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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 27 avril 1995

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[Français]

Le président: À l'ordre. Bonjour, tout le monde.

[Traduction]

Nous commençons ce matin par le témoignage de Sheila Forsyth, du National Agriculture Environment Committee. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'être venue si tôt. Nous écouterons avec attention vos vues sur ce que nous tentons de faire, à savoir examiner les conditions et les tendances en matière de faune au Canada.

Mme Sheila Forsyth (Secrétariat, National Agriculture Environment Committee): Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner ce matin. Comme M. Caccia l'a mentionné, je suis ici à titre de représentante du National Agriculture Environment Committee, mais aussi de la Fédération canadienne de l'agriculture. Notre comité est un comité très vaste et diversifié regroupant des organisations agricoles qui s'intéressent aux questions environnementales. La Fédération canadienne de l'agriculture, comme vous le savez sans doute, est membre de notre comité.

Nous avons pensé que vous seriez intéressés à connaître le point de vue important des producteurs agricoles sur la faune. Je suis ici ce matin pour vous donner un aperçu des idées de la collectivité agricole à ce sujet.

Les producteurs agricoles veulent maintenir la santé de l'environnement et sont conscients de l'importance de la faune à cet égard. Comme vous le savez, les producteurs agricoles vivent de la terre et ils espèrent que leurs enfants et leurs petits-enfants pourront en faire autant. Par conséquent, ils font l'impossible pour prendre soin de leur terre et de leur environnement. Dans ce contexte, ils sont conscients de l'importance des animaux sauvages pour leurs fermes et leurs terres de parcours. Mais comme la plupart des Canadiens, même les experts qui ont témoigné devant votre Comité au cours des derniers jours, ils ont encore beaucoup à apprendre sur la faune et son environnement.

J'ai écouté les témoignages des derniers jours et j'ai entendu plusieurs discours enflammés qui disaient que la faune est essentielle à la survie humaine. Les producteurs agricoles voudraient vous rappeler que l'agriculture est vraisemblablement plus essentielle que la faune pour la survie humaine. Nous avons tous besoin de manger. Les producteurs prennent très au sérieux le service essentiel qu'ils dispensent et se sont engagés à soutenir une agriculture diversifiée.

J'aimerais attirer votre attention sur trois choses. Pour commencer, je vous entrediendrai des activités des producteurs en matière de gestion de la faune. De nombreuses espèces sauvages dépendent de l'agriculture pour leur alimentation et leur habitat. J'attire aussi votre attention sur certaines des préoccupations des producteurs, préoccupations qui ont été suscitées - particulièrement récemment - par l'approche nationale qu'on veut adopter en matière d'espèces en voie de disparition, sur d'autres préoccupations de longue date, ainsi que sur certaines des idées et initiatives des agriculteurs et propriétaires de parcours.

Premièrement, que font les producteurs? Comme bien des gens, les agriculteurs aiment voir des animaux sauvages sur leur terre. Ils aiment bien écouter le chant des oiseaux perchés dans leurs arbres. Ils aiment voir le cerf de Virginie remuer sa queue blanche. Ils ont plus de chance que la plupart des Canadiens de voir des animaux sauvages. La plupart des Canadiens ne les voient probablement qu'à la télévision. Les agriculteurs poussent un soupir de soulagement au printemps à l'arrivée des oies sauvages, car ils savent qu'ils pourront bientôt ensemencer leurs champs. Ils sont heureux de voir les gros vers de terre dans le sol.

Les producteurs participent aux efforts de conservation sur leurs terres - volontairement, à leur propre initiative ou en collaboration avec des groupes nationaux de conservation. Les activités de conservation des producteurs contribuent à l'existence d'une partie importante des terres gérées où vivent les animaux sauvages du Canada. Notre comité a commencé à recueillir des informations sur ces efforts et à les analyser.

Des analyses récentes ont démontré qu'un pourcentage élevé des terres à risque font partie de ce qu'on appelle les «terres travaillées», qui comprennent les terres agricoles. Ce sont pour la plupart des terres privées, ce qui suppose la participation des propriétaires terriens dans les efforts de conservation en général.

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Les producteurs adoptent aussi des façons novatrices d'intégrer la faune à leur environnement agricole et de parcours. Ainsi, ils créent et maintiennent des brise-vent, des haies, des zones humides, et d'autres habitats. C'est une pratique agricole de longue date.

Les producteurs font aussi appel aux nouvelles technologies pour gérer leurs terres d'une façon avantageuse non seulement pour leur propre bétail, dans le cas des éleveurs de bovins et autres, mais aussi pour les animaux sauvages. Ainsi, avec les nouvelles technologies solaires et éoliennes, ils fournissent à leurs bovins, ainsi qu'aux autres animaux sauvages - des sources d'eau autres que les ruisseaux. Ils éloignent aussi le bétail des rives et des ruisseaux qu'ils pourraient endommager. Ils utilisent des clôtures électriques télécommandées pour prévenir le surpâturage, ce dont profitent leur propres bovins ainsi que les animaux sauvages. Ils commencent aussi à mettre à profit de nouvelles techniques pour gérer les zones riveraines de façon à ce que le lit des rivières ne fait pas endommagé.

Par ailleurs, il a été prouvé que, s'il n'y a pas d'animaux qui paissent, particulièrement dans la prairie, les ressources pastorales se détériorent. Elles cessent d'être consommées par les bovins et les chevreuils et les élans refusent d'y vivre. Par conséquent, la biodiversité recule.

Nous tenons à signaler que l'écosystème de la prairie du Canada a toujours été utilisée et que les systèmes bien gérés sont en meilleur état que les systèmes auquels on n'a pas touché. Le feu de prairie a toujours été une méthode de gestion de cet écosystème.

Je voudrais aussi vous indiquer que les producteurs tiennent à assurer la biodiversité ensemble et que notre comité cherche déjà les façons de mettre en oeuvre cette stratégie du gouvernement. Nous sommes heureux d'apporter notre contribution.

Les producteurs sont aussi tout à fait disposés à répondre à la demande des consommateurs et à innover pour ce faire. Les agriculteurs entreprendront de nouvelles cultures, élèveront de nouvelles espèces de bétail ou modifieront leurs pratiques de gestion à condition que ces changements assurent la viabilité économique de leur entreprise et qu'ils soient appuyés par les consommateurs.

Mardi, on a discuté des pommes; on se demandait si les consommateurs souhaitaient une pomme parfaite ou s'ils accepteraient une pomme imparfaite. Les producteurs sont prêts à répondre aux demandes des consommateurs, si c'est possible et que cela leur permet de gagner leur vie. Si les consommateurs demandent un nouveau processus que les producteurs pourraient adopter de façon économique et qui présenterait des avantages pour la faune, les producteurs ne s'en plaindront pas. Ils sont prêts à répondre à la demande. Un agriculteur me répète constamment: «Vous n'avez qu'à me dire ce que les consommateurs veulent que je cultive, et je le cultiverai, tant que ça me permet de subvenir à mes besoins».

Les producteurs agricoles ont aussi entrepris d'assurer le maintien d'un paysage plaisant et diversifié en vue d'appuyer «l'écotourisme», le nouveau concept à la mode.

Ce n'est là qu'un exemple de toutes les activités des producteurs en matière de faune. J'aimerais maintenant vous faire part de quelques préoccupations afin de compléter le tableau qu'on vous a brossé jusqu'à présent.

Les producteurs agricoles se préoccupent beaucoup des dommages que subissent leurs récoltes. Tous les producteurs agricoles subissent de tels dommages. Il est rare que l'indemnisation qu'on leur verse équivale à la valeur totale de leurs pertes et, souvent, ils ne reçoivent rien du tout. Pendant des années, cela a drainé une partie importante des ressources des producteurs, qui doivent essuyer ces pertes pour l'intérêt du public, pour l'intérêt commun.

Dans un rapport récent sur les dommages causés par les animaux sauvages, on estime que, pour la Saskatchewan, ces pertes se chiffrent à 4 millions de dollars par année, mais ces dommages ont été bien pires, en fait. Les activités liées à la faune en Saskatchewan ont généré plus d'un milliard de dollars de revenus... On aurait peut-être pu penser à une indemnisation.

Il y a plusieurs autres exemples de pertes. Nous savons tous ce que les agriculteurs subissent des pertes causées par les oies sauvages et les oiseaux migrateurs qui mangent leurs céréales et d'autres cultures. Nous pourrions trouver des façons d'indemniser ces agriculteurs et dresser des plans régionaux à cet égard. Les agriculteurs qui se servent de fusils pour effaroucher ces oiseaux ne font que les faire fuir vers d'autres champs et, au bout du compte, provoquent davantage de dommages. Si nous avions un plan régional selon lequel tous collaboreraient pour réserver un champ aux dégâts, on pourrait réduire les pertes d'ensemble.

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Dans beaucoup de champs, les chevreuils et les élans creusent des sentiers en allant de leur pâturage aux points d'eau où ils s'abreuvent, et la nuit, ils dorment dans les champs. C'est une partie du champ qui cesse d'être productive.

Si l'on prend les récoltes dans leur sens le plus large, et si l'on inclut les moutons dans cette catégorie, les agriculteurs vont toujours prétendre que les loups et autres prédateurs les privent d'une part de leurs bénéfices.

Les élans causent beaucoup de dommages aux réserves de foin dans les prairies. Pendant l'hiver, quand le foin est entassé, ces animaux grimpent sur les tas, arrachent les attaches et urinent sur le foin. Les vaches refusent de manger ce foin-là. Évidemment, cela nous cause pas mal de problèmes.

D'autre part, lorsque leurs récoltes subissent des dommages, les agriculteurs sont très mécontents car ils ont l'impression de se sacrifier pour le bien commun et de ne rien recevoir en échange. Cela les décourage de travailler dans le sens de la conservation.

Il y a également la sécurité sur les autoroutes. J'ai des statistiques, encore une fois il s'agit de la Saskatchewan. Entre 1988 et 1992, plus de 15 000 accidents attribuables à la faune, ce qui représente plus de 27 millions de dollars de dommages matériels, plus de 600 blessés et quatre décès. Et cela augmente actuellement. En effet, il y a de plus en plus d'accidents dans les régions rurales car dans certaines zones des prairies le nombre des animaux sauvages augmente.

La campagne nationale de préservation des espèces menacées est une nouvelle cause de préoccupation. Je sais qu'hier vous avez passé l'après-midi à écouter des gens qui sont très en faveur d'une loi sur la protection des espèces menacées. Je vais vous demander de me consacrer quelques instants pendant que je vous explique nos préoccupations à ce sujet.

Les agriculteurs ne savent pas très bien quels seront les effets de cette législation nationale. Ils aimeraient des précisions en ce qui concerne les effets sur les propriétaires de terres privées. Les propriétaires terriens, le plus souvent, aiment avoir leur mot à dire en ce qui concerne leurs propres terres. Ils considèrent que c'est une atteinte à leur vie privée. Ils tiennent à maintenir leur autonomie et à poursuivre leurs activités sur leurs propres terres, d'autant plus que les projets qui figurent dans le Livre bleu dont vous avez parlé hier après-midi ne mentionnent ni compensation ni mesures d'encouragement à l'intention des propriétaires terriens touchés par cette mesure.

De plus, quand je parle à tous les gens que je représente, et qui viennent de milieux très divers - de l'Association des éléveurs aux agriculteurs organiques - certains ne s'intéressent absolument pas à ce projet de législation et d'autres pensent que c'est un outil qui pourrait accompagner toute une série d'activités volontaires. Par conséquent, dans le secteur agricole, les opinions varient considérablement en ce qui concerne ce projet de loi.

Quoi qu'il en soit, on pense généralement qu'on a précipité les choses et que les options n'ont pas été sufisamment analysées. La NAEC a demandé plus de temps pour étudier l'efficacité des programmes de conservation actuels et d'autres activités, et également pour étudier de plus près la situation dans d'autres pays où des lois sur les espèces menacées ont été adoptées, en particulier les États-Unis. On n'a pas encore reçu de réponse.

Ce que nous savons, c'est ce que nos producteurs se disent mutuellement. Lors que les éléveurs canadiens rencontrent les éleveurs américains, ils échangent beaucoup d'histoires. D'après ces opinions anecdotiques, le système américain ne cesse de porter atteinte aux droits des propriétaires fonciers et il ne s'agit pas seulement des petites infractions dont on a parlé hier, mais d'un grand nombre d'autres infractions.

J'ai ici un rapport d'un groupe américain qui contient 30 incidents où les droits des propriétaires fonciers ont été ignorés. Ce sont des choses très simples, mais les agriculteurs et les propriétaires fonciers doivent payer des amendes qu'ils n'ont pas les moyens de payer. Cela ampute un revenu dont ils besoin pour vivre.

Je pense en particulier à l'histoire d'une dame de 72 ans qui voulait construire une nouvelle clôture à travers son ranch au Texas. Elle a débrouissaillé et installé sa clôture et, quelques semaines plus tard, elle a reçu une lettre lui disant qu'elle avait détruit l'habitat d'un oiseau dont elle ne connaissait même pas l'existence. On lui disait qu'elle aurait dû s'informer et déterminer qu'elle ne détruisait pas un habitat. Elle a construit une clôture et, pour cela, elle a dû payer une amende.

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Il y a également l'incident des trois canards migrateurs qui se sont trouvés coincés dans un abreuvoir à bétail et qui s'y sont noyés. Je ne sais pas comment un canard peut se noyer dans un réservoir, mais apparemment, il se sont noyés. L'intéressé à reçu une amende de 2 000$. C'était sur sa terre, au milieu de sa terre, et il n'a pas compris comment quelqu'un avait pu s'apercevoir de la présence des trois canards dans le réservoir. Quoi qu'il en soit, ce sont des exemples.

Le public devait être consulté, cela a été remis de février à mars, puis à mai, et maintenant, le moment est vraiment mal choisi pour les agriculteurs et les éleveurs. Ils vont être trop occupés pour participer à ces consultations. Ils sont en train de semer, c'est le moment du vêlage, bref, toutes ces activités qu'ils ont et qui nous permettent de manger.

À notre avis, quel est le travail nécessaire? C'est une liste très courte d'idées que nous avons.

Nous pensons qu'il est nécessaire d'encourager les activités de conservation. Certains moyens méritent d'être étudiés, comme les encouragements fiscaux, les récompenses économiques, les formes proactives de compensation et de rémunération ou encore la suppression de certaines barrières. L'autre jour, quelqu'un a suggéré que le groupe de travail sur les instruments économiques pour assurer la protection de l'environnement devrait reprendre ses travaux mais, cette fois-ci, il devrait se pencher sur des problèmes ou des secteurs bien particuliers. C'est un des secteurs qui pourraient être envisagés.

Il est absolument nécessaire pour toutes les parties intéressées de se concerter pour déterminer les avantages économiques de la coexistence sur le territoire de l'exploitaion et de la faune et de la flore, pour déterminer la valeur de la nature pour le propriétaire foncier et également pour s'interroger sur la faisabilité des méthodes fiscales et autres instruments écnomiques qui pourraient aider les propriétaires et les exploitants à encourager le développement de la faune dans leur paysage.

Tous les gens que vous avez entendus depuis quelques jours vous ont dit que les spécialistes de l'environnement allaient devoir éduquer les propriétaires fonciers en ce qui concerne le faune et la flore. D'un autre côté, il va falloir éduquer également ces spécialistes en ce qui concerne les mesures déjà prises par les agriculteurs.

Les agriculteurs tiennent également à ce que les décisions prises soient bien justifiées, sur le plan scientifique, fondées sur des principes de développement durable, et sensibles à tous les aspects sociaux, économiques et environnementaux. C'est ce que nous appelons l'ensemble du tableau. Nous devons nous assurer que tout ce qui se fait, y compris l'initiative législative sur les espèces menacées, n'étouffe pas un autre secteur de l'environnement ou de la structure sociale.

Nous prenons l'exemple des zones tampons qui, dans ceratins cas, prennent trop d'importance. Dans la zone de la ceinture refuge, un agriculteur pourrait être tenté d'ignorer ces dispositions pour exploiter une terre qui deviendrait alors source de subsistance. En fin de compte, si on tient compte de l'ensemble du tableau, ce n'est pas une solution durable.

Enfin, les agriculteurs veulent être certains que les stratégies et les politiques sont planifiées et appliquées avec la pleine et entière participation des producteurs agricoles et des propriétaires fonciers. Ils veulent participer aux consultations.

Pour terminer, les producteurs s'intéressent à la faune et à la flore avec lesquelles ils partagent les territoires depuis des siècles. Ils savent également à quel point il est nécessaire d'assurer la survie de la faune et de la flore et ils savent aussi que les espèces menacées sont souvent celles qui vivent sur des terres agricoles.

Les agriculteurs ont besoin de gagner leur vie. Ce sont eux qui nourrissent les Canadiens, sans compter des millions de gens à l'extérieur de nos frontières. Toute mesure prise doit s'assurer que nos producteurs eux-mêmes ne deviennent pas une espèce manacée. J'entends souvent dire que si on continue à ignorer l'agriculteur, c'est lui qui va devenir la prochaine espèce menacée.

Voilà pour mes observations.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très exhaustif. Certains de mes collègues tiennent à développer vos observations avec vous.

[Français]

Mme Guay (Laurentides): J'ai écouté vos commentaires et je les ai trouvés très intéressants. Peut-on dire, actuellement, que les agriculteurs se sentent menacés par la loi environnementale ou par une future loi sur la faune, qu'ils sont inquiets?

[Traduction]

Mme Forsyth: Ils sont inquiets. Ce qu'ils craignent le plus, c'est que les mesures législatives d'ordre général se contredisent ou s'annulent mutuellement.

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Ils veulent aussi protéger leur vie privée. Ils veulent pouvoir décider eux-mêmes du sort de leurs terres, et non pas se voir imposer des règles. Ils veulent pouvoir travailler avec d'autres pour décider quoi faire de leurs terres, mais ils n'aiment pas qu'on leur impose quoi que ce soit. Voilà ce qui les inquiète.

[Français]

Mme Guay: Qu'on le veuille ou non, on se doit de protéger l'environnement. Les agriculteurs sont-ils vraiment sensibilisés au point de vue environnemental? Sont-ils conscients qu'au anada, nous n'avons pas de loi sur la faune et qu'il est nécessaire d'en adopter une?

Certaines provinces en ont une et cela fonctionne bien, mais dans d'autres, il n'y a pas de protection. Cette loi n'est pas faite pour les pénaliser mais plutôt pour protéger l'environnement. Quel est leur sentiment à cet égard?

[Traduction]

Mme Forsyth: D'après ce qui se passe aux États-Unis, ils croient que les propriétaires de terrains privés sont pénalisés, et ne veulent pas que la même chose se produise au Canada... Ils ne s'opposent pas tous à une loi. Certains sont tout à fait contre cette idée, et vont sans doute exercer des pressions pour empêcher l'adoption d'une loi. Ils disent que la loi doit tenir compte des besoins des agriculteurs et des éleveurs, ainsi que fournir une protection à l'environnement.

Les agriculteurs savent très bien qu'il faut protéger l'environnement. S'ils ne protègent pas l'environnement, leur gagne-pain disparaîtra. S'ils polluent leurs propres terres, il ne pourront plus cultiver des produits agricoles pour nourrir les Canadiens et le reste du monde. Ils sont bien conscients de cela. En fait, le comité que je représente, le National Agriculture Environment Committee, a été créé justement pour encourager les agriculteurs à discuter de l'environnement, et c'est d'ailleurs eux qui en ont fait la demande. Ils s'intéressent vivement à cette question et veulent s'attaquer aux problèmes environnementaux qui existent ici au Canada et ceux qui existent ailleurs également.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais savoir si les agriculteurs, dans certaines provinces, sont soumis à une loi sur la faune. Il n'y en a pas dans toutes les provinces, mais certaines d'entre elles en ont déjà une. Comment cela se passe-t-il pour eux? Peut-on comparer cela à ce qu'il y a aux États-Unis?

Je ne connais pas tellement la loi, mais j'ai une idée de ce qu'elle est aux États-Unis. Je connais certaines lois dans certaines provinces. Il y a une différence entre les lois que nous avons ici et les lois qu'il y a là-bas. Comment appliquent-ils la loi ? Quels sont leurs sentiments face aux lois qui existent déjà au niveau provincial?

[Traduction]

Mme Forsyth: Je ne sais pas trop ce qui se passe au niveau provincial, parce que nous nous concentrons sur l'aspect national. Certains de nos représentants connaissent mieux les mesures provinciales. Je n'ai pas entendu de plaintes concernant les lois provinciales, mais je n'ai pas fait de sondages non plus. J'imagine que les lois provinciales ne sont pas aussi sévères que les lois américaines et n'empiètent pas sur les droits des propriétaires fonciers. Je ne crois pas que les lois soient très sévères, mais je ne pourrais pas le confirmer.

M. Adams (Peterborough): Pourrions-nous peut-être parler de la diversification, ou de son contraire, la monoculture. La moitié de ma circonscription de Peterborough est recouverte de lacs et de forêts, et l'autre moitié, c'est de la terre agricole. Dans cette deuxième moitié, il y a 1 100 exploitations agricoles. Environ 200 sont des producteurs laitiers, 500 sont des éleveurs de bétail, et parmi le reste, on trouve de tout - des vergers et... Il s'agit donc d'une entité très diversifiée. Je crois, toutefois, que de grandes parties de cette province et du pays sont moins diversifiées.

Dans ma circonscription, on encourage la gestion des terre à bois et l'application de plusieurs mesures que vous avez déjà mentionnées. En passant, on encourage les gens maintenant à gérer des terres marécageuses.

Pourriez-vous nous parler de la monoculture et de la diversification et nous dire ce que votre comité en pense? Pourriez-vous aussi nous parler des terres où l'on fait très peu de labourage, voire pas du tout, pratique agricole qu'on encourage partout en Ontario; j'ignore si on l'encourage dans le reste du pays.

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Mme Forsyth: Notre comité compte des représentants de tous les secteurs agricoles - des associations agricoles dans les petites provinces, où se trouvent, bien sûr, de petites fermes, jusqu'aux céréaliculteurs et aux propriétaires de très vastes pâturages. Il y a donc divergence d'opinion au sein de notre propre comité sur les avantages des petits agriculteurs comparativement aux grands agriculteurs, de la monoculture comparativement à une agriculture mixte.

À mon avis, la tendance est plutôt vers une plus grande diversité agricole. Si c'est ce qu'exigent les consommateurs ou l'environnement, eh bien, les agriculteurs s'y conformeront.

On note aussi une tendance vers de plus grandes fermes, surtout en raison des enfants qui quittent la ferme pour aller dans les grandes villes à la recherche d'un emploi. Pour survivre, les agriculteurs choisissent souvent la monoculture puisqu'il est plus facile d'acheter le matériel et de travailler la terre eux-mêmes ou avec juste un peu d'aide.

Quant à la gestion des terres à bois et des terres marécageuses, cela se fait de plus en plus, surtout en Ontario, où, comme vous le savez, il existe des lois y obligeant les agriculteurs.

M. Adams: Et qu'en est-il de l'agriculture à labeur réduit, sarclage?

Mme Forsyth: Un de nos membres préconise le travail du sol réduit. En fait, il vient du Manitoba. Il est membre d'un comité de recherche qui fait des travaux avec l'université à Brandon et aux États-Unis. Cette activité est certainement à la hausse. D'ailleurs, on fait également beaucoup de recherche sur la pratique.

M. Adams: Pouvez-vous nous l'expliquer, aux fins du procès-verbal, et pour que les gens sachent de quoi on parle?

Mme Forsyth: Il y a plusieurs méthodes, mais en bref, l'agriculteur ne travaillera pas le sol aussi souvent qu'à la normale, préparant le terrain chaque printemps et le travaillant plusieurs fois pendant l'année, probablement pour faire le désherbage. Quand on pratique le travail du sol réduit, on laisse la tourbe séchée et les restes sur la terre et les cultures poussent au travers. On plante souvent plusieurs rangées de cultures différentes l'une à côté de l'autre. Résultat: moins d'irrigation parce que l'eau reste sur le sol. Par contre, il faut parfois utiliser davantage de pesticides. Le désherbage ne se faisant pas par sarclage, les agriculteurs doivent parfois recourir aux pesticides, mais leur utilisation est très bien contrôlée.

M. Adams: Vous dites avoir l'impression de ne pas avoir été consulté ni d'avoir participé à ce processus. Depuis quand existe votre comité?

Mme Forsyth: J'ai commencé à travailler avec le comité en octobre dernier, donc il n'y a pas très longtemps. Le comité existe depuis environ un an.

M. Adams: Si nous pouvons faire quoi que ce soit pour améliorer les rapports, il nous ferait plaisir de le faire. La communauté agricole constitue, bien sûr, un élément très important de notre pays. Je ne crois pas que des activités de ce genre puissent être couronnées de succès sans l'appui de la communauté agricole. C'est plutôt cela qu'une question de loi. S'il y a quelque chose que les membres du comité ou le président peuvent faire, c'est avec plaisir qu'ils le feront.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Je voudrais bien cerner les principales préoccupations des agriculteurs concernant la loi proposée sur les espèces en voie d'extinction. Est-ce la question d'agrandir leur habitat? Est-ce là leur première préoccupation?

Mme Forsyth: Comme je l'expliquais à Mme Guay, ils craignent surtout de perdre le contrôle de leurs biens ou terres. Ils ne disent pas qu'ils ne veulent pas protéger la faune. Ils le font déjà. Ils prennent déjà volontairement des intiatives. Ils font déjà beacoup pour protéger la faune. Mais ils craignent qu'au rythme auquel cela commence à se produire, toutes les possibilités d'augmenter les programmes volontaires pour aider les agriculteurs à trouver des moyens innovateurs en faveur de la faune sur leurs terres puissent en fait être freinés si le législation les pénalise d'une certaine façon pour quelque chose qui est bon. C'est leur inquiétude.

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M. DeVillers: C'est donc plus l'utilisation de leurs terres que le fait d'empiéter sur leurs terres ou de les confisquer, par exemple.

Mme Forsyth: Si leurs terres étaient confisquées, ils auraient incontestablement besoin d'être indemnisés.

L'autre partie de leurs inquiétudes vient de ce que dans les écrits d'Environnement, on n'a guère envisagé de les encourager en offrant des indemnités lorsqu'un propriétaire renonce à une partie de ses terres ou doit changer sa manière de l'exploiter. Par exemple, si une terre qui produisait une récolte est ensemencée de graminées, la prairie lui rapportera sans doute moins que la récolte, mais cela peut permettre de protéger des espèces en voie d'extinction.

Les agriculteurs feront cela. Ils seront même heureux de le faire. En réalité, il y a eu beaucoup d'activités destinées à protéger la chouette des terriers. Les vaches et les chouettes des terriers cohabitent avec bonheur, mais la cohabitation des tracteurs et des chouettes des terriers est moins heureuse. À ce moment-là, les agriculteurs vont semer des graminées pour permettre à la chouette des terriers de vivre là. Mais ils perdent de l'argent à cause de cela et ils se demandent s'ils vont continuer à gagner leur vie en perdant sans cesse de l'argent.

M. DeVillers: Les témoins précédents m'ont laissé l'impression que lorsqu'on s'occupe d'habitats, il s'agit davantage de terres humides et autres terres du même ordre. Y a-t-il des utilisations agricoles de ces terres que nous ne connaissions pas, auxquelles les producteurs pourraient avoir recours et qui pourraient leur poser un problème?

Mme Forsyth: Dans les terres humides proprement dites?

M. DeVillers: Oui.

Mme Forsyth: Je crois que la plupart des agriculteurs n'utilisent pas les terres humides à moins de décider de faire de l'aquaculture ou quelque chose d'approchant. Ils n'utilisent pas directement les terres humides. Dans la plupart des cas on crée des zones tampons autour d'elles; on ne fait ainsi rien dans leur voisinage immédiat. La parcelle de terre qui sert de zone tampon ne peut pas non plus servir à la production et leur permettre de gagner de l'argent. C'est ce qui les inquiète un peu. Ils sont prêts à faire cela pour protéger la faune, mais il serait bon de leur offrir des encouragements.

M. DeVillers: Vous avez dit que vous avez suivi les audiences. Ai-je manqué quelque chose? Certains témoins ont-ils signalé leur désir d'utiliser des terres autres que les terres humides qui ne sont pas cultivées actuellement?

Mme Forsyth: Je n'ai guère entendu parler des pâturages. Dans l'Ouest du Canada, qui est un réservoir faunique immense, les cerfs, les élans et autres cohabitent avec le bétail, souvent avec bonheur. J'ai parlé de quelques mesures que prennent les agriculteurs ou les éleveurs en érigeant une barrière autour des zones riveraines qui entourent le lit des rivières. Cela permet d'en interdire également l'accès à la faune; ainsi le lit de la rivière n'est pas endommagé et les rives ne subissent pas d'érosion.

Lorsqu'on offre une source d'eau grâce à une pompe solaire, par exemple, cela est également utile à la faune. Il a été dit que le bétail qui boit de l'eau non pas de la rivière, mais de l'eau propre qui vient d'un puits, prenait plus rapidement du poids parce qu'il n'y a pas de bactéries dans l'eau. Une eau pure est donc utile au bétail; il est aussi plus que vraisemblable que cela soit utile à la faune, qui partage avec le bétail cette source d'eau.

M. DeVillers: J'aurais une dernière chose à dire, monsieur le président. Avez-vous signalé vos inquiétudes quant au moment choisi pour les audiences publiques au Service canadien de la faune?

Mme Forsyth: Plusieurs fois, oui.

M. DeVillers: Avez-vous reçu une réponse?

Mme Forsyth: Nous allons nous en occuper immédiatement - il nous va falloir écrire, j'imagine, ce que nous ferons. Je crois que très peu d'agriculteurs pourront s'y rendre parce qu'ils sont tous très occupés en ce moment par la mise en état des charrues ou le vêlage. Il leur sera très difficile, presque impossible, de partir en mai.

M. Gilmour (Comox - Alberni): Je partage vos inquiétudes concernant le droit de propriété. J'estime qu'au Canada il y a à cet égard une grande lacune dans notre législation puisque nous n'avons pas le droit à la propriété individuelle et collective.

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Ce qui inquiète dans le système américain, c'est que l'on voit les choses en grand au lieu de s'occuper de chaque propriétaire individuellement et je partage certainement vos inquiétudes à cet égard. Mais comment éviter cela? À votre avis, comment trouver un équilibre en protégeant d'une part la faune et d'autre part les droits de chaque propriétaire?

Mme Forsyth: Je crois qu'on a la possibilité de travailler ensemble pour concevoir des programmes qui plaisent aux défenseurs de la faune et aux groupes écologistes, mais qui plaisent également aux agriculteurs et aux éleveurs. Je crois qu'il existe quelque part un juste milieu. Je crois que ce qu'il faut surtout éviter c'est de dicter à ces gens une conduite. Il faut les consulter, planifier avec eux, mettre en oeuvre avec eux, chercher des moyens pour leur permettre d'être indemnisés s'ils perdent de l'argent - s'ils doivent changer de culture et perdre de l'argent, s'ils donnent des terres.

J'ai ici un bref document sur les encouragements possibles. Il y a toutes sortes de moyens créatifs qui peuvent permettre aux agriculteurs de gagner de l'argent grâce aux espèces surabondantes, grâce à la faune qui est trop nombreuse. Certaines espèces d'oies sont trop représentées. On pourrait les attraper pour faire de l'argent.

J'ai entendu parler d'un américain qui souhaite venir pour chasser un mouflon pour 249 000$. Il voulait passer trois semaines en plein air avec son sac à dos pour profiter de la nature canadienne. Il a avoué qu'en définitive il pourrait ne pas tuer le mouflon, mais s'il le faisait il choisirait un très vieux qui aurait déjà transmis son héridité et qui en gros aurait fait son travail et en était à la fin de sa vie. Il était prêt à payer un quart de million de dollars pour cela.

C'est un simple exemple de ce que l'on peut faire pour gagner de l'argent. Cet argent pourrait servir aux indemnités ou à des programmes visant à aider les autres mouflons, la génération plus jeune.

Je crois qu'il y a beaucoup de moyens créatifs que l'on pourrait prévoir avec les groupes d'écologistes, de défenseurs de la faune, les municipalités qui s'intéressent à la défense de la nature, afin d'éviter les conflits entre les droits des propriétaires particuliers et la protection de la faune.

M. Gilmour: Je crois que la plupart des agriculteurs sont très près de la nature.

Ma femme et moi-même avons une terre sur l'Île de Vancouver où il y a des cougars, des ours, des cerfs, des oies, etc. Nous nous réjouissons de les voir, comme la plupart des agriculteurs.

Ce que vous dites sur le moment choisi est tout à fait juste. Vous pensez que l'on a un peu précipité les choses.

Mme Forsyth: Nous avons écrit il y a deux ou trois mois au moment de la parution du premier document de travail en novembre. Nous avons répondu en disant que le délai était trop court, que nous aimerions, en tant que groupe d'organisations agricoles, avoir le temps d'étudier ce qui s'est passé sur le plan législatif aux États-Unis, ce qui s'est passé en Australie et présenter également au gouvernement d'autres solutions possibles pour augmenter l'efficacité des programmes volontaires qui existent déjà, tant pour les agriculteurs eux-mêmes que pour certains groupes de défenseurs de la faune; nous souhaitions au moins avoir le temps d'examiner les possibilités offertes par ces solutions avant que toute l'opération ne soit lancée si vite que cela serait noyé dans la masse et qu'en définitive nous y perdrions tous. Les agriculteurs ne collaboreront pas aussi volontiers s'ils ont l'impression qu'on leur impose une conduite.

M. Gilmour: C'est un élément important dont nous tiendrons certainement compte.

M. Finlay (Oxford): Je comprends très bien votre point de vue, madame Forsyth, mais dans une grande partie de ce que vous dites, je vois un problème en ce qui concerne le long terme, si vous voulez, ou le tableau d'ensemble. Il me semble que nous nous occupons de l'environnement - et c'est ce que nous faisons depuis plus d'un an avec notre Comité - et nous finissons toujours par constater que c'est l'attitude qui pose un problème.

Ce n'est pas que je rejette ce que vous avez dit sur la consultation, la collaboration, les encouragements et les moyens créatifs, mais je suis aux prises avec certaines de vos déclarations. Vous avez dit que l'agriculture était plus importante que la faune. C'est peut-être vrai, sans doute, mais on nous a dit au cours des deux derniers jours que la faune est essentielle parce qu'elle fait partie du cycle de la vie. Nous en faisons tous partie et nous devons en tenir compte.

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Vous avez parlé d'un fermier ou d'un agriculteur qui a dit: «Dites-moi ce que veulent les consommateurs et d'essaierai de le faire pousser si ça me permet de gagner ma vie.» C'est ce qu'ont dit nos pêcheurs sur la côte est. C'est ce que disent les pêcheurs espagnols: s'il y a du poisson à cet endroit, laissez-moi l'attraper parce que je peux le vendre et les gens vont le manger. Le problème que pose ce genre d'attitude, c'est que si on continue sur cette voie, il n'y aura plus du tout de poisson pour personne.

Je ne suis pas convaincu du tout par les preuves anecdotiques.

En construisant une clôture - l'éleveur texan n'a pas eu d'amende pour avoir construit la clôture mais pour avoir détruit l'habitat.

Je voudrais rappeler à tous les faits historiques. Je crois qu'il faut rendre hommage à nos agriculteurs modernes. Nous n'avons plus de «dust bowl», de déserts de poussière dans l'Ouest depuis les années 1930.

Nous ne sommes certainement pas en train de gagner la bataille au nord et au centre de l'Afrique en ce qui concerne la disparition des arbres, de l'eau, des terres agricoles fertiles parce que le sol ne contient plus de matières organiques.

Un jeune ami est allé en Somalie d'où il a envoyé une longue lettre dans laquelle il disait: nous sommes pris dans une spirale descendante. Ces gens travaillent très fort pour faire pousser leurs récoltes. Ils n'ont pas d'arbres parce qu'ils ont dû les couper pour cuisiner, et maintenant ils gardent les bouses de vaches pour cuisiner. Mais le sol se détériore de plus en plus et pour finir ils ne pourront plus rien faire pousser. Il ne faut pas perdre cela de vue.

Personne n'aime qu'on lui dise ce qu'il doit faire, mais il me semble que nous avons là un conflit primordial. Le chef Kenny Blacksmith et d'autres autochtones nous ont dit qu'ils estiment depuis des siècles faire partie du cycle de la vie. Il me semble que c'esst une attitude que nous devons adopter.

Le droit de propriété se heurte immédiatement à ce point de vue. Si nous tous, l'un quelconque d'entre nous, les agriculteurs et les autres, insistons pour dire que telle propriété nous appartient et que nous en faisons ce que bon nous semble, nous ignorons les impératifs écologiques. Nous ignorons le fait que l'air se déplace, l'eau se déplace, la terre se déplace, la pollution se déplace, les pesticides se déplacent, les animaux se déplacent, nous nous déplaçons. Plus nous nous déplaçons, plus nous endommageons cette couche très mince dont nous dépendons.

J'espère donc vraiment que l'on va s'orienter dans la direction que vous avez proposée en ce qui concerne les moyens créatifs... Je suis certainement d'accord pour dire que si le terrain que possède un propriétaire doit être limité dans son utilisation, il faut qu'il y ait une indemnisation. Il n'est pas possible de payer les mêmes impôts pour des terres sur laquelles on peut faire pousser du blé que pour des terres où ce n'est pas possible parce qu'elles servent de zone-tampon ou en raison du droit de la propriété.

Dans ma circonscription, j'ai reçu des lettres dans lesquelles on opposait la Loi ontarienne sur le drainage à la Loi sur les pêches.

Il y a un petit ruisseau qui traverse ma propriété et les gens plus âgés, qui ont toujours vécu là, disent qu'autrefois il y avait des truites dans ce ruisseau et qu'ils avaient l'habitude d'aller y pêcher le samedi après-midi. Ce ruisseau a été désigné comme zone de drainage municipal. À deux reprises, depuis que je suis propriétaire du terrain qu'il traverse, ils sont venus le draguer et ont entassé la terre sur la rive. Cela a eu pour effet de détruire l'habitat des poissons ou autres. Cela n'a pas été fait depuis 15 ans à peu près, et maintenant il y a des canards l'hiver, du poisson, etc. dans ce ruisseau.

Je me demande donc ce que la municipalité ou les propriétaires veulent lorsqu'ils m'écrivent pour me dire qu'ils souhaitent que la Loi sur les pêches ne s'applique pas aux zones de drainage municipal. C'est un sujet sur lequel il faudrait nous entendre.

Qu'en pensez-vous?

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Mme Forsyth: Je crois que notre situation est semblable - mais non pas en ce qui concerne les agriculteurs. Au printemps, lorsque dans certains cas le fumier est manipulé sans précautions - et je dis bien «manipulé sans précautions» - le poisson de la rivière meurt, pas nécessairement du fait de ce qui sort de l'usine municipale de traitement des eaux, ou autre, si c'est le cas.

Nous savons que nous devons nous occuper de la pollution par le fumier. Cela ne fait aucun doute.

Certains agriculteurs ont reçu des amendes en vertu de la Loi sur les pêches dans le sud de l'Ontario parce qu'ils avaient tué le poisson des rivières. Ils n'aiment pas trop que cela leur arrive, mias cela montre aussi qu'il y a un problème et qu'il faut essayer de le résoudre. Ils sont prêts à le faire. Ils sont prêts à remédier au problème.

J'ai dit au départ que si certains estiment que la faune est essentielle, l'agriculture l'est également. Nous devons manger. C'est une chose nécessaire.

Les agriculteurs ne peuvent continuer à fournir de la nourriture aux Canadiens si l'environnement n'est pas en bon état. Les agriculteurs ont toujours été conscients de l'importance de l'environnement et font tout leur possible pour assurer sa durabilité. Ils savent qu'il y a du travail à faire. Ils essaient toujours de trouver de nouvelles méthodes de gestion innovatrices, non seulement pour assurer la survie de l'environnement, mais aussi pour l'améliorer. Nous cherchons sans cesse de nouvelles idées et de nouvelles façons d'agir.

Je crois que l'agriculture a été la première activité à apparaître sur notre planète. Si vous lisez la Bible, vous le comprenez. Adam et Ève étaient agriculteurs. Ils s'occupaient de leur jardin. Ce fut le premier mode de vie pour les habitants de la planète. C'est un mode de vie que nous avons toujours connu. Nous devons nous nourrir d'une façon ou d'une autre.

Si notre façon de cultiver au Canada est de toute évidence meilleure que celle qui a cours en Afrique... Nous n'avons pas connu de déserts de poussière, comme vous l'avez dit. Nous continuons à augmenter nos rendements. Nous continuons à fournir aux Canadiens, et à la population mondiale, d'excellents aliments peu coûteux. Nous exportons beaucoup de produits alimentaires vers d'autres pays, et les agriculteurs font très attention à ne pas endommager l'environnement. C'est en partie pour cela qu'ils ont créé le comité pour lequel je travaille: pour assumer ce genre de tâche.

Cela répond-il à votre question?

Le président: J'espère que oui car c'est une conclusion très importante à notre série de questions. Nous devons passer au groupe suivant de témoins.

M. DeVillers: Puis-je dire quelque chose sur la question du droit de propriété?

Le président: Soyez très bref.

M. DeVillers: Je dois simplement signaler qu'en vertu de notre système juridique et de notre système immobilier, nous sommes tous propriétaires de nos terres en vertu d'une patente de la Couronne. Je crois que l'on pense d'une façon générale à tort qu'on est parfaitement maître de son terrain. Ce n'est pas ce que prévoit notre système juridique.

C'était une simple précision que je tenais à faire.

Le président: Merci pour cette précision très importante.

Nous tenons à vous remercier, madame Forsyth, d'être venue ce matin nous donner votre opinion et nous faire des observations judicieuses. Nous devons malheureusement passer au groupe de témoins suivant. L'heure que nous venons de passer avec vous a été très fructueuse.

Mme Forsyth: J'ai un court résumé de ce dont j'ai parlé que je vais laisser au greffier.

Le président: Vous êtes tout à fait libre de le faire. Merci beaucoup.

Nous demandons maintenant à de nouveaux témoins de venir. Il s'agit de Joan Gregorich, qui a écrit le rapport de la Fédération canadienne de la faune sur le braconnage intitulé Poaching and Illegal Trade in Wildlife and Wildlife Parts in Canada et de Michael Porter, de Parcs Canada.

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Nous allons laisser la parole à ces trois témoins avant de passer à notre première série de questions. Ensuite, nous inviterons Liz White de l'Alliance animale du Canada et Darrel Rowledge de l'Alliance for Public Wildlife à se joindre à nous pour une deuxième série de questions. Et nous en aurons alors terminé avec nos audiences.

Nous allons commencer par Joan Gregorich.

Bienvenue au Comité. Nous connaissons votre rapport sur le braconnage. Il est dans notre dossier. Je sais que vous avez des renseignements intéressants à offrir au Comité. Soyez assez aimables pour limiter votre intervention à dix minutes environ. Nous vous en serions reconnaissants.

Après Mme Gregorich, ce sera Michael Porter qui prendra la parole et ensuite Bob McLean.

Bienvenue au Comité. Je vous en prie, allez-y.

Mme Joan Gregorich (témoignage à titre personnel): Merci et bonjour.

J'aimerais commencer par vous raconter quelques histoires sur le braconnage et le commerce illégal de la faune et de la flore au Canada. En mai dernier, un Californien a plaidé coupable dans un tribunal d'État où il était accusé d'avoir acheté une vésicule biliaire d'ours noir. Vous pouvez vous demander à juste titre en quoi cela concerne le Canada. Voici la réponse: l'article provenait de Colombie-Britannique. La vésicule biliaire qu'il vendait venait d'ours noirs canadiens.

L'année dernière, le Service canadien de la faune a saisi plusieurs articles provenant d'animaux sauvages couverts par la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. À diverses occasions, on a saisi un envoi important d'articles en ivoire que l'on essayait de faire entrer en contrebande dans le pays, un chargement de viande de tortue en provenance de Trinidad - la tortue en question est une espèce citée à l'annexe I de la CITES - et environ 5 000 livres de produits pharmaceutiques orientaux qui contenaient des parties d'animaux sauvages tels que tigre, crocodile, rhinocéros, tortue, pangolin et autres espèces en voie d'extinction.

Si cela vous paraît un peu exotique, alors que direz-vous de ce qui suit. L'année dernière, en Alberta, des agents chargés du respect de la réglementation de la faune se sont rendus dans quatre restaurants d'Edmonton où ils ont saisis 25 000 livres environ de doré qui avait été pris illégalement dans des lacs du Nord de l'Alberta. Un vendeur de poisson a dit à un agent secret qui participait à ce projet qu'en deux ans environ, il avait vendu près de 10 000 livres de doré pris illégalement. À la fin de l'enquête, 26 personnes, ainsi que quatre commerces, ont été inculpés de trafic d'animaux sauvages. Les audiences ne sont pas terminées, mais un restaurant a déjà reçu une amende de 18 000$ et un deuxième de $19 000 pour avoir participé à cette vente illégale de poisson.

Ce genre d'incidents, ainsi que de nombreux autres, montrent bien que le Canada a effectivement un problème de braconnage, un problème de commerce illégal des animaux sauvages et, bien que nous sachions que cela se fait, nous n'avons pas une idée exacte du volume de ce commerce et du braconnage qui se fait.

Ceux qui braconnent pour s'enrichir et les trafiquants d'animaux sauvages, comme la plupart des criminels, sont prudents. Ils sont rusés. Ils sont difficiles à attraper. Il n'y a sans doute qu'un très petit pourcentage de ceux qui participent à ces activités illégales qui comparaissent effectivement devant les tribunaux. Il y en a sûrement beaucoup plus qui continuent à faire leur commerce.

Pour commencer, je vous dirais exactement ce qu'est le braconnage. Il s'agit tout simplement de prendre illégalement des animaux et des plantes sauvages. Traditionnellement, on ne parlait que de prendre illégalement des animaux sauvages, mais au fur et à mesure que certaines plantes se raréfient et deviennent plus précieuses et plus utiles à la population, on commence à les englober dans cette définition du braconnage.

Le braconnage a lieu partout où il y a des animaux et des plantes sauvages qui sont utiles à l'homme. Je vais vous donner quelques exemples d'animaux pour lesquels nous savons qu'il existe un braconnage au Canada: le gros gibier, le gibier d'eau, certains oiseaux migrateurs, le poisson, la tortue hargneuse sont tous pris illégalement pour leur viande; les ours et les cerfs sont braconnés pour les différentes parties de leur corps qui sont ulisées dans le commerce des produits médicinaux orientaux; le cerf et le moufflon sont braconnés pour leur trophée; les aigles pour leurs plumes; les morses pour les défenses en ivoire; les ours pour leurs crocs et leurs griffes qui sont utilisés en bijouterie; certains oiseaux de proie sont capturés vivants pour être utilisés en fauconnerie; reptiles et amphibiens sont aussi capturés vivants pour devenir des articles du commerce rémunérateur des animaux de compagnie.

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Tout simplement, s'il y a des animaux sauvages qui valent cher et que l'on peut attraper, ils vont être braconnés. Nous savons que cela se fait au Canada. Je peux vous en citer de nombreux exemples.

Malheureusement, le braconnage donne mauvaise réputation aux chasseurs et aux pêcheurs à la ligne qui se livrent à leurs activités légalement. La chasse et la pêche à la ligne, dans les limites de la légisation relative à la faune, sont des outils de gestion légitimes de la faune. Je crois que la plupart des gens sont d'accord avec cela. Malheureusement, il y en a qui enfreignent les règles et ces gens tombent dans deux grandes catégories.

Le premier groupe est constitué de braconniers qui prennent des animaux essentiellement pour leur propre usage. Ils vont peut-être prendre quelques oiseaux aquatiques de plus de la limite, un peu de poisson en plus de la limite ou un cerf supplémentire sans doute pour eux-mêmes ou pour les donner à des membres de leur famille ou à des amis. Les gestionnaires de la faune considèrent généralement que ce braconage ne constitue pas vraiment un problème grave pour les ressources fauniques. Il faut encourager ce groupe à respecter la réglementation, mais de façon générale, il ne constitue pas une très grosse menace.

Il en va autrement pour le deuxième groupe de braconniers. Ils le font pour l'excitation, pour avoir le gros lot ou pour faire beaucoup d'argent. Ils constituent une menace parce qu'ils ne se soucient absolument pas des ressources fauniques; ils ne cherchent que leur profit personnel.

Les animaux qu'ils prennent ne finissent pas dans la marmite familiale. Ils sont sans doute en train de fixer les visiteurs du haut des murs lambrissés de chêne d'une bibliothèque le reste du corps ayant sans doute été abandonné dans la forêt ou vendre sur le marché noir de la viande ou des différentes parties d'animaux. C'est ce genre de braconniers qui représentent la plus grosse menace pour nos ressources.

Le trafic est représenté par le commerce illégal des animaux sauvages. Les animaux sauvages deviennent un article de commerce dès l'instant où ils changent de main moyennant finance ou un avantage quelconque. Une certaine commercialisation d'animaux sauvages est déjà autorisée au Canada dans presque toutes les régions. Par exemple, le commerce des fourrures, qui était si prospère dans notre pays à l'origine, continue encore. La plupart des régions autorisent la vente des peaux. Certaines autorisent la vente d'un nombre limité de parties du corps des animaux. L'élevage de gibier est encore un autre exemple de commercialisation de la faune qui est légal ici au Canada.

La protection des plantes ne fait que commencer à attirer un peu d'attention. La législation de protection des plantes est presque inexistante ici au Canada. Il y a encore beaucoup à faire pour surveiller leur cueillette et leur commerce.

Il est très difficile de connaître exactement le volume du commerce des animaux sauvages qui se fait au Canada. Lorsque j'ai rédigé mon rapport il y a trois ans, les statistiques étaient nettement insuffisantes et la situation ne s'est guère améliorée depuis.

Il faut dire que le Canada est un pays immense et qu'il est constitué en grande partie d'étendues sauvages. Il est tout simplement impossible d'avoir un agent qui se cache derrière chaque arbre. Les ressources qui sont consacrées aux deux problèmes que sont le braconage et le commerce illégal sont très limitées. Elles ne permettent même pas de commencer à s'attaquer au problème.

La faune est régie tant au niveau fédéral que provincial par d'innombrables textes législatifs. Certains de ces textes sont nettement insuffisants pour faire face aux gros trafics. De plus, lorsqu'il existe des statistiques sur la faune, elles sont obtenues avec des méthodes différentes. Dans de nombreux cas, on ne conserve même pas ces données.

Ce peut paraître surprenant, mais dans la plupart des régions canadiennes, le plus gros problème de trafic des animaux sauvages n'est pas celui que posent les affaires à sensation dont on parle dans les journaux, mais plutôt la vente illégale de poisson et de viande dans le pays.

Je vais vous donner un exemple. Si vous deviez aller dans le Canada atlantique, vous pourriez acheter, en boîte, du saumon de l'Atlantique ou du canard. Ces animaux ont été prix illégalement, mais ils ont été mis en conserve, ce qui rend difficile leur identification, et ils sont parfois même vendus sur le marché normal.

En Ontario, il est possible d'aller trouver un poissonnier qui va vendre une prise légale avec les prises qui dépassent la limite et qui va mélanger le poisson pris illégalement avec celui qui l'a été légalement. C'est un problème important dans notre province.

Dans les prairies, le gros problème est celui des réseaux de viande de gibier. On estime que rien qu'en Saskatchewan ce commerce représente des millions de dollars.

Et que dire des grandes agglomérations urbaines que sont Montréal, Vancouver et Toronto, qui sont davantage connues pour leur commerce international en animaux sauvages illicites. C'est parce que ces villes constituent des points de transit. Elles sont dotées d'aéroports internationaux. Ce sont des centres d'arrivée et de départ. Il est étonnamment facile de faire entrer au Canada des animaux sauvages et d'en exporter également. Notre pays est en fait reconnu dans les cercles internationaux pour la facilité avec laquelle on peut y faire le commerce des animaux sauvages illicites.

Les animaux sauvages peuvent entrer au Canada à bord de n'importe quel véhicule, et même par le courrier.

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Ce genre de violations, de délits, est difficile à déceler parce que les colis peuvent être mal étiquetés ou faussement étiquetés. S'ils sont placés parmi des cargaisons commerciales, les caisses peuvent être enfouies au fond d'un conteneur ou de la remorque d'un camion, là où les inspecteurs sont les moins susceptibles de regarder. C'est très facile de faire passer ces envois.

Presque tout le trafic d'animaux sauvages se passe entre le Canada et les Etats-Unis. Nous avons de bonnes relations avec les Américains. La collaboration marche bien avec le Fish and Wildlife Service des Etats-Unis. Dans nos bureaux de douanes, il y a du personnel déterminé à lutter contre de telles infractions, mais il est tout simplement impossible d'y arriver à cause du volume des marchandises et du raffinement des méthodes de ces trafiquants.

Les agents des douanes sont déjà surchargés de travail et, bien souvent, ils n'ont pas les qualifications ni le temps voulus pour trouver ces colis suspects. Dans une certaine mesure, il faut s'en remettre aux agents chargés d'appliquer les lois fédérales qui, comme vous le savez sans doute, sont très éparpillés au Canada.

Je crois que pour maîtriser le braconnage et le trafic d'animaux sauvages au Canada, il faut appliquer deux méthodes. La première suppose que la plupart des gens se conforment volontairement aux lois régissant la faune. Mais pour obéir à ces lois, il faut premièrement les trouver justes et, deuxièmement, savoir quelles sont les infractions.

Cela signifie qu'il faut éduquer le public, surtout les gens qui vivent dans les campagnes parce qu'ils sont les plus susceptibles d'être témoins ou d'être au courant d'activités illégales, et de vouloir les signaler.

La seconde méthode suppose que ceux qui enfreignent délibérément la loi ne cesseront de le faire que s'il existe des mesures dissuasives efficaces. Pour être efficaces, ces mesures doivent regrouper trois éléments.

Premièrement, il faut prévoir des sanctions sévères pour le braconnage et le trafic. Ce peut être des amendes considérables et des peines d'emprisonnement, mais aussi des obligations civiques. Par exemple, le tribunal imposerait comme sanction la restitution et du travail communautaire; cela se fait d'ailleurs de plus en plus fréquemment pour les infractions concernant la faune.

Deuxièmement, il faut des programmes efficaces pour faire respecter la loi. Un tel programme ne peut être efficace que si le braconneur ou le trafiquant sait qu'il se fera très probablement prendre.

Troisièmement, les juges doivent être convaincus de la valeur de la faune. Un agent peut passer deux ans à mener une enquête qui se terminera en queue de poisson devant le tribunal parce que le juge ne prend pas l'affaire au sérieux. La magistrature doit s'engager à prendre au sérieux les causes concernant la faune et à valoriser les animaux sauvages.

Quand j'ai demandé récemment à des agents de protection de la faune d'un peu partout au pays quelles étaient selon eux, les principaux obstacles à la lutte contre le braconnage et le trafic d'animaux sauvages au Canada, ils ont nommé cinq problèmes.

Le premier, c'est le volume du trafic. Ils ne disposent tout simplement pas des ressources nécessaires pour s'y attaquer.

Le deuxième, ce sont les compressions budgétaires qui empêchent l'embauche de personnel supplémentaire et qui restreignent donc les possibilités de surveillance régulière et le nombre d'enquêtes spéciales que ces agents peuvent effectuer.

Le troisième, c'est la résistance des gens à certains règlements de chasse. Pour les chasseurs, certains règlements étant tout simplement injustes, ils n'ont pas l'intention de s'y conformer.

Le quatrième problème, c'est le manque de sensibilisation du public qui ignore le type de braconnage qui se fait et son étendue. Malgré la médiatisation de certaines affaires, les gens ne se sont pas encore rendus compte que toutes ces activités illégales se passaient au Canada. Une bonne partie de la population n'a pas la moindre idée des dispositions législatives concernant la faune. Par conséquent, même si quelqu'un surprenait un braconnier dans les bois, jamais il ne penserait que celui-ci est en train de commettre une infraction.

Il y a enfin le problème du braconnage qui survient sur les territoires autochtones. C'est une question épineuse.

En dépit de tous ces obstacles, depuis que j'ai rédigé mon rapport il y a trois ans, il y a eu beaucoup de progrès, ce qui montre que l'on s'est attaqué au braconnage et au trafic d'animaux sauvages. En effet, depuis quelques années, plusieurs lois ont été nettement améliorées. Ainsi, il y a trois ans, la Colombie-Britannique autorisait la vente de parties d'ours. C'est maintenant interdit.

L'an dernier, le Manitoba a porté l'amende maximale de 3 000$ dollars à 50 000$ dollars et prévu la confiscation automatique du matériel et des véhicules. Depuis l'adoption de ces dispositions, la province estime que le nombre d'infractions liées à la chasse aux animaux sauvages a diminué de 50 p. 100.

Le Nouveau-Brunswick a récemment institué un régime de peines sévères qui prévoit des amendes minimales de 2 000$ à 3 000$ dollars et l'incarcération obligatoire en cas de chasse ou de possession contraire à la loi. Cette province considère elle-aussi que la prise de ces règlements sévères - le simple fait qu'ils existent - a un réel effet dissuasif.

Depuis les dernières modifications apportées à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, des peines beaucoup plus sévères sont prévues en cas d'infraction. Par exemple, un résident du Québec a été surpris l'an dernier à ramasser des oeufs d'eider; il en avait 150 qu'il avait l'intention de mettre en couveuse et de vendre à des collectionneurs de sauvagine du monde entier. Il a été condamné à payer une amende de 1 200$ dollars et tout son matériel a été confisqué. Cela a nui à la rentabilité de son entreprise.

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Lorsqu'auront été pris les règlements en vertu de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, le Canada disposera d'un instrument efficace pour lutter contre le trafic international d'animaux sauvages et leur transport interprovincial.

Étant données les ressources limitées des services policiers, ceux-ci devront maximiser leurs efforts en concentrant les enquêtes spéciales sur les dossiers-clés et en coopérant entre eux. Les enquêtes les plus approfondies au Canada mettent généralement à contribution des agents provinciaux, des agents de la GRC, et des agents du gouvernement fédéral. Nombre des enquêtes sur des affaires entre le Canada et les États-Unis exigent la coopération étroite des agents canadiens et américains. Par exemple, l'an dernier, le Manitoba a eu recours au service d'agents secrets américains pour infiltrer une opération illégale qui se déroulait dans la province.

Je suis contente que le public commence à être sensibilisé au problème depuis que les agents de conservation de la faune et les associations intéressées ont commencé à en parler. On utilise souvent des programmes tels qu'Échec au crime et d'autres comparables qui donnent un numéro de téléphone où les gens peuvent appeler s'ils sont témoins d'une infraction. En Saskatchewan, par exemple, leur programme de dénonciation reçoit de 1 200 à 1 300 appels par année qui mènent environ à 250 accusations.

L'Alberta vient de lancer un nouveau programme appelé Nature Watch dans le cadre duquel les employés des sociétés forestières et d'autres travailleurs ruraux vont surveiller les petites routes de campagne et signaler tous les véhicules qui y sont immobilisés. Ce sont des mesures efficaces parce qu'il revient à ceux qui vivent dans la région et qui sont à même de voir ce qui se passe de signaler certains agissements; sinon, il faudrait que l'agent responsable soit partout.

Les juges aussi sont de plus en plus conscients de la gravité des infractions concernant la faune. Ils commencent à imposer des peines très sévères pour certains crimes. Le meilleur exemple de cela est une affaire récente en Alberta où 11 personnes accusées de faire le commerce de parties d'ours noir ont été déclarées coupables et condamnées en tout à 127 000$ d'amendes et 75 jours de prison. C'est un précédent important.

Malgré tout ces progrès, il y a encore beaucoup à faire. Il y a cinq ans, dans le Plan vert, le Canada s'est engagé à protéger les animaux sauvages contre le braconnage et le trafic, et à renforcer l'application des lois concernant la faune. Malheureusement, rien ne montre que le Canada a tenu parole. Les compressions budgétaires et la rationalisation ont nui constamment aux efforts déployés pour exécuter les obligations prévues dans le Plan vert. Néanmoins, je garde espoir, mais il reste de nombreuses questions importantes à régler si nous voulons maîtriser le braconnage et le trafic au Canada.

Je peux vous donner quelques exemples. Il faut faire plus pour renseigner la population, en commençant par les enfants d'âge scolaire. Il faut veiller à ce que les comportements inacceptables ne se transmettent pas d'une génération à l'autre. Il faut faire comprendre aux populations rurales que ces activités ne devraient pas être tolérées par la société, en commençant par sensibiliser les enfants afin que les gens comprennent l'importance de l'environnement.

Les organismes gouvernementaux de protection de la faune doivent arriver à faire plus et mieux avec des ressources qui diminuent. On ne peut plus s'attendre à des augmentations régulières. Nous devons être capables de faire plus avec moins. Je crois que les gens commencent à accepter cette réalité. Il faudra sans doute améliorer encore la coopération entre organismes et certainement aussi s'entendre sur les affaires-clés, celles sur lesquelles il faut se concentrer parce que les probabilités de succès d'une poursuite sont meilleures, celles dont le juge est susceptible de mieux comprendre la valeur du précédent qu'il pourrait établir pour faire réfléchir les criminels.

Au niveau fédéral, il faudrait faire des efforts pour coordonner le travail d'Environnement Canada et celui des autres organismes responsables de la faune, à savoir Douanes Canada, Agriculture et Agro-alimentaire Canada, le ministère des Pêches et Océans, et d'autres.

Il faut proclamer sans tarder la nouvelle Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages. Elle doit prendre effet pour qu'on puisse savoir si elle est applicable.

Il faut tenter de concilier les droits de chasse et de pêche des autochtones et les impératifs de la conservation de la faune. Nul doute qu'il faudra s'asseoir avec les chefs autochtones pour avoir des discussions sérieuses, notamment sur la possibilité que les autochtones se chargent eux-mêmes de faire respecter la loi.

Il faut surveiller de très près les fermes à gibier, les éleveurs d'animaux, les pépinières et d'autres commerces qui peuvent servir d'intermédiaires pour légitimer des animaux sauvages acquis illégalement.

En terminant, j'avoue que nous avons toutes les raisons de ne pas perdre espoir puisqu'il reste encore au Canada des animaux sauvages à protéger. En général, les Canadiens ont beaucoup de respect pour l'environnement et pour la faune. À en juger d'après les agents de conservation de la faune que j'ai interrogés, ce sont des gens dynamiques et engagés. J'estime toutefois que nous avons consacré suffisamment de temps à l'étude des questions, à la définition des problèmes, mais trop peu aux solutions mêmes. Je suggère que nous nous y mettions sans tarder.

Je vous remercie beaucoup.

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Le président: J'apprécie énormément votre intervention.

Je donne maintenant la parole à monsieur McLean, d'Environnement Canada.

M. Robert McLean (chef intérimaire, Division de l'analyse et de la coordination des programmes, Service canadien de la faune, Environnement Canada): Merci beaucoup, monsieur le président. Comme Joan vient de le dire, il y a deux techniques fondamentales pour assurer une conservation efficace: la coopération et l'intégration.

La lutte contre le trafic d'animaux sauvages est un excellent exemple de cette coopération multipartite dans la conservation de la faune. Les gouvernements doivent travailler conjointement à l'échelle tant nationale qu'internationale, afin de concevoir des mesures de contrôle efficace et de les mettre en oeuvre. Nous avons besoin de partager les renseignements et les connaissances que nous possédons si nous voulons réussir.

Les organisations non-gouvernementales sont aussi essentielles dans ce partenariat, puisque c'est par elles qu'on peut informer le public et le mettre à contribution. Le secteur privé est lui aussi indispensable à une application efficace et responsable de la loi.

À l'heure actuelle, Environnement Canada se concentre sur deux stratégies pour contrer le braconnage et le trafic d'animaux sauvages. L'une consiste à moderniser les lois actuelles du ministère concernant la faune. C'est presque terminé et nous espérons en arriver aux dernières mesures d'ici un mois ou deux.

En outre, comme on vous l'a dit hier, des consultations publiques vont commencer bientôt au sujet d'un programme national de conservation des espèces en voie d'extinction; le programme comprend une loi fédérale sur ces espèces.

La seconde stratégie tourne autour de l'application des lois et règlements concernant la faune. Des discussions sont en cours pour harmoniser les législations fédérale, provinciales et territoriales.

Ces programmes doivent tenir compte du rôle que chaque Canadien peut jouer dans le respect des lois. Les simples citoyens doivent d'ailleurs être intégrés aux grands progammes d'application de la loi.

Je vais commencer par vous donner un aperçu de la dimension législative du travail du ministère. Julie Gelfand, directrice générale de la Fédération canadienne de la nature, a terminé son exposé, mardi matin, en priant les membres du Comité de faire leur possible.

Je vais donc commencer par rappeler ce que vous avez déjà fait. Je pense en particulier aux travaux du Comité permanent, l'an dernier, sur la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur la faune du Canada. Le Comité a réussi à apporter à ces lois les premières modifications depuis leur adoption en 1917 et en 1973 respectivement.

Nombre de ces modifications visaient directement le braconnage et le trafic, notamment la désignation d'agents et la possibilité de désigner des agents d'autres organismes. Le Comité s'est assuré que ces agents auraient touts les pouvoirs nécessaires.

Nos agents ont les mêmes pouvoirs qu'un agent de la paix en vertu de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de la Loi sur la faune du Canada. Les pouvoirs conférés par ces deux lois ont été accrus par l'ajout d'un pouvoir d'inspection et d'un pouvoir de fouille et de perquisition sans mandat dans certaines circonstances pressantes.

Comme Joan vient de le dire, l'une des modifications capitales a été l'augmentation considérable des pénalités dont le maximum est passé à 250 000$ pour les personnes morales et à 100 000$ pour les personnes physiques. Ce montant peut même doubler en cas de récidive. Une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans est aussi prévue. Le Comité a déjà posé les jalons des peines plus sévères que doit prévoir la loi si elle veut avoir un effet dissuasif.

Le Comité s'est aussi penché sur les méthodes innovatrices qu'on vient de mentionner. Il a ajouté à plusieurs endroits la possibilité d'obtenir une ordonnance judiciaire contre ceux déclarés coupables.

Joan, vous avez même donné l'exemple que j'avais prévu. Avez-vous lu mes notes?

Joan a donné l'exemple de l'homme qui avait ramassé 150 oeufs d'eider. Il a été condamné à une amende de 1 200$ en vertu de l'ancienne Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. En septembre 1994, 14 personnes ont été accusées en tout de 115 infractions à la nouvelle Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et à la Loi sur la conservation de la faune du Manitoba; jusqu'à présent, elles ont été condamnés à 80 000$ d'amendes et la valeur du matériel de chasse, des bateaux et des moteurs confisqués dépasse les 20 000$. Or, toutes les accusations n'ont pas encore été jugées.

Il y a encore l'exemple des trois chasseurs accusés de chasse illégale avec apâts. Ils ont été condamnés à une amende de 700$ chacun alors que l'amende maximale était auparavant de 300$ seulement. Voilà qui montre bien que l'augmentation des amendes a mené directement à l'imposition de peines plus sévères.

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Le comité a aussi apporté deux modifications d'importance à la Loi sur la faune du Canada. Le premier jour, les témoins ont prié le comité de ne pas associer uniquement les espèces traditionnelles - mammifères, oiseaux, etc. - à la faune, mais toutes les espèces animales.

En plus d'aborder les questions de gestion de la faune du point de vue de l'écosystème, le comité a redéfini la faune dans la loi, afin d'y englober maintenant tous les animaux, végétaux et autres organismes appartenant à des espèces sauvages, conformément à la politique du Canada concernant la faune et aux principes de biodiversité.

L'autre modification importante confère au fédéral le pouvoir d'établir des zones marines protégées à l'intérieur de la zone située entre 12 et 200 milles marins au large des côtes. Notre ministère est le fer de lance d'une initiative visant à protéger une région appelée «le Gully» au large de la côte est.

On peut lutter contre le braconnage grâce aux lois sur la conservation, des lois adoptées pour gérer les espèces. L'une d'elles est évidemment la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. C'est un outil de gestion et il y a aussi, bien entendu, les lois provinciales qui visent la gestion des espèces de la province. Pour lutter contre le trafic, il faut une loi un peu différente qui ne traite pas de la gestion des espèces mais plutôt du contrôle du commerce.

La pièce maîtresse de ce régime législatif, c'est la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, que j'appellerais ci-après la Loi sur le commerce d'espèces sauvages. Elle a été adoptée par le Parlement et elle a reçu la sanction royale en décembre 1992. Son adoption avait pour but, d'une part, de protéger les espèces canadiennes et étrangères contre le braconnage et le commerce illégal et, d'autre part, de protéger les écosystèmes canadiens contre l'arrivée d'espèces nuisibles.

On trouve deux dispositions clés dans la loi relativement au commerce illégal. La première interdit l'importation au Canada de tout spécimen sauvage obtenu, transporté ou vendu contrairement aux lois d'un État étranger. Autrement dit, le Canada ne sera pas un pays de complaisance ou un refuge pour ceux qui, après avoir violé une loi étrangère, transportent des espèces sauvages jusqu'ici. Cette disposition nous permettra de les poursuivre.

L'autre disposition concerne le trafic, la vente d'espèces menacées d'extinction qui figurent dans la liste de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. La Loi sur le commerce d'espèces sauvages interdit le trafic de ces espèces.

Avant que la loi puisse être proclamée et qu'elle n'entre en vigueur, il faut prendre des règlements en vue de désigner les espèces qui seront visées par la loi et d'établir certaines exceptions nécessaires à une application équitable de la loi.

Il a fallu plus de temps que prévu pour produire les règlements car ils doivent régler des questions fort complexes. Certaines dispositions réglementaires doivent d'abord être approuvées par les provinces et les territoires, tandis que d'autres sujets nécessitent de nouvelles consultations avec les intervenants. Par conséquent, le régime réglementaire prévu dans la loi se composera d'une série de règlements pris successivement en commençant par les obligations les plus criantes telles que la désignation des espèces; ensuite on passera à la rationalisation et à l'harmonisation - par exemple, une licence par transaction - et on finira par les questions administratives telles que les ports d'entrée à désigner et les droits à acquitter.

Avant de changer de sujet, je voudrais vous rappeler brièvement où en sont les modifications à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Mardi, le grand chef adjoint Blacksmith du Grand conseil des Cris du Québec a félicité le comité permanent pour avoir inclus dans la loi une clause de non-dérogation. Il a aussi demandé que d'autres mesures soient prises et insisté pour qu'il y ait consultation pleine et entière au sujet des modifications.

Le ministère a fourni des renseignements l'an dernier sur les consultations que nous avions faites. Comme c'est de notoriété publique, je ne vais pas en traiter aujourd'hui. Nous avions toutefois remarqué à l'époque que, pour dissiper les préoccupations des autochtones à l'égard de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, il fallait modifier la convention même et non la loi.

J'ai le plaisir de vous informer aujourd'hui que les négociations entre le Canada et les États-Unis ont commencé lundi dernier et qu'elles portent sur les préoccupations des peuples autochtones. Je suis désolé de ne pas pouvoir présenter ce matin un rapport sur l'état des négociations, mais j'ajouterais que l'équipe qui négocie pour le Canada est formée de M. James Bourque, un ancien sous-ministre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest qui représente les Métis et les Indiens non inscrits, de Rosemary Kuptana, présidente d'Inuit Tapirisat du Canada, qui représente les Inuit et Inuvialuit, et enfin de M. Philip Awashish, du Grand conseil des Cris du Québec, qui représente les Premières nations amérindiennes.

Ce ne sont donc pas de simples consultations. Les autochtones participent pleinement aux discussions et aux négociations qui aboutiront à la modification de la convention.

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Enfin, entre autres modifications apportées à la loi l'an dernier, le comité a ajouté une disposition exigeant que la nature des modifications apportées à la Convention soit examinée et discutée à la Chambre. Donc, ce sont tous les députés et non pas seulement les membres du comité qui pourront discuter de l'issue des négociations.

Le ministre de l'Environnement est responsable de l'application des trois lois. Le ministère a toujours eu comme politique de coopérer avec les autres grands organismes chargés de l'application de la loi afin que les contrôles soient les plus efficaces et les plus économiques possibles. Les employés d'Environnement Canada se sont surtout occupés de coordonner l'application des lois; ils font profiter leurs partenaires qui sont la GRC, le service des douanes et les organismes provinciaux et territoriaux, de leurs connaissances spéciales.

La coopération avec nos partenaires et dans leurs activités demeure la pierre angulaire du programme. L'harmonisation en cours nous permet de revoir les rôles et responsabilités de chacun afin de nous assurer qu'il n'y a ni dédoublements ni chevauchements. Chaque ordre de gouvernement conservera les pleins pouvoirs et la responsabilité d'appliquer ses propres lois.

Des ententes administratives seront conclues avec les provinces et territoires afin que les rôles de chacun soient bien nets et aussi en vue d'améliorer l'efficacité des programmes relatifs à l'application de la loi. En essence, le fédéral s'occupera principalement des frontières internationales, des accords internationaux et des questions nationales.

La conformité aux règlements ayant une dimension internationale demeurera prioritaire. De plus, Environnement Canada se concentrera sur les solutions et les problèmes nationaux. Par exemple, nous nous occupons de la production de ces guides d'identification.

Comme il existe 40 000 espèces et que notre organisme à nous ne dispose que de 35 agents pour faire respecter la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction, nous devons évidemment compter sur la coopération des autres organismes si l'on veut arriver à faire respecter la Loi sur le commerce d'espèces sauvages.

Pour ce faire, on utilise des moyens comme celui-ci. Ce sont des documents conçus pour ceux qui ne sont pas biologistes et qui ne connaissent pas les guides spécialisés. Ces brochures sont pensées pour permettre à un douanier qui a un oiseau vivant dans les mains de déterminer si cette espèce est contrôlée par la convention ou non.

Je vais m'arrêter là et répondre plutôt aux questions que les membres du comité voudront me poser. Je vous remercie.

Le président: Très bien.

Nous allons maintenant entendre Michael Porter de Parcs Canada. Nous sommes très contents d'avoir aussi parmi nous un spécialiste de l'application des lois à Parcs Canada, Duane Martin, qui est ici pour répondre aux questions que les membres du comité pourraient avoir sur des cas précis.

Monsieur Porter, allez-y, je vous en prie.

M. Michael Porter (directeur général intérimaire, Parcs nationaux, Parcs Canada, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président. Je ferai un très bref exposé parce que je n'ai pas l'intention de répéter ce que les deux témoins qui m'ont précédé ont si bien exprimé. Nous avons manifestement la même vision du problème et des solutions.

À la fin de mes remarques succinctes, je demanderai à Duane de vous donner des exemples très concrets de certains des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il vous présentera alors certaines des diapositives que nous avons apportées.

Je vais vous situer dans le contexte. Prendre illégalement des espèces sauvages dans nos parcs nationaux est contraire au mandat principal que nous confère la loi, à savoir protéger tout ce qui se trouve dans ces écosystèmes représentatifs, pour les générations futures.

Le Canada est résolu à mettre en oeuvre un programme viable pour faire respecter la loi, programme qui, conjugué à une gestion solide axée sur l'écosystème, constitue le meilleur moyen de protéger nos ressources. Nous pensons devoir combiner les deux éléments protectionnistes de notre système pour parvenir à nos fins.

Le braconnage est un crime contre lequel il faut lutter en faisant appel à toute la gamme des techniques policières connues. Bien que les parcs nationaux ne représentent qu'une petite partie de nos écosystèmes, Parcs Canada peut et doit se joindre à des partenaires des secteurs privé et public pour identifier, inventorier et ultimement protéger...

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Le président: Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Porter, mais avez-vous un texte en français et en anglais?

M. Porter: Oui, monsieur le président.

Le président: Ah! On est en train d'en faire la distribution. Poursuivez, s'il vous plaît.

M. Porter: Un programme efficace et très étendu de sensibilisation du public décrivant les dommages causés aux ressources fauniques qui sont détenues en fiducie pour le peuple canadien engendre des partenariats qui favorisent la meilleure protection possible de ces ressources. Pourtant, les Canadiens ont souvent débattu de l'opportunité d'une action répressive pour régler ce problème - et Joan en a fait une bonne démonstration - lorsque l'éducation ne répond pas aux besoins.

Je vais vous donner comme exemple une statistique qui fait suite aux propos de Joan. Pour une étude du gouvernement de l'Alberta, en 1987, on a simulé 600 crimes relatifs à la faune; or, seulement 1,3 p. 100 d'entre eux ont été signalés aux autorités ou découverts par elles. Deux études comparables ont eu lieu au Nouveau-Mexique et au Wisconsin et sont arrivées à des conclusions très comparables. D'ailleurs, notre expérience personnelle le confirme.

Nous estimons qu'en règle générale, moins de 10 p. 100 de ces infractions sont signalées, et pour moins de 35 p. 100 d'entre elles la preuve est suffisante pour obtenir un verdict de culpabilité.

Abstraction faite de ces statistiques, les procès les plus réussis, tant au Canada qu'à l'étranger, en particulier aux États-Unis, n'ont pas été le résultat d'éléments de preuve découvert dans un parc donné. Ils ont eu lieu grâce aux renseignements recueillis par d'autres corps policiers ou obtenus d'informateurs.

Je vais ensuite demander à Duane de vous donner deux ou trois exemples. La vérité, c'est qu'un programme de dissuasion efficace dépend énormément des services de renseignements, un peu comme on le fait pour le trafic de drogue.

Parcs Canada est divisé en six régions. Presque tous les parcs nationaux de chacune d'elles perdent des espèces sauvages à cause de la chasse et de la pêche illégales. Par exemple, le Parc national du Gros Morne à Terre-Neuve, celui de Riding Mountain au Manitoba et certains parcs des Rocheuses perdent le plus grand nombre d'animaux aux mains des braconniers qui font commerce de la viande, comme le démontre l'existence de la vente ou du troc de certaines espèces.

Les braconniers ne s'attaquent pas uniquement au gibier. D'autres espèces, comme des amphibiens rares ou de collection, sont aussi à risque. Des parcs comme celui de Pointe Pelee dans le sud de l'Ontario en sont un exemple frappant. Il y a récolte illégale de coquillages sur la côte du Pacifique, en Colombie-Britannique, et il y aurait une chasse au papillon exotique à Banff, ce qui constitue une déprédation grave du point de vue de l'écosystème.

Des cornes et des organes d'ours sont prélevés dans des parcs de l'Atlantique, des Prairies et de l'Alberta. Des trophées valant des dizaines de milliers de dollars sur le marché ont été pris dans des parcs des Prairies et de l'Alberta, ainsi que dans le parc Kluane au Yukon.

Même si ces pertes ne compromettent pas habituellement la survie d'une espèce, les organismes de protection de la faune aux États-Unis et au Canada savent pertinemment que les parcs sont une source appréciée d'espèces de premier choix. Cette pression constante et croissante met en péril la viabilité à long terme des espèces sauvages dans les parcs nationaux et au Canada en général.

Que faisons-nous? En 1988, 58 ans après que la loi ait été rédigé en 1930, le Parlement a accepté de transformer l'amende maximale fixée à 500$ depuis longtemps pour toutes les infractions à la Loi sur les parcs nationaux en un régime pénal à trois niveaux. Maintenant, l'amende maximale pour les infractions relativement mineures telles que du camping illégal et la perte d'espèces dites moins importantes, est de 2 000$. Pour la seconde catégorie d'infractions, il y a une amende de 10 000$ ou six mois d'emprisonnement ou les deux; ce sont les infractions telles que prendre des animaux d'une espèce nécessitant une protection spéciale et figurant dans l'annexe de la loi. Enfin, la loi prévoit une amende maximale de 150 000$ ou six mois d'emprisonnement, ou les deux, si l'on prend des espèces énumérées dans la liste des espèces menacées d'extinction qui apparaît dans la Loi sur les parcs nationaux.

Monsieur le président, vous vous en souvenez sûrement puisque vous faisiez partie du Comité législatif qui, en 1988, a décidé de prévoir des peines plus sévères. À l'époque, elles étaient comparables ou supérieures aux peines prévues dans les lois provinciales. L'amende de 150 000$ était la plus élevée prévue au Canada. La situation a évolué, et nous allons bientôt demander au Parlement d'envisager d'augmenter ces amendes, car les provinces en ont déjà fait autant, du moins pour certaines catégories.

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Le problème, en ce qui nous concerne, c'est qu'avant 1988, l'amende de 500$, par exemple - et vous le savez aussi bien que moi - correspondait plus ou moins au coût d'un permis pour bon nombre de chasseurs dits sportifs assez riches, et par conséquent, ils étaient tout à fait disposés à prendre le risque de payer une amende de 500$ dans un parc national, alors que l'amende infligée par la province aurait peut-être été beaucoup plus élevée. Donc, cette augmentation semble nécessaire pour nous assurer du respect de la loi et de son effet de dissuasion.

On a parlé tout à l'heure du Plan vert, et certaines activités prévues découlent justement de ce dernier. En vertu du Plan vert, nous avons créé 54 nouveaux postes dont les titulaires seront chargés de faire repecter la loi, car ce genre de postes manquaient justement par le passé. Quarante-cinq titulaires de ces postes travailleront dans les parcs, car c'est là que nous en avons le plus besoin.

À part les activités prévues au Plan vert et la création de ces nouveaux postes, nous nous sommes fixés un certain nombre d'objectifs: améliorer le degré de respect de la loi; améliorer la formation et la coopération entre les différents organismes, y compris des patrouilles et des enquêtes conjointes, et l'échange d'information et de renseignents; et améliorer la disponibilité et l'utilisation des sciences et de la technologie, y compris le matériel de détection et d'autres techniques que je voudrais brièvement décrire aux membres du comité.

J'ai ici un rapport très récemment publié qui a été préparé en collaboration avec l'Université de l'Alberta en vertu du Plan vert. Ce rapport traite de la génétique légale. Il a déjà été communiqué à un grand nombre d'organismes qui sont responsables de la conservation. L'un des objectifs du rapport est de permettre l'identification génétique de la faune afin qu'il soit plus facile de poursuivre les braconniers.

Dans certains cas, nous avons une chance sur 7,5 millions de pouvoir déterminer qu'un trophée de chasse, par exemple, que possède une personne qui s'est enfuie du parc depuis longtemps, correspond au reste de l'animal que nous avons trouvé dans le parc.

Il s'agit donc d'un outil extrêmement utile parce que des méthodes scientifiques vont nous permettre non seulement de dissuader les braconniers mais aussi de maintenir la viabilité des populations de faune vivant dans les parcs en nous fournissant les renseignements dont nous avons besoin.

J'ai apporté un certain nombre de copies du rapport en question, au cas où les membres du comité voudraient en avoir.

Un autre élément du Plan vert consistait à autoriser les parcs à monter des opérations spéciales, c'est-à-dire que des experts peuvent être envoyés sur place lorsqu'un parc donné n'a pas les ressources financières ou techniques requises pour effectuer le travail en question. Nous avons également engagé des fonds afin de permettre aux parcs de normaliser les méthodes de mise en oeuvre du programme d'application de la loi, et ce, dans le cadre d'une initiative fédérale d'examen des activités d'application de la loi prises par le solliciteur général.

L'un des éléments les plus importants de nos efforts d'amélioration du programme d'application de la loi est le protocole d'entente que nous avons signé avec la GRC, qui est désormais chargée de dispenser des cours de formation à nos agents dans ses installations de Régina.

Comme nous vous l'avons déjà dit, l'adoption de cette loi a permis de bien sensibiliser les tribunaux, et ces derniers se sont effectivement rendus compte qu'il est normal de prévoir la peine maximale pour les crimes les plus graves. À la conclusion de mon exposé, je vais demander à Duane de vous en donner quelques exemples.

Quant aux tendances futures, au fur et à mesure que la faune disparaît des différentes régions de notre pays et du monde en général, le problème du braconnage risque de s'aggraver dans l'ensemble des Parcs nationaux et des zones protégées du Canada. Quant aux espèces rares ou menacées, la capture d'un grand nombre d'animaux pourrait éventuellement entraîner la disparition de ces populations.

Les braconniers ne se limitent pas à une seule province. Voilà pourquoi un bon échange d'information sur les opérations conjointes est tout à fait essentiel pour nous permettre d'identifier et d'arrêter les personnes responsables. Le traffic illicite de gros gibier vivant ou de parties de gros gibier rapportent beaucoup d'argent.

Je vais laisser tomber le reste de mon exposé. De toute façon, Joan l'a déjà dit beaucoup mieux que je n'aurais pu le faire.

Donc, que reste-t-il à faire? Pour que Parcs Canada puisse remplir son premier mandat, qui consiste à protéger l'ensemble des ressources et des terres dont il est responsable, et empêcher la capture et le traffic illicite de parties d'animaux, il nous faut maintenir nos réseaux renforcés de surveillance en collaboration avec nos partenaires; nous devons également davantage utiliser les techniques et le matériel les plus modernes pour faire respecter la loi, y compris la surveillance clandestine et la mise sur pied d'équipes d'enquêteurs bien coordonnées, en collaboration avec nos partenaires; et enfin - et cet élément revêt une importance particulière - nous devons absolument améliorer nos programmes de sensibilisation du public.

Le programme actuel de formation des recrues dispensé par la GRC à Régina va être maintenu, et Parcs Canada va continuer à soutenir les programmes d'application de la loi et de gestion écosystémiques qui sont maintenant en place, afin de pouvoir assumer ses responsabilités globales en matière de protection des ressources.

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Je pourrais continuer, mais je préfère ne pas répéter ce que d'autres vous ont déjà dit, peut-être mieux que j'aurais pu le faire. Si vous me le permettez, je voudrais cependant demander à Duane de vous présenter brièvement quelques exemples concrets du genre d'activités que nous venons de vous décrire.

M. Duane Martin (spécialiste de l'application de la Loi, Parcs Canada, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président et membres du Comité. Je voudrais insister sur deux points en particulier.

D'abord, les modifications apportées à la Loi sur les parcs nationaux en 1988 ont donné aux responsables de l'application de la Loi de Parcs Canada, une bien plus grande marge de manoeuvre. Notamment pour ce qui est des peines maximales et des amendes.

Il y a trois ans, à la suite d'une enquête menée sur deux ans, nous avons pu faire condamner un résident de la Colombie-Britannique pour avoir tué un bison dans le parc de Wood-Buffalo cinq années auparavant. Il a donc été trouvé coupable de braconnage. On lui a infligé l'amende maximale de 10 000$ en vertu de la deuxième catégorie et il a aussi été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois. Voilà donc un exemple clé qui illustre l'importance pour nous de ces amendes plus importantes et le sérieux avec lequel les tribunaux traitent désormais ces activités.

On a également parlé de partenariat. Depuis un certain nombre d'années, nous formons de plus en plus de partenariats avec différents organismes fédéraux de protection de la faune, la GRC et même des services fédéraux et d'État chargés du respect de la loi aux États-Unis. En l'absence d'une telle collaboration, nous n'aurions pas réussi à mener à bien un certain nombre de nos enquêtes.

Il y a quelques années, un homme d'affaires californien, dénommé Shipsey est venu au Canada, et, accompagné d'un guide de la Colombie-Britannique, il a tué un mouflon d'Amérique dans le Parc national de Jasper. C'est justement grâce à la collaboration d'organismes américains, du Service de la faune de la Colombie-Britannique et de la GRC que nous avons réussi à poursuivre cette personne.

Donc, le partenarait revêt une grande importance pour nous. Ayant personnellement travaillé dans le secteur de l'application de la loi depuis plusieurs années, je serais tout à fait en faveur de la mise sur pied de groupes de travail mixtes officiels, partout au Canada, auxquels participeraient nos différents partenaires, qu'il s'agisse de la GRC, des agents responsables de la protection environnementale ou des représentants d'organismes provinciaux.

Si vous me le permettez, je voudrais vous présenter une douzaine de diapositives qui nous permettrons d'illustrer rapidement un certain nombre de points soulevés par Mme Gregorich etM. Porter tout à l'heure.

[Présentation de diapositives]

M. Martin: La première indique que la majorité de nos parcs nationaux se trouve dans des zones éloignées où le terrain est particulièrement accidenté. Les limites tracées autour des parcs, et que vous voyez sur la diapositive, constituent la seule indication d'un changement de régime, c'est-à-dire entre ce qu'il y a dans les terres provinciales et le régime des terres territoriales contigües, où il existe souvent une saison de chasse légale pour un certain nombre d'espèces. Comme il s'agit de zones éloignées, il est souvent difficile d'assurer une bonne surveillance et de détecter les individus qui pratiquent le braconnage sur ce genre de terrain très accidenté.

Les braconniers sont souvent très bien préparés, et ont accès, à très faible coût, au genre d'équipement qui n'est pas disponible au grand public, à savoir du matériel d'écoute, des réseaux radio, de communication bilatérale et de vision nocturne. De plus, ils se servent d'équipement qui facilite l'accès sur des terrains accidentés où il existe beaucoup de rivières et de lacs, comme des véhicules tout terrain ou des motoneiges, ou encore, ils peuvent se déplacer à cheval.

Une vaste gamme de méthodes de braconnage sont utilisées. Même si on a tendance à penser que la plupart des braconniers se servent surtout d'armes à feu pour tuer les animaux, ces derniers recourent également à des techniques de piégeage traditionnel.

Voilà justement le genre de choses que nous voyons dans les parcs. Vous voyez ici un noeud coulant; ensuite vous avez un collet, qu'on utilise pour piéger les orignaux quand ils passent dans une certaine zone.

Une autre méthode un peu moins sophistiquée mais tout aussi efficace et implacable pour piéger la faune, consiste à utiliser un noeud coulant qui prend l'animal par la patte. Ce dispositif enterré se compose d'un noeud coulant posé sur une bascule qui cède sous le poids d'un animal, comme un chevreuil, par exemple, et l'empêche de retirer sa patte, une fois que celle-ci est prise. Ainsi l'animal reste pris jusqu'à ce que la personne qui a dressé le piège revienne.

Deuxièmement, les braconniers se servent également de fils et d'hameçons. Souvent ils font passer le fil dans les arbres ou sur un sentier pour piéger la faune qui y passe. Voilà donc un exemple d'une autre façon d'appliquer cette méthode. Dans ce cas, les fils et les hameçons sont cachés dans des pommes. Les chevreuils, notamment, vont manger les pommes de sorte que l'hameçon reste pris dans la gorge lorsqu'ils avalent la pomme.

Toutes ces techniques, qu'il s'agisse d'armes à feu, d'arbalètes ou d'une autre forme de dispositifs maison, donnent malheureusement le même résultat, c'est-à-dire la perte, pour l'enseamble de la population canadienne, d'animaux protégés qui vivent dans nos parcs nationaux.

Voilà donc qui termine mon exposé. Merci infiniment.

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Le président: Qu'est-ce qu'on voit sur cette dernière diapositive?

M. Martin: Eh bien, cette dernière image vous montre les restes d'environ trois orignaux qui ont été capturés à l'aide de noeuds coulants. Ils avaient été coupés en morceaux. Lorsqu'on a attrapé les responsables, ils commençaient à traiter la viande sur place.

Le président: Nous allons donc passer aux questions. Chaque intervenant aura dix minutes, et nous allons commencer par Mme Guay.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais avoir un peu d'information sur le plan. Vous parliez tantôt, monsieur, du Plan vert qui a créé 54 postes pour l'application de la loi. Ces 54 postes, quels sont-ils exactement? Est-ce que ce sont des postes de gardiens, de gens qui sont là strictement dans des bureaux pour appliquer la loi ou de gens qui sont sur le terrain?

M. Porter: Pour la plupart, ce sont des gens dans les parcs. Des 54 postes, il y en a 45 qui sont affectés directement aux parcs mêmes.

Mme Guay: Étant donné les coupures qu'on va subir bientôt au ministère de l'Environnement, est-ce qu'on a l'intention de couper des postes dans ce domaine?

M. Porter: Nous ne sommes pas du ministère de l'Environnement, madame.

Mme Guay: Vous êtes indépendants?

M. Porter: On va essayer de garder les postes. Dans le contexte des coupures, Parcs Canada est toujours obligé de compléter le réseau des parcs nationaux. On va ajouter 16 autre parcs nationaux. Vu notre allocation de fonds, il est important de garder au moins ceux qu'on a maintenant, et j'espère que le Conseil du Trésor nous sera sympathique.

Mme Guay: Je vous le souhaite aussi, parce que c'est important.

Comment les choses fonctionnent-elles, sur le plan administratif, au ministère de l'Environnement? Comment faites-vous pour fonctionner avec les ministères provinciaux en ce qui a trait à l'administration? Vous disiez tantôt, madame, qu'il y avait des règlements pour les parcs provinciaux et des règlements pour les parcs fédéraux. Comment faites-vous pour appliquer les différents programmes ou les différentes lois?

[Traduction]

M. McLean: La coordination se fait surtout au moment d'établir les priorités en matière d'application de la loi au début d'une saison, et à ce moment-là, il s'agit d'assurer une formation adéquate afin que nos agents soient au courant des exigences des lois fédérales. Mais évidemment, cette formation est polyvalente jusqu'à un certain point, en ce sens que les agents fédéraux vont également être mis au courant des exigences des lois provinciales pour que l'ensemble des agents puissent travailler en étroite collaboration.

Comme vous l'expliquait Mike Porter tout à l'heure, bon nombre des enquêtes concernent plusieurs organismes. Il n'y a pas qu'un organisme qui se charge de mener ces enquêtes. En plus des représentants d'Environnement Canada et des organismes provinciaux, il nous faut travailler de très près avec les agents de douane et la Gendarmerie royale du Canada, notamment en ce qui concerne les infractions liées au trafic de la faune.

[Français]

Mme Guay: On mentionnait tantôt que les amendes étaient complètement différentes selon les provinces. Est-ce que c'est différent pour toutes les provinces et est-ce que le gouvernement fédéral a un comparatif pour les amendes? Comment faites-vous pour gérer cela? Ce n'est pas évident. Est-ce que ce ne serait pas plus simple qu'on ait des pénalités égales partout, plus sévères mais égales?

.1005

[Traduction]

M. McLean: Malheureusement, je ne peux pas vous renseigner aujourd'hui sur les écarts qui existent d'une province à l'autre en ce qui concerne les amendes. Je pense que du côté fédéral, nous respectons assez bien les termes des lois régissant Parcs Canada et Environnement Canada. Les amendes maximales prévues dans nos trois lois fédérales sont de 250 000$, ou de 300 000$, dans le cas de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales. Donc, les amendes prévues sont assez uniformes. On expliquait tout à l'heure que certaines modifications ont été apportées à la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales. parcs nationaux en 1988. Donc, entre les six ou sept ans qui se sont écoulés entre la modification de la Loi sur les parcs et la modification de la loi relevant d'Environnement Canada, les amendes maximales sont passées de 150 000$ à 250 000$ et 300 000$.

Mme Gregorich: Je voudrais ajouter quelque chose au sujet des lois provinciales. Il existe en effet un écart assez important entre les différentes provinces, et nous aimerions évidemment que des amendes importantes deviennent la norme. Mais à mon avis, cela ne va jamais se produire, car chaque province a ses propres priorités.

Certaines provinces attachent davantage d'importance à la recherche sur la faune, et moins d'importance à l'application de la loi, de sorte que les amendes sont beaucoup moins importantes. Par contre, d'autres provinces comme l'Alberta attachent énormément d'importance à l'application de la loi. Si je ne m'abuse, l'amende maximale est de 100 000$ pour les infractions au titre du trafic de la faune. Il s'agit de l'amende la plus élevée au Canada pour ce type d'infraction. Le Nouveau-Brunswick considère également l'application de la loi comme une grande priorité et, là-bas, les amendes sont tout à fait à l'avenant.

Mais à mon avis, ces amendes ne seront jamais tout à fait uniformes. Les niveaux se sont déjà beaucoup rapprochés au cours des trois dernières années, à mesure que le braconnage et le trafic de la faune augmentaient, et j'imagine que cette tendance va se maintenir. Par contre, je ne m'attends pas à ce que l'Île-du-Prince-Édouard, qui n'a guère de problème de braconnage, accorde la même priorité à cette question que les provinces de l'Ouest.

[Français]

Mme Guay: En terminant, j'aimerais savoir où sont les secteurs les plus névralgiques pour le braconnage, à travers le pays.

[Traduction]

Mme Gregorich: Je dirais que les zones les plus touchées sont celles où l'on trouve la faune ou les animaux qui ont le plus de valeur. C'est dans les grands centres urbains, comme Montréal, Toronto et Vancouver, que sont concentrées les activités de trafic illicite de la faune, notamment pour l'industrie de la médecine orientale et d'autres secteurs qui ont des liens étroits avec la communauté asiatique et les pays d'Asie.

Je dirais que c'est surtout dans les provinces de l'Ouest, en Ontario et au Québec que le commerce intérieur de la viande est le plus intense, bien qu'on le pratique également jusqu'à un certain point dans les provinces de l'Atlantique. Les différentes régions ont des spécialités différentes en ce qui concerne le commerce de la faune. C'est là qu'il existe un marché pour ces produits que le problème est le plus aigu et, par conséquent, si les braconniers peuvent trouver le moyen d'acheminer leurs produits vers les marchés urbains, c'est là que nous risquons de connaître le plus de problèmes.

[Français]

Mme Guay: Merci beaucoup.

[Traduction]

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Étant donné l'immensité de notre territoire au Canada, essayer de régler le problème du braconnage, c'est un peu comme essayer de retenir de l'eau dans le creu de la main ou de trouver un certain grain de sable sur la plage. C'est extrêmement difficile.

Certains témoins sont venus nous parler du projet de loi protégeant les espèces menacées qui va bientôt être déposé, et nous avons un peu abordé le sujet ce matin. Je me demandais si nos invités pourraient nous faire des suggestions quant à la façon de contrôler ou de faire diminuer le problème du braconnage. Y a-t-il des éléments qu'il faudrait inclure dans le projet de loi sur les espèces menacées, par exemple? J'aimerais bien connaître vos idées à ce sujet.

M. McLean: Sans vouloir influencer les résultats de vos consultations au sujet du projet de loi fédérale sur les espèces menacées, et le genre de recommandations qui pourraient vous être faites à ce sujet, il est clair pour moi - et notre sous-ministre adjoint, M. Slater, nous a dit la même chose hier - que la loi fédérale devrait prévoir toute une série d'interdictions. Il pourrait s'agir de mesures visant à contrôler la destruction ou la capture de la faune vivant dans la nature, à interdire la vente de ce genre de produits, ou d'autres types de dispositions destinées à protéger l'habitat de la faune.

À mon sens, il faut prévoir une vaste gamme de possibilités, et je suppose que les consultations nous aideront à savoir comment formuler ces dispositions et dans quelles conditions et de quelle façon elles vont s'appliquer. Autrement dit, est-ce qu'elles vont entrer en vigueur tout de suite, c'est-à-dire dès que l'espèce est désignée menacée, ou préférera-t-on interdire certaines activités seulement dans le contexte d'un projet ou d'un plan de rétablissement? Autrement dit, le type d'interdiction pourrait varier, selon l'espèce visée. Dans certains cas - par exemple, si des animaux ont été tués - il va peut-être falloir prévoir une infraction, alors que dans d'autres cas, le problème peut être davantage lié à l'habitat.

.1010

M. Porter: En ce qui concerne Parcs Canada, je suppose que ce n'est pas tellement le projet de loi en soi qui vous intéresse mais surtout ses conséquences. Là je fais surtout allusion à la coordination d'efforts coopératifs et de formation par tous les différents organismes, du point de vue non seulement de l'application de la loi mais aussi de l'interprétation de chacun des organismes de son rôle. Voilà tous des éléments qui vont revêtir une certaine importance pour nous après l'adoption, et on nous a même demandé d'y réfléchir.

Au moment de modifier la Loi sur les parcs nationaux en 1988 et de créer ces différentes annexes dont je vous ai parlé tout à l'heure, si nous avons voulu inclure certaines espèces dans la catégorie d'amendes la plus élevée, soit 150 000$, c'est parce que nous savions qu'elle serait incluse sur la liste des espèces menacées de disparition du CSEMDC. Il nous faut donc nous assurer de la cohérence des mesures prévues si l'autre projet de loi est adopté. Autrement dit, nous voulons éviter que nos amendes soient inférieures à celles des autres autorités; nous tenons à ce qu'elles soient au moins égales et même supérieures, vue l'importance de la faune pour les parcs nationaux.

Mme Kraft Sloan: Je voulais également vous parler de la dégradation des habitats causée par l'action humaine, la pollution et ce genre de chose. Quelle est l'importance de ce problème pour protéger les espèces menacées par rapport au braconnage? Comment le braconnage se compare-t-il, du point de vue de ses conséquences, à la dégradation des habitats, la prévention de la pollution, l'action humaine, l'aménagement des terrains et ce genre de choses?

M. McLean: Je crois que le comité a reçu des témoins qui disaient que le problème le plus grave est lié aux habitats et aux décisions prises en ce qui concerne l'utilisation des sols; autrement dit, il est possible, en assurant une bonne utilisation des sols, de répondre à divers objectifs, qu'on parle d'agriculture, de forêts ou de faune. Il nous faut donc assurer l'intégration de nos activités sur une base territoriale.

J'ai l'impression que les témoins en question étaient d'avis que le problème le plus important était lié aux habitats. Il me semble que l'un des témoins a dit que 80 p. 100 des espèces examinées par le CSEMDC avaient en fait des problèmes d'habitat qui n'avaient rien à voir avec le braconnage et le trafic. Mais mes souvenirs ne sont peut-être pas exacts.

Mme Kraft Sloan: J'aimerais savoir si le braconnage pose un plus gros problème pour certaines espèces que pour d'autres, ou si la dégradation des habitats continue d'être le plus grave problème que connaissent les espèces?

M. McLean: Je ne suis pas au courant de toutes les espèces prévues sur la liste du CSEMDC, mais je sais qu'il y en a un certain nombre qui sont surtout menacées par le trafic. D'ailleurs, c'est certainement le cas sur la scène internationale. Pour ce qui est du rhinocéros et de l'éléphant, le principal problème est celui du braconnage et du trafic illicite.

M. Porter: Oui, mais le problème ne se limite pas à cela. À part les braconneurs dont les activités sont tout à fait intentionnelles, il y a toute une catégorie d'activités un peu différentes.

Il nous faut donc maintenir en permanence une campagne massive de sensibilisation du public, notamment à l'égard du massasauga, c'est-à-dire le serpent à sonnettes qu'on retrouve dans les parcs de la Baie Georgienne. Par le passé, les gens trouvaient normal de donner un coup à un massasauga, et je sais que les gens se vantaient même d'avoir tué des serpents de cette espèce dans les terrains de camping. Le fait est qu'ils tuaient des serpents qui font partie d'une espèce menacée.

Donc, ce problème est beaucoup plus vaste, il ne se limite pas à la dégradation des habitats ni au braconnage intentionnel. La sensibilisation du public est donc essentielle.

Mme Kraft Sloan: Merci beaucoup.

M. DeVillers: Madame Gregorich, vous avez parlé de la prise de conscience de la magistrature dans votre exposé. Lorsque le comité a tenu des audiences sur la Loi sur la faune, il a justement été question de la mesure dans laquelle les juges comprenaient la gravité du problème du braconnage. C'est à ce moment-là qu'on a parlé de la question des amendes maximales et de la possibilité de les augmenter.

À l'époque, je me disais que nous pourrions peut-être envisager de prévoir des amendes minimales, de sorte que les juges soient obligés de prendre au sérieux ce problème. La plupart des témoins, cependant - notamment les représentants du ministère et des ONG, et je vois queM. McLean sourit en se rappelant qu'il était l'un de ces témoins - étaient d'avis que ce serait un peu dangereux, car nous pourrions bien finir par ne pas obtenir une condamnation au lieu d'obtenir une amende minimale.

J'ai l'impression que les juges pourraient très bien avoir ce genre de réaction. Si l'amende minimale était très importante, ils pourraient décider de ne pas condamner l'accusé. En tout cas, j'ai proposé cette idée-là, mais il n'y a que les responsables de l'application de la loi qui y étaient en faveur. Je sais, pour avoir parlé avec M. Martin, qu'il en existe à l'heure actuelle, et je voudrais donc que nos invités y réfléchissent et qu'ils nous disent s'ils sont toujours d'avis que les amendes minimales ne sont pas souhaitables, surtout que certains responsables de l'application de la loi semblent appuyer cette idée.

.1015

Mme Gregorich: Par le passé, j'ai toujours défendu l'idée d'une amende minimale, et j'ai suivi de près l'évolution de ce système au Nouveau-Brunswick. Je pense que cette province a été la première à prévoir un tel régime.

À mon avis, la création d'une amende minimale a pour effet de dissuader les éventuels auteurs de ces actes. Si les gens se rendent compte qu'on leur infligera automatiquement une amende, s'ils sont attrapés, il est moins probable qu'ils décident de participer à ce genre d'activités.

Je ne peux pas vraiment vous dire en quoi l'existence de ce genre d'amendes pourrait influencer la décision des juges. À mon avis, une fois qu'ils seront plus sensibles au problème, ils ne voudront pas s'en tenir là s'ils ont la possibilité d'infliger des peines plus élevées.

Mais encore une fois, il s'agit de continuer à sensibiliser les juges à ce problème et de savoir sur quoi on veut mettre l'accent et comment ils perçoivent les infractions prévues et les conséquences pénales de ces infractions. Il serait peut-être préférable de prévoir une amende minimale pour les infractions mineures, et de donner aux juges une plus grande latitude pour les infractions les plus graves.

Il me semble qu'ils ne sont même pas prêts à appliquer certaines de ces mesures. Les gens semblent en avoir peur, mais je ne sais pas vraiment pourquoi.

M. DeVillers: Merci.

M. McLean: Je ne vais pas ennuyer les membres du comité en répétant le discours que j'ai prononcé il y a un an. C'est d'ailleurs le même discours que j'ai prononcé au moment de l'adoption de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, quand j'ai également participé à la préparation de ce projet de loi.

Le président: Pourquoi partez-vous du principe que cela ennuierait les membres du comité?

M. McLean: Eh bien, puisque vous l'avez déjà entendu....

Mais si je peux vous résumer un peu la situation, je pense que les amendes minimales mènent à de mauvaises décisions judiciaires. Il s'agit sans doute de savoir quelle doit être l'importance de ces amendes minimales.

Si l'amende minimale était trop élevée, par exemple, il est fort possible - et il en existe déjà un certain nombre d'exemples - que les décisions judiciaires soient inadéquates. Si le juge compatissait à la situation de l'accusé alors que la preuve laissait supposer que ce dernier était coupable, il pourrait très bien décider de ne pas trouver l'accusé coupable de l'infraction s'il estimait que l'amende minimale était trop élevée. Donc, il peut en découler de mauvaises décisions judiciaires.

L'autre conséquence possible, c'est que l'agent lui-même compatisse à la situation de l'individu et décide de ne même pas déposer d'accusation.

Il y a un an, nous avons dit que, pour bien faire comprendre aux tribunaux l'importance de cette question, il fallait des amendes plus élevées et nous avons déjà entendu ce matin que les mesures adoptées par le comité ont en effet conduit à des amendes plus élevées - entre autres, des amendes d'un montant de 80 000$ dollars dont le cas manitobain que je vous ai cité tout à l'heure. Donc, je pense qu'il convient de prévoir des amendes élevées.

L'autre élément de ma réponse - et j'avoue que nous n'avons pas été suffisamment d'actifs dans ce domaine - concerne le fait que nous devons toujours essayé d'obtenir une condamnation. Pour cela, il faut faire venir des experts et des témoins. Au moment de la détermination de la peine, souvent nous constatons que nos efforts ont échoué, car nous ne sommes pas en mesure de fournir des experts et des témoins qui vont prouver au tribunal que l'infraction est grave. Nous avons la possibilité de faire témoigner des experts devant les juges pour leur faire comprendre la gravité de l'infraction. Mais comme nous ne le faisons pas, on peut certainement nous accuser d'inaction de ce côté-là.

M. DeVillers: Si je propose des amendes minimales, c'est que je me fonde sur mon expérience des poursuites pour infraction des règlements administratifs municipaux, et je connais la frustration des agents qui font tout ce travail, qui obtiennent une condamnation et qui constatent ensuite qu'on inflige au coupable une amende tout à fait ridicule. Ils se demandent alors à quoi tout cela a servi.

Je me demande si vous pourriez me donner votre point de vue de responsable de l'application de la loi, Monsieur Martin.

M. Martin: Oui, ce que vous dites au sujet de la frustration des agents est tout à fait exact. Je pense que si les responsables de l'application de la loi un peu partout au pays ont appuyé votre proposition en ce qui concerne les amendes minimales, c'est sans doute à cause de leur frustration d'avoir participé à des enquêtes, dans certains cas sur deux ou trois ans, de s'être présentés devant un tribunal et d'avoir constaté à ce moment-là que le tribunal n'était pas prêt à traiter ces infractions avec le sérieux qu'elles méritent. Tout le travail qu'ils font semble ne servir à rien à ce moment-là.

.1020

Je crois qu'il faut éviter d'imposer aux autres nos propres sentiments. Dans les provinces et territoires où j'ai travaillé, les tribunaux se sont montrés très favorables à l'augmentation des amendes qui étaient au départ de 500$. Ils se sentaient très limités par ce plafond.

Depuis les modifications introduites en 1988, nous avons obtenu un grand succès devant les tribunaux et l'appui que l'on continue de nous accorder indique qu'ils sont non seulement favorables aux amendes minimales mais que dans certains cas, ils veulent même qu'on augmente le montant maximum de l'amende pour les cas où la nature de l'infraction justifie une peine plus forte.

Des juges ont même accepté de venir dans les bureaux de l'administration centrale pour nous aider à rédiger des projets de modification visant à augmenter les peines, tout cela, bien entendu, avec l'appui des tribunaux.

Il ressort de nos conversations avec les juges qu'ils se sentiraient un peu gênés d'avoir à imposer une peine minimale, lorsque les circonstances ou la situation personnelle de l'individu en cause ne justifient pas le montant prévu. Nous aimerions disposer d'une gamme plus large de peines qui pourraient aller de la probation dans un cadre communautaire, avec des amendes et des peines d'emprisonnement. Cela leur donnerait un large choix.

Nous avons tenté d'accorder la priorité à des programmes de sensibilisation destinés aux juges et magistrats, lorsque ces derniers paraissaient intéressés à en suivre. Dans certains cas, nous les avons fait visiter nos parcs nationaux, nous leur avons montré les secteurs dans lesquels nous travaillons et les problèmes auxquels nous faisons face. Cela a donné d'excellents résultats.

Depuis 1988 et depuis l'affaire albertaine dont a parlé Mme Gregorich, les tribunaux semblent avoir adopté une attitude plus ouverte à l'égard des infractions contre la faune. Cela nous encourage beaucoup.

M. Finlay: J'aimerais remercier les témoins. J'ai appris beaucoup de choses sur des sujets que je ne connaissais que par des revues et c'est bien évidemment une question sur laquelle nous devrons nous pencher.

Lorsque je suis revenu de Chine en 1984, j'ai ramené une petite sculpture en ivoire. J'était tout surpris d'apprendre - j'aurais dû le savoir, mais je l'ignorais - qu'il était illégal de ramener ce genre de choses au Canada, parce que cela représentait un morceau d'une défense d'éléphant ou d'une défense de morse pris sur des bêtes tuées illégalement.

J'aurais deux questions. D'après vous, est-ce que ces activités prohibées ont tendance à augmenter ou à diminuer? Je sais tout ce que vous faites dans ce domaine en matière d'éducation, d'application de la loi, les amendes maximales et ainsi de suite. Pensez-vous que la situation s'améliore ou que c'est le contraire?

Mme Gregorich: J'ai moi-même posé cette question à des agents du service de la faune des divers niveaux de gouvernement et ils pensent que ces activités augmentent. Le nombre des incidents de braconnage qui leur sont rapportés augmente, et ils portent davantage d'accusations chaque année, de sorte que le sentiment est que ces activités sont en augmentation. Cela reflète simplement la tendance générale que l'on retrouve dans les activités criminelles. Lorsqu'il y a un marché, lorsqu'un besoin peut être comblé, les gens s'en occupent.

De sorte que oui, je dirais que ces activités augmentent.

M. Finlay: Je voudrais passer à un autre sujet qui est mentionné dans vos documents mais dont nous n'avons pas parlé, à savoir l'élevage de gibier. Je crois savoir que cela...

Le président: Excusez-moi de vous interrompre, mais nos témoins suivants vont parler de l'élevage de gibier.

M. Finlay: Merci. Je ne vais donc pas aborder ce sujet maintenant.

J'ai tout de même une autre question. Les lois que nous avons mentionnées, la Loi sur la faune du Canada, la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur les parcs nationaux ne parlent pas de l'élevage de gibier. Ces diverses lois contiennent-elles des dispositions qui touchent les animaux élevés dans ces fermes et la façon dont on les exploite?

.1025

M. McLean: Cela dépend, je crois, de la définition que l'on donne à l'élevage du gibier. La Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs autorise l'aviculture, c'est-à-dire l'élevage privé d'espèces sauvages. Comme je viens de le dire, l'aviculture est une activité autorisée. C'est un réseau fermé; seuls les aviculteurs enregistrés peuvent s'échanger des oiseaux.

Pour ce qui est de l'aspect commercial, il me paraît évident que la question de l'élevage de gibier va devoir, à l'avenir, être abordée dans un cadre coopératif. La réglementation - qui devra être définie, fera certainement appel aux lois provinciales concernant la possession d'animaux sauvages et aux lois fédérales, celles qu'administrent Environnement Canada et Agriculture Canada, notamment la Loi sur la santé des animaux, du point de vue des maladies.

Je tiens toutefois à signaler que l'élevage de gibier n'est pas réglementé de la même façon dans les diverses régions du pays. Je sais qu'un autre témoin va vous en parler, mais je constate qu'il existe divers types de réglementation.

M. Gilmour: Dans une autre vie, je m'occupais d'une grande exploitation forestière sur l'Île de Vancouver qui comprenait près de 100 000 hectares. Le braconnage y sévissait, en particulier pour les ours noirs et les élans. À un moment donné, nous avons mis sur pied un programme de déplacement des élans dans le but de repeupler une vallée où le nombre de ces animaux avait sérieusement baissé à la suite de plusieurs hivers rigoureux. Cela fut une opération très agréable à laquelle ont participé des enfants, des membres de la collectivité, des agents des services de pêche et de la faune, et tout s'est très bien passé. Cependant, quelque temps après, des braconniers ont tué trois élans, ils ont été arrêtés, on les a traduits devant les tribunaux et on leur a imposé des peines minimales de 500$ à 1 000$. Cela remonte à environ quatre ans maintenant. Je peux vous dire que cela a fait beaucoup de bruit dans la région parce que les gens ne pensaient pas que ces amendes étaient suffisamment élevées.

Je suis ravi d'apprendre que certaines amendes sont en train d'être renforcées. Je ne suis pas vraiment convaincu que cela fonctionne maintenant. Vous pourriez peut-être donner quelques précisions sur ce sujet. Nous avons parlé de peines et d'augmentation des amendes. Cela va-t-il avoir un effet? Ces niveaux sont-ils dissuasifs ou faut-il encore aller plus haut? Que doit-on faire?

Mme Gregorich: Je crois que cette formule donne de bons résultats. Cela fait trois ans maintenant que je suis cette question et j'ai constaté un changement remarquable dans la façon dont les intervenants réagissent aux lois qui s'appliquent à ce domaine. Je crois que les gens se rendent maintenant compte qu'il y a un problème, que les beaux jours de la liberté totale sont terminés et qu'il n'est plus possible d'aller dans les bois pour y dénicher des animaux à fourrure et en faire ce que nous voulons.

Je crois que les gens savent maintenant qu'il existe des infractions en matière de faune et nous savons qu'il ne suffit pas de faire la recherche, parce que si l'on ne fait rien, nous n'aurons peut-être bientôt plus d'objets de recherche.

Le Canada se trouve dans une situation favorable parce qu'il possède encore une faune abondante et que nous avons le temps d'adopter une réglementation avant que les problèmes ne s'aggravent. Avec le renforcement des amendes, tant aux niveaux fédéral que provincial, je crois que nous obtiendrons des résultats. La plupart de ces lois sont très récentes, certaines ont moins d'un an, d'autres moins d'un mois, et nous avons déjà commencé à en ressentir l'effet pour ce qui est du nombre des infractions commises.

Je suis donc très optimiste et je pense que d'ici trois à cinq ans, les tribunaux auront eu l'occasion d'être saisis d'un certain nombre d'affaires graves, qui, nous l'espérons, serviront d'exemples, de précédents et que cela aura l'effet recherché, à savoir signaler aux éléments criminels de notre société qu'ils vont être obligés de payer le prix de leurs activités, et que ce prix est plus élevé que ce que leur rapportent leurs activités.

M. McLean: J'aimerais simplement ajouter à ceci un commentaire que Joan a fait tout à l'heure. En plus des peines sévères, il faut que le contrevenant sache qu'il court un fort risque d'être pris. Il faut qu'il pense qu'il risque d'être attrapé s'il commet cette infraction.

M. Gilmour: Excellente remarque. J'ai beaucoup de respect pour les gens qui font de la surveillance. Dans mon cas, ce sont les agents du Service de la pêche et de la faune de la Colombie-Britannique. Malheureusement, il n'y en a pas suffisamment.

.1030

Joan, je crois que c'est vous qui avez parlé de la «surveillance des forêts». De quoi s'agissait-il exactement? J'aimerais en savoir davantage.

Mme Gregorich: C'est en Alberta, on appelle cela Nature Watch.

Je crois que c'est la solution de l'avenir. Les gouvernements ont de moins en moins de ressources à consacrer à ce genre de surveillance, et pour cela, nous allons devoir nous adresser aux groupes d'intérêt. Dans l'ensemble, le public est heureux de participer à ce genre de surveillance, une fois qu'il a bien compris ce qu'on attend de lui.

Le gouvernement doit s'efforcer de plus en plus de susciter des bonnes volontés et de veiller à motiver les bénévoles. Je trouve que les agents du service de la faune font un travail extraordinaire, d'autant plus qu'ils sont si peu nombreux. Je ne pense pas qu'il va y avoir beaucoup d'embauche dans ce secteur, et nous allons donc devoir nous en remettre davantage à ce genre de programmes.

M. Gilmour: Votre remarque est fort intéressante, parce que d'après mon expérience, la plupart des activités exercées dans les forêts sont maintenant contrôlées par radio. L'exploitant moyen sait très bien ce qui se passe dans la forêt. Il signale ce qui se passe et aide les agents.

Cela devrait être encouragé, nous pourrions peut-être établir des réseaux, parce que si les gens pensent qu'on les surveille... Comme vous dites, si vous avez stationné votre véhicule au bord de la route et que vous savez que le chauffeur du prochain camion de transport de bois va noter votre numéro de plaque, cela constitue un élément dissuasif, et la dissuasion donne de bons résultats.

Mme Gregorich: Cela m'amène à préciser que lorsque l'on parle de l'éducation publique, nous ne parlons pas de l'éducation générale. Il s'agit de cibler les groupes qui sont les mieux placés pour nous aider à lutter contre ce problème, c'est-à-dire les gens qui vivent dans des collectivités rurales, les gens qui travaillent dans l'import-export et qui s'occupent des espèces qui nous intéressent.

M. Gilmour: Il faut également lutter contre le genre d'attitude qui amène les gens à dire que prendre un poisson de plus ça ne fait rien ou que chasser à la lumière n'est pas grave puisque tirer sur un daim la nuit ou le jour il n'y a pas de différence.

Il faut bien expliquer que cela est mal et qu'il ne faut pas le faire. La prochaine étape est donc la sensibilisation.

Mme Gregorich: Il faut être prêt à accepter que parmi les membres du comité il y a des gens qui pensent qu'un poisson de plus, cela ne fait pas de différence. J'ai dans ma boîte à bijoux une paire de boucle d'oreilles qui sont faites d'une espèce inscrite à l'annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacés d'extinction, et je ne le savais pas. Je ne les porte pas aujourd'hui.

Nous avons tous à apprendre, mais il faut répondre à ce besoin et éduquer les gens.

M. Gilmour: Merci, monsieur le président.

M. Porter: Ce problème comporte un autre aspect pour Parcs Canada, pour ce qui est de tenter d'améliorer la situation. Cet aspect indirect est le risque que la situation présente pour nos propres agents. Lorsque nous avons augmenté nos amendes pour qu'elles soient au moins égales à celles qu'imposaient les provinces en 1988, ce qui s'est fait tout récemment, nous ne nous sommes pas beaucoup préoccupés du risque que cela pouvait représenter pour nos agents. L'amende de 500$ ne paraissait pas terriblement grave et la plupart du temps, le juge n'imposait pas l'amende maximale. Lorsque nous l'avons augmentée, nous nous sommes aperçus - en fait, nous y pensions depuis quelque temps - que dans la réalité, la plupart des braconneurs sont armés. Ils se trouvent dans des régions isolées et c'est là qu'on les arrête.

Compte tenu du fait que ces gens risquent une amende de 150 000$ et une peine d'emprisonnement, nous nous sommes dits que cela plaçait nos gens dans une situation assez difficile. Cela nous a incités à dépenser pas mal d'argent et de temps pour la formation de ces personnes. Au lieu de réagir à chaque situation - vous êtes en patrouille, vous trouvez un braconnier, et vous l'attrapez - cela nous a amenés à adopter une attitude différente qui fait davantage appel à des activités d'enquête, de renseignement et de collaboration. Nous faisons surtout de la prévention maintenant. Nous essayons d'éviter que l'on commette des infractions ou grâce à nos activités de renseignement, nous essayons de découvrir ce qui s'est produit au lieu de placer nos agents dans des situations dangereuses.

Tous les organismes qui travaillent dans ce domaine constatent que lorsque les amendes augmentent, les risquent que courent les personnes chargées d'appliquer ces nouvelles dispositions augmentent aussi.

En fait, au moment où nous préparions les modifications de 1988, certaines agences de conservation d'Amérique du Nord nous ont fait savoir que l'agent de conservation, le garde-chasse risquait cinq fois plus d'être attaqué que le policier moyen.

M. Gilmour: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci. Je peux vous garantir que nous allons jeter un regard nouveau sur nos boîtes à bijoux.

M. Adams: Pour ce qui est de l'éducation, j'espère qu'en éduquant les députés ce matin, vous éduquez également les gens qui regardent, ou qui liront les procès-verbaux et les témoignages. J'ai moi-même beaucoup appris.

.1035

Il y a sur la table des échantillons d'articles confisqués par les agents des douanes et je crois que la télévision les a montrés à quelques reprises. Il y a des phanons de baleines, de l'ivoire provenant de défenses d'éléphants ou peut-être d'autres animaux; du corail, divers types de serpent; des alligators, une peau de léopard et la peau d'un autre félin que je ne connais pas. Il y en a beaucoup d'autres. Il y a un livre sur les espèces d'oiseaux que les agents des douanes doivent savoir identifier. La variété est extraordinaire.

Je dois vous confier, Madame Gregorich, que votre rapport intitulé Poaching and the Illegal Trade in Wildlife and Wildlife Parts in Canada publié par la Fédération canadienne de la faune est un document très utile. On trouve à la fin du rapport des annexes où l'on compare les règlements, les points communs et les pratiques d'application de la loi utilisés par les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. Voilà le genre de choses dont nous avons parlé, elles s'y trouvent déjà.

On peut y lire, par exemple, que la vésicule biliaire de l'ours ne peut être vendue en Ontario mais que cela est permis dans d'autres provinces. Il me semble que toute le monde devrait savoir ces choses.

Madame Gregorich, voici une vésicule biliaire d'ours et certaines articles qui se trouvent sur la table. Il ne m'appartiennent pas, ils ont été confisqués.

Je vous montre aussi la brochure... C'est une trousse assez détaillée. Elle explique la qualité - peut-être la soit-disant qualité - du produit. Je me demande si vous pourriez nous en parler un peu plus.

On peut également lire dans cette brochure qu'il est possible d'effectuer une ponction biliaire sur un ours sans le tuer. Pour ma part, je ne pense pas que l'on puisse faire cela sans tuer l'ours. Mais cela laisse entendre qu'ils introduisent un tube dans le corps de l'ours. Il doit s'agir d'un ours en captivité. Je ne sais pas de quoi il s'agit. Connaissez-vous cela? Je vous pose ces questions parce que cela indique que derrière le braconnage dont nous parlons il y a un système très raffiné.

Mme Gregorich: Je ne connais pas cette technique particulière. Mais je signalerai à ce sujet que les parties qui proviennent d'animaux vivants dans leur état sauvage ont beaucoup plus de valeur que tout ce qui est produit de façon synthétique ou ce que l'on prend à l'animal en le laissant en vie.

Cela découle du système philosophique qui est à la base de la médecine orientale. Je crois qu'il faut être très prudent et de ne pas juger l'aspect culturel de cette pratique. Il faut certainement dire que cela est illégal et qu'on ne peut le faire.

Il me paraît tout à fait possible d'extraire la bile, mais je n'en ai jamais entendu parler et je doute que cela se fasse à une grande échelle.

Ceci est le produit recherché.

M. Adams: Est-ce qu'il est vrai que les gens tuent un ours pour obtenir ceci et qu'ils laissent tout le reste?

Mme Gregorich: En général, ils vont tuer l'ours pour se procurer cela et pour les pattes. Ce sont les deux parties les plus recherchées des ours noirs.

M. Adams: Vous avez mentionné quelque chose qui m'a inquiété. Je pouvais lire la liste des produits assez exotiques qui se trouvent sur la table. Vous avez toutefois fait remarquer qu'au Canada, le commerce de choses très ordinaires comme la viande, les fourrures et le cuir - est aussi important que la vente de produits exotiques comme ceux-ci. Cela doit fortement alimenter la chasse illégale.

Mme Gregorich: C'est vrai. Ces activités dépendent de l'existence d'un marché et c'est ce qui complique les choses. Pour ce qui est de l'effet réel de cette pratique sur la faune canadienne, on utilise beaucoup plus les ours tués pour leur viande, comme on le fait pour le caribou, le daim et l'élan, que pour en retirer certaines parties exotiques. Mais cet aspect est connu sur le plan international et il est celui qui retient davantage l'attention des gens.

M. Adams: Monsieur Porter, pendant que vous êtes ici, et avant que le président s'aperçoive de ce que je suis en train de dire - il a en effet retirer la parole à M. Finlay - Kevin McNamee nous a déclaré ou nous a parlé hier de la nécessité de revoir notre système de parcs nationaux. Cette étude a fait l'objet d'une loi à un moment où notre président était en fait le ministre de l'Environnement.

J'ai compris que Parcs Canada devait s'efforcer de surveiller ce qui se passait. J'ai compris cela un peu tard mais tard vaut mieux que jamais. On a récemment publié un rapport sur la situation de nos parcs et de nos progrès dans l'exécution d'un plan visant à terminer notre réseau des parcs pour l'an 2000. Avez-vous des commentaires à faire là-dessus?

M. Porter: Le rapport a été présenté au greffier de la Chambre il y a deux semaines environ et il aurait dû être distribué aux membres du comité. Si cela n'a pas été fait, j'en suis désolé parce que c'est ce qui devait être fait. Je vais voir ce qu'il en est après la réunion.

Ce rapport est exigé par la loi. Nous sommes en fait en retard. Nous n'avons pas de bonnes excuses sinon que le ministère a été modifié et que nous avons eu du mal à mesurer les changements dans nos secteurs de responsabilité sur une courte période.

.1040

Nous avons décidé de procéder de façon différente. Nous examinons la situation de façon plus scientifique. Notre rapport s'appuie donc davantage sur les données scientifiques que sur les données administratives...

Ce rapport traite de ce qui menace les parcs nationaux existants. Cela fait partie de ce qu'exige la loi, et nous sommes également tenus de faire rapport de nos progrès dans la création de nouveaux parcs. Cela découle du fait qu'outre cette exigence législative, on nous a fixé un objectif vert - confirmé par le Livre rouge - qui prévoit l'achèvement de notre réseau de parcs nationaux d'ici l'an 2000. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il faudrait créer 16 nouveaux parcs ou du moins conclure des accords en vue de leur création d'ici l'an 2000. Cela ne va pas trop mal.

M. Adams: M. McNamee a insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas simplement de chiffres ou de pourcentage de la superficie du pays - 12 p. 100 est le seul chiffre qui a été mentionné - mais qu'il faut ensuite en fait couvrir, si j'ai bien compris, 424 écosystèmes ou unités écologiques différentes. On semble accorder trop d'importance à la superficie des parcs au lieu de s'intéresser davantage aux secteurs qui sont essentiels pour la biodiversité.

M. Porter: Kevin parlait à l'échelon national. Il a parlé de ce 12 p. 100, qui est un objectif qui a été accepté par les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral, dans le cadre d'un programme intitulé «Espaces en danger» sous l'égide du Fonds mondial pour la nature, qui a remis son évaluation la semaine dernière.

Lorsqu'il parle de ces régions, il parle à l'échelon national. Notre réseau fédéral de parcs nationaux s'étend sur 39 régions naturelles. Nous avons l'intention que toutes ces régions soient représentées.

Dans certaines régions, au moment où je vous parle, nous avons deux ou plusieurs parcs, comme dans les Rocheuses, par exemple, mais il y en a 16 qui sont en projet. Il y en a plusieurs qui font actuellement l'objet de négociations à l'heure actuelle. Ce sera plus difficle dans certains cas, cela est vrai. Mais nous espérons tout de même que d'ici l'an 2000 nous aurons réussi à conclure des accords qui prévoient leur création. C'est là l'objectif.

Tout le monde ne s'entend pas sur ce qu'il faut entendre par représentation, et cela complique les choses. Nous avons un plan qui a été élaboré dans le courant des années soixante-dix, qui a été reconnu sur le plan international sur la façon de représenter les aspects géographiques et biologiques de l'une de ces 39 régions naturelles.

Voilà comment nous nous y prenons: nous choisissons la partie de la région, région qui est très vaste, qui représente le mieux le aspects fauniques, physiologiques et naturels de l'ensemble de la région.

Prenons un endroit comme l'île Ellesmere. Cette région est relativement homogène. La réserve de parc national de l'île d'Ellesmere en englobe la majeure partie. Cette réserve englobe sans doute 98 p. 100 de tout ce qui se trouve dans cette région et c'est la meilleure partie de cette région. C'est ce que nous essayons de faire dans les diverses régions.

M. Adams: J'ai bien aimé votre réponse. J'aimerais pour ma part que l'on tienne des audiences publiques sur le rapport que vous avez présenté.

Le président: J'aimerais accepter quelques questions mais nous prenons du retard et il y a deux témoins qui attendent patiemment leur tour depuis ce matin.

Nous allons procéder à une dernière ronde de questions et j'aimerais également m'inscrire sur la liste des personnes désireuses de poser une question avant que nous levions la séance. Je vous demande donc de rester encore un peu.

Si nous voulons aller de l'avant et ne pas faire attendre inutilement les gens, nous allons élargir le pannel et y inviter les deux témoins. Il s'agit de Liz White de l'Alliance animal du Canada et de Darrel Rowledge, directeur de l'Alliance for Public Wildlife.

Je vous invite à rester des nôtres. Nous allons demander à ces deux témoins de présenter leurs exposés, après quoi nous effectuerons une autre ronde de cinq minutes chacun. Il est fort possible que l'on vous pose d'autres questions après ce que nous aurons entendu.

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Madame White, voulez-vous commencer? Je vous demande d'abréger votre exposé pour que nous ayons la possibilité de procéder à une ronde de questions supplémentaires avant de lever la séance.

Mme Liz White (présidente, Alliance animale du Canada): Je m'appelle Liz White et je représente un organisme qui s'appelle l'Alliance animale du Canada. Je fais partie du groupe de travail sur les espèces en voie de disparition et si vous avez des questions à ce sujet, je serais très heureuses d'y répondre.

Je tiens à remercier le Comité de nous avoir fourni cette occasion. Nous apprécions beaucoup d'avoir la possibilité de parler de la question de la faune au Canada et d'essayer de faire ressortir l'importance de certains aspects de ce sujet.

De nombreuses pressions s'exercent sur la faune et elles ne proviennent pas seulement de l'augmentation de la population ou de l'extension de l'habitat mais aussi du commerce légal, du braconnage, du commerce illégal ainsi que d'une insuffisance de lois et de traités prévoyant la protection de la faune ainsi que de lacunes dans l'application des textes en vigueur.

La triste réalité est que la contrebande d'animaux est une activité florissante. Elle vient tout de suite après la contrebande des drogues et elle précède, pour ce qui est de l'ampleur, la contrebande des armes. Le trafic d'animaux est la deuxième cause de tous les temps, après la destruction de l'habitat faunique, pour ce qui est des menaces d'extinction des espèces fauniques. Nous parlons donc d'un problème très grave.

Je voudrais parler aujourd'hui au Comité de certaines choses très pratiques qu'il faudrait faire pour s'attaquer à ces questions. Je voudrais également aborder un certain nombre de sujets particulièrement délicats pour le Comité et le gouvernement, mais je pense qu'il faut en parler, si l'on veut envisager des mesures efficaces.

Depuis quelque temps, il faut dire que la direction dans laquelle le Comité et le gouvernement se sont d'une façon générale engagés est excellente. Les activités qui ont entouré les modifications apportées à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur la faune du Canada, et l'importance accordée à la biodiversité et à d'autres activités connexes ont été très bien reçues, mais je pense qu'il existe un problème grave à Environnement Canada.

Il semble d'après moi exister un conflit, une très grande différence d'attitude à Environnement Canada entre ceux qui veulent renforcer la protection accordée à la faune, lutter contre le braconnage, renforcer les lois et leur application, et ceux pour qui les activités fauniques devraient être rentables, il faudrait tenir compte de la valeur financière des animaux et qui pensent qu'un animal qui n'a financièrement aucune possibilité est moins intéressant. Ce sera bien entendu aux fonctionnaires d'Environnement Canada de résoudre cette divergence.

Néanmoins, les recommandations que je vais vous présenter aujourd'hui découlent directement de cette situation. À titre de recommandation très générale, nous proposons au Comité de demander à Environnement Canada d'élaborer une stratégie globale de conservation de la faune. Il faudrait que tous les textes législatifs et les diverses politiques découlent de cette orientation générale en matière de conservation de la faune.

Les autres recommandations touchent plus particulièrement certains domaines précis. Je tiens à aborder ce sujet parce que cela est nécessaire. J'ai quelques recommandations très précises concernant la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. Il semble que, dans la communauté internationale de la conservation, la participation du Canada à cette convention ne soit pas perçue comme étant très positive.

Il y a un rapport qui inquiète beaucoup les membres de la communauté de la conservation. Ce rapport a été présenté au Comité permanent prévu par la convention, et il a été financé par le Canada à hauteur de 50 000$. Ce rapport examine les différentes façons de renforcer l'efficacité de la convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction.

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Lorsque l'on connaît les gens qui sont derrière ce rapport, on peut craindre qu'ils visent plutôt à affaiblir la convention qu'à ra renforcer. Je crois que si l'on examine sérieusement ce rapport, c'est la conclusion qui s'impose.

Nous recommandons qu'au lieu d'exprimer notre dissidence à l'égard de ce rapport, Canada, par l'intermédiaire du ministre, demande que l'on précise clairement le but du rapport. Il faudrait exiger que l'on confirme que ce rapport a bien pour but de renforcer cette convention, et non de l'affaiblir, et que nous voulons qu'on apporte des précisions - en particulier par écrit, à ce sujet. Il faudrait également obtenir confirmation de la transparence complète du processus de consultation.

Nous croyons savoir que ce n'est peut-être pas le cas. Le fait qu'il y ait non seulement d'autres gouvernements mais aussi des organismes non gouvernementaux et des groupes de conservation qui participent au processus de consultation nous inquiète vivement.

Deuxièmement, nous recommandons au Comité d'inviter le ministre à demander aux représentants du Canada qui siègent au Comité permanent prévu par cette convention, qui doit agir en qualité de conseiller pour ce rapport, de faire connaître à ce groupe la position de notre gouvernement.

Le comité devrait également inviter le ministre à remplacer l'ensemble du personnel du Bureau canadien d'administration de la CITES. En 1991, on avait accordé des fonds à ce bureau pour embaucher trois personnes. Cela n'a pas été fait. Les fonds ont été utilisés pour autre chose, et ce bureau compte un employé de moins par rapport au nombre qui y travaillait il y a quelques années. Nous demandons donc d'augmenter le personnel.

Les États-Unis ont pratiquement triplé le nombre des employés qui travaillent dans leur bureau d'administration. Ils traitent 5 000 demandes de permis de moins que ne le fait le Canada. Je crois que c'est un point qui convient d'être examiné.

Nous recommandons que le comité invite le ministre demander à l'unité fédérale d'application des lois sur la faune à établir des contacts internationaux avec la Communauté internationale d'application de ces lois, en particulier dans la mesure où elles concernent la CITES.

La deuxième série de recommandations concerne la Loi sur la protection des espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial. Il est urgent de mettre cette loi en vigueur et il faut le faire très vite. Il faut également publier les projets de règlement, qui devraient transmis pour discussions aux ONG et autres organismes concernés, dans les meilleurs délais.

Le principal point que nous tenons à signaler est que cette loi risque de prévoir une exception pour les effets personnels. Nous estimons qu'il s'agit peut-être là d'une grave échappatoire qui risquerait de nuire grandement à la mise en application de cette loi. Compte tenu du nombre des voyageurs, de la longueur de leur voyage et du nombre des voyages effectués à l'étranger, cela risque d'être une échappatoire très difficile à contrer.

En quatrième lieu, il faut veiller à ce que cette loi accorde à ces agents le statut d'agent de la paix. J'ai parlé hier à Bob McLean et je crois savoir que cela est acquis.

La recommandation suivante porte sur la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Les modifications apportées à cette loi sont excellentes et nous les appuyons, mais nous invitons vivement le gouvernement à modifier les règlements. Il faut les modifier pour qu'ils correspondent à la loi.

Sur ce chapitre de l'harmonisation, il faut redire que la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la convention elle-même sont une responsabilité principalement fédérale. Ces documents ne devraient pas faire partie des discussions relatives à l'harmonisation, sinon pour ce qui est d'une certaine collaboration. Une fois admis que ce domaine relève principalement du gouvernement fédéral, il convient d'y affecter un nombre suffisant d'agents d'application de la loi pour que celle-ci soit respectée.

La recommandation suivante consiste à demander au Comité d'appuyer les initiatives du gouvernement fédéral à l'endroit des espèces en voie de disparition telles que le ministre les a décrites et pour inviter ce dernier à s'occuper activement de faire adopter cette loi fédérale - et non pas le cadre national.

Les deux dernières recommandations générales invitent le Comité à demander au ministre de regrouper tous les agents d'application des lois relatives aux espèces fauniques sous une direction générale, Direction générale de la protection de l'environnement. À l'heure actuelle, un certain nombre de ces agents relèvent d'une direction générale d'Environnement Canada et d'autres d'une autre direction générale.

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Du point de vue d'une ONG, il est très difficile de comprendre la structure de ce ministère et de savoir qui est responsable de quoi et pourquoi. Il y a un ministère dont relèvent une série d'agents d'application de la loi qui font exactement le même travail qu'un autre groupe d'agents d'application de la loi.

Il s'agit donc de préciser la nature de cette structure pour les personnes cherchant constamment à favoriser la participation à tout ce processus d'application et d'élaboration de la loi.

Enfin, j'aimerais demander au Comité - et j'ai déjà présenté cette demande auparavant - de faire enquête sur la façon dont a été utilisée une somme de 12,3 millions de dollars qui a été attribuée en 1991 par le Conseil du Trésor pour combler trois nouveaux postes au bureau d'administration canadien de la CITES et pour embaucher 26 nouveaux agents d'application des lois sur la faune qui seraient chargés de mettre en application la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, lorsqu'elle entrera en vigueur.

Il existe actuellement au Canada 31 agents d'application des lois sur les espèces fauniques. Dix-huit d'entre eux appliquent la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et 13 s'occuperont de la Loi sur la protection des espèces animales ou végétales sauvages lorsqu'elle entrera finalement en vigueur. Les chiffres ont peut-être légèrement varié mais il n'y a pas de grands changements. Il est clair que la somme de 12,3 millions de dollars n'a pas été utilisée pour les fins prévues. On aurait autrement deux fois plus d'agents pour l'application de la loi que nous n'en avons à l'heure actuelle.

Il est essentiel que les fonds qui sont destinés à une activité particulière au sein d'Environnement Canada soient utilisés comme cela est prévu. Les fonctionnaires ne devraient pas avoir l'impression qu'ils peuvent utiliser de telles sommes en fonction de priorités internes. Il faut communiquer une message très clair à la population.

Je voulais rapporter des faits selon lesquels la CITES susciterait certains sujets de préoccupation ainsi qu'un certain nombre de questions. Je tiens à détromper les gens qui pensent que le braconnage se pratique uniquement dans la forêt. Je vous renvoie à la pièce 8, une annonce qui a paru dans l'édition de 1993 du Financial Post. On peut lire ceci:

Je pense que les personnes qui habitent dans les centres urbains et qui ne passent pas beaucoup de temps... Nous avons demandé à certaines personnes d'examiner de très près les annonces classées publiées par divers journaux au Canada. Vous seriez fort surpris du genre de commerce et d'échanges auxquels on se livre au moyen des annonces classées. Ces annonces permettent de mettre au jour les principales composantes de la communauté internationale et nationale qui participent à ce commerce.

Le président: Merci d'avoir attiré notre attention sur ce mémoire. Avant de donner la parole au témoin suivant, j'aimerais vous poser une question d'ordre général. Je suis sûr que mes collègues voudront également vous poser des questions précises. Ces recommandations ont-elles été portées à l'attention du ministre ou du bureau du cabinet du ministre sous une autre forme?

Mme White: J'ai eu l'occasion de parler au personnel du ministre à plusieurs reprises mais je ne lui ai pas parlé directement au sujet de ces recommandations.

Le président: Le personnel du ministre dispose-t-il d'une copie de ce document?

Mme White: Non, mais je serais très heureuse d'en envoyer une au ministre.

Le président: Cela nous semble la façon normale de procéder. Je voulais simplement savoir si ce document venait d'être publié.

Mme White: J'avais l'intention de proposer des mesures très concrètes à votre Comité. C'est une question très vaste qu'il est difficile d'aborder. Mais il existe des mesures très concrètes que votre Comité et le gouvernement peuvent prendre pour améliorer la situation.

Le président: Pour ce qui est des règlements d'application de la prévention et de la Loi sur la faune du Canada, êtes-vous certaine qu'on n'est pas en train de préparer ces règlements?

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Mme White: Est-il possible qu'on soit en train de les préparer - je n'en sais rien - mais ces règlements n'ont pas été distribués pour être commentés, pour autant que je sache.

Le président: Merci. Cela termine cet exposé. Je suis sûr qu'il y aura des questions.

Monsieur Rowledge, voulez-vous présenter brièvement votre exposé?

M. Darrel Rowledge (directeur, Alliance for Public Wildlife): Merci, monsieur le président.

Je suis le directeur de l'Alliance for Public Wildlife. L'Alliance rassemble de nombreux groupes s'intéressant à la conservation de la faune et à la défense des intérêts publics. Elle s'inquiète des conséquences des orientations générales sur la conservation de la faune.

J'aimerais tout d'abord vous remercier d'avoir mis sur pied ce forum qui permet d'examiner pratiquement tous les grands aspects d'une ressource que tous les Canadiens considèrent comme précieuse.

Cette question est importante non pas simplement parce que les gens s'intéressent de près à cette importante Loi sur les espèces en voie de disparition mais parce que nous avons un besoin urgent d'une telle loi.

J'aimerais revenir un peu en arrière, aller au-delà des échecs qui nous ont amenés à adopter des mesures comme la Loi sur les espèces menacées d'extinction ou encore des mesures d'urgence pour aborder les causes du problème. Si nous n'essayons pas de comprendre ces causes, il est évident que notre action ne sera guère efficace.

Un vieux proverbe dit qu'il est préférable d'avoir une bonne clôture au bord de la falaise plutôt qu'un excellent service d'ambulance à ses pieds. Cela est également valable ici.

La principale menace qui pèse sur la faune est l'existence d'acheteurs. Il n'y a aucun doute là-dessus, cela a été prouvé des dizaines de fois. Et ce n'est pas un secret. En fait, nous en avons déjà tiré des leçons. J'espère que le Comité n'a pas oublié que nous avons essayé d'attirer son attention sur ces choses la dernière fois que le professeur Geist et moi-même avons comparu devant lui. Je vais revenir rapidement sur cette question.

En Amérique du Nord, le gros de la faune a disparu au début du siècle. Je ne parle pas seulement du bison et du pigeon voyageur. Au début du siècle, il n'y avait pratiquement plus de faune sur le continent.

Le problème était à l'époque aussi grave aux États-Unis qu'au Canada, et les gouvernements ont réagi de la même façon qu'ils le font encore aujourd'hui.

Que font les États-Unis lorsqu'il y a une crise? Eh bien, ils envoient l'armée et c'est ce qu'ils ont fait. Ils ont demandé à l'armée de protéger les derniers troupeaux qui se trouvaient dans le parc de Yellowstone.

Les Canadiens sont moins romantiques en temps de crise, nous constituons des missions royales.

Ceci nous a permis de clairement établir que la principale source du problème était l'existence d'un marché. Nous détruisions la faune parce que l'économie nous incitait à la faire.

Confrontés au fait que le dernier élan indigène a disparu de l'Alberta en 1913, il nous a fallu prendre des mesures d'urgence. D'un côté de la frontière comme de l'autre, nous avons lancé nos campagnes environnementales qui demeurent le plus grand succès de l'histoire universelle. Tout le monde parle de développement durable. Eh bien le meilleur exemple que l'on puisse en donner est celui de l'Amérique du Nord.

Nous avons mis en place quatre principes cardinaux de conservation.

Le premier principe est que la faune est une ressource publique qui appartient au public. Et elle n'appartient pas aux propriétaires des terres.

Le second est qu'il faut interdire la chasse des espèces fauniques vulnérables.

Le troisième principe était fort optimiste compte tenu des circonstances, mais les gouvernements ont décidé que si jamais il devait se reconstituer un jour des espèces en surnombre, ce serait le gouvernement et non les personnes les mieux nanties qui en réglementerait la chasse.

Le quatrième principe était l'interdiction générale de la chasse des espèces fauniques.

Si l'on se demande quelle est la différence avec la situation qui prévalait avant l'adoption de ces règles on constate tout simplement que l'on détruisait les espèces fauniques parce qu'il existait un stimulant économique. Chacun pouvait tuer un animal en espérant pouvoir en tirer profit, car il était possible de le vendre. Il y avait donc une incitation à la chasse.

Après l'adoption de cette règle, c'est le gouvernement qui déterminait aussi bien les saisons de chasse que les terrains de chasse et la façon de chasser. Deuxièmement, le seul fait de tuer un animal comportait des obligations, et non des avantages, parce que il était devenu interdit de le vendre et il y avait tous ces règlements. Il fallait désormais nettoyer l'animal, le ramener chez soi, l'emballer, l'entreposer et le manger. Et si l'on n'obtempérait pas, on pouvait être déclaré coupable d'avoir tué sans raison un animal.

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Quelle a été la conséquence d'un tel système de conservation? La faune de l'Amérique du Nord sera reconstituée. Voilà ce que ça donne. Quatre principes fondamentaux... Nous ne parlons pas de consacrer des sommes faramineuses à l'application de la loi ni d'imposer des amendes énormes.

Les gens ont prétendu que les amendes étaient trop faibles. Tous les Canadiens ont appris qu'il était illégal de vendre des espèces fauniques ce qui nous a permis de récupérer notre faune. Et ce faisant, nous sommes tombés sur une mine d'or économique. En Amérique du Nord, la faune génère près de 70 milliards de dollars tous les ans, à cause des industries qui se sont établies autour d'elle, le fait de fabriquer et de vendre des sacs à dos, des tentes, du matériel de plein air, des jumelles et des carabines et tout ce dont ont besoin les gens pour profiter de la faune - 70 milliards par an. On pourrait vendre toutes les créatures qui vivent sur le continent et on n'en tirerait pas un tel prix.

Nous avons également obtenu autre chose. Lorsque nous avons décidé de protéger la faune parce qu'il s'agissait d'une ressource publique, il a fallu nécessairement protéger les endroits sauvages, puisque, sans habitat, il ne peut y avoir de faune.

Que faisons-nous maintenant à ce système de conservation qui représente le plus grand succès environnemental qu'on ait jamais connu? Malheureusement, vers la fin des années quatre-vingt, à deux exceptions près - le Manitoba et Terre-Neuve - nous avons vidé de sa substance le système de conservation. Au Canada, la faune n'est désormais plus considérée comme une ressource publique; elle est à la veille d'être privatisée. Plutôt que d'interdire la vente des espèces fauniques vulnérables, les gouvernements entendent l'encourager et même la subventionner. Des fermes d'élevage de gibier sont apparues dans toutes les régions du Canada.

Il faut commencer par nous demander pourquoi nous agissons ainsi. Des gens ont découvert qu'il y avait un marché pour ces espèces fauniques et ils se sont dit «Eh bien, il y a un marché, nous allons en profiter». Ils ont donc convaincu certains gouvernements d'adopter cette ligne de conduite. Ils ont modifié les lois, ils ont modifié les règles, ils ont obtenu des subventions du gouvernement, y compris du gouvernement fédéral et ils ont établi des fermes d'élevage de gibier dans bon nombre de provinces.

Tout d'abord, cela a créé un système pyramidal. On vend des animaux de reproduction. Ce sont ceux qui démarrent qui font de l'argent. Il n'est pas surprenant que, comme en Alberta, ce soit des proches du gouvernement - parlons de frères et de cousins de ministres - qui ont entrepris cette activité avant qu'elle soit légalisée. Lorsque la pyramide s'est étendue, il a fallu défendre le marché en offrant des produits qui se vendent. Il y en a deux, et la viande de gibier n'en est pas une. Il n'y a pratiquement personne au Canada qui vende de la viande de gibier. Il y a deux marchés: le premier est celui des aphrodisiaques et des médecines populaires qui utilisent les andouillers nouveaux et des foetus avortés comme les mort-nés et des choses du genre. Il n'y a pas la moindre preuve scientifique que ces substances sont autre chose qu'un placebo. Elles n'ont aucun effet ou, si elles en ont un, c'est un effet psychologique.

Lorsque ces animaux ont une valeur plus grande sous la forme de trophée que sous celle d'une pharmacopée ambulante, on les vend à des fermes à gibier, habituellement dans un État comme le Montana, où un grand chasseur blanc paye 20 000$ pour ce que l'industrie appelle une tête garantie. Ils emmènent le chasseur dans une camionnette jusqu'à ce qu'il réussisse à tuer un animal et qu'il puisse accrocher le trophée au mur. Eh bien, c'est là l'essentiel de cette industrie.

Les lobbyistes de cette industrie ont bravement changé le nom de leur organisation qui s'appelait auparavant la Game Farm Association et qui est maintenant le Canadian Venison Council ou le Conseil de la venaison du Canada. Dans ma province, il n'y a pas une seule ferme à gibier qui vende de la viande. Personne n'en veut. Les gens n'en veulent pas. Je crois qu'il serait plus juste d'appeler cet organisme le Conseil canadien d'aphrodisiaque.

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Il serait temps de prendre un peu de recul. Il faut nous demander pourquoi nous agissons de cette façon. Pourquoi permettons-nous que l'on vende ces espèces vulnérables? Elles sont vulnérables parce que cela a été démontré. Pourquoi permettons-nous cela? Pourquoi encourageons-nous les gens à le faire? Pourquoi accordons-nous des fonds pour subventionner les marchés, créer des marchés pour ces espèces fauniques, et pour avantager quelques personnes?

Cela fait 10 ans que j'insiste auprès des gouvernements pour qu'ils examinent la situation. Je demande à ce gouvernement de faire une étude de cette industrie. Il s'agit-là tout de même d'une ressource publique essentielle.

On m'a dit que le gouvernement fédéral et les provinces se livrent à une guerre de territoires. Cela est stupide. Il ne s'agit pas de se battre pour des territoires; c'est une question de volonté politique. On me dit qu'on ne peut effectuer cette étude parce que la gestion de la faune relève des provinces. Très bien. C'est une compétence provinciale, mais quel est le rapport entre ça et les fermes d'élevage de gibier? L'élevage de gibier est une activité agricole. Aux termes de l'article 95 de la Constitution, l'agriculture est non seulement une compétence concurrente mais le gouvernement fédéral y joue un rôle prépondérant. La seule chose qui empêche ce genre d'étude est l'absence de volonté politique.

Lorsque nous exposerons les évaluations environnementales examinant tous les aspects de l'élevage de gibier - pas simplement le braconnage, parce que nous créons tous ces marchés, mais les maladies, les parasites, la pollution génétique - nous constaterons qu'il y a une perte d'habitat.

Je vais vous donner un exemple de perte d'habitat. Si cette industrie réussit à prospérer - et les entreprises de ce secteur veulent faire concurrence à la Nouvelle-Zélande qui a près de deux millions d'animaux derrière des clôtures - cela entraînera la plus grande perte d'habitat de l'histoire d'Amérique du Nord. Les espèces fauniques publiques, que l'on considérait auparavant comme une ressource publique, tout comme on le fait pour une rivière ou un cours d'eau, qui avaient le droit de se déplacer librement sur les terrains privés, auront perdu ce droit. Dès que l'on construira ces clôtures, les animaux n'auront plus accès aux terres dont ils ont besoin pour se nourrir, se mettre à l'abri et pour se déplacer.

Voici un exemple qui indique le genre de problèmes que cela peut poser: il y avait au Wyoming un gars qui voulait exploiter une mine de charbon qui se trouvait principalement sur son terrain. Il savait fort bien que les défenseurs des animaux s'y opposeraient vivement parce qu'il serait obligé de détruire des habitats, il a donc voulu résoudre son problème en construisant des clôtures pour empêcher des animaux de venir sur ses terres.

Les tribunaux l'ont finalement contraint à abattre ces clôtures mais ça n'a pas empêché près de 5 400 antilopes de mourir de faim en plein hiver parce qu'elles ne pouvaient traverser les clôtures pour se rendre dans leur pâturage d'hiver.

Nous sommes en face d'une situation désastreuse et l'on se refuse à effectuer des études. Cela s'explique-t-il pour des raisons économiques? C'est un autre aspect. Eh bien, la seule analyse économique que j'aie jamais réussi à obtenir du gouvernement a été le fait du gouvernement du Yukon qui est nettement favorable à l'élevage de gibier. Je l'ai ici, je l'ai envoyée au ministre. Je crois vous en avoir remis une copie la dernière fois.

Tout d'abord, je devrais vous signaler au départ que cette étude ne tient aucun compte des coûts que représente la réglementation, l'administration, les vétérinaires, les laboratoires et toutes les mesures compensatoires qui doivent être prises pour qu'un tel système puisse fonctionner. En d'autres termes, il n'a été tenu aucun compte de l'argent des contribuables. Le seul aspect sur lequel a porté la recherche est la rentabilité et l'activité.

Ce document contient des conclusions assez intéressantes. Tout d'abord, on y constate qu'il n'existe pas de marchés pour la viande de gibier; cela ne justifierait pas la construction d'abattoirs. Deuxièmement, on y dit que les andouillers représentent un produit aussi volatile qu'on ne peut pas fonder sur lui un véritable marché. Ils ont conclu que cette industrie n'est aucunement rentable, ni par rapport aux investissements effectués ni par rapport au travail qu'on y consacre. Elle ne crée pas d'emploi; elle ne permet pas de faire des bénéfices. Pourquoi donc l'exercer? Et ils n'ont pas tenu des coûts connexes.

J'ai fait circuler un document à la plupart des hommes politiques du Canada au cours de la dernière élection fédérale. Le premier ministre s'est engagé à effectuer une étude de ce problème. Tout ce que nous voulons c'est que vous examiniez la chose. Nous voulons que les gens soient consultés et qu'ensuite les Canadiens décident si nous voulons modifier de fond en comble les orientations que nous avons choisies d'appliquer depuis 70 ans en matière de conservation.

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Le premier ministre a pris cet engagement et l'on me dit maintenant qu'on ne peut rien faire pour le moment parce qu'il s'agit d'une guerre de territoire et que c'est une compétence provinciale.

En terminant, j'aimerais vous donner un conseil qui est, selon moi, l'un des meilleurs économistes du monde sur le plan des ressources, il s'appelle Herman Daly. Il raconte l'histoire du gars que tout le monde considère comme l'idiot du village. Il est connu partout parce qu'on lui offre d'un côté un billet d'un dollar et de l'autre un billet de deux dollars et qu'on lui dit tu peux prendre un des deux billets mais pas les deux, cet idiot du village prend toujours le billet d'un dollar, le met dans sa poche, et s'en va. Les gens ont alors décidé d'augmenter le montant du plus gros billet offert. Qu'il s'agisse de billets de 100$ ou de 1 000$, l'idiot du village continuait toujours à prendre le billet d'un dollar et s'en allait. Finalement, quelqu'un a été le voir et lui a dit: «Écoute, je sais que tu n'es pas stupide, pourquoi tu te comportes toujours comme ça?» et il a répondu: «C'est évident. Si je commence à prendre le plus gros billet, il vont tout de suite s'arrêter de m'offrir de l'argent».

Notre faune nous fait gagner 70 milliards de dollars chaque année, si nous ne sommes pas trop gourmands. Je demande simplement que l'on analyse la situation actuelle et que l'on s'emploie à faire les évaluations nécessaires. Laissons les gens venir présenter leurs points de vue. Je ne pense pas que l'on puisse envisager un processus plus démocratique.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir entendu.

Le président: Merci, monsieur Rowledge. Nous nous souvenons fort bien de votre dernière comparution et nous vous souhaitons une fois de plus la bienvenue.

Nous allons maintenant passer à une série de questions en conservant l'ordre que nous avons suivi tout à l'heure et en commençant par Mme Guay.

[Français]

Mme Guay: Nous sommes fortement sensibilisés aux problèmes du braconnage et de la conservation de la faune. Vous avez dit tantôt que les provinces ont des pouvoirs dans certains domaines et que le gouvernement fédéral n'en a peut-être pas. C'est très compliqué parce que certaines provinces font vraiment un effort de conservation, alors que d'autres n'ont peut-être pas tous les effectifs nécessaires.

Il est certain que si ces efforts ne sont pas structurés, ils ont besoin d'être chapeautés par une loi fédérale. Il reste quand même que certaines provinces font un effort. Je vois que vous sentez qu'à certains endroits, ce travail ne semble pas avoir été fait. Avez-vous un exemple à donner? Pouvez-vous me dire où, au Canada, la faune est le plus en péril et où il y a de plus grands problèmes?

[Traduction]

M. Rowledge: Je vais vous donner un bref exemple. En Alberta à l'heure actuelle, il y a un troupeau de daims et plus de 20 élans qui ont disparu d'une ferme d'élevage de gibier car celui-ci est atteint de tuberculose. Ces animaux sont retournés à l'état sauvage.

Les autorités de l'endroit aux États-Unis d'où nous avons importé les animaux ont tué quelques centaines d'entre eux et ont procédé à des analyses pour déterminer s'ils étaient atteints de tuberculose. Ils ont malheureusement confirmé que cette maladie était passée de la ferme d'élevage à l'habitat naturel - c'est-à-dire, même sans que des animaux ne s'échappent. En plus, cette maladie a touché d 'autres espèces. Pour vous montrer la gravité de la situation, ils ont tué 16 coyotes et il y en avait deux qui étaient tuberculeux.

Une des raisons pour lesquelles cette question n'est pas étudiée à l'heure actuelle, c'est parce que les bureaucrates d'Agriculture Canada font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher que l'on procède à ces études qui risqueraient de démontrer qu'ils ont fait preuve de négligence.

Les fonctionnaires d'Agriculture Canada savaient fort bien que les tests de tuberculose n'étaient pas efficaces. Ils ont même essayé de demander à leur homologue américain de modifier ses tests. Le ministère américain a refusé de le faire. Agriculture Canada a cédé et accepté les importations en provenance des États-Unis jusqu'à ce que la tuberculose bovine touche nos cheptels en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario. Ce n'est qu'après qu'ils ont fermé la porte.

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En outre, autre raison intéressante, le ministère de l'Agriculture veut cela, les bureaucrates le veulent, parce que c'est une panacée pour eux. C'est la sécurité d'emploi. Pour que l'élevage du gibier soit possible, il faut toutes les fonctions réglementaires et administratives, tout le personnel d'exécution pour essayer désespérément de protéger la faune. Mais pourquoi? Pourquoi devons-nous vendre des animaux sauvages vulnérables? Dans l'intérêt de qui?

Ce n'est qu'un exemple. Il y en a beaucoup d'autres, mais je suppose que nous n'aurons pas le temps de les examiner.

Le président: Il me semble que vous seriez plus efficace en évitant d'attribuer des motifs à des personnes qui ne sont pas dans cette salle, et en vous bornant à nous présenter les faits et vos observations sans attribuer de motifs? Ce serait sûrement plus apprécié.

M. Rowledge: Excusez-moi. C'est la frustration que j'éprouve devant dix ans de réticence.

Le président: D'accord.

[Français]

Mme Guay: Je m'adresse à vous aussi, madame White. Croyez-vous qu'avec une loi canadienne sur la faune, nous pourrons régler un grand nombre de problèmes? Croyez-vous, au contraire, que si on crée une autre loi et qu'elle n'est pas applicable...

Comment percevez-vous cela? Croyez-vous vraiment qu'en faisant une nouvelle loi sur la faune pour protéger les espèces en voie de disparition, etc., on va pouvoir vraiment améliorer la situation de la faune au Canada?

[Traduction]

Mme White: Ce n'est pas la seule réponse. Cela doit faire partie d'une politique globale qui porte sur toute la faune et la flore que nous importons au Canada, comme animaux de compagnie, pour les collectionneurs, pour ceux qui veulent ces animaux ou ces plantes pour les manger ou pour s'en vêtir, ou encore pour les faire passer par notre pays afin de les rendre acceptables pour d'autres - cela se fait beaucoup avec des produits comme les os de tigre et les cornes de rhinocéros - et je pense aussi à nos propres produits que l'on blanchit, comme les différentes parties du corps de l'ours. Il s'agit aussi de la façon dont nous traitons notre propre faune, et ce ne serait donc qu'un élément d'un programme que j'espère plus vaste et plus complet.

L'intérêt d'une loi sur les espèces menacées - normalement je ne serais pas favorable à ce genre de loi parce que j'estime que nous devons penser à la protection avant d'en venir aux catégories vulnérables et menacées - c'est que cette législation permettrait d'aller au-delà des espèces gravement menacées. En fait, dans le comité, nous envisagions d'aller jusqu'à parler de vulnérable, ou même moins, pour essayer de faire intervenir des mécanismes qui permettraient la discussion, de façon à pouvoir sensibiliser les agriculteurs, les entreprises minières, les industries papetières, pour mettre en place des mesures préventives quelconques avant que l'espèce ne soit vraiment menacée.

Le problème fondamental, c'est qu'il y aura des conflits et qu'à certains moments, il y aura un conflit entre une espèce menacée et d'autres intérêts. Il nous faut en fait une loi à même de régler ce problème, mais elle doit faire partie d'un programme global.

Mme Kraft Sloan: J'approuve les commentaires du président, monsieur Rowledge, mais je voudrais que vous sachiez que c'est l'exposé que vous avez présenté au comité l'année dernière qui a été à l'origine de ce forum. Donc, les gens écoutent - mais c'est frustrant parfois.

Cette discussion tourne beaucoup autour des valeurs fondamentales; quelle valeur attribuons-nous au monde naturel, comment nous voyons-nous par rapport à ce monde, en oubliant que nous faisons partie de la nature et que la nature est en nous et qu'il n'y a pas de séparation. C'est une question fondamentale sur laquelle nous devons absolument continuer à réfléchir. Nous n'allons pas trouver de véritable réponse tant que nous n'arrivons pas à ce genre de conclusion.

J'ai deux questions assez précises. En ce qui concerne l'argent, les 12,3 millions de dollars qui ont été alloués, je me demande si le Vérificateur général a remarqué ce problème. Madame White, cela se trouve-t-il dans les rapports du Vérificateur général?

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Mme White: Je ne crois pas que ce soit mentionné dans le rapport du vérificateur général. Il est difficile d'avoir accès à certaines de ces données, pour moi, tout au moins, c'est difficile. C'est effectivement un problème dont j'ai parlé, mais je ne sais pas si l'on a fait quelque chose pour y remédier. Ce n'est sans doute pas une somme si considérable dans le contexte fédéral.

Si j'en ai parlé à plusieurs reprises, c'est parce que c'est révélateur d'une certaine attitude à Environnement Canada où les activités relatives à l'application sont négligées au profit d'autres. Je crois qu'il est important de chercher à faire changer cette attitude au ministère où l'on a tendance à se servir des fonds pour autre chose que l'application, même si l'on finit par réaffecter les 12,3 millions de dollars aux activités d'application et si l'on finit par savoir où est passé l'argent.

Plus précisément, je crois qu'il faut davantage d'agents d'application. Je ne dis pas qu'il faut revoir tous les budgets d'Environnement Canada pour affecter des fonds supplémentaires à l'application. Mais il faut essayer d'utiliser plus judicieusement les talents et les activités existants et adopter des méthodes différentes pour faire appliquer les règlements et réunir des renseignements. Le problème, c'est que c'est impossible avec 18 personnes pour les oiseaux migrateurs, et avec 13 pour la Loi sur la protection des espèces animales et végétales sauvages. C'est tout simplement impossible, même si l'on partage avec d'autres organismes d'application.

J'ai dans mon rapport une lettre des Douanes. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour que les gens soient informés sur ce sujet. J'ai reçu une réponse des services de renseignement des Douanes, les services d'inspection aux frontières, selon lesquels il n'y aurait pas de problème concernant le commerce d'animaux sauvages. L'harmonisation, c'est bien joli, mais si le sous-ministre adjoint dit qu'il n'est pas au courant, cela signifie que nous avons des problèmes en ce qui concerne le commerce. C'est pourquoi je pense que les 12,3 millions de dollars ne sont pas là ni d'ailleurs les personnes dont nous aurions besoin pour sensibiliser à la question les divers organismes auxquels nous pourrions faire appel comme les Douanes, la GRC, etc.

Le président: Je dois au moins poser la question de savoir si M. McLean est en mesure de faire une déclaration maintenant.

M. McLean: Je n'ai aucun renseignement qui permette d'expliquer où se trouve la somme de 12,3 millions de dollars qui a été réservée dans le Plan vert pour le commerce des espèces sauvages.

Les membres du comité le savent, les budgets fédéraux antérieurs ont réduit les activités du Plan vert. Le programme est passé de cinq ans à six ans, ce qui a entraîné une réduction des 12,3 millions de dollars. Je ne connais pas l'importance de cette réduction.

Je confirme également que mon ministre a demandé qu'il n'y ai pas de réduction dans les activités d'application dans le dernier budget. Les ressources seront les mêmes cette année que l'année dernière. En fait, puisque la Loi sur le commerce des espèces sauvages va être promulguée, de nouveaux postes vont être créés. Je crois que nous ne saurons jamais si c'est suffisant.

Nous essayons surtout au ministère de parvenir à un juste équilibre. L'application n'est qu'une stratégie parmi d'autres pour assurer la conservation de la faune. Nous essayons de trouver le juste équilibre entre application et communication en ce qui a trait à nos activités scientifiques. En fait, le comité pourrait considérer que le budget est insuffisant dans tous ces domaines. Mais étant donné la situation actuelle du pays, nous n'avons plus de telles sommes à notre disposition. Nous essayons de prendre les meilleures décisions possibles et d'utiliser ces dollars au mieux.

Mme Kraft Sloan: Monsieur Rowledge, je sais que vous êtes expert dans le domaine de l'élevage du gibier. Je me demande si vous avez de l'expérience ou des connaissances en pisciculture. A-t-on le même genre de problèmes? Si un autre membre du groupe veut intervenir à ce sujet, j'aimerais bien avoir une réponse à cette question.

M. Rowledge: Je connais un peu la pisciculture et les problèmes qui s'y rapportent. Ils sont tout à fait semblables aux problèmes que l'on rencontre dans l'élevage du gibier terrestre.

La Norvège a fait beaucoup d'expériences dans le domaine il y a longtemps. Voilà quelques années maintenant, mais je me souviens de cas particuliers où il a fallu stériliser des cours d'eau entiers, parce que l'on essayait désespérément d'éliminer les parasites, la pollution génétique et les maladies provoquées par les centres de pisciculture.

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Je pense que traditionnellement, on considère que la commercialisation n'est pas une chose sérieuse. Autrement dit, on ne considérait pas que le poisson était vulnérable. En anglais, on plaisantait toujours au sujet des trois «F» - fish, pheasants and furs. Pourquoi par exemple n'y avait-il pas de problème du côté de l'élavage d'animaux à fourrure?

Pour ce qui est du poisson et des animaux à fourrure, mettez-vous dans la peau d'un braconnier chassant le vison. Vous revenez à la fin du mois épuisé et affamé, sans grand résultat. Il y avait moins d'incitation. Il y avait moins d'incitation jusqu'au moment où nous découvert des technologies capables d'éliminer complètement des pêcheries, comme cela a été le cas sur la côte est.

Nous constatons maintenant qu'avec l'évolution de la technologie, nous devons remettre en question nos notions de vulnérabilité. Certes, les maladies, la pollution génétique et les problèmes de parasites sont tous présents.

Mme Kraft Sloan: Est-ce seulement un problème pour les élevages piscicoles dans les cours d'eau, où le problème se retrouve-t-il par exemple dans les élevages de truites fermées de l'Ontario?

M. Rowledge: C'est beaucoup moins un problème dans un élevage de truites complètement fermé, car contrairement à un élan par exemple qui va sauter la barrière, le poisson ne s'échappe pas.

Les autres problèmes toutefois sont liés aux gens et à la conjoncture quand ils ne gagnent pas d'argent.

La Nouvelle-Zélande a eu ce genre de problème avec ses élevages de gibier. Les éleveurs essaient désespérément de faire face à l'effondrement des marchés. Ils ont en fait commencer à lâcher leurs animaux dans la nature. Ils ne veulent pas les tuer, alors ils les relâchent simplement dans la nature. On a un problème analogue pour le poisson.

M. DeVillers: Madame White, vous mentionnez dans votre première recommandation le Comité permanent de la Convention. Pourriez-vous nous donner une idée de sa composition?

Mme White: Vous voulez dire le Comité permanent de la CITES?

M. DeVillers: Oui.

Mme White: Je ne l'ai pas ici, mais je me ferai un plaisir de vous la communiquer. Divers pays y sont représentés.

M. DeVillers: Des pays différents avec des représentants différents?

Mme White: Oui. Le Canada y est représenté.

M. DeVillers: Vous avez parlé de la participation du Canada. Vous avez plus de précision sur les problèmes?

Mme White: Au sujet de la CITES?

M. DeVillers: Oui.

Mme White: Le problème que nous avons avec le Canada en ce qui concerne le dernier congrès de la CITES, qui s'est tenu à Fort Lauderdale en novembre je crois, était lié au fait qu'on a rétrogradé certains animaux.

Le Canada a approuvé les propositions de rétrogradation de l'éléphant d'Afrique, du rhinocéros - espèces particulièrement menacées - et du petit rorqual. Le Canada a approuvé la rétrogradation du petit rorqual alors que la Commission balènière internationale n'avait même pas encore déterminé s'il restait une population suffisante de petits rorquals pour en permettre une chasse durable. Il a fallu faire énormément de pression auprès de M. Tobin pour qu'il finisse par prendre une excellente position sur la question du petit rorqual et demander à ses assistants de ne pas approuver la rétrogradation. Lors de la conférence, il n'était pas du tout évident que telle était la position du Canada quand il est intervenu dans le débat.

Le président: Certains d'entre nous ont été scandalisés d'apprendre ces rétrogradations.

Monsieur McLean, vous pourriez peut-être nous expliquer cela tout de suite.

M. McLean: Je regrette, monsieur le président. Je n'ai repris mes fonctions à la CITES qu'il y a environ quatre semaines, et je ne connais donc pas bien les problèmes liés à un certain nombre de questions abordées en Floride en novembre dernier.

Le président: Dans ce cas, pourriez-vous vous renseigner auprès de votre prédécesseur et nous communiquer ces renseignements par écrit d'ici une quinzaine de jours? Merci.

Excusez-moi pour cette interruption.

M. DeVillers: Dans la recommandation 1(b), vous parlez d'une participation complète des ONG aux consultations. Vous prévoyez un problème, ou il y en a déjà eu dans le passé à cet égard?

Mme White: Disons que je m'attends à un problème dans ce domaine du fait des pays qui appuient l'étude - le Japon, la Norvège et le Canada - et de leur rôle traditionnel à la CITES, car ils sont en train d'éroder les principes de conservation à la conférence de la CITES. Je crois que le problème est en train de prendre des proportions considérables.

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Cette étude est symptomatique d'une volonté de miner l'efficacité de la CITES. Je pense que beaucoup parmi ceux qui oeuvrent à la conservation à travers le monde reconnaîtraient que la CITES s'est avérée l'un des meilleurs outils, sur la plan international, du développement d'une certaine protection des animaux et des plantes menacés d'extinction ou de disparition à cause de l'exploitation commerciale qui en est faite.

La CITES ne cherche pas à en supprimer complètement le commerce. J'attire votre attention sur la controverse qui s'est fait jour au Japan où l'on se proposait d'inscrire les ours à l'annexe 2 de la CITES au titre d'espèces comparables. Autrement dit, les ours figurent parmi les espèces menacés dans d'autres pays. Dans certains pays, il y a des ours qui ressemblent beaucoup aux ours qui ne sont pas menacés. Dans la proposition il était question de ressemblance.

Je crois comprendre que le Canada n'a pas appuyé cette proposition. Elle traite pourtant, à mes yeux, d'une question très importante car nous sommes aux prises dans notre pays avec le problème du commerce des espèces d'animaux provenant d'élevages de gibier. Il s'agit d'animaux traités génétiquement dont on fait le commerce. Il s'agit de nos propres espèces fauniques. Je trouve que certaines des positions adoptées par le Canada sur le plan international sont consternantes.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que le comité examine attentivement cette étude et qu'il fasse en sorte que la ministre fasse comprendre au comité permanent qu'elle veut qu'il soit bien clair, d'une part, que l'objet de l'étude est de renforcer la CITES et non de l'affaiblir, et d'autre part, que le processus doit être transparent. Le Canada a contribué 50 000$ à la réalisation de l'étude en présumant que les ONG au Canada et dans le monde entier fonctionnent dans la transparence.

M. DeVillers: Il me reste une dernière question, monsieur le président. Elle concerne les 12,3 millions de dollars. Il paraît qu'ils ont été affectés par le Conseil du Trésor en 1991 pour que soient créés trois nouveaux postes de cadres à la CITES, ainsi que 26 postes d'agents chargés de l'application de la Loi sur la faune. Savez-vous qu'elle portion de ce montant aurait été affectée à ces trois nouveaux postes et aussi aux autres?

Mme White: Je vous enverrai volontiers un exemplaire de ce rapport.

Une analyse existe. Je ne l'ai pas apportée avec moi mais il y en a une dans la proposition soumise au Conseil du Trésor en matière de coûts.

M. DeVillers: Merci.

M. Finlay: Une petite question que je voulais poser au commencement...

Le président: Il n'y a jamais de petites questions, monsieur Finlay. Quand elles le paraissent, on se trompe.

M. Finlay: Bon, je vais essayer.

J'ai une deuxième question, monsieur Porter. Les cartouches à grenailles de plomb et les plombs sont-ils interdits dans les parcs nationaux du Canada?

M. Porter: Non, monsieur, pas pour le moment.

Le président: Non elles ne le sont pas. Vous auriez pu adresser cette question à la présidence. On se demande alors: pourquoi pas?

M. Porter: La présidence a présenté de vives instances depuis l'automne dernier à cet égard. J'ai répondu deux fois à la dernière séance de ce comité qui examinait la LCPE.

Nous comprenons l'importance du problème. Nous avons créé un groupe de travail qui s'occupe de nos six régions. Il élabore actuellement un projet d'approche uniformisée de la question qui commencerait par sensibiliser le public quant aux moyens de résoudre le problème.

Leur interdiction par règlement après consultation ne soulève pas de problème. La prérogative de l'administration en matière de modification et de réglementation est toutefois quelque peu limitée, et il nous faut procéder à des consultations préalables, notamment avec les Autochtones qui peuvent faire valoir certains droits relativement à la pêche dans certains parcs nationaux concernés par les ententes sur les revendications territoriales.

Nous avons consulté le Service canadien de la faune qui a fourni la majeure partie de l'information scientifique sur les cartouches à grenailles de plomb et sur les plombs. Ce sont ces derniers qui posent des difficultés. Nous avons entrepris d'en saisir le Conseil fédéral-provincial des parcs car nous pensons qu'il existe un problème dans les parcs nationaux. La présidence a fait remarquer à maintes reprises que nous pouvions montrer l'exemple. Nous considérons que nous obtiendrons de meilleurs résultats si nous attaquons le problème à l'échelle nationale, ce qui évitera aux divers organismes fédéraux ou provinciaux de faire des consultations parallèles avec les mêmes parties concernées avant de changer la réglementation. Nous avons adopté une méthode collective.

Le président: Je suggère qu'à l'intention de M. Finlay vous expliquiez aussi pourquoi la Colombie-Britannique a pris cette initiative et pourquoi un parc américain situé le long de la frontière canadienne au sud de l'Alberta a, je crois savoir, également décidé de les interdire. Comment sont-ils parvenus à vaincre tous ces obstacles insurmontables?

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M. Porter: C'est avec les gens qui s'occupent des parcs en Colombie-Britannique que j'entretiens des relations de travail. Ce n'est pas d'eux que vient la mesure d'interdiction prise par la province; cela vient de l'autre agence de protection de la faune.

Il vaudrait peut-être mieux interroger le Service canadien de la faune car son activité est liée à celle des directeurs qui s'occupent de la faune au niveau provincial et c'est une autre méthode qui a été utilisée pour tenter de résoudre le problème à l'échelle nationale.

Quant aux raisons qui ont poussé la Colombie-Britannique à prendre cette mesure, je peux me charger d'en discuter avec mes collègues dans cette province, mais cela a surpris tout le monde. Nous avons appris la nouvelle dans les journaux.

Le président: Pourquoi les Américains ont-ils réussi à faire appliquer cette mesure dans l'un de leurs parcs nationaux?

M. Porter: En ce qui concerne les États-Unis, nous avons notamment des informations sur les activités du service des forêts dont le mandat est quelque peu plus large que le service des parcs nationaux. Ils n'ont pas consulté le parc Yellowstone pour savoir de quelle façon cette mesure d'interdiction est appliquée.

Le président: Ne s'agit-il par du Parc national des Lacs - Waterton plutôt que du parc Yellowstone?

M. Porter: D'après mes renseignements, il s'agit de Yellowstone. De fait, Waterton est un parc national canadien.

Le président: Quel est celui qui est situé à la frontière?

M. Porter: Je sais qu'il y a le Parc national Waterton - Glacier de la paix.

M. Finlay: Il est situé à la frontière.

M. Porter: C'est exact. Waterton est du côté canadien et du côté américain, on trouve le Parc Glacier de la paix.

M. Finlay: S'agit-il du parc où la mesure d'interdiction est en vigueur? S'applique-t-elle seulement au Parc Glacier de la paix ou est-ce que cela inclus Waterton?

M. Porter: Je peux me tromper. D'après mes renseignements, il s'agissait du Yellowstone mais il se peut très bien que je fasse erreur.

M. Finlay: Bon, ce n'est pas un parc qui est situé à la frontière. Passons.

Monsieur le président, je tiens à remercier M. Rowledge pour son exposé et à l'assurer que l'information qu'il a envoyée a été lue par au moins un candidat député lors de la campagne. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience du problème, en lisant les documents qui nous avaient été transmis. Je suis d'accord avec vous, c'est un problème de taille.

Vous nous avez donné beaucoup de chiffres et vous avez parlé de la philosophie qui avait cours au début du siècle, etc., mais pourrais-je vous poser une question précise? Quelle est à l'heure actuelle l'importance de l'élevage du gibier au Canada? Trouve-t-on des élevages de gibier dans toutes les provinces ou seulement dans quelques-unes? À votre avis, de quelle façon cela contribue-t-il au commerce illégal et au braconnage si, de fait, il existe effectivement un lien?

M. Rowledge: Oui, il y en a un.

Le président: Pourriez-vous, s'il vous plaît, répondre brièvement.

M. Rowledge: La situation au Canada est la suivante: il y a seulement deux provinces où cela n'existe pas, le Manitoba et Terre-Neuve.

C'est une activité qui a tout doucement pris de l'ampleur. Malgré cela, le plus gros élevage de gibier du pays qui était située en Ontario, vient tout juste de faire faillite.

Je vais vous donner un exemple pour situer cette industrie qui se développe sans faire de bruit. D'ici à l'été prochain, on trouvera en Alberta plus d'orignaux en captivité qu'en liberté - et cela, même s'il a fallu détruire pratiquement 3 000 bêtes atteintes de tuberculose. On pourrait parler de croissance exponentielle.

Est-ce que cela contribue au commerce en général et au commerce illicite en particulier? Sans aucun doute. On l'a bien vu lorsqu'on a cité le nom des restaurants qui faisaient du trafic avec des braconniers.

L'industrie en question voudrait qu'il y ait un million de bêtes en captivité. Ses représentants déclarent qu'ils veulent mettre de la viande de gibier à la disposition des consommateurs dans les supermarchés et les restaurants du pays. Je ne sais pas où nous allons trouver l'argent pour réagir à cela.

Partons du principe que, d'une façon ou d'une autre, nous allons pouvoir faire appliquer la loi et nous assurer que dans 99 p. 100 de toutes les bêtes vendues dans le commerce le sont légalement. Le1 p. 100 restant, sur un million de bêtes, représente la population d'orignaux de l'Alberta et c'est comme si elle disparaissait entièrement en un an. Cela vous donne une idée de la gravité de la chose.

C'est un problème et c'est le pied dans la porte. Nous ne pouvons pas envisager les problèmes que cela entraînera sur le plan du braconnage, des maladies et de la pollution génétique car ils n'apparaîtront que beaucoup plus tard. C'est la raison pour laquelle nous demandons des évaluations.

Le président: Merci.

Monsieur Adams, vous aviez également une question à poser au nom de M. Gilmour.

M. Finlay: Notre collègue, Bill Gilmour, m'a demandé de poser une question en son nom. Elle s'adresse à M. Martin.

M. Gilmour demande si, à votre avis, les élevages de gibier de l'Alberta sont une menace pour le gibier sauvage, par exemple, à Banff et à Jasper?

.1145

M. Martin: Il y a une chose qui commence à nous préoccuper et sur quoi nous rassemblons des informations, c'est l'élevage de certaines espèces sauvages. Cela n'existe pas qu'en Alberta. En ce qui a trait aux jeunes animaux vivants qui sont vulnérables, nous nous sommes surtout concentrés sur le braconnage car, au bout du compte, la bête est tuée.

Au cours de nos enquêtes, en parlant à d'autres autorités aux États-Unis et en Alberta, nous nous sommes rendus compte qu'il se pouvait fort bien que ces fermes à gibier capturent de jeunes animaux vivants, des faons, pour les ajouter à leur troupeau. Les restrictions qui s'appliquent actuellement au transport de ces animaux hors de leur province d'origine sont relativement sévères.

Il se peut qu'il existe une industrie parallèle dont l'activité consiste à capturer de jeunes faons de l'année dans leur habitat naturel, pas nécessairement dans les parcs nationaux, pour qu'ils aillent grossir les rangs des troupeaux des fermes à gibier. Il se peut aussi qu'on utilise les systèmes de permis en place pour couvrir ces transactions. C'est quelque chose que nous cherchons à élucider. Je ne peux pas dire que cela pose un problème. C'est uniquement une chose qui nous a été signalée et que nous commençons à examiner.

M. Adams: J'essais de revenir sur ce que disait John Finlay à propos de l'ampleur du phénomène, etc. J'ai remarqué quelque chose. Votre exposé m'a beaucoup intéressé. Vous vous êtes sans doute rendus compte qu'au cours des derniers jours, nous avons posé des questions à nos divers témoins sur les fermes à gibier, etc. Je sais que vous avez évoqué un cas dans le cadre d'un scénario, mais cela avait trait à ce qui se passait au début du siècle... vous avez nettement laissé entendre que la chasse menace la faune.

Dans un des exemples que vous avez utilisé à propos des fermes à gibier, vous avez parlé d'élans qui étaient parqués et d'autres que l'on tenait de leurs aires de reproduction ou quelque chose du genre. C'était les grandes lignes de votre histoire. J'aurais pensé que la faune a surtout été affectée par notre utilisation croissante des terres, par les routes, les villes, les fermes, etc. qui ont tout simplement bouleversé complètement l'habitat. D'après moi, c'était cela la source du problème plutôt que la chasse. C'est mon premier point.

M. Finlay vous a posé des questions à propos des provinces, etc. Je me demande simplement si cette occupation croissante des terres, qui n'a rien à voir avec les questions de maladies ou autres que vous avez évoquées, est un problème sérieux. Vous avez parlé des fermes d'élans. Il y a par exemple dans ma circonscription une grosse ferme de bisons. Je sais qu'il y a d'autres fermes à gibier dans l'est de l'Ontario. Mais je ne pense pas que l'on en soit déjà rendu au point où l'espace qu'elles occupent a les proportions que vous avez suggérées dans votre exposé.

M. Rowledge: Je suis d'accord avec vous; elles ne s'étendent pas encore sur toute l'espace qu'elles pourraient occuper.

Ce que je veux dire, c'est ceci: Tout d'abord, pour permettre ce genre de chose, à petite ou à grande échelle, il faut mettre de côté les principes fondamentaux sur lesquels repose le système de conservation. Il faut reconnaître que les particuliers ont le droit de posséder des animaux qui font partie de la faune. Il faut non seulement autoriser la commercialisation de la faune mais en faire la promotion.

On perd ainsi tout contrôle sur la chasse. Sheila Forsyth a donné un exemple un peu plus tôt de ce qui se passe en Alberta: on a mis un mouflon aux enchères et un Américain l'a acheté pour 250 000$.

Le gouvernement de l'Alberta qui, d'année en année, a restreint le budget alloué à la protection de la faune et aux salaires des agents qui en sont chargés a imposé l'an dernier une coupure de 30 p. 100. Et voilà qu'il commence à mettre la faune de notre pays aux enchères afin de lever des fonds.

Le résultat c'est que l'on arrive à mettre dans la tête des gens que les animaux sauvages, lorsqu'ils sont morts, valent de l'argent. Si quelqu'un est prêt à payer 250 000$ pour avoir le droit de chasser, quelle différence y a-t-il entre cela et les amendes que nous venons de fixer? Elles ont été augmentées et c'est à peu près cette somme-là que l'on doit payer si l'on chasse illégalement, par exemple, dans un parc national.

Je pense que cela nous ramène à ce que disait plus tôt Mme Kraft-Sloan à propos de la philosophie dont il est question. C'est à cela que l'on en vient, à mon avis. Ce sont là quelques-unes des questions que nous essayons de nous poser.

M. Adams: Je comprends cela. C'est sur l'autre sujet d'ordre général que j'essayais d'avoir des éclaircissements. Je comprends. J'ai entendu dire à quelque part que les bisons étaient considérés comme des animaux domestiques.

M. Rowledge: Dans certaines provinces. Cela varie d'une province à l'autre.

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M. Adams: Vous parlez de philosophie. Quand est-ce qu'un animal devient domestique? J'ai parlé tout à l'heure d'un élevage de bisons qui existe dans ma circonscription depuis 30 ou 40 ans et qui compte peut-être 300 animaux. On y vend de la viande, des géniteurs, du cuir brut, etc.. Que pensez-vous de la domestication du bison?

M. Rowledge: Tout le monde devrait se rendre compte que les termes «faune domestique» ou «faune captive» sont contradictoires.

M. Adams: Oui, mais il y a les bovins sauvages et les bovins apprivoisés.

M. Rowledge: À ma connaissance, il n'y a pas de bovins sauvages en Amérique du nord.

M. Adams: Non, mais il existe des bovins sauvages.

M. Rowledge: Je comprends. Si on voit ce qui arrive aux animaux après qu'ils ont été domestiqués - David Suzuki a fait une merveilleuse émission sur la question - on s'aperçoit que par la suite ces espèces disparaissent à l'état sauvage. Elles n'existent plus ou leur matériel génétique est suffisamment modifié.

Pour ce qui est du bison, les problèmes ne sont pas aussi urgents en raison de l'absence du bison à l'état sauvage. Contrairement à l'élan, il n'existe pas à l'état sauvage, de tel sorte que le problème n'est pas aussi grave. J'ai du mal à accepter cela sur le plan philosophique, mais les problèmes sont moins graves.

M. Adams: La raison pour laquelle je l'ai mentionné, c'est parce qu'on nous a demandé au cours des audiences de faire avancer le rapport sur le parc national Wood Buffalo. J'essais de vous donner l'occasion de parler.

Quelle est la différence entre un ranch à gibier... Comme vous le dites, il n'y a pas de bisons à l'état sauvage. Il y en a dans le parc national Wood Buffalo, mais par contre, ils ont été placés là, ou tout au moins une bonne partie du bétail a été placé là. En outre, ils ont la brucellose bovine. Quel est le rapport avec les problèmes dont nous parlons?

M. Rowledge: Les animaux du parc national Wood Buffalo ont contracté ces maladies d'animaux domestiques. Il s'agit de la brucellose bovine, de la tuberculose bovine, qui sont des maladies domestiques venues d'Europe. La situation du bison est un très bon exemple du problème.

L'Alberta Cattle Commission était d'accord pour que l'on permette l'élevage de gibier et a même voté en faveur. Nous leur avons présenté un scénario simple et nous leur avons dit que nous savions ce qui allait arriver. Si ce secteur transmet la tuberculose aux animaux sauvages, quelle sera la politique? Ils ont répondu que c'était la même chose que pour le bison: ils demanderaient que l'on tue la faune pour protéger leur secteur. Ils l'ont dit très clairement. Nous sommes dans une situation absurde.

Nous demandons aux gens de s'arrêter et de se demander ce qu'on est en train de faire. S'il était logique de faire cela sur le plan économique, ce serait une chose. Mais toutes les études qui ont été faites sur la question révèlent que cela n'a absolument aucun sens. Il y a un déficit tous les trimestres. Cela va nous coûter de plus en plus d'argent. Plus le projet prendra d'ampleur, plus il sera coûteux de s'en sortir.

J'étais présent tout à l'heure lorsque vous avez posé une question au sujet des ours en captivité dont on retire de la bile. Cela se fait en Chine. On implante une fistule permanente dans le flanc de l'animal pour drainer continuellement de la bile. J'ai vu des vidéos de cela. On ne peut supporter d'entendre le bruit que font ces ours. Leurs pleurs continuels vous donnent la chair de poule.

Il y a des gens en Alberta qui disent que nous devrions élever le lynx sur des ranchs à gibier parce qu'il existe un marché pour ces animaux. J'ai demandé à des gens qui travaillent dans l'agriculture en Saskatchewan si un jour nous en arriverons à un point où nous déciderons que cela suffit, que c'est assez, que nous devons nous arrêter maintenant et ne plus domestiquer d'espèces d'animaux. Quelqu'un m'a répondu que nous ne devions pas décider que c'était assez. Que nous devrions le faire s'il y a un marché.

Ce que les gens disent, c'est que si Dian Fossey voulait vraiment protéger les gorilles, elle devrait préconiser qu'ils soient élevés sur des fermes. On pourrait leur couper les mains, leur couper la vésicule biliaire et les parties qui rapportent, et ils seraient toujours en vie. On pourrait même les utiliser comme animaux de reproduction. C'est la même chose, mais à une échelle différente.

.1155

Le président: J'ai quelques questions, puis nous allons conclure.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur Rowledge. Pourriez-vous dire à notre comité quel est le fondement législatif à partir duquel cette évaluation doit être effectuée? Où est la compétence fédérale, à votre avis?

M. Rowledge: Il y a toute une série de mesures législatives qui donnent compétence au gouvernement fédéral. Tout d'abord l'article 95 de la Constitution donne une compétence concurrente au gouvernement fédéral en matière d'agriculture et lui donne même le pouvoir suprême.

Ensuite, il y a des dispositions dans la réglementation, par exemple en ce qui a trait à la Loi sur la santé des animaux. Des fonds fédéraux y ont été investis par l'intermédiaire du Fonds de diversification de l'Ouest canadien. C'est une autre source de compétence.

J'ai avec moi des lettres d'appui de diverses personnes, notamment des membres d'associations indiennes, qui demandent une évaluation. Par exemple, le Conseil tribal du traité numéro 7 a déclaré très clairement qu'il s'agissait d'un affront à leurs croyances les plus sacrées. Les affaires indiennes relèvent de la compétence fédérale.

Un chef m'a décrit la situation. Je lui demandais son opinion. Il a secoué la tête lorsqu'il a parlé de l'élevage de gibier. Il a dit que le gouvernement a d'abord voulu mettre les Indiens dans des réserves et qu'il voulait maintenant mettre la faune dans des réserves. Voilà jusqu'à quel point certains des aînés se sentent outrés par tout ce processus. C'est un autre domaine de compétence fédérale.

Tout ce qui traverse une frontière, qu'elle soit internationale ou interprovinciale, ou qui entre et sort des terres fédérales - les terres indiennes ou les parcs nationaux - relève de la compétence fédérale. Le gouvernement fédéral a compétence dans de nombreux domaines.

Le problème que nous avons à l'heure actuelle, c'est que malgré tout le lobbying que j'ai fait pour que cette évaluation se fasse, et malgré l'engagement du premier ministre à l'égard de cette évaluation, lorsque la nouvelle Loi canadienne sur l'évaluation environnementale est entrée en vigueur, la liste ne mentionnait que l'importation des espèces non indigènes. Donc, en fait, à moins d'inclure dans cette liste l'élevage de gibier et d'y ajouter les espèces indigènes, nous ne serons peut-être pas en mesure de faire l'évaluation.

Heureusement, je crois comprendre qu'il y aura un examen de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, après un an, soit en janvier 1996. Je vais travailler d'arrache-pied pour que ces changements soient apportés de façon que l'évaluation puisse se faire. Je dirais qu'en réalité, les compétences du gouvernement fédéral sont beaucoup plus nombreuses que les compétences provinciales à cet égard.

Le président: Merci. Monsieur Porter, vous nous avez dit que la Loi sur les parcs nationaux avait été modifiée en 1988, soit il y a sept ans. Pouvez-vous nous dire si on prévoit la réviser et présenter un projet de loi à cet égard?

M. Porter: On est en train de préparer un projet de loi. Il s'agit essentiellement d'un projet de loi de rationalisation, d'ordre administratif. Si vous vous rappelez bien, lorsque vous étiez membre du Comité législatif, en 1988, un certain nombre de lois ont en fait été incorporées à ce que nous appelons la Loi sur les parcs nationaux. L'une des choses que nous tentons de faire, c'est de refondre tout cela dans une seule loi pour faciliter les choses, tant en ce qui concerne le libellé, les comparutions devant les tribunaux, la formation et la compréhension du public.

Le président: Est-ce que cela comprend des changements dans les peines et les infractions?

M. Porter: Oui.

Le président: Très bien, merci.

Monsieur McLean, c'est ma dernière question. Vous vous rappellerez sans doute que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi sur la faune du Canada ont été modifiées par notre comité et adoptées par la Chambre en juin 1994. Dix mois se sont écoulés. Ce projet de loi n'était pas très long. Il faut peut-être un mois ou deux pour rédiger le règlement et peut-être quelques mois pour que le fédéral s'entende avec les provinces. Pourquoi ce règlement n'a-t-il pas encore été rédigé?

M. McLean: Lesquels de nos règlements devraient être modifiés? Les changements apportés à la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs il y a un an ne nécessitaient pas que l'on apporte des changements substantiels aux règlements. Nous avons déjà apporté certains changements immédiatement après la proclamation de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs le 23 juin 1994. Nous allons proposer une seconde modification nécessaire concernant le don d'oiseaux, modification qui sera en vigueur avant la saison de chasse à l'automne 1995.

À ma connaissance, il ne sera pas nécessaire d'apporter d'autres changements à notre réglementation, de sorte que j'avoue être quelque peu surpris d'entendre cela ce matin.

Le président: Êtes-vous en train de nous dire que ces deux projets de loi ne nécessitaient pas que l'on rédige de règlements?

.1200

M. McLean: C'est exact. Ce n'est que lorsque le fond d'une mesure législative est changé qu'il est nécessaire, sur le plan juridique, de modifier le règlement.

Lorsque la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs a été modifiée, le fond est demeuré le même. Cela porte sur la conservation des oiseaux migrateurs; les interdictions n'ont pratiquement pas changé. Le fondement philosophique de la loi n'a pas changé. Nous avons effectué à l'époque certains changements d'ordre administratif, de rationalisation, et nous avons modernisé les interdictions.

Pour ce qui est de la Loi sur la faune du Canada, on en a modifié le fond; le comité l'a changée afin qu'elle s'applique non seulement aux animaux sauvages, mais également aux plantes sauvages. Tout de suite après la proclamation, en juin dernier, nous avons modifié tout le règlement afin d'inclure les animaux et les plantes sauvages, de sorte que le travail de réglementation est effectué.

Le président: Cela nous amène à la conclusion. Je vous remercie beaucoup d'être venu ce matin, de votre participation des plus valable et de ce que nous avons appris de vous.

Peut-être que mes collègues aimeraient dire quelque chose pour conclure. Dans ce cas, j'aimerais inviter Mme Guay à parler en premier.

[Français]

Mme Guay: J'aimerais vous remercier pour votre grande sensibilisation à la faune. Même si nous connaissons l'environnement, nous avons beaucoup appris pendant les trois jours que nous avons passés avec des experts et des gens qui sont très sensibles à la faune.

Je pense, monsieur le président, que si on fait une loi sur la protection de la faune, on devra essayer d'éviter, autant que possible, ce qui existe déjà dans les provinces et couvrir ce qui n'est pas couvert par celles-ci. Il faut s'assurer qu'on ne crée pas une autre loi qu'on ne pourra pas appliquer ou qui sera inuutile. C'est très important.

Étant donné les années difficiles que l'on vit au point de vue économique, on ne peut pas se permettre de faire des folies. Il faut voir ce qui est existe déjà et s'en servir et essayer de combler ce qui est inexistant. Je vous remercie.

[Traduction]

Mme Kraft Sloan: Plus je travaille au sein de ce comité, et certainement au cours des quelques derniers jours à l'occasion du forum, plus j'arrive à la conclusion qu'on ne peut pas tromper Mère Nature sans se retrouver devant de très gros problèmes.

Tout d'abord, j'aimerais remercier les panelistes. J'aimerais, en outre, remercier le greffier et les attachés de recherche pour la documentation et l'information qu'on nous a remises. Cette documentation est fantastique pour quiconque s'intéresse à ce genre de questions, et ce sera certainement un ajout très important à ma bibliothèque.

Il y a deux choses que j'ai comprises très clairement au cours des derniers jours. Tout d'abord, à moins que les décisionnaires et que la société ne comprennent et n'acceptent le fait que les êtres humains font partie de la nature, nous risquons de nous retrouver en haut de la liste des espèces en danger de disparition. Deuxièmement, la plupart des défis environnementaux auxquels nous devons faire face exigent des solutions très complexes et très difficiles.

Cependant, dans le cas des chevrotines et des plombs de pêche, c'est un problème très simple et la solution est simple, elle aussi. Si nous n'agissons pas rapidement dans ce domaine, je pense que nos enfants cesseront tout à fait de croire en notre capacité de protéger et de préserver un environnement dans lequel ils peuvent vivre sainement.

Encore une fois, je remercie tous les participants.

M. DeVillers: Je voudrais tout simplement profiter de l'occasion pour remercier les panelistes ici présents et tous les autres qui ont comparu devant notre comité au cours de ces trois jours. Ce fut une expérience qui en valait vraiment la peine.

Si le président avait secrètement l'intention d'éduquer les membres du comité, je pense qu'il a réussi. J'ai accumulé pas mal de documents ici qui montrent que j'ai beaucoup appris. Cette expérience en valait vraiment la peine. Cela nous a donné l'occasion d'entendre notamment parler des initiatives du groupe Wye Marsh qui oeuvre dans ma circonscription en ce qui a trait aux chevrotines et aux plombs de pêche. Je vous remercie tous.

.1205

M. Finlay: J'espère que d'autres Canadiens ont appris autant que moi de ce panel.

Je voulais tout simplement ajouter que j'ai foi en nos modifications à la Loi sur la faune du Canada. Nous mettons en outre l'accent sur la protection de l'habitat, monsieur McLean.

Pour reprendre ce que Karen Kraft Sloan a dit, la société humaine doit coexister sur cette planète avec la nature ou alors, disparaître. Je pense qu'il est immoral de négliger la biosphère et d'excuser notre inaction en prétextant que nous vivons dans une économie de marché, alors que nous savons très bien, au fond de nous-mêmes, que nous devrions prendre des mesures.

M. Adams: Moi aussi, je tiens à vous remercier ainsi que les témoins précédents que nous avons entendus. J'espère que ce forum sur la faune vous a apporté quelque chose à vous, en tant que particuliers, ainsi qu'à vos organismes; comme vous avez pu le constater d'après ce qu'on dit mes collègues, il est évident que cet exercice a été très utile pour nous.

Nous parlons de ce que nous appelons souvent des choses exotiques - ces expositions sur des espèces en danger de disparition, et ce genre de choses. Je suis certainement d'avis que nous devons tous comprendre qu'il ne s'agit pas de quelque chose d'exotique. Ce dont nous parlons maintenant, c'est de quelque chose qui nous touche directement. Ce sont tout simplement divers indices d'un très gros problème qui se pose à nous.

Au début des audiences, j'ai souvent trouvé certaines choses que j'entendais très déprimantes, et je ne suis pas du type dépressif. Je suis heureux lorsque des gens qui ont des idées et qui veulent mettre en oeuvre et améliorer les règlements font du lobbying. Je suis heureux qu'ils se soient fait entendre, eux aussi, mais je suis toujours convaincu qu'il s'agit d'un grave problème.

Mme Kraft Sloan a mentionné que nous occupons une place toujours de plus en plus proéminente sur la liste des espèces en danger de disparition. En fait, je pense que nous sommes très haut sur la liste et que nous, ainsi que nos enfants, courons vraiment des risques. Je tiens à remercier chacun d'entre vous pour ce que vous faites pour améliorer cette situation. J'espère que nous pourrons continuer à faire ce que nous pouvons.

Merci.

Le président: Merci à tous.

J'aimerais dire quelques mots aux fins du compte rendu à la suite de l'expérience de ces trois derniers jours. Je ferai certaines des observations que Clifford Lincoln, le secrétaire parlementaire, qui est occupé ailleurs, aurait faites, j'en suis certain, à la fin de ce forum.

Tout d'abord, comme vous l'avez déjà fait, il est capital de remercier tous ceux qui ont fait en sorte que cet événement soit possible, à commencer par notre vaillant greffier, qui a passé énormément d'heures à organiser un programme qui se tienne, qui soit cohérent et qui se suive bien. Il a certainement réussi, et je tiens à le remercier en présence de tous. Je le fais habituellement dans les coulisses, en marmonnant des remeciements qui ne sont peut-être pas aussi civilisés qu'ils devraient l'être.

[Français]

Permettez-moi, au nom de tous les membres du Comité, de remercier les participants des cinq groupes de témoins qui ont su nous fournir une information à jour et détaillée sur toutes les espèces sauvages du Canada.

[Traduction]

À cet égard, je ne dois pas oublier non plus d'inclure quelques mots de remerciements à l'intention de M. Jim Foley, du Service canadien de la faune, et de M. Jean-Luc Bourdages qui a réussi à préparer ce qui est déjà reconnu comme un ajout très précieux à nos bibliothèques respectives. Il ne fait aucun doute que nous comprenons maintenant mieux l'état de la faune et les tendances qui se dessinent, question qui nous préoccupait déjà lors de votre première comparution il y un an, M. Rowledge, avec le professeur Geist.

.1210

Notre comité est peut-être maintenant mieux en mesure de diffuser un message dans tout le pays au cours des prochains mois, et j'espère que nous aurons l'occasion de le faire.

De fait, nous avons appris trois choses: Premièrement, nous avons une définition de la faune qui est beaucoup plus large et bien meilleure que celle que nous avions lorsque nous sommes entrés dans cette salle il y a trois jours; deuxièmement, nous savons quelle est l'importance de la faune sur le plan environnemental, économique, culturel et social; et troisièmement, qu'il existe un lien entre la faune, l'habitat et les êtres humains et leur comportement, comme bon nombre d'entre vous l'avez si bien souligné. Ce dernier point est ressorti très clairement ce matin.

On nous dit que les principaux problèmes concernant la faune au Canada peuvent se résumer comme suit: le manque de connaissance à son sujet; la tendance à la hausse pour ce qui est du nombre d'espèces en danger; les pressions des promoteurs, des agriculteurs et des êtres humains en général, plus particulièrement sur les terres humides et les forêts; la menace, que l'on a pu écarter en partie, mais qui pèse sur la harde de caribous de la Porcupine, sur le versant nord; et le problème des chevrotines et des plombs de pêche qui représentent une grande menace pour l'environnement et les animaux, notamment celui qui est un symbole très important pour le Canada, soit le huard. Nous espérons, sur ce point, que les bureaucrates nous aideront.

Nous avons appris que les fonds de recherche diminuaient, et nous aurons peut-être l'occasion d'en discuter davantage lorsque nous étudierons le budget des dépenses à la fin du mois de mai. On nous a parlé de la prolifération du commerce illégal et du braconnage. Comme on nous l'a dit ce matin, on commet des crimes contre la faune, et si nous n'agissons pas, elle risque de disparaître.

En ce qui a trait à l'élevage de gibier, nous avons appris que les ressources pour l'application des règlements sont inadéquates et qu'il faut d'examiner les pratiques en ce domaine.

On nous a parlé de divers organismes et de personnes qui oeuvraient pour la protection de la faune. Je n'ai malheureusement pas le temps d'en parler en détail.

Enfin, on nous a exhorté à améliorer les connaissances des Canadiens sur la biodiversité. Nous avons appris qu'il était important de sensibiliser le public, de présenter sous peu une loi fédérale sur les espèces en danger de disparition et de rendre obligatoire la protection de certaines espèces et de certains habitats menacés. On nous a parlé de la nécessité de compléter le réseau des régions protégées et de l'importance d'interdire une fois pour toutes dans tout le pays l'utilisation des chevrotines et des plombs de pêche.

Nous devons contrôler le braconnage et le commerce illégal, changer le système de comptabilité national pour intégrer les pleines valeurs environnementales et donner un élan, sur la plan politique, à la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction. On a déjà mentionné le nouveau problème que pose l'élevage de gibier; nous devons évaluer ce secteur. Enfin, nous devons acquérir davantage de connaissances en ce qui a trait à la protection des espèces animales ou végétales sauvages et au commerce international et interprovincial et rendre plus efficaces les lois et les règlements qui s'y rapportent.

[Français]

Chers collègues et participants, c'est un programme complet de conservation des espèces sauvages et de leur habitat que nous avons devant nous. Le temps presse si nous voulons faire en sorte que la future génération puisse, comme nous, apprécier la grande biodiversité canadienne. Je suis persuadé que nous participerons et contribuerons très activement à cette vaste entreprise

[Traduction]

Pendant toute la durée de cette législature et tant que notre comité fonctionnera aussi bien qu'il le fait à l'heure actuelle.

.1215

Nous sommes prêts à examiner le projet de loi approprié aussitôt qu'il sera présenté. Nous comptons sur vous en particulier, monsieur McLean, pour transmettre cette information à vos collègues du ministère. Nous examinerons, en outre, d'autres questions qui ont été soulevées, et à cet égard, encore une fois, nous vous sommes extrêmement redevables à vous qui êtes dans cette salle ainsi qu'à ceux qui vous ont précédés, hier et mardi, pour toute l'information que vous avez fournie aux parlementaires qui sont membres du comité.

Cela dit, la séance est levée. Encore une fois, merci.

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