, dans tout le pays, s'est tenue la marche des femmes contre la pauvreté que notre comité et le Congrès du travail ont planifiée ensemble. Les femmes ont présenté quinze demandes au cours de cette marche. À notre avis, si on répondait à ces demandes, on ferait beaucoup pour diminuer la pauvreté que l'on constate aujourd'hui au Canada. Aujourd'hui, plusieurs centaines de milliers de personnes de plus vivent dans la pauvreté, ce qui, à notre avis, est synonyme de recul pour les femmes en matière de droits économiques; pour le gouvernement, c'est la preuve qu'il est incapable de respecter ses engagements à l'égard de ses stratégies, du programme d'action de Beijing, de l'ACDI, toutes ces conventions que le gouvernement canadien a signées en s'engageant à promouvoir le droit des femmes à l'égalité au Canada. Je pense que nous avons beaucoup beaucoup régressé.

De nos jours, le taux de chômage chez les femmes autochtones est de 17,7 p. 100, de 13,4 p. 100 chez les femmes de couleur, et de 16 p. 100 chez les femmes handicapées. En outre, 70 p. 100 des femmes occupent un emploi à temps partiel. Nous sommes surreprésentées dans les dix emplois les moins rémunérateurs au Canada. Nous n'avons pas obtenu le programme national de garderies promis par le gouvernement et nous ne croyons pas que le régime de prestations pour enfants que le gouvernement est en train de négocier avec les provinces permettra de régler ce problème. S'il en est, il devrait améliorer le programme national de garderies parce que nous croyons que le manque d'accès aux garderies ne favorise pas la promotion des droits économiques des femmes. En fait, c'est le contraire. Nous croyons que l'adoption d'un programme national de garderies devrait faire partie d'une stratégie de création d'emplois qui devrait reposer sur l'infrastructure sociale de notre pays et créer des emplois.

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Nous croyons qu'une demande de 50 millions de dollars pour des services destinés aux femmes contre la violence permettra également dans une certaine mesure de créer des emplois dont on a besoin au Canada. Non seulement on tablera sur l'infrastructure sociale, mais cela créera aussi des emplois, y compris des emplois pour les femmes, puisque nous sommes les plus sous-employées au Canada.

À notre avis, la réduction du déficit s'est faite au détriment des femmes: des femmes pauvres, des femmes au chômage et des femmes chefs de familles monoparentales. Même si les gens d'affaires et les membres des autres partis félicitent le ministre des Finances, nous croyons que ces mesures ont été prises à notre détriment, et qu'il n'y a pas lieu de nous réjouir actuellement.

Nous ne croyons pas, contrairement à ce que prétendent certains, qu'il devrait y avoir une diminution d'impôt générale. Nous croyons que cette idée est ridicule actuellement, et qu'elle se réaliserait au détriment des pauvres, et plus particulièrement des femmes pauvres.

Comme nos collègues qui nous ont précédées l'ont signalé, le TCSPS a laissé le pays dépourvu de normes nationales. Cela veut dire qu'aucun niveau de services de base n'est garanti nulle part au Canada. Cela veut dire également que les provinces, comme on le constate avec les régimes Harris et Klein, vont continuer d'utiliser les soins de santé pour attirer le vote des électeurs tout en sacrifiant les dépenses sociales. C'est ça qui crée le déficit social, comme l'a dit le premier témoin.

Nous croyons également que le TCSPS a, en réalité, créé des conditions qui ont fait en sorte d'affaiblir l'économie canadienne et le gouvernement fédéral. En outre, nous estimons que l'on a sacrifié aussi l'égalité et la démocratie dans notre pays. Nous voulons un gouvernement fédéral fort. Nous voulons un gouvernement fédéral qui adopte des normes nationales claires qui orientent les provinces dans la façon de dépenser cet argent.

À notre avis, le TCSPS ne devrait pas être inférieur au taux promis par le ministre des Finances. En outre, lorsqu'on procédera aux augmentations, celles-ci devraient être consenties sous forme de paiements en espèces et non de points d'impôt. Nous croyons que cela fait une différence parce que le gouvernement fédéral ne pourra imposer ses vues aux provinces en ce qui a trait aux dépenses de programmes de services sociaux et de soins de santé que s'il peut offrir une somme importante au titre du paiement effectué en vertu du TCSPS. À notre avis, cette somme ne devrait pas être inférieure à 18,5 milliards de dollars.

Les compressions effectuées dans les programmes de formation, là encore, ont eu des répercussions négatives sur les femmes canadiennes, sur certains groupes plus que d'autres. Il n'est pas logique de dire que nous voulons que le Canada soit productif et concurrentiel et de couper en même temps les programmes de formation.

Nous croyons que le gouvernement fédéral doit participer aux programmes de formation auxquels doivent être rattachées des normes nationales, plus particulièrement en ce qui concerne les problèmes d'équité.

Les programmes de formation actuellement contrôlés par les femmes et offerts dans les collectivités, les programmes qui sont offerts aux groupes de femmes ne sont pas garants de succès, de productivité ou de compétitivité pour le Canada. Il ne faut donc pas que le gouvernement fédéral cède les programmes de formation aux provinces. Si vous faites cela, vous devez y rattacher des normes nationales.

Compte tenu de l'histoire et de la culture particulières des peuples autochtones du Canada, nous croyons qu'ils devraient contrôler ces programmes. Nous croyons également, compte tenu de sa situation, que le Québec devrait lui aussi avoir le contrôle de ses programmes.

Le ministre des Finances a parlé de réformer le régime des pensions. À notre avis, s'il doit y avoir quelque réforme que ce soit, le régime devrait être amélioré, renforcé et non affaibli, comme le ministre l'a proposé. Selon nous, la pauvreté menace toujours les femmes, leur vie durant, mais surtout lorsqu'elles vieillissent.

Adopter les changements que le ministre des Finances a proposés maintenant ne fait que garantir une vie entière de pauvreté aux femmes. Lorsque nous élargirons la discussion, j'aimerais vous décrire certains de ces problèmes.

J'aimerais enfin parler des principes qui devraient guider le gouvernement dans l'élaboration de ce budget. L'égalité et la démocratie doivent être ramenées sur la table, il faut revenir à l'égalité. C'est là une chose dont le gouvernement fédéral s'est toujours targué dans le passé, mais qui est absente du budget.

Merci.

Le président: Merci, madame Grant-Cummings.

Messieurs Robert Armstrong et Andrew Aitkens.

.1845

M. Robert Armstrong (membre du Comité chargé d'examiner les problèmes, La voix - Le Réseau des aîné(e)s): Merci, monsieur le président. Andrew et moi allons partager notre temps de parole. Je serai très bref.

Votre comité permanent est un comité important dont on fait particulièrement mention à l'article 83 du Règlement. Nous croyons qu'il constitue un organe de communication efficace avec le ministère des Finances, par le biais à la fois de son rapport officiel et des discussions informelles que vous avez sûrement.

Nous sommes également impressionnés de voir que dans ce milieu très sectaire, vous réussissez à conférer à vos travaux, et j'en suis certain à vos rapports destinés à vos collègues, une certaine autonomie d'opinion. Nous le constatons, et nous l'apprécions.

L'an dernier, nous vous avons demandé d'examiner les moyens de protéger les gens qui sont à la retraite et sur le point de se retirer eu égard aux changements apportés à la Sécurité de la vieillesse. Vous avez écouté, vous avez agi, tout comme le gouvernement. À d'autres égards, cependant, le budget s'est avéré décevant. En ce qui nous concerne - et je dois le dire en toute tristesse - il nous faut faire d'autres mises en garde.

Nous sommes les intermédiaires entre les personnes âgées et le gouvernement. Nous ne sommes pas les seuls, mais notre organisme s'est vu confier un mandat très large. Nous sommes préoccupés par la question des médicaments brevetés, l'utilisation des médicaments génériques, la violence faite aux personnes âgées, que ce soit par les établissements d'accueil ou les institutions financières, le prix du téléphone et les questions de transport. Notre mandat est très large.

Il est toujours tentant de s'adresser à certaines personnes pour voir qu'elles sont tout à fait d'accord avec le gouvernement dans les orientations qu'il souhaite prendre. Mais de là à dire que tout le monde est d'accord, cela pourrait être très trompeur.

Il y a d'autres personnes âgées, et d'autres préoccupations. Nous sommes toujours aux prises avec l'érosion de la Sécurité de la vieillesse. On n'a jamais réexaminé la question, mais récemment, d'autres modifications ont été apportées. On vient maintenant chercher l'argent à la source.

Cela équivaut, en un sens, à une intrusion dans la vie privée. Supposons que quelqu'un arrive à la banque avec un chèque de SV, qui est maintenant de 275 $; je ne sais pas ce que c'était avant. Le caissier peut en fait se dire que, oui, Mme Tremblay vit beaucoup mieux qu'on le pense. En réalité, c'est une intrusion grave.

Le budget de 1995 a porté un dur coup à l'ensemble des mesures concernant les indemnités de départ, c'est-à-dire que les années de service accumulées après 1995 ne peuvent plus être intégrées à un abri fiscal. Cela va constituer un problème très grave dans quelques années. Cela veut dire que les employeurs n'offriront pas d'indemnités de départ pour les années de service après 1995. C'est inévitable.

Les changements de l'année dernière - que l'on a appelée l'année fatale - à l'âge permis pour le retrait de fonds de retraite enregistrés, qui est passé de 71 à 69 ans, a particulièrement provoqué de la colère parce qu'on disait dans ce budget qu'il n'y aurait pas d'augmentation d'impôt. Dans le Budget en bref, il était question d'un report d'impôt inutile. Je crois plutôt que c'est le contraire. Les gens laissent leur argent dans ces fonds aussi longtemps qu'ils le peuvent parce qu'ils ont peur d'en manquer. Ils ont peur de mourir dans la pauvreté, après avoir épargné toute leur vie.

Nous connaissons tous des gens qui vivent très bien, mais ce sont probablement les mêmes. Ils sont probablement seulement quatre ou cinq sur une centaine. Il y a très peu de gens qui sont véritablement très à l'aise, mais il y a aussi une sorte de mythe qui entoure cela.

À mon avis, le fait de diminuer cette limite d'âge a été un acte de vengeance, et je ne vois pas pourquoi c'était nécessaire. En 1998-1999, cette mesure rapportera environ 175 millions en économie d'impôt. Vous pourriez accorder un autre prêt à Bombardier en 1999. Vous pourriez doubler le prêt, mais je ne pense pas que cela sera très profitable pour les personnes âgées. C'est intéressant de voir comment l'argent circule. Le gouvernement n'a pas épargné une somme énorme, mais cela a provoqué la colère des personnes âgées et créé un climat très désagréable.

.1850

L'autre chose qui a déclenché «l'alarme», c'est la possibilité de désindexer les prestations du RPC. Comme il est proposé que la nouvelle prestation pour personnes âgées ne soit pas imposée mais entièrement indexée, il me paraît très cynique maintenant de changer d'idée et de dire que vous allez désindexer le Régime de pensions du Canada au premier point de pourcentage.

Tout cela ne fera qu'affaiblir le RPC et les autres régimes de pension, où, en général, on tient compte du fait que les systèmes sont communs. Ils ne sont pas superposés, ils sont intégrés, comme c'est le cas avec la Loi sur la pension de la fonction publique. Il y a donc, de votre part, une ingérence grave dans les ententes contractuelles.

Malheureusement, ce que l'on appelle la réforme des pensions me semble être un euphémisme pour ce que je qualifierais d'ambition brutale dans le but d'atteindre un seul objectif. Le gouvernement n'est pas une fin en soi. Il faut bien le comprendre. Vous êtes là pour nous, et non le contraire. Ça, il faut le dire aux intéressés.

Aujourd'hui, les chefs d'entreprises ont parlé de la mauvaise utilisation de ce concept de dépenses fiscales, dont on entend parler au ministère des Finances depuis des années, comme si ce sont ces personnes qui doivent décider pour nous. C'est intéressant de voir que l'idée est venue des gens d'affaires.

Les personnes âgées respectent nos institutions. Si vous en voulez une preuve, regardez les anciens combattants quitter le cénotaphe le 11 novembre. Les gens applaudissent, et je pense qu'ils le font en toute sincérité. Mais nous sommes inquiets, nous sommes inquiets de la crise de confiance qui règne actuellement et de la fragilité de nos institutions. Seul M. d'Aquino en a parlé cet après-midi. C'est encore là un problème qui doit être réglé.

Nous sommes en pleine campagne de vente d'obligations d'épargne du Canada et vous utilisez une anglophone qui s'appelle Marian, dont le nom en français devrait être davantage Marianne que Mariette, mais Marianne vient nous rappeler les gens sur les barricades durant la Révolution française, signe subliminal, mais auquel vous n'aviez peut-être pas pensé.

Mais l'écart dans les taux d'intérêt est plus grave. Si Marianne a 71 ans, elle n'obtiendra que 3 et 4 p. 100 pour ses obligations la première année, alors que la loi prévoit qu'elle peut retirer d'un REER 7,38 et 7,48 p. 100. Nous croyons qu'il faudra discuter de cela un jour et que ces chiffres devront peut-être être révisés à la baisse si les taux d'intérêt continuent d'être bas.

Nous aimerions rencontrer les responsables du gouvernement. Il y a beaucoup de gens talentueux, de personnes très brillantes qui pourraient examiner cette question avec nous. Peut-être le problème n'est-il pas aussi grave qu'il ne le paraît, je n'en sais rien. Nous aimerions en discuter.

Nous espérons que le budget ne sera pas un instrument permettant de réaliser les changements prévus au système de revenu de retraite. Nous en avons parlé l'an dernier et je crois en toute sincérité que vous nous avez écoutés très attentivement, monsieur le président. Nous avions mis beaucoup d'espoir là-dedans. Cette année, nous sommes un peu plus prudents.

Pour ce qui est de la question des revenus, dont on nous a demandé de parler, il n'y a rien comme une économie en bonne santé qui pourrait faire beaucoup pour rétablir les équilibres. Une économie non performante draine des ressources. Comme l'a dit John Kennedy, la marée montante soulève tous les bateaux, et je le crois.

J'en viens très rapidement à mon dernier point.

En ce qui concerne l'emploi - les gens d'affaires ont soulevé la question également - comme les personnes âgées se sentent dévaluées dans un certain sens, constamment en déséquilibre et très souvent la cible de changements significatifs et répétés qui peuvent influencer ou influencent leur bien-être économique, elles sont devenues des consommateurs réticents.

Arrêtez de nous harceler, de nous menacer, cessez de toujours vous attaquer à nous.

À mon avis, le budget devrait prévoir une période de relâchement des tensions, comme le disait la Loi Taft-Hartley, ce qui révèle mon passé travailliste - la fin des intrusions négatives dans les revenus des personnes âgées. Cela constituerait une étape importante pour restaurer la confiance. Si vous pouviez aller au-delà et nous donner une assurance plus durable, je crois alors que la situation de l'emploi s'améliorerait.

.1855

Enfin - je sais qu'Andrew a hâte de parler et qu'il en aura le temps - cessez cette guerre inutile et presque hargneuse de l'attrition à l'égard des personnes âgées. Il me semble qu'il est temps que vous cessiez de mener, car vraiment vous le faites, une guerre sur deux fronts.

Avec les frictions qu'il y a au Canada, l'aliénation systématique... Même si les sondages indiquent que vous êtes invincibles, il y a chez un grand nombre de personnes un sentiment profond d'indignation et d'irritation, et nous sommes avec vous. Nous aimons le Canada et nous ne sommes pas antipathiques à notre propre gouvernement, peu importe sa couleur. Nous pensons simplement que nous sommes bousculés, et que vous en avez trop fait. Il y a trop de tension. Vous avez un problème grave, et nous voulons que vous le régliez et que vous nous laissiez en paix pendant un certain temps.

Le président: Merci, monsieur Armstrong.

Enfin, madame Judith Maxwell.

[Français]

Mme Judith Maxwell (présidente des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Au nom des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, il me fait plaisir de participer aux délibérations du comité.

[Traduction]

Permettez-moi d'abord de dire qu'il est très important que les gouvernements fédéral et provinciaux mettent de l'ordre dans leurs finances. À mon avis, la difficulté dont ont fait part les intervenants antérieurs se trouve dans la façon de le faire. Je pense que nous avons des choix à faire dans la façon d'établir les priorités, tant au fédéral qu'au provincial, et que le gouvernement a ici la possibilité de jouer un rôle de leadership différent qui pourrait faire en sorte que le processus d'ajustement fiscal ait des répercussions différentes sur les citoyens en général.

Le gros problème auquel nous faisons face dans les années 1990, c'est la cohésion sociale, c'est-à-dire voir dans quelle mesure les gens estiment faire partie de la même société et d'une entreprise dont les valeurs et les objectifs sont communs.

En période d'insécurité, la cohésion sociale est toujours en danger parce que l'insécurité engendre l'aliénation, elle incite les gens à trouver des boucs émissaires, à se révolter contre la centralisation, les hiérarchies et les grandes institutions, plus particulièrement les gouvernements. Ainsi donc, des insécurités comme celles que nous vivons actuellement au Canada font qu'il est plus difficile de gouverner le pays.

Les divisions qui règnent au sein de notre société sont notamment attribuables au marché du travail. Elles sont renforcées par nos systèmes d'éducation et de formation et par la répartition inégale de nos ressources renouvelables, par le type de système d'ancienneté que nous avons, et par de nombreuses restrictions dans les programmes qui s'insèrent dans les correctifs financiers qui sont apportés.

Je ne crois pas avoir besoin d'en rajouter pour vous dire que nous sommes en train de créer ici un genre de société de gens bien nantis et de démunis. Il y a également une grande différence entre l'Est et l'Ouest en ce qui concerne l'optimisme et les possibilités relatives de nos jours, et il existe de très graves divisions qui émergent entre les jeunes et les personnes âgées.

J'aimerais dire à tous ceux qui sont autour de la table ici aujourd'hui, qu'il est possible d'avoir un type différent de leadership. Je pense qu'en période d'insécurité, ce que les gens veulent, c'est un nouveau genre de sécurité, ils veulent avoir le sentiment que l'on va respecter les valeurs fondamentales qui sont des valeurs canadiennes, que les gouvernements et les citoyens vont faire collectivement un effort pour créer une communauté aux valeurs communes.

Plusieurs intervenants ont parlé de la nécessité d'avoir des normes nationales. Je crois qu'on devra probablement cesser de parler en ces termes de nos jours en raison des équilibres changeants entre les gouvernements fédéral et provinciaux, à savoir que peu importent les normes ou les principes qui sont énoncés, ils doivent être le fruit d'un dialogue entre le gouvernement fédéral et provincial et ne doivent pas être imposés d'en haut par le gouvernement fédéral. C'est là un exemple qui montre que nous devons mieux coordonner les efforts, tant au niveau fédéral que provincial, pour ce qui a trait à la gestion de l'interdépendance de l'aspect social.

.1900

Le gouvernement fédéral peut agir de façon relativement indépendante et autonome en matière de politique monétaire, fiscale, commerciale, etc., mais en ce qui concerne le volet social, il existe une interdépendance totale entre les programmes qui sont offerts aux niveaux fédéral et provincial. Je ne pense donc pas que l'on puisse utiliser le jargon de «chevauchement» et «dédoublement» en ce qui concerne les programmes sociaux. Il faut que ce soit davantage une action commune, une action commune pour s'entendre sur les principes, mais également pour établir certaines priorités et convenir des projets nationaux que nous devrions entreprendre. Tant les principes que les projets nationaux, qui pourraient être par exemple d'investir dans les enfants, ou autre chose, - le ministre a lancé certaines idées dans ses derniers discours - devraient être un pilier pour les Canadiens. Ils nous permettent de voir dans quel sens le gouvernement s'oriente et quels seront ses engagements sous-jacents.

Il y a une autre question dont j'aimerais parler mais qui concerne davantage la façon dont on établit un lien entre cette discussion aujourd'hui et certaines discussions qu'on a entendues lors de la séance antérieure. Il y a une hypothèse sous-jacente très importante dans les préceptes macroéconomiques... Dans les déclarations à caractère économique, on parle de restaurer et d'accroître la confiance, il est question de reprise des dépenses de consommation, toutes des solutions pour assurer la croissance économique, mais je pense que personne d'entre nous ici ne peut vraiment savoir quel impact le déficit social aura sur la façon dont les consommateurs pourront réagir à ce stade-ci du cycle financier. Nous savons que le taux d'épargne est très bas, même en moyenne, et de toute évidence dans de nombreuses familles, le taux d'endettement est très élevé et il y n'y a pas d'épargne. On vit dans une période où les besoins d'épargne sont beaucoup plus grands qu'ils ne l'étaient auparavant à cause des coûts d'éducation postsecondaire que les familles doivent absorber qui sont beaucoup plus élevés, parce que les familles doivent maintenant acquitter des coûts de santé plus élevés, parce que lorsque les jeunes commencent dans la vie, ils obtiennent des emplois peu rémunérés et peu sûrs, et parce que lorsque les taux d'intérêt sont faibles, les gens doivent consacrer davantage d'argent à leur assurance et à leur régime de pension pour conserver le degré de protection qu'ils souhaitent avoir.

Tout cela réuni, je crois que les économistes qui font leurs prévisions de nos jours ne savent vraiment pas comment les citoyens en général, les consommateurs, vont réagir dans un milieu où se vivent de nombreuses difficultés en raison du chômage ou des salaires peu élevés, ou parce que ces gens-là sont tombés en marge de la société d'une certaine façon. Mais même parmi les familles de la classe moyenne, l'insécurité qui existe actuellement devrait nous amener à nous poser de sérieuses questions, et j'encourage le comité à le faire lorsqu'il rencontrera les économistes qui sont les intervenants actifs dans la communauté des prévisionnistes.

Le président: Merci beaucoup, madame Maxwell.

Certains d'entre vous n'ont probablement pas eu le temps d'exposer tout leur programme; or, en tant que président, j'ai accordé à certains témoins beaucoup plus de temps qu'à d'autres, mais je vais m'assurer de donner à chacun autant de temps qu'il le désire, afin de faire en sorte que nous comprenions bien ce que vous souhaitez nous présenter.

Pourrions-nous débuter par M. Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai entendu plusieurs personnes parler des défis auxquels fait face la population aujourd'hui. Je tiens à faire remarquer, entre autres, qu'au cours des trois dernières années, le revenu disponible après impôt a chuté d'environ 3 000 $ par famille au Canada.

Mme Maxwell a parlé du taux élevé d'endettement personnel des gens aujourd'hui. Même si Mme Grant-Cummings s'est dite opposée à une réduction d'impôt générale, je n'ai pas vraiment entendu discuter véritablement de cette question, à savoir le taux élevé d'imposition, et, sauf ce dont a parlé Mme Maxwell, le taux élevé d'endettement personnel.

.1905

À mon avis, tous ces éléments indiquent un alourdissement du fardeau fiscal des gens qui fait en sorte qu'ils ont beaucoup de difficulté à se tirer d'affaire aujourd'hui. Cela cause beaucoup de stress aux familles.

Je me demande si l'un ou l'autre des témoins a des commentaires sur le rôle que les impôts élevés jouent dans la création de stress au sein des familles, qui, dans certains cas, pousse les gens à recourir aux banques alimentaires et fait en sorte qu'il est extrêmement difficile pour l'économie de créer des emplois permanents à long terme qui constituent le meilleur programme social que l'on puisse avoir.

Mme Cox: J'aimerais simplement dire que les gens que je représente aimeraient beaucoup avoir ce genre de fardeau fiscal. Un fardeau fiscal, peu importe lequel. Le but du régime fiscal est certainement d'alléger le fardeau des personnes qui se trouvent au bas de l'échelle et, bien sûr, de leur donner plus d'argent.

Je suis révoltée à l'idée qu'on puisse imposer une réduction d'impôt quand il y a des enfants qui ont faim. Ça me rend malade de penser à cela, bien honnêtement.

Je suis d'accord, les gens veulent un emploi. C'est la meilleure chose qu'une personne puisse avoir. Mais si les gens n'ont pas d'emploi, et ils n'en ont pas actuellement, le fait de penser de réduire les impôts alors qu'il y a des gens qui manquent de nourriture... c'est tellement horrible de penser une telle chose.

M. Solberg: À votre avis, y a-t-il un lien entre les impôts élevés et la pénurie d'emplois, ou le manque de stimulation dans l'économie qui permettrait de créer de l'emploi? L'économie canadienne est très peu vigoureuse ces temps-ci. Les impôts sont extrêmement élevés chez nous. Je me demande si vous voyez un lien entre le taux élevé d'imposition et le manque d'activité économique qui permet de créer des emplois et qui pourrait donner à vos clients du travail à long terme.

Mme Cox: Je ne suis pas économiste. C'est l'excuse habituelle, j'en conviens. Mais je dirai que si c'était moi qui décidais, je ferais en sorte que les impôts soient utilisés pour créer directement des emplois, pour créer le genre de programmes d'infrastructures qui permettraient de remettre les gens au travail. Donc, en ce sens, non, je n'en vois pas. Il y a probablement un lien, mais je suppose que j'ai une approche très keynésienne et que je préférerais plutôt que l'argent des impôts soit utilisé pour créer des emplois pour les gens, plus que tout.

Mme Maxwell: Monsieur le président, je crois que la question la plus importante au sujet des réductions d'impôt, c'est de voir comment elles seront financées. Si elles doivent être financées par d'autres compressions des dépenses dans les compétences discrétionnaires du gouvernement, je crois alors qu'il est dangereux que la réduction d'impôt profite aux riches et fasse en sorte qu'il y aura de moins en moins de services et de programmes publics pour aider les gens dont ont parlé à maintes reprises les intervenants autour de cette table. Une réduction d'impôt est toujours attirante à long terme, mais compte tenu du déficit social qui a été créé au cours des dernières années, il me semble que, s'il en est, s'il y a une marge de manoeuvre quelconque, on devrait affecter les ressources aux programmes de prévention et de soutien qui vont aider les gens à traverser cette restructuration radicale.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à ce sujet? À votre avis, y a-t-il des compressions dans les programmes qui ne touchent pas directement la prestation des services sociaux? Le ministère des Affaires étrangères dépense actuellement142 millions pour la création d'un centre de recherche sur le développement économique à l'étranger. Est-ce là un programme qui pourrait être coupé sans que cela ne touche le bien-être des gens qui sont représentés autour de cette table? Avons-nous vraiment besoin d'un radiodiffuseur public, comme certains l'ont demandé aujourd'hui? Comment des compressions à cet égard influent-elles sur le bien-être des gens qui sont représentés ici?

.1910

Mme Maxwell: Dans la mesure où il y a une marge de manoeuvre, je pense que, en priorité, on devrait réaffecter les ressources de façon à réduire la taille du déficit social, à aider les gens à s'adapter à un marché du travail et à un environnement radicalement différents dans lesquels ils doivent essayer de vivre.

M. Grubel: Je sais qu'il est idéologique de se demander si on a besoin d'un radiodiffuseur public ou non à une époque où on a des centaines de canaux, un réseau électronique et ainsi de suite. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a certaines dépenses de ce genre qui pourraient être réduites sans que cela ne touche les programmes sociaux?

Mme Maxwell: Je suis certaine qu'il y en a. Je suis simplement en désaccord avec vous au sujet de la façon dont les épargnes provenant de restrictions précises pourraient être réparties.

M. Grubel: Mais ça, c'est un autre problème. Nous parlons ici de la possibilité de procéder à des réductions d'impôt afin que certains aient plus d'argent à dépenser, ce qui, en retour, créera des emplois dans les restaurants, ou dans les secteurs où les gens pourront dépenser cet argent. Au lieu d'engager des dépenses pour la recherche dans les pays en développement ou pour Radio-Canada, nous pourrions peut-être donner cet argent aux gens qui vont le dépenser dans leurs collectivités, créant ainsi plus d'emplois parce qu'ils exigeront le genre de services qui sont, en principe, assurés par les gens qui sont représentés autour de cette table.

Mme Maxwell: Je vais laisser le soin à certains de mes collègues de répondre.

Mme Grant-Cummings: J'aimerais simplement ajouter une ou deux choses.

D'abord, je pense qu'il n'est pas logique de parler de restructuration capitaliste et mondiale de notre économie où on fait des affaires dans le monde entier. En fait, il est question de dépenser environ - c'était combien? - 140 millions ou des milliards à l'étranger quand le Canada va chercher davantage des pays à l'étranger. En fait, en ce qui a trait aux composantes fondamentales du Canada, à la façon dont nous sommes arrivés là, je pense que nous avons tiré parti des ressources d'autres pays. Ça, c'est une chose, et je ne pense donc pas que ça soit du tout du gaspillage. C'est un investissement pour notre avenir. En ce qui concerne cette merveilleuse économie mondiale, je ne vois pas pourquoi nous devrions cesser de dépenser de l'argent pour faire des affaires à l'étranger.

Pour ce qui est de la réduction d'impôt, je suis tout à fait d'accord avec mon collègue de ce côté-ci de la table pour dire que cela risque de mener au désastre. Des gouvernements antérieurs nous ont déjà donné la preuve que ce sont les gens riches qui en bénéficieront et compte tenu du fait que l'on a de plus en plus tendance à favoriser la privatisation des services, à quoi pensez-vous que l'on va utiliser cet argent actuellement? Ce sera pour payer les services que le gouvernement a habituellement la responsabilité de fournir.

Ce serait imprévoyant de parler d'une réduction d'impôt actuellement. Nous devrions véritablement nous concentrer sur la planification à long terme et sortir notre pays de l'état de pauvreté dans lequel il se trouve actuellement. Mon association a toujours maintenu que nous avons besoin d'un régime fiscal équitable. Dans un mémoire antérieur, je pense que nous avons fait le calcul, comme d'autres groupes ici, des impôts différés. Les entreprises ne seraient pas du tout mal en point, même en maintenant les profits qu'elles font actuellement, si elles payaient leurs impôts. Je pense que c'est là une des façons d'équilibrer les choses actuellement.

On parle aujourd'hui d'une nation plus bienveillante, plus douce. On parle de développer un pays qui repose sur l'inclusion sociale, et c'est ça qu'il nous faut.

M. Grubel: [Inaudible-Éditeur]

Mme Grant-Cummings: Oui, voyez-vous, nous avons des principes différents. Nos valeurs familiales reposent sur les principes inhérents aux droits de la personne.

M. Grubel: Vous vous présentez devant nous et vous demandez, demandez, demandez. Je ne vois pas comment on peut en arriver ainsi à une nation plus bienveillante.

Mme Grant-Cummings: C'est notre droit en tant que citoyens - et je suis citoyenne de ce pays...

M. Grubel: Vous avez dit: «Je demande» au moins quinze fois.

Mme Grant-Cummings: ...de demander au gouvernement de faire ce pourquoi nous l'avons élu, ce pourquoi il a été mandaté.

M. Armstrong: C'est seulement une question de terminologie. Vous ne pouvez pas en vouloir aux témoins aujourd'hui. C'est un terme qu'utilisent tous ceux qui rédigent un mémoire devant un tribunal ou ailleurs. Il y a une série de demandes à une table de négociation, je suis donc un peu surpris.

Le président: Merci, monsieur Armstrong, pour votre intervention pertinente.

Madame Jackman.

.1915

Mme Jackman: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Grubel, nous croyons que votre parti toucherait davantage les citoyens si vous cessiez de parler d'allégement fiscal, ce que la plupart des Canadiens ne veulent pas véritablement, et que vous parliez plutôt d'imposition équitable. Le problème actuellement n'est pas que les Canadiens assument un fardeau fiscal inconfortable, c'est qu'ils ont l'impression de ne pas être imposés de façon équitable.

M. Grubel: Je dois vous dire que je ne vois pas en quoi le fait de donner plus d'argent à une deuxième personne qui retire un revenu dans une famille afin de réduire les impôts, afin que le mari et la femme aient les mêmes possibilités que des personnes qui occupent deux emplois différents, est inéquitable. Nous augmenterions les sommes versées aux familles ayant des enfants. Ces familles auraient un revenu disponible plus important sans avoir à mettre leurs enfants dans les garderies. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Vous me dites que le fait de réduire l'exemption de base de sorte qu'un million de personnes de plus n'aient pas à payer d'impôt ne rend pas le régime plus équitable. À quoi vous pensez?

Mme Jackman: De toute évidence, j'aimerais vous reporter aux mémoires que notre groupe et d'autres vous ont présentés l'an dernier, de même qu'aux mémoires de l'année précédente. Nous avons décrit dans ces mémoires des mesures fiscales très précises qui, à notre avis, rendraient le système plus équitable.

M. Grubel: Celles que vous avez présentées au gouvernement.

Mme Jackman: Non, je m'excuse, celles que nous vous avons présentées à vous en tant que membre du comité. Ça fait trois ans de suite que je m'adresse à vous.

M. Grubel: Vous avez parlé du Parti réformiste.

Mme Jackman: Et de vous en tant que membre du comité.

M. Grubel: Vous vous êtes adressée à moi en tant que représentant du Parti réformiste.

Mme Jackman: C'est exact.

M. Grubel: Je vous dis maintenant quelles sont les propositions que nous avons présentées. Vous devriez les étudier à un moment donné.

Merci.

M. Solberg: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose? J'aimerais faire simplement un commentaire.

Les gens doivent comprendre que lorsque nous parlons du niveau d'imposition des différents groupes, il est toujours important de préciser dans nos discussions que la tranche supérieure de 10 p. 100 de personnes qui paient de l'impôt sur le revenu au Canada paient 50 p. 100 des impôts. Les gens qui gagnent plus de 50 000 $ par année sont considérés comme étant dans cette catégorie. Donc, lorsqu'on dit qu'on va taxer les riches, je pense qu'il faudrait se rappeler que pour beaucoup de gens, une personne qui gagne un salaire de 50 000 $ est certainement considérée comme faisant partie de la classe intermédiaire.

M. Grubel: C'est ce que dit Statistique Canada.

Le président: Merci, messieurs Solberg et Grubel.

Monsieur Duhamel, s'il vous plaît.

M. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur le président, je voulais tenter de reprendre les thèmes principaux qui ont été abordés ce soir. J'aimerais en aborder quelques-uns, et si vous voulez ajouter quelque chose, n'hésitez pas.

Les gens répètent, pas seulement ici mais ailleurs, qu'il y a une crise de confiance - je pense que c'est M. Armstrong qui a utilisé l'expression. D'après ce que je comprends, cela veut dire que nous ne faisons plus confiance autant qu'avant aux institutions qui existent dans la société canadienne. Cette confiance se dissipe.

Dans le dernier échange, j'ai cru percevoir que l'on estimait que le fardeau fiscal n'est pas nécessairement excessif, même si certains ne seront pas d'accord, mais qu'il est peut-être mal réparti. En fait, ce qu'on a dit, c'est que le rôle de l'État est d'assurer une répartition équitable de ce fardeau.

J'ai l'impression également qu'il y a une autre préoccupation, aussi louable soit-il d'atteindre ces objectifs de réduction du déficit et de commencer à rembourser la dette, à savoir que le gouvernement concentre peut-être trop d'efforts là-dessus. Peut-être que le gouvernement coupe trop, et ce, au détriment de ceux qui n'ont pas nécessairement les pouvoirs ou les moyens de défense qu'ont les autres.

Je me demande si c'est là le reflet exact de certaines des grandes préoccupations qui ont été exprimées. Y en a-t-il d'autres à ajouter? Je me permets de lancer cette question générale.

Le président: Monsieur Aitkens, s'il vous plaît.

M. Andrew Aitkens (directeur de la recherche, La voix - Le Réseau des aîné(e)s): Monsieur le président, j'aimerais répondre à cette question au regard de la politique et des programmes sociaux.

Nous avons parlé ce soir du déficit social. À mon avis, ce que le Canada doit faire, c'est de commencer à redonner un caractère «social» à ses «politiques», parce qu'on a perdu de vue l'objectif des programmes sociaux.

Et quand je dis «social», je parle du fait que ces programmes profitent à nous tous. L'assurance-maladie est probablement le meilleur exemple, parce qu'on y a tous recours à un moment donné, surtout lorsqu'on est enfant, et au moment de mourir. Mais il y a d'autres programmes sociaux qu'il nous faut repenser. Il nous faut reconnaître que ces programmes profitent à tout le monde, et la Sécurité de la vieillesse est un bon exemple.

.1920

La Sécurité de la vieillesse n'est pas un programme pour personnes âgées, mais un programme dont nous profitons tous. Nos grands-parents et nos parents sont en santé et autonomes. Ce sont toujours des membres actifs de la société. Ils font attention à leur santé et coûtent moins cher à l'assurance-maladie. Ils s'occupent de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Vous seriez surpris de voir combien de jeunes familles reviennent vivre avec les grands-parents parce que c'est le seul endroit où on trouve une sécurité économique de nos jours.

Donc, ces programmes ne sont pas des programmes pour personnes âgées, ce sont des programmes sociaux que nous devons tous appuyer et auxquels nous devons tous contribuer tout en reconnaissant qu'ils profitent à nous tous. Si on commence à diviser les groupes en disant que les personnes âgées obtiennent tout l'argent, en cherchant à voir quels crédits sont accordés aux jeunes, à l'éducation, etc., on aura alors une façon de penser très destructrice.

J'ajouterais que le budget devrait vraiment faire la promotion de l'engagement inter-générations. On pourrait alors saisir les préoccupations des enfants qui vivent dans le système de protection de l'enfance comme un problème auquel nous devons tous chercher une solution, et nous saurons que les investissements que nous faisons dans les prestations pour enfants sont avantageux pour tout le monde, même par le biais de la Sécurité de la vieillesse qui permet aux grands-parents d'aider ces jeunes à rester à la maison et de ne pas se retrouver dans des établissements. À long terme, nous en profiterons tous.

Merci.

Le président: Merci. Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?

M. Grubel: Pourrais-je poser seulement une question?

Le président: Certainement.

M. Grubel: Qu'advient-il de la génération qui n'est pas née? Qu'en est-il de l'équité à l'égard de ces enfants? Est-ce que cela vous préoccupe? Diriez-vous qu'il est juste pour nous d'avoir un déficit aujourd'hui parce que nous assumons des obligations pour prendre soin des personnes âgées, obligations qui, là encore, sont respectées en recourant à des emprunts, lesquels emprunts devront être assumés par des générations qui ne sont pas encore nées?

M. Aitkens: Non.

M. Grubel: Où allons-nous prendre l'argent pour faire toutes ces choses?

M. Aitkens: Il faut faire une gestion prudente, c'est ça qu'il faut faire, la prudence doit être la philosophie qui sous-tend cette gestion. Par exemple, qu'est-ce que ça nous donne de dire que les personnes âgées épuisent toutes les ressources de notre pays, et c'est ce que beaucoup font? À quoi ça sert?

M. Grubel: À rien. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Aitkens: Je pense qu'il faut vraiment cesser de dire que les personnes âgées sont la cause du déficit et que l'on transfère tout ce fardeau aux générations de demain. Il faut voir comment nous fonctionnons en tant que société, il faut examiner la nature de notre contrat inter-générations et voir comment sont répartis les avoirs à toutes les étapes. Si vous regardez les crédits que nous consacrons à l'éducation par rapport aux pensions, nous dépensons deux fois plus du PNB pour l'éducation que pour les pensions. Les chiffres sont là, mais est-ce que nous allons commencer à dire que les jeunes obtiennent deux fois plus que les personnes âgées? Non, alors s'il vous plaît, ne nous embarquons pas là-dedans.

M. Grubel: Avez-vous des chiffres?

M. Aitkens: Je peux vous les donner. Je les ai à mon bureau.

M. Grubel: Qu'est-ce que vous voudriez que nous fassions?

M. Aitkens: J'aimerais que vous repensiez votre philosophie.

M. Grubel: Merci.

M. Armstrong: Puis-je vous donner un chiffre rapide? Je ne sais pas si c'est pour la génération qui n'est pas née ou non, et je ne serai plus là depuis longtemps.

Dans la ville d'Ottawa, le compte de taxes moyen est d'environ 2 400 $. De cette somme,1 200 $ sont affectés à l'éducation, 800 $ vont à l'administration régionale et environ 360 $ à la Ville. Pour une raison - que Dieu seul connaît - ma défunte femme et moi n'avons pas eu d'enfants. Je n'ai pas de responsabilité à l'égard des enfants, et bien que j'espère pouvoir vivre longtemps, je ne m'oppose nullement à l'élaboration et au renouvellement de l'infrastructure de l'éducation. Dans mon esprit, il ne fait aucun doute que l'on fait cela pour les générations futures, mais c'est ainsi que vont les choses.

On est en train de créer un faux conflit de générations, et je regrette beaucoup que le Ministre se soit emporté dans certains documents concernant le RPC et d'autres questions. Je sais que son travail est très exigeant, les choses vont vite, les fonctionnaires entrent dans son bureau toute la journée et il ne sait pas trop sur quel pied danser. Mais le fait est que des choses ont été dites qui ont favorisé un certain type de conflit inter-générations, ce qui est totalement regrettable.

Le président: Très bien.

Oui, madame Grant-Cummings.

.1925

Mme Grant-Cummings: Je veux simplement dire que je suis d'accord avec le représentant du Réseau des aîné(e)s, tout comme j'appuie le représentant du Conseil national du bien-être, et je crois que le gouvernement fédéral, notamment, doit avoir une stratégie d'éducation publique pour aborder toute la question du RPC et de l'avenir des jeunes au Canada. C'est ça qu'on entend par inclusion sociale, au fait - nous faisons tous partie du même pays et nous avons tous des droits sociaux.

Le président: Merci. Monsieur Grubel.

M. Grubel: Monsieur le président, j'ai beaucoup réfléchi à cette question, j'ai examiné les chiffres, et même si je suis passablement d'accord avec vous en ce qui concerne la nécessité de bien formuler les principes, le fait est qu'en l'an 2030, il y aura trois travailleurs pour un retraité. Actuellement, le ratio est de six pour un. Le problème, c'est que nous laissons aux travailleurs de l'an 2030 non pas seulement le fardeau d'une dette qui excédera bientôt 600 milliards de dollars, mais nous leur laissons également l'obligation d'assumer les frais de leurs soins de santé et de leurs pensions de retraite, lesquels frais devront être retirés du salaire de ces travailleurs pour leur être versés. C'est à peu près l'équivalent de 600 milliards de dollars de plus.

Je veux que vous sachiez que le service de cette dette de 600 milliards de dollars absorbe aujourd'hui 35 p. 100 de chaque dollar d'impôt. Si vous ajoutez 600 milliards de dollars à cela, vous arriverez probablement à 70 p. 100 du revenu des jeunes en l'an 2030.

Vous vous préoccupez beaucoup d'équité entre les générations. Pourriez-vous m'éclairer sur la solution à ce problème? C'est là une question très pertinente qui me préoccupe beaucoup, parce que je suis à tout le moins aussi humanitaire, préoccupé et conscient sur le plan social que Mme Grant-Cummings.

Le président: Juste avant que vous répondiez - nous avons dû commencer tard, malheureusement, en raison d'un vote. Nous devrions avoir terminé à 19 h 30, comme nous vous l'avons promis, et je sais que certains d'entre vous doivent prendre un avion. Si vous devez quitter, pourriez-vous me le dire parce que j'aimerais vous donner la chance de résumer votre intervention avant que vous ne partiez. Si vous pouvez rester, je pense que nous allons poursuivre pendant encore 15 minutes peut-être. Merci.

Monsieur Armstrong.

M. Armstrong: À mon avis, la question est à la fois insoluble et soluble. Vous regardez loin en avant, et il y aura peut-être plus d'emplois que nous le pensons.

M. Grubel: [Inaudible-Éditeur] ...mais pas les gens.

M. Armstrong: Eh bien, nous ne le savons pas. Nous...

M. Grubel: Mais d'où viennent-ils?

M. Armstrong: Eh bien, j'ai tendance à voir à très long terme, loin dans le prochain millénaire, qui pourrait être très excitant. Ce serait peut-être en l'an 2025, je pense. Beaucoup de choses se sont produites dans nos vies. La réponse est oui, c'est désastreux; en même temps qu'on peut répondre qu'il y plein d'espoir et de défis qui les attendent. Je pense que nombre des plans sont assez précaires, il faut payer maintenant, mais nous essayons d'aplanir les difficultés et nous pouvons y arriver. Alors, les scénarios pessimistes ne sont rien d'autre que des scénarios pessimistes.

Le président: Excusez-moi, monsieur Armstrong, de vous interrompre. Je sais queMme Grant-Cummings doit prendre son avion.

Mme Grant-Cummings: Je suppose que personne ici ne pense que les femmes ne comprennent rien à l'économie, aux prévisions financières et ainsi de suite. Je pense que nous comprenons bien, très bien même. Nous comprenons également les coûts que suppose un déficit social au détriment de l'équilibre budgétaire, nous savons qu'il y a différentes façons d'y arriver; et non, ça ne va pas être facile, mais nous devons faire les deux ensemble si nous voulons construire une société qui repose sur l'égalité et la démocratie. Actuellement, ce que nous faisons, c'est de créer un pays qui est affaibli et polarisé parce qu'on se concentre trop uniquement sur le déficit budgétaire et non sur le déficit social que nous produisons.

Merci.

.1930

Le président: Merci beaucoup. Au nom de tous les membres, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection à ce très important organisme qui, dans le passé, a eu un impact énorme sur l'orientation de notre pays à maintes reprises. Nous espérons avoir le plaisir de travailler avec vous à l'avenir. Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

Mme Grant-Cummings: Merci beaucoup.

Le président: Je cède maintenant la parole à Mme Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je vais être brève, car le temps avance.

La discussion de ce soir est extrêmement intéressante, on parle de beaucoup de choses, qu'il s'agisse des jeunes, des personnes âgées et des programmes permettant de trouver un équilibre entre tout cela et de faire en sorte que toutes les générations soient inter-reliées et jouissent de la qualité de vie que nous avons et que nous souhaitons continuer d'avoir ici au Canada.

Il y a cependant quelques points que j'aimerais éclaircir. Plusieurs ont dit que dans le cadre du RAPC, nous avions des normes nationales, mais ce n'est pas vrai. Il n'y avait pas de normes nationales, et il y a une telle différence dans les programmes des municipalités et des provinces au Canada que nous n'avons rien changé avec le TCSPS.

De même, certains ont dit que sans une composante financière en espèces, le gouvernement fédéral n'aurait pas d'influence. Le premier ministre, à l'instar du ministre des Finances, a assuré les Canadiens que tant qu'il serait en poste, il y aurait toujours une composante financière afin que nous puissions participer aux programmes avec les gouvernements provinciaux et maintenir une certaine présence.

J'aimerais poser une question, particulièrement aux jeunes qui sont ici. Récemment, on m'a fait part de certains problèmes majeurs dans ma circonscription en tant que députée. Il s'agissait en fait de problèmes sociaux d'ordre municipal et provincial qui dépassaient ma compétence, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Le problème concerne les jeunes qui échappent au contrôle de leurs familles, qui sont placés dans des familles d'accueil et où on n'a pas le contrôle non plus. Les Services sociaux hésitaient à continuer de perdre leur réserve de familles d'accueil en raison du caractère violent de ces jeunes.

À votre avis, quelle solution ou quel modèle permettrait de régler le problème d'un jeune de 12 ans qui ne respecte pas le couvre-feu dans une famille d'accueil? On ne veut pas épuiser toutes les familles d'accueil et ainsi de suite. Quel genre de modèle...? Qu'est-ce que vous faites avec un enfant que les parents et la famille d'accueil ne peuvent plus contrôler?

Je pose la question aux jeunes et j'aimerais avoir vos recommandations.

M. Raychaba: Je pense qu'il nous faudrait des précisions sur la question, désolé.

Mme Andrews: Est-ce que vous nous demandez comment discipliner un jeune qui se rebelle?

Mme Brushett: Eh bien, moi j'ai répondu que s'il s'agissait d'un jeune de 10 ou 12 ans, il devrait peut-être parfois avoir une petite fessée avec une cuillère de bois... mais l'enfant était plus vieux que cela. C'est là un problème que les parents demandaient à la société de régler. À leur avis, la société devrait avoir une réponse, et la société, c'est-à-dire les Services sociaux, n'avaient pas vraiment de réponse précise à donner. Comment aidons-nous nos jeunes qui se retrouvent dans une telle situation, comment les garder à l'école, comment faire en sorte qu'ils n'aient pas de problème?

M. Raychaba: C'est difficile, dans des cas individuels, de trouver le modèle parfait, mais je peux vous dire que j'ai mis la main, dans le cadre du travail que j'ai fait pour le Réseau national des jeunes pris en charge, et je pense aussi que c'est inclus dans les documents que j'ai remis à tous les membres du comité, sur un livre qui s'appelle Pain Lots of Pain, et qui porte sur toute une série d'entrevues avec des jeunes qui étaient ou ont été dans le système de protection de l'enfance; on leur demandait qu'est-ce qui aurait pu marcher et qu'est-ce qui n'a pas marché avec eux. J'ai rencontré beaucoup de fugueurs, et beaucoup de jeunes très agressifs et très violents.

Je pense qu'il faut élargir la portée de l'analyse de ce cas en particulier et se demander pourquoi un jeune de 12 ans est si violent. Pourquoi un jeune de 12 ans est-il si agressif? Quand je rencontre des jeunes qui, par exemple, à l'âge de 7 ou 8 ans voient leur père poignarder leur mère dans le salon avant que la police n'arrive, ou qu'on les prend par les chevilles et qu'on les bat, ou qu'on les force à agir comme des chiens dans le sous-sol, je commence à comprendre pourquoi ces jeunes-là sont en colère.

Alors, parfois, ce qui semble être le cas pour quelqu'un de l'extérieur... Bien honnêtement, c'est qu'on ne comprend pas les réalités souvent incroyables de certains enfants et jeunes. Ce qui semble être une mauvaise conduite, dans bien des cas, c'est le comportement d'un jeune qui dit que les adultes sont un grave danger, danger auquel il a été sensibilisé dès son jeune âge, alors le jeune nous dit à sa façon qu'il faut se retirer de son chemin et que si on ne le fait pas, il va tout faire pour nous rendre la vie misérable.

.1935

Les meilleures familles d'accueil, les meilleurs employés sont ceux qui restent auprès des enfants assez longtemps. Ils doivent parfois prendre des coups ou accepter une certaine violence verbale.

Ça prend beaucoup de temps pour assurer ce genre de permanence, pour en arriver à être ce que les psychologues appellent le parent irrationnel, la personne qui dit: «Je suis ton père ou ta mère et je t'aime peu importe ce que tu es». C'est de l'amour inconditionnel, si vous voulez. Mais une fois qu'on a réussi à transmettre ce message à l'enfant ou au jeune, alors, je ne crois pas que l'enfant ait vraiment besoin de se comporter de la sorte.

Je ne dis pas que cela se produit en une semaine, en un mois, en un an ou même deux, ce n'est pas aussi beau et simple que cela. Sinon, nous pourrions élaborer de beaux modèles pour dire que telle personne est suicidaire, simule, est en fugue, a frappé un employé et utilisé toutes les ressources d'un organisme; alors nous pouvons la confier au docteur X pour un mois et après elle va aller mieux. Malheureusement, nous avons affaire à des êtres humains.

Or, la réalité financière exacerbe la situation, elle l'empire, en ce sens que la personne qui a ces besoins particuliers se retrouve dans un foyer où un parent d'accueil est un bénévole - nous avons beaucoup de bénévoles, mais qui manquent complètement de formation - et qui ne connaît peut-être pas les antécédents de cette jeune personne, ne sait pas comment lui imposer une discipline positive et composer avec ses comportements agressifs. La réaction du parent d'accueil est de retirer la personne du foyer ou de se montrer violent. Je ne blâme pas nécessairement les bénévoles s'ils ne sont pas formés pour faire face à ce genre de situation, ou pas prêts à les affronter.

Il n'y a pas de réponse facile, c'est ce que je vous dis. Vous êtes d'accord?

Mme Brushett: En partie.

Mais qu'en est-il des centres d'amitié?

M. Maracle: Je ne sais même pas par où commencer pour régler un problème comme celui-là quand on tient compte de l'élément humain. Les centres d'amitié et les peuples autochtones en général ont affaire à des générations de jeunes qui vivent dans ce même genre de collectivités malsaines et aux prises avec des problèmes.

Nous avons une génération de parents qui ne savent pas comment assumer leur rôle de parents. Nous sommes aux prises avec toutes les conditions sociales que l'on connaît depuis 30 ou 40 ans et qui ont des répercussions sur les gens. Les jeunes viennent des pensionnats, ils vivent dans une pauvreté abjecte, leurs conditions de logement sont déplorables et ils n'ont pas vraiment de possibilité de s'intégrer au marché du travail tel que nous le connaissons.

Les centres d'amitié, grâce à leurs propres ressources, trop souvent doivent recourir aux bénévoles des collectivités parce que ce sont les collectivités qui s'occupent de... Beaucoup de gens autour de cette table ont dit que ce sera l'élément qui permettra de jauger l'évolution de notre société. Mais la capacité de notre collectivité de s'occuper des autres se reflète dans la façon dont nous réglons les problèmes financiers et dont nous nous occupons de l'élément social. Et c'est ce que font les centres d'amitié.

Chacun fait ce qu'il peut. Chaque situation est unique. Nous avons beaucoup de gens qui n'ont pas les compétences nécessaires pour régler ces problèmes énormes auxquels ils doivent faire face, mais qui s'y essaient quand même. C'est ce qu'il faut faire. Le problème ne se réglera pas tout seul.

Mme Brushett: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Brushett.

Si l'un de vous veut faire un autre commentaire, je suis prêt à vous entendre, après quoi je demanderai à chacun de résumer brièvement pour le comité les principaux messages que vous voulez que nous, et les Canadiens, retenions de nos audiences.

Madame Cox.

Mme Cox: En toute déférence, j'aimerais simplement dire que je ne suis pas d'accord avec vous au sujet des normes nationales, si vous me le permettez.

Le Régime d'assistance publique du Canada renfermait des normes. Elles étaient claires. Elles faisaient en sorte que les gens aient droit à un revenu suffisant pour satisfaire à leurs besoins essentiels. Ces normes n'étaient peut-être pas les meilleures au monde, et elles n'étaient peut-être pas aussi rigoureuses qu'on l'aurait voulu, mais elles ont été intégrées à ce qui, à mon avis, était une excellente mesure législative pour son temps, et qui a résisté à l'épreuve du temps.

Actuellement, il n'y a rien de comparable. Le gouvernement fédéral s'est retiré et ne dit plus comment les gens doivent être traités dans une province. Il n'y a qu'à voir ce qui peut arriver aux gens qui profitent d'une aide spéciale. On n'a qu'à voir ce qui se passe au sud de la frontière pour constater ce qui s'est produit dans certains États.

.1940

Si un gouvernement quelconque décide qu'une personne en santé ne devrait pas avoir tel ou tel type d'aide, si une province établit une mesure comme celle-là, ou encore que les gens ne peuvent retirer de l'aide sociale que pendant deux ans même s'ils ont des enfants, il n'y a plus de normes pour empêcher ce genre de situation, sauf la Charte canadienne des droits et libertés.

Les normes ont effectivement disparu avec le Régime d'assistance publique du Canada, et elles étaient appliquées grâce à ce régime dans la mesure où les crédits étaient fonction de cette mesure législative. Donc, je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet. Je pense que la situation est très perturbante actuellement, et j'espère vraiment que l'on établira des droits clairs pour les Canadiens à faible revenu au cours des prochains mois.

C'est vous qui établissez les normes, c'est vous qui êtes les patrons.

Le président: Merci. Monsieur Aitkens.

M. Aitkens: S'il est une réduction d'impôt que notre organisme appuie, c'est bien la suppression de l'indexation partielle du régime fiscal qui cause en fait une réduction de certains crédits conçus pour aider certaines personnes, les personnes handicapées. Auparavant, on utilisait le crédit en raison d'âge et, bien sûr, le crédit de base.

L'indexation contribue également au non-ajustement des tranches d'imposition au taux d'inflation, ce qui signifie que le seuil à partir duquel une personne commence à payer son premier dollar d'impôt est effectivement abaissé avec les années. C'est un mécanisme qui n'est pas très bien compris par la plupart des Canadiens, et qui, essentiellement, provoque une augmentation d'impôt pour laquelle le gouvernement n'est pas responsable auprès du Parlement ou des Canadiens. Cela se produit tout simplement chaque année et personne ne le sait, et je crois que cela est au détriment, principalement, des personnes à faible revenu.

Donc, si vous parlez de réduction d'impôt, c'est celle que nous vous recommanderions.

Le président: Merci. Monsieur Armstrong.

M. Armstrong: Je crois que le gouvernement devrait cesser de tenir les personnes âgées en déséquilibre constant sans savoir ce qui les attend. Il faut que je fasse attention à ce que je dis ici.

Je vous en prie, n'utilisez pas le budget comme un instrument de politique sociale, ce n'est pas une bonne idée. C'est ce que vous faites quand vous modifiez le régime de pensions. Vous savez, nous en avons parlé l'an dernier. Vous avez écouté, vous avez été sympathiques à l'idée, mais vous avez fait comme d'habitude.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Armstrong.

Devrions-nous passer maintenant aux résumés?

M. Armstrong: C'était mon résumé.

Le président: Je vois.

M. Armstrong: Je vous ai étonné.

Le président: Monsieur Aitkens, était-ce votre résumé aussi?

M. Aitkens: Oui.

Le président: Madame Maxwell.

Mme Maxwell: Je suis tout à fait d'accord avec le représentant du Réseau des aîné(e)s quand il dit que l'on ne devrait plus s'en prendre aux personnes âgées, mais je pense que nous devrions porter davantage attention aux générations futures, songer au fardeau que les personnes en âge de travailler devront absorber sur le marché du travail en l'an 2030; il faudrait penser aussi au fait que l'évolution de la structure salariale au cours des dix dernières années, le fardeau qu'il faut assumer pour payer les compressions, en comparant deux emplois et en s'ajustant pour tenir compte de l'inflation, ce fardeau repose maintenant sur les jeunes travailleurs. En termes réels, les travailleurs d'âge mûr ont eu des augmentations salariales de 5 p. 100 en moyenne alors que les jeunes travailleurs ont vu leur salaire diminuer d'environ 15 p. 100 au cours de la dernière décennie ou à peu près.

Actuellement, on impose un fardeau énorme et injustifié aux jeunes générations. Les seuls emplois auxquels ils ont accès, relativement parlant, sont des emplois peu rémunérés et peu sûrs. Ils doivent payer plus pour leur éducation. C'est très difficile pour eux de trouver un premier emploi qui va leur ouvrir la voie à une carrière. Lorsqu'ils ont des revenus, ils paient des impôts plus élevés que les générations précédentes, et c'est plus difficile pour eux de se positionner sur le marché du logement à cause des coûts relatifs.

.1945

Donc, je pense que si l'on examine à la fois le fardeau des enfants, parce qu'il y en a beaucoup d'entre eux qui sont pauvres, et le fardeau imposé aux jeunes qui essaient d'entamer leur vie professionnelle, on constate que contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays où la polarisation s'est faite autour des compétences, entre les gens instruits et les gens possédant moins de compétences, dans notre pays, le fardeau repose considérablement sur les épaules de la jeune génération. Et j'entends par là les jeunes de moins de 35 ans.

Mme Cox: J'aimerais que vous examiniez les mesures que vous prenez et que vous vous demandiez si elles ont pour conséquence d'appauvrir plus de gens. Si tel est le cas, je crois alors que ces mesures devraient être rejetées.

En ce qui concerne les conflits entre jeunes et personnes âgées, je regarde ce qui s'est passé avec ces dernières et je considère que c'est un succès énorme. Pour la plupart, les personnes âgées n'ont pas recours aux banques alimentaires. Elles se tirent d'affaire. Elles sont en bien meilleure posture que les enfants. Mais pourquoi leur enlever cela et empirer leur situation à un point tel que les gens ont besoin de recourir aux banques alimentaires?

Les choses sont assez simples, lorsqu'on les examine attentivement. Il ne s'agit pas seulement des enfants. Je m'inquiète des jeunes qui non seulement risquent de souffrir de la faim, mais qui sont peut-être moins en mesure d'entrer sur le marché du travail, qu'ils aient des enfants ou non. Je pense que ces gens-là sont tout aussi importants dans la société que les enfants.

Alors, c'est tout ce que je vous demande: est-ce que notre action affame davantage les gens?

Mme Jackman: J'aimerais reprendre deux des points que j'ai soulevés au début. Mon association vous exhorte à demander au ministre et au ministère des Finances, dans la mesure où l'exécutif écoute le législatif en matière de politique financière, de respecter deux des engagements récents pris par le gouvernement fédéral, à savoir: élaborer des normes nationales pour le TCSPS et fournir une analyse d'impact du budget sur l'égalité des sexes.

M. Maracle: Pour ce qui est des centres d'amitié, je pense que nous avons été capables de faire la preuve au cours des 40 dernières années que nous disposons d'une infrastructure nationale complète, qui répond très bien et de manière responsable aux besoins de nos collectivités. Nous offrons ce modèle non seulement au gouvernement fédéral mais aux gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux. C'est là un élément de discussion que nous devons transmettre aux chefs de nos premières nations ainsi qu'aux chefs inuit et métis.

Notre organisation se concentre énormément sur les jeunes et sur l'investissement qu'on doit faire à cet égard, et je pense vraiment que c'est un investissement. Nos partenaires, que ce soient les gouvernements, d'autres organisations autochtones, d'autres organismes de prestation de services sociaux, ou même le secteur privé... notre investissement, c'est que nous avons été capables de prendre de l'expansion ensemble et nous le ferons à l'avenir. Il faut investir dans l'infrastructure des centres d'amitié et dans nos jeunes.

M. Raychaba: Je pensais à l'exemple des problèmes que vous nous avez donnés, et j'espère que nous avons répondu à vos questions. Je pense que la façon dont le problème est posé montre bien l'approche qui a été adoptée à l'égard de la politique sociale au cours des dernières années. On attend que le problème se pose, on attend qu'il y ait désintégration et rupture, et on demande ce qu'on peut faire. Alors on appelle la police, les travailleurs sociaux, les spécialistes de la santé mentale, n'importe qui. C'est une opération très coûteuse qui fait augmenter le déficit et, au bout du compte, n'a pas tellement d'effet sauf peut-être de retirer l'enfant du danger. Mais le mal est fait.

Le véritable message, je pense, que j'aimerais que votre comité transmette au gouvernement serait de toujours prévoir en ce qui concerne le déficit social, la planification sociale, de la même façon qu'il le fait pour le déficit et la planification financière. Nous ne voulons pas nous retrouver en 2025 et découvrir, mon Dieu, que nous sommes aux prises avec une dette dont nous ne pouvons plus nous défaire. De même, nous ne voulons pas nous réveiller en l'an 2025 dans un Canada dont nous avons honte, un pays qui est dangereux et violent, qui dégrade notre identité. La planification à long terme dans les deux cas sera bonne.

.1950

Le président: Merci.

Ce soir, nous avons assisté à un changement agréable et nécessaire. Trop souvent, on est submergé, nous au Comité des finances, par des questions de macroéconomique et de microéconomique, d'offre et de demande, d'impôt, etc. Mesdames et messieurs les témoins, ce soir, vous avez ajouté un volet humain à nos délibérations. Vous êtes ici pour représenter certains des gens les plus défavorisés de notre société.

Monsieur Raychaba, vous parlez de façon si éloquente des enfants victimes d'abus. Non seulement ces enfants sont les personnes qui n'ont pas eu les chances que la plupart d'entre nous avons eues dans la vie, et qui méritent une chance, mais si nous n'investissons pas dans ces enfants actuellement, pour reprendre l'expression de M. Maracle, au bout du compte, nous en paierons un coût beaucoup plus élevé.

Messieurs Maracle et Courchene, je connais le travail de vos centres d'amitié. Je n'avais pas réalisé qu'une majorité ou plus d'autochtones canadiens vivent maintenant dans les villes. Vous nous avez vraiment demandé de façon pressante de collaborer avec vous, par le biais des centres d'amitié, pour donner à ces gens un sens d'appartenance, une base, et pour aider les gens qui sont dans le besoin.

Madame Jackman, nous avons entendu votre demande et nous la transmettrons. Merci.

Madame Cox, vous avez parlé des gens qui recourent de plus en plus aux banques alimentaires. Vous nous avez fait remarquer qu'il y a quelques générations, ou peut-être il y a quinze ans, c'étaient les femmes âgées célibataires qui étaient les plus pauvres au Canada alors qu'aujourd'hui, vous voyez des femmes chefs de famille et beaucoup d'enfants, mais beaucoup de personnes qui veulent travailler et qui devraient travailler. J'espère que nous pourrons nous passer des banques alimentaires, mais tant que nous n'aurons pas trouvé la façon de le faire, je dois dire que vous jouez un rôle très précieux dans notre société.

Messieurs Aitkens et Armstrong, vous avez parlé de façon très éloquente au nom des personnes âgées. Ce qui m'a frappé le plus dans vos interventions, c'est ce sentiment de déséquilibre. Beaucoup de personnes âgées se sentent insécures et ne savent pas ce qui les attend. Elles disent que même si elles sont à l'aise financièrement aujourd'hui, elles savent qu'on s'en prend à elles, qu'on gruge leurs avantages, et qu'on le fait par le biais du régime fiscal ou autrement. Tant que les personnes âgées n'auront pas ce sentiment réel et constant de permanence des programmes, elles vont ressentir cette incertitude, cette absence de sécurité.

Madame Maxwell, comme toujours, vous avez parlé de façon très intelligente et vous m'avez fait part de nouvelles pensées sur les graves problèmes sociaux auxquels nous faisons face. Vous les avez situés dans le contexte de nos problèmes financiers, mais vous avez parlé de cohésion sociale, ce dont a aussi parlé en d'autres termes M. Armstrong, ainsi que de la nécessité pour les gens d'avoir de nouveaux repères pour leurs valeurs. Vous avez également fait remarquer qu'il n'appartient plus maintenant seulement au gouvernement fédéral d'agir unilatéralement; il nous faudra des mesures communes avec les provinces, ce qui ne sera pas toujours facile. Avant, nous avions effectivement le pouvoir d'agir unilatéralement et c'est ce que nous faisions.

Nous avons entendu parler des générations futures, de la génération de personnes âgées ainsi que de notre jeunesse d'aujourd'hui. Un des thèmes que vous avez tous abordé est que ce n'est pas le temps de se monter les uns contre les autres. Ce n'est pas le temps d'essayer de tirer quelqu'un en bas de l'échelle, mais bien plutôt de donner des chances égales à tout le monde, et ce, le plus possible. Ainsi, non seulement notre société sera plus équitable, plus juste, mais je crois qu'elle sera aussi beaucoup plus prospère.

.1955

Au nom de tous les députés, permettez-moi de vous remercier de nous avoir sensibilisés à ces problèmes très réels et je vous remercie également de votre contribution constante à nos travaux.

Merci.

Des voix: Bravo.

Le président: La séance est levée.

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