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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 27 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: Conformément à l'article 108 du Règlement, notre comité entame aujourd'hui une étude qui durera quelques jours et qui portera sur les obstacles fiscaux à l'adoption de pratiques de développement durable. Pour pouvoir cerner ces obstacles, lors de notre dernière réunion, le22 novembre 1995, nous avons choisi certains objectifs spécifiques.

D'abord, nous avons l'intention d'obtenir un rapport d'étape sur les efforts fournis par le gouvernement fédéral. Ensuite, nous avons l'intention de déterminer quelle façon de faire sera la plus appropriée. Enfin, nous voulons cerner les obstacles fiscaux qui empêchent l'adoption de saines pratiques environnementales dans quatre des grands secteurs économiques relevant du gouvernement fédéral. Il s'agira ensuite de faire des recommandations sur la façon de remplacer les pratiques malsaines par des pratiques écologiques et favorables au développement durable.

Puisque notre gouvernement a décidé d'investir dans le développement durable, il doit se poser la question suivante: comment faire en sorte que la politique gouvernementale permette une prise de décisions favorables au développement durable? En effet, comme nous l'avons tous découvert petit à petit, les budgets et politiques du gouvernement ont souvent des résultats non viables.

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Dans un second temps, nous nous rendons compte à quel point la situation est complexe. D'une part, les marchés ne tiennent pas compte des coûts environnementaux, ce qui entraîne la pollution et l'affaiblissement des ressources. De plus, les prix du marché diminuent à cause de subventions que verse le gouvernement, ce qui entraîne à son tour une plus grande consommation de produits nuisibles à l'environnement. D'autre part, nous savons qu'il est possible de cerner, de réduire et peut-être même d'éliminer des incitatifs économiques nuisibles à l'environnement, ce qui permet à la fois la relance économique et environnementale.

Si nous agissons aujourd'hui, c'est en vue du prochain budget fédéral; comme on s'attend à ce qu'il mette l'accent sur la réduction du déficit, il faut dès aujourd'hui saisir l'occasion d'identifier certaines économies qu'il serait possible de réaliser à partir des subventions que l'on pourrait éliminer. En effet, l'élimination de certaines de ces subventions constitue la façon la plus simple et la plus nette de budgétiser le développement durable, et nous avons l'intention de nous y attarder.

Les règles du jeu sont loin d'être équitables, particulièrement dans le secteur énergétique. En effet, les budgets gouvernementaux favorisent la consommation accrue des combustibles fossiles plutôt que l'inverse. Comme je l'ai dit plus tôt, il devient alors nécessaire de prendre en compte les coûts de production, et l'une des façons de faire, c'est d'imposer les activités polluantes et d'utiliser les recettes ainsi engendrées pour compenser la réduction d'autres taxes, comme l'impôt sur le revenu, ce qui permettrait une réforme fiscale sans incidence sur les recettes.

Nous savons également que d'autres pays - comme les Pays-Bas, la Norvège, l'Allemagne et le Danemark - ont réussi avec succès à diminuer leurs subventions et à subventionner plutôt les activités favorables à l'environnement, tout en mettant en oeuvre de nouvelles formes d'imposition. Ceux qui prennent les décisions et élaborent les politiques au Canada doivent profiter de cette expérience. Le ministre des Finances du Canada ayant dans son budget de 1995 promis de revoir l'imposition des ressources naturelles, il devient par conséquent urgent d'effectuer une étude afin de promouvoir des stratégies de développement durable.

Il nous faut donc faire une étude exhaustive et cohérente. Mercredi dernier, les membres de notre premier groupe d'invités nous ont dit que l'étude devrait aller chercher la participation du ministère des Finances; qu'elle devrait incorporer les travaux de groupes d'intérêts tels que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, l'Institut Pembina et d'autres encore; qu'elle ne devrait pas se transformer en un autre forum ou groupe d'étude qui permette l'expression de diverses opinions; que toute l'information sur les subventions existe déjà, mais qu'elle ne peut être évaluée en termes de développement durable ni examinée dans l'éventualité d'une refonte; que l'étude devrait suivre un mandat clair; que les ministères fédéraux sont en mesure de fournir l'information dans un laps de temps raisonnable, de façon que le gouvernement actuel puisse apporter les modifications de politique voulues en cours de mandat; et, finalement, que l'on pourrait demander à un petit groupe de spécialistes de l'environnement qui connaissent la scène canadienne et internationale d'élaborer le cadre d'analyse.

On nous a également affirmé mercredi dernier que nous ne pouvions nous permettre de laisser cette façon de concevoir le développement avoir cours plus longtemps dans le gouvernement fédéral; qu'il ne faudrait pas que l'étude soit trop complexe, si tentant cela soit-il; et que cette étude pourrait éventuellement devenir un recueil d'études distinctes préparées par chaque ministère.

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En guise de conclusion, mesdames et messieurs, nous nous lançons aujourd'hui dans ce qui pourrait être l'étape préliminaire destinée à paver la voie au ministre des Finances et au ministre de l'Environnement, afin qu'ils honorent une des promesses du Livre rouge que l'on trouvera à la page 60 de «Pour la création d'emplois pour la relance économique»:

Les membres de notre table ronde connaissent maintenant le défi qu'ils doivent relever. Chacun des témoins voudra peut-être se présenter brièvement, et je vous laisse décider dans quel ordre vous voudrez prendre la parole.

Pour éviter les annonces de dernière minute, je vous informe que la séance de ce soir, prévue pour 19 heures, ne commencera qu'à 19h30, pour nous permettre de respecter certains autres engagements.

Je suis maintenant heureux d'inviter Penny Gotzaman à présenter les membres de la table ronde et à nous indiquer la façon dont on procédera.

Mme Penny Gotzaman (directrice générale, Direction générale des politiques et des analyses économiques, ministère de l'Environnement): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Penny Gotzaman et je suis directrice générale des politiques et des analyses économiques au ministère de l'Environnement.

Monsieur le président, nous avons discuté de l'ordre dans lequel nous prendrions la parole et avons décidé qu'Anthony Cassils serait le premier. Je serai la suivante, puis ce sera Anne Park, après quoi nous pourrons clore avec François Bregha. Monsieur le président, je laisse les autres témoins se présenter.

M. Anthony Cassils (expert-conseil, environnement et économie): Je m'appelle Anthony Cassils et je suis expert-conseil dans le domaine de l'environnement et de l'économie depuis maintenant sept ans. En cours de route, je vous parlerai de mes antécédents et ferai le lien avec notre sujet d'aujourd'hui.

D'abord, je vous remercie de me permettre de contribuer à vos travaux. L'intuition et la rigueur avec lesquelles votre distingué comité s'est mis à la tâche ont depuis longtemps suscité mon admiration. Nous devons vous féliciter d'avoir entrepris cette étude des obstacles fiscaux à l'adoption de saines pratiques environnementales et de vous être demandé comment le régime fiscal actuel pourrait être modifié pour atteindre certains objectifs environnementaux.

On m'a demandé de faire dans le cadre de mon introduction une intégration stratégique et de vous parler de l'importance de prendre des mesures et de la nécessité d'agir vite. Mercredi dernier, j'étais présent lors de la comparution de Jim MacNeill, David Runnalls et Art Hanson, et je ne vous répéterai pas les propos qu'ils vous ont tenus si éloquemment, si ce n'est pour vous signaler que j'y souscris sans réserve.

Comme je comparais aujourd'hui à titre personnel, j'ai pensé qu'il serait bon de discuter avec vous de certaines de mes expériences professionnelles qui ont modelé la perspective stratégique que je voudrais partager avec vous aujourd'hui et vous expliquer pourquoi la plupart de mes expériences passées touchent l'une de mes préoccupations principales, à savoir l'évolution des institutions.

Je m'intéresse activement à l'environnement depuis presque 35 ans, depuis mes études de premier cycle en histoire de l'économie. À cette époque, la population de toute la planète n'atteignait qu'environ 2,6 milliards, ou environ un tiers du niveau actuel. À cause du rythme rapide des activités économiques de 1940 à 1960, la population a réussi à épuiser beaucoup des ressources que l'on croyait jusqu'à ce jour inépuisables: cela signifiait à mes yeux qu'en puisant ainsi de façon accélérée dans l'environnement, l'homme arriverait bientôt à un point de non retour et serait obligé de modifier de fond en comble ses institutions. Nous sommes arrivés aujourd'hui à cette période d'ajustement, mais nous avons été beaucoup trop lents dans nos tentatives de faire évoluer nos croyances, nos hypothèses et nos institutions.

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Ce sont ces aperçus qui ont modelé ma carrière. Après avoir fait du droit au Québec dans les années 60, j'ai travaillé en 1969 pour le Conseil canadien des ministres des Ressources, qui est devenu le Conseil canadien des ministres de l'Environnement que nous connaissons aujourd'hui et qui était l'un des rares groupes au Canada à s'intéresser à l'époque à l'environnement. Puis, dans les années 70, je suis devenu fonctionnaire pendant dix ans au gouvernement de l'Ontario, et j'ai fait de l'élaboration de politiques au Conseil du Trésor de l'Ontario, dans le secteur économique et auprès du conseil des ministres.

Dans les années 80, je me suis retrouvé dans l'industrie des services financiers, et j'ai passé sept ans au siège social de la Banque Royale du Canada à faire de la planification d'entreprises, puis à titre de vice-président d'une boîte de conseillers financiers en investissement de taille moyenne, mais branchée sur la scène internationale. J'avais pour rôle notamment de relever tous les signes précurseurs de changements et d'alerter les organisations de leurs incidences possibles, rôle qu'ont rempli sans doute beaucoup de ceux qui se trouvent ici. Ce n'est pas un rôle facile, et cela me rappelle ce que disait Earle McLaughlin, un ancien président de la Banque Royale du Canada: «Je suis toujours sûr, mais j'ai parfois tort.»

Je me rappelle avoir exhorté en 1978 le gouvernement de l'Ontario à inscrire à son ordre du jour politique les pluies acides. Or, à l'époque, on m'avait répondu que ce n'était pas un problème, mais qu'on l'inscrirait pour ne pas me contrarier. Je m'étais intéressé à la question dès la fin des années 50 et au début des années 60 en faisant de la randonnée dans les Adirondacks, là où les pluies acides étaient une source de préoccupation depuis les années 30. Je me doutais bien à l'époque qu'elles ne s'arrêtaient pas à la frontière.

En 1985, alors que j'étais à la Banque Royale, j'ai fait circuler une note de service mentionnant l'effondrement probable de l'Union soviétique; on m'a répondu que cela était impossible de notre vivant.

Ces expériences, et d'autres semblables encore, m'ont fait comprendre qu'il est difficile pour les grandes institutions de réagir aux signes précurseurs, même si le vieux bon sens nous le dicte, comme dans l'adage «un point à temps en vaut cent».

Tout comme les humains, les institutions retardent le moment du changement jusqu'à ce qu'il leur soit impossible de ne pas agir. Peut-être s'en remet-on trop à l'analyse. Même s'il est certes utile d'analyser, on dépasse parfois la mesure, dans l'espoir d'une quasi-certitude scientifique, ce qu'il est illusoire, voire impossible, d'espérer dans le cas d'un gouvernement et de créatures aussi complexes que les êtres humains.

L'analyse n'est qu'une facette de la connaissance. Un spécialiste peut par analyse rejeter du revers de la main des intuitions qui sont peut-être plus opportunes et plus justes. Cela explique parfois en partie pourquoi tant de nos institutions semblent aller à contre-courant de l'intuition.

Il est possible parfois de surmonter ce dilemme en réagissant plus rapidement aux intuitions, c'est-à-dire en mettant à l'essai de petits changements que l'on sait prometteurs. Cela consolide l'expérience et prépare à des changements plus grands. Je crois que nous en sommes rendus à ce point dans l'évolution de notre régime fiscal.

À la suite de la parution du rapport Brundtland en 1987, j'ai commencé à parler de développement durable et à écrire sur ce sujet. En octobre 1988, j'ai rédigé avec un vice-président de la Banque Royale un article demandant de donner aux entreprises un incitatif qu'elles comprendraient. Notre article a été publié dans la page en regard de l'éditorial du Globe and Mail et suggérait certaines mesures fiscales, telles que le recours à des actions accréditives pour encourager de saines pratiques environnementales. J'avais acheté déjà depuis quelque temps de ces actions accréditives pour certains de mes clients, et il me semblait bizarre qu'on ne s'en serve que pour le secteur minier et pour le développement du gaz et du pétrole. Or, notre article parut au bon moment et suscita beaucoup d'intérêt d'un océan à l'autre. Comme on me demanda par la suite de faire d'autres recherches sur le régime fiscal et le développement durable, j'écrivis en 1989 un texte intitulé «Restructurer le régime fiscal en vue du développement durable» pour le compte de l'Institut canadien du droit des ressources.

Jusqu'en 1990, je faisais tout cela sur une base volontaire; toutefois, c'est à ce moment-là que j'ai décidé de devenir un expert-conseil en matière d'environnement et d'économie à temps plein, puisque, de toute façon, ce travail occupait tout mon temps, ou presque. C'est depuis ce moment-là que j'essaie d'intégrer les affaires et l'environnement dans mon travail et que j'ai effectué plusieurs études sur les instruments économiques.

Ces dernières années, j'ai eu le bonheur de travailler avec des groupes tels que la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui a démontré beaucoup d'intuition et de flexibilité. Elle possède une capacité d'intégration comme celle que l'on exigera demain d'un nombre accru d'organisations.

J'aimerais maintenant poser quelques questions. Pourquoi faut-il attendre si longtemps avant d'imposer une écotaxe et avant d'utiliser des instruments économiques qui encouragent de saines pratiques environnementales? J'aimerais aborder la question de l'évolution des valeurs, des hypothèses, des incitatifs et des structures. J'aimerais expliquer pourquoi les solutions qui s'imposent à une génération deviennent souvent les problèmes de la génération suivante. J'aimerais parler de la nécessité d'avoir une bonne information de gestion et un leadership courageux et inspirant.

Je terminerai par l'importance et l'opportunité de faire une étude des conditions de base, et je ferai certaines suggestions.

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L'an dernier, lorsque le Groupe d'étude sur les instruments économiques et les obstacles à l'adoption de saines pratiques environnementales a entamé ses travaux, la Table ronde nationale m'a demandé de préparer un texte sur les obstacles qui empêchaient les saines pratiques environnementales. Dans ce texte, je posais la question suivante: pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour appliquer des instruments économiques ou pour supprimer un peu partout les obstacles fiscaux?

Les écotaxes constituent l'un des instruments économiques les plus anciens et les plus connus. C'est un économiste de l'Université Cambridge, Arthur Pigou, qui a proposé cette taxe dès 1920 pour faire le pont entre les coûts privés et les coûts sociaux qui sont à l'origine des dommages à l'environnement. C'est depuis les années 60 que des économistes s'intéressent de façon accrue aux instruments économiques, et on assiste à une poussée des activités depuis la fin des années 80 sous la férule de l'OCDE. Malheureusement, ce regain d'énergie intellectuelle ne s'est pas concrétisé autant qu'on aurait pu l'espérer. Les pays nordiques et les Pays-Bas vont chercher de 5,4 à 10,75 p. 100 de leurs recettes fiscales totales grâce à des taxes à incidence écologique. On y inclut évidemment certaines taxes, telles que la taxe d'accise sur les combustibles, ce qui me fait dire que c'est parfois une façon de maquiller les vieilles taxes sous de nouveaux noms. Par ailleurs, il y a peu d'écrits par comparaison sur les pratiques environnementales saines.

On peut expliquer de bien des façons cette lenteur. Ainsi, le mode de vie actuel au Canada est modelé par des valeurs, des hypothèses et des encouragements qui sont inscrits dans les structures politiques et économiques et, beaucoup plus subtilement, dans les structures sociales. Les structures et les institutions modèlent les valeurs des citoyens tout autant, sinon plus, que l'inverse. J'ai travaillé pour plusieurs grands organismes et je connais bien l'influence qu'exerce la culture institutionnelle établie.

Nombre de politiques actuelles ont été conçues au moment de la grande dépression des années 30. À cette époque, la demande du consommateur et la capacité de production étaient fortes, mais, nombreux étaient ceux qui n'avaient ni argent ni emploi, ce qui créait un problème de liquidités. Les dépenses publiques ont permis de renverser la vapeur grâce à des politiques conçues pour stimuler la production, la consommation et la création d'emplois, mais sans pour autant mettre l'accent sur l'efficacité. Je crois que ces hypothèses sont toujours prédominantes au Canada, de même que dans notre structure fiscale, même si elles ne donnent pas toujours de bons résultats.

Les solutions qui valent pour une génération se transforment souvent en problèmes pour la génération suivante, et lorsque les choses empirent, elles imposent le changement. Il reste à espérer que ces mêmes problèmes seront porteurs de solutions. Je crois que les temps seront durs au cours des prochaines années. Bon nombre d'illusions s'effondreront à l'aube de la prochaine récession. Au cours des 25 dernières années, l'accélération de la production et de la consommation a gagné de vitesse les ressources financières, et parfois environnementales. L'endettement élevé et la quasi-disparition du poisson de fond sur la côte est, le déclin du saumon sur la côte ouest et la surexploitation de la forêt en Colombie-Britannique maintiennent l'anxiété à un niveau élevé.

On l'a déjà dit à maintes reprises, le déficit environnemental et le déficit budgétaire - je ne parle pas du déficit financier - proviennent tous deux de la même attitude: nous voulons trop tout de suite et nous voulons combler nos besoins en consommant toujours plus sans tenter de trouver d'autres solutions.

Le chômage persiste, et un certain nombre de personnes qui ont déjà eu des emplois stables travaillent maintenant plus fragilement de façon autonome. La conjoncture difficile peut contribuer à taxer encore davantage les ressources environnementales, au détriment des possibilités à moyen et à long terme. Vous avez vu ce qui s'est passé avec la pêche au poisson de fond sur la côte est; les chômeurs se sont tournés vers cette pêche comme employeur de dernier recours et l'ont ruinée.

La situation a ses bons côtés. Elle peut changer les attitudes des gens et des institutions et engendrer la créativité. La grande dépression des années 30 a permis l'application de la théorie générale de Keynes. La prochaine crise favorisera la venue du développement durable, qui, selon moi, est aux années 90 ce que la théorie générale a été aux années 30.

Retarder la transition crée plus de problèmes et ne résout rien. Les circonstances difficiles amélioreront le gouvernement et le rendront plus responsable. Par le passé, c'est l'opinion publique, qui est une mesure plus ou moins vague, qui a poussé le gouvernement à agir, mais les investisseurs et les évaluateurs d'obligations au regard plus dur cherchent des signes d'une bonne gestion jusque dans les moindres détails. Ils cherchent des résultats. Aussi, les principes d'une bonne gestion environnementale et du développement durable exigent un système d'information de gestion de beaucoup amélioré. Le vérificateur général le réclame depuis des années.

Une bonne information, une information objective sur l'intégration de l'environnement et de l'économie est souvent difficile à trouver. À l'avenir, il faudra que l'information soit objective et accessible au public.

À la fin de l'été et au début de l'automne de cette année, j'ai passé deux mois en Colombie-Britannique. Pour mieux comprendre l'industrie des produits forestiers dans cette province, j'ai interviewé les chefs forestiers de grandes sociétés ainsi que des écologistes réputés.

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Tous m'ont semblé sincères et honnêtes dans leur prise de position. Les forestiers m'ont parlé des progrès qu'ils ont réalisés en matière de gestion durable des forêts et de gestion des écosystèmes. Pour les écologistes, la récolte était non durable et s'accroissait sans cesse. L'emploi dans cette industrie diminue depuis plus de 20 ou 30 ans, tandis que la récole augmente rapidement. Le montant exigé par la province par mètre cube de bois est bien moindre que sa valeur commerciale courante. À compter des années 60, l'industrie s'est mise à construire de grandes scieries en Colombie-Britannique. Elle a maintenant une sur-capacité chronique, ce qui l'oblige à transporter par camion du bois du Yukon, de l'Alberta et de la Saskatchewan en vue d'approvisionner ses scieries. Certains estiment qu'elle fait venir du bois d'aussi loin que le Manitoba, ce qui rappelle la situation en Thaïlande, où les scieries font venir du bois du Myanmar et du Cambodge.

On estime que la province tirerait beaucoup de revenus du bois s'il était vendu à l'encan et s'il était soumis à un système de licences d'exploitation à long terme. Il y aurait plus d'emplois également si la Colombie-Britannique exigeait une plus grande transformation secondaire du bois. Les arguments fusent de part et d'autre. Même si l'exploitation forestière relève de la compétence provinciale, le gouvernement du Canada investit environ 200 millions de dollars annuellement dans ce secteur en Colombie-Britannique. Cet investissement découle d'ententes qui doivent être éliminées progressivement. Récemment, une bonne part du financement versé aux provinces dépendait de la mise au point de plans d'exploitation forestière durable. Aussi, il convient de se demander ce qui se passe actuellement en Colombie-Britannique.

Une information sérieuse, objective, serait nécessaire pour pouvoir juger des résultats. Je crois comprendre que le Service des forêts a accéléré les choses en vue de mettre au point une base d'information interactive qui tienne compte de la notion de développement durable. Environnement Canada a fait des progrès importants en vue d'améliorer à ces fins et aux fins du public, avec le réseau d'information environnementale, l'inventaire national des émanations polluantes, la surveillance des effets sur l'environnement, la mise au point d'indicateurs environnementaux et de rapports sur l'état de l'environnement.

Le gouvernement pourrait faire preuve d'un leadership fort et contagieux en donnant suite à sa promesse de mener une étude de base complète des taxes et subventions fédérales, afin de déceler les obstacles aux pratiques environnementales saines. Ce serait une incitation à accepter le changement, de même qu'un encouragement financier à l'innovation. Ce serait une façon de faire savoir clairement aux ministères gouvernementaux et à la population que la gestion en vue du développement durable est devenue incontournable. Ce serait un catalyseur qui encouragerait la mise au point de critères permettant d'évaluer non pas seulement les taxes et les subventions, mais également les programmes existants; en bout de ligne, l'information de gestion en serait grandement améliorée. De même, une étude de base remplirait une promesse faite aux Canadiens, qui sont nombreux ces jours-ci à s'inquiéter et qui ont besoin de la confiance qu'engendre une promesse tenue.

Il doit être évident à ce stade-ci que je considère l'étude de base comme importante et opportune. Pour ce qui est de la forme qu'elle pourrait prendre, la principale question est de savoir si elle devrait être effectuée à l'interne ou à l'extérieur. Un rapport provenant d'experts de l'extérieur pourrait avoir plus de crédibilité. Comme le gouvernement pourrait très bien n'avoir ni le temps ni le personnel nécessaires pour effectuer l'étude, il pourrait la confier à une fondation fiscale travaillant en collaboration avec la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie ou l'Institut international du développement durable. L'Institut canadien des comptables agréés pourrait également participer au processus.

En ce qui concerne des idées qui pourraient être incluses dans le prochain budget, le groupe de travail sur le budget vert de la Table ronde nationale a organisé le 18 octobre un atelier chargé d'examiner trois excellentes études relatives à la fiscalité et à l'environnement. Vous les avez peut-être déjà, puisque les auteurs de deux d'entre elles, Stephanie Cairns et François Bregha, participent à cette tribune. L'étude de l'Institut Pembina, Fine Tuning Taxes for Energy Eco-Efficiency, fait un certain nombre de propositions réfléchies qui pourraient donner lieu à des mesures positives reliées à l'environnement dans le prochain budget.

Une autre option serait qu'un organisme central demande aux ministères d'indiquer leurs dix subventions et contributions les plus importantes sur le plan financier. Ils seraient appelés à porter un jugement sur l'impact de ces mesures sur l'environnement et le développement durable et à indiquer si elles pourraient être réduites au cours de l'année à venir. Elles pourraient être éliminées progressivement. Et les subventionneurs et les subventionnés pourraient apprendre du processus.

Ce comité permet de franchir des étapes très utiles qui pourraient marquer le début d'une réforme fiscale au plan écologique. Il faudrait peut-être examiner sérieusement la possibilité de faire une réforme écologique de la fiscalité au Canada, faire une étude comme celle de la Commission Carter, par exemple. Ce pourrait être une commission d'enquête. Il y aurait peu de risques et beaucoup à gagner.

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Une dernière observation, si vous le permettez. Un grand nombre de personnes, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, font des efforts énormes en vue de promouvoir le développement durable. Des mesures comme la nomination d'un commissaire à l'environnement et le Guide à l'écogouvernement sont tout à fait louables. De vieux irritants comme les subventions agricoles sont repensés de façon à tenir compte de la notion de durabilité. Ces mesures, le changement d'attitudes qu'elles reflètent, de même que le travail de ce comité, sont encourageants. Merci.

Le président: Merci, monsieur Cassils. C'est très utile.

C'est à vous.

Mme Gotzaman: Merci, monsieur le président. Je suis très heureuse de participer à cette tribune.

Déceler les obstacles fiscaux et y remédier est, comme vous le savez, une priorité du ministère de l'Environnement. Nous attachons une grande importance à ce travail.

IIDD vous a fourni la semaine dernière ce que je considère comme une excellente introduction à cette tribune. Je pense que vous avez très bien résumé ce qui s'est dit à cette occasion, monsieur le président.

Dans mon exposé, je compte d'abord indiquer au comité quelle est la perspective du ministère de l'Environnement face aux obstacles fiscaux aux pratiques environnementales saines, comment la question s'insère dans le programme de développement durable du gouvernement et quelles mesures ont été prises à ce jour en vue de déceler les obstacles. Je veux également essayer d'expliquer ce qu'implique la recherche des obstacles fiscaux aux pratiques environnementales saines et mentionner certains points que vous pourriez vouloir examiner à l'étape de votre rapport sur la façon dont le gouvernement doit s'y prendre.

La politique environnementale du gouvernement fédéral s'est largement fondée au cours des dernières années sur le chapitre sur le développement durable de Pour la création d'emplois pour la relance économique. Un des termes clés de ce chapitre est la nécessité d'orienter dans la même direction les programmes économiques et environnementaux de tous les ministères.

Le gouvernement a pris un certain nombre de mesures en vue d'en arriver à cette convergence. Je ne vais pas les énumérer, parce que je sais que vous les connaissez bien. Je vais quand même en mentionner trois ou quatre en particulier que je considère comme particulièrement indiquées aux fins de cette tribune et de cette discussion aujourd'hui et au cours des prochains jours.

Une mesure qui influera de façon importante sur la façon dont les ministères fédéraux agiront à l'avenir et que ce comité a contribué à modeler, c'est le projet de loi C-83.

La nécessité pour les ministères de préparer des stratégies pragmatiques en matière de développement durable et la création du poste de commissaire sont des étapes importantes en vue de l'intégration de la notion de développement durable dans le déroulement des opérations du gouvernement.

M. Cassils a fait allusion à une mesure similaire, le Guide à l'écogouvernement. Le premier ministre et le Cabinet ont fait du guide la grande ligne directrice que doivent suivre les ministères dans l'élaboration de leurs stratégies.

La création d'une agence canadienne d'évaluation environnementale indépendante permettrait une meilleure intégration des considérations environnementales dans la planification des projets. De même, des progrès ont été réalisés en vue de déceler les obstacles fiscaux aux pratiques environnementales saines et d'y remédier. Je reviendrai à ce dernier point dans quelques minutes.

Auparavant, je voudrais parler brièvement du Guide à l'écogouvernement, qui, selon moi, est relié directement au sujet que doit examiner cette tribune.

Le guide prévoit, en vue de l'élaboration d'une stratégie de développement durable, l'évaluation par les ministères mêmes de l'impact que leurs politiques, leurs programmes et leurs opérations peuvent avoir sur le développement durable. Les politiques et programmes existants doivent être réexaminés afin qu'on puisse voir s'ils créent des obstacles au développement durable. Cette démarche doit permettre en même temps de voir comment les ministères peuvent s'acquitter de leur mandat d'une façon qui permette de combiner les considérations environnementales et économiques. Le régime fiscal pourrait bien envoyer un message qui ne correspond pas à celui qu'envoie la politique environnementale.

Ceux d'entre nous qui ont été appelés à examiner de près la politique environnementale savent que l'utilisation d'instruments économiques, comme des frais environnementaux, l'échange des émanations et la consignation, a été envisagée en vue de régler un certain nombre de problèmes environnementaux. Les programmes ont cependant été modestes en ce qui concerne les instruments économiques, et le ministère de l'Environnement continue d'en faire la promotion là où cela semble indiqué.

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Cependant, avant que de nouveaux instruments économiques ne soient introduits, il est important que les messages qu'envoie le régime fiscal actuel soient examinés afin de voir quelles sont leurs répercussions sur le développement durable. Comme il a été mentionné, monsieur le président, c'est ce qui a été prévu dans le cadre d'une étude de base des taxes et subventions fédérales afin que les obstacles aux pratiques environnementales saines puissent être décelés.

Comme vous l'avez mentionné dans vos observations préliminaires, monsieur le président, une telle étude pourrait à la fois contribuer à réduire le déficit et à éliminer les obstacles à l'atteinte des objectifs en matière d'environnement. Elle pourrait constituer une étape importante en vue de la réalisation de synergies entre la politique environnementale et la politique économique.

Il y a une dimension internationale à la question. Les pays peuvent collaborer entre eux en vue d'éliminer les subventions qui faussent le commerce et qui ont également des répercussions sur l'environnement. La réduction des subventions agricoles à la suite de l'Uruguay Round est un exemple.

Le gouvernement a fait des progrès en vue de supprimer les obstacles fiscaux aux pratiques environnementales saines. Il y a environ 18 mois, les ministres de l'Environnement et des Finances, donnant suite à un engagement pris dans le budget de 1994, ont établi le groupe de travail sur les instruments économiques et les obstacles à de saines pratiques environnementales. Dans le peu de temps qui lui était alloué, le groupe de travail avait pour mission d'indiquer un ou plusieurs instruments économiques pouvant être utilisés ainsi qu'un ou plusieurs obstacles, y compris les mesures fiscales, pouvant faire l'objet d'une étude en profondeur.

Le groupe de travail avait également pour mandat de mettre au point un cadre global permettant d'identifier les obstacles aux saines pratiques environnementales. Le guide à l'écogouvernement présente ce cadre comme un outil que les ministères pourraient utiliser afin de déterminer si leurs politiques, leurs programmes et leurs opérations courants constituent des obstacles. Il pourrait s'agit d'obstacles fiscaux. Je pense que François Bregha donnera plus de détails à ce sujet.

Le groupe de travail constituait la première tentative du gouvernement pour mettre en place un processus formel qui incorpore les considérations environnementales à la préparation du budget. Certaines recommandations du groupe de travail se sont d'ailleurs retrouvées dans le budget de 1995. Celui-ci s'est révélé très positif du point de vue de la politique environnementale. Le crédit revenait dans une certaine mesure au groupe de travail, mais essentiellement, ce qui se produisait, c'était que l'importance de l'examen des obstacles fiscaux, du point de vue de la réduction du déficit et de l'environnement, était reconnue.

Le budget de 1995 modifiait le traitement fiscal des dons de terres importants au point de vue écologique. Le groupe de travail et d'autres instances avaient déterminé que le traitement fiscal des dons de terres importants du point de vue écologique était un obstacle, compte tenu de l'engagement du gouvernement de conserver 12 p. 100 des régions naturelles terrestres représentatives du Canada d'ici à l'an 2000 et compte tenu de son désir de protéger la biodiversité. Même si le changement introduit dans le budget peut être vu comme assez modeste, il est symbolique et représente un pas dans la bonne direction.

Également à la suite d'une recommandation du groupe de travail, le gouvernement s'est engagé dans le budget à revoir le régime fiscal afin de déterminer si les dépenses au titre de l'efficacité de l'énergie, de l'énergie renouvelable et de l'énergie non renouvelable sont traitées adéquatement dans le régime d'impôt sur le revenu actuel et si des améliorations peuvent être apportées. Ce travail est en cours. David Runnalls a donné au comité un aperçu des résultats attendus. Je crois également que les hauts fonctionnaires du ministère de l'Énergie donneront demain plus de détails à ce sujet.

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Un certain nombre de mesures du budget auront par ailleurs un impact sur le développement durable, ce qui est positif; par exemple, l'élimination de la subvention au transport en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et l'engagement de ne pas financer de nouveaux mégaprojets dans le domaine de l'énergie.

Que reste-t-il à faire? Le groupe de témoins qui suivra permettra au comité de voir le travail qu'accomplissent les divers ministères en ce qui concerne les obstacles fiscaux, et il est à espérer que cela va vous aider à préparer vos recommandations au gouvernement. J'aimerais pour ma part soumettre cinq points à l'intention du comité en vue de la rédaction de son rapport.

Le premier a trait à la nécessité d'une approche uniforme et cohérente dans tous les ministères. Le deuxième concerne les éléments clés permettant de déceler les obstacles fiscaux. Le troisième vise la portée de l'exercice: quelles mesures fiscales doivent être examinées? Le quatrième porte sur le calendrier, et le cinquième sur le processus qui doit permettre de faire le travail de façon efficace.

Je pense, monsieur le président, que vous avez parlé de la question de l'uniformité de l'approche des ministères avec David Runnalls lorsqu'il a comparu la semaine dernière.

Je pense qu'une approche uniforme et cohérente de la part de tous les ministères est indiquée. Je ne dis pas que tous les ministères doivent nécessairement utiliser la même méthode. Ce ne serait ni sensé ni dans l'intérêt du bien, comme M. Runnalls le disait.

Pour illustrer ce point, il convient de parler des stratégies de développement durable que les ministères doivent préparer selon le projet de loi C-83. Lorsque les ministères se sont consultés en vue de la préparation de leurs stratégies détaillées, ils se sont vite rendu compte - et le Guide à l'écogouvernement le reconnaît - que leurs approches varieraient nécessairement beaucoup. Le mandat des divers ministères varie, de sorte que leurs démarches en vue de promouvoir le développement durable doivent également varier.

Les ministères, le vérificateur général et le comité se rendaient bien compte que les ministères avaient besoin d'un guide relativement, par exemple, aux éléments, aux objectifs sous-jacents, aux concepts et aux moyens employés pour atteindre le développement durable.

Dans le cadre d'une approche uniforme, l'identification des obstacles fiscaux aux saines pratiques environnementales devrait inclure deux éléments essentiels: il faudrait d'abord voir ce que sont les taxes et les subventions fédérales en cause; il faudrait également évaluer leurs répercussions économiques et environnementales.

Pour ce qui est du premier point, certaines subventions sont directes, évidentes. Les montants se trouvent dans le budget; il suffit de consulter le budget. Dans les autres cas, une analyse plus poussée est nécessaire afin de voir s'il n'y a pas de subventions indirectes, par exemple, inhérentes au régime fiscal.

La façon de procéder est également importante. On peut procéder par secteur, ce qui me semble, à moi, l'approche la plus logique et la plus intéressante pour la majorité des gens. Cependant, le régime fiscal fédéral ne s'applique pas nécessairement par secteur, de sorte qu'un examen horizontal complémentaire est nécessaire.

En vue d'une approche uniforme et cohérente face aux obstacles, des guides doivent être donnés aux ministères relativement aux secteurs examinés, aux questions qui doivent faire l'objet d'un examen horizontal et à la façon de combiner les examens verticaux et horizontaux.

En ce qui concerne les évaluations économiques et environnementales, l'évaluation économique doit inclure un certain nombre de choses; nous les connaissons. Par exemple, la mesure dans laquelle l'efficacité économique et socio-économique est atteinte, l'impact fiscal.

L'évaluation environnementale, elle, peut porter sur des problèmes environnementaux bien précis ou des objectifs qui ne peuvent pas être atteints à cause d'obstacles. Tout dépend de la mesure fiscale ou du secteur examiné. L'évaluation est quantitative lorsque c'est possible; autrement, elle est qualitative.

.1625

Comme vous le savez sûrement, il est difficile de quantifier les dommages à l'environnement; les méthodes à cette fin existent, mais les estimations peuvent varier au point de ne plus avoir de valeur. Il est peut-être préférable d'essayer de juger de la sévérité du problème environnemental ou sanitaire et de l'étendue dans laquelle l'obstacle fiscal y contribue, d'essayer d'estimer les émanations résultant d'une subvention, par exemple.

Tous les ministères tentent de déceler les subventions et d'évaluer leur impact économique et environnemental. Cependant, l'étendue du travail effectué pour chaque élément peut varier de façon importante selon les ministères.

Par exemple, en ce qui concerne l'agriculture, la détermination des subventions peut se faire assez facilement. Les répercussions économiques et environnementales de ces subventions, cependant, sont plus difficiles à cerner. Je suppose que le gros du travail du ministère de l'Agriculture porterait sur ce dernier aspect.

Pour ce qui est du secteur du pétrole et du gaz, par ailleurs, déceler et quantifier les subventions restantes inhérentes au régime fiscal supposent une analyse beaucoup plus poussée. Je pense que vous aurez une idée de l'étendue du problème demain.

Ce qui m'amène à la portée de l'examen. Quelles mesures fiscales doivent être ciblées dans le cadre de l'examen des obstacles par le ministère? Qu'est-ce qu'un examen complet? Une position extrême consisterait à inclure toutes les taxes et subventions fédérales. Ce serait une entreprise de grande envergure qui risquerait de ne se révéler rentable ni du point de vue de l'environnement ni du point de vue financier. Une approche plus pragmatique consisterait à mettre l'accent sur un certain nombre de secteurs prioritaires. Théoriquement, ce pourraient être les mesures qui ont un impact financier ou environnemental important, ou les deux.

La question se pose, cependant. Comment savoir d'avance si une subvention, importante ou non, a un impact majeur sur l'environnement et constitue un obstacle? Ce pourrait être évident dans certains cas, moins évident dans d'autres. Il faut quand même commencer quelque part, et la valeur d'une tribune comme celle-ci, monsieur le président, tient à la possibilité qu'elle offre aux intéressés et aux membres du comité de déterminer les secteurs qui leur semblent prioritaires.

Quelques mots maintenant au sujet du calendrier. Comme vous l'avez indiqué dans vos observations préliminaires, monsieur le président, un exercice comme celui-ci au moment où la réduction du déficit s'impose comme priorité est extrêmement important. C'est une occasion d'atteindre des objectifs en matière environnementale tout en permettant d'économiser et de réduire le déficit.

Au cours des prochains jours, le comité pourra déterminer quels secteurs se prêtent le mieux à l'exercice en vue du prochain budget. Il est impossible de dire si beaucoup d'autres secteurs décelés par le comité pourraient être examinés suffisamment à fond en un an; on en a discuté lors de la séance précédente. En tout cas, un certain nombre d'entre eux pourraient être étudiés à temps pour le budget de 1997. Le comité pourrait peut-être envisager que le gouvernement procède étape par étape de façon à ce que son travail produise des résultats pour le budget de 1997 et les budgets subséquents.

Je termine avec quelques mots au sujet du processus. Nous attendons avec impatience les voeux du comité à ce sujet en prévision de notre travail sur les obstacles fiscaux. J'aurais deux suggestions à faire. D'abord, conformément au principe mentionné dans le Guide à l'écogouvernement, selon lequel les ministères doivent pouvoir évaluer leurs politiques et leurs programmes, il serait indiqué que la plus grande partie du travail soit effectuée par les experts des ministères et du ministère des Finances. Cela dit, il y aurait avantage, tant pour le fond que pour la crédibilité auprès des intéressés, à ce que des experts de l'extérieur du gouvernement participent au processus d'une façon ou d'une autre. Merci.

Le président: Merci. Madame Park.

Mme Anne Park (directrice générale, Secrétariat de la politique de développement économique, ministère des Finances): Merci beaucoup. Je m'appelle Anne Park et je dirige ce qu'on appelle le Secrétariat de la politique de développement économique au ministère des Finances. C'est un groupe qui s'occupe de toutes les questions de politique économique sectorielle intéressant le ministère, qu'il s'agisse de l'environnement, de l'énergie, des mines, de l'agriculture, des transports, de la petite entreprise, de l'industrie, des sciences et de la technologie, ou d'autres choses.

.1630

J'ai été priée d'aborder la question des obstacles aux saines pratiques environnementales dans un contexte très large, du point de vue du régime fiscal et de l'économie. J'espère pouvoir être utile au comité permanent. Je me rends compte, après avoir entendu Penny Gotzaman, que certains de mes propos pourront vous sembler familiers. C'est peut-être le signe qu'au ministère des Finances et au ministère de l'Environnement nous collaborons de plus en plus face à toutes ces questions.

D'abord, pour ce qui est de la théorie économique, il n'y a rien de tellement nouveau à cette approche. Les économistes reconnaissent depuis longtemps le lien entre l'économie et l'environnement, ce qu'ils appellent «les facteurs externes». Le fait que le marché n'inclut pas nécessairement les coûts dus à la dégradation environnementale est bien connu. Il est peut-être difficile d'évaluer avec précision l'effet de ces facteurs externes, mais le fait qu'ils entrent en jeu justifie l'intervention du gouvernement en vue d'assurer que l'environnement soit protégé dans les décisions économiques et autres.

Cette intervention peut prendre diverses formes: elle peut consister à encourager l'industrie à agir volontairement ou à établir des exigences en matière environnementale par voie de législation ou de réglementation. Il a récemment beaucoup été question des possibilités qu'offrent les approches axées sur le marché, ou ce qu'on appelle les instruments économiques.

De même, il est maintenant admis que certaines politiques et certains programmes de dépenses et de taxation du gouvernement, conçus au départ pour permettre d'atteindre certains objectifs économiques et sociaux, ne prennent pas toujours en compte la protection de l'environnement. On se demande de plus en plus à quel point les mesures actuelles de dépenses et de taxation sont devenues par inadvertance des obstacles à la protection de l'environnement.

Il y a eu un changement au cours des vingt dernières années à peu près pour ce qui est de notre compréhension des problèmes environnementaux eux-mêmes et de la façon dont nous devons essayer de les régler. Les membres du comité savent très bien que si, auparavant, nous considérions les questions environnementales comme essentiellement locales ou reliées à un pays, nous reconnaissons aujourd'hui que les problèmes sont beaucoup plus complexes sur le plan technique - mentionnons seulement celui des produits toxiques - et ont souvent une portée transnationale ou mondiale - citons le changement climatique. Nous sommes donc forcés plus que jamais d'en arriver à un consensus au sujet de la nature du problème lui-même afin de pouvoir trouver la réponse appropriée.

De même, avec l'introduction de la notion de développement durable, les gens sont devenus de plus en plus conscients du fait que les objectifs économiques, sociaux et environnementaux se regroupent et doivent être menés conjointement. Dans la pratique, nous considérons que les objectifs en matière d'environnement et d'économie se rejoignent de plus en plus. Il s'ensuit de nouvelles possibilités de convergence entre les programmes économiques, sociaux et environnementaux.

Permettez-moi de passer maintenant à ce que le gouvernement fédéral et, en particulier, le ministère des Finances, font pour répondre à cette question. Comme vous le savez, le Canada a besoin d'une économie en croissance qui fournit des emplois aux Canadiens, maintenant et au cours du prochain siècle. Il faudra que nous devenions plus innovateurs pour nous adapter à un monde plein de défis et de changements. Nous ne pourrons pas y parvenir sans régler le grave problème de la dette et du déficit auxquels le gouvernement fait face. Dans les deux derniers budgets, le gouvernement fédéral a donc pris des mesures fondamentales pour mettre de l'ordre dans ses finances en réduisant les dépenses non seulement en effectuant des compressions, mais aussi en redéfinissant le rôle et la structure du gouvernement même.

.1635

Dans le cadre de cette réforme financière, le gouvernement fédéral a tenu à réduire de façon substantielle les subventions qu'il a toujours accordées aux entreprises. Dans le budget de 1995, ces subventions ont été considérablement réduites, et bon nombre d'entre elles ont été éliminées ou modifiées pour qu'on en améliore l'efficacité. L'ensemble des subventions aux entreprises diminuera de 3,8 milliards de dollars en 1994-1995 à 1,5 milliard de dollars en 1997-1998. Cela représente une baisse de 60 p. 100 sur trois ans. Aucun nouveau financement ne sera annoncé pour des mégaprojets. Nous assistons aussi à un changement par rapport à la méthode traditionnelle d'octroi de subventions. Les contributions conditionnelles que l'on ne remboursait qu'à certaines conditions, ou même sans conditions, sont de plus en plus remplacées par des formes d'aide remboursable.

Même si ces mesures ont été prises essentiellement pour des raisons financières et économiques, il est intéressant de constater que l'orientation générale a également été bien accueillie par les écologistes, qui reconnaissent que les subventions ayant introduit des distorsions dans l'économie peuvent aussi nuire à l'environnement. Bien entendu, cela ne signifie pas que toutes les dépenses sont des subventions ou qu'elles n'ont pas un rôle légitime à jouer pour atteindre des objectifs économiques, sociaux ou autres. Cependant, cela démontre qu'une bonne politique économique peut aller de pair avec une bonne politique environnementale, et que la réduction ou l'élimination de subventions, qui sont préjudiciables à l'économie et à l'environnement, est un objectif commun pour les économistes et les environnementalistes.

Comme Penny Gotzaman l'a dit tout à l'heure, dans le cadre de l'effort visant à mieux intégrer l'économie et l'environnement, le ministre des Finances et le ministre de l'Environnement ont mis sur pied, en 1994, un groupe de travail composé de représentants d'organisations environnementales, d'universités, de l'industrie et du gouvernement pour fournir des conseils dans deux domaines: les instruments économiques et les obstacles. Je n'aborderai pas ces questions en détail, parce que je sais que François Bregha va en parler, mais je pense qu'il est très utile de parler du cadre que le groupe de travail a défini pour étudier les obstacles.

Ce cadre a été élaboré après un grand débat parmi les différents membres du groupe de travail. Il prévoit un processus en six étapes. Il s'agirait d'abord de définir ce qu'est une pratique environnementale saine. Ensuite, on évaluerait les politiques dans chaque secteur. Parallèlement, on examinerait des questions multi-sectorielles comme le système fiscal, les domaines de compétence et les institutions. La quatrième étape consisterait à caractériser et à évaluer les politiques et les mesures concrètes définies aux étapes 2 et 3. En cinquième lieu, on définirait les options, y compris les autres moyens de prestation, la reformulation ou l'élimination de la mesure. La sixième et dernière étape consisterait à définir les obstacles à réduire ou à éliminer, et cette démarche serait fondée sur une analyse des répercussions environnementales; des coûts et des avantages économiques; de l'incidence financière; de l'impact sur les objectifs sociaux; et, bien entendu, de la faisabilité administrative du changement de politique.

Je mentionne tout cela parce que, d'après le groupe de travail, l'examen des obstacles doit être fondé sur une analyse éminemment complexe. Cette vérité s'applique même à un domaine, et à plus forte raison à un examen complet de toutes les dépenses du gouvernement. Il est aussi évident que l'exercice requiert l'intervention d'un grand nombre de personnes, des ressources considérables provenant des ministères, et une grande capacité d'analyse de la part des gens qui connaissent les politiques et les programmes concernés.

.1640

Malgré ces complications, on a pris des mesures importantes pour commencer à régler la question des obstacles. Bien que Penny en ait mentionné quelques-uns, je voudrais les passer rapidement en revue, car je pense que c'est important.

Dans le budget de 1994, nous avons annoncé des changements aux déductions pour amortissement pour certains types d'appareils de conservation de l'énergie afin d'aider à la mise en place de nouvelles technologies plus saines, notamment géothermiques et photovoltaïques. Nous avons créé une déduction fiscale pour les contributions aux fonds de fiducie pour la remise en état des mines réglementées par les provinces.

Ensuite, dans le budget de 1995, nous avons annoncé notre intention de poursuivre cette initiative en continuant d'examiner le régime fiscal dans le but de mettre tous les intervenants du secteur énergétique sur un pied d'égalité. Il s'agit de déterminer si le traitement fiscal actuel des investissements relatifs à l'efficacité énergétique et aux sources d'énergie renouvelable et non renouvelable est approprié, et s'il y a lieu d'apporter d'autres améliorations. Comme on l'a mentionné, le travail se poursuit rapidement, et je crois que l'on vous en dira plus ultérieurement.

Dans le budget de 1995, on disait également que le ministre des Finances, dans le cadre qui consiste à surveiller l'incidence environnementale du régime fiscal, déterminerait si l'impôt sur le revenu et la taxe de vente présentent des obstacles à l'utilisation de matières recyclées. On a aussi annoncé l'élimination du plafond de 20 p. 100 du revenu net pour la déductibilité des dons destinés à la conservation des terres écologiquement fragiles.

En bref, nous avons commencé à régler la question des obstacles, et nous allons poursuivre et élargir ce travail en collaboration avec d'autres ministères. Nous prévoyons un progrès constant dans ce domaine à mesure que l'on définira les priorités et pour répondre à une exigence clé de la stratégie du ministère en matière de développement durable, en vertu du projet de loi C-83, qui modifiera la Loi sur le vérificateur général.

Maintenant, parlons brièvement de certaines considérations d'ordre général sur les progrès que nous faisons dans ce domaine. Je pense qu'il est important de bien comprendre les tenants et les aboutissants d'une étude fondamentale sur les obstacles à une pratique environnementale saine.

D'une manière générale, les dépenses du gouvernement comprennent tous les crédits ministériels et les dépenses directes au titre des subventions et des contributions, y compris, de plus en plus, les contributions remboursables. Elles peuvent aussi comprendre d'autres programmes de financement, notamment les placements en actions, qui sont maintenant moins courants à cause de l'abandon des mégaprojets, ainsi que les ententes de garantie d'emprunt ou les emprunts directs, pour aider les PME à exporter leurs produits.

Vous pouvez trouver des informations sur tous ces types de dépenses gouvernementales dans les documents relatifs au budget annuel, le Budget principal des dépenses, ou les obtenir directement des ministères concernés.

Les dépenses du gouvernement comprennent aussi, bien entendu, les dépenses fiscales, notamment les exemptions, les déductions et les crédits d'impôt, qui sont en fait des recettes cédées par le gouvernement pour encourager certains contribuables à atteindre des objectifs économiques, sociaux ou autres.

Comme vous le savez, certaines mesures fiscales sont conçues à des fins précises. Elles peuvent s'appliquer à tout le monde ou à certaines industries seulement. Par exemple, la réduction du taux d'imposition des PME et le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental visent précisément à encourager le petite entreprise et à promouvoir l'innovation technologique dans l'industrie, y compris le secteur environnemental. Les deux mesures s'appliquent largement dans l'industrie.

D'autres mesures s'appliquent à certaines industries seulement; par exemple, la réduction du taux d'imposition pour les manufacturiers et les transformateurs, ou la radiation accélérée pour les prospecteurs.

Le ministère des Finances publie un rapport annuel sur toutes les dépenses fiscales. La prochaine édition sortira bientôt.

Même si réunir ce genre de données peut être compliqué, je ne pense pas que les données et les statistiques soient au coeur du problème. Même un recueil exhaustif de toutes les dépenses et de toute la fiscalité du gouvernement fédéral n'indiquerait pas si et comment ces dépenses contribuent à des pratiques environnementales malsaines.

.1645

Au contraire, il est essentiel ici de regarder au-delà des chiffres. Il s'agit d'évaluer, d'analyser et d'interpréter, comme l'a si bien indiqué le groupe de travail.

Évidemment, il faut commencer par définir les pratiques environnementales malsaines auxquelles l'on doit remédier. Ce n'est que dans ce contexte qu'il est possible de déterminer si les dépenses ou le régime fiscal actuels du gouvernement fédéral nuisent à notre capacité de régler ces problèmes. Si tel est le cas, comment remédier à la situation?

Il faut aussi évaluer la question dans le cadre du développement durable, ce qui veut dire qu'il faut en étudier les aspects économiques, sociaux et environnementaux.

À mon avis, il est également utile de penser au pouvoir considérable que les provinces et d'autres paliers de gouvernement ont dans ce domaine, ce qui est également important en ce qui concerne la démarche à adopter dans l'ensemble du pays.

Cependant, la question sans doute la plus importante est celle de l'orientation politique qui doit sous-tendre cet exercice. Je pense que nous devons fixer des objectifs politiques mettant à contribution, dans la mesure du possible, la coïncidence entre les objectifs économiques et écologiques dans certains domaines. Bien entendu, nous devons aussi éviter des situations préjudiciables autant à l'économie qu'à l'environnement.

En fin de compte, nous devons déterminer dans quelle mesure nous pouvons protéger l'environnement tout en donnant à l'industrie le cadre général dont elle a besoin pour investir, se développer et contribuer à la croissance de l'économie.

Avant de conclure, je voudrais parler très brièvement de la dimension internationale de cette question.

Permettez-moi de noter simplement qu'avant d'occuper mon poste actuel au ministère des Finances j'ai passé un certain temps à travailler sur les obstacles et les questions connexes en tant que conseiller économique de M. Maurice Strong en prévision de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui s'est tenue à Rio en 1992.

À mon avis, d'après les discussions que j'ai eues alors avec les économistes et d'autres personnes, il était clair que ce domaine méritait beaucoup que l'on s'y penche, mais que les questions étaient effectivement complexes et que les réponses n'allaient être ni faciles, ni rapides.

Signalons aussi que dans sa récente étude de la performance du Canada en matière environnementale, l'OCDE a noté le progrès accompli en ce qui concerne l'intégration de l'économie et de l'environnement dans le processus décisionnel. L'organisation nous a aussi encouragés à déterminer dans quelle mesure la réduction de l'aide financière - notamment les subventions directes et indirectes, les prêts préférentiels, les incitatifs fiscaux et les charges environnementales croissantes - pourrait réduire les déficits budgétaires tout en améliorant l'efficacité économique et environnementale.

Comme vous le savez, l'OCDE travaille depuis plusieurs années sur les obstacles, surtout dans le cadre d'études de cas, d'évaluations qualitatives et d'enquêtes, parfois en étudiant l'aspect économique des subventions, si vous voulez, de même que l'aspect environnemental.

Le Canada participe aux travaux en cours, et, récemment, il a encouragé l'OCDE à mener une étude plus horizontale et exhaustive des subventions et des dépenses fiscales ayant une incidence sur l'environnement. L'OCDE est particulièrement bien placée pour faire ce travail, parce qu'elle a la possibilité d'examiner les questions d'ordre économique, social et environnemental de façon horizontale, comparative et intégrée, et elle va nous permettre de profiter de son expertise considérable, ainsi que du savoir-faire et de l'expérience des autres gouvernements qui s'efforcent de régler les mêmes questions. L'organisation veillera aussi à ce que nous collaborions avec d'autres pays industrialisés, contribuant ainsi à promouvoir la compétitivité du Canada à travers les mesures que nous prenons.

.1650

À cet égard, une réunion d'experts de l'OCDE s'est tenue la semaine dernière. Le ministère des Finances, le ministère de l'Environnement et d'autres intervenants y participaient. On a souligné l'intérêt considérable qui existe dans ce domaine, de même que l'expertise dont disposent l'OCDE et d'autres pays en la matière. En même temps, on a cerné les nombreuses questions d'ordre conceptuel qu'il faut régler, ainsi que les questions relatives à la disponibilité des données dont on a besoin pour progresser.

De toute évidence, les travaux de l'OCDE sont encore préliminaires, et il sera important d'examiner ces questions de façon exhaustive et approfondie. Le ministère des Finances s'efforcera, de concert avec d'autres ministères et nos partenaires étrangers, de faire progresser ce dossier.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Park.

Monsieur Bregha.

[Français]

M. François Bregha (directeur, Ressources Futures Internationale): Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, je m'appelle François Bregha. Je travaille pour la firme d'experts-conseils Ressources Futures Internationale.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant vous. Le travail que vous entreprenez est important, d'autant plus que l'intérêt pour ces questions semble s'estomper, actuellement.

Ma présentation porte sur trois thèmes. D'abord, je voudrais parler du contexte dans lequel on devrait placer le travail sur les barrières fiscales. Deuxièmement, je vais parler très brièvement d'une approche méthodologique pour traiter de ces barrières. Finalement, je voudrais vous offrir mes réflexions sur la démarche à suivre pour l'analyse et l'élimination de ces barrières. Je commence par le contexte.

Le travail qu'entreprend le comité devrait s'inscrire dans un cadre plus vaste, soit celui de la réforme écologique de la fiscalité. Cette réforme comprend trois grands éléments: premièrement, l'élimination de barrières, qui est le sujet actuel de vos discussions; deuxièmement, l'imposition d'activités néfastes à l'environnement; et troisièmement, pour compenser l'accroissement du fardeau fiscal par ces nouvelles taxes, la diminution de taxes actuelles comme les impôts sur la main-d'oeuvre.

Je crois que la plupart d'entre nous seraient d'accord qu'il ne suffit pas d'éliminer les barrières actuelles, mais qu'il faut aussi s'assurer que le marché fournisse les signaux appropriés aux consommateurs et aux investisseurs. Dans le langage des économistes, cela veut dire qu'il faut essayer d'internaliser les coûts environnementaux au prix des biens et des services que nous achetons.

Ces prix environnementaux, évidemment, ce sont la pollution et la dégradation environnementale. Une façon d'y arriver est d'utiliser ce qu'on appelle les instruments économiques. Or, on constate que dans ce domaine, le Canada traîne derrière les États-Unis et plusieurs pays européens dans la mise en oeuvre de pareils instruments. Si nous croyons des économistes tels que le Dr Michael Porter de l'Université Harvard aux États-Unis, ce retard pourrait bien faire du tort à la compétitivité du Canada à long terme.

Le dernier élément d'une réforme fiscale écologique serait de déplacer graduellement le fardeau fiscal de la taxation désirable - et là, je parle de revenus de l'épargne - pour imposer plutôt des indésirables comme la destruction de l'habitat faunique et la pollution.

Dans le cadre du travail qui a été fait pour la Commission européenne, on semble dire que si les pays de l'Union européenne devaient compenser un impôt sur les émissions de gaz carbonique par des réductions équivalentes de leurs taxes sur la main-d'oeuvre, ils pourraient réduire leurs émanations de gaz carbonique de façon importante et le chômage de 1 p. 100 sans pour autant faire de tort à leur croissance économique.

.1655

La mise en oeuvre de la réforme fiscale écologique soulève évidemment beaucoup de questions. Mes collègues et moi avons discuté de ces questions dans un document sur la réforme écologique de la fiscalité qui a été fourni au comité.

[Traduction]

Je passe maintenant au deuxième sujet de mon exposé, à savoir la méthode. L'année dernière, j'ai eu le privilège de présider divers sous-groupes du Groupe de travail sur les instruments économiques et les obstacles aux pratiques environnementales saines.

Dans le cadre de ce travail, que l'on a déjà mentionné en partie, le groupe de travail a mis au point un cadre d'analyse des obstacles relevant de la politique publique. Ce cadre est décrit dans le corps du rapport, et de façon plus détaillée dans la deuxième annexe. On le présente aussi de façon schématique à la page 53 du rapport.

Comme l'expliquent les auteurs, un obstacle ne survient que s'il empêche d'atteindre un objectif souhaité. Par conséquent, il est important, dans un premier temps, de définir les objectifs. En effet, le groupe de travail a recommandé que le gouvernement se fixe un plus grand nombre d'objectifs environnementaux qui pourraient nous guider dans l'élaboration des programmes.

Une fois que l'on a cerné un obstacle à des pratiques environnementales saines, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'on doive l'éliminer, car il peut y avoir des raisons sociales ou économiques primordiales de le conserver. Il est donc important de prendre ces raisons en considération au moment de remédier à cet obstacle.

Enfin, il est impératif de ne pas créer de nombreux obstacles en éliminant les anciens. À cet égard, l'élaboration des stratégies ministérielles en matière de développement devrait aider.

Le cadre présente une démarche utile pour l'analyse des obstacles. L'Institut Pembina, dont vous recevrez le témoignage demain, l'a appliquée dans son analyse des taxes fédérales sur l'énergie. Vous aurez donc une étude de cas sur la façon dont on peut appliquer ce cadre à la fiscalité et les résultats de cette démarche.

J'en arrive maintenant à la dernière partie de mon exposé, à savoir la procédure à suivre et les perspectives d'avenir.

Cette question a été particulièrement frustrante, si l'on en juge par le refus du gouvernement de répondre officiellement au rapport du groupe de travail. Je pense qu'il est utile de retourner aux questions fondamentales et de se demander en quoi consisterait un examen des obstacles aux pratiques environnementales saines.

À mon avis, une telle étude doit répondre au moins à quatre exigences fondamentales. Premièrement, elle doit être pragmatique. Une étude complète des obstacles aux pratiques environnementales saines peut avoir une très grande portée, même s'il existe probablement moins d'obstacles aujourd'hui qu'il n'y en avait il y a quelques années.

Cependant, les obstacles ne sont pas tous égaux, et certains sont plus nocifs que d'autres sur le plan écologique. C'est donc à ce niveau qu'il faut commencer.

Les ministères doivent examiner rapidement leurs programmes pour déterminer les trois ou quatre mesures dont la suppression ou la restructuration pourrait offrir les meilleurs avantages environnementaux tout en respectant les objectifs du programme.

La deuxième exigence est celle de l'expertise technique. La définition et l'analyse des obstacles sont un exercice compliqué qui nécessite une compréhension approfondie des programmes et des politiques du gouvernement.

Dans la plupart des cas, les administrateurs de ces programmes doivent participer à ce travail, avec l'aide d'autres experts, s'il y a lieu. Autrement dit, ce travail ne peut pas être confié entièrement à des gens de l'extérieur. Une autre raison pour laquelle les responsables du ministère doivent participer à ce travail, c'est qu'il est important que les leçons tirées d'un tel examen servent à élaborer les politiques futures.

La troisième exigence pour déterminer les perspectives d'avenir est celle de la légitimité. En examinant les obstacles, on veut évidemment voir dans quelle mesure on peut en réduire ou en éliminer quelques-uns. Un tel examen nuira inévitablement à certains groupes ou à certaines personnes qui profitent maintenant de leur existence. Dans certains cas, il y a évidemment des gens qui souffrent de l'existence de ces obstacles.

Par conséquent, il est important que les gens de l'extérieur aient l'occasion de contribuer à tout examen. Ce dernier ne peut et ne doit donc pas être effectué entièrement à l'interne. Il doit être ouvert à la participation extérieure.

.1700

La quatrième exigence est peut-être évidente, mais il s'agit de la volonté politique. À travers un forum comme celui-ci, le comité peut aider à faire valoir les avantages de la réduction et de l'élimination des obstacles à des pratiques environnementales saines. Parmi ces avantages, évidemment, il y a une meilleure protection de l'environnement, mais aussi des possibilités d'économies fiscales, une plus grande cohérence dans les messages adressées aux entreprises, et peut-être une économie plus compétitive.

Je recommanderais donc à l'intention du comité que l'analyse des obstacles devienne l'un des principaux centres d'intérêt dans la préparation des stratégies et des plans d'action ministériels en matière de développement durable. C'était effectivement l'une des recommandations du groupe de travail l'année dernière.

Deuxièmement, les ministres doivent demander à leurs hauts fonctionnaires de consulter et de faire participer des intervenants extérieurs à cette analyse.

Troisièmement, les ministères doivent se concentrer sur les obstacles revêtant la plus grande importance écologique. Les avantages d'une telle analyse diminueraient rapidement, d'où la nécessité de ne pas procéder à une analyse exhaustive à ce moment-ci.

Pour terminer, je signale qu'il y a un an le groupe de travail a mis au point des outils d'analyse pour entreprendre cette étude. L'Institut Pembina a fait un essai pilote de cette démarche et démontré comment on peut l'appliquer rapidement et à un coût très faible dans un secteur, celui de l'énergie.

Maintenant, je crois qu'il est temps d'appliquer cette démarche de façon systématique. C'est une tâche essentielle si le gouvernement veut assurer la convergence de ses objectifs économiques et environnementaux. J'espère que le comité va lui accorder l'attention qu'elle mérite.

Merci beaucoup.

Le président: Merci à vous tous. C'était extrêmement utile pour lancer la discussion. Nous allons donner à chaque député la possibilité de poser une question pour que nous puissions avoir deux tours, ou même trois, comme d'habitude.

Sur ma liste, il y a Mme Guay, Paul Forseth et Clifford Lincoln. Ils ont été appelés à la Chambre parce qu'il y a un débat sur le projet C-94, projet de loi interdisant l'ajout de manganèse dans l'essence. Ils ont annoncé leur absence, et quand ils reviendront je leur donnerai la parole au fur et à mesure.

Je commencerai par les premiers noms du côté gouvernemental, à savoir Tom Wappel et Peter Adams.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Merci, monsieur le président. Quelle chance de poser mes questions en premier lieu!

Eh bien, monsieur le président, je me sens comme un élève de huitième année assistant à un cours universitaire. Je n'aime pas beaucoup cette impression. Je me sens mal à l'aise parce que, soit je ne comprends pas très bien ce que les témoins se sont efforcés de nous dire jusqu'ici, soit leur message ne passe pas sur une question qui devrait tous nous intéresser.

Je m'explique. Dans les notes d'information que nous avons, on dit que le Livre rouge du Parti fédéral souligne l'urgence pour le gouvernement libéral de mener une étude complète des taxes et subventions fédérales. Dans quel but? Pour cerner des obstacles à des pratiques environnementales saines.

C'est un fait; par conséquent, il est inutile de parler de la nécessité de mener une étude ou de dire s'il s'agit d'une bonne ou mauvaise idée. C'est un fait; l'étude sera faite.

Apparemment, ce sera une tâche urgente - peu importe si nous en sommes à la troisième année de notre mandat - et apparemment l'étude sera complète.

Très bien, nous aurons une étude de base. Que ferons-nous? Nous cernerons les obstacles. Nous avons un forum sur les obstacles fiscaux. J'ai du mal à comprendre les obstacles fiscaux qui ont été définis.

Deux hauts fonctionnaires nous ont dit que le gouvernement n'allait plus financer de mégaprojets. Très bien, c'est peut-être une très bonne politique financière parce que nous n'avons pas d'argent, mais cela veut-il dire que les témoins considèrent tous les mégaprojets comme étant nuisibles à l'environnement? Dans le cas contraire, quels sont les mégaprojets que nous n'allons pas financer parce qu'ils nuisent à l'environnement, et quels sont ceux que nous n'allons pas financer parce que nous n'avons pas d'argent?

.1705

M. Bregha a dit que nous devrions cesser de taxer les bons - non pas pour des raisons économiques, mais pour des raisons morales, je présume, en faisant la distinction entre le bien et le mal - pour taxer les mauvais. Eh bien, qui sont les mauvais? Quels sont les obstacles fiscaux qui nous empêchent de respecter l'environnement?

Je vais poser une question précise. Le fait que nous ayons un système fédéral avec des compétences concurrentes représente-t-il un obstacle fiscal à des pratiques environnementales saines?

M. Cassils a parlé de l'exploitation forestière. Quels incitatifs fiscaux le gouvernement fédéral peut-il offrir, ou existe-t-il actuellement des obstacles fiscaux si un gouvernement provincial décide d'autoriser l'exploitation sauvage d'une île où il ne resterait plus un seul arbuste? Dans quelle mesure le gouvernement fédéral peut-il intervenir?

Je voudrais que les témoins actuels et futurs nous donnent des exemples concrets d'obstacles fiscaux aux pratiques environnementales saines à l'échelle fédérale. C'est ma première question.

Deuxièmement, j'aimerais que les témoins nous proposent des moyens de remédier à ces obstacles fiscaux, sans se contenter de dire des choses comme «nous allons étudier ceci, nous allons étudier cela, nous devrions étudier les obstacles fiscaux». Eh bien, nous allons le faire. Quels moyens utiliserons-nous, et comment allons-nous procéder?

Merci, monsieur le président.

M. Bregha: Je vais peut-être commencer...

Le président: Étant donné que la portée de notre débat est beaucoup plus grande que l'identification précise... Il faudra une étude de base. C'est vraiment un préalable à l'identification; néanmoins, quiconque veut intervenir...

M. Wappel: Monsieur le président, d'après nos notes d'information, ce qu'il y a de plus important à cerner, c'est le nombre de candidats à la réduction des subventions et des dépenses fiscales ayant des effets négatifs sur l'environnement.

Soit dit en passant, je pense que les subventions ne sont pas toutes nuisibles à l'environnement; par conséquent, vous pourriez aussi nous donner quelques exemples dans ce domaine.

Le président: C'est une tâche qui attend les témoins ce soir.

M. Wappel: C'est exact.

Le président: Quoi qu'il en soit, veuillez continuer.

M. Bregha: D'accord. Je pense que tous les témoins voudront répondre à votre question, mais je m'attends à ce qu'on vous donne des exemples d'obstacles dans les tables rondes ultérieures.

Si nous prenons le cas du recyclage et du traitement des matières vierges, une étude a été réalisée par Jack Mintz, professeur d'économie à l'Université de Toronto. D'après cette étude, le traitement fiscal actuel des matières recyclées défavorise ces dernières par rapport aux matières vierges à concurrence de 400 millions de dollars par an. Étant donné que le recyclage est plus avantageux pour l'environnement que l'utilisation de matières vierges, voilà un obstacle possible.

Dans le domaine de l'énergie, le gouvernement fédéral a toujours eu tendance à dépenser davantage pour la production d'énergie que pour l'efficacité énergétique. Une fois de plus, si vous croyez que l'efficacité énergétique est plus propice à la satisfaction de nos besoins en énergie que l'incitation à trouver de nouvelles sources d'énergie, vous pouvez donc dire que la tendance traditionnelle et actuelle en matière de dépenses a été un obstacle à des pratiques environnementales saines.

La semaine dernière, un rapport a été déposé sur la collaboration en matière des transports en Ontario. Il s'agissait d'une initiative conjointe des tables rondes ontarienne et nationale. Y participaient de nombreux intervenants, y compris des représentants du monde des transports et de l'énergie.

En guise de conclusion on y déclarait que les pratiques de transport actuelles, du moins en Ontario, n'étaient pas durables. Cela est dû en partie au fait que les messages que le gouvernement envoie à tous les niveaux n'encouragent pas à adopter des pratiques environnementales saines.

J'espère donc que les témoins qui nous suivront pourront ajouter à cette liste.

.1710

Vous avez demandé quelles mesures on pourrait prendre au moyen d'instruments économiques pour assurer la convergence des objectifs environnementaux et économiques. Je vais vous renvoyer au document sur la réforme écologique de la fiscalité que j'ai déposé devant le comité.

À la page 13 de ce document, on voit un tableau qui contient une dizaine d'exemples de ces instruments. Il peut s'agir de droits imposés sur les effluents ou sur les émissions, de droits sur les activités nuisibles à l'environnement, de droits sur certains produits et de droits sous forme d'articles consignés. Il y a beaucoup de possibilités.

Sur la scène internationale, si on se tourne vers les États-Unis et certains pays d'Europe, on voit que beaucoup de mesures ont été prises. L'expérience existe donc quelque part, et nous pouvons nous en inspirer et l'adapter à la situation canadienne.

Peut-être devrais-je m'en tenir là pour laisser mes collègues...

M. Wappel: Monsieur le président, sur le même sujet, je suppose que vos suggestions sont des encouragements fiscaux à l'action environnementale.

M. Bregha: Exactement.

M. Wappel: Faut-il en déduire que les mesures fiscales de dissuasion sont déjà en place? Vous voudriez remplacer ces mesures par ce que vous suggérez au tableau 1 à la page 13? C'est bien ce que vous dites?

M. Bregha: Il existe effectivement des mesures de dissuasion fiscales et autres, mais elles ne sont pas toutes forcément dans les exemples de la page 13. Cela dit, ces mesures existent, qu'il s'agisse d'énergie, de transport ou de foresterie, et M. Cassils pourra vous en parler. Nous voyons là des programmes gouvernementaux qui ont été mis en place pour des raisons économiques ou sociales et qui, fortuitement, ont des conséquences négatives pour l'environnement.

Voilà donc les obstacles à identifier; les plus évidents ont déjà été supprimés, certaines subventions agricoles et énergétiques, mais il en reste encore.

Ces obstacles doivent donc être identifiés et analysés. Pour ce faire, on peut appliquer le cadre élaboré par le groupe de travail, un mécanisme dont Anne Park vous a parlé.

Par la suite, cela devient une décision politique: que faire pour compenser les avantages environnementaux de la suppression de ces subventions ou de leur modification? On modifie donc les programmes pour parvenir aux mêmes objectifs tout en minimisant les coûts environnementaux.

Le président: Merci, monsieur Wappel.

Monsieur Adams.

M. Adams (Peterborough): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, je suis rarement d'accord avec mon collègue, mais dans ce cas-ci...

M. Wappel: Ce n'est pas vrai.

M. Adams: ...je le suis.

Je suis conscient de votre expérience dans le domaine de la recherche; je connais également l'expérience du comité dans ce domaine.

Cela dit, nous sommes là en partie pour éduquer le public, et en particulier pour éduquer les députés. En fait, pendant ces audiences publiques, je considère que c'est vous qui éduquez par notre entremise, ce qui ne devrait pas être très difficile, parce qu'il n'y a pas tellement d'obstacles entre nos deux oreilles. Par notre entremise, vous vous adressez à un auditoire considérable, les gens qui regardent nos délibérations, les gens qui travaillent un peu partout au gouvernement fédéral et ailleurs. C'est donc un exercice particulièrement important.

Monsieur le président, j'aimerais donc commencer par mentionner un document qui a souvent été cité et qui s'intitule Green Budget Reform. Il est publié par l'Institut canadien du développement durable, 161, avenue Portage est, Winnipeg, Manitoba. C'est un groupe qui a comparu devant nous.

Il y a un autre document, auquel Mme Park, entre autres, a fait allusion, qui s'intitule Instruments économiques et obstacles à de saines pratiques environnementales; c'est le rapport final du groupe de travail, et il est daté de novembre 1994. Madame Park, je crois qu'il s'agissait d'un groupe de travail du ministère fédéral des Finances.

Par conséquent, monsieur le président, si j'ai bien compris, nous cherchons des moyens d'exploiter notre système fiscal pour améliorer les possibilités de développement durable - je n'aime pas parler de développement durable «environnemental», mais de développement durable - mais d'un autre côté, le système fiscal peut rendre notre développement moins durable. Voilà donc l'objet de la discussion. Dans certains cas, les taxes et les impôts peuvent constituer un encouragement au développement durable, dans d'autres cas ils sont un facteur de dissuasion.

.1715

En écoutant M. Cassils, il m'a semblé absolument évident.... Il est certain que le système fiscal peut être utilisé à cette fin, et c'est la raison pour laquelle nous devons le plus rapidement possible mettre en place des taxes ou des impôts verts. Ce serait favorable pour l'économie, favorable pour l'environnement, etc.

Peut-être pourrions-nous commencer par M. Bregha qui a rédigé un chapitre de Green Budget Reform. Pouvez-vous nous faire un historique très rapide de la surconsommation d'essence en Ontario pour en arriver, à l'heure actuelle, à ce qui doit s'appeler la «taxe sur les véhicules à consommation excessive»? Cela s'est déroulé sur une période de cinq ou six ans.

Quand j'ai lu cela, j'ai été très étonné. Apparemment, les fabricants d'automobiles s'y opposaient, une position à laquelle je m'attendais en tant que défenseur de l'environnement. Les syndicats s'y opposaient également. Une partie des consommateurs s'y opposaient, et, en fin de compte, deux ou trois gouvernements s'y opposaient aussi parce que la taxe n'était pas une source de revenu suffisante.

Monsieur Bregha, pouvez-vous nous faire l'historique de cette taxe très rapidement? C'est un exemple évident. Nous taxons les véhicules qui consomment trop, ce qui est positif pour l'environnement. Pourquoi les gens sont-ils si opposés à ce genre de mesure?

M. Bregha: Je vais le faire très rapidement; le contexte de cette taxe est particulièrement important. Il faut se souvenir qu'elle a été mise en place à une époque où l'Ontario traversait la pire récession depuis les années 30. C'était également le budget présenté par le gouvernement au moment où le déficit était tellement élevé. C'est la raison pour laquelle certains groupes d'hommes d'affaires se sont tellement opposés aux mesures budgétaires prises par le gouvernement de l'Ontario. Cette situation a beaucoup influencé le succès de cette taxe.

S'il y a une leçon à tirer de cet exemple, c'est qu'il est nécessaire de constituer un soutien politique pour les taxes vertes. Ce soutien politique n'est possible que si nous accordons autant d'intérêt à la réaction des secteurs touchés par ces taxes qu'aux considérations techniques de leur conception. C'est la raison pour laquelle j'ai dit dans mes recommandations sur les prochaines mesures à prendre qu'il est nécessaire de faire appel à des gens de l'extérieur du gouvernement, de les intégrer dans le processus, de les informer, et, comme Penny Gotzaman l'a dit, de légitimer ainsi cette analyse. Le même processus doit être suivi lorsqu'on met en place des instruments économiques.

M. Adams: Monsieur le président, j'ai remarqué que dans l'autre rapport on mentionne également une taxe sur les véhicules surconsommateurs assortie d'un rabais, une sorte de «droit-rabais». Dans ce rapport fédéral, on ne semble pas avoir tiré de conclusion. Je pensais à une taxe provinciale, mais je vois qu'on n'a pas encore tiré de conclusion.

M. Bregha: Cela pourrait exister également au niveau fédéral. Vous avez parfaitement raison quand vous dites que le gouvernement n'a pas encore répondu officiellement aux recommandations du groupe de travail.

M. Adams: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Pour n'importe quel changement du système fiscal, il ne faut jamais sous-estimer l'importance d'une campagne d'éducation publique claire et intensive.

L'exemple du public norvégien me vient à l'esprit; là-bas, le gouvernement s'est débrouillé pour convaincre le public d'accepter une taxe supplémentaire de 2 cents le litre alors que l'essence coûtait déjà trois fois plus cher qu'elle ne coûte au Canada. Ils ont appelé cela une taxe sur le gaz carbonique. Après une campagne d'éducation publique bien conçue et intelligente, le public a accepté cette taxe.

Par conséquent, si la taxe sur les véhicules à consommation excessive a été si mal accueillie, c'est à mon avis qu'elle a été très mal expliquée à l'ensemble du public.

M. Adams: Monsieur le président, j'ai participé à la mise en place d'une taxe sur les véhicules à consommation excessive en 1989, et je peux vous assurer que mes questions avaient pour but de susciter des explications, exactement comme les vôtres. Merci.

Le président: Seigneur! C'est une journée historique. Merci, monsieur Adams, mais je ne vous permettrai tout de même pas de poser une autre question.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Madame Payne, suivie de M. Finlay.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Merci, monsieur le président.

Je suis de la côte est, et on a mentionné à plusieurs reprises le désastre qui s'est produit chez nous dans le secteur des pêches. À propos de l'imposition des mauvais exemples environnementaux, j'aimerais avoir les impressions des membres du groupe. Ce désastre est attribuable à un certain nombre de raisons. On l'a attribué à des sources canadiennes, mais dans la plupart des cas on l'a plutôt attribué à des sources non canadiennes ou étrangères. Avez-vous une idée de ce qu'on pourrait faire pour imposer des droits à ces coupables-là? Les coupables se blâment mutuellement; personne n'est prêt à admettre sa responsabilité.

.1720

M. Cassils: Comme vous le savez, beaucoup de gens se sont lancés dans la pêche, ont investi dans des bateaux de pêche qui avaient 10 fois la capacité des anciens bateaux, il y a peut-être eu également des amortissements accélérés, etc., et tout cela a contribué à aider les gens à améliorer leur efficacité dans ce secteur.

J'aimerais répondre aux observations de M. Wappel au sujet des pêches.

Depuis 10 ans, le gouvernement du Canada a dû investir environ 200 millions de dollars par année en Colombie-Britannique. J'ai pris l'exemple de la Colombie-Britannique car on en a tellement parlé dans l'actualité. Là-bas, les responsables sont à l'avant-garde du mouvement environnemental, et pourtant, ces gens-là traitent également avec les industries du secteur des ressources. Ce qui m'a beaucoup inquiété, c'est que je ne réussissais pas à trouver ces informations.

Nous aimerions tous trouver des exemples très précis de mesures gouvernementales qui ont eu des répercussions négatives sur le développement durable, mais ce genre d'information n'existe tout simplement pas.

Un des avantages de cette étude de base, c'est qu'elle pourra servir de catalyseur, qu'elle permettra de déterminer qu'un nouveau type de gestion est mis en place. Ce genre d'information de base est nécessaire.

En ce qui concerne les domaines de compétence, les forêts relèvent de la compétence provinciale. Cela dit, si vous financez des plans de développement durable, il serait préférable de savoir dans quelle mesure ce développement est durable, c'est-à-dire d'avoir des informations solides et objectives. Si une province décidait d'annihiler ses ressources forestières, cette information existerait, et le public ne serait probablement pas très lent à réagir vigoureusement.

Ces informations nous sont donc nécessaires, et je partage cette frustration. Mais à moins de vous être livrés à cet exercice, à moins d'avoir obtenu des informations, ou du moins une analyse préliminaire, vous n'aurez pas cette liste. J'espère que ce forum permettra de l'obtenir.

Le président: Monsieur Wappel, si je me souviens bien, à propos de ce que M. Cassils a dit, Forêts Canada possède une masse de données phénoménale, mais il y a un élément assez fondamental qui n'y figure pas, c'est le taux de croissance annuel de nos forêts. C'est un élément essentiel pour déterminer si nos pratiques forestières sont durables, et pourtant, c'est une des informations dont M. Cassils a parlé que nous ne possédons pas.

Monsieur Finlay.

M. Finlay (Oxford): J'ai trouvé cet exposé particulièrement intéressant, mais, monsieur le président, j'ai le sentiment étrange que pendant que nous nous penchons sur les divers procédés et les multiples démarches, sur l'uniformité et la portée, le calendrier et les définitions, l'identification et les critères, nous devrions peut-être arrêter de faire ce que nous faisons et ne pas consacrer une année ou deux de plus à essayer de convaincre tout le monde de réfléchir à ce qu'ils devraient faire.

Monsieur le président, certains exemples historiques me viennent à l'esprit. À une certaine époque, les Allemands avaient décidé que l'eau du Rhin était trop polluée pour qu'on puisse y nager, pour qu'on puisse la boire ou y pêcher. Ils s'étaient aperçus que toutes les industries le long du Rhin y déversaient leur pollution. Ils décidèrent donc de taxer ces industries au prorata du volume et de la toxicité de cette pollution. Le Rhin n'est peut-être pas aussi bleu que le Danube, mais son eau s'est tout de même beaucoup améliorée.

.1725

Les Anglais ont fait la même chose à Londres pour lutter contre le brouillard, le smog et la soupe aux pois qui, chaque année, supprimaient des dizaines de journées d'ensoleillement. C'était à tel point qu'il n'y avait plus que 150 jours d'ensoleillement par année dans cette bonne vieille ville de Londres. Les personnes âgées tombaient comme des mouches dès qu'elles sortaient dans cette mélasse.

Ils décidèrent d'arrêter de brûler du charbon tendre dans les cheminées. Vous vous souvenez, à Londres les maisons avaient 10, 12 ou 14 cheminées, selon le nombre de pièces. Ils n'ont demandé l'avis de personne, mais un beau jour ils se sont présentés chez ma grand-mère et lui ont demandé de leur montrer les cheminées. Un jeune homme est entré, il a pris note du nombre de cheminées et il a dit: «Est-ce que vous voulez le gaz ou l'électricité? Qu'est-ce que vous préférez?» Ils avaient le choix. Deux semaines plus tard, des ouvriers sont arrivés et ils ont fait l'installation. L'année suivante, il y a eu plus de 200 jours d'ensoleillement. Évidemment, aujourd'hui, le nombre de journées d'ensoleillement à Londres est tout à fait comparable à celui de la plupart des villes raisonnables. Mais ce n'est pas tout, il y a de nouveau du poisson dans la Tamise.

Avez-vous des suggestions concrètes pour supprimer, ne serait-ce qu'un ou deux obstacles fiscaux fédéraux à de saines pratiques environnementales? Et si vous pouvez m'en nommer deux, quelle priorité leur accorderiez-vous?

Mme Park: C'est une excellente question. La façon la plus facile d'y répondre serait probablement de dire que les mesures et les budgets de 1994 et 1995 étaient un premier pas dans cette direction.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans un de ces cas il s'agissait de changements à la déduction pour amortissement pour certains types d'équipement énergétique qui devaient encourager les industries plus modernes et plus propres. C'est une mesure concrète que nous avons prise, et cela ne se faisait pas à leur détriment. Nous voulions nous assurer qu'ils profiteraient de ce genre de chose.

Comme je l'ai dit également, nous avons fait en sorte que les contributions aux fonds de fiducie pour la remise en état des sites de mines, des fonds créés par les provinces, donneraient droit à des déductions d'impôt.

Nous avons donc déjà pris certaines mesures. Cela dit, vous nous avez demandé si les gouvernements devraient apporter des modifications à leur méthode de dépenses et d'imposition pour mettre fin à des pratiques qui sont nuisibles à l'environnement et, dans de nombreux cas, nuisibles à l'économie également.

À mon avis, c'est justement l'objet de cet exercice de dissuasion. C'est un élément de cette volonté de mieux intégrer environnement et économie, un élément parmi d'autres comme les instruments économiques. Mais quant à savoir si nous devrions changer nos méthodes de dépenses et d'imposition, c'est justement l'objet de l'exercice auquel nous nous livrons. Cette question fait partie intégrante de cette étude de base.

M. Bregha: Monsieur Finlay, dans le rapport Instruments économiques et obstacles à de saines pratiques environnementales, vous trouverez des idées de ce qui peut être fait. Toutes ces idées n'ont pas fait l'unanimité, mais il y a des suggestions précises à l'intention du gouvernement. Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé une étude de base sur tout ce qui concerne l'énergie. Peut-être que le temps est venu de passer aux résultats de cette étude.

Toujours au sujet de l'énergie, l'industrie nucléaire canadienne est lourdement subventionnée par le gouvernement fédéral, et reçoit plus de 100 millions de dollars par année. Et les sources d'énergie plus inoffensives pour l'environnement ne reçoivent rien de comparable. C'est donc une chose à remettre en question.

J'ai parlé tout à l'heure des travaux de Jack Mintz qui a fait une étude comparative du traitement fiscal des matériaux vierges et des matériaux recyclés. Dans cette étude, on trouve également des exemples de mesures qui pourraient être prises par le gouvernement. Cela dit, vous constaterez probablement que les ministères de l'Environnement et des gens de l'extérieur du gouvernement ont fait un certain nombre de suggestions au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux, ont suggéré des mesures pour aplanir le terrain ou éliminer les barrières. Ces initiatives sont bien documentées. Dans certains cas, de nouvelles analyses seraient nécessaires, mais très souvent, c'est une question de volonté politique. Évidemment, certains intérêts sont en cause qui seraient touchés par ces mesures, mais il existe une longue documentation sur ce qui pourrait se faire.

.1730

Mme Gotzaman: Je suis d'accord avec Anne et avec François. Toutefois, j'aimerais ajouter une chose; une idée intéressante, c'est la nécessité d'exposer systématiquement au grand jour toutes les autres barrières qui existent et que l'on n'a pas encore abordés.

Le président: Certainement pas en adoptant le résumé du cadre d'analyse des obstacles à de saines pratiques environnementales que constitue la politique publique, un résumé qui figure à la page 53, dans l'annexe II. Si vous faites cela, nous ne sortirons pas d'ici avant 50 ans.

Cela dit, monsieur Finlay, je n'ai pas voulu vous interrompre, je vous en prie.

M. Finlay: François Bregha a parlé de l'égalité des règles, et j'ai une question à poser à ce sujet. Ce qui m'inquiète, c'est qu'après tout ce que nous entendons, nous ne sommes pas à la hauteur de nos engagements internationaux en ce qui concerne le gaz carbonique dans l'atmosphère. Puisque nous avons pris ces engagements, peut-être faudrait-il insister sur cet aspect-là, insister sur la nécessité d'agir.

Mais pour revenir à l'égalité des règles, il semble évident que certaines circonstances encouragent le statu quo, ce qui ne saurait être durable. Je sais qu'il y a des aspects techniques, mais par exemple, si nous comparons les pratiques agricoles non durables aux pratiques agricoles durables, je ne sais pas très bien ce qu'il faut faire sur le plan de la fiscalité. Il y a certainement quelque chose à faire. Le ministère de l'Agriculture, qui travaille beaucoup dans le domaine du développement durable, semble toujours hésiter à accepter les coupures suggérées.

Je sais que nous avons réduit les subsides sur les céréales. En fait, j'aimerais vous demander quel rapport cela a avec le développement durable. Je ne suis pas sûr de comprendre. Je croyais que cela avait trait à la commercialisation des céréales. Cela pourrait accélérer l'abandon des lignes de chemin de fer qui sont un moyen plus durable que les routes pour transporter des marchandises. Monsieur le président, je trouve que le message n'est pas très clair.

M. Bregha: Ce soir vous allez entendre des témoins plus autorisés que nous pour nous parler de cet aspect-là.

Cela dit, j'aimerais répondre au président en ce qui concerne le cadre. Ce cadre peut sembler compliqué, mais il a bel et bien été appliqué dans le secteur énergétique. Il a fallu environ deux mois pour identifier un certain nombre de barrières qui pourraient être supprimées. Lorsque Stephanie Cairns comparaîtra demain, je vous invite à lui demander des détails au sujet de cet exercice. C'est quelque chose qui peut se faire très rapidement.

En tout cas, je prie instamment le gouvernement de ne pas agir globalement, mais au contraire de repérer les obstacles qui ont le plus gros impact sur l'environnement et de commencer par là. Je pense qu'il devrait être possible d'identifier assez rapidement ces barrières dans chaque secteur. En effet, elles sont faciles à trouver sans trop de recherche. En fait, beaucoup de gens savent déjà où elles se trouvent. Vous pourrez poser des questions à ce sujet à vos autres témoins des différents groupes sectoriels.

Le président: Peut-être en discuterons-nous, effectivement, mais j'aimerais poser quelques questions avant le second tour à moins que l'un d'entre vous ait encore des questions au premier tour?

Monsieur Steckle.

.1735

M. Steckle (Huron - Bruce): Je ne sais pas si vous pourrez répondre à cette question, mais après avoir écouté toutes ces belles paroles cet après-midi, je me demande si les haut fonctionnaires, des gens comme vous qui comparaissent devant le comité, ne souhaiteraient pas lancer un défi aux responsables politiques pour mettre à l'épreuve leur volonté politique? En fait, c'est très rare que nous entendions quelque chose qui mette à l'épreuve la volonté politique des responsables politiques.

Nous discutons de développement durable. Le secteur agricole est un excellent exemple. En effet, c'est un secteur qui doit absolument rester durable si nous voulons que notre économie reste viable. Si vous considérez certains éléments interprovinciaux, les règles ne sont certainement pas égales. Nous éliminons quelques-uns de ces obstacles lentement, un par un, mais je continue à penser qu'il y a encore du travail à faire en ce qui concerne les pesticides et les produits chimiques que nous utilisons.

Nous discutons de l'environnement, et nous savons que l'utilisation de certains produits est interdite dans ce pays, mais on ne nous empêche pas de faire venir des produits agricoles qui ont été cultivés aux États-Unis en utilisant ces mêmes produits qui sont interdits ici. Pourquoi ne faisons-nous rien à ce sujet? Si l'innocuité des produits agricoles cultivés aux États-Unis est en cause, pourquoi ne pouvons-nous cultiver la même chose ici en utilisant les mêmes produits?

À mon avis, c'est à vous de nous dire ce que vous pensez des changements que nous réclamons. M. Wappel réclame ces changements, et je vous mets au défi de nous les fournir. Voilà ce que nous voulons entendre. En attendant, c'est la même rhétorique qu'on nous ressert, et en fin de compte, nous ne savons pas à quoi nous en tenir. Nous savons que c'est un langage qui vous est familier, mais de notre côté, nous ne le comprenons pas. Nous vous demandons de nous expliquer en quoi consiste le défi, et de nous dire si nous sommes prêts à le relever et à prendre des mesures.

Mme Park: Permettez-moi d'essayer de répondre à cela.

Je pense que le problème tient en partie au fait que certains sujets que vous voudriez aborder le seront à l'occasion des consultations sectorielles qui feront suite à la présente discussion. On nous a demandé dans un premier temps de donner une vue d'ensemble de la question. Si nous n'avons pas réussi, croyez que je le regrette. C'est un domaine difficile à appréhender. Ayant travaillé sur ces questions, j'ai constaté moi-même que ce n'est pas un champ facile à couvrir de façon globale. Peut-être est-ce effectivement en traitant de cas prioritaires précis qu'on rendra toute la question un peu plus vivante. On pourra constater l'ampleur du problème et peut-être cerner certaines répercussions découlant de nos actions pour le régler.

J'espère que vous ne nous abandonnerez pas maintenant. Nous espérons qu'une fois que vous aurez pu participer aux diverses discussions sectorielles, vous jugerez utile de revenir sur certaines des grandes questions théoriques et pratiques que nous avons essayé d'énoncer.

Le président: Qu'en dites-vous, monsieur Steckle? Ne nous quittez pas car de grandes révélations nous attendent.

Monsieur Forseth.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): J'ai écouté nos éminents invités, ils nous ont assurément fourni énormément d'informations, surtout de nature générale. J'ai surtout été vivement intéressé par l'exposé du représentant du ministère des Finances qui a parlé de refaçonner le rôle du gouvernement pour s'attaquer au problème du déficit et de la dette. Malheureusement, je me dois de contester quelque peu vos affirmations optimistes quant à la façon dont le gouvernement s'attaque à notre plus grand problème pour l'avenir. Selon vous, le gouvernement s'attaque adéquatement au déficit et à l'endettement dans ses opérations gouvernementales, et son action est suffisante. À mon avis, son action est trop lente et trop minime et ce problème risque de causer notre perte.

Ce qui m'a aussi beaucoup intéressé, c'est que vous avez dit qu'il fallait voir derrière les chiffres, au-delà des commentaires généraux, pour déterminer notre orientation. Vous avez dit qu'il fallait examiner des exemples précis. Je songe à l'exemple courant, soit celui de l'éthanol. On a beaucoup parlé de la promotion de l'éthanol, avec son cortège de subventions et de favoritisme, mais on n'a pas vraiment évalué si, à long terme, les mesures que l'on entend prendre pour promouvoir ce produit sont vraiment efficaces.

.1740

Peut-être pourrons-nous obtenir davantage d'éthanol dans notre essence, mais pour y arriver, nous aurons créé toutes sortes d'autres incitatifs de mauvais aloi. Dans le contexte global de l'environnement, cette action n'aura pas été utile du tout.

J'aimerais que quelqu'un reprenne cet exemple de l'éthanol et me dise s'il s'agit vraiment d'une politique judicieuse.

Mme Gotzaman: Encore une fois, je pense qu'il serait préférable de poser cette question aux représentants de Ressources naturelles Canada chargés de cette politique.

Le président: Monsieur Forseth, vous obtiendrez sans doute une réponse meilleure et plus exhaustive si vous posez la question aux représentants du secteur de l'énergie qui feront partie du groupe demain matin.

M. Forseth: D'accord.

Le président: Si vous avez une autre question, ne vous gênez pas.

M. Forseth: Malheureusement, je dois partir. Je vais aborder la question du MMT.

Encore une fois, il s'agit de savoir si c'est vraiment la bonne chose à faire pour le gouvernement. On peut souvent faire des déclarations générales au sujet du développement durable, mais lorsque vient le moment de le mettre en pratique, lorsqu'on essaie d'intégrer cela dans une loi précise, tout semble sauter en l'air.

Je voudrais demander aux représentants du ministère des Finances s'ils ne pourraient pas nous donner certains exemples de choses faisables à court terme, en s'inspirant peut-être du prochain budget.

Mme Park: J'aimerais essayer de répondre à votre question, mais s'il y a une chose que j'ai apprise en tant que fonctionnaire du ministère des Finances, c'est qu'il est risqué d'essayer de deviner ce que renfermera le prochain budget.

Je ne voudrais pas faire des hypothèses dans des domaines précis. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un domaine que nous examinons. Comme on l'a dit plus tôt, l'étude sur l'égalité des règles dans le domaine énergétique qui a résulté du dernier budget se poursuit en ce moment. À l'heure actuelle, nous nous attachons à ce domaine et à d'autres aussi. Merci.

Le président: Merci.

À titre de président, je voudrais poser quelques questions car un certain nombre de points importants ont été mis au jour depuis la dernière heure et demie.

La démarche que vous nous avez expliquée cet après-midi est fondée sur une approche sectorielle. C'est le terme que plusieurs d'entre vous ont employé fréquemment. J'ai été encouragé d'entendre Mme Park dire que les ministères des Finances et de l'Environnement collaborent de plus en plus étroitement dans ces domaines.

Je voudrais savoir si dans le cadre de votre réflexion et des activités que vous envisagez, vous avez songé aux budgets des ministères dont la contribution est cruciale pour tout cet exercice, si vous avez fait certaines contatations quant à leur respect des principes du développement durable et des engagements que nous avons pris à l'échelle internationale.

Ma question fait un peu suite à celles de M. Finlay. Vous avez décidé d'adopter une démarche sectorielle qui n'est pas sans danger, mais j'accepte cette méthodologie car elle me semble inhérente à la conception des gouvernements. Par conséquent, c'est un piège que nous ne pouvons éviter. Il est incontournable. Les gouvernements sont conçus de cette façon. Nous faisons tous face à de petites forteresses voisines les unes des autres. Même si nous souhaiterions adopter une approche holistique, au moment de la mise en oeuvre, il faut revenir au sectoriel, que cela nous plaise ou non.

Je suis sûr que vous avez analysé le budget de Ressources naturelles Canada, et en particulier son budget pour l'énergie. Comme on nous le demande parfois dans certains sondages, seriez-vous d'accord, très d'accord, pas d'accord ou pas d'accord du tout pour dire que ce budget respecte les principes du développement durable?

.1745

Avez-vous atteint un niveau de réflexion qui fait qu'il ne serait pas nécessaire de recourir au graphique 1 du résumé du cadre pour analyser les obstacles à la politique gouvernementale énoncée à la page 53 du rapport du groupe de travail? Avec tout le respect que je dois à M. Bregha, j'y reviendrai tout à l'heure. Que pensez-vous du budget de Ressources naturelles Canada? Vous avez dû vous livrer à cet exercice aux Finances, madame Park, ou peut-être que je me trompe et que vous ne l'avez pas fait?

Mme Park: L'une des conséquences du mouvement pour intégrer davantage l'environnement au processus décisionnel du gouvernement, c'est que nous nous attendons de plus en plus des ministères qu'ils appliquent des critères du développement durable à leurs programmes. C'est vraiment l'une de leurs responsabilités.

Le président: Vous attachez-vous à l'environnement ou au développement durable?

Mme Park: J'ai tout simplement dit qu'à mesure que l'environnement prend sa place dans le processus décisionnel, on s'attend à ce que les ministères eux-mêmes appliquent ces critères - qu'il s'agisse d'environnement ou de développement durable. C'est à eux qu'il revient d'assumer un rôle plus important.

Le président: Sur le plan théorique, il y a une énorme différence entre les deux. Il faut que nous sachions ce que vous examinez. Examinez-vous les pratiques écologiques ou les pratiques propices au développement durable?

Mme Park: Le ministère des Finances n'évalue pas les budgets des autres ministères du point de vue de l'environnement ou du développement durable. Nous comptons sur ces ministères pour...

Le président: Dans ce cas-là, pourquoi êtes-vous l'un des ministères locomotives dans cet exercice?

Mme Park: Nous nous intéressons de près au fonctionnement de ces ministères. Ainsi, nous collaborons très étroitement à l'heure actuelle à l'étude sur l'égalité des règles menée à Ressources naturelles Canada. Lorsque certains domaines prioritaires sont identifiés, comme c'est le cas en l'occurrence, nous travaillons de très près avec les ministères. Mais si vous voulez savoir si nous avons porté un jugement sur le budget de Ressources naturelles Canada dans son ensemble en ce qui a trait au développement durable, la réponse est non. Ce n'est pas une chose que fait habituellement le ministère des Finances.

Le président: Vous n'êtes donc pas en mesure de nous dire si, d'après vous, le budget de Ressources naturelles Canada applique des règles du jeu uniformes à tous les intervenants du secteur énergétique.

Mme Park: Non, je ne suis pas en mesure de vous le dire.

Le président: Quel ministère devrait être le maître d'oeuvre d'une étude de base comme celle qui a été promise dans le livre rouge?

Mme Park: J'estime qu'il s'agit-là de la responsabilité du gouvernement dans son ensemble et que tous les ministères concernés devront jouer un rôle de premier plan relativement aux politiques et aux programmes relevant de leur responsabilité. Chose certaine, le ministère de l'Environnement s'intéresse particulièrement à ce domaine. Le ministère des Finances aussi, dans la mesure où il se penche sur toutes les dépenses et les mesures fiscales du gouvernement. Mais chose certaine, le rôle des ministères d'exécution à l'égard des programmes qui sont de leur ressort est très important.

Le président: Diriez-vous que le ministère des Finances est particulièrement bien placé pour traiter des dossiers du développement durable?

Mme Park: Le ministère des Finances est de plus en plus présent dans ces dossiers. Dans le bureau dont je m'occupe, un groupe de personnes s'intéressent exclusivement à ces questions. Il y a aussi dans d'autres services du ministère, à savoir les services financiers et fiscaux, des employés qui s'intéressent aussi à ces questions.

Le président: Je voudrais revenir à ma question de tout à l'heure et la modifier quelque peu. Au lieu de vous demander quel ministère devrait être maître d'oeuvre, je voudrais que vous me disiez quel ministère devrait coordonner l'étude de base. Que répondriez-vous alors?

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Mme Park: Il est difficile d'affirmer qu'un ministère donné devrait être responsable de cet exercice. Je pense qu'il faut qu'un certain nombre de ministères gouvernementaux fassent un effort concerté et coopératif pour oeuvrer dans ce domaine et faire avancer le dossier.

Le président: Mais vous savez ce qui arrive à un corps sans tête. Autrement dit, vous tenez sans doute à la position du ministère. Je peux comprendre votre dilemme. Vous ne voulez sans doute pas être catégorique. Cependant, en tant que comité, il nous faut savoir quel ministère devrait agir comme coordonnateur dans un exercice aussi difficile que celui-là, alors qu'on est en présence de forces parallèles, de forces verticales qui agissent indépendamment les unes des autres mais qui convergent à certaines dates précises, comme au moment du budget. À mon sens, c'est une question légitime.

Mme Gotzaman: Monsieur le président, si vous me permettez d'intervenir, je pense que Anne Park a avancé un bon argument. Dans le contexte du développement durable, on a besoin d'un effort concerté de la part d'un certain nombre de ministères et il n'est pas nécessaire qu'un seul ministère dirige le processus; deux ministères pourraient fort bien le faire. J'en veux pour preuve certaines des questions qui ont été posées aujourd'hui. Les ministères sectoriels apportent à la table des compétences spécialisées sur ce qui se fait dans leur secteur et sur les obstacles possibles. Quant au ministère des Finances, il contribue évidemment sa connaissance des questions financières. Le ministère de l'Environnement lui contribue à l'évaluation des répercussions environnementales.

Le président: Vous recommanderiez donc que l'on poursuive le processus amorcé jusqu'à maintenant.

Mme Gotzaman: Chose certaine, il faut que les ministères sectoriels, le ministère des Finances et le ministère de l'Environnement participent à l'exercice. Cela ne veut pas nécessairement dire que l'un ou l'autre doive jouer le rôle de maître d'oeuvre, même si deux ministères peuvent aider à coordonner les efforts.

Le président: Quel échéancier avez-vous en tête?

Mme Gotzaman: Monsieur le président, j'ai essayé d'aborder la question de l'échéancier dans mes remarques. Je pense que certaines questions sont mûres pour le prochain budget et que d'autres pourraient attendre le budget suivant. Évidemment pendant un an, on pourrait analyser davantage certains des incitatifs ou prétendus incitatifs. Je ne sais pas. Tout dépend du nombre de problèmes auxquels on s'attaquera. J'imagine qu'on pourrait étaler le travail de façon à s'assurer des résultats rapides.

Le président: Merci.

Voyons si j'aurai plus de chance avec vous qu'avec Mme Park avec ma question. À votre avis, le budget de Ressources naturelles Canada assure-t-il l'égalité des chances?

Mme Gotzaman: Je n'en suis pas certaine. Je ne suis assurément pas en mesure de répondre à cette question. Je n'ai pas effectué ce genre d'analyse. Si vous parlez de l'élément fiscal du secteur énergétique, vous en apprendrez davantage à ce sujet.

Le président: Je parle du budget du ministère lui-même.

Mme Gotzaman: Je n'ai pas analysé le budget lui-même. Je ne peux répondre à cette question, mais je vous renvoie à...

Le président: Comme on l'a mentionné tout à l'heure, il offre des paiements pour l'énergie renouvelable, pour l'énergie non renouvelable - le combustible fossile - et pour le nucléaire. La question est de savoir si ce ministère, compte tenu de la configuration actuelle de son budget, peut réaliser les objectifs du gouvernement. Comme M. Finlay l'a déjà dit, ce ministère est sans doute le plus important pour les questions relatives au changement climatique.

Mme Gotzaman: Je ne peux vraiment pas répondre à cette question.

Le président: Mais c'est vous qui êtes censée prodiguer des conseils à l'autre ministère. C'est pourquoi vous avez décidé que ce devrait être l'Environnement et les Finances.

Mme Gotzaman: Dans le contexte de l'identification des obstacles et des incitatifs, je suis convaincue que le ministère de l'Environnement peut apporter une contribution valable sous la forme d'évaluation environnementale. Mais pour ce qui est des ministères et de leurs objectifs de développement durable, c'est à eux qu'il incombe de formuler ces objectifs. En fait, c'est précisément ce que l'on vise au moyen des amendements au projet de loi C-83 et de la formulation de stratégies. Les ministères vont aller de l'avant et formuler leurs objectifs de développement durable de concert avec leurs intervenants.

.1755

Le président: Dans ce cas, pourriez-vous m'expliquer, compte tenu de ce que vous venez de dire, pourquoi le graphique de la page 53 de l'annexe II porte sur un résumé du cadre de l'analyse des obstacles de la politique gouvernementale aux pratiques environnementales saines? Ne serait-il par préférable que le groupe de travail parle de pratiques «durables» plutôt qu'«environnementales»? Pourquoi a-t-on choisi d'intervenir dans le cas des pratiques de protection - tacitement - environnementales, qui n'ont rien à voir avec le développement durable, si ce n'est que l'environnement est un des éléments que l'on doit prendre en compte?

Mme Gotzaman: D'après moi, il s'agit d'un cadre visant à nous permettre tout d'abord de déterminer quels sont les obstacles. Cet exercice vise à identifier les mesures de dissuasion aux saines pratiques environnementales. Dans un premier temps, il faut identifier les obstacles et ensuite évaluer leurs répercussions environnementales.

Mais la décision qui vient par la suite est certainement une décision en matière de développement durable. En effet, lorsqu'arrive le moment de décider si l'on doit supprimer un obstacle, faire des arrangements ou essayer de réaliser un objectif de politique gouvernementale d'une autre façon, toute une gamme de considérations entrent en jeu, des considérations sociales, économiques, environnementales, régionales, etc.

Le président: C'est juste. Nous avons acquis les connaissances nécessaires pour répondre aux exigences de la case 1. Nous avons aussi répondu aux exigences de la case 2, collectivement - je veux dire en tant que société. Nous traversons sans doute une phase de transition entre la case 2 et la case 3. Pensez-vous que l'absence de progrès s'explique par l'absence de volonté politique, ou par une autre raison?

Mme Gotzaman: Monsieur le président, je peux simplement vous dire qu'il y a eu des progrès. Ce n'est pas vraiment une question à laquelle je peux répondre. Cela dit, je peux vous donner l'assurance que c'est un domaine auquel la ministre de l'Environnement et son ministère attachent énormément d'importance.

Le président: Compte tenu de vos responsabilités, ne croyez-vous pas que vous devriez répondre à cette question?

Mme Gotzaman: Je sais qu'aux yeux de la ministre de l'Environnement et du ministère de l'Environnement, c'est un domaine extrêmement important où nous avons d'ailleurs accompli des progrès. Lorsque vous entendrez les membres des groupes au cours des prochains jours, vous aurez une meilleure idée de ce qui se fait. Je pense que l'un des problèmes consiste à déterminer où il y a des manques et comment s'y prendre pour poursuivre notre élan en avant.

Le président: Dois-je comprendre de votre réponse que le problème ne tient pas à un manque de volonté politique?

Mme Gotzaman: Je ne suis pas sûre qu'il y ait un problème. Chose certaine, il y a ce travail sur les mesures qui constituent un obstacle aux saines pratiques environnementales.

Le président: Peut-être est-ce attribuable à l'inertie bureaucratique?

Mme Gotzaman: Je ne peux répondre à cette question. Je pense qu'une fois que vous...

Le président: Dans ce cas, comment expliquez-vous cette absence de progrès généralisé?

Mme Gotzaman: Comme j'ai essayé de l'expliquer dans ma déclaration liminaire, nous avons pris des mesures et constaté des progrès. Vous aurez...

Le président: Vous avez ce rapport en main depuis 12 mois.

Mme Gotzaman: Certains éléments de ce rapport ont été concrétisés dans le budget et vous serez mis au courant des résultats obtenus. Je pense qu'il devrait y avoir sous peu une réponse plus officielle au rapport.

Le président: Outre les cinq points déjà mentionnés, quels sont les conseils que vous pourriez nous offrir pour remédier à l'absence de progrès rapide pour passer de politiques non durables à des politiques durables, particulièrement au sein du système budgétaire et financier?

.1800

Mme Gotzaman: Je pense que la façon dont nous procédons dans notre travail sur les obstacles aux saines pratiques environnementales est la bonne. Elle consiste à évaluer les domaines recensés jusqu'à maintenant. Une fois que les lacunes ont été repérées, nous devons établir une liste de priorités et nous doter d'un programme d'action pour y remédier progressivement.

Le président: Vous avez donc déjà recensé les obstacles?

Mme Gotzaman: J'ai dit que... et François et Anne ont tous deux parlé de certaines de ces mesures dont nous sommes conscients, et nous nous y sommes déjà attaqués. La question que nous nous posons est la suivante: y en a-t-il d'autres qu'auraient relevées les membres du comité ou encore les intervenants et qu'il convient de signaler au gouvernement?

Le président: Y a-t-il eu un manque de consultation auprès des intervenants? Est-ce ce que vous dites?

Mme Gotzaman: Non. Nous avons eu certaines consultations tout au long du mandat du groupe de travail. Il y a aussi votre comité. En outre, les représentants de l'Institut international du développement durable qui ont comparu devant vous la semaine dernière ont précisé quels devraient être à leur avis les domaines d'intervention. Je pense que ce genre de travail est très utile.

Le président: Monsieur Bregha, avez-vous des commentaires à faire au sujet de cet échange, particulièrement en ce qui a trait au graphique 1, dont, j'en suis sûr, vous êtes en partie l'auteur?

M. Bregha: Monsieur le président, je partage votre impatience et j'espère que le gouvernement agira rapidement pour répondre au groupe de travail. Ce qui m'inquiète, c'est que nous laissons la perfection être l'ennemi du bien, comme l'a laissé entendre M. Reynolds dans son témoignage la semaine dernière.

Il y a un certain nombre de domaines dans lesquels nous devrions intervenir, d'autres où nous devrions faire des expériences et parfois uniquement des projets pilotes. Par exemple, nous avons besoin d'information pour créer des instruments économiques. À cet égard, nous sommes à la remorque de nos concurrents. Si nous attendons que toutes les études et toutes les consultations aient lieu et que tout le monde soit d'accord sur la voie à suivre, nous aurons manqué le bateau. Je pense que nous disposons de suffisamment d'information pour prendre certaines décisions maintenant et aller chercher les informations qui nous manquent pour concevoir des instruments économiques supplémentaires.

Pour ce qui est des obstacles, il est vrai que les plus flagrants ont été supprimés, mais il en reste certains. Je ne pense pas que ce soit...

Le président: Pouvez-vous mentionner certains de ces obstacles?

M. Bregha: J'ai parlé des dépenses dans le domaine nucléaire, soit une chose que vous avez vous-même relevée. J'ai aussi mentionné l'étude de Jack Mintz sur...

Le président: Les dépenses dans le domaine nucléaire n'ont absolument pas bougé. Elles représentent 172 millions de dollars dans le budget de Ressources naturelles Canada cette année.

M. Bregha: Je crois que cela a baissé un peu, mais quoi qu'il en soit, je...

Le président: Cela a décliné de 2 millions de dollars par rapport à l'année précédente.

M. Bregha: Mais je dirais qu'il s'agit-là d'un obstacle aux saines pratiques environnementales à un moment où le budget du gouvernement est extrêmement limité. En effet, les technologies favorables au rendement énergétique n'obtiennent pas le même genre d'appui, même si l'on peut faire valoir qu'elles sont moins inoffensives pour l'environnement que l'industrie nucléaire.

Demain vous entendrez des exemples d'autres obstacles dans le secteur énergétique, exemples qui seront tirés de l'étude de l'Institut Pembina.

Le président: À votre avis, le budget de Ressources naturelles Canada permettra-t-il au gouvernement de se rapprocher de son objectif déclaré de stabiliser les émissions de dioxyde de carbone d'ici à l'an 2000 et de les réduire de 20 p. 100 d'ici à 2005?

M. Bregha: Il y a un bout de temps que je n'ai pas travaillé dans ce domaine, mais il est manifeste que la courbe de dépenses actuelles ne nous permettra pas d'y arriver. Je serais surpris que l'on trouve de nombreuses personnes qui pensent que le programme actuel nous permettra de stabiliser les émissions aux niveaux de 1990, voire de les diminuer.

Le président: D'accord. Nous allons commencer le deuxième tour.

Monsieur Finlay.

M. Finlay: Monsieur le président, je voudrais revenir encore sur cette notion de l'égalité des règles. Selon la définition ou ce qui est écrit ici, cela suppose que l'intervention du gouvernement fédéral n'est pas biaisée en faveur d'une activité ou d'une industrie en particulier. On nous donne ensuite des exemples, dont certains que vous avez mentionnés: l'énergie non renouvelable par rapport à l'énergie renouvelable, les produits minéraux vierges par rapport aux métaux recyclés, le transport routier par rapport au transport ferroviaire.

.1805

À mon avis, il y a une façon simple de régler le problème s'il existe des écarts. Il y a deux moyens de contrer les inégalités dans un secteur. Si vous subventionnez les formes d'énergie non renouvelables, on peut subventionner les formes d'énergie renouvelables. Voilà qui égalisera les chances pour tous. On peut donner à la partie lésée un peu plus.

Cela dit, il me semble que dans le contexte financier actuel, ce n'est pas la bonne option. Si nous donnons des subventions pour l'énergie non renouvelable, il me semble que la chose la plus simple à faire serait de... Étant donné qu'on n'en donne pas à l'énergie renouvelable, ou pas autant, alors que le secteur en a besoin, on pourrait apporter des réductions.

Il faut avoir un objectif, un but. Nous savons quel est ce but; il s'agit du développement durable, de l'amélioration de l'environnement, de la conservation écologique, de la protection de la santé. N'y a-t-il pas quelque chose qui prendrait moins de temps que ce que nous proposons? Si nous payons pour un service qui n'est pas bon pour l'environnement ou qui n'est pas propice au développement durable, pourquoi ne pas le cibler et cesser de le financer?

M. Bregha: Je pense que c'est sans doute dans le secteur énergétique qu'on peut accomplir des progrès plus rapidement étant donné qu'on a déjà beaucoup fait dans ce domaine dans le passé. Je reviens encore aux exposés que vous entendrez demain, au cours desquels on vous donnera des exemples de mesures très précises que pourrait prendre le gouvernement pour instaurer des règles uniformes pour tous dans le secteur pétrolier et gazier par exemple.

Dans le passé, le gouvernement consacrait 10 à 12 fois plus à la promotion des approvisionnements énergétiques par rapport à la promotion de l'efficience énergétique. Même à la lumière de paramètres plutôt grossiers, on peut dire que ces pratiques n'ont pas été propices au développement durable. Maintenant que ce ratio est en baisse à mesure que s'effrite l'appui aux mégaprojets, je pense que le travail que fait le ministère, de même que le travail qui se fait à l'extérieur de façon indépendante, montre que les chances ne sont pas égales pour tous.

Heureusement, ce travail s'accompagne de suggestions précises sur les mesures à prendre pour corriger la situation. Vous avez tout à fait raison de dire que dans le contexte financier actuel, on ne peut pas s'ajuster à la hausse. Il faut s'ajuster à la baisse.

M. Finlay: Je me souviens très bien, monsieur le président, de la visite que nous avons tous eue des représentants de l'industrie pétrolière. Ils sont venus me voir parce que je suis député et m'ont dit que je devais appuyer uniquement une subvention pour l'éthanol qui serait semblable aux subventions, assez restreintes, que reçoivent les compagnies pétrolières en aval. Je leur ai signalé qu'au Canada il y a beaucoup de compagnies pétrolières intégrées qui sont non seulement propriétaires des champs de pétrole, mais qui les exploitent et font du raffinage. Ce sont les compagnies dont je vois les noms aux stations-service.

Je trouve que c'est un argument spécieux. Puisqu'il y a des déductions pour épuisement etc., j'estime que nous ne pouvons pas nous permettre d'égaliser les règles du jeu en donnant à l'éthanol des subventions équivalentes à celles de l'industrie pétrolière. Il faut plutôt réduire les subventions accordées à l'industrie pétrolière.

Une telle mesure fera mal à certains, et on va nous dire qu'elle entraînera une perte d'emplois et une croissance économique réduite. Je sais qu'il faut tenir compte de ces facteurs, mais je crois que mon approche est plus simple, si jamais nous réussissons à faire mieux accepter le principe du développement durable.

Le président: C'est là où la question des volontés politiques devient primordiale.

M. Finlay: Oui, en effet.

Le président: Madame Payne.

Mme Payne: Merci, monsieur le président.

Je reviens à la question que j'ai posée, tout à l'heure, car la réponse de M. Cassils portait plutôt sur les erreurs que nous avons faites par le passé. Je sais quelles sont ces erreurs. Je pense que c'est le cas de presque tout le monde.

On pourrait prendre l'exemple que M. Finlay vient de donner au sujet de l'environnement. Le mien concerne le développement durable.

.1810

Monsieur Bregha, vous avez parlé de la taxation des activités néfastes à l'environnement. D'autres témoins ont dit la même chose. Il est bien connu que l'équipement de pêche utilisé autrefois est responsable en grande partie de l'épuisement des stocks. Que pensez-vous de l'idée de taxer les équipements qui ont une incidence néfaste sur l'environnement?

M. Bregha: Il se peut que dans les pêches - et je connais assez peu ce secteur - l'imposition d'une taxe ne soit pas le bon instrument économique à utiliser. Il se peut que l'instrument voulu soit la création de droits de propriété. On a examiné cette possibilité sur la côte ouest, et je crois savoir qu'on l'a appliquée, en Nouvelle-Zélande. On donne aux pêcheurs des droits de propriété dans l'industrie de la pêche. Ils sont cessibles et encouragent les pêcheurs à préserver la ressource, car leur gagne-pain en dépend.

Je ne suis pas sûr que l'imposition d'une taxe sur une technologie qui est plus efficace qu'une autre donnerait de bons résultats. Par contre, on peut certainement avoir recours à d'autres instruments économiques pour protéger la ressource.

Mme Payne: La protection de la ressource me préoccupe moins - cela peut se faire par l'imposition de quotas. C'est la protection de l'habitat qui me préoccupe davantage.

M. Bregha: Malheureusement, je ne peux faire de commentaires là-dessus.

Mme Payne: Merci, monsieur le président.

Le président: Avant de lever la séance, j'aimerais savoir si nos témoins peuvent s'entendre sur une question très précise dans un secteur donné. Dans le cas des pêcheries, convenez-vous que les politiques mises de l'avant par les différents gouvernements fédéraux, qui consistaient à subventionner l'industrie de la pêche et les flottes de pêche, ce sont avérées récemment être non durables parce qu'elles ont augmenté la capacité de la flotte à prendre trop de stocks pour que ces derniers puissent se renouveler. Acceptez-vous cette affirmation? Êtes-vous d'accord pour dire que les politiques budgétaires et les subventions se sont avérées contraires au développement durable?

Mme Park: Je pense que la remarque est valable, mais ce n'est pas le seul facteur qui intervient dans ce problème. Il y a d'autres facteurs d'ordre scientifique, la surpêche des flottes étrangères, etc.

On pourrait examiner l'industrie de la pêche du point de vue de l'incidence des subventions sur l'épuisement des stocks. J'aimerais entendre le ministère des Pêches et des Océans avant de tirer des conclusions hâtives.

Le président: Y a t-il d'autres commentaires?

M. Bregha: J'accepte votre description de la situation. On peut dire, après coup, qu'on a financé la surcapacité de la flotte, ce qui a entraîné l'épuisement des stocks. Anne Park a tout à fait raison de dire qu'il y a eu d'autres facteurs. On a dit que des changements climatiques ont peut-être contribué à l'effondrement des stocks de morue sur la côte est.

À mon avis, on peut dire maintenant que les pêches sont un excellent exemple d'un secteur où l'on a appliqué des politiques pour des raisons économiques ou sociales sans tenir suffisamment compte des facteurs environnementaux. Par conséquent, ces politiques n'étaient pas durables.

.1815

Mme Payne: Monsieur le président, on néglige toujours la question fondamentale. Nous parlons des quotas et du développement durable. La question que nous perdons de vue est celle de la destruction de l'habitat. Je me demande s'il n'est pas possible d'adopter des mesures financières qui décourageront les pratiques qui entraînent la destruction de l'habitat. Autrement dit, j'aimerais savoir si nous pouvons décourager, par des moyens budgétaires ou autrement, l'utilisation des technologies qui causent cette destruction.

M. Bregha: Si l'utilisation de certaines technologies détruit l'habitat qui est essentiel aux pêches, il faut tout simplement interdire l'utilisation de ces technologies. Il ne faut pas avoir recours à un instrument économique. Il faut simplement interdire l'utilisation de certaines technologies ou interdire la pêche à certains moments de l'année parce qu'elle détruit l'habitat. Je pense qu'une réglementation directe serait plus utile.

Le président: J'ai une dernière question à vous poser avant de lever la séance.

Est-ce que le groupe de travail a consacré du temps à l'examen de l'incidence sur l'exploration de la déduction pour amortissement qui est accordée à certains secteurs industriels? Si oui, comment cet examen a-t-il été fait?

M. Bregha: Le groupe de travail avait plusieurs problèmes: il avait peu de temps et peu d'argent et était composé de membres qui n'étaient pas toujours d'accord. Lors de plusieurs réunions, nous avons eu une discussion très vive pour essayer de déterminer si la déduction pour amortissement prévue dans la loi actuelle constitue ou non une subvention. Chose peu étonnante, le représentant de l'industrie pétrolière a maintenu avec vigueur que ces déductions n'étaient pas des subventions. Par conséquent, le groupe de travail avait les mains liées. En fin de compte, nous avons passé cette question sous silence.

Ce fait souligne la difficulté d'en arriver à une entente sur ce genre de question lorsqu'un groupe de travail est composé de plus de trente intervenants qui représentent des secteurs différents.

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

Mme Gotzaman: D'autres travaux ont été faits précisément sur ce genre de question. Vous allez en entendre parler.

Le président: Monsieur Cassils.

M. Cassils: Je pense que la plupart de nos structures administratives favorisent l'épuisement le plus rapide possible de nos ressources naturelles. Permettez-moi de vous donner quelques exemples. L'un c'est la ruée vers les diamants dans les Territoires du Nord-Ouest, et l'autre c'est la découverte récente de certains métaux vils au Labrador. L'environnement était source de querelles dans ces régions depuis des années, par exemple les vols à basse altitude au Labrador effectués par des avions à réaction de l'OTAN. Du jour au lendemain, on a cessé de s'y intéresser. Faire de l'argent était tout ce qui comptait.

Les êtres humains ont toujours eu tendance à se comporter de cette façon. Il y a peut-être un moyen de les faire changer. Je n'en suis pas toujours convaincu. Mais il faut au moins mettre en place des structures pour décourager un tel comportement.

Le président: Vous acceptez donc ce qu'on trouve à la figure 1 à la page 57. Vous diriez que lorsqu'on demande s'il y a des politiques gouvernementales qui font obstacle à de saines pratiques environnementales, la réponse est oui dans la plupart des cas.

M. Cassils: Par intuition, je dirais que c'est probablement toujours le cas. Même lors de cette réunion, l'on nous a demandé en tant que membres du groupe de discuter de tout et n'importe quoi., Le développement durable touche à tout. Les possibilités que nous offrent les instruments économiques et la politique fiscale sont presque infinies. Tout dépend du problème précis que l'on essaye de régler et des circonstances qui l'entourent. J'espère que vous obtiendrez les réponses précises que vous cherchez lors des réunions futures.

Le président: Nous l'espérons aussi, monsieur Cassils.

Nous vous remercions, madame Gotzaman, monsieur Bregha et madame Park, de votre comparution cet après-midi et de vos réponses très utiles. Nous en sommes forts reconnaissants. Nous espérons vous voir à l'avenir, peut-être lorsqu'on aura un nouveau mandat.

.1820

La séance est levée jusqu'à 19 h 30.

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