[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mars 1997
[Traduction]
Le président (M. Stan Dromisky (Thunder Bay - Atikokan, Lib.)): J'invite les membres du comité à prendre place. La séance va débuter.
Nous allons poursuivre l'étude de la politique de Citoyenneté et Immigration Canada concernant les travailleurs étrangers.
Cet après-midi, nous avons le grand plaisir d'accueillir M. Paul Swinwood, président du Conseil des ressources humaines de logiciel.
M. Paul Swinwood (président, Conseil des ressources humaines de logiciel): Monsieur le président, j'ai une requête à formuler. J'aurais besoin d'un rétroprojecteur pour présenter quelques diapositives. Cela aiderait à planter le décor.
Le président: Très bien.
Je vous remercie également d'être venue, madame Robyn Gordon.
Mme Robyn Gordon (gestionnaire de projet, Communications, Conseil des ressources humaines de logiciel): Merci.
M. Swinwood: Permettez-moi de situer le contexte pour être en mesure d'expliquer ce que nous essayons de faire ici. Il y a eu un exposé sur un projet pilote concernant l'industrie du logiciel et les efforts que vous avons faits pour faciliter l'immigration. Différentes personnes m'ont adressé des questions ces derniers jours. Elles se demandent pourquoi nous en sommes là. Je vais essayer d'exposer le problème des pénuries de main-d'oeuvre et de chercher des solutions.
L'exposé que je vais vous présenter n'a pas été conçu expressément pour le comité. Il fait partie d'un exposé que j'ai donné d'un bout à l'autre du Canada avec mes associés de l'industrie.
Nous voulons vous entretenir du problème de pénurie de main- d'oeuvre qui se pose dans le secteur du logiciel au Canada et des divers secteurs où nous essayons d'atténuer cette pénurie. Il y a des problèmes dans beaucoup de secteurs, dont celui des systèmes d'information de gestion et celui de l'an 2000, que certains d'entre vous connaissent certainement.
Lorsque nous étions plus jeunes, nous qui sommes aujourd'hui des travailleurs plus mûrs du secteur du logiciel, nous avons été à l'origine d'un petit problème dans certains systèmes. Nous n'avons pas prévu assez de chiffres pour tenir compte du passage à l'an 2000. Il se pose donc un petit problème dans vos systèmes bancaires, dans vos systèmes de contrôle de la circulation aérienne et dans quelques autres systèmes que nous avons mis en place.
La leçon à tirer de tout cela, c'est qu'il vaudra mieux s'abstenir de voler, le vendredi soir31 décembre 1999. Il vaudrait mieux attendre au lendemain, au cas où.
Le secteur des logiciels intégrés est celui qui connaît en ce moment une véritable explosion, avec un taux moyen de croissance de 26 p. 100. Ces logiciels se retrouvent par exemple dans votre four à micro-ondes. Je ne vais pas vous effrayer en vous parlant de ce qui s'annonce dans les nouveaux réfrigérateurs, les voitures ou les systèmes téléphoniques. Ces logiciels ne se voient pas, mais ils sont là, bien cachés. Cette évolution, nos systèmes d'enseignement ont du mal à la suivre, tout comme la culture d'entreprise a du mal à s'y adapter, en ce qui concerne la formation. Il y a des besoins en recyclage, et les ressources humaines peuvent se déplacer dans le monde entier. Le secteur de la technologie de l'information est un secteur mondialisé. Il n'est pas limité à Ottawa, pas plus qu'à Fredericton, à l'île de Vancouver ou à Victoria. Nous faisons partie d'un secteur d'activité qui s'étend au monde entier.
Essayons de situer le problème. Pourquoi le Conseil des ressources humaines de logiciel s'inquiète-t-il? Notre organisme a été mis sur pied il y a quatre ou cinq ans pour veiller à ce que le secteur ait la main-d'oeuvre qu'il lui faut, et à ce que cette main-d'oeuvre soit dotée des compétences dont les employeurs ont besoin pour réussir sur le marché mondial.
De quoi s'agit-il ici? Il y a quelque chose qu'il ne faut pas me laisser perdre de vue: les travailleurs, dans mon secteur d'activité, doivent être déterminés à apprendre pendant toute leur vie. J'emploie souvent l'image d'un tabouret à quatre pieds. S'il manque un des quatre pieds, la chute est inévitable. Nous avons au Canada des codeurs et des programmeurs en informatique qui sont au chômage. Je le reconnais. Mais si le tabouret a ses quatre pieds, nous pouvons faire beaucoup pour leur retrouver des emplois.
Pourquoi est-ce que je viens témoigner devant le comité? Le Conseil des ressources humaines en logiciel est actif dans ces domaines: l'information sur le marché du travail et le recyclage. Nous collaborons déjà avec l'industrie, avec les milieux de l'enseignement et les administrations fédérale, provinciales et municipales pour assurer le recyclage des travailleurs. Nous sommes actifs dans ce domaine. J'ai des sociétés comme IBM, Corel et Microsoft qui collaborent au même projet. Vous pourriez essayer cela un jour, vous qui avez vu la publicité que ces sociétés ont faite les unes contre les autres. J'ai des universités et des collèges qui collaborent. Nous travaillons au recyclage dans le secteur de la technologie de l'information depuis St. John's, à Terre-Neuve, jusqu'à Victoria et dans toutes les villes qui se trouvent entre les deux.
Il y a le profil des compétences, la promotion, la mobilité; la solution partielle qu'est l'immigration n'est qu'un élément parmi bien d'autres. Vous connaissez les données statistiques sur la croissance de l'industrie; il en a été question aux informations d'hier soir. Il est donc inutile de multiplier les statistiques. Permettez-moi plutôt de vous parler de quelques-unes de nos initiatives.
Nous avons défini le rôle de l'industrie dans la révolution des ressources humaines. Le partenariat en éducation fait partie de ce rôle. Je dis souvent ces jours-ci qu'il faut coopérer ou périr. Si l'industrie ne s'allie pas aux milieux de l'éducation pour coopérer en matière de formation - je parle d'éducation et de formation, qui sont deux choses différentes - , nous aurons de graves problèmes.
Le partenariat en formation. La plupart des logiciels ont de nos jours un cycle de 18 mois. Cela veut dire que, au bout de 18 mois, ils sont remplacés, et il faut encore assurer l'entretien tandis que des produits nouveaux s'implantent.
Ceux d'entre vous qui connaissent bien mon secteur savent que Java est le grand sujet d'actualité. C'est ce qu'il y a de mieux, de plus récent, de plus nouveau. Or, il n'existait pas il y a deux ans.
Soit dit en passant, celui qui a conçu ce logiciel est un Canadien de l'Alberta qui a fréquenté l'Université de la Colombie- Britannique, James Gosling. Ce logiciel est un produit splendide, un produit de pointe. J'ignore où nous en serons dans deux ans, mais en ce moment, c'est le logiciel vedette.
Nous demandons à l'industrie de s'engager à consacrer 3 p. 100 de sa masse salariale au recyclage des employés. Est-ce que j'obtiens cet engagement? Certaines sociétés font beaucoup plus et d'autres beaucoup moins.
Partenariat avec les employés. Dans l'industrie de la technologie de l'information, les employés sont l'actif principal. Cet actif-là n'est pas chiffré, mais il fait partie des ressources des sociétés.
En ce qui concerne l'éducation, les milieux de l'enseignement doivent veiller à ce que leurs diplômés aient les compétences de base. Vous remarquerez que je n'ai pas dit qu'ils devaient savoir programmer en Java. Les établissements doivent produire des diplômés qui ont la capacité d'apprendre et de se former toute leur vie. Les milieux de l'enseignement doivent aussi nouer de nouvelles alliances avec l'industrie. Ils doivent ouvrir leurs portes à l'industrie et savoir l'accueillir.
Il n'y a pas six mois, l'une des sociétés membres du Conseil s'est fait dire: « Nous ne laissons pas l'industrie mettre les pieds dans nos salles de classe; elle pollue la mentalité des jeunes. » Nous avons fait évoluer cette attitude. Nous avons maintenant un partenariat. La lutte a été difficile. Il faut un élément catalyseur, et il faut établir de nouveaux partenariats dans tout le domaine de l'enseignement.
L'autre semaine, une université m'a approché. Elle était à la recherche d'un diplômé du niveau du doctorat ayant un ou deux ans d'expérience pour enseigner à temps plein le programme Access, l'un des logiciels de Microsoft. Elle offrait de 45 000 $ à 50 000 $ par année pour enseigner l'utilisation de ce produit. J'ai mis en contact les représentants de l'université et ceux du collège communautaire de l'endroit. Je leur ai présenté aussi des gens du secteur privé de la formation, dans l'espoir que tous puissent collaborer. Voilà un exemple des changements que nous essayons d'apporter.
Le rôle de l'employé est de s'engager à apprendre toute sa vie, à acquérir la formation voulue. L'un des problèmes que j'ai eus, ce sont les appels téléphoniques quotidiens qui commencent en gros de la manière suivante: «À propos de vos prévisions de 20 000 emplois qui s'ouvriront...» L'échange dégénère ensuite, et je n'oserais pas citer ici les termes qui sont utilisés, d'autant plus que nous sommes enregistrés. J'essaie de voir quels sont les antécédents de ces interlocuteurs. Dans bien des cas, ils me répondent: «Mon entreprise ne n'a pas dit de me former pour apprendre à utiliser les ordinateurs.»
J'ai reçu une lettre l'autre semaine. Mon correspondant présentait son c.v.: il avait travaillé dans le secteur des logiciels pendant 20 ans. Cet homme ne savait pas se servir des ordinateurs personnels, il n'y connaissait rien et il était en colère parce que je ne pouvais pas lui trouver d'emploi. Attitude, aptitudes, capacité de communiquer, compétences techniques: cet homme ne répondait plus aux exigences. Certains en sont incapables. Les employés doivent assumer la responsabilité de leur propre formation permanente.
L'un de mes programmes que je tente maintenant de faire accepter s'adresse aux jeunes élèves. J'ai essayé - mais mes collaborateurs ne veulent pas me laisser le faire - de mettre un petit miroir sur la première page du manuel, avec la légende suivante: « Vous voyez dans ce miroir la personne qui est responsable de votre formation permanente. » Ils ne veulent pas me laisser faire, mais je reviens sans cesse à la tâche. Un beau jour, je vais avoir gain de cause.
Voici maintenant où nous voulons en venir: le rôle de l'État dans l'évolution des ressources humaines. Votre travail consiste à faciliter l'application des solutions, pas nécessairement à les appliquer vous-mêmes, à investir dans les partenariats qui peuvent rendre ces initiatives efficaces, à encourager la mobilité au niveau mondial. C'est de cela qu'il s'agit, dans le projet pilote dont je vais parler dans un instant. J'aimerais beaucoup que vous préconisiez la mobilité nationale, mais, comme les responsabilités sont dévolues aux provinces, je crois que cela devient un défi intéressant, et je ne pense pas que nous puissions y arriver. Aidez-nous aussi à faire comprendre que ce que nous recherchons avant tout, c'est un engagement des travailleurs à apprendre pendant toute leur vie.
Je reviens à la charge pour faire comprendre le problème de pénurie: nous manquons de ressources de qualité. Nous avons des codeurs en C++ qui sont au chômage. Le C++ est le plus récent programme orienté-objet. Remarquez que je n'ai pas parlé des développeurs ni des concepteurs, mais des codeurs. Les ressources humaines de qualité sont en demande dans le monde entier. Nous avons un énorme problème d'exode vers les États-Unis. La plupart d'entre vous auront probablement remarqué dans les journaux des messages comme celui-ci: « Venez à l'hôtel Westin rencontrer les représentants de ces sociétés! » C'est chose courante.
L'enjeu, ce sont les compétences plutôt que les aptitudes techniques. Java est sur le marché. C'est un programme vraiment à la mode. C'est très beau. Mais les universités ne devraient pas enseigner Java. Elle devrait donner aux étudiants les compétences voulues pour qu'ils apprennent Java. C'est bien différent.
La rémunération est un problème national, l'un de ceux sur lesquels nous butons. Il y a une quinzaine de jours, j'assistais à une réunion avec l'une de mes sociétés, à Calgary. Elle a perdu 30 employés depuis le 1er septembre. La plupart d'entre eux se sont fait offrir une prime de 20 000 $ à la signature de leur contrat, des options sur des actions de leur nouvel employeur et un salaire du même montant qu'au Canada, mais en dollars américains. Ils n'ont même pas tous quitté le Canada. Certains travaillent pour la société américaine en restant chez eux, à Calgary.
D'une certaine manière, cela me pose aussi un problème. Quand on travaille pour un employeur du sud de la Californie et qu'on se retrouve, au milieu de février, à essayer de se dégager d'une tempête de neige... J'ai beaucoup de mal à envisager cela.
Une voix: C'est à cause du chinook.
M. Swinwood: C'est cela, à cause du chinook.
Les solutions? Les services d'enseignement, les employeurs, les employés, le gouvernement fédéral, les associations industrielles, les gouvernements provinciaux, les services de formation privés doivent être des partenaires.
En ce moment, l'un de mes gros problèmes, dans l'un de nos projets pilotes, est celui-ci: « Vous m'enlevez mon marché. Ce marché-là revient aux collèges communautaires. » Ou encore:« L'université doit s'implanter sur ce marché. »
Si j'arrive à faire collaborer tout ce monde, tous y gagneront. Si je laisse chacun travailler seul de son côté, tous sont voués à l'échec.
Certaines universités s'attendent maintenant à avoir très peu d'étudiants en 2005, simplement à cause de la démographie de leur région. Il ne s'agit pas d'Ottawa, mais d'une province de l'Est, sur la côte. Ces universités s'inquiètent. Elles doivent établir des partenariats avec le reste des services d'enseignement.
Venons-en maintenant à l'objet premier de nos discussions. Le projet pilote que nous proposons dans le domaine de l'immigration n'est qu'une solution partielle à nos problèmes de pénurie. C'est du processus à suivre dans le cas des employés temporaires que nous voulons parler. Nous voudrions modifier ce processus. L'industrie a réclamé des mesures. Nous avons travaillé sur cette proposition. Nous avons essayé de le faire discrètement, mais il est vrai que nous avons été parfois moins discrets.
En partenariat avec le Conseil des ressources humaines en logiciel, les sociétés travaillent dans les domaines de l'information sur les possibilités de carrière, des programmes scolaires de niveau secondaire, des programmes universitaires et de niveau supérieur et du recyclage des employés, tandis que nous travaillons également sur le projet pilote d'immigration dans l'espoir de résoudre certains problèmes de pénurie. Dans ce projet, l'accent est mis sur la demande de compétences technologiques. Nous essayons de cerner les pénuries particulières que nous avons à ce chapitre. Des sociétés représentatives de l'ensemble de l'industrie ont contribué à ce projet pilote.
Pourquoi ce projet pilote? En observant son impact, nous saurons quelles sont les conséquences, lorsque nous faisons appel à un travailleur étranger et combien d'emplois il est possible de créer en faisant appel à ces travailleurs de niveau intermédiaire qui ont des compétences techniques et de l'expérience. Je ne cherche pas à enlever des emplois aux nouveaux diplômés des universités. Il ne s'agit pas du tout de cela. Le projet pilote permettra de formuler des recommandations sur les mesures à prendre.
Quelle main-d'oeuvre recherchons-nous? Des personnes compétentes, instruites et bien formées ayant de l'expérience, le genre d'employés que nous n'avons pas, d'après ce que les sociétés me disent.
Pourquoi voulons-nous prendre cette initiative? L'effet multiplicateur est de 8 à 1. Cette donnée est tirée d'études réalisées aux États-Unis. En engageant une de ces personnes qui ont des compétences techniques, on peut créer huit autres postes dans la collectivité et dans l'entreprise. Il s'agit de commis à l'expédition, de réceptionnaires, de comptables et - j'ai le regret de le dire - d'avocats, bref de tout le groupe nécessaire pour mettre une entreprise sur pied et la faire fonctionner. Il s'agit aussi du boucher, du boulanger, du fabricant de chandeliers, de tous les autres dans la collectivité. Nous croyons que l'arrivée de chacune de ces personnes permettra de créer huit autres emplois pour des Canadiens.
Dans notre secteur, nous avons un avantage sur le reste du monde. Nous sommes à l'avant-garde dans de nombreux domaines de la technologie. Notre succès dans le secteur des télécommunications est connu dans le monde entier. Dans le secteur des multimédias, nous exportons davantage. Si vous allez au cinéma de votre quartier, vous pourrez voir beaucoup de choses qui ont été développées et conçues au Canada. Une grande partie des entreprises qui en sont les auteurs se trouvent à Montréal. Il y a dans ce secteur de grandes réussites dont il faudrait faire état.
Voilà ce que nous essayons de faire. Nous voulons avoir un impact modeste sur une petite partie du problème et, du même coup, avoir un impact très positif sur l'emploi des Canadiens.
Voilà qui met fin à mon intervention. Y a-t-il des questions?
Le président: Merci beaucoup de votre exposé.
Nous allons poursuivre avec les questions. Chaque parti aura huit minutes. À vous, monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Merci pour votre présentation, monsieur Swinwood. Avez-vous des documents que vous pourriez distribuer aux membres de ce comité?
[Traduction]
M. Swinwood: J'ai un exemplaire de l'exposé, et j'ai aussi des exemplaires des travaux du Conseil. Je n'ai ici que des exemplaires en anglais, mais je vais fournir les documents en français dès que nous les obtiendrons.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le Conseil des ressources humaines de logiciel? Combien de compagnies regroupe-t-il et quels sont ses objectifs?
[Traduction]
M. Swinwood: Le Conseil des ressources humaines de logiciel a été mis sur pied en 1992. C'est sans doute cette année-là que nous nous sommes réunis pour la première fois. Nous représentons beaucoup d'organismes et d'associations divers, dont l'Association canadienne de technologie de pointe et l'Association canadienne de la technologie de l'information. Ces deux associations nous ont amené leurs membres pour que nous les représentions. En outre, le Conseil canadien des ingénieurs est représenté au sein de notre conseil. Nous avons aussi l'Association des universités et collèges du Canada et l'Association des collèges communautaires du Canada.
M. Osvaldo Nunez: Combien de membres avez-vous?
M. Swinwood: Nous avons très peu de membres qui sont des particuliers. Peut-être une centaine. Mais, par l'entremise de nos associations et associés, nous sommes en contact avec 7 000 ou 12 000 personnes sur toute période de deux mois.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Votre conseil semble bien travailler. Pourquoi sommes-nous devant un problème aussi immense? Pourquoi n'avez-vous pas prévu ces problèmes de pénurie d'emplois et de taux de chômage très élevé que nous connaissons? Depuis quand travaillez-vous dans ce domaine? Une partie de la responsabilité de la pénurie de la main-d'oeuvre aujourd'hui vous revient parce que vous n'avez pas prévu cette situation. Vous n'avez pas cherché de solutions au préalable. Pourquoi?
[Traduction]
M. Swinwood: Depuis sa création, en 1992, le Conseil a orienté son travail en fonction de l'hypothèse que ce problème allait surgir, et il a essayé de réunir tous les protagonistes. Je suis très heureux des progrès que nous avons accomplis. Mais l'industrie a connu une croissance qui a été en moyenne de 26 p. 100 par année, et nous avons été incapables de répondre à la demande. Nous avons tous été dépassés par les événements.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Vous dites que la solution de faire venir des travailleurs étrangers n'est pas une solution à long terme, mais plutôt à court terme, ce que j'espère. Que pouvez-vous faire ici pour solutionner ce problème, pour former nos gens afin qu'on ait ces ressources humaines ici au Canada, sans faire venir des gens de l'étranger? Donnez-nous des solutions concrètes. Combien d'années cela va-t-il prendre?
[Traduction]
M. Swinwood: Je ne saurais dire combien d'années il faudra pour résoudre complètement le problème, vu la croissance de l'industrie et le rythme du changement. Ce que nous avons déjà fait et ce sur quoi nous travaillons déjà, ce sont des initiatives, notamment à Ottawa, comme celles dont M. Fillmore parlera plus tard, je crois. Nous travaillons avec les établissements d'enseignement depuis que ce problème a été décelé et est quantifiable. D'après moi, il faudra un partenariat spécial réunissant le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les ministères de l'Éducation pour résoudre le problème au niveau national, parce que les provinces sont actuellement responsables de l'éducation et de la formation et ont leurs propres priorités. Tant qu'elles s'en tiendront à leurs priorités, il nous sera impossible de nous attaquer au problème au niveau national.
Si je formulais une recommandation, je préconiserais que le gouvernement fédéral prenne l'initiative d'élaborer une stratégie faisant appel à ses divers ministères, pour qu'Industrie Canada, Citoyenneté et Immigration, et Développement des ressources humaines fournissent une sorte de cadre qui puisse guider le Canada au cours des quelques prochaines années. Selon moi, il nous faut une approche qui vienne des plus hauts échelons pour arriver à résoudre ce problème.
Chaque société, chaque organisation, chaque ville est actuellement en train de travailler à sa propre stratégie. Je suis allé à Calgary, à Fredericton, à Montréal, à St. John's, à Victoria, à Edmonton et partout ailleurs. Tout le monde travaille à sa petite solution au plan local.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Vous avez une vision optimiste; j'espère qu'elle portera ses fruits. Mais sur le plan concret, je ne vois pas comment on va se sortir de cette situation; la seule solution semble être de faire venir des travailleurs étrangers. Avez-vous une liste des postes vacants pour lesquels vous cherchez une main-d'oeuvre qualifiée?
[Traduction]
M. Swinwood: Je ne peux vous donner aucun renseignement là- dessus, car la liste exacte des compétences recherchées évolue de jour en jour. Je voulais vous apporter des exemples de ce qu'on voit dans les annonces des journaux. Dans presque n'importe quelle ville, on trouve une multitude de pages d'annonces d'offres d'emploi.
Nous commençons à peine à recueillir les données précises que vous demandez sur le marché du travail. Il est passablement compliqué de passer en revue les villes et les sociétés les unes après les autres, et de revoir chacun des emplois. Ce que nous avons, c'est une description générale fournie par l'industrie. Elle est subdivisée en cinq grandes catégories de travailleurs du secteur du logiciel et de pénuries de main-d'oeuvre spécialisée. Les entreprises disent chercher en vain de la main-d'oeuvre pour combler des postes qui correspondent à ces catégories. Nous sommes en train de travailler à cette description, et nous espérons la publier d'ici la fin du mois.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Quelles modifications nous proposez-vous d'apporter aux règlements qui régissent l'immigration afin de faire venir rapidement des travailleurs étrangers?
[Traduction]
M. Swinwood: Une mise au point, tout d'abord. Ce qui est proposé à cet égard concerne uniquement une partie du processus qui s'applique dans le cas des travailleurs temporaires, soit la validation. En ce moment, elle peut prendre de trois à seize semaines, dépendant de l'interlocuteur avec qui on traite et de la définition en cause. On a dit que ce processus prenait beaucoup plus de temps.
M. Mauril Bélanger (Ottawa - Vanier, Lib.): On nous a dit que, si le dossier n'était pas trop compliqué, il fallait de cinq à dix jours.
M. Swinwood: Très bien. Ce que nous tentons d'obtenir, c'est la validation préalable pour un choix limité d'emplois que mon industrie a identifiés. Ces gens n'auraient pas à se soumettre à...
M. Osvaldo Nunez: Quels emplois?
Le président: Monsieur Hill, s'il vous plaît.
M. Jay Hill (Prince George - Peace River, Réf.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Swinwood, je crois que, dans votre exposé, vous avez très bien situé le problème et très bien expliqué comment l'industrie le percevait. Je voudrais que vous expliquiez plus précisément ce qui, selon vous, ne fonctionne pas dans le système, c'est-à-dire le système actuel d'immigration, qui précise dans quelles conditions on doit annoncer les postes d'un créneau particulier du marché du travail, des postes pour lesquels les codeurs C++ n'ont pas des compétences suffisantes. En quoi le système actuel manque-t-il de souplesse, s'il s'agit d'engager des travailleurs étrangers lorsqu'il n'y a pas au Canada des travailleurs ayant les compétences voulues?
M. Swinwood: Nous travaillons maintenant à un projet pilote qui vise à faciliter le processus actuellement en place. Je voudrais qu'on sache clairement que le projet pilote auquel travaille le Conseil des ressources humaines de logiciel n'exige pas des changements importants dans le régime actuel. Il s'agit simplement de faciliter le processus, ce à quoi DRHC et Citoyenneté et Immigration se sont dits en mesure de s'adapter.
M. Jay Hill: Je tiens à ce qu'il soit clair que je suis d'accord sur l'orientation de votre exposé: il faut coopérer ou périr. Je connais très bien ces types de programme. Par exemple, les programmes d'informatique et d'alternance travail-études de l'Université de Waterloo jouissent d'une réputation mondiale. C'est certainement un progrès, et je crois que toutes les universités vont devoir adopter la même orientation. Tout ce que l'industrie peut faire pour travailler dans ce sens, pour collaborer avec les ministères de l'Éducation et les établissements d'enseignement, favorisera certainement l'emploi à l'avenir.
Pour conclure ce que vous avez dit, l'industrie et les établissements d'enseignement n'ont pas réagi assez rapidement lorsqu'ils ont vu poindre le problème. Comme vous l'avez dit, le problème est mondial. Il n'est pas l'apanage du Canada.
Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que nous perdons probablement nos éléments les plus brillants, la crème des diplômés de nos institutions, et que la plupart partent pour les États-Unis. Monsieur Swinwood, je voudrais savoir pourquoi, selon vous, nous avons ce problème. Je veux dire une explication autre que votre plaisanterie de tout à l'heure à propos de l'entreprise du sud de la Californie qui appelle au milieu de l'hiver.
M. Swinwood: L'un des problèmes est qu'on a l'impression qu'il ne se fait pas de développement technologique de pointe au Canada, que tout se passe aux États-Unis. Cette impression est sans fondement.
C'est aussi en partie un problème de communication. Il n'est pas indispensable d'être un enragé de la technologie pour travailler dans notre secteur. C'est une industrie très vaste où on peut faire une foule de choses.
Deuxièmement, le Canada est à l'avant-garde dans de nombreux secteurs technologiques, et les employés n'ont pas à partir à l'étranger pour trouver des défis stimulants. Mais nous sommes de piètres publicitaires de nos propres succès.
M. Jay Hill: En fin de compte, je dirais que c'est une question de gros sous. Vous y avez fait brièvement allusion dans votre exposé. Vous venez d'énumérer quelques causes, mais si un travailleur se fait offrir le même montant, en dollars américains plutôt qu'en dollars qui valent 65¢, c'est une énorme incitation, pour les travailleurs compétents, à franchir la frontière, ne croyez-vous pas?
M. Swinwood: Bien sûr. Mais nous devons examiner le régime de rémunération, comme je l'ai expliqué en présentant ma dernière diapositive. La semaine dernière encore, un ami est venu me voir et m'a dit qu'il venait de refuser un emploi à Boston. Pourtant, on lui avait offert toutes ces choses. Il se trouve qu'il est au début de la trentaine, que son troisième enfant va bientôt naître. Il a vérifié la qualité de vie, le régime de soins médicaux et plusieurs autres options à considérer quand on songe à déménager à Boston, et il a fini par décider qu'il serait de loin préférable de rester à Ottawa. Je signale que cela s'est passé au milieu de mars, pendant la tempête de neige de la semaine dernière.
Le président: Vous avez encore le temps de poser une question rapide.
M. Jay Hill: Je me rappelle que, lorsqu'on a lancé le projet Hibernia, à Terre-Neuve, il a fallu faire venir des travailleurs qualifiés de l'étranger. L'une des exigences imposées aux entreprises, pour engager ces travailleurs, était l'embauche d'un apprenti. Autrement dit, il fallait qu'un Canadien, un Terre- Neuvien, travaille avec l'étranger qualifié qui était engagé pour réaliser le projet Hibernia.
Votre organisation a-t-elle envisagé cette possibilité dans le cadre du projet pilote? En d'autres termes, il est peut-être nécessaire de faire venir ce travailleur compétent, mais ne pourrait-on pas exiger que l'entreprise engage l'un de ces codeurs C++ actuellement au chômage au Canada, pour le faire travailler auprès de cette personne compétente? Ainsi, au bout de trois ans - puisque je crois comprendre qu'il s'agit d'un projet temporaire d'une durée de trois ans - nous aurons un travailleur canadien qui aura les compétences et l'expérience pour occuper le poste?
M. Swinwood: Je crois que l'industrie aurait du mal à accepter des conditions aussi rigoureuses que celles-là.
Ce que je propose à mes associés, c'est qu'ils participent à nos programmes destinés aux jeunes, à nos programmes de l'école secondaire et à trois ou quatre autres projets en cours qui visent à régler le problème à long terme. Je leur présente cela comme une condition préalable à la participation au projet pilote. Nous avons discuté avec les entreprises qui ont été étroitement mêlées à l'initiative au début. Grâce à la visibilité que nous avons acquise dans les journaux depuis un ou deux jours, nous devons trouver une façon quelconque de faire face à une demande d'aide qui a fortement augmenté. Si nous pouvons compter sur votre encouragement, je vais travailler sur ce problème. Mais il était déjà prévu que leur participation à un règlement du problème à long terme était une condition à respecter.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, je voudrais signaler une ou deux choses, si vous me permettez.
Premièrement, tous ceux qui sont ici présents et tous ceux avec qui j'ai discuté du problème sont d'accord: l'immigration est exclusivement une solution à court terme. À long terme, nous devons opter pour des solutions de notre cru, si je puis dire, par exemple le système d'enseignement, le partenariat entre l'industrie et les services de formation, etc.
Vous avez parlé en particulier des SIG. Je présume que vous faisiez allusion au fait que nous ne savons pas trop comment les ordinateurs réagiront aux deux zéros de la fin du siècle. C'est un problème plutôt immédiat. C'est dans deux ans. Pourriez-vous expliquer brièvement?
Une autre question, à propos des besoins. Les chiffres que nous avons entendus varient entre10 000 et 30 000 postes. J'aimerais avoir un peu plus de précisions, si vous voulez bien.
M. Swinwood: Nous avons consulté environ cinq études réalisées au cours des quatre dernières années, dont deux ont été faites par le Conseil des ressources humaines de logiciel avec un groupe d'un peu moins d'un millier d'entreprises. Ce que nous avons remarqué, c'est un taux de postes vacants de 4 à 7 p. 100; ce sont des postes qui seraient comblés si on trouvait les bons candidats. Nous avons aussi collaboré avec l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton et réalisé une étude limitée à la région d'Ottawa, selon laquelle il y a déjà 2 000 postes qui ne sont pas comblés. En réalité, il s'agit de 2 000 emplois par année qui ne peuvent être comblés par les diplômés des établissements d'enseignement et des services de formation. Vous pouvez extrapoler en fonction du nombre d'années.
Si je passe en revue toutes les régions du Canada, je remarque que, à Terre-Neuve, Operation On-Line a fait sa propre étude dans la région et a conclu qu'il y avait un écart de 7 p. 100. Le Vancouver Island Advanced Technology Association, de Victoria, a aussi fait sa propre étude. Dans chaque cas, on a conclu qu'il y avait entre 1 000 et 2 000 emplois à combler dans la région. C'est à partir de ces données que nous arrivons à la prévision de 20 000 postes à combler pour 1999.
M. Mauril Bélanger: Peut-on obtenir ces études en en faisant la demande?
M. Swinwood: Elles ont été publiées et on peut les trouver dans les différentes villes.
M. Mauril Bélanger: J'ai une autre question, mais, avant de la poser, je voudrais demander une information que vous pourriez déposer ou nous faire parvenir. Pouvez-vous nous faire parvenir les descriptions de poste qui ont été élaborées ou sont en voie d'élaboration - j'ignore si elles sont terminées - pour le projet pilote dont nous avons été informés? Si ces documents pouvaient nous être communiqués, ce serait utile.
Mon autre question est plutôt une critique qui s'adresse à notre pays et à notre industrie. Vous avez fait allusion à l'un des engagements que vous voulez obtenir de vos membres, en matière de formation. Vous avez parlé de 3 p. 100 de la masse salariale. Vous avez dit que certaines entreprises dépensaient beaucoup plus pour la formation et d'autres beaucoup moins. Je voudrais savoir comment notre pays se compare à ses concurrents sur ce plan-là. Que pourrions-nous faire pour améliorer la situation? Y a-t-il des mesures que nous pourrions proposer ici?
M. Swinwood: Un cas que je connais très bien est celui de la France. Ce pays a une loi nationale prévoyant un fonds de formation. Un certain pourcentage, 3 p. 100, je crois, est mis de côté sur la masse salariale de chaque société et remboursé aux entreprises qui peuvent montrer qu'elles ont fait de la formation.
Je sais aussi que le Québec a déjà mis en place un prélèvement de 1 p. 100.
Je ne peux pas fournir de renseignements là-dessus, mais nous savons que l'Allemagne a adopté comme position qu'il fallait consacrer un certain montant à la formation et au recyclage.
Ce que je demande ici, ce n'est pas une loi nationale, ce n'est pas l'adoption d'une loi. Ce que je demande, c'est un plan de communication que je voudrais faire adopter par mon conseil, car je travaille là-dessus pour mon conseil. Je demande qu'une bonne société canadienne consacre un minimum de 3 p. 100 à la formation, et l'une des questions qu'un candidat à un poste devrait poser à celui qui l'emploiera peut-être est la suivante: « Combien consacrez-vous au recyclage, pour que je sache comment je pourrai évoluer à l'avenir? » Je ne crois pas que cela puisse être imposé par voie législative. Ce n'est ni le moment, ni...
M. Mauril Bélanger: Monsieur le président, le témoin aurait-il l'obligeance de nous communiquer les propositions avancées par les membres du conseil - des propositions très techniques et précises - pour simplifier le processus administratif du recrutement à l'étranger. Je lui en serais reconnaissant.
Merci.
Le président: Madame Minna.
Mme Maria Minna (Beaches - Woodbine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur l'une des choses que vous avez dites plus tôt et dont M. Bélanger vient aussi de parler.
Depuis quatre ans ou presque que je suis députée, je me suis occupée de l'examen de la sécurité sociale. Nous avons parcouru tout le Canada. Une chose qui a été signalée à maintes reprises, c'est que nous n'avons pas de stratégie nationale sur l'apprentissage, dans quelque secteur que ce soit. Un thème qui revenait sans cesse est que, au Canada, les entreprises ne font généralement pas de formation, qu'elles laissent beaucoup à désirer en ce qui concerne la formation et l'actualisation de la formation des employés en fonction de ce qui se passe dans l'entreprise.
Pour certaines sociétés membres de votre conseil, vous proposez un prélèvement de3 p. 100 - peu importe le pourcentage. Certaines dépensent plus, d'autres moins, d'autres encore rien du tout. Seriez-vous d'accord pour que, dans le cas des entreprises qui ne fournissent pas de formation et ne commencent pas à adopter la nouvelle orientation, nous refusions de coopérer lorsqu'il s'agit de recruter à l'étranger? Vient un moment où il faut soit appliquer un programme, en recevant une aide de cette nature, soit se faire dire; « Si vous refusez de former votre propre main- d'oeuvre, qui devient constamment dépassée, nous devrons peut-être vous imposer des frais, à un moment donné. »
Je n'ai jamais eu de problème au niveau national... Je ne cherche pas à punir, mais je considère les difficultés et les observations que nous entendons fréquemment de la part de ceux qui critiquent, comme les éducateurs, qui reprochent aux entreprises de réclamer une formation trop pointue. Les entreprises disent qu'elles ne sont pas prêtes à faire elles-mêmes la formation, qu'elles préfèrent la solution de facilité, qui consiste à recruter. Bien sûr, le recrutement n'est pas facile non plus, puisqu'il faut payer les déplacements, le déménagement de la famille, etc. Ce n'est pas vraiment plus facile, en fait.
Que répondez-vous aux propos de certains des éducateurs avec qui j'ai discuté? Ils disent que les entreprises font les difficiles et ne sont pas prêtes à aider les jeunes et les autres qui ont suivi une formation à acquérir les compétences plus pointues dont les entreprises ont besoin. Les éducateurs déplorent le manque de collaboration des entreprises, leur manque d'empressement; ils disent qu'il y a de la main-d'oeuvre sur le marché.
M. Swinwood: Je crois que je suis d'accord avec vous. Certaines entreprises estiment que le recyclage ne fait pas partie de leurs tâches. C'est une attitude à très courte vue. Ces entreprises se ferment toutes sortes de possibilités, et le marché va le leur faire comprendre un jour ou l'autre.
Le Conseil des ressources humaines de logiciel cherche à encourager. Nous voulons montrer aux entreprises qu'elles en ressortent gagnantes. Je puis sans doute me prononcer contre une intervention législative. Mais votre idée est sur la table, et il y a des choses que nous pouvons faire. Il existe de nombreuses possibilités.
Nous avons aussi d'autres sociétés que je voudrais présenter comme des exemples de ce qui se fait de mieux en matière de formation. Il ne faut pas loger toutes les entreprises à la même enseigne. Nous avons des exemples de gens qui aiment beaucoup l'émulation.
Mme Maria Minna: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Il y a bien sûr d'excellentes sociétés. Malheureusement, il y en a beaucoup trop d'autres qui sont loin d'être édifiantes.
J'ai une autre question. Tout à l'heure, pendant votre présentation de diapositives, vous avez parlé de projets de stages pour les jeunes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long? Votre conseil et ses membres offrent-ils des stages aux jeunes, et dans quelle mesure? Quels résultats cela donne-t-il?
M. Swinwood: Le conseil met l'accent sur trois choses dans les stages pour les jeunes. Il y a d'abord un programme à l'intention des étudiants diplômés dans un domaine autre que l'informatique ou le génie informatique, dans des disciplines comme les arts et les mathématiques. Nous accueillons ces diplômés dans ce qui est en fait un programme d'un an, qui comprend un stage de trois mois, pour les former en gestion de la technologie de l'information. Ce sont les chefs, les gestionnaires de projet de demain. Il y a d'énormes faiblesses de ce côté-là dans notre industrie. Le programme ne s'applique que depuis environ cinq mois. Il débute tout juste, et nous avons260 étudiants de cinq provinces qui y sont inscrits dans des universités, des collèges communautaires, des cégeps et des entreprises de formation qui ont adopté un programme de formation commun et le dispensent.
Si vous voulez avoir du plaisir, réunissez tous ces gens-là pour essayer de concevoir un programme commun. Nous l'avons fait l'an dernier.
Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu, monsieur Swinwood et madame Gordon. Vous nous avez donné beaucoup d'information à digérer.
Nous allons maintenant passer à notre prochain témoin, M. Peter Fillmore, de l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton.
Je dois dire à M. Nunez et aux autres membres du comité, que nous n'avons que le texte anglais ici, mais nous allons le faire traduire et copier pour vous le plus tôt possible. D'accord? Merci.
Monsieur Fillmore.
M. Peter Fillmore (directeur de projet, Institut de recherches d'Ottawa-Carleton): Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui.
Disons rapidement que l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton a été fondé à Ottawa il y a une douzaine d'années et qu'il se consacre à la création de partenariats entre les différents secteurs de l'industrie de la technologie. Nous avons commencé au début des années 80 dans le domaine des recherches sur les télécommunications en faisant appel aux entreprises, aux universités et aux services locaux des gouvernements.
Au fil des ans, l'Institut a acquis l'habitude de s'occuper de ce genre d'initiative, de réunir diverses parties pour résoudre des problèmes qui dépassent les capacités de chaque organisation prise isolément. J'ai remis deux ou trois feuillets au greffier. L'un d'eux est une courte explication du projet que nous appelons l'«initiative des ressources en logiciel».
Il ne me semble pas très utile de revenir sur les questions dont M. Swinwood a déjà parlé. J'ai préparé seulement une autre page de notes pour réduire mon exposé au minimum et laisser le plus de temps possible aux questions, si cela vous convient.
Le président: Allez-y.
M. Fillmore: Je voudrais faire ressortir quatre grands points.
[Français]
Il me fera plaisir de répondre à vos questions en français après la présentation.
[Traduction]
Le premier point, c'est que les compétences de haut niveau, dans le domaine des logiciels, sont particulièrement difficiles à trouver. Une douzaine de sociétés participent aux travaux de notre comité, que nous considérons comme un groupe directeur formé d'employeurs. Nous pouvons compter sur presque tous les dirigeants de notre région, y compris des représentants de sociétés comme Cognos, Newbridge, Mitel et Northern Telecom. Il y a aussi deux ou trois sociétés moins importantes, comme ObjecTime, MOSAID et Metropolitan Life, qui a une importante organisation dans le domaine du logiciel, dans le secteur du déploiement et des applications. Toutes ces sociétés ont dit qu'il était très difficile de recruter des employés ayant des compétences de très haut niveau en matière de logiciels. Il nous faut des gens d'expérience pour mettre les systèmes en état de fonctionner et pour concevoir des produits.
À court terme, tout délai dans l'engagement d'employés pour combler les postes retarde la réalisation des projets ou la livraison de produits que nous essayons de commercialiser au niveau international. Le principal impératif est donc d'accélérer le processus d'engagement. CommeM. Swinwood l'a dit, la phénoménale croissance à laquelle nous assistons maintenant à l'échelle internationale oblige les entreprises à chercher des travailleurs compétents à l'étranger.
Notre comité directeur a un groupe de travail qui fait porter ses efforts sur un modèle des compétences. À la demande de M. Swinwood, nous avons fourni de l'information sur les compétences qui nous paraissent importantes, et je crois que ces renseignements ont été transmis à Immigration Canada. Au fond, nous voudrions que le processus d'approbation soit accéléré dans les cas où l'immigration sera accordée de toute manière.
À plus long terme - et c'est là un problème très important dont je voudrais vous faire part - , si les projets dans le domaine des logiciels ne sont pas réalisés à temps, les missions seront inévitablement confiées à d'autres entreprises. Il existe une très forte tendance, pour les projets qui font appel à des travailleurs intellectuels, à faire exécuter ces projets là où on fera le plus vite, où que ce soit dans le monde.
Dans mon deuxième point, je reviens simplement sur une question qu'a signalée M. Swinwood. Dans le secteur du logiciel, les employés du niveau supérieur et, dans une grande mesure, du niveau intermédiaire également, ont tendance à entraîner derrière eux toute l'équipe chargée d'une mission. Leur influence sur l'emploi est donc cruciale. Je crois qu'une équipe doit le plus souvent comprendre de deux à 20 personnes, et que les rôles de soutien, à l'extérieur d'une société de logiciel donnée, font intervenir encore de deux à cinq autres personnes, comme l'ont montré des études répétées. Par conséquent, lorsque l'on nomme un employé compétent à un poste critique, on peut obtenir la création ou le maintien de quatre à 25 emplois dans la région où ces postes sont offerts et dans la région où ils sont comblés.
Il est très facile à une société de services informatiques, si elle comprend le fonctionnement de l'industrie, de décider d'exploiter une occasion en achetant la technologie ailleurs ou encore en acquérant une société étrangère ou en se fusionnant avec elle. Une fois ces liens créés, le déplacement des emplois par les canaux ainsi établis est très facile.
Troisième point. Dans le groupe de travail que nous avons organisé avec des employeurs, nous voulons, comme équipe d'employeurs, faire la promotion des carrières dans le secteur du logiciel à Ottawa. Nous avons une initiative spéciale, dont trois de nos sociétés locales ont pris la tête. Il s'agit de dresser un plan de travail pour tenir, dans d'autres régions du Canada et peut-être même dans d'autres pays, quelques journées de promotion des carrières à Ottawa. Il s'agirait de montrer tout d'abord qu'Ottawa a un secteur informatique extraordinaire et est une belle région où travailler.
Nous ne voulons pas parler seulement des tulipes au long du canal Rideau, des pistes cyclables, etc., quoique cela fasse partie du tableau. Nous devons aussi faire passer dans notre argumentaire sur le développement professionnel le fait qu'il y a une multitude de sociétés pour qui travailler - nous estimons qu'il y a au moins 20 000 emplois dans le secteur du logiciel dans la région - et une multitude d'occasions de collaboration, de projets communs, etc.
Je ne saurais trop insister sur tout le travail qu'il a fallu faire pour en arriver là, car les employeurs ont tendance à rester isolés et à chercher à satisfaire uniquement leurs propres besoins. Il me semble important que vous compreniez que, lorsqu'un employeur essaie d'engager ses propres gens, il perd de vue le tableau d'ensemble dont vous avez parlé plus tôt. Ils ne sont pas en mesure de nous prévenir que quelque chose ne tourne pas rond, que nous avons une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée. Les employeurs agissent individuellement - en tout cas, c'est ce qu'ils ont fait par le passé, dans l'ensemble. Ce que nous essayons de faire maintenant, c'est de leur faire comprendre que nous avons collectivement intérêt à accroître l'offre de main-d'oeuvre dans le secteur du logiciel, et nous les amenons à travailler sur ce problème.
J'en arrive à mon quatrième et dernier point. Je reconnais que le recrutement de travailleurs étrangers n'est en fait qu'une solution à court terme. En ce qui concerne le long terme, les employeurs s'efforcent d'avoir de meilleurs liens avec le réseau scolaire, avec les jeunes, les éducateurs, avec les agents de formation et de recyclage, car, à longue échéance, même si nous devons favoriser la réalisation à Ottawa de missions dans le domaine du logiciel, nous savons qu'il nous faut une plus grande offre de main-d'oeuvre de tous les niveaux de compétence.
Voilà ce que nous souhaitons faire, et nous voulons, si l'idée de conserver ces missions dans notre région est appuyée, montrer qu'Ottawa est une région de qualité mondiale pour mener à bien ces missions dans le domaine du logiciel.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions. Chaque parti a neuf minutes.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Merci de votre présentation. De combien de travailleurs qualifiés l'industrie a-t-elle actuellement besoin de faire venir de l'étranger?
M. Fillmore: Je n'ai pas de chiffres exacts. Ici dans la région, quelque 20 000 personnes poursuivent une carrière dans le domaine des logiciels et je prévois un accroissement annuel d'environ 10 p. 100, ce qui veut dire que nous aurons besoin d'accroître nos effectifs de 2 000 employés chaque année. Je ne saurais dire exactement combien de ces employés nous irons chercher à l'étranger. Nous voulons doter les 2 000 postes qui sont actuellement vacants avec des Canadiens, et au besoin avec des étrangers, lesquels représenteront entre 10 et 30 p. 100 de ces 2 000 nouvelles recrues.
M. Osvaldo Nunez: Ce n'est pas beaucoup.
M. Fillmore: Non, ce n'est pas beaucoup, mais c'est critique.
M. Osvaldo Nunez: Combien d'employés canadiens qualifiés quittent le Canada pour aller travailler à l'étranger?
M. Fillmore: Je devrais connaître ce chiffre parce que ça, c'est une histoire. On entend toujours des commentaires sur les individus qui sont partis du Canada. C'est un problème dont je ne connais pas l'ampleur.
M. Osvaldo Nunez: Pourquoi quittent-ils le Canada? Est-ce en raison des salaires ou des conditions de travail? Aux États-Unis, auront-ils un salaire supérieur et de meilleures conditions de travail?
M. Fillmore: Il y a de nombreuses raisons et je ne saurais toutes les décrire. Les commentaires de M. Swinwood sont pertinents. Il ne s'agit peut-être pas juste des salaires qu'offrent les compagnies américaines. C'est peut-être parce que cette industrie est beaucoup plus grande et plus développée aux États-Unis. Notre industrie du logiciel engage ici 20 000 personnes. Les régions de Boston, de Silicon Valley, de Santa Clara et du sud de San Francisco ont probablement des effectifs au moins dix fois supérieurs aux nôtres. Ils ont la réputation d'être dans une position de leadership. Cette réputation, la taille de leur industrie, la très grande agressivité des employeurs et des tactiques comme les primes qui font partie du contrat d'embauche sont toutes des facteurs.
M. Osvaldo Nunez: Sont-ils aussi agressifs qu'ici?
M. Fillmore: Lorsqu'ils cherchent à engager du nouveau personnel, certains Américains viennent toujours ici pour faire leurs acquisitions. J'ai assisté à un colloque sur les perspectives de carrière qui était organisé ici à Ottawa, où quelque 40 à 45 p. 100 des compagnies représentées étaient des firmes américaines.
M. Osvaldo Nunez: Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que les salaires sont plus élevés aux États-Unis et que les conditions de travail y sont meilleures?
M. Fillmore: Oui, absolument, mais une analyse complète des facteurs économiques révélera que ce ne sont pas seulement les salaires qui y sont avantageux, mais aussi le coût de la vie et les programmes sociaux. Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais je sais qu'il existe de nombreux autres facteurs. Le salaire très alléchant que proposent certains contrats d'engagement a une très grande influence sur les jeunes personnes.
M. Osvaldo Nunez: Est-ce que votre institut a des propositions concrètes à faire au ministère de l'Immigration ou au ministère du Développement des ressources humaines?
M. Fillmore: Oui.
M. Osvaldo Nunez: Quelles sont-elles?
M. Fillmore: Dans le cadre de notre travail, je dois préciser que nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour faire des mesures exactes et identifier quelles tactiques pourraient solutionner le problème.
Au début, j'ai fait des sondages et des entrevues auprès des compagnies. J'ai constaté avec grand intérêt que 95 p. 100 d'elles reconnaissaient qu'il y avait un problème, qu'elles voulaient travailler avec nous, nous aider à former un comité d'organisation et participer au travail des autres groupes qui se pencheront sur plusieurs aspects du problème du travail.
M. Osvaldo Nunez: Qu'attendez-vous du gouvernement fédéral puisque, comme le précisait M. Swinwood, l'éducation est de compétence provinciale?
M. Fillmore: Nous attendons des politiques d'immigration et des politiques administratives qui vont nous aider à faire venir plus rapidement les personnes que recherchent nos compagnies.
M. Osvaldo Nunez: Qu'attendez-vous en matière d'éducation?
M. Fillmore: Je ne saurais le dire pour le moment. Je ne demande pas au gouvernement fédéral un appui au niveau de l'éducation.
M. Osvaldo Nunez: Êtes-vous au courant de ce projet pilote?
M. Fillmore: Oui.
M. Osvaldo Nunez: Ne vaudrait-il pas mieux attendre le résultat de ce projet pilote qui débutera en avril et se poursuivra pendant six mois avant de formuler des propositions concrètes?
M. Fillmore: Je ne saurais répondre directement à cette question puisque je ne connais pas de façon approfondie ce projet pilote. Nous travaillons au niveau de la consultation populaire auprès des compagnies afin de les aider à réaliser leurs objectifs dès cette année. Les équipes d'Ottawa se concertent pour aller chercher des individus qui possèdent les talents dont elles ont besoin, que ce soit dans les autres régions du Canada ou dans les autres pays. C'est un objectif qu'elles veulent atteindre tout de suite.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hill.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord demander comment nous pouvons savoir si l'industrie n'exagère pas le problème. Certains de ceux qui travaillent dans cette industrie disent que les sociétés veulent pouvoir faire appel aux travailleurs étrangers pour avoir un meilleur choix de main-d'oeuvre, si on veut. Monsieur Fillmore, vous semblez très évasif lorsqu'il s'agit de donner des chiffres qui montreraient l'ampleur du problème.
M. Fillmore: Ce qui inspire mes observations, c'est qu'il s'agit là d'une industrie internationale qui croît dans tous les sens. Nous avons en ce moment 20 000 personnes à Ottawa qui travaillent dans ce domaine, mais il existe un marché mondial qui se chiffre par billions de dollars, et c'est une demande que nous pourrions satisfaire si nous avions 100 000 personnes dans ce secteur.
Comment, à partir de la situation présente, nous rapprocher de cet objectif? Il faut considérer tous les obstacles. C'est la méthode que nous adoptons. Il faut examiner tous les obstacles et confier à des groupes le soin de surmonter chacun d'eux.
M. Jay Hill: Ce qui me rend un peu nerveux, monsieur Fillmore, c'est qu'il s'agit d'un programme temporaire de trois ans. Comment pouvons-nous savoir si, au bout de trois ans, l'industrie ne va pas revenir à la charge en prétendant qu'il y a une très forte croissance - sauf erreur, M. Swinwood a dit que l'industrie du logiciel avait une croissance de 26 p. 100 par année - , qu'elle n'arrive pas à suivre, que les établissements d'enseignement n'arrivent pas à fournir toute la main-d'oeuvre nécessaire pour combler ces postes? Comment pouvons-nous avoir l'assurance que ce projet pilote ne pas devenir permanent, si les engagements dont il a été question tout à l'heure ne sont pas pris?
Je crois que vous étiez présent lorsque j'ai parlé du projet Hibernia et que j'ai expliqué que le recours à des travailleurs étrangers était lié à l'application d'un programme d'apprentissage pour les chômeurs canadiens. Autrement dit, il se peut que, à court terme, l'industrie prenne un engagement et qu'elle ait besoin de travailleurs étrangers, mais il faut que ce soit une solution temporaire, comme vous avez dit.
M. Fillmore: Permettez-moi tout d'abord de dire que je partage votre inquiétude au sujet du changement d'attitude de l'industrie. C'est une réalité de la vie.
À mon sens, l'industrie va inévitablement faire ce qu'exige l'arriéré de ses commandes cette année. Cela fait partie des données. C'est parce que nous sommes une industrie en croissance que s'est présentée ce qui me semble être une occasion exceptionnelle. Les commandes non remplies sont là, l'industrie est en croissance, et tout donne à penser que le mouvement va se maintenir pendant des décennies.
M. Jay Hill: Je ne m'exprime peut-être pas très bien, mais la question que je pose est au fond la suivante: ne vous sentiriez- vous pas plus à l'aise si vous aviez un engagement de l'industrie selon lequel, pour chacun de ces travailleurs étrangers, il y avait un Canadien qui travaille à ses côtés, apprenant le métier, pour que, au bout de trois ans, lorsque le travailleur étranger partira - puisque le programme est temporaire - le Canadien ait la compétence et l'expérience voulues pour combler le poste?
M. Fillmore: Je voudrais faire une ou deux observations. La première, c'est que cette formation va se faire de toute manière. Dans toute équipe chargée d'un projet, dans le secteur du logiciel, il y a beaucoup d'interactions entre les différents acteurs. Si vous avez une équipe formée à 10 ou 20 p. 100 d'immigrants, tous les Canadiens apprendront quelque chose. Il y a là un transfert de compétences constant.
Une proposition a piqué mon intérêt. Je suis en faveur, sans la comprendre à fond. Il s'agit d'un programme prévoyant l'affectation de 1 ou 2 p. 100 de la masse salariale à la formation. Mais je crois que c'est là une question qui pourrait être étudiée séparément des politiques d'immigration.
M. Jay Hill: Est-ce que j'ai le temps de poser une autre question?
Le président: Oui, allez-y.
M. Jay Hill: Mon collègue du Bloc québécois a parlé de l'exode des cerveaux. Nous sommes tous bien au courant du phénomène. M. Swinwood et vous y avez fait allusion. Vu le poste que vous occupez à l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton, vous avez certainement une idée du pourcentage des diplômés en informatique, par exemple, qui acceptent un emploi à l'étranger.
M. Fillmore: Je n'ai aucune statistique à ce sujet. Quelqu'un a certainement des renseignements, mais, en général, les universités n'essaient pas de voir de quel côté leurs diplômés s'orientent.
Le président: Merci. Madame Minna.
Mme Maria Minna: Merci, monsieur le président.
Je voudrais revenir sur ce que vous et M. Swinwood avez dit tout à l'heure des retombées d'un poste de niveau supérieur en matière de création d'emplois. En somme, chaque fois que l'un des nôtres s'en va aux États-Unis, nous perdons la possibilité de créer d'autres emplois. Nous perdons des emplois au lieu d'en créer. C'est négatif sur toute la ligne. On ne perd pas simplement une personne.
En dehors de sa demande de projet pilote et de la solution qu'elle cherche du côté de l'immigration, est-ce que l'industrie fait des efforts réels pour intéresser nos jeunes gens et éviter qu'ils ne partent à l'étranger? Est-ce que, dans toutes les universités, dans tous les collèges et ailleurs, vous faites connaître votre industrie, en faisant savoir qu'il y a des emplois disponibles, qu'il est possible de s'y bâtir un avenir, et qu'il y a toutes sortes d'avantages? Essayez-vous de les attirer avant qu'ils ne partent? Nous sommes en train de perdre des emplois, et pas seulement ceux qui disparaissent à cause de l'exode des cerveaux, mais aussi les emplois indirects.
M. Fillmore: Et nous perdons une part de marché.
Mme Maria Minna: Bien entendu.
M. Fillmore: Oui, l'industrie s'occupe de cela.
Mme Maria Minna: Devrions-nous vous prêter main-forte? Le gouvernement devrait-il faire quelque chose dans ce domaine, peut- être par l'entremise de DRHC?
M. Jay Hill: Réduisez les impôts.
Mme Maria Minna: Fichez-moi la paix, avec vos impôts. Allons donc.
M. Fillmore: Puisqu'il est question d'impôts, il y a des problèmes liés au capital d'investissement. Le sujet est fréquemment abordé, et Denny Doyle le commente sans cesse. Le traitement de ceux qui investissent dans des sociétés qui démarrent décourage la croissance de l'industrie, au fond. Étant donné les règles fiscales sur la formation de capital, il faut avoir beaucoup de chance pour créer de toutes pièces une société comme Cognos et lui donner la stature qu'elle a acquise au plan international. Je ne vais pas entrer là-dedans, puisque le sujet n'est pas à l'ordre du jour.
Mme Maria Minna: Non, mais il y a tout de même le problème des jeunes gens.
M. Fillmore: Il y a une ou deux choses à dire à ce propos-là. Je précise tout d'abord que j'adopte une attitude très pragmatique. Je n'essaie pas de comprendre tous les problèmes; j'essaie de demander aux employeurs quelles sont leurs priorités, et de voir dans quels domaines ils sont disposés à travailler. Dans le cadre de mon travail à l'Institut, je facilite ensuite leur collaboration pour réaliser différentes choses.
J'ai été vraiment étonné. Je peux comprendre votre exaspération, car j'ai passé quatre bons mois l'année dernière à convoquer des réunions et à discuter des problèmes au plan théorique. Malgré les problèmes évidents auxquels nous faisons tous face, je n'ai pas pu obtenir d'accord pour faire quoi que ce soit de concret. Nous arrivons à ce stade en ce moment. Vous avez parlé des carrières. Nous avons des sociétés qui se sont entendues pour concevoir un programme. Elles feront une tournée de promotion pour vanter les excellentes occasions de carrière qui s'offrent aux personnes très compétentes dans le secteur du logiciel à Ottawa. Nous ferons connaître les résultats de cette expérience au reste du pays. Toutes les régions du Canada pourront en profiter.
Mme Maria Minna: Si j'aborde cette question, c'est uniquement parce que vous avez dit tout à l'heure, tout comme M. Swinwood, que, lorsque des sociétés américaines viennent chez nous, elles proposent une offre globale, elles font du marketing, elles sollicitent activement les candidats. Pourquoi nos sociétés n'en font-elles pas autant? Elles viennent ici réclamer le droit d'engager des travailleurs étrangers compétents; il me semble qu'elles devaient à plus forte raison faire tout leur possible pour obtenir les services des travailleurs compétents qui sont chez nous, de façon qu'ils restent chez nous. Et ce n'est qu'un début.
M. Fillmore: Il y a d'autres choses qui se font. Nous avons un sous-comité qui travaille à ce que nous appelons un modèle des compétences. Ce comité fournit des réponses par l'entremise de DRHC et d'Immigration Canada, mais il essaie aussi de définir les mesures que nous devrions prendre pour conseiller les universités et les collèges au sujet du programme d'étude et du corps professoral. Il essaie aussi de transmettre le point de vue des services de formation et de recyclage privés.
En somme, je pense que, effectivement, les sociétés évoluent dans cette direction. Il faut faire davantage, et nous démarrons lentement, mais mon objectif personnel est de faire bouger les choses dès cette année. Nous devons travailler sur plusieurs fronts pour faire exactement ce que vous proposez.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
Je voudrais en revenir à la recherche des moyens que le gouvernement du Canada peut prendre sur le plan administratif pour faciliter l'immigration. Permettez-moi de reprendre l'idée de M. Hill, que M. Chatters avait aussi évoquée mardi. Je voudrais savoir s'il y a dans l'industrie un certain intérêt pour cette formule.
Nous avons discuté d'un projet pilote dont on nous a parlé mardi. Il s'agit d'accélérer la validation, si on veut.
Monsieur le président, j'espère avoir à un moment donné des renseignements plus exacts sur le temps que la validation peut prendre. Ce n'est pas de cinq à dix jours comme on nous l'a dit. Si le dossier est parfait, c'est ce qu'il faut, mais il faut un peu plus de temps pour parvenir à ce niveau de perfection. De toute manière, c'est une autre question.
Comment l'industrie réagirait-elle à l'idée d'un autre projet pilote qui ressemblerait à ce que notre collègue a décrit, c'est-à- dire de faire venir un travailleur étranger, mais de lui adjoindre un stagiaire ou quelqu'un d'autre? Je voudrais connaître les réactions de l'industrie à cette idée. Nous pourrions peut-être trouver une autre formule, qui sait? J'essaie ici d'explorer des idées plutôt que de défendre le point de vue d'un parti.
Je voudrais obtenir une réponse, après quoi j'aurai une autre question.
M. Fillmore: Je ne peux m'empêcher de penser que les employeurs auraient des réticences si le programme était assorti de conditions trop nombreuses. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est dans la nature des choses que les travailleurs qualifiés, qu'ils soient canadiens ou non, transmettent toujours des compétences à leur entourage, aux Canadiens qui travaillent avec eux. Mais l'idée n'est pas sans intérêt. Elle pourrait faire l'objet d'une séance de réflexion; il faudrait voir si c'est une bonne idée, préciser les modalités d'application, voir comment obtenir des retombées et définir avec exactitude les objectifs qu'on veut atteindre par là.
M. Mauril Bélanger: Voici une autre idée, et je voudrais connaître vos réactions. Soutiendriez-vous ou croiriez-vous que le gouvernement peut jouer un rôle dans le recrutement, un rôle qui ne consisterait pas seulement à répondre passivement aux demandes, qui irait un peu plus loin? Le gouvernement, au lieu d'attendre passivement les demandes, ferait un certain marketing. J'ignore quelle forme cela pourrait prendre. Cela serait-il utile? De quel oeil l'industrie et ses concurrents verraient-elles ce rôle?
M. Fillmore: Excellente idée. Si on examine le cycle de la vie professionnelle d'un employé du secteur du logiciel, on remarque une grande mobilité. Il est normal que les travailleurs passent d'une société à l'autre. Ils doivent enrichir leur expérience, et si une société prospère, elle engage des employés d'une autre société.
Il faut soutenir les efforts de recrutement. L'industrie sera très heureuse de toute l'aide que vous pourrez lui proposer. Si on pense par exemple aux salons des carrières organisés ici et où il y a une imposante présence des sociétés américaines, il faut tenter de faire du rattrapage, et l'aide du gouvernement tomberait à point nommé. Organisons une campagne de recrutement pour le Canada seulement, une campagne qui soit si grande, si visible, qui fasse tant de bruit, qu'elle remplira les calendriers de tous les hôtels dans les centres canadiens de haute technologie. De cette manière, les candidats qui songent à changer d'emploi ou les jeunes étudiants qui obtiennent leur diplôme songeront d'abord aux sociétés canadiennes.
M. Mauril Bélanger: Proposeriez-vous des initiatives semblables à l'étranger?
M. Fillmore: Bien entendu. En fait, nous sommes en train de discuter de la possibilité d'aller à l'étranger le plus rapidement possible, mais il nous faut acquérir une certaine expérience de la collaboration. Des équipes sont en train de se constituer, et je suis personnellement d'avis que nous devrions prendre certaines de ces initiatives chez nous. Si nos concurrents sont ici pour nous enlever des ressources, nous faisons aussi bien d'agir sur place et de les combattre sur notre propre territoire, avant d'aller les affronter chez eux.
M. Mauril Bélanger: Merci, monsieur le président.
Le président: Très bien.
D'autres questions du côté ministériel?
Je vous remercie beaucoup d'être venu et d'avoir fait un exposé. Vous nous avez beaucoup éclairés.
Monsieur Bélanger, j'espère que certaines des questions que vous avez posées recevront une réponse dans un proche avenir.
Notre prochain témoin est M. Arvind Chhatbar.
Je vous en prie.
M. Arvind Chhatbar (secrétaire exécutif, Forum régional de l'innovation et coordonnateur, Bureau de l'innovation pour la région, Conseil national de recherches du Canada): Je tiens tout d'abord à vous remercier et à féliciter le comité de bien vouloir examiner ce très important problème des ressources humaines dans le secteur de la technologie de pointe, non seulement dans cette région-ci, mais aussi dans l'ensemble du Canada. Je me réjouis de constater que nos représentants s'empressent de s'attaquer aux problèmes auxquels notre région fait face ou qui ont des conséquences pour la croissance de l'économie nationale.
Je représente le Forum régional de l'innovation de la région d'Ottawa-Carleton et le Bureau pour l'innovation de la région du Conseil national de recherches du Canada.
Si vous le permettez, monsieur le président, je vais attirer votre attention sur certaines des initiatives et activités qui peuvent constituer des indications utiles dans vos délibérations.
J'ai appris que des témoins qui ont comparu plus tôt avaient donné de l'information sur l'importance des pénuries chez les spécialistes de l'informatique. Vous serez peut-être intéressés par les diverses mesures prises dans notre milieu pour accroître les réserves de ressources, notamment à partir des sources locales, à l'intention d'un secteur de la technologie de pointe qui est en croissance. Je songe plus particulièrement, dans cette région-ci, à la technologie de l'information et aux télécommunications. Il y a bien sûr d'autres besoins en haute technologie, par exemple dans les secteurs des produits pharmaceutiques et de la biotechnologie.
Le Conseil national de recherches du Canada collabore avec la Société d'expansion économique d'Ottawa-Carleton et l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton pour élaborer divers plans qui aideront à résoudre les problèmes liés à l'innovation dans la région et dans l'ensemble du pays. Dans le cadre de cette initiative, le Forum régional de l'innovation a été mis sur pied, et la première table ronde sur les prévisions technologiques a eu lieu l'an dernier. Elle a réuni des chefs de file des milieux de la haute technologie dans la région, qui ont discuté des problèmes à résoudre pour mieux innover.
La table ronde a attiré environ 230 chefs de file du secteur de la haute technologie, dont des personnalités de la région comme Mauril Bélanger. Il est devenu très évident, au cours des délibérations, que l'un des grands problèmes était celui des ressources humaines. M. Bélanger s'est engagé à soulever ce problème à diverses tribunes, et je suis heureux de constater qu'il le fait effectivement.
Le Forum régional de l'innovation a décidé de s'attaquer à certains problèmes qui se posent à la région, d'exploiter les ressources qui peuvent exister dans la région mais ne sont pas à la disposition du secteur de la haute technologie. Je veux parler des personnes qui ont des compétences dans des domaines comme la biologie et la chimie, par exemple, et qui ont des diplômes de niveau supérieur, mais ne peuvent travailler en haute technologie parce que leurs compétences ne se rattachent pas à ce secteur particulier.
Étant donné la pénurie propre à ce secteur, le Forum a décidé de mettre à l'essai un programme, O-Vitesse, pour voir s'il était possible de recycler des personnes ayant des compétences dans d'autres domaines qui ne se rattachent pas au secteur de la haute technologie, et de le faire assez rapidement pour répondre aux besoins croissants de ce secteur.
En essayant d'appliquer ce programme, nous avons constaté que, même s'il y a des candidats qui veulent se recycler et se réoutiller dans ce domaine, il faut mobiliser des ressources énormes et consacrer beaucoup de temps au programme.
Ainsi, le programme O-Vitesse a attiré environ 450 candidatures, mais la capacité d'accueil de nos universités et établissements était limitée. Nous n'avons pu accepter que dix personnes sur 450, étant donné les ressources nécessaires pour assurer le recyclage.
Deuxièmement, ce recyclage demande un temps assez considérable. Le programme O-Vitesse dure 16 mois. Au bout de ces 16 mois, nous aurons le premier groupe de dix personnes qui pourra travailler en génie logiciel dans la région.
Cela me semble révélateur de certaines des limites de cette solution qui consiste à répondre aux besoins à partir des sources locales.
Néanmoins, ces initiatives se poursuivent. Nous avons appris récemment que l'Université d'Ottawa créait une faculté de la technologie et du génie de l'information pour répondre aux besoins du secteur de la haute technologie dans notre région. Le programme me débute qu'en septembre, et il faudra deux ou trois ans avant que les premiers diplômés puissent commencer à travailler dans la haute technologie.
Il est évident que les problèmes de pénurie exigent des solutions immédiates, à court et à moyen termes, si nous voulons que le secteur canadien de la haute technologie puisse poursuivre sa croissance et que les sociétés qui se sont implantées sur les marchés mondiaux puissent conserver l'avantage qu'elles possèdent.
Ce ne sont pas tous les pays qui peuvent agir promptement pour résoudre certains des problèmes liés à une main-d'oeuvre hautement spécialisée et à un secteur de technologie de pointe qui est en croissance.
Il me paraît impérieux que les ministères et institutions du gouvernement fédéral soient concurrentiels pour attirer une main- d'oeuvre que tous les autres pays veulent aussi obtenir, vu la forte demande provoquée par la croissance de ce secteur.
En somme, il y a deux points que je tiens à faire ressortir. Tout d'abord, il est évident qu'il faut trouver des solutions à court et à moyen termes. Il faut non seulement puiser dans les ressources locales, mais aussi faire appel au secteur plus vaste de la haute technologie en augmentant le nombre de catégories qui peuvent être associées à ce secteur particulier de la technologie de pointe. Deuxièmement, il est clair qu'il faut prévoir plus de temps pour réaliser les expériences que le ministère peut envisager pour faciliter le recrutement de travailleurs à l'étranger.
Voilà les deux grands points que je tiens à souligner aujourd'hui. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Nunez, vous avez huit minutes.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Vous dites que les universités n'accordent qu'un nombre de places limité pour former la main-d'oeuvre qualifiée nécessaire. Malgré la sympathie que vous avez pour mon collègue ici, je me permets de vous rappeler que ce sont les libéraux qui ont réduit les budgets accordés à l'éducation supérieure. Les transferts aux provinces pour les universités sont réduits depuis quelques années. Ça, c'est un problème que vous venez de soulever.
[Traduction]
M. Mauril Bélanger: C'était une idée des réformistes. C'était l'idée de Jay.
Une voix: Ils vous volent vos idées.
M. Jay Hill: Cela en fait rien. Je suis d'humeur généreuse aujourd'hui.
M. Mauril Bélanger: Pas à la Chambre. Ce n'est pas la même chose.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Les compagnies ne consacrent pas spontanément beaucoup de revenus à la formation de leur main-d'oeuvre. Au Québec, on a dû adopter une loi parce que ce n'est pas un effort auquel consentent volontairement les compagnies. Souhaiteriez-vous que nous adoptions une loi prévoyant que toutes les provinces, comme cela existe dans d'autres pays, doivent forcer les compagnies à consacrer une partie de leurs revenus à la formation?
[Traduction]
M. Chhatbar: Merci de poser cette question.
Il est clair que certains des besoins liés à la formation sont exprimés par diverses organisations et entités dans l'industrie. Prenons l'exemple du programme O-Vitesse. Il a été entrepris avec le concours d'une société de la région qui a décidé d'y investir des ressources pour répondre à certains de ses propres besoins, à certaines de ses propres exigences.
Il est clair cependant que la formation est un très vaste sujet et que les responsabilités qui y sont associées sont également considérables. Il faudrait s'efforcer d'encourager tous les acteurs à faire leur part pour résoudre convenablement le problème des pénuries.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Dans votre présentation, vous ne nous avez pas fait part de suggestions ou de recommandations que vous souhaiteriez adresser au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en vue de modifier ses règlements d'admission des travailleurs temporaires venant de l'étranger. Est-ce que vous examinez cette question?
[Traduction]
M. Chhatbar: Je n'ai pas moi-même étudié la question du processus d'immigration. Je suis néanmoins très conscient, d'après les contacts que nous avons avec l'industrie et d'après nos propres besoins, de la nécessité d'accélérer le traitement des diverses demandes.
L'une des principales raisons que nous avons de le faire est qu'il faut pouvoir saisir les occasions qui se présentent, lorsqu'on recrute à l'étranger; si les délais de traitement ne sont pas assez courts, l'occasion s'envole, et les forces de la concurrence ont un effet négatif sur le rendement des entreprises, etc.
Une manière de faciliter le processus consiste à trouver des moyens d'accélérer le traitement des demandes dans certains secteurs de haute technologie préalablement définis. Nous avons été heureux d'apprendre que le ministère prépare une expérience qui concernera certaines catégories. C'est là une innovation très utile et constructive. Il faudra voir s'il y a lieu d'élargir cette expérience et de l'appliquer à d'autres catégories pour répondre aux besoins du secteur de la haute technologie dans tout le Canada.
Merci.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Il y a aussi un problème au niveau de la reconnaissance des diplômes. De nombreux immigrants qui viennent ici munis de doctorats et de maîtrises se plaignent de ce qu'ils ne sont pas reconnus par nos entreprises, par le gouvernement ou par les ordres professionnels, qui sont parfois très réticents à reconnaître les diplômes acquis à l'étranger.
Que pensez-vous de ce problème?
[Traduction]
M. Chhatbar: C'est encore là un problème courant lié à la reconnaissance des diplômes étrangers. Nous avons été aux prises avec ce problème en appliquant le programme O-Vitesse, car un certain nombre de candidats avaient, comme vous avez dit, des doctorats et des titres équivalents. C'est un travail assez important que de vérifier si ces diplômes correspondent à nos normes.
C'est un problème sur lequel travaillent diverses universités, je crois. Elles veulent établir des programmes de reconnaissance des titres de compétence. Il s'agirait d'établir des liens entre différents programmes de diverses universités et les programmes offerts au Canada. Ce n'est pas une tâche facile, mais certaines universités l'ont fait. De cette manière, il sera établi à l'avance que les programmes de certains pays répondent à nos critères.
[Français]
M. Osvaldo Nunez: Le Conseil national de recherche a fait des études sur le même problème à l'étranger. Comment d'autres pays solutionnent-ils ce problème de pénurie de main-d'oeuvre dans ce secteur? Comment y font-ils face? Que fait-on aux États-Unis, par exemple? En plus d'aller chercher des gens à l'étranger, quelle solution locale ces pays apportent-ils à ce problème?
[Traduction]
M. Chhatbar: À dire vrai, le Conseil national de recherches du Canada n'a pas fait d'études sur les mesures prises par des pays étrangers pour répondre à leurs propres besoins dans ces domaines. Nous sommes au courant, bien entendu, de certains de nos points forts, au Canada.
Ainsi, le Canada est connu pour son excellence dans le secteur en croissance de la haute technologie. La situation n'est pas nécessairement la même dans d'autres pays. C'est un problème qui, s'il n'est pas propre au Canada, est certainement plus grave pour lui que pour d'autres, étant donné l'importance de notre pays et la nature de son économie.
Cela semble certainement intéressant. Il vaudrait la peine d'étudier les solutions retenues par d'autres pays pour résoudre leurs problèmes de ressources humaines en faisant appel à leurs propres sources locales. Ce qui est absolument évident au Canada, c'est que la capacité de notre secteur de haute technologie a dépassé toutes les prévisions, surtout ces derniers temps, aussi bien par sa production que par la croissance de ses besoins.
La croissance du secteur de la haute technologie, surtout dans les télécommunications et la technologie de l'information, n'était pas aussi avancée que maintenant. Les gens estimaient que les ordinateurs personnels et de nombreuses autres technologies nouvelles ne se répandraient pas autant qu'ils l'ont fait. Il est indéniablement résulté une énorme charge pour les établissements d'enseignement et d'autres acteurs qui doivent réagir et s'adapter à l'explosion qui s'est produite dans ce secteur.
Il s'agit, me semble-t-il d'un phénomène typique des pays dont la croissance dépend de la technologie de pointe.
Le président: Monsieur Hill.
M. Jay Hill: Merci, monsieur le président.
Monsieur Chhatbar, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous présenter un exposé aujourd'hui.
D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, un problème que je discerne - et je ne pense pas que quiconque puisse le contester - est qu'il nous faut trouver des travailleurs pour combler des postes dans le secteur de la technologie de pointe. Mais comme je n'ai pas vu de chiffres aujourd'hui, je ne suis pas convaincu de l'ampleur des besoins.
Deuxièmement, je ne suis pas convaincu non plus que ce programme de trois ans va être une solution, même partielle. Troisièmement, je ne suis pas convaincu de la valeur de l'engagement que l'industrie aurait pris d'opter pour une vision à long terme afin que le problème soit résolu au bout de trois ans. Enfin, je ne suis pas persuadé que ce projet pilote d'accélération des procédures d'immigration pour les travailleurs étrangers constituera une solution, même partielle.
D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, le problème est mondial. Il me semble largement reconnu que le problème n'est pas propre au Canada. Je retire de ce que j'ai entendu aujourd'hui que nous avons eu et avons toujours un grave problème d'exode des cerveaux; certains de nos jeunes les plus brillants quittent le Canada pour aller travailler à l'étranger. Il y a donc lieu de se demander comment l'accélération des procédures pour les travailleurs étrangers va permettre de constituer une réserve dans laquelle puiser pour combler ces postes. Si nous n'arrivons pas à garder nos ressortissants chez nous, comment allons-nous pouvoir attirer ces travailleurs de l'étranger?
M. Chhatbar: Je suis heureux qu'on reconnaisse qu'il s'agit d'un problème mondial que les pays avancés ont en commun. Il est vrai que certaines ressources humaines sont l'enjeu d'une concurrence dans d'autres pays et de la part d'autres pays - concurrence à laquelle nous nous livrons nous aussi - , mais il est très clair que le secteur de la haute technologie se caractérise par une concurrence acharnée. Même si bien des gens font face à des situations à peu près semblables dans une industrie concurrentielle et dans un monde où règne la concurrence, ceux qui peuvent répondre rapidement à certains de ces besoins sont ceux qui peuvent réussir.
Bien sûr, il faut chercher des solutions à long terme pour satisfaire les besoins en ressources humaines, mais, comme il faut rester concurrentiel dans un monde extrêmement concurrentiel, nous devons absolument trouver des solutions originales. Il faut aussi que les institutions et les services du gouvernement trouvent des solutions nouvelles et rapides pour répondre aux besoins immédiats. Si ces besoins ne sont pas satisfaits, certaines des occasions qui s'offrent au secteur de la haute technologie s'évanouiront rapidement, de sorte que c'est l'existence même de ce secteur au Canada qui sera menacée.
Il arrive effectivement que des Canadiens acceptent des emplois mieux rémunérés à l'étranger. C'est un phénomène constant, et je crois que les sociétés sont tout à fait au courant. C'est aussi un facteur de compétitivité, et ce sont ceux qui peuvent réagir rapidement qui ont les meilleures chances de succès.
M. Jay Hill: J'essayais simplement de deviner cette réponse. Dans votre exposé, monsieur Chhatbar, vous avez parlé du projet de recyclage. Cela m'a intéressé. Je crois comprendre qu'il y a eu 450 demandes, mais qu'on n'a pu accepter pour le projet que dix participants.
J'ai l'impression que nos universités forment des jeunes incroyablement brillants, très instruits et compétents. Malheureusement pour eux, ils ne trouvent pas d'emploi.
Pourriez-vous expliquer davantage les difficultés que vous avez éprouvées dans ce projet et pourquoi, sur 450 personnes qui se sont dites intéressées par la formation qui leur permettrait d'occuper ces postes vacants, vous n'avez pu en accepter que dix?
M. Chhatbar: Ce projet pilote, le programme O-Vitesse, était un essai. Il s'agissait de voir si un chimiste, un docteur en chimie, par exemple, peut acquérir rapidement les compétences nécessaires pour devenir ingénieur en logiciel, ou si un biologiste ou un médecin ou toute autre personne qui jugerait qu'il n'y a pas assez de débouchés dans son domaine pourrait se recycler dans un autre champ d'activité dans des délais assez brefs. Je pense qu'il faut faire ce genre d'expérience.
Nous avons estimé que, pour faire ce travail efficacement, il fallait mettre en place le soutien nécessaire à chacun de ces candidats, car nous devons être en mesure de voir, au cours du projet pilote, quelles difficultés peuvent se présenter dans le recyclage et le réoutillage de certaines de ces personnes. Si le programme prend de l'expansion, il sera tenu compte des difficultés éprouvées pendant le projet pilote. C'est l'une des raisons pour lesquelles le nombre de candidats a été limité.
La deuxième raison, c'est que nous voulions essayer de créer un programme qui ne soit pas trop exigeant pour les ressources existantes des universités où ces candidats étudieraient, un programme qui puisse s'insérer dans la structure existante de l'université, dans le respect des limites de ses ressources, mais qui permette tout de même de former quelques personnes de plus.
Il fallait donc à l'université un conseiller par étudiant, et l'industrie devait également pouvoir faire travailler l'étudiant dans une entreprise pendant ses études, de façon que le programme comprenne à la fois des études théoriques et une affectation dans le monde du travail. L'objectif était que certains de ces étudiants puissent franchir rapidement cette étape des études, selon une formule non traditionnelle, différente de celle de l'étudiant qui veut simplement obtenir un diplôme de maîtrise ou autre à l'université dans le cadre d'un programme d'études à temps plein.
Il y a donc une combinaison d'études et de stage en entreprise pour que l'étudiant puisse acquérir ses compétences par ces démarches parallèles, à l'université et dans l'industrie. L'industrie avait aussi des ressources limitées pour former les étudiants; les entreprises ne pouvaient pas se permettre de demander à des employés de consacrer beaucoup de temps à la formation, tout en satisfaisant aux exigences de leur propre travail dans l'industrie et à leurs propres besoins.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Mauril Bélanger: Je voudrais revenir un peu sur la question de la concurrence. Notre témoin a dit... Tout le monde reconnaît que le problème est mondial, que le problème est peut-être même en train de s'aggraver, et que la concurrence est avivée par une pénurie de plus en plus prononcée.
En ce sens, je voudrais demander au témoin - qui n'est probablement celui à qui je devrais adresser cette question - s'il a une idée des mesures prises par d'autres pays au sujet des procédures d'immigration que nous examinons au Canada, puisque je ne crois pas que nous en soyons encore arrivés à étudier tous les détails concrets.
Savez-vous comment d'autres pays ont pu modifier leur processus afin de le rationaliser, de le simplifier et de l'abréger de façon à attirer peut-être les mêmes personnes que nous? Si vous aviez des observations à faire là-dessus ou une orientation à nous proposer, je vous en serais reconnaissant.
M. Chhatbar: L'une des difficultés réside bien entendu dans l'évaluation du candidat et dans le processus d'évaluation que prévoit le système d'immigration. Comme la priorité n'est pas donnée aux besoins, il est difficile de faire traiter certaines demandes rapidement. Peut-être à cause du nombre de demandes que reçoit le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, il n'y a pas moyen d'établir un ordre de priorité, en disant par exemple que telle candidature est cruciale pour l'industrie et devrait donc être étudiée différemment des nombreuses autres demandes. Peut-être qu'une solution consisterait à identifier les demandes se rapportant à des emplois en haute technologie et à leur donner la priorité sur les autres demandes.
L'autre solution consiste à rationaliser l'évaluation des divers types de personnes et de leurs compétences. Une meilleure compréhension des types de candidats et de compétences les plus intéressants pour la haute technologie serait un autre élément de solution: les agents de l'immigration sauraient quels sont les facteurs les plus cruciaux, par rapport à d'autres professions.
M. Mauril Bélanger: Avez-vous une idée quelconque de la façon de procéder aux États-Unis?
M. Chhatbar: Non, je ne suis pas très au courant.
M. Mauril Bélanger: Dans ces conditions, monsieur le président, j'ignore si c'est trop demander, compte tenu des ressources du comité, mais serait-il possible de se renseigner sur la façon de procéder d'un ou deux autres pays? Mardi, par exemple, vous avez demandé un ordinogramme du processus d'immigration, monsieur le président. Est-ce que ce serait trop demander qu'on se renseigne sur la façon de procéder des États-Unis, et d'un autre pays peut-être, pour que nous ayons un point de comparaison?
Le président: On vient de m'informer que nous allions faire tout notre possible pour répondre à cette demande.
D'autres questions? Merci beaucoup.
Quelqu'un d'autre du côté ministériel?
Non? Je remercie beaucoup les témoins. Nous avons eu beaucoup de chance aujourd'hui. Le comité a reçu trois rapports très étoffés, et vous nous avez beaucoup éclairés. Vous nous avez donné de meilleurs renseignements sur ce très grave problème.
S'il n'y a rien d'autre, je voudrais vous signaler que, à notre prochaine séance, qui aura lieu le mardi 18 mars, à 16 heures, à la salle 209 de l'édifice de l'Ouest, nous étudierons le budget principal. La ministre, l'honorable Lucienne Robillard, comparaîtra.
Merci beaucoup. La séance est levée.