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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 26 mars 1996

.1536

[Traduction]

Le vice-président (M. Telegdi): Conformément à l'article 108(3)d) du Règlement, étude du chapitre 6 du rapport de mai 1995 du vérificateur général. Nous recevons un certain nombre de témoins aujourd'hui. De l'Office national des transports, nous avons M. Gilles Rivard, président, et M. Ron Ashley, avocat. Du ministère de la Justice, nous avons M. Henry Molot, avocat général principal, et M. Donald Murphy, avocat-conseil.

Bienvenue à tous. Monsieur Rivard, veuillez faire votre déclaration.

M. Gilles Rivard (président, Office national des transports du Canada): Merci. Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de m'adresser au Comité permanent des comptes publics. Il s'agit de la troisième de plusieurs présentations de l'Office devant le comité et je crois comprendre qu'aujourd'hui le comité désire aborder plus particulièrement la question suivante: «le fait de juger de l'aspect «raisonnable» des tarifs de transport des marchandises, lesquels sont contenus dans les demandes de subventions déposées en vertu du Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique, entre-t-il ou non dans les attributions de l'Office?»

[Français]

Je suis heureux que nous puissions étudier la question de la compétence, car celle-ci a été centrale à l'égard des décisions que l'Office a dû rendre tout au long de la période de dissolution du programme. L'Office ne peut fonder ses décisions que sur les meilleures données disponibles, les lois et les règlements applicables et les conseils juridiques qu'elle reçoit. C'est ce que l'Office a fait en ce qui a trait à l'administration du programme susmentionné.

[Traduction]

Vous connaissez très bien le dossier et, par conséquent, je ne m'en tiendrai qu'aux faits pertinents se rattachant à la question fondamentale d'ordre juridique: l'Office est-il ou non habilité à évaluer, voire remettre en question, le niveau des tarifs de transport des marchandises qu'exigent les transporteurs pour des mouvements contenus dans leurs demandes de subventions? J'espère que je saurai remettre les questions soulevées aujourd'hui en contexte.

Premièrement, comme vous le savez, le ministre des Finances avait introduit une loi dans le budget fédéral de février 1995 qui, entre autres choses, mettait effectivement fin au programme de subventions dans la Région atlantique. La date de l'abolition du programme avait été arrêtée au 30 juin 1995. L'Office fermera son bureau le 30 avril prochain. Parmi les 45 employés à temps plein qui y étaient affectés, il en reste dix. Ceux-ci seront avisés, par lettre, lundi prochain de leur statut d'employé excédentaire.

.1540

[Français]

Depuis l'implantation du programme, les conseillers juridiques de l'Office national des transports ont toujours maintenu que les lois et règlements régissant le programme de subventions en question ne contenaient aucune disposition et n'établissaient aucun critère concédant à l'Office le pouvoir d'évaluer ou de remettre en question les tarifs qu'exigeaient les transporteurs pour le transport de marchandises et pour lequel ils demandaient des subventions.

Face à cette situation, je me suis adressé au ministre des Transports le 27 avril 1995 afin que des modifications soient apportées, donnant à l'Office un pouvoir net de rejeter les demandes de subventions lorsque celles-ci, de l'avis de l'Office, contenaient des tarifs déraisonnables pour le transport de marchandises.

[Traduction]

Dans sa réponse du 11 mai 1995, le ministre m'a indiqué que la modification des règlements aux fins dont je viens de parler est inutile et peu pratique à la lumière de l'abolition imminente du programme de subventions. Il a de plus ajouté que les avocats-conseils de Transports Canada l'avaient informé que l'Office pouvait rejeter les demandes déraisonnables pendant la période précédant l'abolition du programme puisque la loi et les règlements applicables ne contenaient aucune disposition selon laquelle l'Office n'était pas habilité à rendre une décision relative à une demande se fondant sur l'aspect déraisonnable de celle-ci.

M. Murphy, l'avocat principal à Transports Canada, est présent aujourd'hui et je lui laisserai le soin d'expliquer son raisonnement.

Je me contenterai seulement de dire qu'à ce moment-là les opinions juridiques étaient très diverses. Compte tenu des circonstances, j'ai choisi une démarche qui permettrait à la fois de préciser les obligations légales de l'Office et d'assurer la meilleure protection des fonds publics.

Dans un premier temps, et à titre de précaution, j'ai enjoint au personnel de l'Office de mettre en oeuvre une procédure d'examen des taux et des activités. Ainsi, si l'Office avait effectivement le pouvoir de rejeter les demandes de subventions en raison de tarifs exagérés, je voulais m'assurer qu'il peut avoir toute l'information sur laquelle reposeraient ses décisions.

Dans un deuxième temps, j'ai enjoint aux avocats-conseils de l'Office d'obtenir une opinion juridique d'une tierce personne sur la question de compétence de l'Office, opinion qui provenait d'un spécialiste bien connu de la Section du droit administratif du ministère de la Justice. Cela était essentiel, à mon avis, afin de clarifier cette question et de permettre à l'Office de choisir la démarche appropriée.

[Français]

Le 24 octobre 1995, M. Henry Molot a fait part à l'Office d'une première opinion. À ce moment, les avocats-conseils de l'Office m'avaient avisé que l'opinion soulevait certaines interrogations au sujet desquelles ils désiraient discuter avec M. Molot. À ce que je sache, ils ont eu l'occasion d'aborder toutes les questions s'y rattachant lors d'une réunion avec M. Molot etM. Donald Murphy qui s'est tenue le 30 octobre 1995.

[Traduction]

Un mois plus tard, l'Office a reçu l'opinion définitive de M. Henry Molot, laquelle fut transmise au Comité permanent des comptes publics ainsi qu'au vérificateur général. Après avoir étudié tous les recours juridiques possibles et examiné minutieusement la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la région atlantique ainsi que les règlements pris en vertu de cette loi, M. Molot a conclu qu'il n'existe aucun fondement juridique permettant à l'Office d'imposer une exigence de tarifs raisonnables aux transporteurs qui demandent des subventions.

.1545

Cette opinion cadre parfaitement avec la position que l'Office a toujours soutenue selon laquelle il y a absence d'autorité à l'égard de l'examen des tarifs de transport des marchandises. À mon avis, la question de compétence de l'Office est réglée une fois pour toutes.

M. Molot est ici aujourd'hui et je lui laisserai également le soin d'expliquer le raisonnement derrière son opinion.

En conclusion, je désire souligner la présence de M. Ron Ashley, avocat-conseil de l'Office. Nous répondrons tous deux volontiers à vos questions. M. Seymour Isenberg, directeur général de la Direction générale du transport ferroviaire de l'Office, et chargé de mettre fin au Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique, est également présent.M. Doug Rimmer, autrefois directeur général, a quitté l'Office. Il y a aussi M. Keith Simpson, directeur du Bureau régional de l'Office à Moncton. Ils répondront à toute question précise portant sur l'administration du programme.

Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Rivard, pour rafraîchir ma mémoire, la dernière fois que vous avez comparu, nous avons obtenu de vous l'engagement que les tarifs déraisonnables demandés seraient refusés. Maintenant, vous nous dites, pourquoi ils peuvent l'être. C'est pour cela que nous avons organisé cette réunion.

Passons maintenant à M. Molot.

M. Henry Molot (avocat général principal, Section du droit administratif, ministère de la Justice): Monsieur le président, je pense que j'ai été invité à comparaître ici aujourd'hui à cause de l'opinion juridique datée du 24 novembre 1995, dont M. Rivard a parlé, et que j'ai donnée à l'Office national des transports au sujet de son pouvoir d'administrer les demandes d'aide dans le cadre de divers programmes d'aide au transport dans la Région atlantique.

D'ordinaire, le privilège des communications entre client et avocat m'empêche de discuter librement d'un avis juridique. Cependant, étant donné que l'Office a remis au comité un exemplaire de l'avis et qu'il a, par la même occasion, renoncé à son privilège concernant cet avis, il me semble que je ne suis plus soumis à cette contrainte.

Compte tenu du rapport qu'il y a entre la raison de ma présence ici aujourd'hui et l'avis que j'ai envoyé à l'Office le 24 novembre 1995, il est peut-être utile, dans cet exposé liminaire, de résumer brièvement le raisonnement qui m'a amené aux conclusions formulées dans l'avis juridique. Compte tenu du fait que nous parlons ici de plus d'un programme de subvention, et que j'en ai parlé dans ma lettre, et pour faciliter la présentation, je me limiterai à l'aide prévue à l'article 3 de la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique et dans les règlements connexes.

Dans un cas comme celui-ci, où les pouvoirs juridiques d'un organisme administratif comme l'Office sont en cause, il faut commencer par le principe fondamental du droit public selon lequel un tel organisme ne peut pas agir à moins qu'il en ait le pouvoir juridique. Dans un tel cas, ce pouvoir doit être prévu dans la loi ou les règlements définissant les attributions de l'Office quant au montant de l'aide qui peut être accordée à un camionneur. Dans une grande mesure, pour déterminer la portée des pouvoirs de l'Office, il faut interpréter la loi et les règlements.

Tout d'abord, en vertu des articles 3 de la loi et des règlements, on impose un plafond au montant qui peut être approuvé et versé à titre d'aide. Ce plafond - qui est de 30 p. 100 dans la loi et qui ne dépasse pas 30 p. 100 dans les règlements - s'applique au montant total des «taxes, taux, frais ou autres rétributions facturés ou réclamés par le camionneur».

.1550

En outre, et dans l'administration des demandes d'aide, l'Office a le pouvoir: (1) de donner un avis ou de déterminer la portion du montant total des taxes, taux, frais ou rétributions qui s'applique au mouvement des marchandises dans le territoire choisi; et (2) de certifier le montant de l'aide.

Cependant, les «taxes, taux, frais ou rétributions» sont ceux «facturés ou réclamés par le camionneur». Par conséquent, la loi ne confère à l'Office aucun pouvoir exprès de contester ou de réévaluer ces taxes et taux ni d'exiger que les taxes et taux facturés par les camionneurs soient raisonnables.

Toutefois - et c'est la question suivante que je me suis posée - la loi confère-t-elle un pouvoir implicite d'exiger que les taxes, taux, frais ou rétributions facturés par un camionneur soient raisonnables? J'en suis arrivé à une réponse négative en raison des facteurs suivants.

Premièrement, nonobstant le rapport étroit entre la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique et la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes, cette dernière conférait un pouvoir exprès de réglementer les tarifs et les taxes, tandis que la première ne le faisait pas. On peut donc en déduire que le Parlement n'avait pas l'intention de conférer un tel pouvoir concernant les tarifs et les taxes dans la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique.

Deuxièmement, les informations relatives aux tarifs et aux taxes que l'on doit déposer en vertu des règlements doivent provenir du camionneur. Aucune information relative au caractère raisonnable d'un tarif ou d'une taxe n'est requise. Par conséquent, compte tenu des règlements, la seule source des informations liées aux tarifs est censée être le camionneur, ce qui ne laisse à l'Office aucun pouvoir en cette matière sinon d'en vérifier la véracité et l'exactitude.

Troisièmement, peut-on se fier au principe de la common law qui impose que l'on verse une compensation raisonnable aux transporteurs? Tout d'abord, cette contrainte n'empêche pas un transporteur d'imposer des tarifs différents à des clients différents. Autrement dit, ce principe de la common law autorise l'imposition de tarifs discriminatoires.

De plus, et c'est peut-être plus important, ce principe n'a probablement aucune application ici, car les dispositions législatives ne mentionnent pas les transporteurs publics, ne font aucune distinction entre ces derniers et les transporteurs privés, et ne donnent aucune raison à l'Office d'administrer la loi en fonction de cette distinction.

Quatrièmement, même si le paragraphe 6e) des règlements stipule implicitement que la loi prévoyait la réglementation des tarifs par des commissions provinciales, la combinaison de la Loi de 1987 sur les transports routiers et les lois provinciales récentes a entraîné la déréglementation de l'établissement des tarifs du camionnage à l'échelle provinciale et interprovinciale. En l'absence d'une loi fédérale pour combler ce vide réglementaire, on peut conclure que le législateur n'avait pas l'intention de réglementer les tarifs à l'échelle fédérale.

Néanmoins - pour passer à une autre question - en raison du statut juridique de l'office, il est probable que les tribunaux accorderaient beaucoup de crédit à l'interprétation de la loi et des règlements par l'Office. À ce moment-là, les tribunaux chercheraient à déterminer si l'interprétation de l'office a un fondement raisonnable. Compte tenu des facteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure, j'ai conclu, dans l'avis que j'ai donné l'année dernière, qu'une interprétation de la loi et des règlements par l'Office, qui énonçait implicitement la condition du caractère raisonnable des taxes et taux facturés par les camionneurs, ne pourrait probablement pas être appuyée raisonnablement par le libellé de la loi.

Il y a un cinquième point que j'ai abordé dans la lettre. J'ai conclu que rien dans la loi ne permet d'affirmer que l'Office a le pouvoir implicite d'exiger que les camionneurs facturent ou réclament uniquement des taxes, taux, frais ou rétributions raisonnables.

.1555

Enfin, l'Office n'a toutefois pas le pouvoir de payer des réclamations fondées sur la fraude, la collusion ou la mauvaise foi. En dernière analyse, la fraude démêle tout.

Voilà, monsieur le président, un résumé de l'avis que j'ai donné en novembre dernier.

Le vice-président (M. Telegdi): Merci. La parole est à M. Murphy.

M. Donald Murphy (avocat-conseil, ministère de la Justice): Merci, monsieur le président et honorables députés.

Quand le greffier m'a contacté il y a quelques jours, il a mentionné l'opinion que j'ai donnée à mon client, Transports Canada. Je crois que c'est la sous-ministre adjointe qui a donné l'opinion lorsqu'elle a comparu ici. Par conséquent, comme l'a mentionné mon ami M. Molot, le privilège des communications entre client et avocat est levé en ce qui concerne mon avis aussi.

Je serai très bref. Quand je préparais ma déclaration liminaire, monsieur le président, j'ai pensé qu'il serait utile pour le comité de prendre connaissance du contexte dans lequel j'ai préparé mon avis.

Le vendredi 31 mars 1995, j'ai assisté à une réunion convoquée par mon client, Transports Canada, pour discuter des allégations de tarifs artificiellement gonflés soumis par certains camionneurs dans le cadre du Programme de subventions au transport dans la Région atlantique dans l'intention expresse de présenter une demande relative à une subvention plus élevée. À l'époque, on se demandait si l'Office pouvait décider du caractère raisonnable d'une demande de subvention fondée sur un tarif artificiellement gonflé qu'un camionneur aurait facturé à un expéditeur et, si l'Office pouvait se satisfaire du caractère déraisonnable d'une réclamation, s'il avait le pouvoir de rejeter une telle réclamation.

J'ai examiné la nature de la discussion et conclu qu'une demande fondée sur un tarif artificiellement gonflé n'était pas légale et, par conséquent, n'était ni régulière, ni juste, car une telle réclamation était fondée sur la supercherie ou la fraude. Comme l'a dit mon confrère M. Molot tout à l'heure, il est reconnu depuis longtemps en matière juridique, que la fraude démêle tout. J'ai conclu que l'Office pouvait décider du caractère déraisonnable d'une telle demande fondée sur la supercherie ou la fraude en refusant de l'étudier. Tel est l'avis que j'ai donné à mon client le lundi 3 avril suivant.

Lors de la réunion avec mon client le vendredi 31 mars, on m'a appris qu'il était très urgent de donner un avis écrit, car le client avait pris rendez-vous avec l'Office et un porte-parole du groupe chargé d'assurer la liaison avec le vérificateur général le mardi 4 avril pour discuter du rapport du vérificateur général sur les subventions.

.1600

Compte tenu du temps très limité qui m'était imparti pour rédiger mon avis, je me suis limité à l'étude de la question essentielle concernant le caractère raisonnable, c'est-à-dire celle de savoir si une réclamation fondée sur une allégation de tarifs artificiellement gonflés était juste et régulière d'après la loi - si elle était légale.

Puisque je considérais une réclamation fondée sur un tarif artificiellement gonflé comme une supercherie visant à obtenir du gouvernement une subvention plus élevée, j'ai conclu que l'Office avait le pouvoir de décider qu'il n'était pas persuadé du caractère raisonnable d'une telle réclamation et qu'il refuserait, ou pourrait refuser de traiter une telle réclamation.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Telegdi): Merci.

Monsieur Williams, veuillez poser la première question.

M. Williams (St-Albert): Merci, monsieur le président, j'apprécie le privilège.

Monsieur Rivard, il me semble que vous n'avez pas manqué de conseils. Vous avez reçu des lettres du ministre, vous avez obtenu des avis juridiques et vous avez reçu les instructions de ce comité. Vous devez vous demander à quel saint vous vouer.

Je pense que la dernière fois, vous deviez aller au tribunal pour faire régler la question une fois pour toutes. Maintenant, les conseillers juridiques vous disent qu'il n'y a pas lieu de recourir aux tribunaux. Pourriez-vous nous dire brièvement où nous en sommes aujourd'hui? Êtes-vous allé au tribunal, et sinon, pourquoi pas?

M. Rivard: Monsieur Williams, vous avez trois avocats devant vous aujourd'hui. M. Murphy, M. Ashley et M. Molot sont tous d'accord là-dessus. Ils ont tous la même opinion, à savoir que nous n'avons pas le pouvoir de remettre en question le caractère raisonnable des réclamations. Par conséquent, ce n'est qu'en cas de fraude ou de supercherie que nous avons... Je pense que tous les avocats, non seulement ceux qui sont devant nous ici - l'Office a toujours eu de nombreux avocats à son service; à un moment donné, il en avait 15 - partagent l'opinion selon laquelle l'Office n'a aucun pouvoir en cette matière.

M. Williams: Mais je pensais que vous deviez aller au tribunal pour qu'on règle la question.

M. Rivard: D'après l'opinion de l'un des meilleurs avocats administratifs au Canada,M. Molot, qui dit que nous n'avons aucun pouvoir, je pense qu'il est clair que le recours aux tribunaux serait un gaspillage de l'argent des contribuables. L'affaire n'aurait pas été réglée avant de long mois si nous avions dû faire appel à la Cour fédérale du Canada et à la Cour d'appel. Pour réduire au minimum les dépenses à la fin de ce programme, nous fermons les bureaux de Moncton. Les employés sont mis à pied.

Si vous me demandiez si je suis allé au tribunal... Je demanderai à M. Ashley de répondre à cette question.

M. Williams: Non, si j'ai bien compris, vous n'êtes pas allé au tribunal. Vous avez pris votre décision en tenant compte de l'opinion des avocats, c'est-à-dire des avis que vous avez reçus.

Monsieur Molot, vous avez donné un avis écrit au président de l'Office national des transports, et nous en avons tous obtenu une copie. Dans cet avis, vous n'avez pas dit, même si nous avons demandé à M. Murphy d'exprimer son opinion, que s'il y avait une grande collusion ou de la mauvaise foi, ce qui démêlerait tout - et il semblerait que des compagnies de camionnage ont empoché plusieurs millions de dollars - les tribunaux pourraient peut-être se prononcer là-dessus.

Vous semblez être assez catégorique lorsque vous dites qu'il est inutile d'aller plus loin. Pourquoi avez-vous dit, même si cela confirmait la recommandation de ce comité, que nous devrions peut-être recourir aux tribunaux ici?

.1605

M. Molot: Honnêtement, monsieur Williams, on ne m'a pas interrogé sur les aspects litigieux de la question. On m'a simplement demandé de dire si le caractère raisonnable était une condition de la validité des tarifs et des droits soumis par les camionneurs, et si l'Office pouvait rejeter une demande fondée sur le caractère raisonnable.

Comme vous pouvez le voir dans la lettre d'avis, je n'ai pas passé beaucoup de temps sur la question de la fraude et de la supercherie. C'est assez évident. Cependant, étant donné qu'il est généralement assez difficile de prouver la fraude et la supercherie, on parle ici d'une intention de tromper et non pas de la question objective de savoir si un tarif ou un droit est raisonnable, ce qui est objectif et non pas subjectif. À mon avis, c'était là la principale préoccupation de l'Office, et c'est pour cela que j'ai consacré, je crois, 95 p. 100 de mon attention à cette question.

M. Williams: Le paragraphe 3(2), portant sur les taxes et ainsi de suite, stipule:

M. Molot: Eh bien, les frais qu'un camionneur peut facturer... Comme je l'ai dit au cours de mon exposé, un camionneur a le droit, même si nous parlons d'un transporteur public, de différencier ses tarifs. Franchement, je ne comprends peut-être pas le concept de la fixation des prix de cession.

M. Williams: Un peu plus loin dans votre rapport, à la page 10, vous parlez du

Dans le rapport du vérificateur général, nous voyons les montants facturés par les compagnies de camionnage internes. Ils sont passés de 100 à 140, alors que les compagnies concurrentielles sont passées de 100 à 108, ce qui représente une augmentation importante des tarifs des firmes internes. Si j'étais un conglomérat ayant ma propre compagnie de camionnage interne, je me serais efforcé, pour des raisons de rentabilité, d'obtenir le meilleur prix possible. Ainsi donc, pourquoi payerais-je un prix beaucoup plus élevé à ma compagnie interne quand je peux faire appel à une compagnie concurrente et obtenir le même service à un coût nettement moindre, à moins d'avoir un avantage à recourir à ma propre compagnie, d'être prêt à payer un tarif excessif - ou plus élevé, ou supérieur, peu importe le terme qu'on utilise - à ma compagnie interne en sachant que, en tant que conglomérat, je peux bénéficier du supplément que je paie.

Vous parlez ici des frais facturés par le camionneur. Je pense que le conglomérat dicte ses prix au camionneur, et pas l'inverse. Nous voyons les importants effets de l'établissement des prix de cession intégrés à ses tarifs, et l'Office n'a aucun pouvoir de payer pour la fixation des prix de cession.

M. Molot: Je suppose, en présumant qu'on puisse le prouver, que vous êtes coupable de collusion et que la Loi sur la concurrence peut également être invoquée. Je ne nie pas que cela soit possible, mais on ne m'a pas demandé de me pencher sur la question. Je ne fais pas partie du bureau de la concurrence.

En cas de fraude ou de supercherie, ce qui nous rapproche évidemment d'une infraction criminelle, je pense que c'est un autre domaine du droit pénal. Ce ne sont tout simplement pas des questions sur lesquelles on a demandé mon avis ou dans lesquelles j'ai beaucoup d'expérience.

Cependant, vous avez raison. Si tout cela se résumait à la collusion, la supercherie, la fraude, etc., alors, comme nous l'avons dit, M. Murphy et moi, il y aurait des raisons de rejeter le dossier. Mais il faut être capable... On ne peut pas simplement regarder...

.1610

Le problème est qu'il faudrait évidemment aller au-delà de la documentation, car celle-ci ne révélerait rien de tout cela, et les règlements en vigueur n'exigent pas le genre de documentation qui permettrait à l'Office de tirer cette conclusion.

M. Williams: Mais le vérificateur général a présenté des preuves statistiques raisonnables attestant qu'il se passait quelque chose de ce genre. C'est pour cela que le comité était préoccupé par le gaspillage de l'argent des contribuables. En tant que membre du comité, j'ai la responsabilité de m'assurer de l'optimisation des fonds publics. Autrement, nous risquons de perdre beaucoup d'argent.

Nous reconnaissons tous que la législation est épouvantable dans ce cas précis. On aurait dû l'épurer et la modifier au fil des ans, et certains ont voulu le faire. Cela ne s'est pas produit. On a ainsi perdu beaucoup de temps et d'argent.

Le comité voulait simplement essayer de mettre fin à cet état de choses. Nous avons proposé de recourir aux tribunaux parce que nous estimions que les montants facturés étaient problématiques. Nous n'avons pas donné de précisions quant au problème, mais nous avons pensé qu'il pourrait s'agir de la fixation des prix de cession, car le camionnage se faisait à l'interne. Dans le cadre de sa réglementation, Revenu Canada examine en profondeur la fixation des prix de cession. Je suis sûr que le bureau de la concurrence y est aussi beaucoup intéressé. Je me demandais pourquoi, lorsque vous parliez de caractère raisonnable, vous n'aviez pas examiné ces aspects pour y inclure peut-être la collusion, la fraude, la mauvaise foi et tout le reste.

M. Molot: Eh bien, l'énoncé de la loi est une chose; la nécessité d'obtenir des preuves, qui ne relèvent pas de ma responsabilité, en est une autre. Évidemment, si l'Office avait recouru aux tribunaux, il aurait fallu qu'il cite la fraude, la collusion ou la supercherie. Il aurait eu à présenter les preuves, apparemment pour établir prima facie que dans le cas des demandes qu'il rejetait, il y avait quelque chose de ce genre. C'est très différent de la notion ou du principe objectif du caractère raisonnable. Recourir aux tribunaux pour fraude ou supercherie ou mauvaise foi ou collusion nécessiterait probablement beaucoup plus de preuves que l'Office n'en avait probablement. Je ne parle pas pour l'Office, parce que je ne me suis pas penché sur des cas particuliers. On m'a juste demandé un avis juridique.

En présumant qu'il se passait quelque chose entre les transporteurs affiliés et les expéditeurs dont ils dépendaient...

M. Williams: Mais le vérificateur général a mentionné un certain transporteur, qui n'a pas été nommé - on l'a identifié, dont les prix étaient 200 p. 100 plus élevés que ceux du concurrent. Pourtant, rien n'a été fait. Cet expéditeur était assez satisfait de verser un montant deux fois plus élevé à son transporteur interne. À mon avis, il me semble qu'il y avait là un cas de collusion.

M. Molot: Peut-être bien, mais comme je l'ai dit, on ne m'a pas demandé de me pencher sur un cas particulier. Je ne peux donc pas vraiment répondre à votre question.

M. Ron Ashley (avocat, Office national des transports du Canada): Monsieur le président, en tant qu'avocat de l'Office, je peux sans doute répondre à la question de M. Williams, même s'il l'a posée à M. Molot.

L'Office était au courant de l'étude du vérificateur général. Sur les 10 000 demandes examinées par ce dernier, même si l'on craignait qu'il existât des abus dans tout le système, il n'a cité qu'un cas comme preuve d'abus, et c'est celui du transporteur qui payait deux fois plus cher, comme vous l'avez mentionné. Des enquêtes plus poussées ont indiqué qu'il s'agissait d'un déplacement exceptionnel à un moment exceptionnel avec un équipement exceptionnel. Par conséquent, même si une différence de 200 p. 100 me semble extraordinaire en tant que contribuable, dans l'esprit d'un avocat, cela peut s'expliquer.

Quoi qu'il en soit, pour ce qui est de la collusion et de la fraude, le dossier de l'Office est on ne peut plus clair. Dans les cas de fraude - et par «fraude» nous entendons les cas où il y avait de fausses déclarations assermentées, les cas où des transports n'auraient pas eu lieu, ou encore où des factures ou des connaissements contenaient des erreurs flagrantes - l'Office a fait appel à la GRC, et dans les cas où il y avait des erreurs, l'Office n'a pas payé la subvention.

.1615

En ce qui concerne l'établissement des prix de cession interne, qui concerne les rapports avec liens de dépendance entre l'expéditeur et le transporteur, s'il est question de collusion ou d'alignement des prix, il s'agit alors évidemment d'une question qui tombe sous le régime de la Loi sur la concurrence. Le bureau de la concurrence a examiné à fond cette question en 1991, à la même époque que l'émission de télévision, et je répète que c'est de son ressort. C'est très malheureux, mais l'Office est obligé d'administrer une loi terriblement mal rédigée qui la force à accepter les tarifs demandés par ces transporteurs.

Nous avons fait de notre mieux avec ce que nous avions, mais en novembre, lorsque le président a comparu devant vous et a dit «Je vais m'adresser aux tribunaux», deux semaines plus tard, nous avons obtenu un avis très catégorique de M. Molot disant que c'est vraiment déraisonnable et que ce n'est pas autorisé. De plus, et en dépit de cela, le processus d'examen des taux et des activités se poursuivait, comme nous nous étions engagés à le faire à compter de juin de l'an dernier.

Quand nous avons comparu devant vous en novembre, nous avions déjà examiné le cas de 600 transporteurs affiliés afin de déterminer s'il y avait ou non des preuves d'abus en ce qui concerne les tarifs - nous utiliserons le mot «abus» - ou d'abus dans les activités. Après avoir passé ces transporteurs au peigne fin, je peux vous dire que l'Office a été incapable de trouver des preuves d'un tel abus. Je vous dis honnêtement que cela ne me surprend pas, car parmi les 10 000 demandes que le vérificateur général a examinées, il n'a pu lui-même trouver qu'un seul cas d'abus, et il s'agissait du transporteur qui prenait 200 p. 100. S'il y avait eu d'autres cas d'abus flagrant, le vérificateur général les aurait sûrement identifiés dans son rapport également.

Ce n'est donc pas comme si nous ne faisions rien. M. Rivard est extrêmement conscient du fait qu'il s'agit de l'argent des contribuables et il a été très clair lorsqu'il a soumis nos avis à un examen, et en fin de compte la loi ne nous permettait malheureusement pas d'agir, ce que M. Molot a confirmé. C'est très malheureux, mais c'est la situation.

Le vice-président (M. Telegdi): Merci beaucoup. Je donne la parole à M. Brien.

[Français]

M. Brien (Témiscamingue): Je suis nouveau venu dans l'étude de ce dossier. Permettez-moi d'être assez étonné de ce que je comprends au sujet de cette démarche et d'apprendre ce qui s'est produit.

Ma première question s'adresse à M. Rivard de l'Office national des transports. Votre mémoire stipule que:

À compter de quel moment vous vous êtes mis à soupçonner que certaines demandes pouvaient être exagérées?

[Traduction]

M. Ashley: C'est M. Rivard qui est responsable en fin de compte à titre de président, mais en ce qui concerne les décisions courantes de tous les jours, c'est moi qui suis plus directement responsable.

Il est juste de dire qu'à son arrivée à l'Office en avril 1993, M. Rivard ne connaissait rien dans ce domaine. Il est juste de dire, je pense, que le vérificateur général a signalé que la possibilité de problèmes d'abus de tarifs est survenue vers la fin de la dernière décennie, vers 1988 ou 1989. Cela correspond à l'époque où toutes les commissions provinciales de réglementation avaient abrogé leurs lois concernant l'examen des tarifs.

Ce programme fédéral a été élaboré à une époque où les provinces effectuaient un examen actif des tarifs, de sorte qu'avant que l'Office soit saisi des tarifs pour lesquels on demandait une subvention, ils avaient déjà été acceptés au palier provincial.

En 1989, la dernière province a abrogé sa loi prévoyant un examen des tarifs - je crois qu'il s'agissait du Nouveau-Brunswick ou de l'Île-du-Prince-Édouard. Pendant quelques années, on n'a disposé d'aucune preuve directe de ce qui se passait dans le domaine des tarifs. Cependant, le vérificateur général, je crois, a identifié un transporteur vers 1991 - et je pense qu'il s'agissait du transporteur qui prenait 200 p. 100 - il s'agissait d'un transporteur avec liens de dépendance qui prenait des tarifs de 200 p. 100.

Si vous demandez quand nous nous sommes rendu compte pour la première fois qu'il y avait des preuves d'abus, je dois dire que nous nous en sommes rendu compte en mai de l'an dernier, lorsque le vérificateur général l'a signalé. Avant cela, nous ne le savions pas.

.1620

[Français]

M. Brien: J'aimerais poser une question à M. Murphy. Dans le mémoire de l'Office, il est dit que selon la réponse du ministre, qui datait du 11 mai, il semblait finalement que l'Office avait le pouvoir de rejeter les demandes. Aujourd'hui vous semblez tous d'accord pour dire que non. Avez-vous changé d'idée en cours de route ou si j'ai mal compris ce que M. Rivard a dit dans sa présentation?

[Traduction]

M. Murphy: Non, monsieur, je ne pense pas avoir changé d'idée. J'ai dit que dans le cas où des réclamations artificiellement gonflées auraient été présentées dans le but exprès d'obtenir une plus grande subvention, l'Office aurait eu le pouvoir de contester le caractère raisonnable, et de déterminer s'il s'agissait d'une supercherie ou d'une fraude à l'endroit du gouvernement.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, la fraude démêle tout, et franchement, l'Office aurait eu le pouvoir de rejeter une demande en cas de supercherie ou de fraude. Voilà ce que je dis et voilà ce que j'ai dit à mon client auparavant.

J'ai donné plus d'explications maintenant, monsieur, étant donné le délai dont je disposais à l'époque. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je n'avais qu'une demi-journée à une journée au maximum, car mon client voulait rencontrer le vérificateur général pour discuter des subventions. Ainsi donc, compte tenu de ce délai très court, je n'avais que le temps d'étudier une question très essentielle, à savoir le caractère raisonnable et rien d'autre.

[Français]

M. Brien: J'ai une dernière question à l'intention de M. Rivard. Entre mai 1995, le moment où vous avez pris connaissance du cas d'abus qu'avait relevé le vérificateur général, et la fin du programme, il n'y avait qu'un mois. Des procédures ont-elles été prises pour apporter un correctif aux dernières demandes? Le ministre a-t-il reçu des avis lui signalant qu'il existait une situation potentiellement dangereuse et que le programme avait encore un mois de vie à courir?

M. Rivard: Premièrement, disons que le vérificateur général a signalé qu'il existait une situation potentiellement dangereuse, surtout à la fin de la mise en application du programme.

Nous allons produire d'ici le 30 juin notre rapport définitif et vous allez voir que dans les faits, la situation dangereuse prévue ou crainte par le vérificateur général ne s'est pas réalisée.

Il y a un autre point à souligner. Nous avons également averti tous les transporteurs et tous ceux qui bénéficiaient des subsides que nous jetterions un oeil attentif à leurs demandes. Si je ne me trompe, je pense que nous avons envoyé deux avis annonçant que les réclamations seraient examinées à la loupe et expliquant que, parce que le gouvernement avait décidé de mettre un terme au programme, nous avions l'intention de regarder de près toutes les réclamations reçues.

M. Brien: Vous dites avoir mis en place un mécanisme pour déterminer que certaines demandes étaient déraisonnables. De quels facteurs avez-vous tenu compte dans vos analyses pour juger que certaines demandes étaient peut-être déraisonnables? Par exemple, avez-vous comparé les dernières demandes analysées aux demandes antérieures? Quand vous dites avoir avisé à l'avance que vous alliez exercer une surveillance, y a-t-il eu des différences dans les réclamations comparativement aux précédentes?

M. Rivard: Monsieur le député, disons qu'une des deux lois est en vigueur depuis 1927, je pense, et l'autre, depuis 1969. De plus, lorsque j'ai assumé la fonction de président de l'Office national des transports, je suis allé à Moncton, où le programme était administré, et j'y ai constaté qu'on fonctionnait encore «à la mitaine».

.1625

J'ai donc demandé qu'on me produise toutes les pièces justificatives quant à la qualité et à la nature des marchandises transportées ainsi qu'à la distance parcourue. J'ai même lancé un appel d'offres pour mettre en place un système informatique qui pourrait nous donner une vue d'ensemble, mais aussi une vue détaillée pour chaque cas particulier.

Ce genre de programme est rendu nécessaire par l'amoncellement de documents que nous avons à traiter. Vous comprenez, une réclamation peut porter sur plus de 200 à 300 mouvements de marchandises. L'installation d'un tel programme pouvait requérir une période de temps assez longue. Nous avons octroyé un contrat pour la conception d'un programme satisfaisant, susceptible de nous procurer une analyse complète de la situation.

Or, alors que le programme était en préparation, nous avons été obligés de l'annuler parce que le programme tirait à sa fin. M. Ashley aimerait ajouter quelques commentaires sur la question que vous avez posée.

[Traduction]

M. Ashley: Je connais de façon assez détaillée la nature du processus qui a été mis en oeuvre à la fin de l'application du programme.

La question était de savoir quels étaient les facteurs que l'Office examinait dans le cadre de l'étude des tarifs. L'Office a élaboré un processus dont l'ébauche a été présentée au vérificateur général qui devait le commenter, et nous l'avons fait en novembre dernier. Dans la lettre qu'il nous a adressée, le vérificateur général a jugé notre processus globalement acceptable.

Le processus envisage une série d'examens dans lesquels tous les transporteurs affiliés au programme...

Je pourrais ajouter que vendredi probablement, vous obtiendrez des détails sur ce que nous avons fait, car dans votre 15e rapport, vous avez demandé à l'Office de vous donner, avant la fin de cet exercice, une indication de ce que nous avons fait pendant la période de cessation des activités. Vendredi, vous le saurez en détail.

Si vous permettez, je vais présenter brièvement le processus. Il consiste à examiner tous les transporteurs et expéditeurs avec liens de dépendance, ainsi que leurs tarifs. Si leurs tarifs ou leurs activités augmentent de plus de 10 p. 100 par rapport à l'année dernière, c'est-à-dire par rapport à leur dernière réclamation, l'ordinateur va les sortir.

Ensuite, nous sommes allés demander aux transporteurs pourquoi leurs tarifs ou leurs activités avaient augmenté de plus de 10 p. 100. Légalement, il fallait le faire; c'était la démarche à suivre, par souci d'équité.

Vous constaterez que les chiffres d'un certain nombre de transporteurs ont été «sortis» par l'ordinateur - je n'ai pas devant moi les montants en cause - mais dans chaque cas, il y avait une explication plausible, objective et crédible, du genre: «J'ai obtenu un nouveau contrat avec l'expéditeur x; c'est pour cela que mes activités ont augmenté de 10 p. 100 cette année», ou «Ma main-d'oeuvre me coûte 10 p. 100 de plus, raison pour laquelle mes tarifs ont augmenté de y p. 100».

Telle est la nature de l'exercice que nous avons fait. Vous obtiendrez les résultats détaillés vendredi.

Le vice-président (M. Telegdi): Votre temps de parole est épuisé; nous passons maintenant à M. Crawford.

M. Crawford (Kent): Vous avez dit qu'il y a trois avocats ici.

Le vice-président (M. Telegdi): Il y en a quatre. Tout le monde est avocat.

M. Crawford: Si tout le monde est avocat, alors j'ai des problèmes. Souvent, l'un a raison et l'autre a tort, et on est à égalité.

M. Rivard: C'est pour cela que nous avons des juges.

M. Crawford: Mes questions portent sur l'augmentation de 200 p. 100. Dans votre déclaration, monsieur Ashley, vous dites que s'il y avait une augmentation de 10 p. 100, l'ordinateur sortirait la réclamation et vous procéderiez à un examen. Cela se passe-t-il avant ou après le fait?

J'étais expéditeur. Il fallait toujours que je soumissionne à l'avance, et il ne fallait pas se tromper d'un point si l'on voulait obtenir le contrat.

M. Ashley: Voulez-vous savoir si cela se produirait après l'octroi du contrat au transporteur?

M. Crawford: Puis il y a une augmentation de 10 p. 100.

.1630

M. Ashley: D'après mon expérience avec les transporteurs dans ce secteur - vous avez parfaitement raison - une partie des contrats est accordée par soumission, mais une grande partie ne l'est pas. Dans le cas où le tarif augmente d'un certain pourcentage, cela survient après le mouvement, c'est-à-dire après que le transporteur a acheminé les marchandises à destination. Plus tard, le transporteur prend le connaissement et tous les autres documents exigés par la loi, ainsi qu'une déclaration sous serment de véracité et d'exactitude, et les remet à l'Office.

Ainsi donc, si la question est de savoir à quel moment cela se produit, je réponds que c'est après l'octroi et l'exécution du contrat, mais avant le paiement de la subvention par l'Office.

J'espère que je l'ai bien expliquée.

M. Crawford: Vous l'avez bien expliquée, mais je n'arrive pas à comprendre.

Si j'ai un contrat - et je pense que c'est pour cette raison que le gouvernement ne fonctionne plus - il y a un prix. Si on reçoit subitement une facture plus élevée de 40 p. 100 ou 80 p. 100, il semble que le gouvernement la paye.

Quand j'étais politicien, non pas au fédéral, mais au municipal, nous calculions jusqu'au dernier sou, pas plus. Si vous avez un contrat - et je ne le comprends pas - et s'il est terminé, qu'importe-t-il si l'on nous donne de bonnes raisons? Peu m'importent les raisons que l'on peut invoquer. Si le montant est dépassé, je ne débourse pas un sou de plus.

M. Ashley: Si je peux parler pour le président, l'interrogatoire que j'ai subi sur mon avis juridique - j'ai dit que mon avis l'empêchait d'aller au-delà - était assez sévère, et c'est avec beaucoup de réticence qu'il a écouté ce que je lui ai dit. À l'Office, on sait officiellement queM. Rivard est extraordinairement sensible aux questions d'argent. Malheureusement, dans l'avis que je lui ai donné, j'ai dit qu'il avait les mains liées.

Je ne vous dirai pas pourquoi nous en sommes restés là. Votre 18e rapport le dit en partie.

En ce qui concerne le tarif, je puis dire qu'il y a seulement un cas d'augmentation de 200 p. 100 que je connaisse en tant qu'avocat de l'Office. À ce titre, j'ai dû conseiller le président quant à la preuve, et c'est le seul élément de preuve que j'ai vu au sujet de ces tarifs exorbitants.

En cette période précédant l'abolition du programme, que le vérificateur général a qualifiée de risquée devant ce comité - tout le monde veut se faire payer avant que les coffres ne se vident - s'il existait auparavant des moyens d'abuser du système, ces moyens risquaient de s'accroître. Par conséquent, le président nous a demandé de mettre en place un processus permettant d'examiner les tarifs et de les comparer à ceux de l'année d'avant.

J'admettrai que le système comporte quelques lacunes, mais je ne pense pas qu'il soit complètement défaillant ou dénué de logique. Le processus a montré que, parmi tous les transporteurs - et je ne veux pas me tromper ici - très peu ont vu le nombre de leurs réclamations augmenter par rapport à l'année d'avant, et vous serez surpris de le constater. Le nombre a diminué dans certains cas. Je pense que vous constaterez en regardant les statistiques que les montants payés au cours de la période de cessation des activités ont diminué par rapport à la même période l'année d'avant.

Ainsi donc, ce n'est pas vrai que nous ne comptons pas nos sous. D'après l'avis que j'ai donné au président, nous sommes victimes d'une loi très mal rédigée qui, du reste, est maintenant abrogée.

M. Crawford: Monsieur Molot, je crois que nous avions demandé quelque chose, ou que l'Office vous avait demandé un avis, et vous en avez donné un. Vous n'êtes pas allé au-delà. Vous avez estimé que ce n'était pas votre responsabilité. Vous avez probablement pensé que la fraude et les questions semblables ne relevaient pas de vous.

M. Molot: Je parlais de fraude, mais au sujet des cas individuels ou de ceux où il faudrait prouver qu'il y a eu fraude, très franchement, je quittais mon domaine.

M. Crawford: Oui, je comprends.

M. Molot: Alors on entre dans la Loi sur la concurrence et le Code criminel, et ce n'est pas mon domaine.

M. Crawford: C'est l'éclaircissement que je voulais. Malheureusement, quand on donne des instructions à ses conseillers juridiques, ils ne font que ce que vous leur avez dit de faire. Mais je leur laisse toujours le champ libre: si vous croyez qu'il y a autre chose que vous devez faire, vous êtes aussi bien de le faire.

.1635

M. Molot: En fait, ça m'a pris 25 pages pour dire ça.

Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Molot, je vois que vous êtes fonctionnaire de carrière.

M. Molot: Oui.

Le vice-président (M. Telegdi): Vous êtes au ministère de la Justice. Je pensais que le ministère de la Justice serait particulièrement sensible à l'existence d'un climat où l'on voit apparaître des situations comme celle-ci, où le gouvernement et le contribuable sont les victimes d'une loi mal rédigée. Si ce n'est pas votre ministère qui doit s'assurer qu'on ne fraude pas le gouvernement ou le contribuable, je me demande bien quel ministère va le faire.

Chose certaine, moi, en ma qualité de député fédéral, je m'attends à ce que votre ministère, au nom des contribuables, fasse tout en son pouvoir pour alerter le Parlement s'il y a des circonstances qui favorisent la fraude, et je m'attends à ce que votre ministère nous donne des conseils pour que l'on ne se retrouve plus dans la situation où nous sommes aujourd'hui.

C'est une vraie honte. Je ne peux pas expliquer aux contribuables de ce pays comment on a laissé faire de telles choses. Je lis certains avis écrits, et M. Murphy me dit que l'Office, oui, a l'autorité voulue pour rejeter les factures déraisonnables. Et vraiment, je suis choqué de voir que votre ministère n'a pas su nous préserver de tels abus.

M. Molot: Monsieur le président, me permettez-vous de répondre à cela? Je pense que c'est une allégation injuste à l'endroit du ministère de la Justice.

Le rôle du ministère de la Justice dans le domaine d'une loi criminelle, ce dont vous parlez j'imagine, n'est pas celui d'un chevalier errant qui combat la fraude ou les délits criminels. Nous avons des services de police qui sont là pour maintenir l'ordre; nous avons des ministères responsables de l'administration des règlements. Si ces ministères constatent qu'il y a eu délit criminel, ils en saisissent le procureur de la Couronne compétent. S'il s'agit d'un délit criminel commun, comme la fraude ou la supercherie, ils en saisissent le procureur de la Couronne provincial.

Il appartient au ministère de la Justice, si cela relève de notre domaine, de voir s'il y a des preuves, preuves qui sont fournies dans ce cas-ci par le ministère responsable, après quoi nous déposons s'il y a lieu une dénonciation en vertu du Code criminel ou de toute autre loi prévoyant des sanctions pour un acte criminel.

Le ministère n'est pas comme le shérif des films de cow-boys qui est à l'affût des actes criminels. C'est pourquoi nous avons des services de police et c'est pourquoi nous avons des ministères responsables de l'administration des programmes, qui réunissent les preuves, constatent les faits, et agissent en conséquence en s'adressant au procureur de la couronne compétent, qu'il soit provincial ou fédéral.

Le vice-président (M. Telegdi): Je crois que nous allons pouvoir porter des accusations de fraude si nous avons une loi qui nous donne une chance raisonnable de déceler de telles fraudes. Mais quand la loi est mal faite, il appartient au ministère de la Justice de la rectifier. Il me semble que le ministère de la Justice a un rôle particulier à jouer ici, et s'il veut être le gardien...

M. Molot: Si l'on nous soumet des preuves, oui. Mais on ne nous a soumis aucune preuve.

Le vice-président (M. Telegdi): Mais vous me dites que l'activité criminelle prohibée par la Loi sur la concurrence, ou quoi que ce soit d'autre, ne relève pas de votre domaine. Eh bien, ce n'est certainement pas non plus le domaine des membres du comité ici présents, mais nous nous attendons à ce qu'il y ait un ministère au sein du gouvernement qui puisse s'occuper de ce genre de choses.

Quoi qu'il en soit, je cède la parole à M. Williams.

.1640

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Le comité est parvenu à deux conclusions, je crois. La première, c'est que nous devrions nous adresser aux tribunaux. La seconde, c'est que nous n'aimons pas du tout l'explication queM. Rimmer a donnée du processus de vérification qu'il a mis en place - je crois qu'il s'agissait deM. Rimmer - qui visait à évaluer les réclamations des transporteurs subventionnés au cours des dernières années. Si je me souviens bien, M. Rimmer a expliqué, et vous l'avez confirmé aujourd'hui, monsieur Ashley, que vous compariez les factures de la dernière période avec les factures des mêmes personnes au cours de l'année précédente pour voir s'il y avait des différences.

Mais revenons aux preuves statistiques fournies par le vérificateur général, qui dit que les factures des sociétés de camionnage subventionnées avaient augmenté de 40 p. 100. C'est sur cette situation que portait la question du comité à M. Rimmer. Il devait comparer, non pas les factures des sociétés de camionnage subventionnées de la dernière période avec l'année précédente, mais comparer ces factures avec celles des sociétés de camionnage concurrentes afin de mesurer la différence.

Qu'est-ce qui a été fait?

M. Ashley: Je peux répondre à cela, monsieur Williams. Le problème, c'est que si le point de repère auquel vous comparez le nouveau tarif de 1995 est élevé, vous devez trouver un autre repère qui vous permettra de déterminer si ce tarif était élevé au départ.

Le président s'est dit très préoccupé à ce sujet. Je crois que le président a bien dit hier qu'il demanderait de l'aide et des conseils pour déterminer si cela pouvait être fait.

Ce qui soulève quelques interrogations. Peut-il revenir en arrière? Le conseil que je lui ai donné s'inspirait du jugement de la Cour d'appel fédérale de 1984, qui dit que si des factures ont été payées légitimement en vertu de la loi qui existait alors, on n'a pas le droit de revenir en arrière. Voilà qui règle la question de la rétroactivité.

Pour ce qui est de la capacité de mettre au point un meilleur processus de révision, nous n'avions pas cette capacité dans le temps. Nous n'avions pas cette ferme opinion de M. Molot. Néanmoins, le président a examiné la possibilité de retenir les services d'un comptable judiciaire, qui pourrait faire cela. Il m'est pénible de vous dire que ce comptable judiciaire pourrait vous dire que oui, il peut faire ça pour vous, si l'on part du principe que vous êtes autorisé à faire un tel examen, mais ça va vous coûter un million de dollars.

Personne ne peut dire de combien d'argent il s'agit ici. En ma qualité d'avocat, je dis toujours: «Montrez-moi les preuves». Moncton n'a jamais pu me montrer les cas d'abus que le vérificateur général dit avoir vus.

Donc, en conclusion, nous répondons qu'on ne peut pas faire ça. Je tiens cependant à dire clairement que le rapport du vérificateur général de mai - je sais que dans votre rapport, vous dites que nous en avons donné une interprétation étroite - dit à l'Office qu'il faut absolument prendre des mesures spéciales dans la période précédant l'abolition du programme. Je sais qu'on a longuement fait état de cette période, on disait qu'il y avait 10 000 factures, mais moi l'avocat, je n'ai vu qu'une seule preuve. Il n'y en avait pas d'autre.

Donc si vous demandez dans quelle mesure le problème était endémique, je ne peux pas dire, en tant qu'avocat, que j'ai la preuve que c'était un problème endémique. Tout comme le contribuable et M. Rivard, je suis irrité moi aussi de voir qu'il s'agit de l'argent des contribuables; mais je n'ai pas vu de preuve concrète.

Donc, pour ce qui est de revenir en arrière et d'examiner les autres tarifs, je dois vous dire que si l'on veut être efficient, il nous en coûtera un million de dollars. Sur le plan juridique, nous ne pouvons rien faire de toute façon. En conclusion, après que M. Rivard a reçu ces avis, on a conclu qu'on ne ferait rien et même qu'on ne pouvait rien faire.

M. Williams: C'est très malheureux. M. Molot nous dit qu'il est spécialisé en droit administratif. Il a limité son opinion à son domaine, et il ne s'est pas penché sur l'établissement du prix de cession interne, peut-être parce que cela relève du Bureau de la concurrence ou je ne sais quoi d'autre. Nous savons que M. Rivard est intervenu tard malheureusement et qu'il a fait de son mieux, mais comme je dis, il est intervenu très tard. Nous avons reçu divers avis juridiques. Nous avons reçu des directives du ministère. Vous avez reçu des directives de notre comité.

.1645

Au bout du compte, c'est le contribuable qui paie la note. Nous ne savons pas combien, mais le vérificateur général donne à entendre, si l'on en croit son analyse statistique, qu'on a englouti chaque année entre 10 et 15 millions dans ces sociétés de camionnage subventionnées.

Monsieur le président, il me semble que nous nous époumonons en vain ici. Il semble y avoir l'illusion, où j'ai du moins cet arrière-goût amer, qu'il y a eu une fraude quelconque, une collision, de la mauvaise foi, une supercherie; peu importe le terme qu'on emploie. On ne peut rien prouver. Nous n'avons pas les mécanismes juridiques qui nous permettraient de faire enquête. Nous n'avons jamais eu le droit de réunir des informations ou même de faire enquête. Nous n'avions pas le droit de poser des questions plus tard. Le ministère n'est pas organisé de telle manière qu'on puisse réunir des données ou les analyser sans avoir à verser un million de dollars à un scientifique judiciaire. Mais il n'en demeure pas moins que c'est le contribuable qui paie la note.

Je comprends que M. Rivard se préoccupe du contribuable, mais il s'agit ici d'une situation où les avocats, les ministères et l'ONT, l'Office national des transports, savaient depuis plusieurs années, depuis l'époque de la déréglementation de 1988 ou 1989, que si l'on allait verser les subventions selon le simple pourcentage du tarif-marchandises, on s'exposait à des problèmes. C'était comme indiquer à des gens de venir vous voler chez vous.

Le problème est resté souterrain, mais un grand nombre de hauts fonctionnaires étaient au courant de ce problème, et pourtant rien n'a été fait, si ce n'est que le ministre a écrit une lettre au président pour lui dire: «Ne vous inquiétez pas; contentez-vous de régler ça.» Et ensuite vous avez M. Molot qui vous dit que vous ne pouvez rien faire, et M. Murphy qui dit que vous pouvez peut-être faire quelque chose. Où en sommes-nous?

Il faut dire clairement au gouvernement que notre comité ne tolérera plus jamais ce genre de chose de ce ministère ou de tout autre ministère. On ne peut pas frauder impunément le contribuable comme ça.

J'aimerais terminer en vous posant une question, monsieur Ashley. Vous dites que vous avez demandé à la société de camionnage d'expliquer l'augmentation de 10 p. 100. Imaginons qu'il n'aurait pas pu justifier cette augmentation de 10 p. 100. Qu'auriez-vous fait?

M. Ashley: En ma qualité d'avocat, je répugne toujours à répondre aux questions hypothétiques. Mais avec la permission du président, je vais le faire.

Lorsque le président a témoigné devant votre comité en novembre, il a dit qu'on ne poserait pas de questions; qu'on s'adresserait directement aux tribunaux. Compte tenu de l'opinion nette et sans équivoque de M. Molot, j'ai dit au président que si nous avions ce genre de tarif, il faudrait envisager sérieusement des poursuites judiciaires. C'est tout ce que je peux répondre à cette question hypothétique, parce que nous n'avons rien fait du genre.

M. Williams: Il me semble que M. Molot...

Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Williams...

M. Williams: Une dernière observation.

Le vice-président (M. Telegdi): J'ai déjà été très généreux envers vous.

M. Williams: Si vous me permettez, monsieur le président, il me semble que l'opinion deM. Molot, qui reposait sur une interprétation étroite, a eu pour effet de stopper complètement la machine.

Votre opinion, monsieur Molot, se fondait strictement sur le droit administratif. Vous ne vous êtes pas penché sur les autres problèmes qui dépassaient votre domaine, et vous ne vous êtes pas demandé si l'on pouvait faire enquête sur ces questions. Il est malheureux à mon avis que tout se soit arrêté à cause de votre opinion.

M. Ashley: Monsieur le président, avec votre permission, j'aimerais répondre à cela.

L'opinion de M. Molot se basait sur les questions que nous lui avions données à résoudre. Les questions que nous lui avions données à résoudre avaient trait strictement à notre mandat. Nous voulions savoir, avec le mandat que nous avions, si nous pouvions faire quelque chose. Nous savons ce que c'est que la fraude et nous savons ce que c'est que la collusion, mais l'Office...

À titre de contribuable, je conviens avec vous que s'il existe un problème, se borner à ce que l'on croit pouvoir faire est une attitude qui semble arbitrairement étroite, mais à titre de tribunal investi de pouvoirs de réglementation, nous ne pouvons que faire ce qui nous a été confié par le gouvernement. Nous avons demandé à M. Molot si nous pouvions faire ce que vous nous aviez demandé, et il nous a dit qu'il serait manifestement déraisonnable d'aller de l'avant. Il a dit que de telles décisions reposeraient sur une interprétation déraisonnable de la loi.

Alors pour être juste envers M. Molot, il répondait à nos questions sur nos pouvoirs, et non pas sur la fraude ou collusion.

.1650

Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Ashley, saviez-vous que M. Murphy avait envoyé cette lettre à M. Lawson du ministère des Transports?

M. Ashley: S'agit-il de son opinion en date du...

Le vice-président (M. Telegdi): Le 3 avril 1995.

M. Ashley: Oui, je le savais.

Le vice-président (M. Telegdi): Eh bien, il me semble que dans la lettre, M. Murphy, l'avocat-conseil, vous informe que vous avez le pouvoir de rejeter des demandes.

M. Ashley: Oui, et le président en était bien au courant. Lorsque nous avons reçu cette lettre, malgré les opinions juridiques que notre avocat interne avait données au président, et qui étaient le contraire, ce dernier a dit «Je ne veux pas adopter votre démarche, monsieur Ashley. Je veux suivre les conseils de M. Murphy». J'ai dit «S'il vous plaît, monsieur Rivard, avant de suivre les conseils de M. Murphy, essayons de savoir exactement ce qu'il veut dire. De plus, puisqu'un si grand nombre d'avocats sont en train de discuter de tant de choses, consultons un spécialiste qui puisse nous dire si nous pouvons faire quoi que ce soit en notre capacité de tribunal administratif».

Je tiens à ajouter, cependant, que lorsque nous avons reçu cette lettre de M. Murphy, qui est à la base de la lettre du ministre au président - on peut y lire «Je crois que vous avez le pouvoir», et c'était en mai - M. Rivard a dit «Mettez en place ce processus d'examen des tarifs. C'est ce qu'il y a à faire». N'ayant pas encore reçu les conseils de M. Molot, il a ajouté «S'il y a une demande déraisonnable, ne payez pas».

Le vice-président (M. Telegdi): Il est important que le comité note cela. Le ministre a reçu cet avis de l'avocat-conseil du ministère de la Justice. Le dernier paragraphe dit ceci:

Si moi j'avais reçu cette lettre, j'aurais tenu pour acquis que nous avions ce pouvoir. Hélas, ce conseil n'a pas été corroboré.

Monsieur Paradis.

[Français]

M. Paradis (Brome - Missisquoi): Pour continuer un peu dans le sens de ce que M. Williams disait en terminant, on se rend compte, du moins c'est ce que je crois, que l'opinion de Me Molot porte sur la question de savoir si les dépenses sont raisonnables, pas sur autre chose, à savoir si, à un moment donné, on avait le pouvoir de se demander si la dépense était raisonnable. Son opinion ne va pas plus loin.

Dans les premières pages de l'opinion de Me Molot, à la page 2, section A, Règlement sur les subventions au transport de marchandise dans la Région atlantique, il est dit au tout début dans le premier paragraphe:

C'est contenu dans l'opinion de Me Molot. Encore une fois, dans son opinion, on parle de l'aspect raisonnable de la dépense. Toutefois, il est important de souligner que dès 1992, on se questionnait déjà au sujet des transporteurs qui gonflent artificiellement les prix demandés à leurs expéditeurs affiliés afin de recevoir des subventions plus élevées.

Je sais que M. Rivard est arrivé à l'Office en 1993. Est-ce bien cela? La question que je me pose est de deux ordres. Premièrement, je me la pose par rapport aux dossiers des transporteurs eux-mêmes. On dit dans une opinion juridique qu'on ne pouvait pas examiner si la dépense était raisonnable. Ensuite, ou parallèlement, on se demande s'il y a eu fraude ou pas, puis on se dit qu'il est difficile de prouver ou de démontrer, d'après le Code criminel, qu'il y a eu fraude.

La notion de fraude civile, de manoeuvre dolosive, si je peux m'exprimer ainsi, pourrait-elle être applicable? Des manoeuvres qui feraient en sorte qu'à un moment donné...

Peut-être que la notion de mens rea est moins importante dans le cas d'une faute relevant du Code civil. Cependant, on peut percevoir dans cet extrait - «transporteurs qui gonflent artificiellement un prix à leurs expéditeurs affiliés afin de recevoir une subvention plus élevée» - , qu'au moins la notion de dol pourrait s'appliquer.

.1655

J'ai de la difficulté à comprendre qu'on ne puisse pas pénétrer dans ce cheminement intellectuel et qu'on fasse abstraction de tout cela pour dire tout à coup que le camionneur a le droit de facturer n'importe quoi n'importe quand. Je pense que c'est une gymnastique intellectuelle difficilement conciliable avec la saine administration d'un office comme le vôtre.

Cela m'amène dans un premier temps à vous demander si le dossier a été examiné, non pas sous l'angle d'une fraude criminelle, mais sous celui d'une manoeuvre dolosive qui aurait eu pour but de faire monter certaines factures pour obtenir plus d'argent du gouvernement.

Ma deuxième question se rapporte davantage à ce qu'ont fait les dirigeants de l'Office pendant cette période. L'impression qui me reste - j'ai assisté à une première séance alors que M. Rivard comparaissait avec d'autres témoins dont M. Rimmer, et j'y reviendrai plus tard - , c'est qu'on cherche à se justifier après le fait en se demandant si c'était raisonnable ou pas. Comme je vous le dis, ce n'est qu'une impression. Ou encore est-ce qu'on avait le pouvoir de juger que le montant d'une facture était raisonnable ou pas? Je pense que lorsqu'il s'agit de deniers publics, il faut, en tant qu'administrateur d'un office comme l'Office national des transports, faire plus que se demander si une chose est raisonnable. C'est de deniers publics qu'il est question. Il faut s'en rappeler.

J'écoutais tantôt l'avocat de l'Office, Me Ashley, déclarer: «I have not seen any evidence of fraud». Encore une fois, il s'agit de fraud du point de vue criminel. Depuis 1992, il est question de transporteurs qui gonflent artificiellement les prix demandés à leurs expéditeurs afin de recevoir des subventions plus élevées. Il me semble que c'est clair. Je ne sens pas que l'Office, et c'est la première partie de l'opinion de Me Molot, a tenté de vérifier ce point.

J'ai une question précise par rapport à cela. J'aurais sans doute aimé réentendre M. Rimmer aujourd'hui. Il a été, je pense, l'administrateur du programme pendant quelques années. C'est lui qui voyait la facture, qui était en contact avec le camionneur et qui réglait le cas. Aujourd'hui, nous sommes devant quatre avocats qui viennent nous expliquer les aspects juridiques de ces situation. Ma question est simple: où est maintenant M. Rimmer et depuis quand?

Mes questions sont posées et s'adressent peut-être à M. Rivard. En terminant, je rappelle qu'il s'agit de l'argent des contribuables, de 100 millions de dollars par année à peu près. Je pense qu'il est important que le public canadien sache où est passé cet argent.

M. Rivard: Monsieur Paradis, je vais vous répondre et je demanderai ensuite à M. Ashley de compléter ma réponse.

Je vais d'abord traiter de votre premier point. Nous avons effectivement mentionné la possibilité que des factures aient été gonflées pour obtenir une plus forte subvention du gouvernement fédéral. Je ne sais pas si vous vous rappelez, mais en 1991-1992, l'émission The Fifth Estate avait décrit toute cette organisation relativement à des sociétés qui seraient reliées et qui chargeaient des prix additionnels. M. Ashley sera en mesure de vous dire ce qui a été fait après la diffusion de l'émission à la télévision.

Deuxièmement, vous nous parlez des pouvoirs. Je ne parle pas de moi, mais mes prédécesseurs ont à trois reprises demandé aux autorités en place de modifier la loi pour leur donner ce qu'ils jugeaient essentiel pour exercer leurs pleins pouvoirs.

Finalement, vous demandez s'il y a possibilité de récupérer ce qui a été payé en trop. La Cour fédérale a dit que nous n'avions pas le pouvoir de récupérer ce qui avait été payé.

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Je comprends que ce soit frustrant. Je comprends également la position que M. Williams a exprimée tout à l'heure ainsi que la vôtre. Effectivement, c'est quasiment incompréhensible.

Je vais vous dire que lorsque j'ai accepté la charge de président... On n'y arrive pas du jour au lendemain et, surtout, on n'a pas la science infuse. Progressivement, je me suis familiarisé avec nos différentes sections. Lorsque je suis allé au Nouveau-Brunswick, j'ai demandé des renseignements et j'ai été estomaqué de voir que nous étions réduits à la plus simple expression pour administrer de gros subsides. Je me suis dit qu'il fallait absolument corriger la situation. Je vous l'ai dit tout à l'heure et je n'ai pas l'intention de me répéter. Je vous ai dit ce que j'ai fait.

Que voulez-vous que je vous dise? Le seul reproche que l'on peut me faire, c'est d'avoir écouté mes avocats. Je n'ai pas essayé d'être juge et partie en même temps. Par conséquent, je me suis incliné devant les 17 avocats de l'Office national des transports. Ils m'ont tous dit que nous n'avions pas juridiction, que nous demandions ce pouvoir depuis des années mais que nous ne l'avions pas. Que voulez-vous que je vous dise?

En ce qui concerne votre premier point, je vais demander à M. Ashley de compléter mes propos en vous parlant de l'enquête qui a été faite après cette citation de M. Molot rapportée dans le mémoire.

M. Paradis: Dans ce cas, j'aimerais peut-être aussi entendre l'opinion de M. Ashley sur le point précis de la distinction entre fraude criminelle et manoeuvre dolosive.

M. Rivard: Je vais vous dire une chose, monsieur Paradis. Il existe plusieurs types de fraude: fraude en matière de faillites, fraude en matière commerciale, fraude en matière civile, fraude en matière criminelle.

Monsieur Paradis, je comprends parfaitement l'allusion que vous faites, mais tout le monde me dit que je n'ai pas de pouvoir. Non seulement nous n'avons pas de pouvoir, mais si j'essaie de revenir en arrière et d'agir rétroactivement, la Cour fédérale me déclare que je n'ai pas le pouvoir de récupérer ce qui a été payé en trop.

M. Paradis: Monsieur Rivard, vous me dites qu'à votre arrivée à la tête d'un organisme comme l'Office national des transports en tant que président, une des premières choses qui ont été portées à votre attention, c'est que des transporteurs gonflaient artificiellement les prix demandés à leurs expéditeurs affiliés afin de recevoir des subventions plus élevées. Je vous entends aujourd'hui déclarer: «Je n'ai pas de pouvoir».

M. Rivard: Non, non.

M. Paradis: J'ai de la difficulté, là.

M. Rivard: Non, non. Je vous dis que la chose n'a pas été portée à mon attention lorsque je suis entré en fonction. Je vous dis que cette phrase-là porte sur le programme qui existait en 1991-1992.

Vous comprenez, j'arrive à l'Office national des transports et j'ai à comparaître devant votre comité qui demande: «Qu'est-ce qui ne va pas à l'Office national des transports? D'où viennent ces commentaires?». C'est comme ça que j'ai eu les explications. Soyez-en assuré, la première fois que j'ai entendu parler d'une anomalie, c'est quand le vérificateur général est venu nous rencontrer en mai 1995. Ce qu'il me racontait, je ne le croyais pas.

Qu'est-ce que je peux vous dire? On m'a dit que nous n'avions pas de pouvoir.

Je vais laisser M. Ashley vous parler de l'enquête qui a eu lieu après l'émission The Fifth Estate qui a laissé cette soi-disant impression qu'un système était établi.

[Traduction]

M. Ashley: Je travaillais à l'Office en 1992 lorsque l'émission surnommée «The Fifth Estate» a été diffusée. Un transporteur autonome des Maritimes s'est plaint que les grands camionneurs affiliés touchaient d'énormes profits en faisant payer leurs expéditeurs affiliés. Les transporteurs présentaient ensuite ces connaissements aux tarifs excessifs à l'Office et étaient remboursés des sommes supplémentaires. Ils pouvaient ainsi damer le pion au transporteur autonome ou aux expéditeurs ayant un lien de dépendance qui faisaient concurrence au plaignant.

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La plainte, surtout la partie concernant les tarifs, a été examinée à la loupe. Les tarifs étaient-ils trop élevés ou trop bas? Si je me souviens bien - et n'oubliez pas que c'était il y a quatre ans - la conclusion de l'Office a été que d'après les preuves, beaucoup de demandes comportaient des tarifs trop élevés, mais à la suite de l'examen des tarifs, il n'y avait aucune preuve qu'ils étaient trop élevés. Le Bureau de la politique de concurrence, le ministre des Transports ainsi que la GRC ont tous été consultés.

Je répéterai ce que j'ai dit au début, à savoir que dans les cas de fraude, le travail de l'Office a été exemplaire.

Pensez à ce qu'un cas de fraude entraîne. Y a-t-il un faux affidavit? Un déplacement n'a-t-il pas eu lieu? Le connaissement a-t-il été falsifié? Non seulement l'Office n'a pas payé de subvention, mais dans les trois cas que je connais, on a communiqué avec la GRC, et lorsqu'il est question de fraude, c'est cette dernière qui prend les choses en main.

Je sais que les contribuables ne font pas la distinction entre fraude criminelle, fraude civile, collusion au sens de la Loi sur la concurrence, respect des règlements administrés par l'Office et gestes de mauvaise foi, mais ce sont quand même eux qui en font les frais. Mais malheureusement... En 1992, nous avons essayé de régler le problème. Nous avons pensé visiter les expéditeurs ayant un lien de dépendance et leur dire: «Ce tarif est trop élevé, il ne sera pas subventionné et, en passant, remboursez-nous toutes les subventions que vous avez reçues depuis 1969». On en est venu à la conclusion que l'Office ne pouvait pas agir ainsi, et M. Molot en est venu à cette même conclusion quatre ans plus tard.

Nous avons peut-être oublié toute la chronologie. L'émission «The Fifth Estate» a été diffusée au printemps de 1992. La dernière déréglementation provinciale a eu lieu en 1988-1989. On peut donc dire que s'il y avait un racket - et je veux bien choisir mes mots car je ne sais pas si c'était aussi répandu que certains le prétendent - , il a fallu un an ou deux pour qu'il s'infiltre dans le système.

En 1991, il y avait beaucoup de doute et d'appréhension, mais personne ne pouvait dire exactement ce qui se passait, ni «The Fifth Estate», ni la GRC, ni l'Office, ni le ministre, ni le Bureau de la politique de concurrence. Nous avons essayé de faire tout ce que nous pouvions.

L'année suivante, il n'y avait toujours aucune preuve concrète. Il y avait beaucoup de doute, mais aucune preuve.

Enfin, en mai de l'an dernier, le vérificateur général nous a dit qu'il avait une preuve indéniable et qu'il avait examiné 10 000 demandes. C'est à ce moment-là que le président nous a demandé d'agir.

[Français]

M. Paradis: Juste une petite question pour laquelle je n'ai pas eu de réponse. Où se trouveM. Rimmer maintenant?

M. Rivard: M. Rimmer a été muté. Il occupe un poste dans la Fonction publique.

M. Paradis: Vous savez où?

M. Rivard: À la Commission de la Fonction publique.

M. Paradis: À la Commission de la Fonction publique, à Ottawa?

M. Rivard: Oui.

M. Paradis: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Telegdi): Thank you very much. Monsieur Brien.

M. Brien: M. Paradis a souligné le fait que depuis 1992, on se doutait que certaines factures étaient gonflées. Est-ce que le ministère de la Justice a envisagé, à un moment donné, de donner des pouvoirs supplémentaires à l'Office pour qu'il ait l'autorité d'examiner attentivement les tarifs et le reste? Est-ce qu'après 1992, vous vous êtes dit qu'il fallait donner des pouvoirs à l'Office pour qu'il puisse agir dans ce sens là?

[Traduction]

M. Molot: Je crois que M. Rivard ou M. Ashley ont répondu à la question, lorsque l'un d'eux a dit que l'Office avait déjà demandé trois fois au ministre des Transports de lui accorder ces pouvoirs additionnels, mais que ce dernier ne les lui a pas accordés. La loi n'a pas été modifiée pour habiliter ainsi l'Office. Il aurait fallu que le ministre responsable, c'est-à-dire le ministre des Transports et non pas le ministre de la Justice, prenne cette initiative.

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[Français]

M. Brien: Vous avez fait référence à un jugement sur la rétroactivité, sur la possibilité de récupérer le trop-payé. J'aimerais que vous m'expliquiez ce jugement qui me semble un peu bizarre alors qu'il est question de fonds publics. Personnellement, tout ce qui touche aux lois de l'impôt, où il est facile de fonctionner rétroactivement, m'est plus familier. Il serait donc impossible de le faire dans le cas des subventions. Y a-t-il eu d'autres jugements similaires dans le cas d'autres types de subventions? Est-ce de la jurisprudence bien appuyée ou s'il s'agit d'un seul cas?

[Traduction]

M. Ashley: Je partage votre... J'aurais bien voulu qu'il y ait une loi d'habilitation comme la Loi de l'impôt sur le revenu, mais la loi qui nous régit a une portée beaucoup plus restreinte. Comme vous le savez, puisque nous sommes un tribunal, nous ne pouvons faire, expressément ou implicitement, que les choses que le législateur nous autorise de faire.

En 1984, la Cour d'appel fédérale a examiné cette affaire. Le juge en chef Thurlow a dit clairement - et je pourrais donner au comité une copie de la décision - qu'à moins d'avoir une loi précise qui vous autorise explicitement à revenir en arrière et à faire valoir le principe de la rétroactivité, vous n'avez pas ce pouvoir.

M. Molot: En vertu de la common law, cependant, si on peut prouver que le versement était illégal - c'est-à-dire, que le bénéficiaire n'y avait pas droit - on pourrait le récupérer en passant par les tribunaux. Mais dans ce cas-ci, il faudrait prouver qu'il s'agissait d'un cas de fraude ou de tromperie - un énorme fardeau de la preuve.

[Français]

M. Brien: On revient toujours à cette impossibilité de faire la preuve qu'il y a eu collusion et fraude. C'est toujours la même chose.

Sous votre règne ou celui de votre prédécesseur à l'Office, a-t-on a envisagé de changer les critères de remboursement de réclamations, d'employer une autre méthode afin d'éviter les possibilités de fraude, en somme de tenter de construire une autre grille de calculs pour déterminer le mode de remboursement? Cela a-t-il été envisagé en cours de route durant les dernières années du programme?

M. Rivard: Je vais laisser M. Ashley vous répondre, si vous vous n'y voyez pas d'objection.

[Traduction]

M. Ashley: C'est une question d'ordre juridique. Je veux être bien précis. Tout d'abord, il n'incombe pas à l'Office de fixer les tarifs. C'est ce que M. Molot dit. Mais si la question est de savoir si le président a essayé de déterminer s'il s'agissait d'une demande déraisonnable - même s'il n'avait pas le pouvoir de le faire - qu'en est-il de la fraude? Comment peut-on décider qu'il s'agissait d'une fraude?

En 1992 et jusqu'à présent, l'Office embauche des juricomptables qui vont voir les transporteurs sur place. Environ 60 ou 70 transporteurs sont visités chaque année et on fait une vérification, une enquête et un examen visant des demandes totalisant des milliers de dollars, pour déceler la fraude.

Cette vérification a reçu l'approbation du président et s'est traduite en des économies importantes pour les contribuables. Dans un cas, si je ne m'abuse, on a décelé une fraude et la GRC est intervenue. Nous avons donc réagi. Je tiens à signaler encore une fois que nous ne pouvions faire que ce qui nous était permis en vertu de la loi.

[Français]

M. Brien: Merci.

Le vice-président (M. Paradis): Merci beaucoup.

S'il n'y a pas d'autres questions,

[Traduction]

ce sera la fin de la présente séance. Je voudrais remercier M. Rivard, M. Ashley, M. Molot,M. Murphy et tous ceux qui ont participé à la séance d'aujourd'hui.

La séance est levée.

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