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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 9 mai 1995

.1924

[Traduction]

Le président: Bienvenue à notre comité. Nous nous excusons de notre retard, mais c'est en partie dû au fait que nous avons levé la séance de cet après-midi un peu plus tard que prévu.

Nous sommes très heureux et honorés d'accueillir son honneur le maire d'Iqaluit, Joe Kunuk. Il est accompagné de Derek Rasmussen, qui représente la Chambre de commerce de Baffin.

Voulez-vous faire chacun une brève déclaration et ensuite nous pourrions passer aux questions? Je vous en prie.

M. Joe Kunuk (maire d'Iqaluit): Merci, monsieur le président. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue à Iqaluit, ainsi qu'aux autres membres du comité, et à vous remercier d'être venus tenir ces audiences publiques chez nous.

En mai dernier, lorsque vous discutiez de la possibilité de venir à Iqaluit, je suis convaincu que vous aviez lu des documents au sujet du nord, en particulier au sujet de notre collectivité et de l'Île Resolution, située très loin d'ici, de même qu'au sujet d'autres endroits du nord.

.1925

Dans le nord, nous lisons toutes sortes de choses au sujet de ce qui se passe dans le sud du Canada, mais nous n'arrivons jamais à savoir ce qui s'y passe, parce que la plupart d'entre nous n'avons pas la chance de nous rendre dans vos villes ou autres collectivités.

Monsieur le président, vous conviendrez surement avec moi qu'il est toujours préférable de voir en personne les choses dont on discute, afin de pouvoir mieux comprendre ce à quoi nous faisons face dans le nord.

À titre de maire d'Igaluit, je tiens à m'assurer qu'on tiendra compte des préoccupations de nos résidents et la question de notre environnement préoccupe tous les résidents de cette collectivité et du nord. C'est particulièrement vrai dans nos activités quotidiennes, en particulier pour la génération montante.

Par conséquent, nous sommes préoccupés par la présence de toxines et de métaux lourds dans la chaîne alimentaire, d'après la documentation volumineuse que nous avons reçue la semaine dernière en provenance d'Environnement Canada. Le rapport dit qu'on trouve des taux élevés de biphényles polychlorés (BPC) et de métaux lourds à Upper Base, juste au nord d'ici, et qu'il a des dépotoirs militaires autour de notre ville.

Nous espérons que vous avez eu l'occasion de visiter ces endroits. Sinon, je vous encourage à le faire demain avant votre départ.

Les études actuellement en cours dans le nord montrent que ces toxines se retrouvent dans les aliments produits localement et peuvent même s'infiltrer dans nos réservoirs d'eau. C'est inacceptable pour nos résidents.

Dans le passé, nos anciens étaient préoccupés par les activités qui ont donné lieu à la création des vieux dépotoirs militaires. La semaine dernière encore, tous les anciens affirmaient qu'on leur avait dit de ne pas s'inquiéter parce que le gouvernement savait ce qu'il faisait. Nous avons mis toute notre confiance en ces gens, qui sont maintenant retournés dans le sud.

Or, on nous dit maintenant, dans ces études et ces rapports, que ces sites contiennent des taux inacceptables de toxines et de substances chimiques. Notre collectivité veut que le gouvernement s'occupe de tous les problèmes qui ont été identifiés, mais nous ne voulons pas qu'il se contente de faire du camouflage.

D'après nous, une loi canadienne sur la protection de l'environnement qui est efficace doit faire en sorte que la consommation des aliments locaux comme le phoque, l'omble de l'Arctique, le caribou, le gibier à plumes et le gibier d'eau ne présentent aucun danger. Les gens ne doivent pas avoir peur des aliments qu'ils mangent et de l'eau qu'ils boivent. Nous voulons pouvoir nous déplacer sur nos terres sans avoir à nous inquiéter à cause des sites contaminés par les militaires ou d'autres gens de l'extérieur.

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement doit rendre obligatoire l'assainissement des sites contaminés et l'enlèvement des toxines. Comme je l'ai dit tantôt, il ne faut pas qu'on se contente d'une opération de camouflage, il faut enlever tous les déchets visibles et invisibles.

Notre climat particulier, notre situation géographique et la rareté de nos ressources financières nous obligent à vivre dans un environnement qui n'est pas acceptable pour nos résidents et nous sommes convaincus qu'il ne serait pas toléré dans le sud. Nous souhaiterions pouvoir obtenir du matériel d'avant-garde afin de pouvoir bien gérer nos propres déchets et ainsi pouvoir contribuer nous-mêmes à la préservation de notre environnement.

C'est une question dont notre municipalité continue de s'occuper. Présentement, nous avons un site pour la gestion des déchets qui pourra encore être utilisé pendant cinq ans et nous avons également une usine de recyclage pour les cannettes de boissons gazeuses et de bière.

Si nous étions tenus de respecter strictement la loi, nos collectivités seraient incapables de le faire. Nous avons par exemple un étang d'eaux usées, dont nous laissons le contenu se stabiliser pendant un certain nombre de jours ou de mois, avant de le rejeter dans la mer ou dans la baie. C'est inacceptable à tous les paliers d gouvernement, de la municipalité juqu'au palier fédéral. Nous devons travailler ensemble pour résoudre ce problème et d'autres problèmes qui affligent notre collectivité.

Monsieur le président, j'espère que votre visite ici vous a permis de voir avec quels problèmes nous sommes aux prises dans le nord et que vous pourrez faire des recommandations fermes au gouvernement quant au nettoyage à faire à compter de maintenant pour enlever les contaminants qui ont été laissés ici. Cela s'ajoutera au projet d'une valeur de 2 millions de dollars entrepris cette année pour commencer à nettoyer les dépotoires. On ne doit pas mettre fin à ce projet tant que tous les dépotoires ne seront pas nettoyés.

Merci, monsieur le président.

.1930

Le président: Merci.

Monsieur Rasmussen, je vous en prie.

M. Derek Rasmussen (directeur général, Chambre de commerce de Baffin): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vais commencer par vous transmettre les regrets du président de la Chambre de commerce, Jerry Ell, qui n'est pas ici aujourd'hui. Il a dû se rendre à Rankin Inlet pour s'occuper d'une autre question.

Nous allons vous faire part aujourd'hui des préoccupations exprimées par les membres de la Chambre de commerce de Baffin, qui comprend des chasseurs, des trappeurs, des pêcheurs et des pourvoyeurs - des entreprises dont les revenus dépendent de la comestibilité des aliments produits localement et d'une faune saine.

Je crois savoir qu'on a soulevé des questions plus tôt aujourd'hui au sujet de la présence de toxines dans la chaîne alimentaire. Nous réunissons quelques documents depuis un mois environ en préparation de votre visite.

Premièrement, il y a le rapport sur l'Île Broughton, préparé du milieu à la fin des années 1980, au sujet de la chaîne alimentaire là-bas et de la présence de métaux lourds et de BPC dans la chaîne alimentaire. C'est cette étude en particulier qui a donné les résultats les plus surprenants. On a décelé des taux de BPC dans le sang dépassant le niveau d'absorbtion quotidienne tolérable chez 63 p. 100 de la population de moins de 15 ans.

M. Adams (Peterborough): Pourriez-vous nous donner le titre de la publication, aux fins du compte rendu, afin qu'on sache bien de quel document il s'agit.

M. Rasmussen: Mais oui, certainement. Il y en a deux à ce sujet. Le meilleur document est probablement celui qu'ont préparé Kinloch, Kuhnlein et Muir, portant sur les aliments et l'alimentation des Inuit, et c'est une Evaluation préliminaire des avantages et des risques, intitulée «Inuit Foods and Diet: A Preliminary Assessment of Benefits and Risks». C'est un extrait de la revue intitulée The Science of the Total Environment.

Je n'ai pas l'autre rapport sous la main, mais c'est un rapport que j'ai réussi à obtenir avec l'aide de Radio-Canada ici à Igaluit. Il a été publié le 12 avril dernier. On y parle de taux élevés de mercure et de toxaphene, un pesticide, dans l'omble de l'Arctique dans le lac Peter près de Rankin Inlet.

Je vous donne des exemples d'endroits plus éloignés - non seulement d'Igaluit, mais de différentes parties du Nunavut - parce que je ne pense pas que vous aurez l'occasion de vous rendre dans certaines de ces collectivités pour entendre les résidents vous en parler.

Enfin, et c'est probablement le document qui a fait le plus la manchette dans les journaux d'Ottawa et de Québec, je veux parler d'un rapport du Centre de santé publique de Québec. Je veux parler en particulier d'un extrait qui porte sur les toxines et la tradition, et en particulier l'incidence de la contamination de la chaîne alimentaire sur les Inuit du Nord québecois. C'est une étude portant sur le cordon ombélical des bébés inuit dans des hôpitaux situés de l'autre côté du détroit d'Hudson. On a constaté des taux de plomb quatre fois plus élevés que chez les bébés de Québec, des taux de BPC quatre fois plus élevés et des taux de mercure 22 fois fois plus élevés. Les résultats de l'étude sont résumés dans ce document.

Le président: Indique-t-on dans l'étude la source de ces métaux?

M. Rasmussen: On y émet l'hypothèse que la contamination provient de polluants transfrontaliers transportés des centres industriels du sud par les mouvements de l'air et les courants marins, et dans bien des cas ces polluants semblent provenir de l'ex-Union-Soviétique ou des pays d'Europe du Nord.

J'ai apporté certains de ces documents pour vous les distribuer, mais je vous recommande en particulier une carte indiquant les déplacements de la masse d'air arctique à partir du pôle. On y voit que presque tout ce que nous recevons vient d'Europe et de l'ex-Union-Soviétique en passant par le sommet de la calote glaciaire ou encore de l'Ouest du Canada. J'ai plusieurs de ces documents.

J'ai également un très bon rapport préparé par le Comité canadien des ressources arctiques au sujet des contaminants. Il s'agit du numéro 4 du volume 21, de l'hiver 1993-1994.

.1735

M. Lincoln (Lachine -Lac-Saint-Louis): Pourriez-vous répéter les statistiques concernant les BPC décelés chez les jeunes?

M. Rasmussen: Le premier chiffre que j'ai cité provenait d'une étude faite sur l'Île de Broughton vers le milieu des années 1980. Je pense que le premier document datait de 1985, tandis que le deuxième, un suivi, datait de 1989. Le chiffre de cette étude le plus fréquemment cité concerne les taux de BPC contenus dans le sang et montrait que ce taux dépassait la limite d'absorption quotidienne tolérable - une expression du jargon scientifique - chez 63 p. 100 de tous les jeunes de moins 15 ans à l'Île Broughton.

Je dois mentionner en passant que lors de la publication de cette information - et je pense que l'étude faite à Broughton a été l'une des premières à être publiée - les milieux scientifiques se sont montrés plutôt maladroits et a semé la panique, décourageant la consommation des aliments locaux, au début. En citant de telles statistiques, il faut prendre garde de ne pas nécessairement en tirer la conclusion qu'il faut décourager les gens de manger les aliments locaux, parce que ces aliments semblent avoir la plus grande valeur nutritive pour les résidents du Nord. Nous nous retrouvons donc dans une impasse, car bien que ce soit la meilleure source alimentaire disponible, elle devient aussi une source alimentaire hautement contaminée.

Je vais maintenant vous parler du dernier document que nous avons préparé à votre attention; il s'agit d'un rapport sur la contamination de l'écosystème de l'est de l'Arctique canadien. Il a été rédigé par Eric Dewailly du Centre de santé publique de Québec. Il a été préparé en octobre 1993.

Nous pouvons remettre au Comité des exemplaires de tous ces rapports, si vous le voulez, pour mémoire. Il y en a encore toute une série qui portent sur la contamination de la chaîne alimentaire, notamment.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, on pense que la plupart de ces polluants sont transportés ici par les déplacements de l'air et les courants marins en provenance de secteurs hautement industrialisés d'Amérique du Nord ou de l'ex-Union soviétique et de l'Europe du Nord. Bien que nous soyons loin d'avoir atteint le niveau d'industrialisation du Sud, nous avons quand même les polluants industriels.

Notre Chambre de commerce voudrait donc que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement traite du problème de la pollution transfrontalière et protège la faune qui est notre ressource renouvelable, en plus de la santé des citoyens.

À ce sujet, je voudrais rapidement passer en revue quatre points principaux. Je tiens à le faire parce qu'en lisant les documents et les notes concernant la LCPE, nous avons vu régulièrement réapparaître certaines questions et j'ai donc pensé que nous devrions vous donner notre opinion sur certaines d'entre elles. Je veux parler de l'observation volontaire, de la surveillance et de l'exécution de la loi, ainsi que de la question du fardeau de la preuve et de celle des accords internationaux.

Premièrement, une loi sur la protection de l'environnement qui est efficace doit avoir du muscle. Elle doit réglementer les émissions de toxines et de contaminants et y appliquer toute la force de la loi, parce que l'observation volontaire n'est pas suffisante.

À titre d'entrepreneurs, nous nous attendons à ce que la loi régisse nos activités commerciales. Nos clients ne payent pas toujours leurs factures volontairement. Nous devons parfois avoir recours aux tribunaux pour les y forcer. Alors pourquoi ne devrait-il pas en être ainsi des nouveaux règlements régissant la production de substances potentiellement nocives? Pourquoi devrions-nous nous fier à l'observation volontaire dans d'autres domaines? Il faut aussi imposer des pénalités à ceux qui manipulent sans précautions des substances dangereuses ou qui en émettent.

Deuxièmement, je veux parler de la surveillance et de l'exécution de la loi. La LCPE ne peut pas fonctionner si elle est dénuée de pouvoirs. Nous voulons savoir ou se trouvent les toxines susceptibles de nuire à notre santé et à notre gagne-pain. Nous voulons être assurés que ces contaminants peuvent être contrôlés ou qu'on peut les empêcher de se répandre. On doit prévoir des sanctions pour les pollueurs et on doit les appliquer.

Troisièmement, le fardeau de la preuve est une autre question qui semblait revenir sur le tapis au cours de certaines de vos séances précédentes. Les constructeurs d'automobile mettent leurs véhicules à l'essai pour s'assurer qu'ils sont sûrs avant de les mettre sur le marché et ils les rappellent s'il y a un problème. En ce qui concerne les composés chimiques, on dit souvent dans les médias qu'il y en a 70 000 utilisés commercialement, mais seulement 2 p. 100 d'entre eux ont été soumis à des tests. En outre, 1 000 composés font leur apparition chaque année.

.1940

Nous estimons que le fardeau de la preuve ne devrait plus incomber aux collectivités locales ni aux gouvernements, mais plutôt aux entreprises auxquelles la production de ces composés rapporte.

Manifestement, notre Chambre de commerce ne compte pas parmi ses membres de grands fabricants de produits chimiques, mais d'après les données que nous disposons sur la santé, on peut présumer que certains de nos membres présentent des niveaux de BPC supérieurs à la moyenne. Ces polluants nous viennent d'outre frontière par l'air et par l'eau ou des dépotoirs militaires américaines auxquels on a déjà fait allusion aujourd'hui. Nous n'avons jamais voulu de ces polluants, et nous serions heureux qu'on adopte une loi sévère contre l'émission de ces polluants.

Enfin, étant donné qu'il est fort probable qu'une bonne partie des polluants qui se trouvent dans l'Arctique canadien proviennent des régions industrialisées de l'ex-Union Soviétique et du nord de l'Europe, nous sommes d'avis que la LCPE doit être liée à des accords internationaux efficaces qui encourageront l'adoption de pratiques de fabrication et d'extraction de ressources écologiques dans ces régions, dont les activités ont des conséquences pour nous.

C'est tout. Merci.

Le président: Merci.

Nous commençons la période de questions avec Mme Guay.

[Français]

Mme Guay (Laurentides): Monsieur le président, je vais poser une question en deux temps, si vous me le permettez, parce que je veux aller chercher de l'information.

Ma question concerne surtout les sites où il y a eu de la pollution par l'armée américaine. Cet après-midi, on a fait une tournée et on est allés voir sur place. On nous a dit que c'est en négociation en ce moment et qu'une machine a déjà été achetée pour déchiqueter les barils qui s'y trouvent.

Pouvez-vous nous donner plus d'information, à savoir quand ça va se faire et comment ça va se faire? Est-ce qu'il faut vraiment mettre dans notre LCPE un règlement particulier pour ces emplacements? J'aimerais savoir premièrement ce qui se passe ici, c'est-à-dire où vous en êtes dans les négociations, quand et comment ça va se faire, et j'aimerais aussi que vous m'expliquiez un peu ce qu'on pourrait mettre dans la LCPE pour l'améliorer.

[Traduction]

M. Kunuk: Vendredi après-midi, M. Mitchell, du MAINC ou d'Environnement Canada, a tenu une séance d'information pour le Conseil municipal d'Iqaluit au sujet des travaux qui pourront être entrepris cet été. Le déchiqueteur qui a servi à déchiqueter les barils de Coral Harbor a déjà été transporté ici; nous pourrons l'utiliser dès que les derniers détails auront été réglés.

Hier, le conseil municipal a adopté une motion selon laquelle l'administration municipale d'Iqaluit comprendra les dirigeants du projet, ainsi que les membres du Comité de direction de l'Association des Inuit de la région de Baffin et de Nunavut Tunngavik inc., afin que tous les intéressés soient représentés au moment du nettoyage.

Une fois déchiquetés, les barils seront expédiés pour incinération. D'après ce qu'on nous a dit, le déchiquettage commencera cet été. Le travail se fera à différents de la localité.

Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, les aînés, qui n'étaient pas encore nos aînés dans les années 1950 et 1960, se sont fait dire à l'époque qu'ils n'avaient rien à craindre. Avant même qu'on envisage la mise en oeuvre de tous nos projets au niveau communautaire, j'estime qu'on doit d'abord les examiner attentivement en fonction de règlements et de processus précis, afin que, dans 20, 30 ou 40 ans, nos enfants et petits-enfants ne connaissent pas les difficultés et frustrations auxquelles nous faisons face aujourd'hui.

[Français]

Mme Guay: Monsieur le président, j'aurais une autre question à poser.

Selon l'information que vous détenez au sujet de ce processus, qui va défrayer les coûts d'exécution de cette opération et sur combien de temps cette dernière va-t-elle s'échelonner?

.1945

[Traduction]

M. Kunuk: D'après ce que j'en sais, c'est le gouvernement fédéral qui financera les projets de nettoyage. Étant donné les différents niveaux de contamination de chaque site, on donnera la priorité à certains. Lors de la réunion de vendredi dernier, on a établi les priorités à ce chapitre. Cette année, on concentrera les efforts à la base supérieure, au site 40 nord, ainsi qu'au dépotoir 40 ouest.

Les habitants de la région s'inquiètent beaucoup du dépotoir Apex qui se trouve à proximité d'un petit village, à environ trois milles d'ici. On y a décelé des contaminants. Or, dans cette région, on pêche le poisson et les coques. Nous voudrions donc qu'on s'attaque à ces endroits dans les meilleurs délais, et non pas dans deux ou trois ans.

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Un des témoins précédents a parlé du grand intérêt qu'ont les Européens pour l'Arctique et ils s'intéressent beaucoup au peuple et à la culture de l'Arctique.

Je sais pour en avoir parlé avec des parlementaires européens qu'ils s'inquiètent beaucoup de la disparition possible des quelques vastes régions sauvages qui restent encore au monde. Le Canada compte une bonne partie de ces régions sauvages et, pour diverses raisons, les Européens s'intéressent à l'Arctique et à son peuple.

Puisque certains des problèmes de pollution transfrontalière sont attribuables à l'Europe et à Russie, ne croyez-vous pas que le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec ces pays pour sensibiliser la population européenne à ces questions?

M. Kunuk: Le gouvernement a déjà fait des efforts en ce sens puisqu'il a nommé Mary Simon ambassadrice de l'Arctique.

Elle nous a rendu visite en février en compagnie de hauts-fonctionnaires de différents pays arctiques. Son travail, son infuence et sa visibilité dans les régions circumpolaires seront certainement utiles. Si le gouvernement lui accorde son entière collaboration, ce sera déjà un pas dans la bonne voie. Lorsqu'elle est venue en février, avec ses délégués, elle a joué un rôle très actif. Si nous l'appuyons dans les initiatives qu'elle prend à titre d'ambassadrice de l'Arctique et si nous nous entretenons avec différents pays européens, nous serions sur la bonne voie.

Une semaine avant cette visite, nous avons accueilli des visiteurs de la Russie qui se rendaient dans différentes régions nordiques en vue de créer un conseil de l'Arctique au sein duquel les différentes régions arctiques seraient représentées et qui pourraient exercer des pressions sur les gouvernements respectifs à divers égards, notamment en matière d'environnement.

Le gouvernement se doit d'encourager l'ambassadrice Simon dans son travail et de lui accorder toutes les ressources dont elle a besoin pour remplir ses fonctions. Elle est tout à fait en mesure de sensibiliser les pays étrangers à nos problèmes.

M. Rasmussen: En ce moment, un peu partout dans le monde, on commémore la fin de la Deuxième guerre mondiale qui a été suivie de peu par la mise en oeuvre du Plan Marshall.

.1950

J'oserais même dire qu'après la fin de la Guerre froide, il ne serait pas déplacé de mettre en place un Plan Marshall environnemental tant pour assénir les sites de la ligne DEW par exemple, dans le nord canadien, que pour aller en Union soviétique et commencer à nous attaquer à certains des problèmes là-bas, car ils envoient leurs déchets chez nous.

Ce genre d'initiative pourrait donner des idées aux gens également.

Le président: Merci. C'est une bonne suggestion.

M. Gilmour (Comox - Alberni): Je me demande si l'un d'entre vous pourrait nous parler davantage de votre assiette fiscale et nous dire s'il y a en fait suffisamment d'influence du secteur privé. Je ne peux pas le constater lors de notre visite ici aujourd'hui.

Ce dont je veux parler, c'est de la responsabilité en matière de nettoyage. Dans bon nombre des municipalités dans le Sud, le nettoyage est une responsabilité municipale. Je comprends tout à fait que vous ayez hérité ici d'un problème auquel vous ne pouvez vous attaquer car l'assiette fiscale n'est pas suffisante.

Le secteur privé représente quelle partie de l'assiette fiscale ici dans votre municipalité? J'ai l'impression que s'il y a une participation financière à la municipalité, c'est préférable que d'avoir tout simplement des fonds de l'extérieur pour effectuer le nettoyage total.

M. Kunuk: L'assiette fiscale que nous avons ici est très petite. C'est la plus grande dans l'est du Nunavut, mais si nous devions commencer à y ajouter des ressources, il faudrait laisser tomber quelque chose. Nous avons déjà suffisamment de difficultés dans notre municipalité sans envisager de plus gros projets.

Par exemple, étant donné que les terres sur lesquelles les maisons et les immeubles se trouvent sont uniquement loués à bail, nous devons toujours nous adresser au gouvernement territorial pour obtenir des fonds si nous voulons aménager les terrains. À l'heure actuelle, c'est ce que nous faisons, mais c'est un processus long et frustrant.

Si notre municipalité ou n'importe quelle autre municipalité envisagait cette possibilité, je pense que la plupart des fonds devraient provenir du gouvernement territorial, car avec les subventions en lieu de taxes, nous obtenons la majorité de notre financement du gouvernement territorial.

Pour ce qui est des sociétés qui sont disponibles pour travailler ici, la communauté industrielle continue à croître. Il y a davantage de sociétés qui viennent ici pour entreprendre des projets de construction, notamment le Panarctic Group, la Nunasi Corporation et les corporations régionales qui en partenariat avec Frontec se sont occupées des approvisionnements et de la main d'oeuvre pour le nettoyage du réseau DEW, ou réseau d'alerte avancé. C'est une étape qui permettra aux sociétés régionales inuit de profiter de certains projets.

Pour ce qui est des municipalités, d'autres collectivités se trouvent dans des hameaux et elles obtiennent tout leur financement du gouvernement territorial. Si cela devait être une option, le gouvernement territorial devrait examiner les subventions en lieu de taxes et la façon dont il finance les municipalités.

M. Adams: J'aimerais faire une observation et poser une question à M. Rasmussen.

Mme Guay vous a parlé du déchiquetteur et nous avons pu constater qu'un concasseur était utilisé. Je sais que le déchiquetteur provient comme vous l'avez dit, de Coral Harbour. Il me semble qu'il vaudrait vraiment la peine qu'en tant que collectivité vous nous parliez des problèmes que vous avez, mis à part l'aspect technique du processus, du ciblage que vous avez mentionné. Je pense que cela serait très utile aux collectivités.

La question que je voudrais poser à M. Rasmussen concerne ses membres. Lorsque les représentants du Nunavut étaient ici plus tôt au cours de la journée, j'ai demandé quel pouvoir d'inspection ils avaient dans les cas de problèmes environnementaux et de faire respecter les règlements. La réponse que j'ai reçue concernait les promoteurs. Ils ont dit qu'il y avait à leur avis un processus en place et qu'ils avaient leur mot à dire lorsqu'un promoteur arrivait, etc.

Mais vous, en tant que chambre de commerce et vos membres? Pensez à la collectivité. S'il y a un membre de la collectivité qui ne respecte pas un règlement sur l'environnement, avez-vous le pouvoir de faire une inspection et de faire respecter le règlement, pour vos propres membres, non pas comme quelqu'un de l'extérieur?

.1955

M. Rasmussen: Je ne connais pas les règles d'application en cas de violation par les membres. Je ne me rappelle aucun exemple d'un cas où ce serait arrivé et qui nous aurait permis de constater de quelle façon cela fonctione. Je ne peux donc pas dire comment nous y prendrions pour inspecter une installation ou pour essayer d'obliger un membre à réparer le tort causé.

M. Kunuk: Prenons l'exemple du bassin de stabilisation des eaux usées d'Igaluit, une affaire qui s'est retrouvée devant les tribunaux il y a quelques années. Les fonctionnaires du ministère des Pêches et la Loi qu'ils tentaient d'appliquer...

Le gouvernement territorial a été poursuivit devant les tribunaux parce qu'il n'entretenait pas adéquatement le bassin de stabilisation des eaux usées. À l'époque, j'avais entendu dire que les fonctionnaires s'étaient fait dire d'appliquer moins sévèrement la loi. Les fonctionnaires ont dit qu'ils ne pouvaient pas faire une telle chose, que c'était la loi et c'est ce qu'ils devaient faire. La ville, la municipalité et le gouvernement territorial sont donc allés devant les tribunaux, et le gouvernement territorial s'est vu imposer une amende.

Il a été mentionné au cours de ce processus que si la loi était appliquée à la lettre, le bassin de stabilisation des eaux usées ne devrait même pas exister. Donc comme je l'ai dit dans mon exposé, en raison du climat et de notre position géographique, nous n'avons parfois pas les mêmes choix pour faire face à ces problèmes que les villes de Toronto, Windsor ou Edmonton.

Si les lois environnementales doivent être appliquées, la question du financement se pose. Comme je l'ai dit, nous obtenons la plupart de notre financement du gouvernement territorial, qui à son tour obtient des fonds du gouvernement fédéral. Il faudrait donc régler le problème du financement de façon à ce que si nous constatons que quelque chose va à l'encontre de loi, nos avons alors les ressources pour y remédier.

M. Forseth (New Westminster - Burnaby): À quelques reprises vous avez fait allusion au fait que diverses personnes disent que le gouvernement sait ce qu'il fait et qu'il ne faut donc pas s'inquiéter. Je vous demande maintenant si quelqu'un a dit cela récemment. Et si c'est le cas, qui l'a dit?

M. Kunuk: Lorsque j'ai fait cette observation, c'était par rapport aux exposés qui ont été présentés au conseil la semaine dernière. Nous avons au conseil trois aînés qui étaient là dans les années 1950 et 1960. Même mon maire adjoint, qui habite ici depuis les années 1960, a dit que certaines personnnes s'inquiétaient des 40 sites dans la région ouest et du site Apex. C'était il y a très longtemps; je ne pense pas qu'ils sachent qui leur a dit cela.

Lorsque quelqu'un qui ne lit pas l'anglais se retrouve avec deux cartables très volumineux placés devant eux leur expliquant pourquoi il est sans danger de faire cela, à moins que l'agence traduise tous ces documents, la réaction normale de la plupart des gens unilingues est d'accepter ce que l'on dit parce que l'information n'est pas dans leur langue.

M. Forseth: Mais vous n'alléguez pas ici que ce genre de dynamique que vous venez de décrire existe à l'heure actuelle?

M. Kunuk: Non. Je parlais des années 1950 et 1960, lorsque les sites ont été créés.

M. Lincoln: Monsieur le maire, je vous remercie d'être venu nous rencontrer à l'aréoport. Nous sommes souvent dans des aréoports mais c'est très rare que nous sommes accueillis par le maire. Nous en sommes très honorés.

Des voix: Oh, oh!

.2000

M. Lincoln: Je voulais vous parler de cette question de déchets, qu'avait soulevée M. Forseth vu que nous avons reçu aujourd'hui une lettre nous informant que Panarctic a l'intention de demander un permis l'autorisant à déverser 7 000 tonnes.

Le rapport ITC contient trois recommandations: la première, c'est que ce qu'on y met doit être enlevé; la seconde, c'est que s'il est impossible de retirer les déchets ils doivent être emmagasinés dans des régions éloignées des zones sensibles et de l'océan, et la troisième, c'est que les connaissances traditionnelles devraient être mises à contribution, autrement dit il conviendrait de tenir beaucoup plus compte de votre avis dans les décisions qui sont prises.

Voudriez-vous nous voir souligner ces questions dans les recommandations que nous formulerons à propos de l'Arctique, dans le cadre du rapport sur la LCPE? Comment s'assurer que les pollueurs fassent place nette, en particulier quand il s'agit de grandes sociétés qui peuvent se le permettre? Voyez ce qui s'est passé avec les déversements dans la mer de Beaufort.

Ces gens devraient-ils déposer une caution suffisante pour couvrir, le cas échéant, le coût d'emmagasinage ou d'enlèvement de ces déchets? Conviendrait-il, autrement dit, de rendre responsable des suites celui qui apporte les déchets?

Je voudrais entendre ce que vous, et le cas échéant votre collègue, avez à répondre sur ces points.

M. Kunuk: Toute solution à des questions aussi brûlantes que celles que vous venez d'évoquer, monsieur Lincoln, serait la bienvenue.

La majorité des gros projets achevés au cours des 30 ou 40 dernières années ont été entrepris grâce à des contrats et appels d'offre du gouvernement fédéral et des territoires. Si ces instances sont en mesure de stipuler, dans leurs appels d'offre, que tout ce qui apporté dans ces territoires et non utilisé doit être renvoyé au lieu d'origine nous aurions fait un progrès dans la résolution de ce problème.

Quant aux sites du réseau d'alerte avancé construits des dernières années, il y a une façon d'en disposer, ceux-ci devraient être renvoyés d'où ils viennent.

Autre exemple que je signalais à un député, à savoir M. Jack Anawak, c'est la garde côtière qui parcourt notre région et tout le Nord et qui apporte son propre ravitaillement ou le fait venir en avion. Ces gens ne paient donc pas les impôts comme le font la plupart des entreprises, mais en utilisent pas moins notre dépotoir.

Nous avons promulgué un nouveau décret sur les droits de déversement, pour résoudre ce problème. J'ai dit à M. Anawak que si la garde côtière apporte ces matières elle devrait soit les rembarquer sur leur bateau, soit aider la municipalité à se débarasser des déchets qu'elle laisse derrière elle.

M. Rasmussen: Cette idée de caution me paraît intéressante, car ces entreprises ici entraînent de nombreux coûts. Je ne sais pas comment nos membres réagiraient si on leur imposait un coût supplémentaire, mais il me paraît raisonnable d'envisager une mesure visant à Evacuer les déchets, en particulier ceux qui sont dangereux et ne se décomposent pas.

Je ne comprends pas pourquoi cela ne se passe pas plus souvent, compte tenu qu'il est relativement bon marché, que je sache, de charger les bateaux quand ils s'en retournent vides en été. Ils pourraient donc Evacuer du nord les déchets accumulés.

M. Finlay (Oxford): Nous remercions le maire ainsi que vous, Derek, d'être venus.

D'où provient actuellement l'approvisionnement en eau d'Igaluit? Vous dites que le bassin de stabilisation ne convient pas ici pas plus d'ailleurs que dans le sud. Alors quelle solution recommandez-vous à ce problème?

.2005

M. Kunuk: L'eau nous arrive de ce que nous appelons le lac Geraldine, en haut sur la colline, au-delà de la centrale électrique.

Le bassin de stabilisation des eaux usées se trouve à l'autre extrémité de la collectivité, et voilà des années qu'il est question de faire quelque chose. Le président du Comité des travaux et de la sécurité du public a envisagé une usine de traitement d'eau résiduaire, qui n'avait pas eu grand succès dans une autre communauté, à savoir Nanisivik Mine... Elle n'est d'ailleurs plus en service parce qu'elle ne fonctionnait pas bien, en raison du climat.

Je me suis également rendu à Siuimuit, au Groënland, j'ignore quelle sorte d'usine ils ont là-bas, mais elle semble fonctionner, car les eaux sont traitées avant d'être remises en circulation.

Certaines des technologies introduites dans le nord comme projet pilote ont fait long feu: c'est ainsi qu'à Pangnirtung, communauté à l'est de la nôtre, ou a construit un incinérateur, mais l'emplacement et la technologie devaient être mal choisis, car celui-ci n'a fait que créer des difficultés à la municipalité.

Nous-mêmes avons cherché un autre site pour un bassin de stabilisation dont les eaux usées n'iraient pas à la mer, mais il faut procéder à des essais pour voir s'il y a des fuites dans l'une ou l'autre direction avant de pouvoir décider de l'endroit à choisir.

Le problème avec cet emplacement, c'est qu'il se trouve dans la région 40 ouest, tout près de la rivière; or il a été question de matières enterrées là auxquelles il ne faut pas toucher, de crainte de créer plus de problèmes qu'on en présume.

Nous n'en n'avons pas encore discuté au conseil, mais nous nous sommes demandés entre nous comment résoudre à la fois notre problème de gestion des déchets et l'aménagement d'un bassin de stabilisation des eaux résiduaires. Quoi que nous décidions, nous devons tenir compte de nos maigres ressources.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Des témoins nous ont parlé cet après-midi des ententes négociées en matière d'application des règlements et il a été longuement question de leurs avantages et de leurs inconvénients.

Vous avez mentionné l'observation volontaire et la nécessité de faire appliquer les règlements, mais la notion d'ententes négociées nous permet de faire procéder à un nettoyage lorsque l'infraction a été constatée. Que pensez-vous de cette idée d'ententes négociées?

M. Rasmussen: Je dois vous répondre en mon propre nom, n'ayant pas été chargé par les membres de dire quelle doit être ma position.

Ce que nous craignons, je pense, c'est que des ententes négociées, dans le nord, permettraient de récupérer les coûts entraînés par le traitement des déchets, car le problème semble beaucoup plus considérable ici que dans le sud.

Une entente négociée ne serait toutefois valable qu'à condition qu'il y ait un organisme de l'une ou l'autre sortes en mesure de veiller à ce que le nettoyage soit fait correctement et conformément aux règlements que ce comité songe à mettre en place.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais revenir sur le site pollué par l'armée et sur les barils qui s'y trouvent parce que vous n'avez pas vraiment répondu à ma deuxième question tantôt. Combien de temps faudra-t-il pour faire la dépollution?

Deuxièmement, on nous a dit que les sols étaient très contaminés et qu'il y avait eu une entente en vue de les décontaminer.

.2010

[Traduction]

M. Kunuk: Vendredi dernier, le ministère nous a donné une séance d'information. Les documents qui nous ont été remis remplissaient deux gros classeurs. On y trouvait des suggestions de calendriers, y compris pour les projets prévus pour cette année.

M. Mitchell, qui nous présentait tout cela, a mentionné qu'on règlerait le cas de certains sites cette année, selon les ressources des années à venir. Tout dépend de la liste de priorités établie par le gouvernement et par le ministère.

Donc, pour ce qui est des échéanciers des calendriers, les documents que j'ai regardés n'étaient pas précis. Certaines parties du rapport disaient des choses, mais ailleurs, en annexe ou plus loin dans le rapport, on disait qu'il y avait une forte contamination, et ailleurs encore, une contamination forte mais sans danger, pas aussi importante qu'ailleurs.

Voici le rapport dont je parlais. À moins de consulter chaque onglet du classeur, et chaque annexe, je ne pourrais pas répondre à votre question relative aux calendriers.

[Français]

Mme Guay: Est-ce que vous avez des moyens de faire un suivi ou de faire des pressions? Si jamais le calendrier n'était pas respecté ou si jamais cela ne se faisait pas cette année, est-ce que vous auriez des moyens d'intervenir?

[Traduction]

M. Kunuk: D'après ce qu'on nous a dit, un comité directeur, ou un comité de gestion, composé de la municipalité, de l'association des Inuit de la région de Baffin et du Nunavut Tunngavik Incorporated, examinera le projet total de 2,1 millions de dollars qui doit être lancé cette année.

Quand on nous présentera un accord de financement et que nous en verrons les conditions, nous serons plus en mesure de dire oui, voici ce que dit le rapport, voici ce que dit l'accord de financement et les conditions qui s'y trouvent. Quand nous aurons tous les renseignements et que les organismes intéressés travailleront ensemble, soit le Nunavut Tunngavik, l'association des Inuit de la région de Baffin et la municipalité, nous serons mieux en mesure de nous adresser à notre député ou à notre gouvernement territorial pour veiller à ce que les conditions soient respectées par notre communauté et par le gouvernement fédéral.

Mme Kraft Sloan: À presque chacune de nos audiences, on a parlé de l'application de la loi. Pourriez-vous nous dire, quelle est, à votre avis, la différence entre cette application dans l'Arctique et ailleurs au pays? Quels sont vos problèmes particuliers? Ensuite, comment pourrions-nous modifier la LCPE pour régler plus efficacement les problèmes d'application de la loi dans l'Arctique, étant donné le genre de pollution que vous avez ici?

M. Rasmussen: Je vais vous donner un exemple qui remonte à l'été dernier. En juillet, il y a eu une inversion atmosphérique. En fait, c'était peut-être l'été d'avant. La poussière de silice provenant du centre de concassage devenait de plus en plus dense dans l'air de la ville. Pour vous en donner une idée, je me souviens qu'en voiture, il fallait circuler les phares allumés. On trouvait cette poussière partout. Il y avait des nuages très épais; c'était comme un brouillard de poussière de silice.

.2015

Je me souviens que quelques personnes de la localité sont venues nous parler. Je travaillais à l'époque comme adjoint à la Chambre de commerce. J'ai demandé s'il y avait des règlements à ce sujet et on m'a demandé de donner quelques coups de fil pour le savoir.

À ma grande surprise, j'ai appris que si cette poussière de silice se trouvait à l'intérieur, le contrôle de la situation incombait au gouvernement territorial, mais comme elle était à l'extérieur, il y avait des lignes directrices relatives à la quantité de poussière de silice pouvant être émise, mais il n'y avait pas de loi à ce sujet. Par conséquent, le centre de concassage n'enfreignait aucune loi, même s'il ne respectait pas les lignes directrices.

Dans ces circonstances, avec ce genre de règlements, on ne peut pas faire grand chose. On ne peut pas dire, faites ceci, cela, ou autre chose. On ne peut pas faire respecter cela. Mais si la cheminée donnait sur l'intérieur d'une maison, on aurait pu faire respecter tout un tas de règlements et lois territoriales, si j'ai bien compris.

À mon avis, il faut que des lois ou des règlements partout au pays s'appliquent à ce genre de situation. La différence, ici, dans le secteur des affaires, c'est que nous avons peut-être davantage d'entreprises qui viennent en ville, font un travail et repartent, sans trop tarder, sans régler les problèmes qu'elles ont causés. Ce que j'entrevois, c'est que l'on fasse des Evaluations des incidences environnementales pour quel que type de travail que ce soit, qui sera fait chez nous, surtout lorsqu'une entreprise quitte la ville dès qu'elle a terminé ses travaux. C'est l'une de mes recommandations.

Le président: Monsieur Gilmour, vous avez une question.

M. Gilmour: Au sujet des sites du réseau d'alerte avancé, savez-vous s'il y a une entente avec les États-Unis, ou s'il faut négocier cela? Est-ce strictement un problème canadien? Que savez-vous à ce sujet?

M. Kunuk: D'après ce qu'on m'a dit, les différentes organisations dont j'ai parlé, aux niveaux municipal et régional, ont conclu des ententes de partenariat avec la société Frontec Logistics Corporation. Ces groupes l'ont crée pour décrocher des contrats de nettoyage des sites du réseau d'alerte avancé. En fait, d'après ce que j'ai appris lors de mes entretiens téléphoniques avec Joe, à Ottawa, il y a deux ou trois semaines et au début mars, on fait des pieds et des mains pour permettre aux sociétés inuit d'être parties à ces contrats; notre peuple peut participer. Pour ce qui est des autres détails, je ne sais pas trop. Je suis au courant des initiatives dont ont parlé les diverses sociétés.

M. Rasmussen: Voici deux volumes; il y en a un autre aussi épais. Nous avons reçu cela vendredi dernier. C'est du moins la première fois que je l'ai vu. Depuis, je m'efforce de le lire. Je ne suis pas certain, Andy me reprendra peut-être, mais je crois comprendre qu'après le départ de l'armée américaine, la responsabilité des lieux a été confiée au MAINC, soit le ministère des Affaires indiennes et du Nord; c'est maintenant lui le responsable des dégâts que nous ont laissés les militaires américains. C'est ce que j'ai compris. L'armée américaine n'a plus aucune responsabilité.

M. DeVillers: En réponse à la question de M. Gilmour, je crois que les témoins de la Défense nationale et du MAINC ont reconnu que c'est maintenant un problème canadien. Quelle que soit l'entente avec les Forces armées américaines, c'est maintenant notre problème et c'est ainsi qu'on s'organise.

M. Adams: Tout d'abord, j'ai une suggestion au sujet de votre bassin de stabilisation des eaux usées. On m'a suggéré que vous utilisiez un règlement spécial en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches. Cela vous permettrait de préciser exactement ce qui peut aller dans les bassins et, plus particulièrement, là où il y a du poisson. Reste à savoir qui paiera la note, mais c'est une suggestion.

.2020

Ceci m'amène à ma question, puisque vous avez tous deux dit que les circonstances environnementales, ici, dans le Nord, sont très particulières. Mais il y a autre chose qui vous distingue: votre collectivité est l'une des plus grandes des 200 ou 300 localités qui se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, en Alaska; il y en a quelques autres, je crois, en Sibérie. Ce sont de petites communautés. Toutes sont confrontées aux mêmes difficiles conditions environnementales et à des types de pollution particuliers. Je reviens à ce que je disais précédemment, votre expérience en tant que collectivité est certainement précieuse pour les autres.

Voici ma question: au niveau international, Iqaluit a-t-elle des relations avec d'autres collectivités, en Alaska, par exemple, ou ailleurs dans le Nord, qui permettent en tant que conseil de partager vos expériences municipales?

M. Kunuk: Oui, monsieur le président. D'ailleurs, notre collectivité d'Iqaluit est jumelée avec celle de Siuimuit, au Groenland. L'accord a été signé en 1987. Au début, il y a eu des activités mais, dernièrement, il y en avait très peu, jusqu'à la semaine dernière. En 1989 ou en 1990, le chef du gouvernement territorial a signé un accord avec le premier ministre du Groenland, afin de partager des renseignements sur l'environnement, sur le développement du territoire, sur les industries et divers secteurs d'activités gouvernementales. Malheureusement, cet accord ne sert pas depuis quelques années.

En discutant avec le président de la Conférence circumpolaire inuit, Caleb Pungowji, qui était ici en février, nous avons parlé du partage d'information entre notre communauté et celle de Nome, en Alaska, étant donné que nous avons à peu près la même latitude et d'autres similitudes. En février, des délégués de la Tchécoslovaquie, de la Russie et d'ailleurs se sont montrés intéressés par les activités de notre comunauté. Il m'ont encouragé à visiter la leur en ma qualité de maire, pour voir ce qui se passait chez eux.

Il y a donc eu des discussions. Des accords officiels ont été signés, mais ils n'ont malheureusement pas servi. Du 28 avril au 1er mai, nous recevions l'Association des municipalités des Territoires du Nord-Ouest. Tous les maires et principaux administrateurs étaient ici. Nous en avons profité pour parler des activités de nos communautés, du contrôle des chiens, des égouts, des stations de pompage, de l'approvisionnement en eau et de l'entretien des routes. C'est avec nos propres ressources que nous avons mis sur pied ce forum. Je pense que ce genre d'activité devrait être repris avec d'autres pays; cela serait très avantageux. Dans ces occasions, on a des échanges au sujet de nos propres expériences, au lieu de se taper des rapports comme celui-ci...

M. Adams: Vous pouvez tirer un enseignement de vos erreurs autant que de vos réussites.

M. Kunuk: Oui.

M. Lincoln: Vous avez parlé de quatre recommandations dont trois se rapportent à notre travail actuel. Nous vous en remercions. Il s'agit de vos recommandations relatives à la réglementation, à l'application de la loi et à l'inversion du fardeau de de la preuve.

La quatrième recommandation est particulièrement intéressante. Vous avez parlé d'accords internationaux relatifs aux procédés et à la production industriels. D'ailleurs, c'est l'un des grands problèmes des pays de l'OCDE: les méthodes de production. Heureusement, beaucoup de nos organisations internationales sont dotées d'un comité consultatif commercial international qui se penche sur ces questions. Les gens qui en font partie proviennent des régions industrielles et ne songent jamais à demander la participation des gens des régions «victimes». Je me demande si vous, ou votre chambre de commerce, ne pourriez pas écrire au ministre du Commerce international pour demander à combler une vacance éventuelle à ce comité. Il me semble en effet que des gens comme vous pourriez contribuer beaucoup à ces ces travaux. Les gens qui y participent actuellement proviennent des régions industrielles. Ils ne comprennent pas aussi bien parce qu'ils ne sont pas victimes de la même façon que vous. Vos préoccupations ne sont donc pas exprimées. Pour eux, la pollution fait partie de leur vie: il y a les usines, l'industrie et la pollution. Ici, il s'agit de conditions particulières: la polllution vous vient de partout ailleurs dans le monde. Je pense que vous pourriez influencer beaucoup ces discussions.

Je voulais simplement vous faire cette suggestion.

.2025

Le président: Merci beaucoup, M. le maire et M. Rasmussen: vos interventions ont été très intéressantes.

M. Kunuk: Monsieur le président, il me reste une dernière remarque à faire. J'ai donné certains... [Inaudible - Éditeur]

[Français]

Mme Guay: J'aimerais, si c'est possible, qu'on tienne le Comité au courant de ce qui va se passer...

[Inaudible] ...américaine.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous que cela figure au compte rendu?

M. Kunuk: Je vais le faire par l'intermédiaire de M. Radford. Je vais obtenir de lui cette information, afin que nous puissions tenir régulièrement le comité au courant.

Le président: C'est très bien, et encore une fois, merci.

Nous allons maintenant inviter les autres témoins à prendre place, à savoir que M. Whit Fraser, président de la Commission canadienne des Affaires polaires, accompagné de Eva Arreak ainsi que de M. Bruce Rigby, de l'Institut des sciences des Territoires du Nord-Ouest-Est.

M. Whit Fraser (président, Commission canadienne des Affaires polaires): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis accompagné ce soir d'Eva Arreak, résidente d'Igaluit, ainsi que d'un membre de notre conseil d'administration. Madame Arreak et moi-même nous partagerons la lecture de l'exposé, moi aussi bien que possible en anglais, et Eva voudrait s'exprimer, en partie du moins, dans sa propre langue, persuadée que le comité a prévu pour ce soir l'interprétation de l'Inuktitut.

Au nom des autres membres de la Commission je voudrais vous présenter nos félicitations pour votre décision de visiter le Nord pour vous renseigner, de première main, sur les préoccupations des résidents de cette région. Il n'y a que trop longtemps qu'un grand nombre de décisions qui concernent cette région du Canada ont été prises par des personnes qui n'y avaient jamais mis les pieds ou qui n'avaient jamais dépassé la ligne d'arborescence, mais heureusement il n'en est plus ainsi, ce qui ne peut être qu'à l'avantage des habitants du Nord ainsi que tous les Canadiens.

Je voudrais également vous remercier de me permettre de prendre la parole aujourd'hui, parce que ce qui constitue un problème crucial dans le Nord, et c'est un problème qui intéresse au plus haut chef la Commission canadienne des Affaires polaires, à savoir la protection de l'environnement.

Comme beaucoup d'entre vous le savent, la Commission canadienne des Affaires polaires a été fondée par le Parlement il y a quatre ans pour suivre de près les efforts du Canada en matière de recherche polaire et pour encourager l'approfondissement des connaissances sur cette région, qui comprend également l'Arctique et l'Antarctique. La Commission se considère comme un organisme authentiquement national qui représente les intérêts des Canadiens du Nord et du Sud. Parmi nos membres nous comptons des gens de l'Arctique de l'Est, du Centre et de l'Ouest ainsi que du Québec, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, et nos bureaux régionaux se trouvent à Yellowknife et à Kuujjuaq, dans le Nord du Québec.

Loin de nous l'intention, aujourd'hui, de nous attacher à des questions purement locales dont il a été beaucoup question ces dernières heures. Vous tiendrez certainement compte de ces opinions dans votre examen. Notre but, en comparaissant devant votre comité, est de vous parler brièvement des sciences polaires et du rôle crucial qu'elles jouent dans la gestion de l'environnement, dans sa protection, et bien entendu, dans sa législation.

.2030

Mme Eva Arreak (membre, conseil d'administration, Commission canadienne des affaires polaires) (Interprétation): Vous avez souvent dû l'entendre, mais il n'est pas superflu de répéter que l'Arctique est réellement une région distincte de notre pays.

En milieu polaire les problèmes, les processus et le milieu culturel sont profondément différents et c'est pourquoi nous devons aussi envisager sous un autre angle la protection de notre environnement.

Il est juste de dire que l'Arctique canadien n'a pas en à subir de front l'impact de la révolution industrielle et des problèmes qu'elle a entraînés. Il n'en reste pas moins qu'une maigre population éparse, d'énormes distances et un réseau routier limité se sont liés pour limiter la possibilité que de grandes entreprises manufacturières ou de traitement ne s'installent dans la région. Le Nord a toutefois constitué un centre important pour l'exploitation des mines, du pétrole et du gaz ainsi que pour les activités liées à la défense, tel que le réseau d'alerte avancé du Nord, les essais de missiles de croisière et la formation au vol a faible altitude.

L'Arctique n'a pas subi, au même degré que d'autres régions ou parties du Nord circompolaire, un développement industriel générateur de pollution, ce qui est réconfortant, dans une certaine mesure, en particulier si l'on tient compte du potentiel de dégâts causés à l'environnement. Ces constatations ne devraient toutefois pas nous remplir d'aise quand on en vient à examiner les questions de protection de l'environnement et de conservation des ressources. Nous avons en effet, dans le Nord, la possibilité de redresser nos erreurs et de minimiser l'impact des activités humaines grâce à une politique de développement durable et nous devrions en profiter pour préserver cette région et ses ressources pour les générations à venir. Autrement dit, dans l'Arctique nous avons encore une chance de partir du bon pied.

Mais ce qui devrait nous inciter à la plus grande vigilance, c'est la nature même de cette région qui, d'après des faits qui se sont récemment avérés, sert en quelque sorte de bassin pour les polluants du monde entier. Transportés vers le Nord par l'air, par les courants marins et par les cours d'eau, les produits chimiques toxiques des régions éloignées du globe affluent vers le bassin de l'Arctique où les températures très basses, la calotte glacière et les faibles niveaux de radiation solaire leur empêchent de se dissiper et de se décomposer. C'est là une différence marquée avec d'autres régions, où les processus naturels atténuent l'impact des polluants.

Dans la région de l'Arctique, la chaîne alimentaire est courte, rendant d'autant plus graves les effets des substances toxiques. L'impact sur les sociétés humaines, en particulier sur celles qui dépendent, pour une grande partie de leur régime alimentaire, de la chasse, est également beaucoup plus profond.

Outre les processus naturels le fait que l'Arctique paraît éloigné a eu tendance à aggraver les problèmes de l'environnement.

Jusqu'à récemment, on a toléré que les emplacements industriels et les installations militaires soient simplement abandonnés ou que le matériel et l'équipement soient immergés dans l'océan Arctique. Le crédo en matière de gestion de l'environnement semble avoir été: «Loin des yeux, loin du coeur».

.2035

On peut voir à présent les répercussions de cette politique d'un bout à l'autre de l'Arctique. Et c'est peut-être dans le Nord de la Russie que l'on trouve les cas les plus extrêmes puisque des réacteurs nucléaires et toute une variété de produits toxiques ont été régulièrement déversés en mer. Je vous remercie.

M. Fraser: Merci, Eva.

Monsieur le président, à propos de la mesure législative, je me permettrais de vous faire certaines suggestions. Tout d'abord, la Commission canadienne des Affaires polaires estime évidemment que la LCPE devrait être une loi de portée nationale, qu'il faut faire des efforts pour harmoniser les différents régimes de protection environnementale en vigueur un peu partout au Canada et, plus important encore, ces efforts doivent englober les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon. En outre, il faut reconnaître, dans la LCPE, la place importante qu'occupe la protection environnementale dans le travail des structures mises en place à la suite de revendications foncières et dans la législation des gouvernements autonomes.

Deuxièmement, nous estimons que la Loi devrait être modifiée pour que le développement durable devienne un principe directeur dans l'établissement des programmes. On devrait également y reconnaître que le développement durable fait intimement partie des approches traditionnelles en matière d'environnement et que la protection écologique et les connaissances autochtones en la matière peuvent utilement servir dans l'élaboration des régimes de protection environnementale.

Pour ce qui est des besoins en matière de recherche, il faudrait que l'on reconnaisse plus explicitement, dans la LCPE, l'importance des sciences. Évidemment la Loi canadienne sur la protection de l'environnement est l'une des plus importantes loi fédérale concernant la recherche scientifique dans le domaine des substances toxiques. Tout le régime législatif de la LCPE repose sur le principe selon lequel la recherche scientifique peut permettre de dresser certains constats à propos de substances qui nous inquiètent, pour savoir si elles sont effectivement toxiques, si elles sont émanantes, si elles s'accumulent dans l'environnement ou encore si elles ont des effets sur la vie végétale ou la santé des êtres humains ou des animaux.

Donc, en vertu de cette loi, je pense que le gouvernement du Canada a le devoir d'assurer la recherche scientifique dans le domaine des substances toxiques et leur présence dans l'environnement. De plus, la Loi devrait exiger que l'on recueille encore plus de données sur les substances toxiques, qui sont importantes pour la recherche scientifique, et que l'on améliore l'accès du public à ces données.

À la Commission canadienne des Affaires polaires, nous croyons également qu'il faudrait établir un vaste réseau de surveillance dans l'Arctique. Celui-ci permettrait d'enregistrer l'origine, la répartition et les niveaux des polluants qui émanent de l'étranger et qui sont transportés sur de longues distances jusque dans l'Arctique. Nous estimons que c'est une chose très importante qu'il nous faudra faire dans l'avenir.

Nous croyons aussi qu'il importe par ailleurs de mesurer l'étendue et le type de pollution d'origine canadienne. À cet égard, je crois qu'il conviendrait tout à fait d'inclure les substances particulièrement préoccupantes dans les régions polaires dans le Répertoire national des rejets de polluants, le RNRP. On y trouverait ainsi les produits chimiques destructeurs d'ozone, les gaz à effet de serre, les pesticides et autres polluants. La Commission serait bien sûr plus que disposée à travailler de concert avec d'autres ministères et organismes à la diffusion des données du RNRP ainsi que d'autres renseignements dans le cadre d'un répertoire national de données sur la région polaire que nous sommes en train de nous efforcer d'élaborer.

Nous recommandons également l'adoption d'un registre électronique public de tous les renseignements contenus dans le répertoire, ce qui permettrait d'augmenter énormément les ressources dont disposent actuellement les scientifiques de l'Arctique ainsi que les autres chercheurs au Canada. Par ailleurs, monsieur le président, je pense que l'Arctique serait un point de départ idéal pour ce genre d'entreprise.

Il faudrait également songer à la création d'un répertoire électronique des sites contaminés dans le Nord. Une telle base de données incluerait des renseignements sur la nature de la contamination, si celle-ci est connue, sur sa source, sur la responsabilité juridique, sur le calendrier des opérations de dépollution et sur tous les autres instruments pertinents, comme les ordonnances de dépollution ou les permis d'utilisation des eaux. Tout cela pourrait être fait parallèlement au répertoire national des rejets de polluants.

.2040

Il y a un grand nombre de questions que notre Commission souhaiterait aborder en matière d'environnement de l'Arctique, mais nous laisserons un message très simple au comité: il ne peut y avoir de régime environnemental efficace en l'absence d'un programme national de recherche scientifique. À un moment donné, toutes les paroles que nous pourrons prononcer seront futiles si elles ne trouvent pas un prolongement pratique sous la forme de laboratoires, de stations expérimentales bien équipées, d'un soutien logistique et d'une formationa scientifique. Nous devons nous intéresser aux détails pratiques de la science.

Donc, notre message est clair: Notre capacité de protéger l'environnement dépend de notre connaissance de l'environnement et notre maîtrise de la science polaire est finalement ce qui compte par dessus tout.

Permettez-moi de vous citer un exemple. La Commission a proposé la création d'une station de recherche marine dans l'Arctique. Certains, surtout dans cette époque d'austerité et de compressions budgétaires, pourront estimer qu'il s'agit-là d'un luxe ou de superflu, mais je vous garantis que ce n'est pas le cas. Une telle station est essentielle si nous voulons comprendre l'écosystème marin de l'Arctique. C'est que la connaissance que nous possédons actuellement de l'écosystème de base et du fonctionnement de la chaîne alimentaire dans le Nord laisse beaucoup à désirer. Prétendre que nous pourrions concevoir des règlements et des mécanismes d'application de ces règlements qui soient valables, serait non seulement irréaliste mais également dangereux, compte tenu de nos lacunes.

Quand je parle de danger, je pèse mes mots. Je crois effectivement qu'il y a danger. Dans les communautés autochtones du Nord, des gens se sont fait dire qu'ils ne pouvaient pas manger certaines parties de certaines espèces de poisson ou de certains animaux. Et pourtant ils habitent dans une région où les gens doivent tous les jours décider ce qu'ils mettront dans leur assiette, parce que la plupart des résidents du Nord dépendent, pour leur subsistance, de ce que leur donnera la terre et les animaux qu'elle porte. C'est là une réalité du Nord.

Je ne peux m'empêcher de me demander comment les députés réagiraient, et comment les autres Canadiens réagiraient également si on leur donnait régulièrement des consignes du même genre à propos des fruits de la Colombie-Britannique, du boeuf de l'Alberta, des céréales de l'Ouest, de la volaille de l'Ontario, des produits laitiers du Québec, des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard, des homards des Maritimes ou du turbot de Terre-Neuve, puisqu'il n'y a plus de morues là-bas. J'imagine d'ici le tollé national que cela provoquerait. Je me demande aussi à quoi ressembleraient alors de telles audiences.

Cela ne veut pas dire qu'il ne se passe rien. En fait, je crois qu'il se passe beaucoup de choses. Je pense qu'un grand nombre de fonctionnaires travaillant dans les ministères et les organismes fédéraux, de même que beaucoup de chercheurs dévoués font de leur mieux dans une situation très difficile.

Dans son rapport intitulé Health of Our Oceans, voici ce que dit Environnement Canada:

On sait déjà tout cela et il en est déjà question dans le rapport Health of Our Oceans d'Environnement Canada. Ce n'est donc pas comme si l'on ne comprenait pas ce qui se passe ou si l'on ignorait les défis auxquels nous sommes confrontés.

Le language peut paraître abscon, mais on ne saurait douter de la gravité de la situation. En l'absence de données scientifiques solides on a eu tendance à négliger la simple prudence et donc à risquer une catastrophe environnementale. Voilà pourquoi les déversements dans l'océan et les sanctions dont ils font l'objet dans la loi nous préoccupent tant. Il n'est pas possible de prédire avec une relative certitude l'incidence qu'aura une telle activité sur l'océan Arctique et sur l'écosystème fragile qu'il abrite.

Pour vous donner un autre exemple, je vous parlerai de l'Étude du plateau continental polaire qui a été la pierre angulaire de la recherche canadienne dans l'Arctique depuis son adoption par le Parlement, en 1958. Ce projet a permis d'assurer le soutien logistique, le transport et le logement sur place des scientifiques Canadiens conduisant des recherches dans le haut Arctique et il a contribué de façon inestimable à l'amélioration de nos connaissances sur cette région.

.2045

Cependant, à la suite du récent budget fédéral, le financement de l'étude du plateau polaire a été considérablement réduit au point qu'un grand nombre d'emplacements de recherches importants dans le haut-Arctique seront maintenant inaccessibles à un grand nombre de chercheurs dont certains ont consacré leur vie entière à la recherche polaire.

La science polaire n'a rien à voir avec la science pour la science; elle est vitale et lourde de conséquences à long terme aux échelons local, régional, national et planétaire. Il faut la financer et la maintenir.

Notre réflexion en matière de conservation et de protection environnementale, est fondée sur l'hypothèse que nous possédons une connaissance suffisante de l'environnement, des effets des substances toxiques sur les chaînes alimentaires dans l'Arctique, du cheminement des produits chimiques dans les écosystèmes régionaux et de leurs effets à long terme sur les populations humaine et faunique. Et pourtant, tel n'est pas le cas et certainement pas dans le nord. De plus, je soupçonne fortement que ce ne soit pas non plus le cas dans les autres régions. Non seulement manquons-nous de connaissances scientifiques suffisantes sur les effets de la pollution, mais nous manquons aussi de connaissances fondamentales sur le fonctionnement des écosystèmes de l'Arctique.

Voilà pour les mauvaises nouvelles. Je crois cependant qu'il y a quelques bonnes nouvelles, le fait notamment que nous possédons une vaste connaissance de ce qui se passe dans le nord et dans les autres régions de l'Arctique. Certaines espèces fauniques, comme le caribou, l'ours polaire, certains mammifères marins et certaines espèces de sauvagines ont fait l'objet de recherches poussées au fil des ans. Nous effectons à présent d'excellentes recherches dans le cadre de la Stratégie fédérale pour l'environnement arctique. De plus, il convient de signaler un certain nombre de programmes scientifiques importants axés sur l'étude de phénomènes planétaires, comme les changements climatiques et l'appauvissement de la couche d'ozone et dans des domaines spécialisés comme la glaciologie et le pergélisol.

Toutefois, même si l'information existe dans certains domaines, elle n'est tout simplement pas accessible au chercheur moyen. À cet égard, la commission a travaillé à l'élaboration d'un répertoire national de données sur la région polaire qui pourrait tenir de collecteur de données en provenance d'une multitude de source.

Eva, est-ce que vous voulez conclure?

Mme Arreak: À l'examen de certains des témoignages entendus par le comité ces derniers mois, les membres de la commission ont été frappés de constater à quel point le lien entre la science et la politique environnementale peut sembler ténu. Si nous voulons nous doter d'un régime de protection environnementale qui soit efficace, nous devons pouvoir nous appuyer sur un solide programme scientifique. Or, pour disposer d'un programme scientifique polaire de qualité, le gouvernement fédéral doit s'engager comme nous l'invitons à le faire.

La commission s'efforce de régler tous ces problèmes. Nous faisons face à une tâche phénoménale. Nous recommandons au gouvernement de rédiger un document d'orientation en matière de science et de technologie polaires. Nous voulons que le gouvernement s'engage clairement vis-à-vis de la recherche polaire. Nous l'exhortons à mettre sur pied un conseil fédéral inter-ministériel sur la science polaire et nous travaillons en étroite collaboration avec tous les chercheurs du pays à cet égard.

La conférence sur le Canada et la science polaire, que nous avons organisée à Yellowknife l'année dernière, a été l'une des premières du genre à permettre de rassembler des chercheurs représentant une multitude de disciplines pour les amener à se pencher sur la situation globale de la science polaire.

Pour conclure, monsieur le président, je tiens à remercier le comité de nous avoir donné l'occasion d'expoer le point de vue de la commission et de réitérer à quel point il convient de tenir compte des circonstances et des besoins particuliers auxquels est confrontée la région de l'Arctique canadien lorsqu'on rédige les modifications à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.

Le président: Merci, monsieur Fraser et, madame Arreak.

Monsieur Rigby, voulez-vous nous lire votre exposé maintenant?

M. Bruce Rigby (directeur général, Science Institute of the Northwest Territories East): Merci.

Nous attendons l'officialisation de notre nouveau nom en Science Institut in Nunavut (Institut de science de Nunavut) ce qui, nous l'espérons, ne devrait tarder. Je me propose, pour les députés qui ne connaissent pas bien l'Institut de science, de vous en donner un bref aperçu.

Le Science Institute of the Northwest Territories a été créé par l'Assemblée législative en 1984. Son mandat est d'améliorer la qualité de vie des résidents des Territoires du Nord-Ouest par la mise en oeuvre des connaissances de nature scientifique, technique et autochtone pour résoudre les problèmes dans le nord et favoriser la réalisation de nos objectifs sociaux et économiques.

Les travaux de recherche dans les Territoires du Nord-Ouest portent sur les connaissances des indigènes tout autant que sur les sciences physique, sociale et biologique. Plusieurs responsabilités incombent à l'institut: l'agrément et la coordination de la recherche en vertu de la Northwest Territories Scientists Act; la promotion de la communication entre les scientifiques et les membres des différentes collectivités, dans le cadre et en marge de leur travail; la sensibilisation du public à l'importance des connaissances scientifiques, technologiques et indigènes; le parrainage d'un traité scientifique inter-TNO reconnaissant les connaissances traditionnelles des peuples autochtones du nord; la diffusion des connaissances scientifiques à l'ensemble des résidents des TNO; le financement ou la conduite de la recherche contribuant à la prospérité sociale, culturelle et économique des résidents des TNO.

.2050

Le 1er janvier de cette année, par une loi de l'assemblée législative, l'Institut des sciences a été divisé en deux en préparation de la partition des Territoires du Nord-Ouest, d'où la qualification géographique du nom de l'Institut en est et ouest. Personnellement, je m'occupe de tout ce qui concerne la région géographique maintenant définie sous le vocable de Nunavut.

L'autre aspect de la loi du 1er janvier 1995 était la fusion de l'Institut des sciences avec ce que l'on appelle à présent le Collège arctique de Nunavut, qui s'étend en fait à l'ensemble du territoire de Nunavut et qui se consacre, conformément à son mandat, à former les résidents du Nord pour qu'ils prennent une part plus active dans la main-d'oeuvre dans le Nord et dans l'économie du Nord. Voilà, j'en ai terminé avec cet aperçu.

Au risque de reprendre certaines remarques précédemment formulées par mes collègues, je m'attarderai plus particulièrement ce soir à l'article 7 de la loi, tel qu'il est actuellement proposé. Il y a surtout quatre aspects que j'aimerais aborder brièvement.

Tout d'abord, comme M. Fraser l'a souligné plus tôt, il faut promouvoir la recherche de qualité dans le territoire de Nunavut, dans le Nord, pour qu'on puisse disposer des bases et des renseignements nécessaires à la mise en place de la loi. J'aimerais insister sur le fait qu'il faudrait faire participer les résidents du Nord au genre de recherches que l'on peut enterprendre ici, et que celles-ci devraient raisonnablement s'appuyer sur les connaissances traditionelles, écologiques et environnementles et qu'elles devraient consister à opérer un recoupement entre ce que l'on appelle les sciences pratiques et les connaissances traditionnelles.

Il a également été souvent question, dans les témoignages d'aujourd'hui, de l'harmonisation du travail actuellement effectué dans le Nord. Plusieurs personnes, cet après-midi, nous ont cité des exemples où les gens suivaient des orientations différentes et si je me rappelle bien, M. Kovic, dans son exposé, a parlé de sa «boîte de lemmings».

C'est là une chose qui préoccupe bien des personnes depuis des années et je crois que M. Fraser a d'ailleurs souligné la nécessité de coordonner ce genre de renseignements. C'est d'ailleurs très important si nous voulons faire des progrès dans la mise en oeuvre de cette loi.

L'un des dossiers auxquels l'Institut a participé, en collaboration avec Enrivonnement Canada, est la mise sur pied de ce que l'on appelle les coopératives en sciences écologiques. Il est tout à fait évident, à cause des contraintes budgétaires auxquelles nous faisons tous face à présent, que les fonds destinés à la recherche seront limités. Reste à savoir comment nous pourrons utiliser ces fonds pour en tirer le meilleur rendement possible.

Les gens d'Environnement Canada, qui font partie du réseau de surveillance écologique, envisagent d'établir des centres en sciences écologiques un peu partout au pays, centres qui seraient rattachés à des régions géographiques ou à des régions écologiques. C'est un peu difficile à faire dans le Nord parce que, comme vous le savez, Nunavut est une région géographique assez vaste qui ne comporte pas, à proprement parler, de subdivisions territoriales.

Forts de ce constat, nous avons tenu plusieurs ateliers auxquels ont participé des représentants du palier fédéral et de groupes de revendications foncières pour voir comment on pourrait envisager un rôle coordonné en matière de recherche relativement à la définition des conditions de surveillance de base...

[Inaudible - Éditeur] ...la recherche et la préparation des comptes rendus de recherche en vue de répondre aux questions comme celles qui sont soulevées et qui ont trait à la loi.

J'ai apporté quelques copies des procès-verbaux de la dernière réunion à l'occasion de laquelle on a fait certaines suggestions. On a entre autres essayé d'harmoniser le travail en cours dans le Nord dans le domaine de l'écologie.

En regard de l'article 7 et d'autres articles de la loi se pose toute la question de l'information et de la circulation de l'information auprès du public. Comme vous le savez, nous travaillons ici dans un milieu multilingue, au contact de gens qui n'ont pas tous le même niveau d'instruction et qui ne possèdent pas tous la même connaissance des problèmes scientifiques.

Plus tôt, deux ou trois intervenants vous ont parlé de la façon dont l'information circulait dans le Nord et dont les choses parviennent dans les collectivités. Cet aspect préoccupe aussi l'Institut.

.2055

L'une des choses importantes que nous voulons porter à l'attention du comité, c'est que l'information communiquée aux collectivités devrait être transmise sous une forme qui puisse être facilement acceptée par les communautés et intégrée dans leurs structures. Trop souvent, on nous dit que nous devrions simplifier les renseignements destinés aux résidents du Nord ou aux peuple autochtones. Mais ce n'est pas une question de simplification, parce que je crois qu'on fait la confusion ici entre traduction et traduction littérale.

Il est rare que les concepts contenus dans la loi soient parfaitement maîtrisés au sein de nos collectivités. Donc, je recommande qu'on communique cette information sous une forme que les gens puissent facilement intégrer et utiliser.

Et puis, il y a un autre mécanisme qui pourrait être utile au comité pour faire circuler l'information, je veux parler de la télévision dans le Nord, le TVNC ou Television Northern Canada. Un grand nombre des résidents de notre région utilisent à profusion la vidéo pour apprendre ou effectuer d'autres activités. C'est peut-être là un outil par lequel nous pourrions faire circuler l'information auprès du plus grand nombre, à un coût réduit. Le pire qui puisse arriver, c'est que les trousses d'information préparées pour expliquer la loi parviennent dans les collectivités ou demeurent sur les plaquettes ou se retrouvent dans les poubelles des bureaux de poste. Le cas échéant, tout cela ne sert plus à rien.

S'agissant d'information, comme l'a souligné M. Fraser, l'un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés est celui de la coordination des renseignements existants ou des recherches en cours de sorte à dégager une orientation sur les plans de la science et de la recherche en regard des travaux de surveillance découlant de la loi. Il convient de déployer un effort maîtrisé, coordonné pour que les résultats des recherches puissent être partagés avec d'autres.

L'Institut des sciences vient juste, à l'instar d'autres organismes, d'envisager des façons de faire en sorte que le processus soit plus opportun et beaucoup plus efficace. Nous espérons que, d'ici l'automne, l'Institut sera raccordé à un serveur Internet avec accès au réseau international, grâce auquel tout le monde pourra nous contacter, à Nunavut et dans le monde, pour obtenir des renseignements scientifiques et se tenir au courant des recherches conduites à Nunavut.

Pour l'heure, l'Institut travaille en collaboration avec les conseils scolaires pour chercher des façons de faire circuler cette information au sein de la population, par le biais des écoles. De concert avec le Conseil d'éducation de Baffin, nous sommes en train d'élaborer un système baptisé Takujaksat, version pour étudiants d'Internet grâce à laquelle les élèves peuvent faire circuler des informations entre leurs écoles et les petites collectivités de la région en ayant simplement recours à une ligne de téléphone et à un ordinateur à l'école.

Nous sommes en présence d'un grand nombre de solutions possibles auxquelles le comité, je pense, pourrait s'intéresser en ce qui a trait à la mise en oeuvre de la loi. Il devrait en découler une plus grande information du public. On pourrait espérer alors faire directement le lien avec la loi.

Pour terminer, monsieur le président, en ce qui concerne la mise en oeuvre de la loi et le travail qui se déroule actuellement dans le Nord, j'aimerais que l'on envisage de donner l'occasion aux résidents du Nord de se former à l'application des résultats de recherche ou à la participation aux travaux de recherche. Nous avons la chance d'avoir une population qui s'intéresse beaucoup à l'environnement et à sa conservation. Dans le Nord, formation et information vont de pair.

Merci de l'occasion que vous venez de me donner.

Le président: Merci, monsieur Rigby.

[Français]

Mme Guay: Je n'ai pas vraiment de questions à poser parce que vous avez fait le tour de toute la problématique au plan environnemental en Arctique. Le Comité a bien fait de venir voir ce qui se produisait sur place.

Il sera important qu'on essaie d'harmoniser nos recherches et qu'on s'en serve positivement. Il faut tenir compte du fait qu'on n'a peut-être pas les moyens qu'on a déjà eus au gouvernement, mais je pense qu'on est capables de faire tout de même un beau travail avec toutes les recherches qui existent déjà et en se servant des outils qui sont en place. Ce fut très intéressant. On est allés chercher beaucoup d'information dans ce que vous nous avez apporté. Je vous remercie.

.2100

[Traduction]

M. O'Brien (London - Middlesex): Merci, monsieur le président. Moi aussi j'ai apprécié les renseignements fournis par les témoins.

Je vais répéter la question que j'ai posée à d'autres témoins cet après-midi. Je pense d'ailleurs que vos remarques ont trait au même sujet. Je voudrais que vous nous parliez de la possibilité d'inclure un article particulier dans la LCPE pour traiter strictement des questions du Nord, des questions de l'Arctique et même d'adopter éventuellement des normes plus strictes étant donné les problèmes que vous avez évoqués au sujet de la chaîne alimentaire.

M. Fraser: Monsieur le président, je commencerai par dire que je serais le tout dernier à m'opposer au fait que l'Arctique finisse par faire l'objet d'un traitement spécial. Je pense même que ce serait une excellente idée.

Il n'y pas très longtemps, j'ai reçu la visite de représentants de M. Tobin, de Pêches et Océans, qui en étaient à leurs travaux préliminaires de préparation de la Loi sur les océans et qui voulaient qu'on leur fasse des recommandations sur ce que cette loi devait contenir relativement à l'Arctique. J'ai insisté sur le fait que quoi qu'ils feraient - et nous sommes entrés dans les détails - en fin de compte, il faudrait que l'océan Arctique fasse l'objet d'un traitement distinct parce qu'il s'agit d'un écosystème distinct. Les problèmes y sont différents parce que l'environnement, la culture et tout le reste y sont différents. J'insiste, vous êtes très certainement sur la bonne voie si vous envisagez d'inclure un article spécial sur l'Arctique dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Ce sera peut-être compliqué mais, au bout du compte, c'est la formule qui devrait s'avérer la plus efficace.

Vous obtiendrez alors automatiquement réponse à la deuxième partie de votre question, à savoir si les normes applicables à l'Arctique devraient ou non être plus strictes. Si l'Arctique est différent, alors par définition, les normes doivent être plus strictes. Bien sûr, à cause des distances et d'autres circonstances, il peut y avoir certains secteurs où elles n'auront pas à être aussi strictes. Mais c'est là un jugement que nous devrons porter le moment venu. Mais il est certain que je suis tout à fait favorable au fait que l'on accorde à l'Arctique l'attention particulière dont il a tant besoin.

M. O'Brien: Ma deuxième question concerne votre remarque, fort à propos, au sujet de la traduction et de la traduction littérale. Quand on essaie de communiquer effectivement dans une langue, la traduction littérale ne suffit pas. On s'en rend bien compte entre nos deux langues officielles, le français et l'anglais. Une simple traduction littérale ne permet pas toujours de communiquer le sens voulu. Tout à l'heure, vous nous avez dit que ce phénomène se trouve accentué quand on essaie de traduire un texte dans une des langues autochtones pratiquées dans l'Arctique.

Je me demande si cela est faisable, mais devrions-nous alors préparer une version de la LCPE qui soit adaptée aux langues du Nord? Est-ce c'est qu'il faudrait le faire pour toute la loi ou juste pour la partie concernant l'Arctique, si nous finissons par adopter un article spécial?

M. Fraser: Je vous encouragerai, pour le moins - et je me rappelle les questions qui ont été posées cet après-midi - à ce que l'article sur l'Arctique soit rédigé de sorte à être compris par les gens de cette région.

Vous savez, je ne parle pas couramment la langue inuktitut, mais je la connais suffisamment pour savoir qu'elle n'est nullement restrictive et que l'Inuit est en mesure de communiquer dans sa propre langue tout ce que nous véhiculons en anglais. Je vais laisser Eva prendre le relais, mais personnellement, je ne pense pas que vous éprouviez quelque difficulté que ce soit à faire traduire quelque chose en langue inuktitut.

Mme Arreak: Je suis d'accord, Whit. Même si nous ne possédons pas forcément tout le vocabulaire scientifique que vous avez en anglais ou en français, nous pouvons interpréter ce qui est écrit en le formulant dans des phrases susceptibles d'être comprises par tout le monde.

M. O'Brien: C'est une question d'idiome et c'est en fait là le sens de ma question, je voulais parler d'une adaptation dans l'idiome des autochtones du Grand Nord.

Mais je crois que vous avez répondu et je vous en remercie.

M. Adams: Monsieur Fraser, madame Arreak, je tiens à abonder dans le sens de certains de vos propos relativement à la recherche fondamentale, à la science de la surveillance. J'estime que c'est là un aspect très important. J'espère que la Commission canadienne des affaires polaires connaîtra du succès dans toutes ses entreprises visant à intégrer ce qu'on appelle la science occidentale à la science traditionnelle.

Pour certains des membres du comité, ce que vous avez dit au sujet de l'étude du plateau continental polaire... c'est un drôle de nom pour un organisme, mais les gens savent qu'il cache l'organisation qui se charge de l'appui aérien pour tous les travaux scientifiques effectués dans le Nord.

.2105

Là où l'on apprend le plus, monsieur le président, c'est lorsqu'on voit quelqu'un qui arrive au Pôle Nord dans le cadre de l'une de ces expéditions ou de quelque chose du genre. Avec l'étude du Plateau continental polaire, on voit souvent un Twin Otter dans le fond. C'est l'une des principales organisations de soutien et c'est très important.

Madame Arreak, vous avec souligné la nature particulière de la situation ici, et ce matin, vous avez dit que Jose Kusugak, qui a été président de Inuit Tunngavik, a insisté sur les océans. Il a aussi parlé, comme vous l'avez fait tous les deux, de la loi envisagée sur les océans. Il a fait remarquer que les Inuit étaient un peuple mince. C'est ce qu'il a dit.

J'ai été très intéressé, monsieur Fraser, par ce que vous avez dit à propos de ce projet de station marine et du rapport que l'on pourrait établir entre cette station et la Loi sur les océans. On nous a dit, vous le savez sans doute, qu'à bien des égards, la Loi sur les pêches est une excellente loi sur le plan de l'environnement, mais il me semble que nous avons trois océans, deux où il y a une industrie de la pêche et l'autre où il n'y en a pas. Pouvez-vous nous donner votre avis sur la Loi sur les océans et sur la station?

M. Fraser: Je voudrais revenir sur ce que vous venez de dire, oui, nous avons trois océans, et dans le troisième, nous n'avons pas de centre d'étude à plein temps, pleinement opérationnel et s'appuyant sur un financement adéquat.

M. Adams a dit que l'Arctique pouvait ne pas être considéré comme un océan où il y a une industrie de la pêche. Je me permets de ne pas être de cet avis parce que je crois que la chaîne alimentaire de l'Arctique est bel et bien considérée comme une pêche par les gens de la mer. La pêche aux phoques dans l'Arctique dépend bien évidemment de l'océan Arctique. Il y a peut-être d'importantes possibilités de pêche dans l'océan Arctique dont nous ne savons rien ou presque, tout simplement parce que nous n'avons pas fait de recherches.

Dans nos travaux, lorsque nous avons essayé de savoir dans quelle mesure une station marine arctique était nécessaire, un spécialiste en biologie marine très connu et très actif nous a dit qu'il avait trouvé, juste au large de la ville de Resolute Bay, des quantités de palourdes considérables et d'une taille jamais vue - des palourdes énormes. Il se demandait s'il serait possible de les pêcher à petite ou même à grande échelle, pour donner une nouvelle source de revenus à la population locale. Mais personne ne sait si l'exploitation commerciale des palourdes risquerait de les détruire parce qu'il leur a fallu 500 ans pour en arriver à ce niveau ou si, au contraire, si l'on commençait à les exploiter, elles deviendraient encore plus productives parce qu'elles sont maintenant dormantes. Personne ne connaît la réponse. Certaines initiatives économiques sont donc peut-être possibles, mais en fait, nous ignorons la réponse, parce qu'il n'y a pas de station de recherche marine dans l'Arctique.

Quelle que soit la raison pour laquelle on envisage la question d'une station marine, que ce soit du point de vue national - pour assurer notre souveraineté, nous devrions avoir une station marine arctique, ne serait-ce que pour l'équilibre national. Elle nous aiderait à connaître le potentiel économique de l'océan. Et, ce qui est peut-être encore plus important, plus que tout le reste, nous pourrions comprendre et réunir les données de recherche et de base nécessaires pour mener à bien toutes études nécessaires sur les polluants et les autres contaminants qui se retrouvent dans les voies d'eau de l'Arctique.

M. Adams: [Inaudible - Éditeur]

De plus, monsieur le président deux autres personnes autochtones qui ont comparu devant notre comité... [Inaudible - Éditeur]

.2110

Les localités du Nord, ici et en Alaska, sont à l'avant-garde pour ce qui est des communications électroniques.

Nous avons beaucoup réfléchi à la possibilité de diffuser par voie électronique les renseignements de la LCPE. Je me demande si vous pourriez nous expliquer rapidement dans quelle mesure l'Internet et les autres moyens de communication électronique sont développés entre les communautés à l'heure actuelle.

M. Rigby: Cela varie beaucoup, mais l'évolution se fait très rapidement, d'autant plus que la Commission de mise en oeuvre de l'accord du Nunavut contribue à faire avancer les choses.

Il y a ce soir une réunion, à laquelle je ne serai pas, sur ce que l'on appelle le NT Net, qui permettrait d'avoir un serveur pour ici et pour les autres communautés. Cela dépend du système de téléphone dans les localités. Mais, comme je l'ai expliqué, il y a une augmentation très rapide, et tout dépend de la rapidité dont on pourra faire preuve à NorthwestTel, je suppose.

En résumé, les gens d'ici sont prêts pour cela. Dans les écoles, les élèves se servent du Takujaksat, qui est un système protégé très simple... Par exemple, l'Institut des sciences a un bulletin sur Takujaksat appelé «Science Info». Si un élève de Clyde River fait un travail sur les requins, ou si un enseignant a besoin de documentation pour son cours, ils peuvent poser la question à Takujaksat et des membres de l'Institut des sciences ou, d'ailleurs, d'autres enseignants ou spécialistes participant au réseau vont leur donner les renseignements dont ils ont besoin.

Le potentiel est donc là et on est prêt à démarrer.

M. Lincoln: Monsieur Fraser, j'ai été très intéressé par certaines de vos recommandations à propos de la LCPE. J'en ai relevé quelques-unes qui me semblent nouvelles et ne nous ont pas encore été présentées: par exemple, élargir le processus d'harmonisation aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon; mettre sur pied un réseau de surveillance de la pollution dans l'Arctique; étendre le RNRP à l'Arctique; établir un inventaire électronique des sites contaminés et améliorer la base de données scientifiques. Je me demandais comment tout cela va être réparti entre les divers intervenants qui deviennent de plus en plus nombreux.

Nous avons le MAINC avec la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, la Loi sur les pêches. Nous avons la LCPE. Nous avons la stratégie fédérale pour l'environnement arctique. Nous avons la stratégie internationale de protection de l'environnement arctique. Il y a le Conseil de l'Arctique qui devrait être mis sur pied - peut-être, si tout va bien. Ensuite, lorsque le Nunavut sera créé, il établira sa propre réglementation environnementale.

Si nous voulons consacrer un chapitre de notre rapport à l'Arctique, nous devons essayer de parvenir à une certaine cohésion, surtout si l'on doit avoir une loi sur les océans.

Je me demande si vous êtes d'accord avec ceux qui voudraient que la LCPE soit le premier instrument national et aussi pour l'Arctique, pour tout ce qui est pollution. Elle régirait le RNRP pour l'Arctique et aussi les sites contaminés et la lutte contre les substances toxiques. Peut-être qu'alors la recherche marine relèverait de la Loi sur les océans.

Il devrait peut-être y avoir une harmonisation qui commencerait par ceux qui vont créer le ministère de l'Environnement du Nunavut, afin qu'il y ait au moins un modèle ici. J'aimerais avoir votre avis sur ce point et sur la façon de coordonner toutes ces activités.

M. Fraser: J'ai beaucoup d'idées à ce sujet. J'essaie de voir comment je pourrais les condenser en quelques minutes plutôt qu'en quelques heures.

Pour ce qui est de savoir si la loi, la LCPE, doit rester assez étroite en ce qui concerne les substances toxiques et s'il faudrait avoir une loi sur les océans séparée, je n'ai pas vraiment d'avis sur cette question.

Le problème pour moi, comme pour la commission, et sans doute pour tous ceux que vous avez entendus, c'est que ce soit fait; faites-le comme bon vous semble, mais pour l'amour du ciel, faites-le; qu'il y ait une loi forte.

.2115

L'essentiel pour nous, c'est que la loi, que ce soit la Loi sur les océans ou la LCPE, nous donne les mécanismes nécessaires pour entreprendre le travail scientifique de base qui doit être réalisé pour pouvoir faire appliquer la loi, la comprendre et lui donner véritablement un sens.

Vous avez eu raison de parler du grand nombre d'intervenants, d'organisations et d'établissements qui sont là maintenant, et il y en aura sans doute encore d'autres. La commission a beaucoup réfléchi à cette question au cours des trois dernières années. En fait, nous nous en sommes beaucoup préoccupés.

Je crois que vous avez sous-estimé, sauf votre respect, la complexité et le nombre des intervenants. Je crois que c'est beaucoup plus élevé. Il y a 20 ministères et organismes fédéraux qui ont participé à un moment ou à un autre aux travaux de recherche polaire. Il n'y a jamais eu de politique fédérale claire et coordonnée sur les objectifs à atteindre dans ce domaine et sur les résultats que l'on veut obtenir grâce aux recherches polaires. Nous ne sommes pas du tout certains, j'ai le regret de le dire, de ce que dépense le Canada en recherche polaire; nous savons simplement que c'est beaucoup d'argent, des centaines de millions de dollars. De plus, nous ne pouvons absolument pas savoir ce que nous retirons de tout cela.

Nous recommandons au gouvernement - nous sommes en train de le faire en ce moment-même, nous voulons lui présenter une politique qui nous paraît claire concernant ce que le pays voudrait retirer de la recherche polaire. L'objectif de cette politique est d'encourager le gouvernement fédéral à établir, soit par le biais du Conseil privé soit dans le cadre d'autres ministères fédéraux, un comité interministériel très haut placé dans la hiérarchie, très responsable, qui coordonnerait l'ensemble des efforts de recherche du fédéral. Si l'on procède ainsi, on devrait pouvoir réaliser des économies importantes sur l'ensemble du processus et demander aux chercheurs sur le terrain de s'attaquer aux problèmes qui ont été soulevés ici aujourd'hui.

D'une certaine façon, malgré toutes les inquiétudes suscitées par les réductions budgétaires, etc., cela a au moins ouvert la porte sur cet examen. C'est pourquoi il pourrait y avoir des retombées très positives. Je voudrais encourager les députés et le comité à insister sur ce point, à montrer qu'il y a beaucoup de choses à faire en même temps. La loi et la législation sont importantes, mais il faut savoir comment on va les faire appliquer et comment l'on va s'assurer que les règlements sont adéquats. Je le répète, la seule façon d'y parvenir, d'après moi, c'est d'adopter une politique claire et cohérente, directement liée à la loi, et de s'en servir comme cadre pour coordonner les efforts des organismes fédéraux et orienter leurs activités afin de s'attaquer aux problèmes et de formuler les priorités.

Mme Kraft Sloan: J'ai vérifié auprès de notre chargé de recherche, François, et il m'a dit qu'il y avait 12 définitions internationales du principe de la prudence, et notre comité essaie d'en choisir une.

Je me demande si vous pourriez nous aider. Quel est le déclencheur? Quand commençons-nous à utiliser cela? Comment la science peut-elle nous aider à mieux comprendre les choses?

Nous étions à une réunion du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, et quelqu'un a dit que les auteurs des politiques semblaient beaucoup discuter du principe de la prudence, mais qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire avant de le mettre en pratique sur le terrain. Je voudrais que vous nous aidiez à élucider la question.

M. Fraser: Je ne peux pas ajouter grand-chose à ce que j'ai déjà dit. Lorsque je parle d'une politique fédérale claire et cohérente, j'entends par là une politique qui préciserait ce que l'on veut réaliser avec ce que l'on dépense, ce que sont nos engagements en ce qui concerne les recherches scientifiques dans l'Arctique, et ce que nous voulons faire.

Nous avons maintenant de sept à 20 politiques et objectifs ministériels divers - peut-être plus. Mais nous n'avons pas de politique nationale et nous ne savons pas très bien ce que nous allons faire à l'échelle nationale dans cette région arctique où habitent tant de gens.

Je ne crois pas vous avoir été très utile, mais je ne suis pas en mesure de répondre à cette question particulière.

.2120

Mme Kraft Sloan: Je veux parler du principe de la prudence. Voulez-vous dire que pour respecter le principe de la prudence, nous devons avoir un mandat clair sur ce que nous voulons faire dans l'Arctique?

M. Fraser: Excusez-moi, mais je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par le principe de la prudence.

Mme Kraft Sloan: Les 12 définitions que nous avons étudiées ne correspondent pas exactement. Fondamentalement, cela veut dire que si l'on n'a pas toutes les données scientifiques, on ne va pas le faire parce que cela risque de nuire à l'environnement. C'est le seuil de déclenchement. Est-ce irréversible? S'agit-il de dégâts majeurs? Malheureusement, je n'ai pas les définitions sous les yeux. C'est très bien de dire que l'on va respecter le principe de la prudence et que l'on va parler des effets néfastes sur l'environnement du point de vue des politiques, mais qu'est-ce que cela signifie pour les scientifiques ou pour ceux qui sont responsables de faire respecter les dispositions et doivent donc avoir quelque chose de pratique et d'utilisable?

M. Fraser: Je ne suis toujours pas en mesure de vous donner une réponse à ce propos. Mais j'ajouterais ceci. Vous parlez du dilemme devant lequel se trouvent actuellement les habitants du Nord. Nous nous heurtons déjà à cette question dans le Nord. Les témoins qui m'ont précédé ont parlé de plusieurs rapports décrivant les différents problèmes. Vous m'avez entendu dire que je m'inquiète lorsque je vois ces rapports dans des communautés où l'on a dit aux habitants qu'ils ne devraient pas manger certaines parties de certains poissons et animaux.

D'un autre côté, on dit aussi aux gens - et c'est là qu'il faut faire chaque jour un choix difficile au moment du repas - qu'il est encore plus dangereux de changer de régime alimentaire en adoptant les habitudes du Sud que de continuer à manger cela. Oui, ces substances se trouvent dans la chaîne alimentaire, mais nous faisons des études et nous continuons à en faire. Personne n'est encore prêt à dire qu'il ne faut plus consommer les aliments traditionnels.

Nous avons tous le même dilemme. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est, mais nous insistons beaucoup là-dessus. Nous devons le faire ensemble. Si les milieux scientifiques se bornent à nous dire qu'il faut intensifier les recherches, installons les stations de surveillance, mettons-les sous le nez des scientifiques et poussons-les jusqu'à ce qu'ils puissent répondre aux questions. Nous sommes frustrés parce que nous non plus, parfois, nous n'arrivons pas à obtenir de réponses à ces questions.

Mme Kraft Sloan: Peut-être que si l'on ne sait pas réparer, il ne faut rien casser.

Un témoin nous a dit que la population du Nord est tellement limitée qu'il est difficile d'avoir des échantillons assez grands pour étudier les effets sur la santé et ce genre de choses.

M. Rigby: Pour ce qui est de la taille des échantillons, le Nord est sans doute l'une des plus grandes petites villes que vous ayez jamais visitées. Tout le monde connaît tout le monde. Tout se sait. Lorsqu'on veut entreprendre des recherches scientifiques, avec tous les principes de confidentialité et d'éthique que cela suppose, on peut se retrouver parfois dans des situations très délicates qui ne se présenteraient jamais à Toronto, où il est très difficile de connaître les gens qui habitent au bout de la rue.

Pour reprendre ce que disait M. Fraser à propos de la prudence, le problème, c'est que c'est impossible à définir; c'est dans ce contexte qu'il faut voir les choses. Ce sera une tâche considérable.

M. Finlay: Ma question nécessite un petit préambule, parce que j'entends en fait trois messages aujourd'hui.

Eva a dit que l'Arctique devenait un réservoir de polluants. Elle a aussi fait remarquer que l'un des problèmes concernant la pollution et les déchets dans l'Arctique, c'est qu'il fait très froid et que l'on n'a pas la chaleur et la lumière solaire nécessaires pour que certaines de ces substances se décomposent naturellement. Pourtant, vous avez tous une attitude plutôt positive, et vous considérez que l'on peut faire quelque chose, et quelque chose d'important.

.2125

Nous savons que les forêts tropicales humides des régions équatoriales sont d'immenses réservoirs de gaz carbonique. Nous savons qu'elles représentent une très grande biodiversité et nous essayons de les protéger.

J'ai l'impression que l'Arctique est un habitat très particulier et un conglomérat d'écosystèmes qui doivent être très importants pour la terre ou pour l'équilibre naturel. Vous avez parlé des océans, des glaces, des glaciers, de la toundra. Nous voyons des caribous qui peuvent vivre des lichens qui poussent à la surface des rochers et être en excellente santé et être une bonne source d'alimentation pour les populations autochtones. Il doit y avoir aussi des algues et du plancton, etc., dans les océans. Pourriez-vous me dire quelles sont d'après vous les valeurs de l'Arctique sur le plan scientifique et pour le maintien de l'équilibre naturel? Je pense à la fois à l'Arctique du Nord et à l'Antarctique où beaucoup d'études sont en cours. Ou n'y a-t-il que de grandes étendues inutiles et des déserts froids?

M. Fraser: On m'a dit que l'océan Arctique était sans doute l'écosystème le plus productif et le plus fascinant du globe, comparable d'une certaine façon à la Méditerranée. Ce n'est certainement pas un désert.

Je vais laisser Eva vous expliquer que c'est la terre de milliers de personnes dont les familles vivent ici depuis des milliers d'années, pour certaines, sans détruire quoi que ce soit ou mener un animal ou une créature vivante vers l'extinction.

Mme Arreak: Il est certain qu'il faut en savoir plus. J'ai entendu un monsieur de l'une de ces communautés dire qu'il allait manger de la viande de phoque tant qu'il ne verrait rien pousser sur sa peau. Ils ne vont pas s'arrêter à moins que l'on ne puisse prouver qu'il y a une limite à la contamination.

Je crois donc qu'il est indispensable de communiquer au public les résultats prouvés des recherches scientifiques.

M. Fraser: Les gens ont peur que d'ici à ce que toutes les recherches soient terminées et à ce que l'on ait une réponse claire, des trucs bizarres commencent à leur pousser sur la peau. C'est pourquoi nous considérons que l'on ne consacre pas suffisamment de ressources à la surveillance et à l'établissement d'une base de données de départ maintenant et qu'il faut concentrer les efforts pour obtenir les réponses et pouvoir dire aux gens ce qu'ils peuvent consommer, à partir de quel niveau on appuie sur le bouton d'alarme, et où l'on se trouve actuellement dans cette équation. Le problème, c'est que nous ne savons pas où nous en sommes dans cette équation actuellement.

Je vais prendre une analogie. J'ai beaucoup réfléchi à cette question. Va-t-on faire la même chose que pour la morue de Terre-Neuve? Le temps que l'on se rende compte qu'il y a un problème, la morue a disparu. Le mal est trop avancé. C'est cela qui nous inquiète.

M. Finlay: Je voudrais avoir des suggestions qui nous aideraient à éviter cela en comprenant l'importance de l'Arctique. Je vois ce que vous voulez dire à propos des Innu, qui habitent ici depuis des milliers d'années, mais ce ne sont pas eux qui vont prendre nécessairement les décisions. Ce sont des millions de personnes ailleurs qui vont...

M. Fraser: Je voudrais répondre à cela. Les Canadiens sont assez bizarres lorsqu'il s'agit de l'Arctique. La dernière fois que nous nous y sommes intéressés, c'était au milieu des années 80, lorsque les Américains ont décidé qu'ils allaient faire passer un brise-glace par ici, et c'était la crise. Les Canadiens sont prêts à tout pour défendre l'Arctique. tous les Canadiens aiment l'Arctique et veulent le préserver. Il fait partie de notre pays, de notre patrimoine, mais nous ne commençons à nous énerver que quand il est trop tard.

Je me demande quand il va être trop tard. Je crois que nous ne sommes pas loin de ce moment. De plus, comme les Canadiens considèrent que l'Arctique fait partie intégrante de leur identité, je crois qu'ils ont l'attitude et la tolérance voulues pour accepter, même en cette période d'austérité, de consacrer les efforts supplémenaires, le temps suplémentaire, le travail et l'argent supplémentaires à la protection de l'Arctique, parce qu'il mérite d'être protégé et sauvé. Si nous ne le faisons pas, quel genre de pays sommes-nous?

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Le président: Les considérations que vous soulevez m'obligent à réagir, et j'aimerais que vous répondiez à votre tour.

Vous avez parlé de la recherche et de l'action politique internationale. Nous ne sommes pas en mesure de vous dire combien d'argent est consacré à la recherche polaire. Il nous faudrait peut-être des semaines pour le découvrir. Mais l'un d'entre nous pourrait faire inscrire la question au feuilleton de la Chambre des communes, et l'on finirait bien par obtenir une réponse. Toutefois, il y a des gens beaucoup mieux placés que nous qui peuvent répondre avec beaucoup plus d'exactitude, tel que Fred Roots que vous connaissez sans doute très bien et d'autres encore qui ont fait de la recherche polaire toute leur vie. Et si leurs chiffres ne suffisent pas, faites-le nous savoir, et nous ferons les démarches nécessaires pour vous obtenir l'information désirée.

Vous demandez une politique sur la recherche polaire, une meilleure coordination, des études de base et d'autres choses encore. Peut-être que notre rapport pourrait en faire état. Mais si vous voulez parler des preuves scientifiques qui démontreraient que le problème est grave pour la population et l'écosystème, nous avons déjà beaucoup de preuves de cela, et il est inutile d'aller en chercher d'autres pour faire valoir notre point de vue.

C'est qu'il existe une inertie considérable à l'échelle internationale qui empêche de signer des protocoles et des accords qui permettraient de faire réduire certains types de polluants que l'on trouve dans l'Arctique. Tout cela se fait très lentement et la démarche est très lourde, sans doute parce qu'il n'y a pas suffisamment de volonté politique. Chaque fois que le Canada se rend à New York, comme à la Commission de développement durable des Nations Unies, il soulève systématiquement la question de la chaîne alimentaire dans l'Arctique, ou de la pollution du lait maternel, par exemple. Mais on fait de beaux discours, on clôt la conférence et l'autre année passe sans que rien ne bouge.

Le dernier protocole international de quelque importance à avoir été signé remonte à presque un an et ne s'appliquait qu'à l'anydride sulfureux. Mais vous savez qu'il existe d'autres substances telles que les POP et les oxydes d'azote, notamment, qui traversent les frontières et que l'on voudrait désespérément inclure dans un protocole. Mais même si l'on y parvenait, vous savez à quel point il est difficile de trouver un dénominateur commun à quelque 60 ou 70 pays; de plus, les accords obligeraient à une réduction à ce point minime qu'il n'est pas sûr que ces réductions auraient des effets bénéfiques sur l'écosystème de l'Arctique, contrairement à ce que l'on recherche. Autrement dit, à moins qu'un certain nombre de pays ne se mettent d'accord pour promouvoir des protocoles musclés qui serviront à protéger les régions polaires, nous continuerons à discuter de tout cela pour 25 ans encore et à nous désespérer.

Nous avons maintenant un ambassadeur du développement durable qui pourrait consacrer le temps voulu à cette question, dans la mesure où le reste de son programme ne sera pas trop chargé.

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Le ministère des Affaires étrangères a créé il y a quelques mois un secteur dont l'objectif est de promouvoir les enjeux globaux, y compris le développement durable. C'est un des quatre secteurs du ministère. Vous voyez que le gouvernement se réorganise et commence à promouvoir les questions de cette nature.

Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que même s'il est important d'avoir de la recherche et des études de référence et de poursuivre les efforts déployés jusqu'à ce jour - car il nous faut obtenir des échantillons raffinés et de meilleures interprétations - il reste que c'est du côté politique que l'action doit être lancée et qu'il faut essayer diverses avenues avant de trouver les bonnes personnes. Voilà ce qu'il faut faire, sans quoi la tendance que vous avez identifiée se maintiendra et la chaîne alimentaire de la faune arctique sera de plus en plus polluée.

La grande question, c'est de savoir si une petite localité qui n'a pas la masse numérique voulue pour commander quelque action que ce soit sera en mesure de déclencher un mouvement, puisqu'elle ne représente que deux circonscriptions sur 295. Elles n'ont pas beaucoup de poids politique. Mais à ces circonscriptions vient s'ajouter un comité qui peut déclencher un certain mouvement. De plus, il existe tout de même des gens qui seraient sans doute réceptifs à des initiatives. Mais il reste que la réponse se trouve dans des protocoles internationaux qui s'attaqueraient à la réduction des polluants transfrontaliers. Même si nous réduisions les polluants du Canada, cela ne suffirait pas, puisque les polluants viennent du Sud, de l'Est et de l'Ouest comme le démontrent les études qui ont été faites depuis presque 20 ans. Les commissaires polaires qui suivront se désespéreront eux aussi tant que l'on n'aura pas réussi à cibler le bon milieu politique.

Nous pouvons tout de même vous aider en faisant des recommandations dans notre rapport. La séance de ce soir a été très utile, mais ne suffit certainement pas. La question est de savoir comment faire. Certains d'entre nous ont déjà eu affaire avec les associations parlementaires circumpolaires. M. Lincoln s'est rendu à Stockolm pour préparer la prochaine réunion ministérielle au Canada. Vous savez qu'il y a déjà eu une réunion en Islande, une au Groënland, et que la prochaine se tiendra au Canada. Mais une fois la réunion terminée, les ministres retournent chez eux et la politique devient lettre morte. C'est malheureusement la vérité. Voilà la tendance que nous devons surveiller et tenter de contrer, dans la mesure du possible. Il nous faut convaincre ces ministres de ne pas se laisser abattre par l'inertie de leur Cabinet et de réagir pour renverser la vapeur.

Voilà ce que je pense du problème. Maintenant, quel est votre avis?

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M. Fraser: Eh bien, je souscris à tout ce que vous avez dit. Mais il y a certaines choses que nous pouvons faire en plus et que nous faisons déjà. Nous devons nous expliquer chaque fois que c'est possible et sensibiliser tout le monde à la situation, et c'est justement pour cela que nous avons demandé à comparaître. Mais le pas le plus important dans la bonne direction, c'est vous qui le ferez en faisant modifier la loi et en proposant des recommandations.

On a parlé de stations de surveillance qui seraient réparties partout dans l'Arctique, de protocoles ou de bonnes relations entre les pays, ce qui permettrait... ces stations de surveillance permettraient de cibler l'origine de plusieurs polluants et de pointer du doigt ceux qui sont à blâmer. La difficulté vient notamment du fait que nous avons en main toute l'information scientifique nous permettant de savoir dans quelle quantité et sous quelle forme se trouvent dans l'environnement différents composés, produits chimiques ou toxines. Mais la question est de savoir d'où ils proviennent. Quel radionucléide provient des États-Unis, lequel de l'usine de Suffield en Angleterre et lequel de la Russie? Dans quelles régions ces produits se trouvent-ils en plus grande quantité? Grâce à ces stations de surveillance, nous pourrions commencer à prendre des empreintes digitales ou, comme on le dirait aujourd'hui, commencer à faire certains tests d'ADN pour établir quels sont les coupables. Cela fait, on pourrait aller voir le pays coupable directement, quitte à l'embarrasser publiquement au besoin.

D'un point de vue politique, il est possible de faire des pas de géant en liant notre aide ou nos programmes d'échanges commerciaux à l'obtention de résultats. Le pays qui voudrait acheter notre blé ou voudrait que le Canada lui achète un produit pourrait se voir demander ce qu'il fait pour protéger l'Arctique.

Le point de départ, d'après nous, c'est de considérer l'Arctique comme un enjeu national. Voilà pourquoi nous exhortons le gouvernement, par le truchement du ministère des Affaires indiennes et du Nord, à instaurer ce qui peut sembler n'être qu'une politique de plus, mais qui pour nous est un pas dans la bonne direction. Il est difficile d'être crédible à l'échelle nationale, voire internationale si notre propre gouvernement ne fait pas son propre ménage et n'est pas capable de définir ses propres engagements et obligations.

Tout cela doit se faire plus ou moins en même temps. Les modifications à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et, plus encore, les audiences de votre comité nous permettent, et surtout à ceux que vous avez entendus plus tôt aujourd'hui, de forcer les parlementaires et d'autres encore à s'interroger sérieusement sur ce qui se passe.

Il est encourageant de constater que vous avez pris le temps de venir dans le Nord et d'écouter les intéressés, mais il nous faudra nous serrer les coudes pour sensibiliser le reste du monde chaque fois que c'est possible. Nous sommes sensibles aux difficultés que vous avez mentionnées, particulièrement pour ce qui est de faire réagir les autres pays. Mais il faut commencer quelque part, et c'est ce que nous vous exhortons à faire.

Ça bouge au Canada. N'oublions pas les grandes initiatives entreprises sous l'égide du Programme environnemental de l'Arctique que vous avez mentionné et qui réunit des ministres. Comme il s'agit des ministres des huit pays de l'Arctique, c'est un peu comme si on prêchait à des convertis. Il faudrait aller chercher les autres pays industrialisés de l'Europe qui ne s'intéressent pas à l'Arctique si ce n'est pour d'autres raisons telles que d'exploiter ses ressources pour alimenter leur propre économie à l'aube du XXIe siècle. Si nous pensons que notre Arctique est actuellement aux prises avec des polluants d'ailleurs, je pense que nous n'avons encore rien vu. Voilà aussi ce qui prône en faveur de l'implantation de réseaux généralisés de surveillance circumpolaire.

Il faudrait en faire encore plus. Mais il faut y aller une étape à la fois, comme en créant un conseil de l'Arctique. Les États-Unis hésitaient naguère à se joindre à ce conseil, sans doute pour les nombreuses raisons que nous avons mentionnées. Ce serait une façon de leur faire comprendre qu'il est temps d'aborder des questions qui seront peut-être douloureuses. Il reste que nous sommes encouragés, car on me dit que des négociations devraient commencer au début du mois prochain dans le but de mener à la création éventuelle d'un conseil de l'Arctique d'ici l'année prochaine. Ce conseil donnerait au Canada une tribune internationale et lui permettrait de devenir le chef de file du monde circumpolaire en instituant des programmes et des protocoles. Outre le Canada, on aurait au départ huit pays qui s'intéresseraient à l'Arctique.

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Chaque pas, si petit soit-il, est un pas dans la bonne direction; et la seule façon de progresser, c'est d'agir de façon concertée.

Le président: D'autres commentaires?

À Eva Arreak... [Le président poursuit en Inuktitut]... et merci aux autres de nous avoir fait une soirée des plus intéressantes. Merci de votre contribution et de vos conseils.

M. Fraser: Monsieur le président, c'est nous qui vous remercions de votre visite.

Le président: La séance est levée.

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