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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 mai 1996

.1612

[Français]

Le président: Bonne fin de journée à tous et à toutes.

Le Comité permanent des comptes publics se réunit conformément à l'alinéa 108(3)d) du Règlement. Nous allons procéder à l'étude du Rapport du vérificateur général qui a été déposé hier, le 7 mai, à la Chambre des communes.

Nous recevons comme témoin M. Denis Desautels, vérificateur général du Canada.

Monsieur Desautels, bonjour.

M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada): Bonjour.

Le président: Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Je crois que nous avons convenu que votre déclaration sera d'une durée d'au plus 15 minutes. Elle sera suivie de la période de questions des députés afin de maximiser cet exercice, étant donné qu'on a procédé hier à un examen à huis clos de votre rapport.

Monsieur Desautels.

M. Desautels: Merci, monsieur le président.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Raymond Dubois, sous-vérificateur général, et deM. Michael McLaughlin, vérificateur général adjoint.

Comme il s'agit de la première réunion publique sur le rapport de mai, j'aimerais présenter au comité une vue d'ensemble de tous les sujets traités en accordant une attention particulière aux priorités que j'ai suggérées dans la lettre du 7 mai que je vous ai fait parvenir.

Le chapitre 1 contient deux observations de vérification qui attirent l'attention du Parlement sur des questions importantes.

La première observation a trait à des contrôles insuffisants de la contribution accordée par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique à une association de développement locale créée pour aider les collectivités qui sont touchées par la fermeture de la base des Forces canadiennes Cornwallis. Des conditions clés permettant d'assurer une obligation redditionnelle et un contrôle adéquat n'étaient pas incluses dans l'accord de contribution. L'association a de plus utilisé le financement pour des fins liés aux infrastructures, ce qui ne correspondait pas à l'esprit de l'accord de contribution conclu avec l'Agence. L'APECA examine présentement l'utilisation des fonds, et la police militaire enquête sur l'enlèvement présumé de certains biens. Nous continuerons, pour notre part, à surveiller la situation et à évaluer le besoin de mesures supplémentaires au fur et à mesure que le travail se poursuivra.

[Traduction]

La deuxième observation porte sur un sujet que nous jugeons très prioritaire; en effet, elle décrit nos inquiétudes concernant la façon dont la Loi de l'impôt sur le revenu est appliquée aux fiducies familiales et à l'imposition des gains en capital. Revenu Canada a rendu des décisions anticipées qui ont entraîné le transfert aux États-Unis, en franchise d'impôt, d'au moins deux milliards de dollars d'actifs détenus dans des fiducies familiales.

.1615

Nous craignons que ces opérations n'aient frustré l'intention du législateur en ce qui concerne l'imposition des gains en capital et qu'elles n'aient porté atteinte à l'assiette fiscale du fait que l'on a renoncé à recouvrer légitimement à l'avenir des sommes considérables en recettes fiscales, peut-être des millions de dollars. Cette observation fait ressortir d'importantes ambiguïtés de la Loi de l'impôt sur le revenu au sujet des biens canadiens imposables.

Nous trouvons aussi inquiétant qu'il n'y ait pas de documentation ni d'analyse des décisions clés prises à ce sujet. De plus, du fait que les décisions anticipées n'ont été rendues publiques que dernièrement, d'autres contribuables peuvent ainsi avoir été privés de l'avantage donné à ceux qui ont reçu les décisions.

Toutefois, je suis heureux que Revenu Canada ait annoncé qu'il prévoit dorénavant publier toutes ses décisions anticipées. Cette observation traduit notre souci constant à l'égard de l'équité, ainsi qu'à l'égard du maintien de l'intégrité de l'assiette fiscale. Nous avons donc décidé d'inclure cette question parmi celles qui pourraient être examinées en priorité par le comité. J'aimerais toutefois souligner que la ministre du Revenu national a annoncé depuis son intention de demander au Comité permanent des finances d'examiner la loi en ce qui a trait aux biens canadiens imposables.

Le chapitre 2 porte sur la mise en oeuvre de la gérance environnementale au gouvernement fédéral. Il examine le processus d'«écologisation» des opérations gouvernementales pour la période de 1992 à 1995. La vérification a relevé des leçons tirées de la mise en oeuvre de l'initiative de gérance de l'environnement qui peuvent être appliquées à la deuxième phase.

Un leadership ferme est nécessaire tant dans l'ensemble du gouvernement que dans les ministères et les organismes. Environnement Canada est un intervenant clé, mais les divers partenaires, y compris le commissaire à l'environnement et au développement durable, doivent comprendre et assumer leur rôle conformément au cadre établi. La responsabilité de la mise en oeuvre du processus doit aussi être précisée.

[Français]

Le chapitre 3 sur l'évaluation au gouvernement fédéral fait état des progrès accomplis depuis notre rapport de 1993 en ce qui concerne l'évaluation de programmes et les mesures prises par le Secrétariat du Conseil du Trésor à la suite de votre sixième rapport qui a porté sur l'évaluation de programmes. Le comité a montré un vif intérêt pour cette question en demandant au gouvernement un rapport annuel sur l'évaluation des programmes.

Des progrès ont effectivement été accomplis depuis 1993, mais on ne fournit pas de façon constante l'information sur l'efficacité des programmes dont le gouvernement a besoin pour prendre des décisions et assurer une meilleure reddition des comptes. Les évaluations de programmes dans les ministères sont encore principalement axées sur les questions opérationnelles et les composantes plus petites des programmes. Le gouvernement doit mieux cerner ses priorités d'évaluation, relever les lacunes des activités d'examen, veiller à ce que ces lacunes soient comblées et présenter des rapports crédibles sur ces progrès. En outre, le rapport du président du Conseil du Trésor sur le rendement de la fonction d'évaluation doit donner un meilleur aperçu du succès global de l'évaluation des programmes du gouvernement.

Compte tenu des restrictions financières qui perdurent et de la nécessité d'exécuter les programmes de façon à obtenir des résultats optimaux, il est essentiel que le gouvernement poursuive ses efforts en vue de s'assurer que l'efficacité des programmes est examinée. Votre comité voudra peut-être examiner à nouveau les progrès accomplis dans ce domaine.

[Traduction]

Le chapitre 4, qui porte sur la vérification interne dans les ministères et les organismes, fait état des progrès accomplis depuis notre rapport de 1993. La vérification interne constitue un outil de gestion fondamental qui peut aider les ministères à réduire les coûts tout en maintenant la prestation des services nécessaires. La vérification interne peut fournir à la haute direction des assurances quant à l'efficience et à l'efficacité des activités clés et des pratiques de gestion dans leur organisation, et elle peut cerner les secteurs où des améliorations sont souhaitables.

Quelques services de vérification interne se sont améliorés, mais nous avons constaté que dans l'ensemble il n'y avait guère eu d'amélioration du rendement depuis 1993. Il n'y a toujours pas d'appui suffisant de la part de la haute direction, et la vérification interne subit encore les effets des attentes limitées à son endroit.

Le chapitre 5 traite des efforts du gouvernement fédéral pour simplifier et rationaliser son système complexe et coûteux de classification et d'évaluation des postes et pour s'assurer qu'il répondra aux exigences de parité salariale découlant de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La classification et l'évaluation des postes sont considérées comme la «pierre angulaire» de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Les systèmes actuels, élaborés dans les années 60, sont complexes, lourds et coûteux.

.1620

Depuis 1991, le Secrétariat du Conseil du Trésor élabore un nouveau système de classification et d'évaluation des postes appelé Norme générale de classification. La Norme vise à remplacer les quelque 70 normes de classification maintenant en usage. La Norme constitue une amélioration réelle par rapport aux systèmes actuels, mais nous avons conclu que d'importantes mesures correctives doivent être prises pour que le système soit efficace, moins coûteux et pour qu'il réponde aux exigences en matière de parité salariale.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor prend un certain nombre de mesures importantes pour régler les problèmes décelés, mais la situation doit être suivie de près afin de s'assurer que le niveau d'efforts actuel est maintenu et que les résultats souhaités sont atteints. Votre comité voudra peut-être examiner ce chapitre plus tard, lorsque les problèmes de conception auront été réglés ou si les progrès ne sont pas suffisants.

[Français]

Le chapitre 6 porte sur le contrôle et les pratiques de gestion d'Affaires étrangères et Commerce international Canada dans le cadre de la participation du Canada aux activités de maintien de la paix. Notre vérification a révélé ce qui suit:

- Le Parlement ne reçoit pas d'information détaillée concernant le coût financier - coût qui a monté en flèche ces dernières années - , et les autres coûts et répercussions de la participation du Canada;

- Deuxièmement, Affaires étrangères n'a pas de méthode établie pour procéder à des évaluations ou pour tirer des leçons de l'expérience du maintien de la paix;

Enfin, l'administration des remboursements reçus de l'ONU doit être améliorée.

Nous avons recommandé que le gouvernement détermine à qui il incombe de rendre compte tous les ans au Parlement de tous les aspects importants du maintien de la paix. Le gouvernement préciserait en même temps le processus traditionnel ainsi que les rôles et les responsabilités du ministère et des autres intervenants clés.

[Traduction]

Le chapitre 7 présente nos constatations concernant la capacité du ministère de la Défense nationale de remplir les engagements du gouvernement à l'égard du maintien de la paix sans nuire à sa capacité d'en respecter d'autres. La vérification a révélé des problèmes importants pour ce qui est de l'aptitude de la Force terrestre à constituer des forces polyvalentes, y compris l'exécution incomplète de ses plans d'instruction collective, les achats de dernière minute pour fournir un niveau minimum d'équipement aux troupes déployées en mission de paix, les lacunes de ses véhicules blindés et un soutien médical insuffisant pour appuyer les objectifs de déploiement maximaux établis dans le livre blanc. Enfin, la vérification a révélé des problèmes quant au contrôle des fournitures et des équipements envoyés à l'étranger aux troupes de maintien de la paix.

Le chapitre 8 a trait à la construction de l'immeuble abritant l'administration centrale du SCRS. Ce projet a été bien géré dans l'ensemble. Le budget a été respecté, le projet a été terminé dans les délais prévus, et l'immeuble répond aux besoins des occupants. Nous avons indiqué plusieurs facteurs de succès et des leçons tirées qui pourront s'appliquer à d'autres projets. Cependant, nous avons constaté que le cadre actuel de gestion des projets de l'État n'encourage pas l'engagement de dépenses moindres que prévu lorsque cela est possible.

[Français]

Le chapitre 9 fait état des possibilités d'améliorer la planification, le déroulement ou le compte rendu des activités du Programme de protection des végétaux et de santé des animaux d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Nous n'avons pas relevé, au cours de notre vérification, de cas où des risques graves pour la santé auraient été négligés. Néanmoins, le ministère doit être plus efficace dans son utilisation de l'évaluation scientifique des risques en vue d'établir les priorités du programme et d'affecter les ressources aux secteurs qui présentent les plus grands risques.

Cette vérification est complémentaire à celle de 1994 sur la gestion par le gouvernement fédéral du système d'assurance de la salubrité des aliments. Ces activités combinées représentent la plupart des activités du nouvel organisme d'inspection des aliments annoncé récemment.

.1625

Le chapitre 10 porte sur les programmes de réadaptation du Service correctionnel du Canada. Nous avons conclu que ces programmes ne sont pas gérés ni ciblés pour répondre de façon cohérente aux besoins des délinquants.

Le Service compte une série assez impressionnante de programmes d'intervention, mais le traitement des délinquants n'est pas uniforme. Nous avons aussi noté d'importantes variations des coûts des programmes d'une région à l'autre. Le Service correctionnel du Canada éprouve encore des difficultés quant à l'employabilité des délinquants mis en liberté, et le programme CORCAN pourrait offrir un meilleur rapport coût-efficacité.

[Traduction]

Le chapitre 11 examine les initiatives entreprises par Revenu Canada pour combattre l'évitement fiscal. Comme notre objectif est de surveiller l'efficacité des programmes fiscaux et que votre comité montre un intérêt continu pour les questions fiscales, nous vous avons suggéré d'examiner ce chapitre en priorité.

Le ministère a entrepris des initiatives précises pour lutter contre l'évitement fiscal et dissuader les contribuables d'y recourir; il s'attend à ce que le programme entraîne, en 1995-1996, l'établissement de nouvelles cotisations de 365 millions de dollars environ. Le coût de l'évitement fiscal n'est pas connu; toutefois, les résultats du programme de Revenu Canada pour lutter contre l'évitement fiscal indiquent que celui-ci continue de menacer sérieusement l'assiette fiscale.

Notre rapport indique que les abris fiscaux abusifs continuent d'exercer des pressions sur le régime fiscal. Le ministère pourrait encore rationaliser ses activités et renforcer l'obligation de rendre compte. Il pourrait, en particulier, chercher des moyens d'accélérer l'adoption des modifications législatives, s'assurer que les dossiers des grandes entreprises sont examinés adéquatement en vue d'y repérer des cas d'évitement fiscal et améliorer les communications internes.

Votre comité voudra peut-être examiner avec Revenu Canada les plans actuels pour régler l'ensemble de nos préoccupations au sujet de la surveillance de l'observation de la Loi de l'impôt sur le revenu que nous avons soulevées dans le rapport de mai 1996 et les rapports de vérification précédents.

Enfin, le chapitre 12 porte sur le programme de soins de santé d'Anciens Combattants Canada. Ce programme coûte quelque 629 millions de dollars par année et représente le secteur de dépenses qui affiche le taux de croissance le plus élevé du ministère. Ce dernier doit mieux planifier pour être en mesure de répondre aux besoins futurs de soins de santé de ses clients. Le ministère doit mieux contrôler les coûts de son programme de soins de santé. Le chapitre traite aussi d'un différend de longue date entre Anciens Combattants et certaines provinces quant à la responsabilité de certains soins de santé offerts.

[Français]

En résumé, monsieur le président, nous avons suggéré quatre questions en vue de la préparation, par votre comité, d'un plan pour ces audiences: l'observation sur les fiducies familiales et l'imposition des gains en capital; le chapitre 3 sur l'évaluation des programmes gouvernementaux; le chapitre 5 sur la réforme de la classification et l'évaluation des postes dans la fonction publique; et le chapitre 11 sur la lutte contre l'évitement de l'impôt sur le revenu. Ces suggestions peuvent servir de point de départ.

Je vous remercie, monsieur le président. Ceci complète notre vue d'ensemble du rapport, et nous serons heureux de répondre à toutes vos questions ou de discuter de nos suggestions.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Desautels. J'aurais une petite question.

Dans votre dernier commentaire, vous recommandez que notre comité se penche en priorité sur les fiducies familiales. Depuis que vous êtes en poste, avez-vous déjà fait des observations au niveau des fiducies familiales ou est-ce la première fois que vous vous penchez sur ce sujet?

M. Desautels: C'est la première fois que nous faisons des recommandations qui touchent particulièrement les fiducies familiales. Nous en avons fait dans le passé sur d'autres secteurs de la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple les filiales étrangères de sociétés canadiennes, mais pas précisément sur ce secteur-ci.

Dans le cas actuel, on ne parle pas strictement de fiducies familiales. Le sujet est plus vaste. On parle d'imposition des gains en capital et particulièrement de la notion des biens canadiens imposables, qui n'est pas le domaine unique des fiducies familiales.

Le président: Mais si on parle de deux cas qui représentent 2 milliards de dollars, c'est que vous avez jugé que c'était suffisamment sérieux pour en faire un point particulier cette fois-ci, n'est-ce pas?

.1630

M. Desautels: Oui. C'est notre pratique de suggérer au comité, après chaque rapport que nous déposons, ce que nous considérons être les sujets prioritaires, bien que nous aimions dire que tous les sujets que nous avons abordés sont importants.

Le président: Monsieur Laurin.

M. Laurin (Joliette): Le vérificateur général, au chapitre 1 de son dernier rapport, a parlé de deux cas particulièrement importants de fiducies familiales ou de gens qui ont transféré des fortunes colossales aux États-Unis.

À la période de questions en Chambre aujourd'hui, le ministre des Finances nous a bien indiqué qu'il trouvait normal que nous revenions à ces questions. Il s'est dit d'accord avec l'opposition pour qu'on en fasse état et que l'on obtienne les réponses à nos questions en comité puisqu'il ne pouvait pas répondre à toutes les questions en Chambre.

Puisque nous avons l'assentiment du ministre des Finances et qu'il nous encourage à poser ces questions, je vais donc m'y attarder aujourd'hui. J'aurais une question pour le vérificateur général sur les deux cas de décisions anticipées qui ont été prises en matière d'impôt sur le revenu en 1991 et en 1985, je crois.

Compte tenu de l'importance de la chose - on parle de 2 milliards de dollars, ce qui n'est pas un petit montant - et comme cela fait au moins deux ans et demi que nous en parlons en Chambre et que nous attirons l'attention des journalistes et du gouvernement sur les fiducies familiales en disant qu'il faut intervenir, je demande au vérificateur général s'il peut donner aujourd'hui au comité les noms des deux bénéficiaires qui ont transféré ces montants de 2 milliards de dollars aux États-Unis.

M. Desautels: Je considère que l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu m'empêche de révéler et le nom des fiducies concernées et toute information qui permettrait de les identifier.

M. Laurin: Dans la chronologie des événements que le vérificateur général rapporte à la pièce 1.4 de son rapport, aux pages 1-18 et 1-19, il mentionne des titres de personnes qui étaient en place à ce moment-là. Est-ce que le vérificateur général peut nous donner les noms de ces personnes? On parle d'un sous-ministre et d'un sous-ministre adjoint qui ont eu à intervenir dans la chronologie des événements.

M. Desautels: Il serait possible de vous fournir ces renseignements que je n'ai pas ici en ce moment. Je peux vous dire que le sous-ministre est le titulaire actuel du poste; quant au reste des gens, je n'ai pas cette information maintenant, mais je pourrais vous la fournir.

M. Laurin: Le sous-ministre est donc le même. On parle aussi du sous-ministre adjoint. Est-ce qu'il s'agit de la même personne qui est en place aujourd'hui?

M. Desautels: Je pourrais faire venir M. Minto qui est responsable de la vérification de ce ministère. Il pourrait répondre à la question de M. Laurin.

M. Laurin: Monsieur Minto, dans la chronologie des événements dont nous fait part le vérificateur général, on mentionne des personnes qui étaient en place à ce moment-là, sans donner les noms. On parle du sous-ministre et du sous-ministre adjoint de Revenu Canada qui ont eu à intervenir dans ces décisions.

.1635

Pouvez-vous nous donner les noms de ces deux personnes puisque, nous dit-on, les personnes qui étaient en place à ce moment-là le sont encore aujourd'hui?

[Traduction]

M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Bureau du vérificateur général du Canada): Monsieur le président, ces personnes sont toujours les mêmes et sont toujours en poste.

[Français]

M. Laurin: Je n'ai pas entendu. Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

M. Minto: Ce sont les mêmes personnes.

M. Laurin: Est-ce que vous pouvez les nommer?

[Traduction]

M. Minto: Je pense que le sous-ministre du ministère est M. Pierre Gravelle.

[Français]

M. Laurin: Le sous-ministre est M. Pierre Gravelle?

M. Minto: Oui, monsieur.

M. Laurin: Et l'adjoint?

[Traduction]

M. Minto: Le sous-ministre adjoint est M. Denis Lefebvre, je pense.

[Français]

M. Laurin: M. Denis Lefebvre est le sous-ministre adjoint et il exécutait les mêmes fonctions au moment où ces événements se sont produits. C'est bien ça?

[Traduction]

M. Minto: En effet, d'après ce que j'en sais, monsieur.

[Français]

M. Laurin: Monsieur Desautels ou monsieur Minto, est-ce que vous pouvez nous dire s'il y a eu d'autres cas de transfert depuis ce temps-là? On parle de deux cas particuliers, mais y en a-t-il eu d'autres depuis ce temps-là?

M. Desautels: Nous ne sommes pas en mesure de répondre de façon précise à cette question. Nous avons identifié les transferts décrits dans notre rapport à partir de certains procédés de vérification que nous avions déjà mis en marche. Nous avons fait un suivi sur les cas dont nous parlons. C'était, au moment de notre vérification, les seuls cas de cette sorte qu'on avait vus. Nous n'avons ni vu ni cherché à savoir s'il y a eu d'autres cas de ce genre depuis le moment où nous avons fait cette vérification.

M. Laurin: Monsieur Desautels, peut-on savoir s'il existe d'autres de ces cas? Le renseignement est-il public et, s'il l'est, à qui faudrait-il poser la question? Où faudrait-il chercher?

M. Desautels: La raison pour laquelle nous avons pu prendre connaissance des cas dont nous vous parlons aujourd'hui, c'est que ce sont des cas qui ont fait l'objet de décisions anticipées qui doivent maintenant être rendues publiques. Si aucune décision anticipée n'a été rendue, il est très difficile de savoir ce qui a été fait. C'est dans les dossiers confidentiels de chacun des contribuables.

M. Laurin: On sait que les décisions anticipées n'étaient pas publiées, mais cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas. À votre avis, où sont ces décisions anticipées qui existent sûrement quelque part, et comment peut-on procéder pour se les procurer et en connaître le contenu?

M. Desautels: Je ne crois pas qu'il y ait de problème à obtenir maintenant des copies de décisions anticipées. Depuis que nous avons débuté cette vérification, en particulier depuis un rapport que nous avons fait en 1993, le ministère a commencé à publier les décisions anticipées tout en biffant naturellement l'information qui permettrait d'identifier les contribuables.

M. Laurin: Monsieur Desautels, puisque vous avez identifié deux cas, est-ce qu'on pourrait au moins évaluer le montant que tous les cas pourraient représenter chaque année depuis ce temps-là?

M. Desautels: Monsieur le président, ce serait...

M. Laurin: Est-ce que cela paraît quelque part dans les Comptes publics?

M. Desautels: Monsieur le président, il serait virtuellement impossible de fournir à M. Laurin l'information qu'il demande, parce que les décisions anticipées ne donnent pas tous les détails nécessaires pour vous permettre d'avoir une idée du montant.

.1640

Comme je l'ai dit tantôt, les décisions anticipées doivent être rendues publiques par le ministère dans un certain délai. C'est à partir de ça qu'on peut obtenir une appréciation de la fréquence et de l'importance de telles transactions.

M. Laurin: Il me reste une question et un avis de motion.

Est-ce que le ministre des Finances pourrait vous autoriser à nous donner les noms des deux bénéficiaires qui ont transféré ces montants-là aux États-Unis?

M. Desautels: J'aurais besoin d'un avis juridique pour répondre à la question de M. Laurin, qui touche un domaine très, très important. Je ne suis pas en mesure de lui donner une réponse avant d'avoir consulté un conseiller juridique.

Le président: Combien de temps vous faudrait-il pour faire rapport au comité? Nous voulons commencer à travailler sur votre rapport. Étant donné que les fiducies familiales sont votre première priorité, nous ne travaillerons pas dans le vent, mais bien dans de la productivité.

Combien de temps vous faudrait-il pour obtenir cet avis juridique et pour répondre à cette question?

M. Laurin: Si ça peut aider M. Desautels, je rappelle qu'il y a un précédent. Dans le cas deM. Dingwall, le gouvernement avait donné l'autorisation.

Le président: Dans le cas de M. Dingwall?

M. Laurin: Oui.

Le président: Le ministre Dingwall?

M. Laurin: Oui, oui.

Le président: Combien de temps vous faut-il pour obtenir cet avis, monsieur Desautels?

M. Desautels: Je pourrais sans doute avoir un avis d'ici quelques jours ou quelques semaines. Le comité pourrait étudier immédiatement les questions que nous soulevons sans nécessairement exiger d'obtenir l'identité des parties en cause. À ce moment-là, je serais prêt à travailler avec le comité immédiatement.

M. Laurin: Est-ce que le ministre peut vous autoriser à faire enquête sur les circonstances qui ont amené le changement de décision dans cette affaire-là? La première décision était de ne pas rendre de décision favorable et, une quinzaine ou une vingtaine de jours plus tard, le ministère a modifié sa décision pour rendre une décision favorable.

Est-ce que le ministre pourrait vous autoriser à enquêter plus profondément sur les circonstances qui ont amené un changement d'opinion dans cette affaire-là, ou avez-vous déjà le pouvoir de le faire?

M. Desautels: Ce n'est pas une question de nous autoriser à enquêter. Notre loi nous permet d'aller aussi loin que nous le jugeons nécessaire.

À l'occasion, on peut nous demander de faire certaines études particulières. Dans le cas actuel, nous avons pris l'initiative de faire une vérification dans ce domaine sans demander d'autorisation. Nous avions cette autorisation.

Si nous n'avons pas pu obtenir réponse à tout, c'est qu'il n'y a pas d'autres renseignements disponibles; si le ministère a des choses à ajouter, il pourrait de lui-même fournir cette information-là sans nous demander de faire une enquête.

M. Laurin: Compte tenu des réponses de M. Desautels, je voudrais vous annoncer que je présenterai une motion à la fin de la présente assemblée.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Monsieur Williams, vous avez 12 minutes.

M. Williams (St-Albert): Merci, monsieur le président.

Monsieur Desautels, j'ai quelques questions à poser sur les fiducies familiales. Si vous voulez que M. Minto réponde à mes questions, je vous en prie, faites appel à lui.

.1645

Il y a eu une décision et, une semaine plus tard, une opinion - ce qui n'a pas le même poids officiel - contraire. Tout d'abord, j'aimerais savoir si les décisions et les opinions proviennent du même ministère.

M. Desautels: Oui.

M. Williams: Le même ministère est responsable des décisions et des opinions. Puisque les décisions ont un caractère beaucoup plus officiel, à votre connaissance, est-il déjà arrivé que l'on émette une opinion contraire à une décision qui venait tout juste d'être rendue?

M. Desautels: Si vous le permettez, je vais demander à M. Minto de répondre.

M. Minto: Monsieur le président, nous ne sommes pas au courant. Toutefois, je me dois d'ajouter que notre vérification ne visait pas à découvrir ce genre de choses.

M. Williams: Peut-on supposer que c'est assez rare que l'on rende une décision officielle une semaine et une opinion contraire la semaine d'ensuite? C'est assez inhabituel, n'est-ce pas?

M. Minto: Monsieur le président, je dois reconnaître que c'est inhabituel, d'autant plus que dans les deux cas, c'est le même service qui est en cause.

M. Williams: A-t-on prévenu publiquement les comptables, d'une façon ou d'une autre, de cette opinion qui rejetait les démarches que le contribuable envisageait de faire? Est-ce que cette opinion a été publiée d'une façon ou d'une autre?

M. Minto: La décision a été rendue publique, mais pas l'opinion.

M. Williams: L'opinion a été... excusez-moi, je parlais de 1985.

M. Minto: Ah, 1985. Je m'excuse. Non, monsieur, cela n'a pas été rendu public.

M. Williams: Dans ni l'un ni l'autre cas.

M. Minto: Non, monsieur. Permettez-moi de vérifier et de m'assurer que ce que je dis est exact. La décision de Revenu Canada permettant de transférer à l'extérieur du Canada des actions de sociétés ouvertes en franchise d'impôt n'a pas été rendue publique.

M. Williams: Bien. L'opinion contraire publiée une semaine plus tard a-t-elle été rendue publique, d'une façon ou d'une autre?

M. Minto: Oui, monsieur.

M. Williams: Donc, c'était public.

M. Minto: Oui, monsieur.

M. Williams: Ainsi, un contribuable a obtenu une décision confidentielle lui permettant d'éviter de verser l'impôt, et un autre contribuable a obtenu une opinion rendue publique, qui avait moins de poids, après la décision, dans laquelle il était dit que ce que l'on cherchait à faire n'était pas permis, décourageant ainsi évidemment un comptable, une entreprise ou un contribuable de faire la même chose pour bénéficier de cette échappatoire fiscale. On pensait ainsi avoir fermé la porte. Ai-je formulé là une hypothèse raisonnable, monsieur Minto?

M. Minto: Personne n'aurait eu accès à la décision où il était dit que c'était possible.

M. Williams: Si nous passons à la décision de 1991, je constate que c'est le 7 novembre que le ministère a reçu la demande d'une décision et que celle-ci a été rendue le 23 décembre, sept semaines plus tard. Dans le cas d'une question aussi compliquée, est-il normal de rendre une décision aussi rapidement?

M. Minto: Il est difficile de vous répondre, monsieur. Tout dépend des ressources que l'on peut affecter à ce travail.

M. Williams: J'ai l'impression qu'il était très urgent de rendre cette décision. Était-il avantageux pour le contribuable d'avoir la décision en main avant le 31 décembre 1991?

M. Minto: Monsieur le président, j'aimerais demander à M. Williams de bien vouloir reconsidérer cette question. Il m'interroge sur des choses qui sont de nature confidentielle en ce qui concerne le contribuable, et je ne pense vraiment pas qu'il devrait fouiller cet aspect.

M. Williams: Pouvons-nous présumer, monsieur Minto, que puisque l'année d'imposition se termine, pour la grande majorité des gens, le 31 décembre, il semblerait, ou du moins j'ai cette impression, y avoir quelque avantage à obtenir la décision aussi rapidement?

M. Minto: Nous avons cru comprendre que le ministère voulait donner un bon service au contribuable qui avait demandé la décision.

M. Williams: De la façon la plus efficace possible, évidemment.

M. Minto: Peut-être, monsieur le président, puis-je vous citer un extrait de la décision anticipée que le ministère a rendue publique dans une version modifiée. Il y est question de l'objectif de la décision ou de l'opération proposée:

J'ai donc l'impression que des opérations étaient alors en cours et qu'on voulait les terminer.

M. Williams: Le 23 décembre 1991, il y a eu une sorte de branle-bas de combat. Cette activité s'est produite un lundi, deux jours avant Noël, un temps de l'année où le gouvernement du Canada et les fonctionnaires n'atteignent normalement pas le maximum de leur efficacité. Beaucoup d'efforts ont cependant été déployés ce jour-là, comme vous l'indiquez à la pièce 1.4.

.1650

Le point culminant est, semble-t-il, survenu le 23 décembre. Les représentants des contribuables ont été informés que le ministère accepterait un engagement et une renonciation et rendrait une décision favorable. J'ai l'impression qu'ils ont dû recevoir un appel téléphonique, ou l'équivalent, leur indiquant que la voie était libre. Est-ce la façon normale de communiquer les décisions en matière d'impôt?

M. Minto: Vous supposez qu'il y a eu un appel téléphonique, ou l'équivalent. Honnêtement, je ne sais pas comment on a procédé. Ils ont simplement été informés. Nous pourrions essayer de savoir comment. Pour l'instant, je ne peux pas répondre à votre question.

M. Williams: Les fonctionnaires de Revenu Canada, autres que ceux des plus hauts échelons, ont tenu un procès-verbal minutieux de leurs réunions, et chacun d'eux a indiqué que ce n'était pas la position de Revenu Canada; ces actions étaient assujetties à l'impôt. Nous constatons cependant que pour les réunions au plus haut niveau il n'y a pas eu de procès-verbaux; et les décisions ont été complètement renversées. Pouvons-nous supposer que le ministre des Finances ou la ministre du Revenu ait pu participer à ces réunions?

M. Minto: Je ne suis absolument pas en mesure de dire si les ministres ont participé à ces réunions.

M. Williams: Vous ne pouvez pas dire s'ils ont participé ou non?

M. Minto: Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il n'y a pas eu de procès-verbaux ni de documents. Nous ne sommes donc pas en mesure de dire sur quoi s'est appuyée la décision. Nous ne pourrions qu'émettre des hypothèses, et nous ne voulons sûrement pas nous engager sur ce terrain.

M. Williams: Je ne sais plus où c'est exactement, monsieur Minto, mais il y a eu une autre opinion. Je parle de l'opinion de 1985, qui était contraire à la décision rendue une semaine plus tard. Je suis au paragraphe 1.36 de votre rapport:

Est-il normal que les opinions en matière d'impôt ne soient pas documentées?

M. Minto: Une des préoccupations que nous soulevons dans ce rapport, c'est que pour les questions importantes, les décisions importantes, les décisions importantes en matière de politique, il doit y avoir une analyse détaillée et rigoureuse permettant de juger de leur impact sur l'assiette fiscale, d'en comprendre les répercussions sur les autres parties de la Loi de l'impôt sur le revenu et d'en voir les effets futurs: où ces questions, ces décisions politiques nous mènent-elles? Nous avons trouvé étrange qu'il n'y ait rien de tel, et c'est pourquoi nous l'avons indiqué dans notre rapport.

M. Williams: Seriez-vous prêt à dire que, comme le ministère n'a pas informé ce cabinet de comptables des deux positions contraires, une décision en faveur et une opinion contre, il a donné un avantage injuste à certains contribuables - disons deux contribuables?

M. Minto: Je dirais que certains contribuables ont eu de l'information que d'autres n'ont pas eue. J'ignore s'ils en ont tiré avantage ou non. Certaines personnes ont eu l'information.

M. Williams: Je suppose, monsieur Desautels, que c'est le problème sur lequel vous avez voulu attirer notre attention: à savoir si cette façon de procéder mine la crédibilité de la Loi de l'impôt sur le revenu aux yeux des Canadiens. Lorsque certaines personnes ont accès à des opinions et des décidions confidentielles de Revenu Canada leur permettant de faire certaines choses refusées à d'autres, même par écrit, par le ministère, les Canadiens peuvent être amenés à s'interroger au sujet de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est le problème que vous soulevez.

M. Desautels: Nous indiquons clairement que notre préoccupation a trait au fait que les contribuables ne sont pas tous traités de la même façon. C'est une question de justice, entre autres, et c'est pourquoi nous la soulevons.

.1655

M. Williams: Je comprends vos contraintes et j'admire le professionnalisme avec lequel vous présentez vos rapports, mais je pense, personnellement, que le problème est très grave. Je pense que les Canadiens doivent s'inquiéter d'une ingérence possible dans l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, ingérence de la part de ceux qui ont les moyens de se payer des experts juridiques et de faire du démarchage en vue d'obtenir une opinion contraire à celle donnée à d'autres, et d'économiser ainsi... eh bien, le fait que deux milliards de dollars aient pu être sortis du pays sans impôt représente une perte énorme de deniers pour les Canadiens.

Dans votre chapitre 11, vous parlez de l'évitement de l'impôt sur le revenu, sur lequel vous vous êtes également penché. Vous indiquez que les contribuables ont trouvé des procédés d'évitement qui n'avaient pas été envisagés par les législateurs ou qui ne sont pas permis en vertu des règles générales anti-évitement. Si ces procédés sont contraires à l'objet et à l'esprit de la loi, s'ils sont également contraires aux règles générales anti-évitement, ils ne doivent pas être permis.

Ces règles générales anti-évitement existaient en 1991. Ce qui s'est passé, à votre avis, est contraire à l'esprit de la Loi de l'impôt sur le revenu. Avez-vous eu une explication rationnelle du ministère des Finances ou du ministère du Revenu national à ce sujet?

M. Desautels: Nous ne pouvons pas voir quel a été le lien entre la règle anti-évitement et le prononcé de la décision anticipée. Il est illogique pour Revenu Canada d'émettre une décision anticipée favorable dans un cas donné pour ensuite s'y attaquer au moyen d'une règle anti-évitement.

M. Williams: Il y avait des opinions contraires. Il y en avait une qui disait que les actions n'étaient pas visées, mais il y avait également des décisions indiquant qu'elles l'étaient. Est-ce que Revenu Canada ou le ministère des Finances vous a expliqué pourquoi le processus de décision a permis d'en arriver à des positions contraires?

M. Desautels: C'est le noeud du problème, monsieur le président. À cause du manque de documentation, nous ne pouvons comprendre la décision finale ni le renversement de la position antérieure.

M. Williams: Une dernière question, monsieur le président.

Le président: Votre temps de parole est écoulé. Vous pourrez essayer de nouveau plus tard, monsieur Williams.

Mme Barnes (London-Ouest): La semaine dernière, lorsque j'ai lu ce rapport, j'ai noté que... Je suis la secrétaire parlementaire de la ministre du Revenu, et je signale que nous nous sommes réunis la semaine dernière, ou plus tôt, pour examiner cette question. Je veux revenir avec le vérificateur général sur le fait que, comme il n'y a pas de recommandations dans ce rapport, nous nous sommes réunis avec la ministre pour faire le point. J'étais présente, avec d'autres députés concernés. Nous avons examiné ce chapitre ligne par ligne. Il n'y a pas de recommandations, et nous voulons être certains de comprendre les préoccupations du vérificateur général. J'oublie la date exacte.

M. Desautels: Normalement, j'offre aux ministres dont les ministères font l'objet d'un de mes chapitres ou d'un de mes rapports de revoir avec eux les questions qui me préoccupent quelques jours avant le dépôt du chapitre ou du rapport. Mme Barnes a raison: nous avons eu une réunion avec la ministre du Revenu national la semaine précédant le dépôt.

[Français]

Le président: Est-ce que ça vous laisse toute l'indépendance voulue? Si un ministère dit que ça n'a pas de bon sens, est-ce que vous conservez quand même l'indépendance liée à votre fonction? Je l'apprends. Je réagis. Les bras m'en tombent, monsieur Desautels.

.1700

M. Desautels: À ce moment-là, monsieur le président, le rapport est déjà imprimé et prêt à être livré.

[Traduction]

Mme Barnes: Le vérificateur général s'est dit extrêmement préoccupé par certains aspects de la Loi de l'impôt sur le revenu à cette réunion. C'est juste?

M. Desautels: C'est juste.

Mme Barnes: Au cours de la réunion, nous avons essayé de comprendre les préoccupations exprimées dans le rapport. Avez-vous mis en cause l'intégrité du ministère?

M. Desautels: Monsieur le président, depuis le dépôt du rapport j'ai eu l'occasion de répondre à des questions semblables, et j'ai indiqué qu'à mon avis l'intégrité du ministère n'était pas en cause. Dans mes relations avec Revenu Canada - et depuis que je suis vérificateur général j'ai eu l'occasion de traiter très souvent avec ce ministère - je n'ai jamais eu l'occasion ni le besoin de mettre en doute l'intégrité de ses hauts fonctionnaires.

Mme Barnes: Je crois comprendre que vous déploriez l'absence d'une piste de vérification acceptable. C'est juste? C'était bien un des problèmes que vous souleviez?

M. Desautels: C'est un des problèmes, monsieur le président, mais pas le plus important. Le plus grave, c'est l'effet ultérieur que la décision pourrait avoir, effet qui serait, à notre avis, contraire à certains principes de base de la Loi de l'impôt sur le revenu - voulant que les gains en capital soient tous imposés d'une façon ou d'une autre.

Mme Barnes: Vous savez évidemment que la Loi de l'impôt sur le revenu protège l'identité des contribuables. Des dispositions y veillent, tant pour les sociétés que pour les particuliers.

M. Desautels: J'en suis bien conscient, et je l'ai indiqué plus tôt en réponse à une question deM. Laurin.

Mme Barnes: Des extraits de rapports sont actuellement rendus publics au sujet de ces décisions anticipées.

M. Desautels: Je sais; nous l'avons dit.

Mme Barnes: Le ministère doit se montrer juste à l'endroit des contribuables canadiens. Comme vous le savez, la ministre a recommandé que la question que vous soulevez dans votre rapport... Comme il n'y avait pas de recommandations, nous avons voulu préciser les faits, vérifier que ce n'était pas un problème d'intégrité, mais un problème fiscal, relié précisément aux biens canadiens imposables. C'était bien ce qui vous préoccupait?

M. Desautels: Monsieur le président, le problème principal, c'est que l'ambiguïté qui se trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu peut avoir un effet qui, selon moi, n'avait pas été envisagé par les législateurs au départ.

Je vois certainement d'un bon oeil l'annonce faite par la ministre du renvoi de cette question à un comité. J'espère que ce sera bientôt, de façon à ce que la solution, s'il y en a une, soit appliquée rapidement.

Mme Barnes: C'est tout ce que j'avais à dire. Je tenais seulement à préciser que ce rapport s'attaquait à un problème d'impôt, non pas à un problème d'intégrité. Je voulais vérifier si vous étiez toujours du même avis que l'autre jour. Vous dites aujourd'hui que vous ne mettez pas en cause l'intégrité du ministère. Je pense que les Canadiens, et en particulier la ministre et le gouvernement, auraient raison d'être extrêmement inquiets si vous le faisiez.

M. Desautels: Monsieur le président, je répète que nous n'arrivons pas à comprendre la décision qui a été prise à cette occasion, mais que nous n'avons jamais eu de raison de douter de l'intégrité des hauts fonctionnaires de Revenu Canada dans leur travail.

Mme Barnes: Je vais m'arrêter là. Merci.

Le président: Il reste cinq minutes.

.1705

Monsieur Hubbard.

M. Hubbard (Miramichi): Dans le même ordre d'idées, il semble qu'un ou deux hauts fonctionnaires du ministère aient pris cette décision sans indiquer leurs raisons par écrit. C'est juste?

L'ont-ils fait sans une recommandation d'autres personnes du ministère? Est-ce le sous-ministre et son adjoint qui ont pris la décision sans explication écrite ou sans documentation?

M. Desautels: Je vais demander à M. Minto de répondre à cette question.

M. Minto: Monsieur le président, il est extrêmement difficile de répondre à cette question. Nous nous la posons nous-mêmes: qui a effectivement pris la décision? Sans procès-verbaux, sans documentation, il est extrêmement difficile de voir qui a participé aux réunions, qui a dit quoi, qui a conseillé quoi et comment la décision a finalement été prise.

M. Hubbard: Vous voulez dire, monsieur Minto, qu'une décision représentant des centaines de millions de dollars pour le Trésor canadien...

M. Minto: Exactement.

M. Hubbard: ...a été prise sans documentation, sans procès-verbaux, sans raison. Un ou deux hauts fonctionnaires du ministère s'en sont chargés.

M. Minto: Je reviens sur votre dernier point, si vous me le permettez... Nous n'avons pas dit sans raison. Nous avons indiqué que nous ne pouvions pas voir la raison parce qu'il n'y avait pas de documentation. Il y a une différence.

M. Hubbard: Toujours en ce qui concerne le ministère, je lis ici qu'il y a des intérêts qui sont radiés des comptes.

M. Minto: C'est juste.

M. Hubbard: Le groupe de vérification s'est-il assuré que ces radiations sont effectuées d'une façon organisée, définie, autorisée à l'intérieur du ministère? Sont-elles approuvées par quelqu'un de haut rang?

M. Minto: Nous avons soulevé la question de la radiation des intérêts dans un chapitre que nous avons préparé il y a deux ans sur la perception. Nous avons constaté à l'époque que le ministère radiait systématiquement les intérêts, sans jamais indiquer le montant de ces radiations. Les montants n'ont jamais été signalés dans les Comptes publics du Canada, là où se trouve la liste de toutes les dettes radiées par la Couronne; ils n'ont jamais été consignés non plus à l'interne. Le ministère ne savait pas à combien il renonçait en tout.

M. Hubbard: Ce que je veux savoir, c'est s'il y a une politique précise concernant le niveau des fonctionnaires autorisés à recommander à leurs supérieurs la radiation d'intérêts ou d'autres dettes par Revenu Canada.

M. Minto: Monsieur le président, il y a effectivement à Revenu Canada une politique concernant les personnes autorisées à radier les intérêts.

M. Hubbard: Il ne s'agit donc pas de recommandations qui sont ensuite approuvées par quelqu'un de haut rang?

M. Minto: Selon les montants en cause, la décision peut être prise par un comité. Ou encore, elle peut être prise à un niveau plus élevé. Le problème que nous soulevons, si vous le permettez, est quelque peu différent.

Nous parlons de deux sortes de radiations d'intérêts. Dans un cas, les intérêts figurent dans les comptes du ministère. Lorsqu'ils sont radiés, il y a une indication.

Dans le deuxième cas, il s'agit des intérêts qui s'accumulent en cours de route; lorsque le ministère négocie avec le contribuable, il offre au départ de renoncer à cette partie des intérêts. Ce montant-là n'est consigné nulle part, et, en vertu du système actuel, il n'y a pas d'indications qu'il est radié. On ne le connaît donc pas. Le problème, c'est que ce sont des deniers publics et que si on y renonce, si on les radie, on doit les consigner quelque part. C'est le problème particulier sur lequel nous voulons attirer l'attention. Il a trait à la deuxième catégorie de radiations que nous décrivons dans notre chapitre sur la perception.

M. Hubbard: En ce qui concerne l'évitement fiscal, plus précisément les abris fiscaux, vous semblez dire qu'il y a des gens qui recommandent aux contribuables divers procédés qui ne respectent pas la loi, ou qui sont à la limite.

Vous semblez dire également qu'aux États-Unis, depuis 1982, il y a une loi précise, assortie de peines, visant ces personnes. Recommandez-vous le même système ici à notre ministre et à notre gouvernement à l'égard des gens qui amènent les contribuables à éviter de payer l'impôt et qui leur causent des problèmes lorsqu'il y a des rajustements par la suite?

.1710

M. Minto: Monsieur le président, le député fait allusion au paragraphe 11.67, qui mentionne le fait que les États-Unis ont des lois à cet égard et imposent des peines aux gens qui s'adonnent à ce genre d'activités. Au Canada, la Loi de l'impôt sur le revenu ne permet pas d'agir contre les personnes qui encouragent l'abus des abris fiscaux. Ce n'est que dans les très rares cas de fraude évidente que le ministère peut intervenir. Je pense qu'il y a eu quatre ou cinq de ces cas.

J'attire votre attention sur le paragraphe 11.70, dans lequel nous recommandons que Revenu Canada envisage de demander au ministère des Finances qu'il institue une pénalité supplémentaire pour la promotion d'abris fiscaux. Je suis sûr que le problème sera discuté plus avant. Actuellement, il y a des gens qui pour une raison ou pour une autre sont attirés par ces procédés et qui finissent par perdre leur argent - il y a une nouvelle cotisation - sans que les promoteurs de ces procédés soient inquiétés.

[Français]

Le président: Monsieur Tremblay, cinq minutes.

M. Tremblay (Rosemont): Je vais suivre la recommandation du vérificateur général et aller à la question du gain en capital dans les fiducies familiales et à celle de l'évitement fiscal. Dans le cas du gain en capital et des fiducies familiales, à quel moment avez-vous commencé cette vérification?

[Traduction]

M. Minto: Il y a deux ans, nous avons effectué une vérification du processus de décision anticipée; c'est au cours de cette vérification, qui a porté sur un échantillon de décisions anticipées rendues par le ministère, que ces cas ont été portés à notre attention.

Nous avons terminé notre chapitre, parce qu'il portait sur des questions beaucoup plus larges. Nous ne nous sommes pas arrêtés à cette situation à ce moment-là. Nous nous sommes dit que nous y reviendrions.

[Français]

M. Tremblay: Au fond, c'est une vérification sur les processus de décisions anticipées qui vous a amenés à la question du gain en capital. Vous êtes en quelque sorte entrés pas la porte de côté. On a mis beaucoup l'accent sur les fiducies familiales, et je le comprends très bien. C'est tout à fait justifié étant donné l'importance des cas que vous nous présentez. Vous savez très bien que sur les questions d'impôt, on a rarement des cas aussi bien présentés.

Ici, tout est confidentiel et vous allez respecter la confidentialité, mais vous nous donnez au moins une bonne idée du processus de la décision et de son importance. Cela concerne des gains en capital sur des biens qui ne sont pas nécessairement dans des fiducies familiales. Est-ce que tous les biens concernés sont nécessairement dans des fiducies familiales ou si ces biens canadiens imposables peuvent être à l'extérieur des fiducies familiales?

M. Desautels: Monsieur le président, la question des biens canadiens imposables ne concerne pas uniquement les fiducies. Des particuliers peuvent également avoir des biens canadiens imposables.

M. Tremblay: Donc, cette question - je ne parle pas de la question du transfert de fonds - s'applique à plusieurs milliards de dollars au Canada. Ce n'est pas seulement la question des fiducies familiales. Il s'agit de l'ensemble de la question du gain en capital sur des biens canadiens imposables. C'est ce que vous soulevez.

M. Desautels: C'est exact, monsieur le président.

M. Tremblay: Je pense que les bras du président peuvent tomber encore une fois. Ce sont des milliards et des milliards de dollars qui sont en jeu dans cette décision. On parle de transferts à l'étranger, mais on a une croissance telle de la mobilité du capital et on assiste à une telle multiplication des filiales, et même des citoyennetés car les Canadiens ayant plusieurs citoyennetés sont de plus en plus nombreux, que c'est une question d'une très grande ampleur. On aura l'occasion de revenir sur vos intentions à l'avenir.

Il me semble qu'il pourrait y avoir un assez gros chapitre sur cette question. Dans le même sens que la question posée par M. Laurin, on veut aller plus loin et plus rapidement sur cette question, mais on est un peu coincés par la confidentialité des données. Par contre, il me semble qu'on devrait faire un certain travail, en tenant compte de la confidentialité, pour avoir une idée de l'ampleur de la chose. Avez-vous des suggestions à nous faire en ce sens?

.1715

M. Desautels: La question de la confidentialité n'empêche pas l'étude des questions que nous soulevons. On peut mettre devant vous tous les facteurs en jeu d'une façon encore plus détaillée que dans le chapitre. Cela vous permettrait de juger de la logique du système et de voir si la planification est bien celle que vous désirez comme parlementaires. On peut aller très loin dans l'étude de cette question sans être forcément limité par la question de la confidentialité.

M. Tremblay: Tout à l'heure, un membre du parti au pouvoir posait une question sur l'intégrité. Vous avez dit que vous ne compreniez pas la décision mais que vous ne remettiez pas en cause l'intégrité. Votre rôle n'est pas de vérifier l'intégrité des personnes mêlées à un processus, mais bien de vous poser des questions sur le processus et sur la décision en rapport avec la loi. La question de l'intégrité des personnes mêlées au processus n'est pas de votre ressort, mais de celui de quelqu'un d'autre.

J'essaie de comprendre votre mandat dans tout cela, parce qu'il y avait beaucoup de nuances dans les réponses. Je voudrais mettre ça bien au clair. Au fond, on semblait vouloir vous faire dire que la question de l'intégrité n'avait rien à voir là-dedans. Ce que vous affirmez d'abord, c'est que vous ne comprenez pas les décisions. Vous n'avez pas fait enquête là-dessus.

M. Desautels: Sur le plan technique, nous ne comprenons pas la décision et nous jugeons que la documentation est inadéquate. Nous n'avons pas eu d'indication qu'il y avait eu ingérence ou manque d'intégrité de la part de qui que ce soit. Par contre, nous n'avons pas fait une enquête axée sur ces points-là. Notre enquête était plutôt axée sur l'interprétation technique qui a été donnée à la demande d'interprétation.

M. Tremblay: Merci.

[Traduction]

Le président: Vous avez cinq minutes, monsieur Williams.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Du chapitre 1, je vais passer au chapitre 11. Si je comprends bien ce que vous indiquez là, le ministère répartit ses vérificateurs en divers groupes; il y en a un pour les grandes entreprises et un autre pour l'évitement fiscal. Ce sont deux groupes distincts.

M. Minto: C'est juste.

M. Williams: Au paragraphe 11.7, je lis que 150 vérificateurs font partie du groupe de l'évitement fiscal; ce groupe est différent de celui des grandes entreprises.

M. Minto: En effet.

M. Williams: Selon vos constatations, 5 000 entités sont contrôlées par un peu plus de200 sociétés parmi les plus grandes, et les grandes sociétés forment une catégorie à haut risque. Mais au paragraphe 11.25, vous dites qu'un seul cas, un seul, a été renvoyé par le groupe de vérificateurs des grandes entreprises au groupe de l'évitement. Il y a 150 vérificateurs dans le groupe de l'évitement, et le bureau de Toronto, qui s'occupe sûrement d'un nombre élevé de grandes sociétés, n'a effectué qu'un seul renvoi?

M. Minto: Pour préciser, si vous vous reportez au paragraphe 11.25, vous pouvez constater qu'il y a eu en fait 27 cas d'évitement renvoyés en 1994-1995. Le renvoi unique est survenu à Toronto, mais le bureau de Toronto n'a pas 130 vérificateurs. Les 130 sont répartis dans 30 bureaux dans tout le pays.

M. Williams: Je comprends, monsieur Minto, mais je dis que Toronto s'occupe sûrement d'un nombre très élevé de déclarations de grandes sociétés.

M. Minto: Certainement.

M. Williams: Parmi tous ces cas à haut risque, un seul a été renvoyé. Au paragraphe 11.26, je constate que la situation est très différente à Calgary. J'y lis ce qui suit:

.1720

Là les vérificateurs de l'évitement fiscal et les vérificateurs des grandes entreprises collaborent, tandis qu'à Toronto ils ne semblent pas travailler de la même façon. Est-ce exact?

M. Minto: C'est ce que nous disons, oui, qu'à Calgary le système semble fonctionner beaucoup mieux.

M. Williams: Le système fonctionne mieux à Calgary. Il me semble que la politique vise à faire payer plus d'impôts à l'Ouest qu'à l'Est.

M. Minto: Si vous le permettez, monsieur le président, je renvoie M. Williams au paragraphe 11.62. À la fin, il y est indiqué que 60 p. 100 des vérificateurs de l'évitement fiscal participent à des examens d'abris fiscaux. Le fait est que ces fameux abris fiscaux requièrent tellement de temps et d'attention de la part des vérificateurs de l'évitement à Toronto qu'ils sont limités ailleurs. C'est un des problèmes que nous soulevons au sujet des abris fiscaux.

M. Williams: Revenons à votre chapitre 1, si vous le voulez bien, monsieur Minto, là ou vous dites que les gens qui ont les moyens de se payer des experts en matière fiscale réussissent à obtenir des décisions qui leur sont fort avantageuses. À Toronto, les gens ne réussissent pas à s'entendre ni à collaborer entre eux. Les deux ministères ne travaillent pas de pair, ne sont pas aussi efficaces et productifs qu'à Calgary.

À Calgary, ils soumettent les déclarations d'impôt à deux examens, un pour vérifier l'exactitude et l'autre pour détecter l'évitement fiscal. À Toronto, c'est parfois un pas, parfois deux. Et les deux pas n'arrivent pas souvent; ils n'ont de fait produit qu'un seul renvoi.

Je vous pose cette question. Le ministère du Revenu national n'a-t-il pas des politiques uniformes qu'il applique également à tout le pays?

M. Minto: Notre préoccupation est indiquée au paragraphe 11.27. Selon nous, les questions d'évitement fiscal impliquant des grandes sociétés ne sont pas examinées de façon uniforme et ne reçoivent peut-être pas l'attention qu'elles méritent dans tous les bureaux de district.

M. Williams: Le ministère a-t-il des politiques différentes selon les régions du pays?

M. Minto: Je pense que les politiques sont les mêmes.

M. Williams: Ce sont les mêmes, mais elles sont appliquées différemment selon les régions?

M. Minto: C'est juste. Pour diverses raisons, elles sont appliquées différemment.

M. Williams: Elles sont appliquées de façon plus efficace dans l'Ouest que dans le centre du Canada pour produire plus de recettes fiscales.

M. Minto: Je vous renvoie au paragraphe 11.29. Nous avons fait une recommandation, et le ministère a répondu... C'était la situation au moment où nous y étions. Dans sa réponse, le ministère a indiqué qu'il allait changer son approche, qu'il entendait faire les choses différemment.

M. Williams: Vous êtes un vérificateur, monsieur Minto, vous êtes un haut placé au Bureau du vérificateur général. Du strict point de vue pécuniaire, si chaque vérificateur produit pour environ 2,6 millions de dollars d'impôt, ne pensez-vous pas...? Je ne sais pas combien vous payez ces gens-là. J'imagine qu'ils touchent un salaire raisonnable, mais ils ne gagnent sûrement pas2,6 millions de dollars. Pour les contribuables, il y a un avantage réel à ce que ces vérificateurs s'assurent que la Loi de l'impôt sur le revenu s'applique de façon juste.

Comment la ministre ou le sous-ministre du Revenu national peut-il justifier le fait qu'il n'a pas les moyens d'investir dans le salaire d'un percepteur d'impôt de qui il peut raisonnablement s'attendre à recevoir pour 2,6 millions de dollars d'impôt? La direction de Revenu Canada est-elle à la hauteur de la tâche?

M. Minto: Le fait est que le Parlement fournit au ministère du Revenu national environ39 300 employés; à certains moments, ce chiffre peut atteindre presque 42 000. Ses frais d'exploitation sont de l'ordre de 2,1 milliards de dollars. J'attire votre attention sur le paragraphe 11.21, où nous demandons au ministère où est sa stratégie d'observation générale.

M. Williams: Revenons à votre chapitre 1, si vous le voulez bien, monsieur Minto, qui relève le fait qu'il y a une règle pour certains, laquelle leur permet de réduire leur impôt de façon importante, et une autre pour le reste des Canadiens, qui doivent payer leur impôt selon la Loi de l'impôt sur le revenu; disons que c'est leur juste part d'impôt.

Dans ce cas-ci, ce sont les contribuables d'une région du pays qui doivent acquitter leur impôt selon la Loi de l'impôt sur le revenu, qui doivent payer leur juste part d'impôt, tandis qu'à cause d'un manque de ressources - même si un vérificateur gagnant 75 000 $ par année peut rapporter pour2,5 millions de dollars d'impôt - ce n'est pas la même chose ailleurs, la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas avec la même équité.

.1725

Ai-je raison de faire le lien entre les deux situations?

M. Minto: Nous indiquons notre conclusion dans le chapitre: nous ne croyons pas que la loi soit appliquée de façon uniforme.

M. Williams: La loi n'est pas appliquée de façon uniforme, de sorte que dans certaines régions du pays les gens paient certainement leur juste part d'impôt, la loi étant interprétée comme elle est censée l'être, tandis que dans d'autres régions les vérificateurs constatent que les gens évitent l'impôt, réclament des déductions auxquelles ils n'ont pas droit légalement.

M. Minto: Si vous me permettez de terminer - comme vous soulevez ce point - je vous rappelle que ce programme n'est pas le seul. Ce programme vise l'évitement fiscal. L'équité est un concept très large, et ce programme contribue probablement...

M. Williams: Oui, je comprends cela aussi.

M. Minto: Mais je ne pense pas que vous puissiez tirer des conclusions à propos de l'équité en général à la lumière de ce seul programme.

[Français]

Le président: Monsieur Paradis, cinq minutes.

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Il est intéressant qu'on s'arrête au chapitre qu'on regarde aujourd'hui. Il y a des conditions économiques difficiles au Québec. Je ne voudrais pas qu'à un moment donné, des milliards de dollars sortent du pays à cause de l'insécurité économique. Il est peut-être bon de regarder ce qui se passe au niveau des sommes d'argent qui sont transférées à l'extérieur du Canada à l'heure actuelle ou qui l'étaient en 1991. J'aimerais préciser que ce qu'on regarde s'est produit en 1991 et donc sous le gouvernement précédent.

Cela étant dit, j'ai des questions bien simples. D'abord, aux tableaux qu'on trouve aux pages 1-18 et 1-19 de votre volume, on s'aperçoit qu'il y a eu plusieurs réunions le 23 décembre 1991. Où ces réunions ont-elles eu lieu?

[Traduction]

M. Minto: Que je sache, c'est à Ottawa, dans les bureaux de Revenu Canada. Mais je pourrais vérifier et vous fournir une réponse bien précise.

[Français]

M. Paradis: J'aimerais avoir l'endroit précis où s'est tenue chacune de ces réunions, si c'est possible. Où toutes les réunions du 23 décembre ont-elles eu lieu?

[Traduction]

M. Minto: Monsieur le président, pouvons-nous nous engager à vous fournir plus tard une réponse très précise à cet égard?

[Français]

M. Paradis: À la page 1-22, on dit:

[Traduction]

M. Minto: Je crois que c'est le sous-ministre adjoint de la Direction des décisions.

[Français]

M. Paradis: Quel est son nom?

[Traduction]

M. Minto: C'est le nom de la personne que j'ai citée auparavant, M. Denis Lefebvre.

[Français]

Le président: Il ne nous reste que quelques minutes avant le vote, monsieur Desautels, et il y a encore beaucoup de collègues qui désirent vous poser des questions. Vous savez que le dossier des fiducies familiales est assez d'actualité. Les dernières questions de M. Paradis s'inscrivent dans ce sens-là. Je suis persuadé que les hauts fonctionnaires de Revenu Canada seraient en mesure de venir répondre à certaines de ces questions. Alors, j'aimerais suggérer aux collègues du comité que l'on ajourne. Est-ce que vous pouvez revenir devant le comité la semaine prochaine, monsieur Desautels?

M. Desautels: Je ne serai pas disponible lundi, mardi et mercredi, mais je le serai jeudi et vendredi.

Le président: Jeudi, d'accord. Est-ce que les collègues seraient d'accord qu'on inviteM. Gravelle, sous-ministre du Revenu, M. Lefebvre et le vérificateur général jeudi prochain à 9 h? On pourrait se réunir de 9 h à 12 h, ou jusqu'à la période des questions, s'il le faut.

.1730

M. Laurin: Compte tenu de l'urgence des choses, est-ce qu'il serait possible que le vérificateur général soit représenté par quelqu'un qui puisse répondre à nos questions sur ce dossier? Je sais que, selon le dossier, vous déléguez des personnes différentes.

Jeudi prochain, on est déjà à une journée de la relâche; il serait important qu'on traite de cette chose-là avant de partir. Je préférerais de beaucoup qu'on se réunisse mardi prochain. On pourrait continuer le jeudi avec M. Desautels si besoin est.

Le président: Oui, parfait, mais on va vérifier la disponibilité de M. Gravelle. On veut le convoquer aujourd'hui, mais on ne sait même pas s'il est disponible.

[Traduction]

M. Williams: Bien que je sois d'accord pour dire qu'il s'agit d'un sujet fort important, sur lequel nous voulons mener une enquête complète à tous les égards, je voudrais pouvoir procéder avec circonspection, plutôt que de traiter la question à la hâte.

J'aimerais très certainement que le comité entende le sous-ministre des Finances, M. David Dodge, ainsi que le sous-ministre du Revenu, M. Pierre Gravelle, et le sous-ministre adjoint de la Direction des décisions, M. Lefebvre. Ce sont trois personnes auxquelles j'aimerais parler. Nous voudrions aussi que le Bureau du vérificateur général soit représenté, de préférence par le vérificateur général.

Je préférerais que la question soit renvoyée au comité directeur et que ce soit ce comité qui décide des témoins à convoquer et qu'il nous fasse part de sa décision. Je ne veux vraiment pas faire les choses d'une façon précipitée; je veux pouvoir réfléchir aux personnes à qui j'aimerais parler, aux témoins qui devraient comparaître devant le comité. Je voudrais que les choses se fassent dans des délais assez courts, mais je ne veux pas que la décision soit prise à la hâte, monsieur le président. Donc, si nous devons en reparler jeudi prochain, je demanderais que nous renvoyions la question au comité directeur et qu'il ait le pouvoir de convoquer les témoins appropriés.

[Français]

M. Paradis: En effet, il serait bon de renvoyer cela au comité directeur et d'encourager ce dernier à tenir une réunion de préparation à huis clos avec les recherchistes avant qu'on poursuive.

Le président: D'accord.

M. Laurin: Monsieur le président, j'aimerais savoir ce qui arrive de ma motion.

Le président: Il faudrait la lire et la mettre aux voix.

M. Laurin: Je propose que le Comité permanent des comptes publics étudie, dans les plus brefs délais, la question des fiducies familiales dont traite le Rapport du vérificateur général du Canada du 7 mai 1996.

Ma proposition s'inscrit dans le sens des recommandations de M. Desautels. Je tenais à proposer une motion parce que je considère qu'il est urgent d'en traiter le plus rapidement possible. Encore une fois, c'est deux milliards de dollars. Ce n'est pas dans deux ou trois mois qu'il faut en traiter, mais tout de suite.

[Traduction]

M. Telegdi (Waterloo): Monsieur le président, je propose qu'on confie la question au comité directeur; ensuite nous devons lever la séance, car nous sommes convoqués à la Chambre.

[Français]

Le président: Oui, mais on a déjà une motion devant nous. Il faudrait voter sur la première motion et, si elle est défaite, voter sur votre motion. Est-ce que le proposeur accepte que tout cela soit reporté?

M. Laurin: Le comité directeur ne peut pas voter sur ma motion. Seul le comité peut se prononcer là-dessus. Alors, j'aimerais qu'on se prononce sur ma proposition, et le comité directeur en tiendra compte dans ses décisions.

Le président: Je pense que les membres du comité directeur sont vraiment conscients de l'urgence de la situation.

[Traduction]

M. Williams: J'appuie la motion, monsieur le président, et il incombera au comité directeur de voir quand nous pourrons nous réunir dans les plus brefs délais.

Le président: Il n'y a pas de date de citée ici.

[Français]

La motion est adoptée à l'unanimité

Le président: La séance est levée.

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