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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 avril 1997

.1543

[Traduction]

Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay - Atikokan, Lib.)): La séance est ouverte. Nous reprenons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-237, tendant à modifier la Loi sur l'immigration et la Loi sur le transfèrement des délinquants.

Nous accueillons aujourd'hui trois témoins. Je les prie de se présenter.

M. Brian Grant (directeur, Développement du programme, Direction de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je suis directeur du développement du programme à la Direction de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

[Français]

M. Pierre Bourget (directeur général, Direction de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Je m'appelle Pierre Bourget et je suis le directeur général de l'exécution de la loi au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration.

[Traduction]

M. Neil Cochrane (directeur, Présentation des cas et détention, Direction de l'exécution de la loi, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Bonjour. Je suis directeur de la présentation des cas.

Le président: Merci beaucoup. J'ignore si vous allez tous vouloir prendre la parole ou si quelqu'un parlera au nom de tout le monde et si les deux autres se contenteront de l'appuyer.

M. Bourget: Merci, monsieur le président. Je vais m'efforcer d'obtenir tout l'appui possible de mes deux collègues.

Je voudrais dire tout de suite que, à moins que vous ayez des objections, je vais parler surtout des dispositions du projet de loi C-237 qui ont trait au renvoi de criminels et aux pouvoirs qui peuvent être conférés aux juges à cette fin. Nous avons aussi avec nous des membres du personnel du service du solliciteur général qui parleront plutôt des questions reliées au transfèrement des délinquants, c'est-à-dire aux dispositions du projet de loi C-237 qui demandent aux autres pays de reprendre leurs propres citoyens qui ont été déclarés coupables de crimes.

.1545

Je voudrais d'abord profiter de ces quelques mots d'introduction pour vous dire que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et moi-même à titre de directeur général de l'exécution de la loi avons examiné très sérieusement la proposition contenue dans le projet de loi C-237. Comme le ministère veut nettement pouvoir renvoyer efficacement et économiquement les criminels étrangers du Canada, toute proposition qui nous permettrait d'atteindre cet objectif de façon créative mérite une attention toute spéciale.

Avant le début de la réunion, nous avons fait circuler un document d'une page intitulé «Projet de loi C-237; CIC - Processus courant». J'espère que tous les députés l'ont en main. Je voudrais comparer le processus qui existe maintenant pour les criminels étrangers et ce que propose le projet de loi C-237 pour que nous puissions mettre en lumière certains des avantages qui découleraient du projet de loi C-237 et aussi, si vous êtes d'accord, certains des éléments un peu plus risqués de cette mesure.

Comme vous le savez, cette mesure vise les personnes qui n'ont pas obtenu la citoyenneté canadienne et qui sont donc soit immigrants, soit résidents permanents, ou bien encore non-résidants, et qui ont été trouvés coupables de crimes graves au Canada. À l'heure actuelle, comme vous pouvez le voir sous la rubrique «CIC - Processus courant», si quelqu'un est trouvé coupable et doit purger une peine quelconque pour un crime grave, un agent de l'immigration doit faire rapport de l'infraction. Ensuite, on doit décider si l'infraction commise est suffisamment grave pour que le coupable soit renvoyé du Canada.

Cependant, même si, dans le cas de résidents non permanents, il arrive très souvent que l'on considère que les coupables peuvent être renvoyés du Canada, on doit malgré tout évaluer certaines choses pour décider si le renvoi est la solution qui convient vu ce qu'a pu subir la personne en question.

À cette étape, le ministre peut aussi délivrer un certificat qui déclare que la personne constitue un danger pour le public. Comme nous le verrons plus tard, cela empêche cette personne d'avoir accès à certains mécanismes d'examen.

Arrêtons-nous ici un instant pour voir ce que prévoit le projet de loi C-237 à cet égard. Ce qui semble intéressant à première vue, c'est que la personne déclarée coupable et condamnée à purger une peine quelconque par un juge pourrait aussi être renvoyée du pays sur ordonnance du même juge. D'après ce que nous comprenons de l'objectif du projet de loi C-237, le juge ne serait pas nécessairement obligé de rendre une telle ordonnance, mais il jouirait d'une certaine discrétion. Ce pouvoir discrétionnaire pourrait s'inspirer en partie du pouvoir qui existe maintenant, c'est-à-dire du pouvoir discrétionnaire que prévoit le programme d'immigration, mais il pourrait aussi s'appuyer sur d'autres critères qu'il m'est impossible de prédire pour l'instant.

Nous avons ajouté la notion de transaction pénale parce qu'il se pourrait aussi que le juge soit influencé par une transaction pénale ou par les discussions entre le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense pour décider s'il faut ou non rendre une ordonnance de renvoi.

.1550

Comme vous pouvez le voir, cette disposition du projet de loi C-237 semble élargir les pouvoirs discrétionnaires que possède maintenant le ministère de l'Immigration. Ces pouvoirs seraient étendus puisqu'ils comprendraient les mêmes éléments, mais pourraient aussi s'appliquer à d'autres facteurs dont le juge pourrait tenir compte et sur lesquels nous ne pourrions pas intervenir du tout. Cela comprend, bien sûr, les éléments qui peuvent mener à une transaction pénale.

L'autre chose importante à retenir, c'est que, pour l'instant, si l'on ordonne le renvoi d'une personne à la suite d'une enquête, l'arbitre qui préside à l'enquête n'a pas le pouvoir de déclarer que la personne peut être renvoyée ou non. Tout ce que peut constater l'arbitre, c'est que la personne a été trouvée coupable d'un crime grave. Dans un tel cas, l'arbitre doit rendre une ordonnance d'expulsion ou de renvoi.

D'autre part, si un juge à qui l'on a conféré les pouvoirs prévus dans le projet de loi C-237 décide qu'une ordonnance d'expulsion n'est pas justifiée, et je répète que cela peut dépendre des critères personnels du juge, même si le ministère de l'Immigration pourrait, aux termes de la Loi sur l'immigration, toujours avoir le pouvoir de rendre une ordonnance de déportation, autrement dit, si le juge ne voulait pas prononcer une ordonnance d'expulsion et si le ministère de l'Immigration décide de le faire, même s'il y a ambiguïté dans le projet de loi à ce sujet, il risquerait de se présenter une situation que les avocats appellent double incrimination parce que quelqu'un qui pouvait prendre une décision a jugé bon ou décidé de ne pas le faire.

Il serait pour le moins risqué de croire que les tribunaux puissent accepter qu'une telle décision a été prise par quelqu'un d'autre vu que quelqu'un qui était déjà autorisé à prendre cette décision ne l'a pas fait. Il y a donc un élément de risque.

Il y a un autre aspect de la mesure que je juge important. Nous avons reçu des instances d'avocats qui ont même présenté leurs arguments aux tribunaux pour dire que, lorsqu'un criminel étranger est trouvé coupable et condamné par un juge, la notion de double peine existe si le ministère de l'Immigration décide d'ordonner le renvoi de cette personne du Canada pour la même infraction.

Jusqu'ici, nous avons pu convaincre les tribunaux de résister à la tentation, si j'ose dire, de conclure qu'il y a effectivement double peine. C'est en partie parce que l'endroit où la personne est trouvée coupable et condamnée n'est pas le même que l'endroit où est rendue l'ordonnance d'expulsion. Le tribunal reconnaît la culpabilité du délinquant et lui impose une peine quelconque et le ministère de l'Immigration prononce l'ordonnance d'expulsion. On risquerait de se rapprocher davantage de la notion de la double peine si c'est la même personne qui impose la peine et déclare la personne coupable, et qui rend aussi l'ordonnance d'expulsion.

Enfin, il y a un autre aspect important à garder à l'esprit quand nous examinons le projet de loi C-237. À l'heure actuelle, la possibilité de contester une décision rendue par un arbitre en vue d'expulser un criminel du Canada est pour le moins très restreinte. Le meilleur exemple serait que, lorsqu'un arbitre ordonne le renvoi d'un résident non permanent, c'est-à-dire d'un touriste ou d'un immigrant illégal, qui a été déclaré coupable d'un crime grave pendant son séjour au Canada, la seule possibilité d'appel ou de recours pour cette personne consiste à demander un examen judiciaire à la Cour fédérale. Si je puis reprendre une expression de base-ball, la moyenne au bâton pour obtenir qu'un tel appel soit reçu par la Cour fédérale est très faible.

.1555

Par ailleurs, ce que laisse entendre le projet de loi C-237, c'est qu'il serait possible à la personne d'interjeter appel de la sentence prononcée et de l'ordonnance de renvoi si le juge l'avait prononcée. Or, voici ce que cela signifie, pour nous: la Cour fédérale ne pourrait plus être saisie des appels qui auraient été interjetés en vertu du projet de loi C-237 à la suite d'une ordonnance d'expulsion, tout simplement parce que la Cour fédérale n'a aucune compétence sur les juges provinciaux, si j'ose dire. Par conséquent, chaque fois qu'un juge prononcerait une ordonnance de renvoi, cela pourrait donner lieu à des appels qui seraient interjetés devant les tribunaux d'appel des diverses provinces.

Sans parler des délais supplémentaires que cela suppose pourrait entraîner, vous pourriez par conséquent faire l'objet de nouveaux critères ou d'une nouvelle jurisprudence qu'auraient établis les divers tribunaux d'appel. Il est donc possible de ne pas nécessairement atteindre des objectifs efficaces et réalisables, ce qui était assurément le but lorsque le projet de loi C-237 a été déposé.

Je m'en tiendrai à cela. Je pourrais vous parler aussi des documents de voyage et des renvois, mais j'en ai peut-être suffisamment dit. Je pourrais peut-être répondre aux questions des membres du comité. Au besoin, je préciserai avec plaisir certains des éléments que j'ai déjà mentionnés, et je pourrais en ajouter d'autres pour préciser ce qui se passe au moment du renvoi des individus.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Nunez.

[Français]

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Si je comprends bien, les fonctionnaires du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration sont plutôt réticents face à ce projet de loi C-237. Plusieurs objections ont été soulevées et vous les avez mentionnées. On s'oppose à la double punition et aux différents théâtres, au fait que ce sont les tribunaux ordinaires qui prendront les décisions dans un domaine très particulier comme celui de l'immigration, qui nécessite des compétences particulières. On devrait être plutôt réticent à ce qu'un juge d'un tribunal ordinaire assume cette responsabilité qui n'est pas habituellement la sienne.

Considérant tout ce que vous avez dit, croyez-vous que les lois actuelles et les instruments que vous avez à votre disposition vous permettent de combattre efficacement la criminalité parmi les immigrants, de les déporter et de les expulser si nécessaire, surtout après l'adoption du projet de loi C-44?

M. Bourget: Monsieur Nunez, il y a toujours place pour des améliorations.

[Traduction]

Même si le Parlement nous a donné récemment pas mal d'outils supplémentaires pour que nous puissions nous occuper des criminels dangereux, nous estimons qu'il est toujours nécessaire de garder en main les meilleurs outils qui soient. Mais lorsque je compare...

[Français]

ce que nous avons actuellement et ce qu'on propose, je m'inquiète que nous nous retrouvions dans un système qui exigera plus de temps et qui comportera des éléments de risque en termes d'incohérence dans les décisions.

.1600

[Traduction]

Monsieur Nunez, cela ne signifie pas qu'à compter de demain nous ne devrons pas, chercher à être plus efficaces et efficients avec les criminels étrangers. Je sais que nous pouvons l'être, mais je sais que notre efficacité dépend plus d'initiatives de gestion que de modifications législatives que l'on pourrait croire urgentes.

[Français]

M. Osvaldo Nunez: Vous savez que mon parti, le Bloc québécois, est sensibilisé au problème de la criminalité. Nous disons que l'État a le droit et l'obligation de protéger la population contre les criminels, qu'ils soient des immigrants ou des citoyens nés ici.

Le projet de loi C-237 permettrait également à un juge d'expulser les membres de la famille. Selon le projet de loi, l'expulsion est une peine, mais ici il n'existe pas de délit par association. Comment voyez-vous ce problème particulier que soulève le projet de loi C-237, qui condamne aussi à une peine les membres de la famille de la personne qui a commis un crime?

M. Bourget: Pendant assez longtemps, la Loi sur l'immigration a contenu des dispositions selon lesquelles un membre de la famille considéré comme personne à charge d'un individu faisant l'objet d'une ordonnance de renvoi pouvait aussi être visé par l'ordonnance de renvoi. La Loi sur l'immigration prévoit cette possibilité. Par contre, la Loi sur l'immigration permet aussi à une personne de démontrer qu'elle ne devrait pas être visée par l'ordonnance de renvoi prononcée contre le chef de la famille qui a été reconnu coupable d'un crime sérieux, par exemple. Est-ce que le projet de loi C-237 accorde une certaine discrétion ou est-ce un pouvoir ou une conséquence automatique? C'est ce qu'il faudrait examiner.

M. Osvaldo Nunez: Vous n'avez pas fait allusion à la Charte canadienne des droits et libertés. Il y a aussi des réserves à cet égard parce que les criminels seraient obligés de purger la totalité de leur peine. Ils ne seraient pas admissibles à une libération conditionnelle ou ne pourraient pas se prévaloir de la permission de sortir qui est prévue pour les citoyens d'ici. Ces criminels seraient privés de droits assez fondamentaux. Comment voyez-vous cet aspect de la question constitutionnelle? Est-ce une violation de la Charte canadienne des droits et libertés?

M. Bourget: Monsieur Nunez, il me fait plaisir de vous dire que je ne suis pas avocat. Je crois que votre comité a l'intention de convoquer des représentants du ministère de la Justice à témoigner devant lui. Les éléments que vous soulevez relativement à la Charte sont davantage reliés à la sentence: la personne aurait à purger un partie plus importante de sa sentence. Ce n'est donc pas un élément qui se rattache directement au programme ou à la Loi sur l'immigration.

[Traduction]

Le président: Veuillez nous excuser, mais étant donné qu'on nous appelle à la Chambre pour la mise aux voix du projet de loi C-82, en troisième lecture, je suis dans l'obligation de suspendre la séance. Dès que le vote sera terminé, nous la reprendrons.

.1604

.1638

Le président: Nous reprenons la séance.

Merci de votre patience. Heureusement, le vote s'est fait vite.

Monsieur Nunez, il vous reste un peu de temps.

[Français]

M. Osvaldo Nunez: Monsieur Bourget, vous avez fait un exposé et je ne sais pas si je peux vous demander si vous et votre ministère êtes contre ou pour ce projet de loi C-237. Je ne sais pas si vous avez le pouvoir de l'indiquer au comité ou de nous recommander d'adopter ou de rejeter ce projet de loi.

M. Bourget: Je vous remercie de me donner cette occasion, monsieur Nunez, mais je ne m'en prévaudrai pas. Je dirai simplement qu'en entendant mes propos, vous avez dû me sentir un peu déchiré, puisque nous sommes prêts à aller de l'avant et à utiliser les outils supplémentaires que le Parlement voudra bien nous donner, particulièrement pour traiter des dossiers des criminels et pour faciliter leur renvoi.

D'autre part, j'ose espérer avoir présenté aux membres de ce comité certaines inquiétudes, appréhensions et besoins. Je les invite à réfléchir davantage aux impacts du projet de loi C-237, particulièrement en ce qui concerne une ouverture accrue des mécanismes d'appel ou de recours.

M. Osvaldo Nunez: Je me souviens que vous étiez venu nous dire que vous étiez farouchement en faveur du projet de loi C-44. Êtes-vous en mesure de nous donner quelques indications sur le résultat de cette loi et de son application? Combien de criminels ont été déportés? La lutte contre la criminalité est-elle efficace ou pas?

M. Bourget: Comme je le mentionnais avant la suspension de la séance, il y a toujours place pour de l'amélioration. Les projets de loi C-86 et C-44 nous ont particulièrement permis d'avoir des outils qui, en général, nous permettent d'exercer nos responsabilités en matière de protection du public canadien contre les criminels de manière plus efficace. Le projet de loi C-44 ne fonctionnait pas indépendamment; il a fallu que le ministère mette en place des mécanismes, entre autres pour assurer une meilleure concertation avec les autorités policières et développer des stratégies visant directement le règlement du problème des criminels étrangers ici. Mais ce n'est pas terminé. Il nous reste encore des défis importants à relever.

.1640

[Traduction]

Le président: Merci. Madame Meredith.

Mme Val Meredith (Surrey - White Rock - South Langley, Réf.): Merci, monsieur le président. J'ai une question d'ordre général. Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration insiste-t-il beaucoup sur la mise en oeuvre des ordonnances d'expulsion lorsque l'individu en question est un criminel ou qu'il est entré illégalement au pays?

M. Bourget: Oui, madame Meredith. La direction générale de la mise en oeuvre des politiques au ministère, qui est également chargée des activités aux points d'entrée, des enquêtes et des audiences, a comme objectif prioritaire le renvoi d'un plus grand nombre d'individus indésirables, surtout des criminels. J'ajouterais que nous devons également accélérer le renvoi de tous ceux dont la demande du statut de réfugié a été refusée.

Mme Val Meredith: Il y a quelque chose qui me préoccupe. Je crois savoir que la GRC et le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ont signé un protocole d'entente au sujet de la confirmation des mandats, et que ce protocole d'entente transfère la responsabilité de la GRC au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il était convenu que le ministère de l'Immigration et de la Citoyenneté assurerait une permanence sept jours par semaine et 24 heures par jour pour vérifier les mandats non exécutés de telle sorte que si un agent de police interpellait quelqu'un, il serait possible de vérifier le mandat. Cela donne-t-il les résultats escomptés?

M. Bourget: Oui. Nous recevons des rapports hebdomadaires donnant le nombre d'appels reçus par les gens de ce bureau en provenance des différents corps policiers du Canada.

Je suppose que vous aimeriez également savoir ce qu'il en est, à l'heure actuelle, non pas du débat mais de l'évaluation de l'infrastructure que nous avons élaborée pour accomplir dans toute la mesure du possible nos fonctions de collaboration avec la GRC et les autres corps policiers du pays. À l'heure actuelle, nous n'avons pas l'intention de diminuer les services que nous offrons aux corps policiers, y compris la GRC. Il s'agit simplement d'évaluer si ce service pourrait être tout aussi efficace s'il était fourni à un coût moindre.

Mme Val Meredith: Certains semblent s'inquiéter de ce qu'il n'y a plus d'appui. Je crois savoir qu'on a fait un examen du CCMI après sa mise en place. Je crois également savoir que ce rapport a été réexaminé. Notre comité pourrait-il obtenir copie du rapport initial dans lequel on a fait la vérification du centre de confirmation des mandats? Nous aimerions que vous en mettiez un exemplaire à la disposition du comité.

M. Bourget: D'accord.

Mme Val Meredith: D'après ce que je sais, mes renseignements sont peut-être faux, il y a actuellement quelque 18 500 mandats inscrits au système du CIPC. Ce chiffre augmente de 1 000 chaque mois. Ces chiffres sont-ils exacts?

M. Bourget: Je sais que de nombreux mandats d'arrêt ont été délivrés par les services d'immigration. Je ne saurais vous en préciser le nombre aujourd'hui, mais je pourrai vous faire savoir plus tard si ces chiffres sont exacts.

Permettez-moi également d'expliquer la stratégie que nous adoptons au niveau de l'exécution. Dès que quelqu'un disparaît, qu'il s'agisse d'un criminel ou de quelqu'un sous le coup d'une ordonnance de renvoi, si cette personne a déménagé, nous prenons des mesures pour la retrouver. Mais au lieu de demander à nos enquêteurs d'essayer de trouver ces gens, ce qui exige beaucoup de ressources, nous croyons qu'il vaut mieux, dans le cas de certains criminels, inscrire leurs noms au centre d'information de la police. De cette façon, des milliers de policiers nous aident partout au pays à retrouver ces personnes. C'est pourquoi je ne suis ni surpris ni scandalisé par les chiffres que vous mentionnez.

Mme Val Meredith: Je crois savoir qu'il n'y a que six agents d'immigration qui travaillent à l'heure actuelle 24 heures par jour, 7 jours par semaine, au centre de confirmation des mandats. Compte tenu des chiffres qui ont été mentionnés, s'il y a une augmentation de 1 000 cas par mois, cela représente toute une charge de travail pour ces personnes qui doivent inscrire ces mandats au système du CIPC. Croyez-vous que ce soit suffisant, compte tenu de la demande?

.1645

M. Bourget: Madame Meredith, cela fait partie des éléments que l'on examine actuellement - c'est-à-dire que nous maintenons notre engagement à fournir les meilleurs services possibles aux autorités policières fédérales, provinciales ou municipales, que nous offrons ces services de façon efficace et que nous les offrons au plus bas coût possible, mais sans que cela nuise à notre objectif d'offrir de bons services.

Mme Val Meredith: Je crois savoir que vous avez signé un protocole d'entente avec la GRC pour maintenir le niveau de ces services. Pour retrouver et appréhender, si l'on veut, ces gens qui sont inscrits au système du CIPC et qui donc, je suppose, ont commis une infraction quelconque, soit sous le régime de la Loi sur l'immigration ou du Code criminel, si l'on veut exécuter l'ordonnance d'expulsion... Bien sûr, le fait d'être convoqué à une audience et de ne pas s'y présenter constitue une violation de la Loi sur l'immigration. Je crois qu'il faudrait insister sur cette fonction du mandat du ministère de l'Immigration.

M. Bourget: Premièrement, ces gens ne sont pas tous des criminels - évidemment, il y a une nuance - mais je conviens avec vous que si l'immigration décide de lancer un mandat contre quelqu'un, il est logique que nous disposions de l'infrastructure nécessaire au bon fonctionnement du système. C'est ce que nous faisons. À l'heure actuelle, nous examinons cette question des intrants, du nombre de cas qui doivent être traités et du type de services que nous offrons aux policiers sur demande. Nous n'avons pas l'intention de réduire le service que nous offrons actuellement.

Nous devons également faire attention aux ressources que nous consacrons à cette activité. Nous sommes fiers de nos réalisations à cet égard, et nous ne voulons pas perdre ce que nous avons accompli.

Mme Val Meredith: Vous dites qu'ils ne sont pas tous des criminels. Qu'entendez-vous par là?

M. Bourget: Comme je l'ai dit, il peut arriver que quelqu'un ait épuisé sans succès tous les recours du processus de détermination du statut de réfugié et doive être renvoyé. Cette personne peut décider d'entrer dans la clandestinité plutôt que de se prêter volontairement à son renvoi. Il est possible de délivrer un mandat d'arrêt contre cette personne.

Il y a également des milliers de gens qui ne sont pas des criminels, non plus que des gens dont la demande de statut de réfugié a été refusée, mais qui ont néanmoins enfreint la Loi sur l'immigration pour d'autres raisons. Nous essayons de les retrouver. Ils ont disparu. Certains font également l'objet d'un mandat d'arrêt.

Mme Val Meredith: Pourrais-je avoir une précision? D'après ce que je sais, toute personne qui entre au Canada illégalement, viole la Loi sur l'immigration et est de ce fait un criminel.

M. Bourget: C'est votre définition.

Mme Val Meredith: Il ne s'agit peut-être pas de criminels dangereux d'après le code criminel, mais s'ils violent la Loi sur l'immigration, ils enfreignent une loi fédérale et sont donc des criminels.

M. Bourget: Je comprends la nuance que vous apportez.

Mme Val Meredith: Merci.

Le président: Monsieur Wappel.

M. Tom Wappel (Scarborough-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.

L'une de ces personnes qui aurait dû être expulsée a été abattue à un coin de rue de mon bureau, il y a 10 jours.

Parlons du projet de loi C-237. Permettez-moi d'exprimer à ma façon ce que je comprends de votre témoignage. Vous êtes d'accord avec l'esprit du projet de loi, mais vous estimez avoir le devoir de signaler certains problèmes éventuels, comme par exemple la possibilité de double incrimination et l'augmentation de la nature et de la durée des appels.

M. Bourget: C'est exact. Il y a également la possibilité d'une double punition, qui s'ajoute à celle de la double incrimination. Vous avez donc tout à fait raison, monsieur Wappel.

M. Tom Wappel: D'accord.

Tout comme le ministère de l'Immigration, vous seriez d'accord, d'une façon générale, avec le but que vise l'article 2 du projet de loi, soit d'assurer le renvoi expéditif du Canada des criminels.

M. Bourget: C'est effectivement l'un de nos objectifs.

M. Tom Wappel: Eh bien, passons maintenant aux documents que vous nous avez remis. Si vous me le permettez, je vous donnerai un exemple précis, celui d'un immigrant reçu condamné à 15 ans d'emprisonnement pour vol à main armée. Selon les dispositions du projet de loi C-237, j'en déduis que le juge a reconnu cette personne coupable, l'a condamnée à 15 ans de détention pour vol à main armée, et, en application des articles idoines, a ordonné son expulsion.

D'après votre interprétation du projet de loi C-237, que se passe-t-il ensuite? La personne doit-elle purger ses 15 années d'emprisonnement ou est-elle expulsée? Mais pour commencer, comment interprétez-vous le projet de loi?

.1650

M. Bourget: Si l'on ne tient pas compte de certains autres éléments du projet de loi, la personne condamnée purgerait une partie de sa peine, on sait maintenant que ce serait le tiers environ, et puis, après cette période, elle pourrait être renvoyée du Canada; elle pourrait être expulsée.

M. Tom Wappel: Pourquoi dites-vous «pourrait»? D'après le projet de loi, le juge a rendu une ordonnance d'expulsion. Faisons abstraction des appels. Il s'agit dans mon exemple d'une personne qui purge cinq années d'une peine de 15 ans. D'après vous, cette personne pourrait-elle purger le tiers de sa peine? Comment doit-on interpréter ce paragraphe 32.1(8), alors: «annulation des libérations»? Je n'en suis pas certain.

M. Bourget: Il y a une différence ou une nuance, monsieur Wappel, selon que la personne fait l'objet d'une ordonnance de renvoi ou d'expulsion, qu'elle a purgé, mettons, un tiers de sa peine en détention et qu'elle est techniquement susceptible d'être renvoyée... qu'elle peut être renvoyée. C'est à ce niveau que je veux établir la nuance. Dans mon petit document, le renvoi figure en fin de liste. Au Canada, il y a bien de gens à l'égard desquels on a rendu de façon légitime et légale une ordonnance d'expulsion du Canada, mais que nous ne pouvons expulser. Cela s'explique entre autres par le fait que le pays, qui, à notre avis, a l'obligation de reprendre ce citoyen, sous le régime de traités internationaux, n'est pas prêt à recevoir cette personne ou à fournir les documents de voyage qui lui permettraient de retourner dans ce pays.

M. Tom Wappel: Je comprends cela. Monsieur Bourget, vos propos sont étonnamment nuancés pour quelqu'un qui n'est pas avocat.

Nommez-moi un pays où ce problème ne se pose pas. Nommez-en un.

M. Bourget: Les États-Unis.

M. Tom Wappel: D'accord. Supposons que, dans notre exemple, l'homme vienne des États-Unis et qu'il soit condamné à 15 ans pour vol à main armée. Selon les dispositions du projet de loi C-237, si un juge rend une ordonnance d'expulsion au moment où il détermine la peine, quand notre sujet sera-t-il expulsé, d'après vous?

M. Bourget: Eh bien, après que cette personne ait purgé la portion nécessaire de sa peine. Il pourrait s'agir d'un tiers.

M. Tom Wappel: Et ensuite, d'après vous, il serait expulsé? C'est le juge qui aurait pris la décision?

M. Bourget: C'est exact.

M. Tom Wappel: Ne tenez pas compte des appels.

M. Bourget: Oui.

M. Tom Wappel: D'accord. C'est donc le juge qui prend cette décision. Supposons que le criminel porte sa cause en appel. Le criminel interjette appel devant la Cour d'appel de la province en cause, en application des dispositions du Code criminel. Le criminel en appelle de sa condamnation, de sa peine et de l'ordonnance d'expulsion - pour rester dans le domaine des nuances. Tous ces appels sont entendus simultanément, n'est-ce pas?

M. Bourget: Oui, c'est possible.

M. Tom Wappel: Eh bien, supposons que ce soit le cas. La décision du tribunal pénal est portée devant le tribunal pénal d'appel pour aller ensuite théoriquement, jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui statue en droit et non en fonction des faits ou d'arguments constitutionnels.

Selon le régime actuel, que se produirait-il? Oublions l'existence du projet de loi C-237. Notre homme vient des États-Unis. Il est condamné à 15 ans de détention pour vol à main armée et en purge cinq. Que se produit-il ensuite?

M. Bourget: Premièrement, lorsque nous sommes informés de la condamnation et de la peine, comme je l'ai indiqué dans la deuxième partie de mon document, un rapport vient confirmer que, premièrement, cet homme n'est pas un citoyen canadien et qu'il peut par conséquent être renvoyé du Canada. Dans ce rapport, on confirme que cette personne peut être expulsée, mais on y examine également, dans le cas par exemple d'un résidant permanent, depuis combien de temps cette personne habite au Canada. Cet homme est-il arrivé à l'âge de deux ans?

M. Tom Wappel: N'entrons pas là-dedans, puisque le projet de loi s'applique aux personnes qui avaient au moins 16 ans lors de leur arrivée. Supposons que notre homme est ici depuis cinq ans. Évitons autant de nuances que possible pour nous attaquer à l'essentiel.

M. Bourget: D'accord. Supposons qu'une enquête soit ordonnée. Une enquête est donc faite, au pénitencier où la personne est détenue.

.1655

Notre homme étant un résidant permanent, s'il est reconnu coupable d'un crime grave, d'un crime suffisamment grave pour que le ministre délivre un certificat disant qu'il présente un danger pour le public, il n'aura pas accès à la section d'appel de l'Immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. S'il n'y a pas de certificat indiquant que cette personne est un danger public, l'arbitre examinera l'ordonnance d'expulsion - d'ailleurs, l'arbitre n'a pas le pouvoir discrétionnaire de délivrer ou non une ordonnance d'expulsion si l'accusé est reconnu coupable. La section d'appel de l'Immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié examine le caractère légal de l'ordonnance de renvoi, tel que celle-ci est rendue par l'arbitre, et cherche également à savoir s'il existe des «raisons équitables» de ne pas renvoyer cette personne du Canada.

M. Tom Wappel: Est-ce automatique?

M. Bourget: Oui. Également, la personne doit en appeler de la décision auprès de la section d'appel de l'Immigration.

M. Tom Wappel: Dans ce cas, quelle est la différence entre le fait d'en appeler de l'ordonnance d'un juge ou de réclamer un réexamen du rapport de l'arbitre?

M. Bourget: Sans vouloir entrer dans les détails, la première différence, par exemple, c'est que certains justiciables ne pourront pas se pourvoir devant la division d'appel de l'immigration si le ministre estime, comme je l'ai dit, qu'ils présentent un danger pour le public; alors que devant un tribunal, le juge ne considérerait pas comme recevable... et devrait prendre en considération...

M. Tom Wappel: Une telle décision prise par le ministre est-elle soumise à un examen judiciaire...

M. Bourget: À la Cour fédérale?

M. Tom Wappel: ... portant sur l'habeas corpus, par exemple?

M. Bourget: Le requérant peut demander un examen judiciaire.

M. Tom Wappel: À qui?

M. Bourget: Monsieur Tom Wappel, notre taux de succès en cas d'examen judiciaire devant la Cour fédérale a toujours été excellent dans ce genre d'affaires.

M. Tom Wappel: Et de quel genre d'affaires s'agit-il?

M. Bourget: Des personnes considérées comme présentant un danger pour le public, qui ont pu être impliquées dans des crimes de violence, dans le trafic de drogues ou l'importation de narcotiques - et dont le casier judiciaire présente précisément le genre de condamnations pénales visées par le projet de loi C-237.

M. Tom Wappel: Donc des personnes condamnées à 10 ans ou plus d'emprisonnement.

M. Bourget: Non, cela peut être 10 ans ou plus, mais il faut que la personne soit également considérée comme présentant un danger pour le public. Et je vais vous donner quelques exemples: le vol à main armée, le meurtre, le viol, les crimes avec violence et les crimes en matière de narcotiques ou de drogues.

Mais je vais continuer, si vous voulez bien.

M. Tom Wappel: Certainement.

M. Bourget: Le requérant se pourvoit devant la section d'appel de l'immigration qui peut décider, en l'absence de certificat, de confirmer l'ordonnance d'expulsion; elle peut se fonder sur l'équité pour l'autoriser à rester au Canada malgré l'ordonnance d'expulsion. La troisième décision que peut prendre la section d'appel de l'immigration est la suspension de l'expulsion pendant quelques années, ce qui permet de déterminer si le requérant va poursuivre ses activités criminelles ou s'il va se réhabiliter correctement.

Voilà pour la section d'appel de l'immigration. Après cela - et ce sera mon dernier élément - le requérant peut demander l'autorisation de se pourvoir en appel devant la Cour fédérale. Quelle différence y a-t-il donc entre la Cour fédérale et une cour d'appel provinciale? Ce que j'ai essayé d'indiquer dans mon exposé, c'est que les affaires d'immigration représentent au moins80 p. 100 de l'activité de la Cour fédérale. Elle est devenue experte en la matière et rend assez rapidement ses décisions concernant les autorisations d'appel. Le délai moyen au Canada est de quatre mois.

Même si la compétence des cours d'appel provinciales varie d'une province à l'autre, on aurait tort de la minimiser. Néanmoins, les cours d'appel provinciales ne sont pas expertes en immigration, et loin s'en faut. Leurs décisions ne sont pas nécessairement aussi conformes à la jurisprudence que celles de la Cour fédérale. Quelle formation, quelle information pourrions-nous fournir à une Cour d'appel provinciale, et que serait-elle prête à recevoir avant d'exercer ses responsabilités?

Vous m'excuserez de la longueur de ma réponse.

.1700

Le président: Merci beaucoup. Voilà qui met un terme à votre exposé et aux questions qui vous ont été adressées. Merci beaucoup de nous avoir soumis toute cette information et d'avoir apporté des précisions aux membres du comité.

Les témoins suivants viennent du ministère du Solliciteur général.

Je vous demanderais de vous présenter vous-même s'il vous plaît.

M. Arden Thurber (directeur général, Réinsertion sociale des détenus, Services correctionnels du Canada, ministère du Solliciteur général): Je m'appelle Arden Thurber, directeur général de la Réinsertion sociale des détenus aux Services correctionnels du Canada.

M. Richard Zubrycki (directeur général des Affaires correctionnelles, ministère du Solliciteur général): Je m'appelle Richard Zubrycki, directeur général des Affaires correctionnelles au secrétariat du Solliciteur général.

M. Robert Cormier (directeur, Politiques correctionnelles, ministère du Solliciteur général): Je m'appelle Robert Cormier, directeur des politiques correctionnelles au ministère du Solliciteur général.

Le président: Merci.

Est-ce que l'un d'entre vous va faire l'exposé?

M. Zubrycki: Si vous me le permettez, je vais faire quelques commentaires liminaires, puis vous pourrez nous poser des questions.

Le président: Très bien, merci. Allez-y.

M. Zubrycki: Pouvez-vous me dire, monsieur le président, si nous sommes pressés par le temps?

Le président: La sonnerie va nous appeler pour un vote à 17h30. Vous avez donc 10 minutes, peut-être un peu moins.

M. Zubrycki: D'accord.

Nous sommes ici essentiellement pour parler des éléments du projet de loi C-237 qui vont avoir une incidence sur la Loi sur le transfèrement des délinquants et sur le sort des contrevenants étrangers qui purgent une peine dans nos pénitenciers.

Je commencerai en disant quelques mots de la Loi sur le transfèrement des délinquants et sur ses objectifs. Cette loi, ou du moins les traités sur laquelle elle est fondée, ont fait leur apparition il y a environ 20 ans, en 1978, et ils avaient essentiellement des objectifs humanitaires. On a connu à cette époque un certain nombre d'affaires célèbres de Canadiens emprisonnés à l'étranger dans des conditions très sévères auxquelles ils n'étaient nullement habitués, privés de l'appui de leurs familles et de leurs amis, à des milliers de kilomètres de la collectivité qu'ils allaient devoir réintégrer un jour.

Nous avons commencé à négocier des traités avec différents États pour permettre à ces Canadiens de revenir dans leur pays. Il s'agissait évidemment de traités réciproques, qui devaient également permettre aux délinquants étrangers de regagner leur pays pour les mêmes raisons. Ces traités avaient aussi d'autres objectifs, notamment celui d'empêcher tout condamné d'échapper à la peine prononcée contre lui, et c'est là l'objet même de la Loi sur le transfèrement des délinquants. Les traités et la loi prévoient que lorsqu'un délinquant étranger est transféré dans son pays de citoyenneté, il emporte sa sentence avec lui. Il doit purger sa peine dans son pays de citoyenneté, sous l'autorité de ce pays.

L'autre principe de la loi, c'est que le Canada ne doit pas devenir un refuge pour les délinquants étrangers. On ne veut donc pas qu'un délinquant échappe à sa sentence s'il est expulsé immédiatement après avoir commis une infraction au Canada. Les traités et la loi exigent donc qu'il purge ici même une partie de sa sentence. Si la sentence n'accompagne pas le transfèrement, le délinquant doit en purger une partie avant de pouvoir être expulsé.

Finalement, le législateur s'est préoccupé de la sécurité publique. Aux termes de la loi, les Canadiens reviennent au Canada et peuvent être remis progressivement en liberté dans leur collectivité sous certaines conditions de contrôle et de surveillance de façon qu'ils puissent se réhabiliter et respecter la loi.

À cause de la nature humanitaire de leurs objectifs, ces traités sont tous volontaires. Ils exigent le consentement du délinquant, du pays qui l'expulse et de celui qui l'accueille. En effet, il faut que le délinquant demande à regagner son pays.

Au niveau international, cet élément de consentement est considéré comme essentiel; il garantit qu'aucun délinquant ne peut être contraint d'accepter un transfèrement ou être soumis à des pressions excessives pour l'accepter.

.1705

Aujourd'hui, nous avons des traités de ce type avec une cinquantaine de pays ou d'États dépendants. Il existe trois traités multilatéraux et huit traités unilatéraux. Tous ces traités exigent le consentement des trois parties. À notre connaissance, c'est toujours la norme internationale. Cette question a été remise à l'étude par le Conseil de l'Europe avec lequel nous avons une convention multilatérale, et le Conseil n'a accordé pratiquement aucun appui à une demande de modification qui comportait l'abandon de l'exigence du consentement du délinquant.

Comme je l'ai dit, ce consentement n'équivaut cependant pas à un droit de veto. Si un délinquant étranger est condamné au Canada, qu'il purge une partie de sa peine, mais qu'il ne demande pas à être transféré dans son pays d'origine, il peut être expulsé en vertu d'une ordonnance d'expulsion une fois qu'il peut bénéficier de la libération conditionnelle, c'est-à-dire quand il a purgé un tiers ou la moitié de sa sentence, ou après 25 ans d'emprisonnement dans le cas d'une condamnation à perpétuité.

Dans certains cas, comme on l'a déjà signalé, il n'est pas possible d'expulser un délinquant, qui reste alors au Canada pendant une période prolongée. Parfois, il purge même l'intégralité de sa sentence au Canada. On se demande alors ce qu'il faut en faire. Dans la plupart des cas de ce genre, l'exécution de l'ordonnance d'expulsion se heurte à des difficultés ou à des problèmes. Le ministère de l'Immigration pourrait vous en parler mieux que moi.

Lorsque l'expulsion ne peut avoir lieu, les autorités canadiennes ont à décider du sort du délinquant. S'il présente un danger ou qu'il risque de s'enfuir, on peut sans doute l'envoyer dans un centre de surveillance de l'immigration, mais s'il doit regagner la collectivité, nous estimons qu'il est préférable de le remettre en liberté de façon progressive dans le cadre normal du système de libération conditionnelle.

Je voudrais signaler certains sujets qui nous posent des problèmes. L'article 3 propose d'ajouter un nouveau paragraphe 8 à l'article 32.1 de la Loi sur l'immigration. Cette disposition supprime toute possibilité de mise en liberté sous condition pour un délinquant qui se trouve dans un établissement pénitencier au moment du prononcé d'une ordonnance d'expulsion. Cette disposition nous semble trop rigide étant donné la diversité des situations particulières dans lesquelles se trouvent de tels délinquants.

En vertu d'une disposition actuelle de la Loi sur l'immigration, une ordonnance d'expulsion peut nous empêcher d'accorder quelque forme de libération conditionnelle que ce soit à un détenu, mais si le ministère de l'Immigration reconnaît qu'il n'est pas nécessaire de le garder en détention et si, de l'avis de la Commission des libérations conditionnelles, il ne présente pas de risques inacceptables pour le public, il peut actuellement être libéré. Nous estimons que cette possibilité doit être préservée.

J'ai déjà parlé du consentement des trois parties. Le projet de loi propose l'abandon de l'exigence du consentement; ainsi, un tribunal pourra ordonner l'expulsion d'une personne, selon des modalités comparables à celles de la Loi sur le transfèrement des délinquants, et la personne pourrait être transférée avec sa sentence dans un pays qui accepte le transfèrement et qui y consent.

Actuellement, je le répète, nous avons des traités avec une cinquantaine de pays, dont aucun ne semble intéressé par un régime de tansfèrement obligatoire.

Évidemment, nos établissements abritent de nombreux délinquants originaires de pays avec lesquels nous n'avons pas de traité. Sur l'ensemble de la population pénitentiaire étrangère, soit environ 1 100 détenus, 300 viennent de 30 pays avec lesquels nous avons un traité, mais tous les autres viennent de pays avec lesquels nous n'en avons pas.

Ces pays, qui ne sont pas intéressés par les traités du genre de ceux que nous avons signés, n'accepteront sans doute pas qu'on les oblige à accueillir leurs ressortissants délinquants, et nous sommes à peu près certains que les pays avec lesquels nous avons des traités s'y opposeront également. Nous pensons même que ces pays risquent de considérer une telle éventualité comme une offense. Si nous essayons de modifier un traité, nous risquons de susciter la méfiance du pays cosignataire et de remettre ainsi en cause l'existence même du traité.

.1710

En vertu d'une autre disposition de la loi, lorsqu'un détenu est transféré sans son consentement dans un pays d'accueil qui a consenti au transfèrement, ce pays doit avoir un régime de mise en liberté conditionnelle semblable à celui du Canada. Le degré de similitude entre les deux régimes est question d'évaluation, mais je peux affirmer qu'il est très rare de trouver un régime de libération conditionnelle qui ressemble de près à celui du Canada, notamment en ce qui concerne les périodes d'admissibilité à la libération conditionnelle et le niveau de surveillance. Je pense donc qu'il serait difficile de trouver des États qui répondent à cette exigence.

Voilà les éléments du projet de loi qui nous semblent problématiques. Nous pouvons revenir sur ces éléments, ou répondre aux questions des députés sur d'autres sujets.

Le président: Merci beaucoup. Compte tenu du temps qu'il nous reste, nous allons accorder six minutes à chaque parti. Monsieur Nunez.

[Français]

M. Osvaldo Nunez: Je formulerai à nouveau l'observation que j'ai faite plus tôt. Je ne sais pas si vous êtes pour ou contre ce projet de loi, non plus que ce que vous recommandez à ce comité. J'ai noté que vous avez plusieurs objections.

Comme porte-parole de l'opposition en matière de citoyenneté et d'immigration, je reçois souvent des appels ou des gens qui viennent me rencontrer concernant des Canadiens qui purgent une peine à l'étranger. Parfois ils se plaignent de ce que le consul canadien ne les assiste pas. Ils sont dans de mauvaises conditions, parfois la procédure n'a pas été correcte, etc. Combien de Canadiens purgent des peines à l'étranger?

[Traduction]

M. Zubrycki: Ce sont des chiffres que nous recevrions du ministère des Affaires étrangères. Ses missions à l'étranger seraient en contact avec les Canadiens qui purgent des peines dans d'autres pays. Nous recevons des rapports périodiques même s'ils ne sont pas très très précis. M. Thurber cherche justement ce chiffre.

M. Thurber: À ma connaissance, il y a actuellement 1 669 Canadiens qui sont dans des prisons à l'étranger. Ils ne sont pas tous dans des pays avec lesquels nous avons conclu des ententes.

M. Osvaldo Nunez: Pouvez-vous nous mentionner certains de ces pays? J'en connais certains, par exemple le Brésil, le Mexique, le Venezuela et la Colombie.

M. Thurber: C'est une très longue liste, qui va de...

M. Osvaldo Nunez: Mentionnez-nous simplement les principaux pays.

M. Thurber: Par exemple, nous savons que 11 Canadiens sont en prison en Autriche; 23 en France; 26 en Allemagne; 26 en Italie; 29 au Mexique; 16 aux Pays-Bas; 12 en Pologne; 13 en Espagne, 13 en Suisse; 17 en Thaïlande, et enfin et c'est le chiffre le plus élevé, 1 223 aux États-Unis.

M. Osvaldo Nunez: Combien y a-t-il de détenus canadiens en Amérique latine?

M. Thurber: Je n'ai pas une ventilation des données par continent, simplement par pays.

M. Osvaldo Nunez: N'avez-vous pas conclu des ententes avec des pays d'Amérique latine?

M. Thurber: Nous avons conclu des ententes avec certains pays dans cette région, mais pas avec tous. Nous avons des ententes bilatérales avec la Bolivie, le Mexique et le Pérou, et d'autres ententes avec le Venezuela ainsi que certains pays des Caraïbes.

[Français]

M. Osvaldo Nunez: Combien de ces personnes peuvent revenir au Canada et, en général, quelles sortes de délits ont-elles commis?

.1715

[Traduction]

M. Thurber: Je suis désolé, mais je n'ai pas la liste des infractions commises, mais je crois que l'on peut dire que ces activités représentent sans aucun doute toute la gamme des infractions criminelles.

Pour ce qui est des délais de traitement d'une demande, si c'est ce que vous voulez savoir, une fois que le délinquant a présenté une demande dans le pays où il est incarcéré, et que ce pays a accordé son approbation préliminaire et fait parvenir les documents pertinents au Canada, il faut entre six et neuf mois pour procéder à l'enquête, obtenir l'approbation au Canada, et renvoyer les renseignements au pays où cette personne est incarcérée. Puis, il faut habituellement peu de temps, entre deux ou trois mois, pour qu'on puisse procéder au transfèrement du délinquant.

M. Osvaldo Nunez: Comment cela coûte-t-il?

M. Thurber: Tout le processus? Les services correctionnels du Canada affectent trois personnes à ce secteur. Cela nous coûte environ 200 000$ pour le traitement des renseignements. Il s'agit du montant que cela coûte aux Services correctionnels du Canada. Évidemment les Affaires étrangères et les bureaux consulaires ont également un rôle à jouer, et encourent donc certains coûts.

M. Osvaldo Nunez: Qui paie le billet pour le transfèrement du délinquant?

M. Thurber: Le transfèrement au Canada d'un citoyen canadien est un coût qui est assumé par le gouvernement du Canada?

M. Osvaldo Nunez: Savez-vous environ combien ça nous coûte?

M. Thurber: Je n'ai pas ce chiffre, mais je pourrai vous le fournir plus tard.

[Français]

M. Osvaldo Nunez: Est-ce que vous êtes en train de négocier d'autres traités avec d'autres pays?

[Traduction]

M. Zubrycki: Oui. Je crois que le pays avec lequel nous avons des discussions les plus sérieuses en ce moment c'est l'Inde, mais les négociations ne sont pas encore terminées. Dans certains cas des discussions sont amorcées, sont interrompues et reprennent plus tard. Parfois les négociations accélèrent en raison d'un dossier particulier ce qui motive en quelque sorte les négociateurs. Nous sommes sur le point de conclure une entente avec l'Inde.

Le président: Madame Meredith.

Mme Val Meredith: J'aimerais en savoir plus long sur le nombre de délinquants étrangers au Canada. Je crois que vous avez dit que 300 d'entre eux venaient de 33 États mais que 600 d'entre eux venaient de pays avec lesquels nous n'avons pas conclu d'entente ou de traité. Ce chiffre change-t-il d'année en année ou s'agit-il d'une situation qui évolue peu.

M. Zubrycki: Je ne sais pas si les choses ont vraiment changé. M. Thurber le sait peut-être.

M. Thurber: La ventilation change un peu d'année en année parce que de nouvelles personnes sont incarcérées, d'autres finissent de purger leur peine ou certaines font l'objet d'un transfèrement au Canada; ainsi la répartition entre les pays avec lesquels nous avons une entente et les autres pays change d'année en année. Je peux simplement vous dire que depuis trois ou quatre ans il y a eu une baisse du nombre de délinquants étrangers au Canada. Il y en a environ 200.

Mme Val Meredith: Les chiffres que vous nous citez portent sur le nombre de délinquants étrangers au Canada.

M. Thurber: C'est exact.

Mme Val Meredith: Ainsi, vous dites que deux fois plus de délinquants étrangers viennent de pays avec lesquels nous n'avons pas signé de traités.

M. Thurber: C'est exact.

Mme Val Meredith: Ainsi, même si nous adoptions le projet de loi C-237 ou le projet de loi C-44, il serait pratiquement impossible d'assurer le renvoi de 600 détenus.

M. Zubrycki: Tous ces détenus pourraient être renvoyés, mais lorsqu'un délinquant est expulsé, il retourne dans son pays d'origine comme personne non condamnée. Le détenu qui fait l'objet d'un transfèrement devient libre.

D'après le Canada, si un délinquant est expulsé d'un autre pays et revient au Canada, il n'a plus à purger de peine. En fait cette personne n'a pas de casier judiciaire au Canada. Même si cela coûte quelque chose au Canada, nous préférerions, pour des fins de sécurité publique et des raisons humanitaires, que ces détenus reviennent comme délinquants condamnés, qu'ils finissent de purger leur peine et qu'ils soient réintégrés de façon progressive et contrôlée à la société.

.1720

Mme Val Meredith: Le problème n'est donc pas que vous ne pouvez pas les expulser. Ils peuvent l'être, dans la mesure où le service de l'immigration est prêt à prendre les mesures nécessaires. Cependant ces détenus ne seront pas tenus de finir de purger leur peine dans l'autre pays.

M. Zubrycki: C'est exact.

Mme Val Meredith: C'est simplement ce dont nous parlons quand nous nous servons de ces chiffres.

La majorité des délinquants étrangers qui ont été condamnés à des peines de 10 ans ou plus sont-ils expulsés lorsqu'ils sont libérés pour la première fois après avoir purgé un tiers ou deux tiers de leur peine? Avez-vous constaté que cela se produisait? Suivez-vous ce dossier?

M. Thurber: Non, nous n'avons pas suivi ce genre de situation. Je ne peux pas vraiment vous répondre.

Mme Val Meredith: Vous vous intéressez aux délinquants étrangers seulement jusqu'au moment de leur libération du pénitencier; à partir de ce moment-là, le ministère de l'Immigration s'occupe d'eux, des ordonnances d'expulsion, et s'assure qu'on suit bien la procédure d'appel dont on a parlé plus tôt.

M. Thurber: C'est exact.

M. Zubrycki: Ils seront expulsés en fait dès qu'ils seront admissibles à une libération conditionnelle. Ils devront donc avoir purgé une peine minimale avant d'être admissibles. Il s'agit habituellement d'un tiers de la peine. Puis, s'il y a une ordonnance de renvoi, ils peuvent alors être expulsés. Leur peine canadienne est présumée avoir pris fin, et ils sont expulsés. S'ils reviennent au Canada, ils devront continuer à purger leur peine.

Mme Val Meredith: Incombe-t-il au Bureau du solliciteur général de signaler à Immigration Canada la date d'admissibilité à la libération conditionnelle de ces détenus étrangers? Est-ce le ministère de l'Immigration qui doit se tenir au fait de la situation?

M. Thurber: Nous nous occupons de la question en collaboration avec le ministère de l'Immigration. Nos services d'information automatisés sont reliés, et ils sont donc mis au courant lorsqu'un contrevenant pourrait peut-être faire l'objet d'une ordonnance d'expulsion; le bureau du directeur général prend alors les mesures qui s'imposent.

Lorsqu'une décision a été prise, impliquant la délivrance d'une ordonnance d'expulsion contre une personne dont nous avons la garde, le ministère du solliciteur général nous le fait savoir. Un signal apparaît dans notre système d'information pour que nous sachions que cet individu fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion. Ainsi ce dernier n'est pas admissible à quelque type d'absence ou de libération que ce soit jusqu'à ce qu'il devienne admissible à la libération conditionnelle totale.

Mme Val Meredith: Avez-vous conclu des ententes bilatérales avec des pays comme les États-Unis de telle sorte que si un détenu s'évade d'un de leurs pénitenciers et vient au Canada, il sera renvoyé dans ce pays. Et vice-versa? Si quelqu'un s'évade d'un pénitencier canadien, et se rend aux États-Unis, les autorités américaines le renvoient-il au pénitencier canadien?

M. Zubrycki: La question n'est pas vraiment abordée dans cette mesure législative, mais il existe après tout une loi sur les criminels fugitifs qui prévoit le retour des fugitifs. Évidemment, il y a également la procédure d'extradition, qui assure que les délinquants qui viennent au Canada d'un autre pays, ou même les Canadiens qui ont commis une infraction à l'étranger, peuvent être renvoyés dans ce pays pour être traduits devant les tribunaux.

Le président: Monsieur Wappel.

M. Tom Wappel: Si j'ai bien compris, ce projet de loi porte sur deux grandes questions. Tout d'abord il permet au juge qui impose la peine d'ordonner l'expulsion. Il porte également sur la Loi sur le transfèrement des détenus.

Je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur l'alinéa 20.1(6), quand vous avez signalé qu'il serait très difficile de trouver beaucoup de pays dont le système est semblable ou, si je peux le dire, aussi généreux que le nôtre à l'égard du délinquant. C'est pourquoi cette disposition m'inquiète un peu.

Je ne comprends pas vraiment ce à quoi vous voulez en venir en ce qui a trait au consentement - vous avez dit qu'il n'y a pas de droit de veto - parce qu'il serait ridicule de dire qu'un délinquant ne peut pas être expulsé s'il n'est pas d'accord. Ce serait de la folie furieuse. Personne n'oserait proposer quelque chose du genre.

.1725

Mais que pensez-vous du consentement en ce qui a trait à ce projet de loi? Je n'ai pas vraiment bien compris. Le seul endroit où l'on parle de consentement dans cette mesure législative c'est lorsqu'on parle du consentement d'un État étranger. Vous avez parlé des problèmes qui entourent les traités. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails?

M. Zubrycki: Si j'ai bien compris, ce projet de loi combinerait la procédure d'expulsion avec la procédure de transfèrement des délinquants. Ainsi un juge pourrait ordonner l'expulsion d'un délinquant qui serait tenu de finir de purger sa peine dans l'État étranger. Cela serait exceptionnel. Dans l'ensemble, nous croyons que la majorité des pays avec lesquels nous avons conclu des traités n'accepteraient pas ce genre de procédure.

M. Tom Wappel: Mais la question n'est-elle pas réglée à l'alinéa 20.1(3) de la Loi sur le transfèrement des délinquants parce qu'on y dit qu'il faut obtenir le consentement de l'État étranger?

M. Zubrycki: C'est exact.

M. Tom Wappel: Alors pourquoi vous inquiéter? S'il faut le consentement de l'État étranger, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il appartient à cet État de décider.

M. Zubrycki: La seule façon de découvrir si l'État étranger accepterait serait de communiquer avec tous les pays avec lesquels nous avons signé des traités et les autres et de leur demander s'ils seraient disposés à modifier les traités actuels ou à conclure de nouveaux traités, des traités réciproques peu importe, qui seraient fondés sur des normes bien différentes de celles qu'on a utilisées par le passé.

M. Tom Wappel: Pourquoi? Pourquoi ne pas simplement dire à l'État étranger, nous aimerions expulser ce particulier, êtes-vous prêt à l'accueillir?

M. Zubrycki: Si c'est une expulsion ordinaire, évidemment c'est la façon dont nous procédons maintenant.

M. Tom Wappel: C'est ça.

M. Zubrycki: Mais s'il faut demander à l'État étranger d'administrer la peine canadienne, il faudrait dans la plupart des cas que cet État adopte une loi en ce sens.

M. Tom Wappel: Je comprends. Et je comprends votre point de vue sur l'article proposé 20.1(6). Si c'est article 20.1(6) était supprimé du projet de loi, je soupçonne que vos objections concernant les problèmes de traités avec les autres pays se trouveraient éliminés, puisque nous ne cherchons pas à imposer une méthode extraterritoriale dans nos contacts avec les contrevenants.

M. Zubrycki: C'est exact, oui.

M. Tom Wappel: Donc, l'article proposé 20.1(6) est celui dont vous parlez concernant le consentement, et si cet article était supprimé, votre objection tomberait.

Je vais vous poser la même question que j'ai posée à M. Bourget: supposons pour le moment que l'article 20.1(6) soit supprimé, êtes-vous généralement d'accord avec l'objet du projet de loi?

M. Zubrycki: Au début, j'ai expliqué les principes essentiels du programme de transfèrement des contrevenants. Dans la mesure où ces principes sont appliqués de façon uniforme, ce n'est pas vraiment à moi à faire des observations sur d'autres aspects du projet de loi. Selon notre point de vue, nous voulons nous assurer que les Canadiens peuvent être renvoyés chez eux, que nous collaborons avec d'autres pays, que nous protégeons la sécurité publique, et que le programme est humanitaire. Nous n'avons certes aucun intérêt à garder ici les délinquants étrangers dans notre système plus longtemps que nécessaire pour démontrer qu'ils ne peuvent pas échapper à la punition. Dans ce sens-là, je dirais qu'au niveau des hauts fonctionnaires, nous sommes en faveur du projet de loi. Je ne pourrais vraiment vous donner mon opinion sur tous les aspects du projet de loi.

M. Tom Wappel: Je comprends.

Voici ma dernière question. Quelle est votre interprétation de l'article proposé 32.1(8) de la Loi sur l'immigration? L'avez-vous lu? Je posais la question à M. Bourget, eh bien sûr je n'aurais pas dû lui poser cette question puisqu'il est à l'immigration. J'aurais dû vous la poser parce que vous travaillez pour le Service correctionnel, et c'est de cela qu'il s'agit.

M. Zubrycki: Je crois comprendre que tant que l'ordonnance d'expulsion est en vigueur, la personne détenue par le Canada ne serait admissible à aucune forme de libération conditionnelle sauf pour les absences temporaires pour raison médicale avec un agent accompagnateur.

M. Tom Wappel: Y compris l'admissibilité à la libération conditionnelle après avoir purgé un tiers de la peine.

M. Zubrycki: Oui.

M. Tom Wappel: C'est mon interprétation également. Selon le libellé de cet article, tout le monde doit purger sa peine au complet et ensuite être expulsé dans tous les cas. On parle même de libération statutaire, ce qui représente deux tiers de la peine, n'est-ce pas?

M. Zubrycki: Oui, mais s'ils étaient expulsés, normalement ils le seraient beaucoup plus tôt que cela. Ils seraient expulsés dès qu'ils sont admissibles à la libération conditionnelle.

M Tom Wappel: Je suis d'accord. Je vous demande simplement qu'elle est votre interprétation de l'article 32.1(8). Est-ce que votre interprétation est la même que la mienne, c'est-à-dire, que la personne doit purger sa peine au complet?

.1730

M. Zubrycki: Oui, mais j'ajouterais «et ensuite placée sous la responsabilité des autorités de l'immigration.» Or, ils seraient expulsés ou placés dans un centre de surveillance ou retournés dans la communauté, si telle était leur décision.

M. Tom Wappel: Exactement, tandis que s'ils purgeaient disons un tiers de leur peine et étaient ensuite expulsés, comme vous avez dit à Mme Meredith, ils sont tout à fait libres: ils n'ont aucune libération conditionnelle, aucune condition qu'ils doivent respecter, personne à qui ils doivent rendre des comptes. Ils ont purgé un tiers de leur peine et ils rentrent chez eux, et n'ont en fait aucun casier judiciaire dans leur pays, comme vous l'avez signalé, ce qui serait le contraire au Canada. Je pense que l'invention ici est de s'assurer qu'ils purgent leur peine avant d'être expulsés. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Thurber: Votre interprétation est peut-être entièrement exacte. Je n'ai pas de formation de juriste, mais d'après moi, il serait possible d'interpréter cela comme étant une disposition qui garderait la personne en détention jusqu'à ce que les mesures d'expulsion puissent être exécutées...

M. Tom Wappel: Oui, c'est exact.

M. Thurber: ... plutôt que de l'obliger à rester ici pendant toute la durée de sa peine pour ensuite être expulsée. En lisant ce paragraphe, je vois les deux interprétations possibles.

M. Tom Wappel: Oui. Alors monsieur Thurber, il est clair que si ce que vous dites est vrai, le libellé devrait simplement dire qu'ils ne devraient être libérés en vertu d'aucun programme. Même s'ils pouvaient y être admissibles, ils ne devraient pas être libérés sauf à des fins d'expulsion. Je pense que c'est là où ils veulent en venir.

M. Thurber: Je crois qu'il est extrêmement important que cette signification soit très claire.

M. Tom Wappel: Absolument. Merci.

Le président: Madame Minna.

Mme Maria Minna (Beaches - Woodbine, Lib.): Je voudrais simplement un éclaircissement quant aux chiffres. Plus tôt, nous avons parlé de 1 100 personnes dans le système. Lorsque nous n'avons pas d'entente avec certains pays, nous n'avons pas d'ententes réciproques... Pour ce qui est des pays avec lesquels nous avons des ententes réciproques, est-ce qu'on inclut toujours la personne qui purge la peine une fois qu'elle entre dans son pays? Donc le contrevenant emporte la peine avec lui dans tous ces cas-là.

M. Zubrycki: C'est exact.

Mme Maria Minna: D'accord. Je voulais tout simplement que ce soit clair. Alors les autres sont des pays où nous pouvons expulser une personne mais elle purge la peine ici parce que ces pays l'exécuteront.

M. Zubrycki: Oui.

Le président: Messieurs, merci beaucoup pour votre comparution ici aujourd'hui. Vos renseignements étaient fort utiles.

La séance est levée.

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