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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mai 1996

.0933

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le Comité des finances a invité le chef du groupe spécial, constitué par le ministre des Finances pour examiner notre situation fiscale - Jack Mintz, économiste invité, Clifford Clark, de l'Université de Toronto, et également John Sargent - qui viendra nous expliquer le travail de ce comité technique et discuter avec nous des façons de collaborer avec lui.

Nous vous souhaitons la bienvenue et attendons avec impatience cette collaboration,MM. Mintz et Sargent.

M. Jack Mintz (économiste invité, Clifford Clark, Comité technique sur la fiscalité des entreprises, ministère des Finances): Merci, monsieur le président.

J'ai quelques remarques d'introduction. Tout d'abord, j'aimerais vous donner un aperçu général du travail du Comité technique et, en particulier, débattre des questions éventuelles qui pourraient survenir au cas où votre comité déciderait de passer à un débat général sur les coûts économiques et d'observation liés au régime fiscal.

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Permettez-moi de mentionner que mon collègue, M. John Sargent, est le directeur exécutif du Comité technique. Il a travaillé en étroite liaison avec moi pour la mise au point des documents de recherche fondamentale que nous avons rassemblés pour ce qui deviendra, je l'espère, un rapport utile pour les consultations publiques. Notre mandat consiste à examiner le système d'imposition lié aux investissements et à l'activité commerciale, et à faire des recommandations.

Je suis sûr que certains d'entre vous se demandent pourquoi le gouvernement a décidé de procéder à un examen de la fiscalité des entreprises. Je pense qu'il y a plusieurs importantes raisons à cela. J'aimerais les passer en revue avec vous pour vous indiquer le genre de questions auxquelles nous faisons face en tant que comité à propos du régime fiscal du Canada.

Tout d'abord, lorsqu'il a créé le comité, le gouvernement a décidé qu'il serait utile d'examiner les recettes budgétaires. Dans les deux premières années de son mandat, le gouvernement a mis l'accent dans ses budgets sur la réduction des dépenses comme moyen principal de réduction du déficit. Il a peu prêté attention à la fiscalité et à la structure des recettes du gouvernement.

Le gouvernement est maintenant en mesure d'examiner la structure des recettes et a constitué ce comité, lequel est chargé de faire une évaluation préliminaire de la fiscalité et de présenter un rapport qui permettra des consultations en vue d'ouvrir la voie à un examen général de la structure des recettes.

Des progrès importants ayant été accomplis sur le plan du déficit, et d'autres progrès étant en vue, le but du gouvernement n'est pas d'accroître les recettes nettes. En fait, ce n'est pas l'objet de notre comité. Il s'agit plutôt d'envisager des changements de structure pouvant contribuer à la création d'emplois et à la croissance économique, sans «incidence notable» sur les recettes, pourrait-on dire. Il ne s'agit pas d'augmenter les impôts ni non plus de les diminuer.

Je pense que c'est très important. En fait, les questions les plus difficiles liées à la fiscalité se rapportent souvent à la structure. Si l'on veut modifier le montant de l'imposition, en augmentant ou en diminuant l'impôt, il n'est pas très difficile de le faire en modifiant les taux. C'est très facile.

Le président: C'est très difficile si vous êtes en politique, monsieur Mintz.

M. Mintz: Très certainement. J'ai déjà comparu devant ce comité et, comme vous le savez, mes observations peuvent parfois être un peu retentissantes.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il est très facile de modifier le montant des impôts en modifiant simplement les taux. Toutefois, avoir une bonne structure est un problème beaucoup plus difficile auquel doit s'attaquer le comité.

Dans le cadre de son examen de la fiscalité des entreprises, le comité doit s'attarder sur les questions fort importantes de simplification et d'observation auxquelles les contribuables pourraient faire face. De nombreuses plaintes ont été faites à propos de l'observation du régime fiscal. On est à la recherche de moyens susceptibles de simplifier la perception des impôts par les gouvernements canadiens de manière qu'elle ne soit pas un poids pour l'activité commerciale.

Bien entendu, l'interaction des impôts fédéral et provinciaux joue un rôle important dans ce débat sur la simplification et les coûts de l'observation. En fait, certaines des études effectuées aux États-Unis, par exemple, où l'harmonisation des impôts est bien moindre qu'au Canada... C'est l'une des principales plaintes quant aux coûts de l'observation aux États-Unis. Les mêmes questions se posent dans le contexte canadien. Bien sûr, notre comité examinera ce que l'interaction des impôts fédéral et provinciaux pourrait entraîner en matière de coûts de l'observation pour les entreprises.

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Enfin, le comité devra traiter d'une autre importante question dans le cadre de son examen de la fiscalité des entreprises, soit l'impact de la mondialisation sur l'influence du régime fiscal au Canada. Lorsqu'on commence à réfléchir à la question, on s'aperçoit que le monde est devenu beaucoup plus intégré au plan économique dans les années 90 par rapport il y a 10 ans seulement, voire 20 ans. Dans le cadre d'une étude effectuée l'année dernière, l'OCDE a calculé le nombre de transactions financières en pourcentage du PIB des pays de l'OCDE; elle en a conclu que le nombre des transactions financières transfrontières a considérablement augmenté par rapport au PIB. Cela montre bien que l'économie de tous les pays est encore plus mondialisée.

Le gouvernement aimerait certainement savoir comment la mondialisation et les tendances internationales se répercuteront sur la structure fiscale au Canada, et ce que cela signifie pour la localisation de l'activité commerciale et le lieu de la comptabilisation des bénéfices pour fins d'impôt.

Dans un certain sens, il est probablement temps de faire le point sur l'imposition des entreprises. Il s'agit probablement de la question la plus complexe et la plus difficile de toutes celles du régime fiscal. Je me souviens d'un de mes étudiants qui me disait que quiconque enseigne la fiscalité doit avoir l'esprit tordu pour vouloir essayer de comprendre le système. La plupart des gens sensés n'essaieraient jamais de comprendre le régime fiscal. Bien sûr, cela m'a quelque peu flatté en tantque professeur, mais j'ai compris ce qu'il essayait de me dire. C'est une question très complexe et il est absolument essentiel, à mon sens, d'essayer de comprendre les principes de la fiscalité des entreprises.

Le dernier examen général du régime fiscal date d'avant la réforme fiscale de 1987 au Canada et le précédent, remonte encore plus loin, avec la commission Carter des années 1960. Il est intéressant de noter que nous n'avons pas vraiment fait l'examen de questions liées aux mouvements internationaux de revenu d'entreprises depuis la commission Carter. La réforme de 1987 traitait essentiellement de questions fiscales intérieures et ne se préoccupait pas vraiment de l'aspect international de la question. En fait, de nombreux pays de l'OCDE cherchent de plus en plus à savoir quelles mesures ils devraient prendre à propos de leur fiscalité d'entreprises.

En ce qui concerne le mandat du comité technique, dont je suis vous avez déjà pris connaissance, j'ai pensé qu'il serait utile de passer en revue les trois principaux objectifs de ce que nous essayons de faire.

Le premier et le plus important consiste à améliorer le régime fiscal pour promouvoir la création d'emplois et la croissance économique dans une économie ouverte. Il s'agit d'une question essentielle, et je suis sûr que vous êtes tous du même avis, puisque le monde a subi une restructuration d'envergure. Il y a eu de grands déplacements des moyens de production vers les pays d'Asie, en particulier, si bien que les Canadiens, ainsi que de nombreux ressortissants d'autres pays de l'OCDE, s'inquiètent de leur avenir et de la capacité de créer des emplois dans leur économie. Cela est très lié à la question de l'économie ouverte. Il faut reconnaître les influences internationales qui peuvent avoir des répercussions sur la structure fiscale et l'activité commerciale du Canada.

Le deuxième objectif consiste à simplifier le système d'imposition du revenu d'entreprise pour faciliter l'observation de la part des contribuables, et l'administration pour Revenu Canada. C'est une question fort difficile, car le monde n'est pas simple; il est assez compliqué. On peut toutefois toujours essayer de prendre des mesures permettant de simplifier le plus possible le régime fiscal.

.0945

Le troisième objectif consiste à améliorer l'équité du régime fiscal en veillant à ce que toutes les entreprises partagent le coût de la prestation des services gouvernementaux. À cet égard, il est important d'examiner le fardeau fiscal des diverses industries et entreprises, afin de faire en sorte que toutes les sociétés contribuent aux recettes fiscales dont a besoin le gouvernement pour ses dépenses.

Le mandat du comité est en fait très vaste. Il doit non seulement examiner l'impôt sur le revenu des sociétés, mais aussi l'impôt sur le capital et les charges sociales, de même que les impôts payés par les particuliers sur le produit de leurs placements. Il s'agit plus précisément de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt sur les dividendes et les gains en capital. Le comité n'a pas pour mandat d'examiner le régime de l'impôt sur le revenu des particuliers. En d'autres termes, nous n'examinons pas la structure des taux d'impôt sur le revenu des particuliers ni les crédits, les déductions compensatoires ou toute autre question importante relative à la structure de l'impôt sur le revenu des particuliers. Nous nous intéressons essentiellement aux produits des placements des particuliers.

J'ai déjà fait mention de quelques contraintes. Les contraintes financières auxquelles doit faire face le gouvernement fédéral représentent une question importante dont le comité devra traiter. La réduction du déficit donne de bons résultats, mais la question du déficit n'a pas encore été complètement réglée. Par conséquent, on n'examinera pas la possibilité de réduction d'impôts dans ce genre d'exercice. Nous ne chercherons pas non plus, comme je le disais plus tôt, à envisager des augmentations de recettes. Nous axerons plutôt nos efforts sur une structure d'impôts sans incidence notable sur les recettes.

Le besoin de coordonner les impôts fédéral et provinciaux représente bien sûr une autre contrainte. Le régime fiscal est harmonisé en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers avec neuf provinces, le Québec s'occupant de la perception de l'impôt sur le revenu de ses particuliers. L'impôt sur le revenu des sociétés est harmonisé avec sept provinces, le Québec, l'Ontario et l'Alberta se chargeant de la perception de l'impôt sur le revenu de leurs propres sociétés.

Même dans les cas où il n'y a pas d'harmonisation, où les provinces perçoivent leurs propres impôts, il y a beaucoup d'interaction au plan politique. Tout changement de politique effectué par un gouvernement peut avoir des répercussions sur la politique d'un autre gouvernement. Le fait est que souvent les gouvernements profitent de l'expérience des uns des autres et adoptent des politiques semblables. En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, on s'aperçoit que même dans les provinces qui perçoivent leur propre impôt sur les sociétés, l'assiette fiscale est en général très semblable à l'assiette fiscale fédérale et à celle des provinces «harmonisées» en matière de régime fiscal des sociétés.

Au chapitre des charges sociales, l'assiette n'est pas harmonisée, mais elle est partagée par les gouvernements. Il y a des charges sociales fédérales qui permettent essentiellement de contribuer au régime d'assurance-chômage et au régime de pension du Canada, et également des charges sociales provinciales dans plusieurs provinces, comprenant par exemple l'indemnisation des travailleurs.

Bien sûr, lorsqu'un gouvernement change son assiette fiscale, on veut savoir comment les autres gouvernements vont réagir. Toute recommandation devra tenir compte de la façon dont les provinces seront touchées par tout changement effectué au niveau fédéral.

Quelle est l'approche du Comité technique? Tout d'abord, le Comité technique est composé d'experts fiscaux des professions comptables, juridiques et économiques. Pas un seul membre du comité représente les groupes d'intérêt. Il s'agit en fait essentiellement d'un groupe de personnes qui connaissent à fond la fiscalité et qui, en un laps de temps relativement court, seront en mesure de produire un rapport qui servira aux consultations publiques subséquentes.

Le ministère des Finances et Revenu Canada offrent les services d'un petit secrétariat dontM. John Sargent est le directeur exécutif. Nous ferons également appel au ministère des Finances et à Revenu Canada pour une partie du travail d'analyse. Nous avons également engagé plusieurs personnes pour une autre partie du travail d'analyse, ce qui nous donnera de la documentation très utile pour le processus de consultation.

.0950

Nous prévoyons déposer notre rapport d'ici le milieu de l'automne et des consultations publiques auront lieu après la publication du rapport.

J'aimerais un peu plus m'attarder sur certaines des questions dont nous allons traiter en tant que comité.

Le président: Veuillez m'excuser, Jack. Avez-vous une liste de ces questions?

M. Mintz: Elle figure à la page 11 du document.

Le président: Merci.

M. Mintz: Il s'agit des secteurs d'intérêt spécial déterminés jusqu'à présent par le comité.

Le président: Avez-vous quelque chose de plus détaillé?

M. Mintz: Je vais vous donner plus de détails dans un instant. Il s'agit des secteurs qui, selon nous, sont importants, mais bien sûr au fur et à mesure de l'examen par le comité, des questions plus détaillées surgiront. Ce sont les grands secteurs que le comité a déterminés.

Tout d'abord, le comité examinera la structure des taux et l'assiette fiscale de l'impôt sur le revenu des sociétés et de l'impôt sur le capital. À titre d'exemple, plusieurs entreprises ont fait remarquer - en fait, il ne s'agit pas simplement d'entreprises, mais aussi d'organismes gouvernementaux et d'organismes internationaux - qu'au Canada, le taux de l'impôt des sociétés fixé pour les grandes sociétés qui ne font pas de la fabrication est encore relativement élevé par rapport aux tendances internationales.

Cela est-il important et dans quelle mesure le Canada en fait les frais? Les experts fiscaux parlent souvent des pressions qui s'exercent sur le régime fiscal d'un pays, lorsque les taux d'impôt des sociétés y sont plus élevés que dans d'autres pays. Par exemple, les entreprises préféreraient déclarer leurs coûts dans les pays où les taux sont élevés et déplacer leur revenu dans les pays où les taux sont peu élevés.

L'astuce, bien sûr, c'est d'éviter toute incidence notable sur les recettes. Par conséquent, si nous nous penchons sur ce problème particulier, soit les taux d'impôt élevés pour les sociétés qui ne font pas de la fabrication, et si le comité est d'avis qu'il s'agit d'un problème qu'il faut régler, la question qui se pose est alors la suivante: Est-il possible de concevoir un régime fiscal qui pourrait permettre une répartition plus égale du fardeau fiscal au Canada, tout en maintenant la santé et l'intégrité de la fiscalité des entreprises au Canada? Tel est un exemple du genre de questions qui se pose au comité.

Il faut également examiner le traitement fiscal des investissements faits au Canada et à l'étranger. J'ai déjà souligné avec suffisamment de force l'importance de cette question dans le contexte actuel de l'économie mondiale. En tant que comité, nous voulons connaître l'importance des courants transfrontières d'investissement, ainsi que leurs répercussions sur les taux d'impôt d'un pays à l'autre. Bien sûr, dans la perspective d'un pays comme le Canada, dont la croissance économique dépend fortement des exportations, nous voulons trouver la meilleure politique à propos du traitement fiscal de ces courants transfrontières d'investissement, qu'il s'agisse d'investissements faits au Canada ou à l'étranger.

Nous allons ensuite examiner la façon dont se fait l'intégration des régimes fiscaux des sociétés et des particuliers au Canada et examinerons les approches retenues ailleurs. Tout d'abord, comme vous le savez, le régime fiscal du Canada est connu pour les méthodes auxquelles il a eu recours dans le but d'intégrer les régimes fiscaux des sociétés et des particuliers. Cela s'est fait par l'entremise du crédit d'impôt pour dividendes, ainsi que par l'exclusion partielle des gains en capital.

Cette approche a été adoptée en 1972 et s'est poursuivie au Canada, permettant, à tout le moins, une intégration approximative des régimes fiscaux des sociétés et des particuliers. Pourquoi qualifier cette intégration d'«approximative»? Nous savons bien que le crédit d'impôt pour dividendes sert en réalité à assurer l'intégration de l'impôt des sociétés et de l'impôt des particuliers sur les dividendes pour les petites entreprises, les sociétés privées sous contrôle canadien. Compte tenu du taux d'imposition des grandes sociétés, ce crédit d'impôt pour dividendes est inférieur à ce qu'il serait si l'intégration était complète.

.0955

Toutefois, nous savons également qu'à l'occasion, les entreprises déduisent des pertes importantes en vertu du régime fiscal des sociétés ou accumulent des pertes tellement élevées au fil des ans que le crédit d'impôt pour dividendes accordé aux particuliers risque d'être plus élevé que l'impôt réel sur les sociétés versé à ce moment-là.

L'intégration des régimes fiscaux se fait de différentes façons à l'échelle internationale. Par exemple, aux États-Unis, même si, dans le cas des sociétés publiques, il n'y a aucune intégration entre l'impôt sur les sociétés et l'impôt personnel, on a constaté, tout comme au Canada, qu'il est important pour les petites entreprises d'intégrer ces deux types d'impôt. Ils ont donc redéfini le concept de l'entreprise et décidé de la taxer comme s'il s'agissait d'un bien appartenant à un particulier.

L'Australie a utilisé une autre formule qui, par exemple, consiste à faire en sorte que le crédit d'impôt pour dividendes accordé aux particuliers corresponde à l'impôt sur les sociétés que verse une entreprise. Ils recalculent le crédit d'impôt pour dividendes à chaque fois afin qu'il corresponde à l'impôt sur les sociétés versé par l'entreprise.

Les Européens ont adopté une approche différente. La Grande-Bretagne perçoit un impôt anticipé sur les sociétés, et la France, un précompte. Cette formule est utilisée en Allemagne, en Italie et dans divers autres pays. Ils perçoivent un impôt sur les dividendes versés qui est en fait un impôt minimum calculé en fonction de l'impôt sur les sociétés exigé dans ces pays. Le crédit d'impôt pour dividendes correspond, lui, à l'impôt sur les dividendes versés qui doit être payé.

Si nous regardons du côté de l'Amérique latine, au Mexique, par exemple, les bénéfices des sociétés sont tous assujettis à un impôt, mais pas les dividendes versés aux particuliers, sauf s'ils proviennent d'un compte sur lequel aucun impôt sur les sociétés n'a été prélevé. Ces dividendes seront soumis à un impôt de 35 p. 100, qui correspond à l'impôt exigé des sociétés au Mexique. Encore une fois, il s'agit là d'une approche très différente.

Il est une question fondamentale qu'il convient de se poser - et c'est une question que la commission royale Carter a analysée en profondeur dans les années 60 - , à savoir pourquoi procéder à l'intégration des régimes, et quelles répercussions l'intégration ou la non-intégration des régimes peut-elle avoir sur le plan économique?

Nous comptons également examiner la question de l'interaction des impôts fédéral et provinciaux de même que ses répercussions sur le plan de l'observation, étant donné qu'il y a de nombreuses plaintes concernant le nombre de taxes qui existent et le nombre de vérifications que doivent effectuer les entreprises.

La capacité d'atteindre les objectifs sera également analysée. Tous les gouvernements au Canada souhaitent encourager la création d'emplois et la croissance économique. Nous aimerions avoir un régime fiscal qui favorise la réalisation de ces deux objectifs.

Nous allons également revoir les aspects du système fiscal qui nuisent à l'emploi ou qui pourraient le favoriser. Le Canada a déjà eu recours, dans le passé, à des mesures comme le crédit d'impôt à l'emploi et l'élimination des charges sociales au palier fédéral. Le Québec a adopté plusieurs programmes intéressants concernant les crédits de formation.

Toutes ces mesures visaient à encourager la création d'emplois. Il s'agit là de questions importantes aux yeux des gouvernements, étant donné l'intérêt qu'ils portent à la création d'emplois.

Notre comité s'efforcera de trouver des moyens de réduire les coûts d'observation que doivent assumer les entreprises en général.

Voilà les grandes questions sur lesquelles se penchera le comité technique.

.1000

Le ministre des Finances a envoyé à votre comité une lettre dans laquelle il vous invite à tenir des audiences pour déterminer quels sont les principaux coûts économiques et d'observation. Ces audiences, si vous décidez de les tenir, aideraient grandement le comité technique dans son travail.

D'abord, pour ce qui est des coûts économiques, il serait peut-être utile de savoir ce que l'on entend par cela. Il y a des coûts économiques lorsque les contribuables changent leur comportement économique afin de réduire leur fardeau fiscal plutôt que de poursuivre des activités plus rentables sur le plan économique. Je pense que nous avons une idée de ce que cela veut dire.

Si, par exemple, vous avez un régime de charges sociales qui exclut les travailleurs occasionnels, les entreprises vont chercher à embaucher un plus grand nombre d'occasionnels que d'autres types de travailleurs pour lesquels elles seraient obligées de verser des cotisations sociales. Nous devons déterminer quels sont les aspects du régime fiscal des entreprises qui entraînent des coûts économiques élevés.

Nous voulons également analyser les coûts d'observation. Il s'agit dans ce cas-ci des ressources qui sont consacrées à la planification, aux déclarations, à la tenue de dossiers, aux vérifications, aux appels et aux litiges relatifs à l'impôt. Encore une fois, nous aimerions savoir quels sont les aspects du régime qui posent le plus de problèmes sur le plan des coûts d'observation.

Ces audiences, si le comité décide de les tenir, nous seront fort utiles puisqu'elles nous aideront à préparer notre rapport.

Enfin, je devrais mentionner que la lettre adressée au président du comité proposait trois grandes questions que le comité pourrait ou non choisir d'utiliser. Nous estimons qu'elles pourraient être utiles.

D'abord, quels sont les aspects de la fiscalité fédérale au Canada qui influent le plus sur les coûts économiques et les coûts d'observation que doivent assumer les entreprises?

Deuxièmement, comment l'interaction actuelle entre les systèmes fiscaux fédéral et provinciaux, tant dans la façon qu'ils sont administrés - la perception commune dans certains cas, et séparée dans d'autres - , que dans leur structure, influe-t-elle sur les coûts économiques et les coûts d'observation?

Troisièmement, quels aspects du régime fiscal influent sur le coût des investissements internationaux et des exportations?

Je tiens à dire au comité que nous comptons prendre en considération les réponses que vous recevrez à ces questions. Elles nous seront fort utiles dans notre travail. En tant que président du comité technique, je serais très heureux de venir discuter avec vous du contenu de notre rapport. Bien entendu, il serait préférable qu'on attende que le rapport soit déposé. Je serais en mesure à ce moment-là d'examiner en détail les recommandations que nous proposons, lesquelles feront l'objet de consultations une fois le rapport publié.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Mintz.

[Français]

J'aimerais maintenant revenir à M. Loubier qui, depuis longtemps, suggère un travail parallèle de notre comité en ce qui a trait au système fiscal.

[Traduction]

Je présume que vous n'examinerez pas la question de l'impôt sur le revenu des particuliers, sauf peut-être lorsque vous discuterez de l'«intégration» des régimes fiscaux.

M. Mintz: Oui. Nous allons examiner non seulement l'intégration des régimes, mais également l'impôt sur le revenu des particuliers tel qu'il s'applique aux revenus de placements. L'intégration, bien entendu, représente un volet de la question, mais l'impôt personnel frappe, par exemple, les dividendes et les gains en capital - les revenus tirés des placements.

Le président: D'accord. Vous ne comptez pas examiner l'impôt sur le revenu des particuliers, sa structure complexe, les coûts d'observation que doivent assumer les particuliers par opposition aux sociétés. Votre examen portera surtout sur les entreprises.

M. Mintz: Oui - eh bien, l'impôt des sociétés largement défini, qui pourrait comprendre le revenu des entreprises non constituées en sociétés.

.1005

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Loubier, s'il vous plaît.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Monsieur Mintz, monsieur Sargent, je trouve très intéressant ce que vous avez présenté comme mandat du comité ce matin. Je trouve cela très clair.

Cependant, j'ai une grosse déception parce que, dans le mandat qui avait été annoncé par le ministre des Finances, lors du dépôt de son Budget, il était beaucoup plus question d'analyser la fiscalité pour en assurer l'équité. Je me permets de citer des passages du communiqué que le ministre Martin avait rendu public en même temps que son budget. Il disait, et je le cite:

Je pense que vous avez abordé cet aspect de la simplicité. Au niveau de la justice, je ne suis pas sûr qu'en abordant le mandat de cette façon-là, vous allez répondre à l'une des préoccupations du ministre.

Une autre citation est intéressante. On disait:

En examinant votre mandat, je ne vois pas ce souci d'équité pour l'ensemble des contribuables canadiens. Je peux vous donner une liste de sujets que je verrais comme prioritaires et, étant donné ce que je viens de vous dire, qui devraient être abordés obligatoirement par votre comité.

Je verrais, premièrement, qu'on analyse l'assiette fiscale des entreprises. Depuis à peu près 40 ans, l'assiette fiscale a diminué comme peau de chagrin. Il serait intéressant pour le comité et pour l'ensemble de la population de savoir quelles sont les causes de cet effritement de la contribution des entreprises.

Deuxièmement, récemment, on a eu deux scandales. Le premier fut une décision rendue par le ministère du Revenu sous les pressions du ministère des Finances, en 1991, en ce qui a trait au transfert d'actifs totalisant deux milliards de dollars aux États-Unis, sans qu'il y ait eu un prélèvement de taxation sur les gains en capital. J'aurais aimé et j'aimerais que le comité se penche là-dessus et qu'on regarde les façons d'en arriver à éviter à l'avenir - probablement que cela s'est déjà fait au cours des dernières années - qu'on transfère de tels montants sans qu'il y ait un prélèvement minimal de fait sur ces montants.

J'aimerais que le groupe d'experts, dans un souci d'équité et de justice sur le plan fiscal, se penche sur la taxation des gains en capital en général; sur l'inclusion partielle des gains en capital, parce que ce ne sont pas tous les gains en capital qui sont taxés au Canada; sur l'ensemble des crédits d'impôt à l'investissement, à la recherche scientifique et au développement expérimental aussi; sur la revue de toutes les dépenses fiscales relatives à l'amortissement accéléré; sur l'exonération des 500 000 $ de gains en capital; et sur les taux d'impôt réduits pour les bénéfices de fabrication et de transformation.

En ce qui a trait au report des impôts, ce qu'on appelle la dépréciation accélérée, il serait bon de voir comment cela fonctionne et quels en sont les effets et les coûts pour l'ensemble des contribuables.

J'aimerais qu'on analyse toutes les déductions relatives aux ressources. Cela aussi est dénoncé.

J'aimerais qu'on aborde aussi le report des pertes, une autre dépense fiscale, qu'on regarde les conventions fiscales qui permettent l'évitement fiscal, ce qui rejoint un peu les régimes fiscaux des sociétés et des particuliers, mais en les abordant différemment.

Il serait aussi intéressant qu'on fasse une mise à jour de la liste des dépenses fiscales produite par le ministère des Finances, parce qu'il n'y n'a pas eu de mise à jour jusqu'à présent.

Le vérificateur général a parlé de l'utilisation d'une clause anti-évitement par le ministre des Finances. Il serait intéressant de voir de quelle façon le ministre des Finances pourrait avoir recours à ces clauses anti-évitement plus fréquemment pour éviter des choses comme celles qui se sont produites en 1991, avec le transfert des fiducies familiales. L'analyse faite par le ministère du Revenu disait qu'en 1991, il y avait eu des transferts de capitaux d'environ 60 milliards de dollars, un peu partout à travers le monde sans que personne ne le sache.

.1010

Vous aviez raison, monsieur le président: cela fait deux ans et demi qu'on le demande et qu'on revient là-dessus. Le ministre des Finances, lors du dépôt de son Budget, nous a dit: «Vous êtes satisfaits? On rencontre vos exigences.» Je le demandais dans le sens d'une plus grande équité. J'aimerais qu'on explique à la population la structure de la fiscalité canadienne. Par exemple, comment les entreprises, de différentes manières, peuvent-elles en arriver à avoir un taux affiché d'environ 30 ou 35 p. 100 d'impôt, mais un taux réel, après utilisation de toutes ces dépenses fiscales, qui est souvent de 0 p. 100? La population veut savoir ces choses-là.

Comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Mintz, le premier exercice à faire par votre groupe d'experts est de vulgariser l'ensemble des dépenses fiscales, d'expliquer comment cela fonctionne et les coûts que cela représente pour le gouvernement fédéral et donc pour l'ensemble des contribuables, tout en suggérant des façons de simplifier la fiscalité en la rendant plus équitable et plus juste. Je ne sais pas si votre comité peut répondre à ce genre de choses-là, mais c'est le mandat que j'aimerais que vous réalisiez.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mintz.

M. Mintz: D'abord, je m'excuse si je vous ai donné l'impression que nous n'allions pas examiner l'équité du régime. Nous allons certainement nous pencher sur cette question. C'est pourquoi j'ai indiqué, dans mon exposé, à quel point il était important d'examiner le fardeau fiscal des différentes industries et entreprises, de voir s'il est juste ou s'il y a lieu de le répartir plus équitablement entre les divers types d'entreprises et de sociétés.

J'aimerais vous parler d'un autre aspect du principe d'équité qui, d'après moi, est très important. Lorsque nous invoquons le mot équité, nous pensons habituellement aux particuliers, parce qu'ils constituent le pivot de la société. Ce sont les particuliers qui travaillent pour les entreprises, qui possèdent des entreprises, qui achètent les biens et services des entreprises.

Quel rôle joue donc l'impôt sur les sociétés dans le régime fiscal qu'utilisent les pays pour taxer au bout du compte les particuliers? Bien entendu, la notion d'équité laisse sous-entendre que les particuliers dont la situation est semblable devraient payer le même montant d'impôt. C'est ce que les économistes appellent l'équité horizontale. Elle laisse également sous-entendre que les mieux nantis devraient payer plus d'impôts que les démunis. C'est ce que les économistes appellent l'équité verticale.

L'impôt sur les sociétés ne constitue en fait qu'une composante du régime fiscal. Nous ne pouvons donc pas évaluer l'équité du régime dans son ensemble, puisqu'il faudrait alors examiner toutes les composantes du système, pas seulement l'impôt sur les sociétés.

Lorsqu'on parle de l'équité du système d'impôt sur les sociétés, on pense surtout à l'équité horizontale. Les gens tirent des revenus de leurs activités commerciales ou achètent des produits et services des entreprises. Or, si les entreprises payaient les mêmes impôts et que le fardeau fiscal était équitablement partagé entre les entreprises, alors les particuliers, qui achètent des produits et des services des entreprises, qui travaillent pour des entreprises ou qui possèdent des entreprises, paieraient eux aussi les mêmes impôts. C'est la progressivité de la structure des taux applicables à l'impôt sur le revenu des particuliers qui permettra de déterminer comment l'équité verticale pourra être assurée au sein de la société. De nombreux pays utilisent cette approche dans leur régime fiscal.

.1015

Donc, l'équité du régime fiscal fait partie intégrante de notre mandat. Nous allons nous pencher sur cette question et mener le genre d'études que vous proposez. En fait, nous allons analyser des domaines qui risquent fort de vous intéresser, comme l'assiette fiscale et les impôts payés par les sociétés, les changements apportés au régime fiscal au fil des ans, la raison d'être de ces changements et leur incidence sur l'économie et les objectifs que nous nous fixons, lesquels comprennent l'équité du régime, la simplification de celui-ci et la création d'emplois.

J'ai pris note de tous les points que vous avez soulevés. Il s'agit de questions fort importantes, mais je n'essaierai pas de répondre à chacune d'entre elles. Je tiens toutefois à préciser que nous en examinerons plusieurs. Elles font toutes partie du mandat du comité.

Vous avez parlé du rapport du vérificateur général et des biens canadiens imposables. Je crois que le sous-ministre des Finances comparaît ce matin devant le Comité des comptes publics à ce sujet...

Le président: Il comparaîtra devant nous mardi prochain.

M. Mintz: ...et je crois comprendre qu'il comparaîtra devant ce comité. Vous aurez donc l'occasion d'examiner cette question en détail, une question fort complexe que je ne veux pas aborder pour l'instant.

[Français]

M. Loubier: Je veux m'assurer, monsieur Mintz, qu'une bonne partie de l'analyse va être subordonnée au souci d'équité entre ce que versent certaines entreprises et ce que ne versent pas d'autres entreprises, et ce que versent les entreprises contre ce que les particuliers versent au gouvernement fédéral.

Allez-vous évaluer chacune des dépenses fiscales, faire une évaluation critique de ces dépenses-là et des recommandations sur la façon de simplifier la fiscalité et d'en arriver à un impôt minimum pour les sociétés, peut-être?

[Traduction]

M. Mintz: Nous allons sans aucun doute analyser l'équité du régime parce que cela fait partie de notre mandat. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

Nous allons entre autres essayer de déterminer, et c'est pourquoi j'en ai parlé plus tôt, ce que nous entendons par équité et comment nous pouvons assurer l'équité du régime fiscal. J'espère que notre rapport offrira une analyse détaillée de la question et qu'il encouragera la discussion sur ce sujet précis.

[Français]

M. Loubier: Y aurait-il moyen, monsieur Mintz et monsieur Sargent, qu'à mi-parcours, vous ou un membre de votre groupe revienne devant le Comité permanent des finances pour qu'on évalue le sens de votre analyse et la direction que vous avez prise? Serait-il possible de faire cela comme le la plupart des groupes de travail?

[Traduction]

M. Mintz: Je ne sais pas quand nous pourrons le faire. Comme nous serons en mesure de vous fournir plus de renseignements au fur et à mesure que nos travaux progressent, nous accepterons avec plaisir de revenir devant le comité. Une fois le rapport terminé - et les recommandations ne seront formulées qu'à l'étape de la rédaction du rapport - , je serai tout à fait disposé à venir discuter de nos recommandations avec vous. Ce sera un plaisir pour nous de vous aider dans vos travaux.

[Français]

M. Loubier: Vers la fin juin, à peu près? Au mois de juillet?

M. Campbell (St. Paul's): Pendant l'été?

M. Loubier: Au mois de juillet peut-être?

[Traduction]

Une voix: Vers la fin de juin?

M. Mintz: Peut-être.

.1020

[Français]

M. Loubier: Vous prenez note, monsieur le président: on rappelle le groupe d'experts à mi-parcours et on leur demande une présentation des travaux effectués à ce jour.

Le président: Nous pouvons le faire en collaboration, mais ils nous ont aussi demandé quelque chose. Ce sera notre décision. Nous avons déjà travaillé avec eux.

Monsieur Benoit.

[Traduction]

M. Benoit (Vegreville): Merci, monsieur le président.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs Mintz et Sargent. Je dois vous dire que je n'ai jamais vu de réforme qui ne donne pas lieu à une hausse d'impôts. Je suis donc un peu sceptique lorsque je vous entends dire que cette étude n'a pas pour but d'augmenter les impôts.

Vous avez parlé de la «neutralité globale» de l'incidence sur les recettes de l'impôt des entreprises. Qu'entendez-vous par «neutralité globale»? Voulez-vous dire un milliard de dollars par année, 10 milliards de dollars par année? Qu'est-ce que vous entendez par cette expression?

M. Mintz: L'expression «neutralité globale» veut dire sans incidence notable sur les recettes.

M. Benoit: Quoi - 10 milliards de dollars par année, un milliard de dollars par année?

M. Mintz: Compte tenu de l'impôt que versent les entreprises, du moins au niveau fédéral, nous parlons ici d'environ 13 milliards de dollars. Il y a cinq ans, j'aurais dit cinq milliards; aujourd'hui, c'est 13 milliards.

Ces 13 milliards comprennent, bien entendu, les charges sociales et l'impôt sur le capital, qui représentent un autre milliard. Donc, l'impôt sur les sociétés génère des recettes. Dans le cas des entreprises non constituées en sociétés, on perçoit plus d'impôts sur le revenu des particuliers, y compris l'impôt sur les gains en capital et les dividendes.

Si nous parlons de neutralité globale de l'incidence sur les recettes de l'impôt des entreprises, c'est pour nous donner une petite marge de manoeuvre. Nous ne faisons qu'examiner un volet du régime fiscal. Il est important de souligner que ce volet influe sur les autres composantes du régime. Si vous voulez un régime qui n'a aucune incidence notable sur les recettes, vous pouvez essayer de maintenir cette neutralité dans le régime fiscal des entreprises. Toutefois, les changements que vous apportez risquent d'avoir un impact sur les autres impôts qui sont prélevés. C'est pour cette raison, entre autres, que nous parlons de la neutralité globale de l'incidence sur les recettes de l'impôt des entreprises.

M. Benoit: Vous comprenez pourquoi je suis un peu sceptique. La dernière réforme du régime fiscal nous a apporté la TPS. Elle ne devait avoir aucune incidence sur les recettes et, bien entendu, les recettes perçues sont passées de 10 milliards de dollars par année à 17 milliards de dollars, d'une année à l'autre.

M. Mintz: Ce n'est pas tout à fait exact.

M. Benoit: Au contraire. La taxe de vente multi-stades a permis de générer, la dernière année de sa mise en oeuvre, environ 10 milliards de dollars. La TPS a généré, la première année de sa mise en oeuvre, 17,5 milliards de dollars. Ce montant a diminué par la suite. J'éprouve donc quelques inquiétudes lorsque j'entends les mots «neutralité globale», puisqu'on devrait plutôt parler de «neutralité absolue».

Le président: J'en ai assez de toutes ces attaques contre les Conservateurs.

M. Benoit: Ne vous inquiétez pas, ce sera bientôt au tour des Libéraux.

Vous avez répondu en partie à la question suivante lorsque vous avez dit que vous allez examiner la question de la non- observation et du non-paiement des taxes. Bien entendu, le problème majeur que pose l'harmonisation de la TPS, c'est le fait d'avoir un taux d'imposition à deux chiffres. On a constaté, dans d'autres pays, que le public refuse de payer cette taxe lorsqu'elle dépasse les 10 p. 100. Ce genre de situation favorise l'économie souterraine.

Quel est votre mandat à cet égard?

M. Mintz: Vous parlez des taxes de vente?

M. Benoit: Vous n'examineriez pas cet aspect - ou je suppose que vous vous pencheriez probablement sur l'harmonisation de la TPS.

M. Mintz: Non.

M. Benoit: Pas du tout?

M. Mintz: Il s'agit de quelque chose de différent en ce sens que les négociations se poursuivent entre le gouvernement fédéral et les provinces.

M. Benoit: Cet aspect sera donc complètement exclu de cette étude.

M. Mintz: Oui.

La question que vous m'avez posée avait quelque chose à voir avec l'évitement fiscal et la résistance des contribuables à payer des impôts lorsque les taux deviennent élevés. Il n'y a pas de doute que la structure des taux revêt de l'importance. Lorsque vous parlez d'un exercice sans incidence notable sur les recettes, vous ne songez pas bien sûr à d'énormes réductions des taux pour tous les niveaux de taxes. Nous aurons bien sûr du mal à tenter d'apporter des changements sans incidence sur les recettes de cette façon.

.1025

Cependant, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas examiner la structure des taux. Lorsque ces taux d'imposition sont particulièrement élevés, s'ils entraînent d'importants problèmes économiques pour le gouvernement, et pour le régime fiscal canadien en général, nous pourrions peut-être alors essayer de voir comment en arriver à modifier la répartition des taxes de manière à alléger ces fardeaux fiscaux particulièrement lourds dans certains secteurs en augmentant les fardeaux dans d'autres.

C'est la raison pour laquelle j'ai fait cette observation au sujet du taux d'imposition sur le revenu des sociétés. Je voulais vous donner un exemple du genre de problème qui se pose en ce qui concerne les taux étant donné que les taux d'imposition de non-fabrication d'après les normes internationales, sont assez élevés. Cela touche particulièrement ces secteurs de l'économie que l'on pourrait maintenant commencer à considérer comme la nouvelle économie, le secteur des services, etc.

M. Benoit: Vous avez fait là une déclaration qui, selon moi, est discutable. Vous avez dit que vous ne pouviez procéder à une réduction globale des taux d'imposition et maintenir la neutralité de l'incidence sur les recettes. Eh bien, un nombre incroyable d'économistes estiment en fait que vous pouvez réduire sensiblement les taux d'imposition et augmenter les recettes à cause de la croissance ou de la stimulation de l'économie. Il s'agit donc d'un point discutable.

Allez-vous vous pencher sur cet aspect de quelque manière?

Le président: Ce que nous espérons recommander c'est un taux de taxe zéro, ce qui nous donnera des recettes illimitées.

M. Benoit: Voilà une façon de penser typiquement libérale.

M. Mintz: Je ne vais pas me lancer dans un débat quant à savoir...

M. Benoit: Mais est-ce que vous vous examinez cet aspect, à savoir l'effet possible d'une réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés dans son ensemble et la mesure dans laquelle cela pourrait stimuler l'économie et accroître les revenus dans l'ensemble, même si l'impôt a été réduit? Vous penchez-vous sur cet aspect?

M. Mintz: Lorsqu'on parle de changement de structure sans incidence sur les recettes, il ne faut pas oublier le fait que si vous apportiez des changements aux taux d'imposition et aux structures fiscales, vous influerez sur le comportement économique, à savoir que les recettes fiscales seront touchées en général. Par conséquent, en faisant le genre de prévisions que vous voulez, je crois que nous voudrons tenir compte de ces effets sur le comportement économique.

Si, disons, vous diminuez les taux dans une certaine proportion et que vous rattrapez une telle partie de l'activité économique que vos recettes se maintiennent... Laissez-moi vous présenter les choses de cette manière - et je vous donne maintenant mon point de vue de professionnel en tant que théoricien et non comme président du comité. Le débat qui a cours à cet égard dans les publications à caractère économique tend à être, j'ai bien peur, un peu plus partial que vous ne l'indiquez. Vous constaterez que la plupart des économistes prétendent qu'une réduction des taux peut permettre d'accroître les recettes fiscales mais ne vous permettent pas de compenser entièrement.

M. Benoit: Les faits ont prouvé qu'il pouvait en être tout à fait autrement dans certains cas.

Simplement pour poursuivre cette idée, par le passé, le régime fiscal a été utilisé pour encourager l'expansion de certaines industries, l'industrie cinématographique et les IRLM par exemple. Il a été utilisé par le passé par l'entremise de différentes déductions pour amortissement accéléré, ce genre de chose. Avez-vous examiné la possibilité de recourir à ce genre de choses, une fois de plus, pour stimuler l'emploi? Je remarque que vous songez ici à tenter de stimuler l'emploi.

M. Mintz: Nous allons déterminer si des mesures de ce genre fonctionnent ou non. Je crois qu'il s'agit de savoir si d'autres moyens s'offrent à nous pour obtenir le même impact. Il s'agit là du genre de question générale que nous examinerons.

Nous ne savons absolument pas pour l'instant si nous voulons ou non recommander des plans précis. Ce sont des choses que nous examinerons. Nous allons nous pencher sur l'historique de certains de ces changements qui non seulement ont été apportés au Canada mais aussi sur divers plans qui ont été éprouvés dans le reste du monde, pour tenter de déterminer si les programmes de ce genre fonctionnent vraiment.

.1030

M. Benoit: Votre mandat consiste donc en partie à examiner la possibilité de recourir à des crédits d'impôt pour stimuler l'emploi dans certaines provinces, plus particulièrement dans les régions à fort taux de chômage, par exemple, ou dans certaines industries.

M. Mintz: Je ne suis pas sûr que ce serait dans des industries et des provinces en particulier ou si ce serait un crédit général qu'on voudrait ou non, ou si on préférerait examiner dans quelle mesure un changement à la composition des recettes fiscales et à la structure du régime fiscal peut arriver au même résultat.

M. Benoit: Mais vous devez avoir reçu des lignes directrices, un mandat, à l'égard des différentes possibilités que vous examinez.

M. Mintz: Bien sûr. Nous examinons tout un éventail de choses afin de déterminer lesquelles fonctionnent le plus efficacement et au moindre coût pour le contribuable.

M. Benoit: En examinant plus efficacement le pays dans son ensemble ou, disons, une partie de celui-ci, par exemple, une région où le chômage est très élevé comme la région de l'Atlantique...?

M. Mintz: Pour l'instant nous n'en sommes pas encore arrivés à ce genre de détails. Nous en sommes aux aspects généraux. Ce n'est qu'après un certain temps, une fois que nous aurons décidé de la voie à suivre, que nous voudrons établir les conditions relatives à l'octroi de divers crédits et à d'autres choses.

M. Benoit: Vous en êtes donc vraiment au tout début de vos travaux.

M. Mintz: Exact.

M. Benoit: Allez-vous examiner différents systèmes d'impôt à taux uniforme?

M. Mintz: C'est une question importante dont il a été certes largement question dans les médias. Premièrement, vous devez vous rappeler que le mandat de ce comité porte sur la fiscalité des entreprises. Il ne porte pas sur le système fiscal en général, ce qui inclurait l'impôt des particuliers, la principale initiative productrice de recettes.

M. Benoit: Mais vous avez dit que vous examiniez l'interaction entre l'impôt sur les sociétés et l'impôt personnel.

M. Mintz: C'est vrai, mais vous devez vous rappeler ce qu'est un impôt uniforme. Il arrive parfois que l'on ne sache même pas ce qu'est un impôt uniforme lorsqu'on lit toutes les propositions.

M. Benoit: Il y a différents modèles, effectivement.

M. Mintz: En général, on propose un taux unique d'imposition qui s'appliquerait aux particuliers et aux entreprises de sorte que l'on considère la structure fiscale dans son ensemble et pas seulement une partie de celle-ci.

M. Benoit: Vous n'examinez donc pas l'interaction entre les deux.

M. Mintz: Permettez-moi de terminer. J'essaie juste de dire qu'il s'agit d'un aspect de l'impôt uniforme.

Un autre aspect traite des déductions et des crédits autorisés dans le cas de l'impôt personnel de même que de l'impôt des sociétés. De toute évidence, nous nous pencherons sur la fiscalité des entreprises.

Le troisième aspect des propositions concernant l'impôt uniforme consiste à se demander si nous voulons un impôt sur le revenu annuel ou si nous voulons modeler l'assiette sur ce que l'on appelle un impôt sur les dépenses ou l'équivalent. Pour l'instant, je ne voudrais pas entrer dans tous les détails à ce sujet.

De toute évidence, concernant la structure fiscale des entreprises, l'impôt uniforme fait partie des propositions envisagées.

M. Benoit: D'accord. Je ne sais pas s'il s'agit d'un oui ou d'un non, à savoir si vous examinerez vraiment cette question. Je n'ai pas l'impression d'avoir obtenu une réponse.

M. Mintz: Nous nous penchons sur les impôts uniformes mais en ce qui concerne la structure fiscale des entreprises.

M. Benoit: Vous avez parlé d'équité horizontale et d'équité verticale. En ce qui a trait à l'équité verticale, la définition que vous en donnez se fonde sur un point de vue politique ou philosophique des choses. La définition qu'en donnera un socialiste différera tout à fait de celle d'un capitaliste. Je veux connaître votre point de vue politique ou philosophique. Êtes-vous l'un de ces socialistes furieux du genre que nous avons ici ou penchez-vous plutôt du côté capitaliste...? Il est important de savoir si vous examinez cet aspect.

.1035

M. Mintz: Vous pouvez toujours lire mes écrits et connaître exactement mes points de vue sur la politique fiscale.

Je définis l'équité horizontale et l'équité verticale en fonction de ma formation universitaire. Il s'agit d'expressions très communément utilisées dans les ouvrages traitant de finances publiques; que vous ouvriez n'importe quel traité sur les finances publiques il y sera question, je crois, d'équité horizontale et d'équité verticale. Que ceux-ci soient écrits par des spécialistes comme Tony Atkinson de Grande-Bretagne, un partisan du Parti travailliste, ce qui vous donne une idée de son inclination, ou par David Bradford, qui a travaillé en assez étroite collaboration avec le Parti républicain aux États-Unis, vous vous rendrez compte qu'ils utilisent tous les deux les expressions «équité verticale» et «équité horizontale». On les utilise en réalité pour parler d'une façon particulière de considérer l'équité dans le système.

M. Benoit: Ils utilisent ces expressions, mais ils voient la chose très différemment.

M. Mintz: Je crois que c'est une chose fascinante en soi. Vous constaterez que même des gens comme Nicholas Kaldor, qui fut un ardent partisan du Parti travailliste et qui a vraiment été le père de l'impôt sur les dépenses... Les propositions actuelles portant sur un impôt uniforme qui sont l'objet de discussions aux États- Unis et au Canada, tel le plan Hall-Rabushka aux États-Unis, sont vraiment attribuables à Nicholas Kaldor.

Le président: Merci, monsieur Benoit. Monsieur Campbell, je vous en prie.

M. Campbell: Au sujet des propos qu'a tenus M. Benoit au sujet d'une baisse des impôts et d'une augmentation des recettes, je pense toujours aux économistes qui essaient de prouver que ce qui fonctionne en réalité fonctionne en théorie. Le plus curieux au sujet de cette théorie voulant qu'une baisse des impôts ait pour effet d'augmenter les recettes, c'est que l'exemple le plus notoire que nous en avons n'a pas fonctionné en réalité. Je veux parler de l'époque où le président Reagan dirigeait les États-Unis.

Ma deuxième observation porte sur la TPS et sur la possibilité que vous examiniez cette question. Je m'empresserais d'ajouter qu'en ce qui concerne les entreprises et l'économie souterraine il a évoqué la théorie selon laquelle un système harmonisé comportant des crédits de taxe sur intrants doit régler une partie du problème de l'économie souterraine. Les entreprises sont encouragées à l'heure actuelle à s'intégrer dans le système pour se prévaloir des crédits de taxe sur intrants.

Pour en venir précisément à ce pourquoi vous êtes ici ce matin, je suis vraiment très heureux de cette initiative. C'est un sujet que les membres du comité ont abordé à maintes reprises et nous sommes tous très heureux que le ministre ait pris cette initiative dans le dernier budget et que vous soyez venus ici pour nous demander notre aide.

M. Loubier a déjà posé la plupart de mes questions et je suis satisfait de vos réponses.

En tant que membre de ce comité, je me réjouis de la collaboration que vous demandez et de l'activité complémentaire dans laquelle vous nous demandez de nous engager. Je me demande, monsieur le président, si je peux demander à M. Mintz et à M. Sargent de nous fournir une liste des témoins que nous pourrions entendre sur la question des coûts d'observation et d'autres aspects sur lesquels il nous a demandé de nous pencher. Il n'y a pas de doute que vous en avez une très bonne idée et qu'il se peut que des gens aient déjà pris contact avec vous. Nous avons tendance à inviter les suspects habituels, comme ils disent. Je ne sais pas combien de témoins nous entendrons pour cette partie de nos travaux, mais je crois que nous saurions gré au départ à M. Sargent et à M. Mintz de nous dire quels sont à leur avis les témoins que nous devrions entendre.

Je veux faire en sorte, monsieur le président, qu'on entende le point de vue de simples citoyens et d'exploitants de petites entreprises en particulier. Cette question touche les entreprises petites et grandes de même que les particuliers en ce qui concerne leurs placements et leurs activités économiques. Donc, leur témoignage pourrait nous être utile, car je sais que nous souhaitons entamer nos travaux le plus tôt possible.

Le président: C'est une très bonne idée, monsieur Campbell. Merci.

M. Campbell: J'espère que MM. Mintz et Sargent seront d'accord.

Il y a une dernière chose que je souhaite dire au nom du gouvernement. Comme l'a indiquéM. Mintz, le ministre a invité le comité à examiner le dossier des biens canadiens imposables et les questions de principe qui découlent des observations du vérificateur général à ce sujet. Nous espérons que les délibérations du comité commenceront bientôt.

.1040

Le comité des comptes publics examine actuellement la question, surtout le processus. Les questions de principe seront examinées par ce comité-ci, selon le mandat confié par le ministre.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

M. Campbell: Voulez-vous que nous donnions à MM. Mintz et Sargent la possibilité de dire oui, qu'ils vont nous aider à établir la liste des témoins?

M. Mintz: Pour ce qui est de la liste des témoins, nous...

Le président: Vous pouvez nous aider.

M. Mintz: Nous collaborerons avec vous.

Le président: Merci.

Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Je remercie le comité, et le ministre en fait de même, de la façon directe dont il aborde ce dossier.

Vos paramètres sont fort intéressants - les répercussions du régime fiscal des entreprises sur l'économie, les emplois et, en bout de ligne, le particulier. Est-ce la première fois que vous analysez les rapports étroits qui existent entre le régime fiscal et son incidence sur la création d'emplois, ou cette question a-t- elle déjà fait l'objet d'un examen dans le passé?

M. Mintz: Vous posez-là une question très intéressante. En général, les études sur le régime qui ont été réalisées dans le passé, que ce soit au Canada ou ailleurs, portaient sur des questions très vastes, comme l'incidence des taxes sur la répartition des ressources - ce que les économistes appellent l'efficience économique - , la simplification du processus et l'équité du régime. Ce sont les paramètres qu'on fixe habituellement lorsqu'on procède à un examen de la politique fiscale en général.

Toutefois, l'incidence sur la création d'emplois constitue un volet fascinant de notre étude, qui diffère en quelque sorte des études fiscales habituelles. De manière précise, l'analyse de l'incidence des impôts sur la demande en main-d'oeuvre est un sujet qui est largement négligé à l'heure actuelle dans les études analytiques menées à l'échelle mondiale.

L'OCDE a réalisé récemment une étude sur l'emploi qui reflétait grandement l'état des connaissances économiques sur ces questions. L'étude comprend d'excellentes analyses détaillées de l'incidence qu'ont les impôts sur l'offre de main-d'oeuvre - autrement dit, l'effort réel consenti par les particuliers. Elle examine également les pratiques d'embauche des entreprises et décrit, au moyen d'exemples intéressants, l'impact qu'ont les charges sociales et autres mesures sur l'emploi en général.

Pour ce qui est de l'incidence qu'a le régime fiscal sur le choix entre des travailleurs à temps partiel ou à temps plein, des contractuels ou des employés permanents, ainsi de suite, les connaissances économiques à ce sujet sont très limitées à l'échelle mondiale. Cette question mérite sans aucun doute une certaine attention.

Nous espérons être en mesure, dans le court délai qui nous est imparti, de fournir du moins quelques analyses intéressantes qui pourraient s'avérer utiles aux fins du débat. Je ne sais pas si nous serons en mesure de rassembler de nouvelles données économiques, parce que le travail ne fait que commencer et que nous ne savons pas s'il portera fruit ou non. Toutefois, il s'agit d'une question très importante à laquelle le gouvernement devrait s'attaquer.

Mme Brushett: Je pense que vos efforts porteront fruit en ce sens qu'un grand nombre de paramètres et de modèles éventuels pourraient être modifiés puisqu'ils ne peuvent plus être appliqués, étant donné la mondialisation des marchés. Donc, je pense que vos travaux porteront fruit.

Comme l'a mentionné le député du Parti réformiste, vous allez examiner la question de l'impôt unique, de l'économie souterraine, ainsi de suite, mais vous allez sans doute consacrer une grande partie de votre travail sur la fiscalité des entreprises au traitement fiscal de certains secteurs. Ces renseignements pourraient s'avérer utiles.

.1045

Vous avez indiqué que vous allez examiner le traitement fiscal des investissements effectués à l'intérieur et à l'extérieur du Canada. J'ai lu récemment un article qui laissait entendre - et je ne sais pas si cela est basé sur des faits ou non - qu'une entreprise sur cinq qui exporte des produits manufacturés échappe au régime fiscal. Si tel est le cas, est-ce que cela se refléterait uniquement dans les investissements qui se font à l'intérieur et à l'extérieur du Canada?

M. Mintz: Je m'excuse, pouvez-vous répéter?

Mme Brushett: Au Canada, une entreprise manufacturière sur cinq qui exporte des produits - peut-être pas seulement des entreprises manufacturières, mais également des entreprises exportatrices - , échappe au régime fiscal.

Le président: Elles ne paient aucun impôt.

Mme Brushett: Oui, elles échappent au régime fiscal. Sur le plan de l'équité, encore une fois, une entreprise sur cinq au Canada ne paie pas d'impôt. Mais cela concerne les entreprises exportatrices plutôt que les investissements. Je me demande si cela tombe sous l'une ou l'autre des rubriques que vous étudiez.

M. Mintz: Je ne sais pas si vous pensez qu'il s'agit ici d'entreprises exportatrices qui ne paient pas d'impôt sur les sociétés, que ce soit à titre temporaire ou autre.

Mme Brushett: C'est ce que l'article laissait entendre.

M. Mintz: D'accord.

La question des impôts que versent les entreprises n'est pas un sujet tout à fait neuf. On s'y intéresse depuis longtemps. De nombreuses études ont été réalisées au Canada à ce sujet au cours des dix dernières années, en raison surtout de la réforme fiscale de 1987.

En fait, avant 1987, on assistait à une hausse des pertes fiscales alors que des entreprises rentables affichaient des pertes. Cette situation était attribuable, entre autres - et les raisons sont nombreuses, je vais vous les expliquer dans un instant - , à la structure du régime d'impôt sur les sociétés en place à l'époque. Un grand nombre de déductions étaient accordées, de sorte que les entreprises avaient droit à des déductions pour amortissement accéléré, crédit d'impôt à l'investissement, ainsi de suite, qui leur permettaient de ne pas payer d'impôts, du moins pendant un certain temps.

À la suite de la réforme de 1987, l'assiette fiscale a été élargie et un grand nombre d'avantages ont été éliminés, ce qui a eu un impact sur les pertes fiscales accumulées.

Mais si les entreprises ne paient pas d'impôt à l'heure actuelle, c'est en raison de la structure du régime d'impôt sur les sociétés. En vertu de ce régime, si vous touchez un revenu imposable, vous devez payer de l'impôt en fonction du taux d'imposition applicable. Toutefois, si votre revenu imposable est négatif, autrement dit si vous avez subi une perte, le gouvernement ne vous accorde pas un remboursement à ce moment-là. Il n'envoie pas un chèque à l'entreprise en lui disant «Voici notre part de la perte subie, laquelle correspond au taux d'imposition applicable multiplié par le montant de la perte».

Au lieu, le gouvernement vous dit que vous pouvez reporter vos pertes sur les trois années antérieures et les déduire du revenu imposable antérieur, ce qui vous donne droit à un crédit à ce moment-là. Sinon, vous pouvez les reporter sur les exercices à venir, jusqu'à un maximum de sept ans. En effet, le Canada permet également aux entreprises de ne pas réclamer toutes les déductions auxquelles elles ont droit en même temps. Nous avons un système de déduction discrétionnaire pour certaines choses, comme les frais d'exploration et de mise en valeur et les déductions pour amortissement. Dans un sens, les entreprises peuvent faire en sorte que les pertes temporaires qu'elles subissent maintenant sont, plus tard, mises à profit de manière plus efficace.

Par conséquent, une entreprise peut accumuler des pertes essentiellement pour deux raisons. Les déductions accélérées qui étaient accordées en vertu du système avant 1987, et il en reste encore quelques-unes. Ou, plus important encore, une mauvaise conjoncture économique. Nous avons traversé une récession difficile au début des années 90, de sorte que les pertes ont recommencé à augmenter. Donc, de nombreuses entreprises aujourd'hui ne paient pas d'impôt en partie parce que les pertes accumulées au début des années 90 sont aujourd'hui mises à profit et déduites des bénéfices réalisés. C'est ce qui fait que les entreprises ne paient pas d'impôt.

Il faut donc être très prudent lorsqu'on analyse des questions de ce genre. Il faut essayer de comprendre comment fonctionne le système.

.1050

Le président: Merci, madame Brushett.

Nous avons moins de dix minutes, monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci beaucoup, monsieur le président.

En fait, je suis satisfait du régime fiscal qui est en place à l'heure actuelle. Certains d'entre nous n'auraient pas été en mesure de survivre si ces recours n'avaient pas existé.

J'aimerais vous poser une question au sujet de l'impôt unique et de l'incidence nulle sur les recettes fiscales. J'espère que cette formule ne donnera pas les mêmes résultats que dans certaines régions de l'Ontario, où en vertu du système d'évaluation de la valeur marchande, vous ne savez pas qui reçoit ou qui donne, ou comment vous finissez par être assujetti au régime fiscal des entreprises. J'espère que l'on ne vivra pas la même situation.

J'aimerais vous poser la question suivante. Comme les États- Unis constituent notre principal partenaire commercial - ils comptent pour plus de 37 p. 100 de nos exportations totales - , allez-vous examiner leur système fiscal afin de voir s'il n'y a pas lieu de modifier notre propre régime et d'améliorer notre position concurrentielle par rapport à notre plus gros partenaire commercial - , si cela est possible? Allez-vous examiner leur système fiscal afin de voir si nous pouvons être plus compétitifs?

M. Mintz: Cette question est en partie liée à la question des investissements internes, mais aussi aux exportations. Il ne faut pas oublier que lorsque des entreprises exportent leurs produits, elles doivent assumer certains coûts. Ceux-ci comprennent toute une foule de facteurs, dont les salaires versés aux travailleurs, le coût du capital, comme les taux d'intérêt, qui sont également importants, et le régime fiscal.

La capacité concurrentielle du Canada a connu un grand essor au cours des dix dernières années, ou cinq dernières années, en raison surtout des mesures prises par le gouvernement - diminution du taux d'inflation et réduction des déficits, ce qui entraîne une baisse des taux d'intérêt et rend les entreprises plus compétitives.

De plus, même les changements apportés aux relations économiques que nous entretenons avec les autres pays, y compris les ententes que nous avons conclues, comme l'ALENA, ainsi de suite, contribuent à garder les portes ouvertes pour les exportations canadiennes. Par conséquent, le Canada se tire assez bien d'affaires.

Le régime fiscal, bien entendu, constitue un volet important de notre étude et nous allons, dans le cadre de celle-ci, examiner la compétitivité de nos taux d'imposition par rapport à ceux qui sont en vigueur dans les autres pays du monde.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Monsieur Pomerleau.

[Français]

M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): J'aurais un petit commentaire et deux questions, avant qu'on termine. D'abord, je suis tout à fait déçu de la formation de votre comité d'experts; non pas déçu de la qualité technique des gens qui en feront partie, mais du mandat que vous vous donnez. Je suis déçu de la façon dont le comité fonctionne et de sa composition en général.

Il m'apparaît qu'un des problèmes fondamentaux au Canada actuellement est l'évasion fiscale à une grande échelle. Le vérificateur général a déjà parlé, il y a déjà trois ou quatre ans, des paradis fiscaux. On parle aujourd'hui des fiducies familiales. On cite M. Bronfman dans le Globe and Mail, dans le Financial Post:

[Traduction]

[Français]

Il s'agit de notre fiscalité.

Vous nous dites que votre mandat n'est pas d'accroître les recettes nettes. Autrement dit, ce n'est pas cela qu'on va examiner. La population s'attendait à ce qu'on fasse une analyse sérieuse de ce qui se passe du point de vue de l'évasion fiscale, mais ce n'est pas ce que vous allez faire. Vous allez faire autre chose.

Je suis profondément déçu, premièrement de votre mandat. Je suis déçu également de la crédibilité de votre comité. Je ne sais pas où vous allez prendre cela. Votre comité sera formé de gens qui sont les plus grands utilisateurs des paradis fiscaux, de gens qui apprennent aux autres comment faire de l'évasion fiscale. Vous allez vous réunir dans un petit appartement tout seuls et vous allez tout revoir ensemble. Il n'y aura même pas un représentant élu par le peuple pour aller voir cela. Je suis profondément déçu et je me demande comment, sur la place publique, vous allez établir votre crédibilité. C'est ma première question.

.1055

[Traduction]

M. Mintz: Je suis certain que vous ne voulez pas mettre en doute l'intégrité des membres du comité, et je comprends votre point de vue. Les membres, et je les connais tous très bien, viennent de milieux différents. Ils ne sont pas tous avocats ou comptables. Trois sont des économistes, et j'en suis un, et des universitaires, lesquels ont tendance à voir le monde dans une perspective plus vaste.

Donc, je comprends votre point de vue, mais il ne faut pas oublier qu'une fois le rapport rédigé, un processus très important sera entamé, à savoir le processus de consultation. Il est parfois très utile dans un domaine comme la fiscalité, qui est très technique, de pouvoir compter sur les services d'un groupe de particuliers qui peut fournir une analyse du sujet, une analyse préliminaire si vous voulez, qui constitue en fait un rapport qui est présenté au ministre et au gouvernement, aux fins de consultation publique. Il servira à encourager les échanges de vues sur les questions.

J'ai déjà fait partie de comités où siégeaient des groupes d'intérêt. Le processus est très différent. Il demande beaucoup de temps et d'efforts, mais ne donne pas des résultats tellement différents. En bout de ligne, vous devez faire appel à un groupe d'experts qui fournira des analyses et des évaluations pour aider les particuliers à débattre des grands principes.

En ce qui concerne l'évasion fiscale, j'espère que vous ne serez pas déçu par notre rapport, mais je ne veux surtout pas vous donner l'impression que notre comité n'examinera pas cette question. Lorsqu'on analyse le régime fiscal, il faut voir comment la structure du régime encourage ou dissuade l'évasion fiscale et trouver les meilleurs moyens d'assurer l'équité du système. Notre comité ne laissera pas cette question de côté.

Le président: Merci.

[Français]

M. Pomerleau: J'aurais un petit commentaire en finissant.

Le président: Très brièvement, s'il vous plaît.

M. Pomerleau: Je ne mets pas la crédibilité personnelle de ceux qui feront partie du comité en doute. Mais je souligne que tant que cette analyse sera faite en petit comité, sans représentant élu, il y aura conflit d'intérêts évident, parce que les gens qui vont faire l'analyse de cela sont ceux qui utilisent l'évasion fiscale ou qui en font la promotion.

Vous dites que c'est un domaine très complexe, très difficile. C'est toujours la raison qu'on donne au petit peuple: c'est très difficile et il ne comprend pas cela. La chose la plus importante dans un gouvernement, c'est la fiscalité. Quand les gens ne s'occupent pas de cela, il y en d'autres qui s'en occupent pour eux. Je pense qu'on a des gens qui seraient tout à fait aptes à se pencher là-dessus et à comprendre ce qui se passe.

Deuxièmement, je voudrais m'assurer que dans ce qui va suivre les consultations publiques, ce soit bien le Comité permanent des finances qui fasse l'organisation...

Le président: On verra.

M. Loubier: Non, ce n'est pas «on verra», monsieur le président. Le ministre des Finances m'a assuré que les consultations qui seraient faites seraient menées par le Comité permanent des finances. Ce n'est pas «on verra».

Le président: Excusez-moi, monsieur Loubier, c'est la décision du comité. Ce n'est ni la décision du ministre ni la vôtre.

M. Loubier: Le ministre nous a assuré que c'était le Comité permanent des finances qui la ferait, et si ce n'est pas ce comité, il y aura un gros problème.

Le président: Excusez-moi. C'est notre décision et celle du comité directeur. On verra.

[Traduction]

Monsieur Campbell.

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M. Campbell: En ce qui concerne les observations de M. Pomerleau, je suis satisfait de la réponse qu'a donnée M. Mintz. L'évasion fiscale est un sujet qui nous préoccupe tous.

Ce qui m'intéresse, c'est le processus qui mène à l'évasion fiscale. C'est ce que vous allez examiner dans cette étude - à savoir si notre régime encourage les gens à tourner le dos au système ou à devenir des contribuables canadiens. Les gens prennent des décisions en fonction des avantages relatifs que présente le fait de faire affaire au Canada plutôt qu'ailleurs.

Cela m'amène à mon deuxième point...

Le président: Monsieur Campbell, je m'excuse, mais notre temps est écoulé. L'autre comité arrive.

M. Campbell: D'accord.

Le président: Pouvons-nous nous rencontrer dans le couloir? J'ai moi aussi trois questions à vous poser. Je m'excuse.

Monsieur Loubier, nous aborderons la question des audiences avec le comité de direction. Le comité devra ensuite prendre une décision à ce sujet.

Merci beaucoup, messieurs Mintz et Sargent. Ce sera un plaisir de travailler avec vous.

La séance est levée.

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