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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 décembre 1995

.0906

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Je vois que nous avons le quorum. J'aimerais commencer, car nous devrons nous rendre à un vote ce matin. Les cloches commenceront à sonner à 10 h 05 et le vote aura lieu à 10 h 35. Nous allons nous donner une quinzaine de minutes de battement, pour nous rendre jusqu'à la Chambre.

Nous allons avoir ce matin une séance d'information prodiguée par les fonctionnaires du ministère de la Justice. Je leur souhaite la bienvenue. Je vous présente Mary Dawson, qui est sous-ministre adjointe, droit public.

Madame Dawson, vous pourriez peut-être nous présenter vos collaborateurs, et puis faire votre exposé.

Mme Mary Dawson (sous-ministre adjointe, droit public, ministère de la Justice): Je suis ravie d'être ici et de pouvoir vous expliquer enfin le projet de loi C-84.

Je suis accompagnée de Oonagh Fitzgerald, qui est la coordonnatrice des affaires réglementaires de la Section du droit administratif du ministère de la Justice; de Don MacPherson, de la Section du droit administratif; et de Ryan Rempel, qui travaille dans la même section.

J'aimerais tout d'abord vous donner un aperçu général du projet de loi. J'ai un peu hésité, car c'est un exposé qui dure une vingtaine de minutes. Cela va accaparer un peu de temps, mais il importe que vous connaissiez les objectifs et les éléments principaux du projet de loi.

Je passerai ensuite en revue rapidement les dispositions du projet de loi, si vous le souhaitez, à moins que vous ne préfériez passer directement aux questions. Je m'en remets à vous.

Je vous signale que nous vous avons distribué un petit manuel noir qui contient une synthèse assez détaillée des dispositions du projet de loi, article par article.

[Français]

Au fur et à mesure que nous examinons le projet de loi, il serait peut-être opportun que nous nous arrêtions entre ses principales composantes et que nous répondions à quelques questions. Nous avons lu la liste de questions de M. Bernier et il nous fera plaisir de répondre à toutes ses questions plus tard au cours de cet exercice.

Je crois qu'il serait préférable aujourd'hui de vous donner d'abord l'occasion de voir comment le projet de loi fonctionne dans son ensemble.

[Traduction]

Permettez-moi d'abord de décrire le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi C-84. Depuis le rapport de 1993 du Sous-comité des finances, intitulé Réglementation et compétitivité, il est largement admis que le système réglementaire canadien est désuet, encombré, excessivement coûteux et mal adapté aux besoins économiques et sociaux actuels. La compétitivité du Canada dans l'économie mondiale s'en ressent.

Ce rapport recommandait une réforme en profondeur du système, notamment la modification de la Loi sur les textes réglementaires et du processus réglementaire interne, l'harmonisation des normes réglementaires internationales, étrangères, fédérales et provinciales, et une meilleure intégration des normes fixées par les organisations expertes, une meilleure concertation avec le public, et une plus grande transparence de la prise de règlements, une plus grande souplesse dans la conception des régimes réglementaires et des façons plus novatrices et plus efficientes de réaliser les objectifs énoncés dans les politiques.

L'automne dernier, Industrie Canada a repris ces idées dans le cadre de son initiative visant à édifier une économie plus innovatrice et a esquissé un programme de refonte réglementaire prévoyant des changements tant législatifs qu'administratifs du processus réglementaire du gouvernement fédéral.

.0910

Dans le cadre de ce programme d'action, deux projets de loi touchant la refonte réglementaire ont été déposés au printemps dernier, le nôtre, le projet de loi C-84, et un projet de loi piloté par le Conseil du Trésor, le projet de loi C-62, Loi sur l'efficacité de la réglementation. Je le mentionne afin d'éviter toute confusion entre les deux projets de loi.

Le projet de loi du Conseil du Trésor vise à régler les difficultés pratiques de la modification de règlements. Il offre aux entreprises ou aux particuliers une façon plus adéquate de respecter certaines exigences réglementaires, par le biais d'un plan de conformité négocié avec le ministre responsable.

Le projet de loi C-62 n'a pas encore été présenté en deuxième lecture ni renvoyé à un comité. Il a fait l'objet de vives critiques de la part de parlementaires, de syndicats et de groupes écologistes. Par contraste, le nôtre, qui est davantage de nature administrative, a suscité des réactions positives de la part des groupes que nous avons consultés. Il importe donc de ne pas confondre les deux mesures, comme certains l'ont fait.

Je vais passer maintenant aux objectifs du projet de loi. Le projet de loi C-84 vise à rationaliser et accélérer le processus réglementaire fédéral actuel, tout en préservant ces impératifs d'intérêt public que sont la légalité, l'accessibilité et le contrôle parlementaire.

Bien que la refonte de la Loi sur les textes réglementaires s'inscrive dans l'effort plus général du gouvernement de construire une économie plus innovatrice, cela fait déjà quelque temps qu'elle est en chantier. De fait, les limitations du processus réglementaire actuel ont sans cesse été citées comme un problème lors des consultations menées à l'échelle de la fonction publique pendant les revues de la réglementation de 1992 et 1993. Nous-mêmes, au ministère de la Justice, réfléchissons depuis plusieurs années à la manière de régler certaines des difficultés techniques qu'il présente.

[Français]

Il convient de signaler que les changements proposés ne modifieraient pas le régime actuel de façon radicale. L'effet de ces changements serait plutôt de clarifier certaines incertitudes qui existent à l'heure actuelle sur le plan juridique; de simplifier certaines étapes; le cas échéant, de moderniser le régime en fournissant un cadre législatif pour la publication électronique des règlements; et de faciliter l'échange d'information et de commentaires sur les règles de fond du régime réglementaire.

[Traduction]

Je souligne que le projet de loi C-84 n'est pas une mesure isolée puisqu'elle s'accompagne d'autres améliorations administratives de la façon dont les ministères réglementants élaborent leurs règlements et de la façon dont le ministère de la Justice les contrôle, changements qui devraient contribuer à rationaliser le processus. Par exemple, les juristes du ministère détaché au BCP rédigeront le texte à partir des instructions du ministère client au lieu d'attendre de recevoir un texte de celui-ci pour le réécrire. En outre, des projets pilotes sont en cours afin d'appliquer aux règlements les principes de la rédaction en langage simple. En outre, une intervention plus rapide des services juridiques ministériels en vue d'aider les ministères clients à planifier leurs besoins réglementaires prévisibles devrait faciliter la fourniture de services en temps voulu et de niveau approprié. Le projet de loi est donc un élément d'un programme d'action beaucoup plus large.

La Loi sur les textes réglementaires actuelle détermine la procédure de rédaction des règlements fédéraux. Promulguée il y a près d'un quart de siècle, elle vise à asseoir un certain nombre de garanties juridiques fondamentales reflétant le fait que les règlements sont une forme de droit importante qui a valeur juridique contraignante. Parmi ces garanties figure en premier lieu la légalité. La légalité d'un règlement est assurée au moyen de l'examen du texte par le ministère de la Justice et par le contrôle parlementaire.

La deuxième garantie est la transparence. De par ses exigences touchant les normes de rédaction, l'enregistrement, la publication dans la Gazette du Canada et le droit d'inspection du public, la loi fait en sorte que les personnes visées par les règlements puissent les trouver et en prendre connaissance sous une forme faisant autorité.

L'accessibilité et l'applicabilité: par le biais des contraintes d'enregistrement et de publication, la loi assure que les règlements sont accessibles à ceux qui y sont assujettis et donc légalement applicables.

.0915

Enfin, sur le plan de la reddition de comptes, le contrôle parlementaire est assuré par le renvoi des règlements et autres textes réglementaires au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

Pourquoi donc une refonte s'impose-t-elle? Au fil du temps, le processus réglementaire instauré par la Loi sur les textes réglementaires en est venu à être perçu comme un obstacle à la modification et à l'abrogation, en temps opportun et de manière efficiente, des règlements fédéraux. Les modalités actuelles imposées par la Loi sur les textes réglementaires font qu'il est difficile pour l'autorité réglementaire fédérale de réagir rapidement aux besoins nouveaux avec des règlements nouveaux et améliorés, parce que le processus est trop lourd et trop lent.

De fait, la Loi sur les textes réglementaires est perçue comme un tel obstacle que les ministères cherchent à contourner le processus qu'elle impose. Aujourd'hui, les lois nouvelles et modifiées prévoient souvent des dérogations expresses à la Loi sur les textes réglementaires dans le but d'éviter les délais excessifs et la lourdeur de la prise des règlements d'application. C'est donc là une bonne raison de refondre cette loi, car nous sommes tous préoccupés par la tendance croissante à la contourner.

Il est aujourd'hui largement admis que les régimes réglementaires sont mal adaptés à des situations qui évoluent rapidement. Non seulement alourdissent-ils inutilement le coût de la conformité pour le gouvernement, et donc pour les contribuables, mais ils ont aussi un effet négatif sur le respect envers la loi, la compétitivité et la croissance économiques, de même que sur les relations entre le secteur privé réglementé et l'autorité réglementante.

Notre refonte de la loi vise à rationaliser, simplifier et accélérer le processus réglementaire, et donc à améliorer la capacité des ministères à réagir rapidement et efficacement aux préoccupations du public et à l'évolution de l'économie mondiale.

[Français]

En facilitant les modifications et le remplacement de régimes de réglementation périmés, les ministres réglementaires seraient mieux placés pour donner suite à de nouvelles idées sur les moyens que le gouvernement pourrait prendre pour encourager le respect de la politique fédérale, par exemple avoir recours à des solutions de rechange à la réglementation, à des règlements négociés et à des sanctions pécuniaires administratives plutôt qu'à des modèles d'exécution d'ordre quasi pénal.

La réforme proposée du régime de prise de règlements permettrait de procéder en temps opportun à une réforme du régime de réglementation et réduirait de façon générale les obstacles à la croissance économique et à la concurrence occasionnée par ces retards.

[Traduction]

En outre, nous avons décelé au fil des ans un certain nombre d'améliorations techniques qui pourraient être apportées à la Loi sur les textes réglementaires. Cette refonte est donc une occasion d'apporter ces ajustements.

Enfin, l'inscription dans la loi de la possibilité de publier électroniquement les règlements et les avis à leur sujet offrira un mécanisme plus efficace et moins coûteux d'échanger des informations sur le règlement au Canada.

Je vais passer maintenant aux principaux éléments de la refonte. La refonte de la Loi sur les textes réglementaires exige des arbitrages réfléchis entre le souci de rationaliser, de simplifier et d'accélérer le processus réglementaire, d'une part, et le souci d'offrir des possibilités adéquates de notification, de réaction du public et de supervision par le Parlement de la création de lois subordonnées, d'autre part.

L'approche retenue par le ministère de la Justice comprend les éléments suivants. Premièrement, le projet de loi utilise un langage simple. Le titre de la loi devient Loi sur les règlements, supprimant le terme «textes réglementaires», et redéfinit la notion de règlement de façon à la rendre d'application plus générale et d'y englober, en substance, tout document désigné comme règlement par une loi et établissant des règles de conduite - c'est-à-dire des règles contraignantes et d'application générale.

Si vous comparez la définition du projet de loi avec la définition complexe et virtuellement incompréhensible de la Loi sur les textes réglementaires, vous comprendrez ce qui nous a poussés à apporter ces changements.

Vous remarquerez également que notre projet de loi raccourcit le texte de la loi d'un tiers. Deuxièmement, le projet de loi instaure un type d'examen approprié. À l'heure actuelle, la plupart des documents visés par la Loi sur les textes réglementaires sont traités de la même façon. Autrement dit, ils sont tous soumis au contrôle de la légalité, à l'enregistrement et aux contraintes de publication, même s'il n'y a pas de nécessité réelle que certains de ces documents suivent tout ce long processus.

.0920

La nouvelle Loi sur les règlements établit des catégories différentes de documents, chacune assortie d'un traitement spécifique afin d'optimiser la souplesse et rationaliser le processus là où cela s'impose.

Il faut bien voir que si nous voulons avoir un système réglementaire souple et efficient, des décisions intelligentes devront être prises quant aux textes qui devront passer par tout le processus et lesquels pourront y déroger. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de faire suivre le processus réglementaire complet à chaque document ministériel ou gouvernemental.

Je voudrais essayer de vous faire saisir quels documents sont couverts et lesquels ne le sont pas.

Premièrement, les règlements pris en vertu d'une disposition habilitante qui les qualifie de règlement ou qui spécifie tout autre type de document à utiliser continueront à être astreints au contrôle de légalité par le ministère de la Justice, ainsi qu'aux contraintes d'enregistrement et de publication conformément au processus complet énoncé dans les articles 6 à 12 de notre projet de loi.

Certains règlements ne sont pas d'une importance justifiant un contrôle de légalité détaillé restent néanmoins assujettis au contrôle d'enregistrement et de publication. Le paragraphe 7(4) exempte ces documents du contrôle de légalité par le ministère de la Justice. Comme exemples de ces documents, on peut citer les règles de procédure des tribunaux ou les modifications apportées à des listes telles que les listes de substances interdites.

Troisièmement, d'autres règlements qui ne sont pas ordinairement assujettis au processus réglementaire peuvent être assujettis à l'intégralité ou une partie du processus, dans l'intérêt du public, par un règlement du gouverneur en conseil pris en vertu du paragraphe 5(2).

Enfin, certains documents autres que des règlements peuvent être assujettis à tout ou partie du processus réglementaire dans l'intérêt public par le Greffier du Conseil privé, en vertu du paragraphe 5(3).

Les documents suivants seront exemptés du processus réglementaire tel qu'établi par les articles 6 à 12.

Premièrement, il y a les règlements expressément exemptés du processus réglementaire par une autre loi du Parlement. Ces exemptions statutaires déjà existantes ne sont pas modifiées par la nouvelle Loi sur les règlements. Le même régime continuera de s'appliquer que sous l'ancien système.

Deuxièmement, il y a les règlements actuellement exemptés en vertu des paragraphes 28 a), b) ou c) de la Loi sur les textes réglementaires. L'article 28 du projet de loi maintient ces dispenses. Ceci reflète le fait que le but sous-jacent du projet est de rationaliser et d'alléger le processus réglementaire et de réduire le nombre des documents qui y sont assujettis. Si le projet de loi devait exiger que les documents actuellement soustraits au processus y soient assujettis, ce serait contraire à l'objectif fondamental poursuivi.

À cet égard, il est bon de signaler que cette initiative faisait partie du programme macro-économique du gouvernement et qu'elle vise dans une certaine mesure à améliorer notre compétitivité économique.

Troisièmement, il y a les règlements que le gouverneur en conseil soustrait par règlement à l'application du processus réglementaire. Le pouvoir actuel donné par la Loi sur les textes réglementaires au gouverneur en conseil d'accorder des dispenses est confirmé et rationalisé par l'article 5 de la nouvelle loi. Vous remarquerez que, pour la première fois, ces dispenses sont expressément assujetties à des critères rigoureux d'intérêt public. Nous avons donc, essentiellement, généralisé, puis ajouté un critère d'intérêt public applicable à toutes les dérogations.

[Français]

Ainsi, le paragraphe 5(4) exige que le pouvoir soit exercé d'une façon qui soit conforme aux principes de la légalité, de l'accessibilité et de l'obligation de rendre compte du gouvernement dans la prise de règlements, en tenant compte de l'importance d'atteindre les objectifs réglementaires, y compris les objectifs liés à la sécurité, à la santé, à l'environnement et au développement, et en réduisant les coûts et les retards en matière de réglementation.

Le pouvoir du gouverneur en conseil de soustraire à l'exigence de la publication tout règlement susceptible de porter préjudice à la sécurité nationale est maintenu à l'alinéa 26g) de la nouvelle loi. Même s'il est rarement exercé, ce pouvoir constitue une garantie importante en cas de situation d'urgence nationale.

.0925

[Traduction]

Il ne faut pas oublier que même si certains règlements seront soustraits du processus, le règlement établissant la dispense sera enregistré et publié et soumis au contrôle du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

Enfin, les règlements qui ne sont pas qualifiés de règlements dans leur loi habilitante ne passeront pas par le processus réglementaire à moins que le gouverneur en conseil ne le décide dans l'intérêt public, en vertu du paragraphe 5(2). Cependant, ces règlements seront soumis au contrôle du comité mixte permanent. C'est là une disposition nouvelle qui donne au comité accès à des documents qui lui échappaient auparavant. Ce sont là les documents couverts par la «formule magique».

Le projet de loi codifie et clarifie le droit. Le paragraphe 11(5) consacre le moyen de défense en common law disponible lorsqu'une loi n'a pas été publiée et l'étend aux règlements assujettis au processus réglementaire général.

Je crois savoir que d'aucuns estiment que la portée de ce moyen de défense est trop limitée. Nous serions ravis d'en discuter plus avant le moment venu.

L'article 16 clarifie les règles fondamentales d'utilisation de l'incorporation par renvoi et confirme la pratique actuelle du gouvernement fédéral. Ce dernier considère l'incorporation par renvoi comme une technique valide et utile d'harmonisation des normes entre juridictions. En précisant le droit, ces dispositions faciliteront le recours à ce procédé pour réduire le double emploi et les chevauchements entre les normes fédérales, provinciales et territoriales et tirer parti des normes internationales reconnues dans le but de réduire le fardeau réglementaire national et d'améliorer la compétitivité mondiale du Canada.

J'aimerais souligner d'emblée que la raison pour laquelle le bilinguisme n'est pas abordé dans le projet de loi est qu'il est déjà inscrit dans la Constitution et dans la Loi sur les langues officielles. Nous sommes certainement d'avis que le respect des deux langues officielles du Canada est fondamental. Ce projet de loi ne modifie en rien les obligations existantes de la Constitution et de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

L'article 16 prévoit l'incorporation par renvoi de documents produits à l'extérieur, tels ceux produits par un organisme chargé d'établir des normes ou un organisme international, soit dans leur forme originale, soit avec les adaptations mineures requises pour tenir compte du contexte canadien.

Il prévoit aussi l'incorporation par renvoi de documents produits de concert avec un autre gouvernement à des fins d'harmonisation.

En outre, il prévoit l'incorporation par renvoi de documents à caractère simplement explicatif ou technique produits par des ministères.

[Traduction]

Le projet de loi prévoit que les documents peuvent être incorporés tels qu'ils existent à une date donnée ou tels que modifiés de temps à autre. La possibilité d'incorporer par renvoi des versions successives d'un même texte est un outil important facilitant l'harmonisation. Le ministère responsable du règlement continue de suivre les changements apportés aux documents de référence et peut modifier le règlement si la norme change au point de ne plus être conforme à la disposition habilitante. Dans l'intervalle, l'incorporation mobile autorise l'harmonisation efficiente et continue sans les retards qu'entraînerait l'obligation de modifier le règlement chaque fois que la norme est retouchée.

Il importe de signaler que l'article 17 énonce l'obligation des ministères de prendre des mesures raisonnables pour assurer que les documents incorporés sont accessibles aux personnes susceptibles d'être touchées par le règlement. La manière de le faire varie selon les cas, mais l'obligation fondamentale d'accessibilité est sans équivoque. Par ailleurs, le paragraphe 26f) habilite le gouverneur en conseil à prendre des règlements prescrivant des mesures raisonnables à prendre pour garantir l'accès.

Je n'insisterai jamais assez sur l'importance de ces dispositions sur l'incorporation. Cette dernière pose un problème depuis de nombreuses années, comme nous le savons tous, à un niveau ou à un autre. Le projet de loi reflète fidèlement les avis que nous avons donnés au fil des ans et que le gouvernement a suivis. Je suis sûre que vous aurez maintes discussions sur l'incorporation par renvoi.

Le projet de loi modernise le processus et permet d'espérer un accès public meilleur. Une innovation importante est qu'il permet la publication de la Gazette du Canada sur des réseaux électroniques ou par d'autres moyens électroniques. Le projet de loi n'impose pas cette forme de publication mais l'autorise, par le biais du pouvoir du gouverneur en conseil de prendre des règlements en vertu du paragraphe 26 c).

.0930

L'article 26 prévoit également des règlements établissant un système électronique de consultation par le public des projets de règlements. Au fur et à mesure que les réseaux électroniques gagneront en popularité, la publication électronique de la Gazette du Canada sera susceptible de devenir le meilleur moyen de garantir un large accès du public.

L'article 20 du projet de loi prévoit également l'utilisation de formulaires électroniques pour faciliter le dépôt électronique de déclarations que doivent remplir les personnes visées par un règlement.

En outre, le projet de loi apporte plusieurs améliorations techniques à la Loi sur les textes réglementaires: par exemple, en unifiant dans la Loi sur les règlements elle-même, aux articles 21 à 23, les règles touchant le moment d'entrée en vigueur d'un document, au lieu de devoir se reporter à la fois à la Loi sur les textes réglementaires et à la Loi d'interprétation; deuxièmement, en clarifiant et en simplifiant le libellé décrivant le rôle du ministère de la Justice en matière de contrôle de la légalité des projets de règlement, de façon à refléter la réalité actuelle du service au client.

Le projet de loi renforce le contrôle parlementaire. Il confère au comité mixte permanent un rôle de supervision accrue, tout en limitant quelque peu la portée de ses examens de par la suppression de la catégorie «textes réglementaires», remplacée par le seul terme «règlement»

Il ne faut pas perdre de vue que le terme «règlement» est défini de manière beaucoup plus large dans le projet de loi. Ainsi, seuls des textes d'importance minime échapperont au contrôle parlementaire.

Le projet de loi prévoit l'examen parlementaire de tous les règlements, sauf ceux exemptés en vertu du paragraphe 26 g), ainsi que l'examen de tout autre document devant être enregistré.

Par ailleurs, le comité pourra se pencher sur tout document incorporé et se prononcer sur le bien-fondé de cette incorporation.

Même les documents qui répondent à la définition principale de règlement, mais ne suivent pas le processus réglementaire parce qu'ils ne sont pas expressément désignés comme règlement dans la loi habilitante, seront sujets au contrôle du comité mixte permanent.

Le mandat de ce comité ne sera plus limité par le libellé spécifique de la définition donnée dans la Loi sur les textes réglementaires actuelle, restriction dont le comité se plaint depuis longtemps.

Je le mentionne car je crois savoir que d'aucuns sont préoccupés de voir que nous limitons le processus réglementaire aux règlements expressément désignés comme tels.

Je crois savoir que certains membres du comité mixte permanent aimeraient inscrire dans le projet de loi les dispositions du Règlement de la Chambre et du Sénat touchant le pouvoir d'annuler un règlement.

Dans certains cas, notamment lorsqu'on s'attend à ce qu'un règlement soit de nature réellement substantielle, le Parlement a déjà prévu un pouvoir spécial d'annulation dans la loi habilitante en question. Ce genre de pouvoir juridique d'annulation ponctuelle est conforme au modèle britannique et paraît efficace.

Par ailleurs, on a pu constater que le pouvoir d'annulation prévu dans le Règlement de la Chambre comporte un poids politique considérable et est hautement efficace. Jusqu'à présent, les ministres ont toujours abrogé un règlement faisant l'objet d'une motion de désaveu.

Je tiens à vous faire savoir que nous avons examiné soigneusement la question et procédé à une large consultation au sein de l'administration. Le consensus général est que, puisqu'il s'agit là du mandat général du comité parlementaire, il vaut mieux s'en remettre à ce sujet au Règlement du Parlement, sauf dans les cas individuels où le Parlement estime qu'un pouvoir législatif doit être expressément conféré.

[Français]

Le régime réglementaire mis en place par la LTR est trop lourd et complexe et ne répond plus aux besoins en matière de réglementation. La modification des règlements prend trop de temps et cela peut avoir un effet négatif indirect sur la capacité du gouvernement fédéral de répondre rapidement et de façon efficace aux faits nouveaux dans des domaines comme la santé, la sécurité, l'environnement, le commerce international et les relations fédérales-provinciales.

[Traduction]

L'effet cumulatif des changements contenus dans le projet de loi C-84 sera de réduire les tensions qui s'exercent actuellement sur le système en réduisant le nombre et le volume des règlements sujets au processus réglementaire général, tout en préservant les valeurs importantes que ce mécanisme incarne.

En améliorant le fonctionnement du processus de prise de règlements, il sera possible de prendre, de modifier et d'abroger des règlements plus rapidement et de façon plus efficace que par le passé. Cette refonte et cette modernisation du processus réglementaire permettront à celui-ci de mieux s'adapter à l'évolution des besoins. Le processus lui-même ne fera plus obstacle à l'intégration dans les règlements de changements dont la nécessité est criante.

.0935

Les dispositions concernant l'incorporation par renvoi permettront l'harmonisation instantanée avec des normes internationales et étrangères importantes au fur et à mesure que celles-ci évolueront. Les normes canadiennes ne seront plus en retard sur les meilleures normes technologiques mondiales en matière de santé, de sécurité et d'environnement, simplement à cause des lenteurs et de l'inefficacité de notre processus de réglementation, et les entreprises canadiennes n'auront plus à en souffrir.

J'en arrive au terme de cet exposé liminaire plutôt long, mais j'ai pensé important de vous faire connaître nos raisonnements et de vous montrer pourquoi nous pensons que ce projet de loi est si important.

Le président: Je vous remercie, madame Dawson, de ce survol très détaillé et très utile.

Je donnerais normalement la parole à M. Lebel, mais je veux vérifier auparavant auprès de M. Wappel s'il doit toujours nous quitter sous peu pour se rendre dans une autre réunion de comité.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Oui, monsieur le président. On me presse d'y assister mais comment aurais-je pu quitter un sujet aussi fascinant en faveur de l'environnement? Pourrais-je poser quelques questions avant de partir?

Le président: Monsieur Lebel, vu que M. Wappel doit nous quitter sous peu, acceptez-vous que nous commencions par lui?

M. Lebel (Chambly): Allez-y.

M. Wappel: Bonjour, madame Dawson.

C'est un sujet plutôt aride et technique, mais vous allez peut-être pouvoir m'éclairer. Je comprends mal cette notion de formule magique. Qu'est-ce qu'une formule magique, s'agissant d'un règlement? Pourriez-vous me l'expliquer?

Mme Dawson: Dans la Loi sur les textes réglementaires, on trouve enfouis dans la définition de «texte réglementaire» les mots «avec autorisation expresse». Cela a été interprété, au fil des ans, comme signifiant qu'un texte, pour être considéré comme réglementaire, doit porter la mention «par ordre» ou «par règlement» ou que la loi habilitante doit comporter quelque formule similaire, pour que ce texte soit couvert par la Loi sur les textes réglementaires. On a longtemps déploré qu'il suffisait d'omettre les mots magiques «par ordre» pour que le comité mixte permanent ne puisse se saisir de ces textes.

M. Wappel: Donc, la formule magique, ce sont ces mots magiques.

Mme Dawson: Oui.

M. Wappel: Les mots magiques sont donc ce que nous venons de dire, à savoir les mots magiques «par ordonnance».

Mme Dawson: C'est juste.

M. Wappel: Et en l'absence de ces mots magiques «par ordonnance», on fait valoir que le texte considéré ne serait pas un règlement sujet à l'examen du comité parlementaire. Est-ce exact?

Mme Dawson: C'est juste.

M. Wappel: Et que propose le projet de loi pour changer cela?

Mme Dawson: Il fait passer ces mots magiques de la définition soit de «texte réglementaire», qui est entièrement supprimée, ou de «règlement» dans les dispositions sur le processus réglementaire, de telle façon que la seule chose touchée par la formule magique est le processus interne de l'administration fédérale applicable à ces règlements ou la question de savoir s'ils doivent être enregistrés ou publiés. Mais ces textes restent néanmoins couverts par la définition de règlement et donc assujettis au restant du projet de loi, y compris l'examen par le comité mixte permanent.

M. Wappel: Que se passe-t-il donc si les mots «par ordonnance» ne sont pas utilisés, en supposant que le projet de loi C-84 soit adopté en l'état actuel?

Mme Dawson: Ce qui se passerait, c'est que le texte ne serait pas soumis au contrôle de légalité du ministère de la Justice, à moins que quelqu'un ne demande expressément l'avis du ministère, et ne sera normalement ni enregistré ni publié, sauf exception - et des exceptions sont prévues tout au long du projet de loi - mais si le texte répond à la définition de règlement, il sera sujet à l'examen du comité mixte permanent.

M. Wappel: Mais s'il ne répond pas à la nouvelle définition, il n'en sera pas ainsi, car il ne comportera pas les mots magiques.

Mme Dawson: Non, parce qu'il ne répondra pas à la définition de «règlement». Le projet de loi ne couvre que les règlements. Ce terme est défini à la première page. S'il s'agit d'un document, par exemple, n'établissant pas des règles de conduite, alors ce n'est pas un règlement et il n'est pas couvert par ce projet de loi. Un texte doit donc remplir les critères énoncés dans le projet de loi pour être un «règlement» et être couvert par le projet de loi.

.0940

M. Wappel: On nous dit, par exemple, que si le gouverneur en conseil prend un règlement disposant qu'un ministre donné peut réglementer le transport des matières dangereuses, ce ne serait pas considéré comme un règlement. Est-ce exact?

Mme Dawson: Je ne sais pas. Il s'agirait d'une règle de conduite imposée unilatéralement par le gouvernement et elle aurait force de loi. Il me semble que ce serait là un exemple type de règlement répondant à la définition.

M. Wappel: Nonobstant le fait qu'il ne porte pas les mots «par ordonnance».

Mme Dawson: C'est juste.

M. Wappel: Avez-vous un avis à ce sujet, monsieur le conseiller?

M. François Bernier (chargé de recherche du comité): Oui, monsieur Wappel. Si vous lisez plus loin dans le document, nous y indiquons - et je pense que Mme Dawson le confirmera - que le gouverneur en conseil peut réglementer le transport des matières dangereuses, et tout texte édicté en vertu de cette clause sera un règlement aux termes de la définition. Cependant, ce ne sera pas un règlement aux fins du contrôle de légalité, de l'enregistrement et de la publication dans la Gazette du Canada, parce que la formule magique est conservée dans le projet de loi et que l'article habilitant ne contient pas la mention «par règlement» ou «par ordonnance».

M. Wappel: Êtes-vous d'accord avec cela, madame Dawson?

Mme Dawson: Je n'ai pas le même document sous les yeux mais si les mots «par ordonnance» ou quelque formule similaire ne figurent pas dans le texte, il ne sera pas assujetti au processus réglementaire. Si c'est la situation avec la disposition habilitante actuelle, ce peut être une anomalie ou bien ce peut être intentionnel. Quoi qu'il en soit...

M. Wappel: C'est justement cela ma question. Ne serait-il pas possible pour les ministères de contourner intentionnellement le processus réglementaire par le seul choix des termes décrivant ce que le gouverneur en conseil autorise?

Mme Dawson: Oui.

M. Wappel: Mais n'est-ce pas justement ce qu'il faudrait éviter?

Mme Dawson: La politique du gouvernement, avec ce projet de loi, est de se laisser quelque souplesse concernant le processus réglementaire interne.

M. Wappel: Excusez-moi, madame Dawson, mais ne convenez-vous pas que cela laisse au gouvernement une latitude virtuellement illimitée, simplement en choisissant soigneusement les termes de ce que le gouverneur en conseil ordonne, empêchant ainsi virtuellement le contrôle des règlements? C'est du moins possible en théorie.

Mme Dawson: Il ne faut pas oublier que toutes ces lois doivent être adoptées par le Parlement, bien entendu. C'est au moment de l'examen parlementaire qu'il incombe aux parlementaires de faire preuve de vigilance.

Une voix: C'est notre rôle.

M. Wappel: C'est bien possible, mais vous voyez combien nous sommes de parlementaires ici et vous pouvez bien imaginer que ceci n'est pas un projet de loi susceptible d'attirer beaucoup l'attention et de beaucoup frapper les électeurs dans nos circonscriptions. Il doit tout de même incomber à un comité comme le nôtre, qui est plus au fait de ce projet de loi et de ses ramifications potentielles, de poser ces questions. Il doit, à tout le moins, faire ressortir dans le procès-verbal qu'il y a là une possibilité de contourner carrément le processus réglementaire en rédigeant soigneusement les décrets du gouverneur en conseil de façon à omettre les mots «par ordonnance» ou en omettant les mots magiques.

Vous hochez la tête. Pour que ce soit consigné au procès-verbal, êtes-vous d'accord avec moi? Oui?

Dans ce cas, alors peut-être devrions-nous envisager de verrouiller cette échappatoire ou du moins demander au gouvernement, par l'intermédiaire du ministre de la Justice, si c'est bien son intention ou si c'est une conséquence fortuite de la formulation employée.

Vous avez dit dans votre exposé que vous avez procédé à une large consultation sur un certain nombre de choses, notamment sur ce qui doit être soumis au comité d'examen parlementaire, par exemple. Je ne me souviens plus de vos paroles exactes, mais il a été décidé de s'en remettre...

Mme Dawson: Je ne me souviens pas non plus de mes paroles, mais je peux répondre. Le maintien de ces termes dans l'optique du processus est une décision raisonnée et délibérée.

L'objectif de ce projet de loi est de simplifier et déréglementer le processus. Le but de...

M. Wappel: Excusez-moi. Est-ce que déréglementer signifie simplifier? Ne pourrait-on avoir la simplification sans la déréglementation?

.0945

Mme Dawson: On le pourrait probablement, mais les deux tendent à aller de pair - plus de complexité et plus de réglementation.

M. Wappel: C'est ce que l'on nous dit à propos du projet de loi C-62. J'ai bien noté votre avertissement que ceci n'est pas le projet de loi C-62, mais vous utilisez les mêmes arguments: moins de réglementation égale plus de simplicité. Dans ce cas, pourquoi ne pas jeter au rebut tous les règlements et alors ce sera réellement simple.

Mme Dawson: Non, mais cette loi prend grand soin d'assurer que ce qui doit être réglementé soit réglementé. Je ne soulignerai jamais assez que nous avons conservé les garde-fous dans ce projet de loi. Les mots magiques ne sont plus utilisés qu'en rapport avec le processus réglementaire interne de l'administration fédérale.

Comme je l'ai dit, l'objectif de ce projet de loi est de simplifier le processus et tous les membres du gouvernement ont estimé que de supprimer les mots magiques irait dans le sens contraire de l'objectif poursuivi avec ce projet de loi. Cette disposition fait donc suite à une décision soigneusement réfléchie et délibérée du gouvernement.

M. Wappel: J'entends bien.

Pourrais-je jeter un coup d'oeil sur la définition? Elle dit «établissant unilatéralement des règles de conduite». Je suppose que cela sous-entend établies par le gouvernement.

Mme Dawson: Oui, l'autorité réglementante.

M. Wappel: Donc, les seules personnes qui pourraient le faire seraient une émanation du gouvernement, n'est-ce pas?

Mme Dawson: Je ne sais pas si le gouvernement pourrait déléguer ce pouvoir à quelque autre entité, mais essentiellement c'est une émanation du gouvernement.

M. Wappel: La définition dit également «texte d'application générale et ayant force de loi». Qu'entend-on par «d'application générale»?

Mme Dawson: Cela signifie que ce n'est pas un texte qui vise une personne en particulier. C'est une règle de conduite qui s'applique de façon générale à quelque catégorie de population.

M. Wappel: Eh bien, supposons qu'il vise un projet ou une entreprise en particulier.

Mme Dawson: Normalement, il ne s'agit pas alors d'un règlement, sauf qu'il est possible, en vertu de ce projet de loi, d'établir une exception, de ranger n'importe quel texte dans la catégorie des règlements. Mais, en règle générale, un tel texte ne serait pas couvert.

M. Wappel: Et si le texte est d'application générale à une partie d'un secteur économique mais non à tous les Canadiens? Supposons qu'il vise les entreprises de conditionnement de poulet.

Mme Dawson: Il serait probablement couvert.

M. Wappel: Pourquoi «probablement»? Pourquoi pas «oui» ou «non»?

Mme Dawson: Il est très difficile de donner un avis formel lorsqu'on n'a pas de texte précis, mais de façon générale, un tel texte serait couvert.

M. Wappel: Je vais vous donner un exemple. Supposons que nous ayons un règlement pris par le ministère de l'Agriculture concernant... j'hésite à utiliser le mot «règlement». Supposons que le ministre de l'Agriculture veuille régir, pour utiliser un autre terme, l'hygiène dans les entreprises de conditionnement du poulet et promulgue un texte - encore une fois, j'essaie d'éviter un qualificatif - à ce sujet. Je suppose qu'il aurait force de loi et établirait unilatéralement des règles généralement applicables aux entreprises de conditionnement de poulet mais non aux Canadiens ordinaires.

Mme Dawson: Mais les conditionneurs de poulet sont des Canadiens ordinaires, en ce sens. C'est un groupe de personnes qui est réglementé.

M. Wappel: C'est donc d'application générale à un groupe?

Mme Dawson: Oui.

M. Wappel: Ce pourrait donc être d'application générale à tous les Canadiens, à une partie des Canadiens, ou à un très petit groupe de Canadiens?

Mme Dawson: Oui.

M. Wappel: Ce pourrait être une seule entreprise, en théorie.

Mme Dawson: Je ne suis pas certaine que ce pourrait être une seule entreprise. Cela dépendrait de la taille de celle-ci, je suppose, ou de la jouissance par elle d'un monopole. Tout dépendrait des circonstances, mais généralement parlant, il ne s'agit pas d'un texte visant spécifiquement Tom Smith ou Mary Jones ou quelque personne ou entreprise en particulier, à moins que cette dernière ne représente la totalité d'un secteur.

M. Wappel: Et que se passe-t-il dans le cas d'une dérogation?

Mme Dawson: C'est la même chose. Une ordonnance de remise ou quelque chose du genre n'est normalement pas couverte.

Ai-je raison? Oui.

Mais toute dérogation d'application générale sera couverte.

M. Wappel: Prenons une application spécifique. Je songe au projet Kemano. Le connaissez-vous?

Mme Dawson: Pas particulièrement, mais j'en ai entendu parler.

M. Wappel: C'était quelque chose de bien précis, visant un projet bien précis. S'il y avait un nouveau Kemano, ce texte serait-il couvert?

.0950

Mme Dawson: Cela dépendrait du contenu du règlement. Je ne connais pas assez bien la situation pour savoir s'il y avait quelque chose de général dans ce projet ou non.

M. Wappel: Je peux vous dire qu'il n'y avait rien de général, sauf peut-être dans la nature des effets sur l'environnement au Canada ou les bassins hydrographiques ou ce genre de choses.

La difficulté que je vois, en regardant cette disposition et en vous écoutant, c'est que même un amateur pourrait très facilement trouver des artifices sémantiques pour contourner la définition de «règlement».

Mme Dawson: Mais tout texte est aussi considéré comme un règlement si une disposition de la loi habilitante le qualifie de règlement. Mais c'est là un ajout, en sus de la définition générale.

M. Wappel: Je suis totalement d'accord, mais ce que je crains ce n'est pas que les ministres qualifient de règlements des choses qui n'en sont pas, mais plutôt qu'ils n'appellent pas des règlements des textes qui en sont.

Mme Dawson: Comme je l'ai dit, cela devra figurer dans un projet de loi que le Parlement devra adopter. Mais vous craignez que cela échappe à l'attention des parlementaires.

Je ne peux parler d'exemples précis. Toutes ces questions sont complexes. Si vous songez à un texte en particulier, nous pourrions le prendre et y réfléchir et vous donner une réponse plus tard. Mais je ne peux répondre à des questions précises sur des situations précises sans y réfléchir.

M. Wappel: Je n'essaie pas du tout de vous mettre sur la sellette; j'essaie de voir si nous pouvons convenir que si un ministère cherche à éviter qu'un règlement fasse l'objet d'un contrôle...

Mme Dawson: Oui.

M. Wappel: ...c'est très facile à faire si l'obligation n'existe pas de faire figurer les mots magiques dans la loi habilitante. Est-ce que j'explique mal la situation ou est-ce que je me trompe?

Mme Dawson: Nous avons fait tout notre possible dans ce libellé pour élaborer une définition principale de la notion de règlement. Nous avons essayé d'y mettre tous les éléments des textes qui devraient être assujettis au processus.

Pour rédiger cette définition, nous nous sommes inspirés de la jurisprudence et des divers critères qui ont été énoncés au fil des ans. Nous avons fait de notre mieux pour trouver une définition aussi complète et aussi rationnelle que possible de ce terme, afin de couvrir ce que nous voulons couvrir.

C'est une amélioration par rapport à la définition actuelle de la Loi sur les textes réglementaires. Elle est plus explicite et couvre plus directement ce qui, selon nous, doit être couvert.

Le comité mixte permanent peut se saisir de tous les textes qu'il veut. Le problème des mots magiques ne se pose qu'à l'égard du processus interne.

M. Wappel: On nous dit que, en raison de l'article 4, il sera impossible, dans la pratique, au comité mixte d'examiner les règlements non assujettis au processus réglementaire. On nous dit que ces règlements sont théoriquement assujettis au contrôle parlementaire, mais s'ils ne sont pas publiés, le comité mixte ne sera pas informé de leur existence. Comment donc pourrait-il les examiner dans ces conditions?

Mme Dawson: Les articles 13 et suivants obligent à publier un index de ces textes, si bien que vous avez accès aux index. C'est ainsi que vous serez informés de leur existence.

M. Wappel: De quel article s'agit-il?

Mme Dawson: En fait, de l'article 14: un index trimestriel de tous les textes non enregistrés doit être publié dans la Gazette du Canada.

M. Bernier: Ces textes ne sont pas publiés.

Mme Dawson: Non, ils ne sont pas publiés. Mais un pouvoir d'inspection est prévu à l'article 15.

M. Wappel: Tenons-nous en à l'article 14 pour le moment. «Est publié dans la Gazette du Canada un index trimestriel de tous les textes non enregistrés parus dans celle-ci». Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Dawson: Cela signifie qu'un index est publié dans la Gazette du Canada des textes non enregistrés qui y sont publiés. Cela veut dire ce que cela dit.

.0955

M. Wappel: Je n'y comprends rien. Il est question de textes non enregistrés qui sont publiés.

M. Bernier: Les textes sans formule magique, monsieur Wappel. Les règlements ne comportant pas la formule magique ne sont évidemment pas publiés, si bien qu'ils ne sont pas couverts par l'article 14, et leurs titres ne doivent pas non plus être indexés. Ils ne sont donc pas couverts non plus par l'article 13, qui exige l'indexation des documents enregistrés. Les règlements ne comportant pas la formule magique ne sont pas sujets à enregistrement. Je pense donc que votre objection initiale reste valide et que la solution ne réside certainement pas dans l'article 13 ni l'article 14.

M. Wappel: Mais vous partez là sur une tangente, car ce qui m'intéresse ici c'est l'article 14.

Mme Oonagh Fitzgerald (avocate principale, affaires réglementaires, ministère de la Justice): Puis-je vous expliquer l'article 14?

M. Wappel: Oui. Je vous remercie.

Mme Fitzgerald: Cette disposition en reprend une de l'ancienne Loi sur les textes réglementaires, le paragraphe 14(2), et elle ne concerne pas les documents qui doivent être enregistrés en vertu de cette loi mais plutôt les milliers de documents dont la publication dans la Gazette du Canada est expressément requise par quelque autre loi.

Il y a donc des dispositions dans diverses lois qui exigent la publication dans la Gazette du Canada, et l'article 14 renvoie à ces textes.

M. Wappel: Donc, comme le dit notre conseiller, cet article ne répond pas à ma préoccupation, ou à notre préoccupation, ou à la préoccupation potentielle dont je parle, quelle que soit la formule que l'on veuille utiliser. Je conclus qu'il n'y a aucune disposition exigeant d'indexer ce dont nous parlons, à savoir les règlements ne portant pas la formule magique. Est-ce exact?

Mme Fitzgerald: Oui, c'est exact.

M. Wappel: Donc, comment le comité parlementaire, dans ce cas, serait-il informé de l'existence de ces règlements de façon à les examiner, à supposer que vous ayez raison et que le comité puisse examiner tout texte qu'il désire?

Mme Dawson: Je ne peux vous donner de réponse immédiate là-dessus. Il y a d'autres obligations dans l'article 15, mais elles concernent la consultation et la distribution des textes. Je n'ai pas de réponse à votre question directe.

M. Wappel: Pourrais-je vous demander d'y réfléchir, comme vous dites? La prochaine fois que vous viendrez - car je suis sûr que vous reviendrez, peut-être pour l'étude article par article sinon avant - vous pourrez peut-être remettre au président la réponse, à notre intention et à celle de notre conseiller.

Cela me paraît quelque chose d'assez important, car si l'on va instaurer un processus où il existera potentiellement des milliers de documents non publiés et inconnus, il devient impossible à un comité parlementaire de jamais les contrôler. Si certains de ces textes imposent des obligations de fond et sont classés dans cette catégorie parce que, sciemment ou non, intentionnellement ou fortuitement, ils omettent les mots magiques, ils échappent, à toutes fins pratiques, au contrôle parlementaire.

Mme Dawson: La seule réponse que je puisse donner est que nous essayons d'alléger le processus et que tout l'objectif est d'éviter du travail que nous jugeons inutile ou excessivement lourd. À mon avis, rien que l'établissement d'un indexe de tous ces textes non enregistrés représente en soi un fardeau excessif, à mon sens, d'autant que rien n'empêche l'examen parlementaire si un texte vient, d'une façon ou d'une autre, à l'attention du comité. À moins qu'un texte ne cause de problème à quelqu'un, je vois mal pourquoi vous voudriez le passer à la loupe.

L'objectif de ce projet de loi est d'essayer d'isoler ce qui est important ou qui impose des obligations à quelqu'un, dans toute cette masse de textes, et d'assujettir à des processus spéciaux ceux qui doivent l'être. Nous avons donc essayé de rationaliser l'éventail des textes réglementaires qui doivent passer par le processus, qui consiste en le contrôle par le ministère de la Justice, l'enregistrement et la publication. Nous essayons d'en limiter la liste à ceux qu'il est utile de contrôler de cette façon ou d'assujettir à ces contraintes. Mais nous permettons en même temps au comité mixte permanent d'examiner aussi tous les autres textes qui sont portés à son attention d'une façon ou d'une autre.

J'aurais pensé que le comité mixte permanent voudrait consacrer l'essentiel de son temps aux textes les plus importants, sachant que vous avez toujours accès à tous les autres si quelqu'un soulève un problème. Si un texte pose un problème à un Canadien en particulier, il peut toujours aller voir son député et s'en plaindre.

.1000

Nous sommes partis du principe, en rédigeant ce projet de loi, que les problèmes qui peuvent se poser feront toujours surface en temps voulu et il y a quantité de façons d'attirer l'attention du Parlement. Nous essayons d'alléger le système afin que les textes les plus importants soient soumis au contrôle parlementaire.

M. Wappel: Je ferai une dernière remarque.

Le président: D'accord. J'allais justement intervenir.

M. Wappel: Madame Dawson, je comprends ce que vous venez de dire, mais il me semble que nous voyons, en l'occurrence, l'administration chercher à aider le Parlement à décider ce qu'il devrait juger important.

Si le comité d'examen veut regarder à la loupe telle virgule dans un règlement donné, parce qu'il juge cette virgule importante, que le ministère la considère ou non importante, c'est la prérogative du comité d'examen.

Il me semble qu'il devrait pouvoir décider lui-même, en tant que protecteur du public, ce qui est important et ne l'est pas, au lieu que le ministère nous dicte ce que nous devrions considérer comme important. Lorsque je dis nous, je parle du comité d'examen.

Je m'en tiendrai là. C'est une question de politique. Je vous remercie de vos réponses et je vous demande de réfléchir à ce que je vous ai demandé et de nous faire connaître votre position ultérieurement.

Je m'excuse d'avoir pris tant de temps...

Le président: Pas du tout, monsieur Wappel. Je voulais simplement rassurer M. Lebel et lui donner suffisamment de temps. Les députés sont convoqués à la Chambre mais nous pensons que les cloches ne sonneront pas avant cinq ou dix minutes. Je pense que nous avons encore 25 minutes avant de devoir partir pour le vote, selon la rapidité avec laquelle vous pouvez traverser la rue.

[Français]

M. Lebel: Je remercie madame pour sa présentation dont j'ai relevé quelques mots. On parle d'équilibre entre la rationalisation et le processus. Je n'ai pas très bien compris. On parle aussi d'un règlement réactif et efficace. J'accroche davantage sur ces mots-là.

J'ai l'impression qu'on met carrément de côté la Loi sur les textes réglementaires qui ne satisfait pas, mais pas du tout, les fonctionnaires. Elle les satisfait encore moins que les politiciens. Je pense qu'on jette à la fois le bébé et l'eau du bain. On passe à autre chose et on décide de faire peau neuve dans ce domaine-là.

Mes préoccupations ne sont pas très éloignées de celles de M. Wappel, l'intervenant précédent. J'ai l'impression qu'à partir du fameux principe que vous connaissez, parce que vous êtes des juristes, à savoir que nul n'est censé ignorer la loi, quand on parle de législation déléguée, c'est en fait la loi qu'on a déléguée.

On présente ce projet de loi sous le couvert de l'efficacité administrative et de la réduction des coûts, des termes bien actuels étant donné le déficit qu'on connaît. J'ai l'impression que ce projet de loi est la foire des fonctionnaires. Leur souci premier est de simplifier leur travail, mais pas nécessairement de rendre compréhensibles à la population en général les contraintes qu'elle va connaître ou qu'elle va ignorer, parce qu'il y a des parties de cela qu'on ne publiera même pas. Certaines choses seront faites en catimini et seront cachées. Bien sûr, le processus sera rapide et surtout efficace si personne ne peut se défendre contre cette fameuse loi déléguée.

Je vous dis bien honnêtement que je me suis présenté ici avec les meilleures intentions du monde. Je voulais donner au gouvernement une chance de présenter quelque chose de nouveau dans le système de réglementation. Mais je m'aperçois que certains fonctionnaires - excusez la façon cruelle dont je le dis - ont flairé la bonne affaire. Avec un énorme déficit, ils ont dit: «Cette fois-ci, tous les éléments sont réunis pour qu'on refasse la réglementation ou la loi. À l'avenir, on n'aura même plus besoin de consulter le peuple. On pourra lui imposer ce qu'on voudra. Finies les tracasseries administratives. On n'aura plus besoin de parler avec nos patrons et de subir les foudres d'un comité comme le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation». Dorénavant, ce sera la foire pour les fonctionnaires. J'ai l'impression que c'est ce que vous avez pondu avec ce projet de loi.

Ce que je vous dis a l'air méchant, mais je ne pense pas beaucoup de bien de ce fameux projet de loi-là. Il ne m'a fallu que 15 ou 20 minutes pour me faire une opinion, le temps de votre présentation, madame. Je trouve cela triste.

[Traduction]

Mme Dawson: Me demandez-vous de répondre à cela?

.1005

[Français]

M. Lebel: Oui.

[Traduction]

Mme Dawson: Croyez-moi, il n'y a pas ici de complot de bureaucrates. Nous essayons de façonner un meilleur système pour les Canadiens en général. Le but de ce projet de loi est d'accroître l'efficacité et donc de réduire les coûts supportés par les Canadiens.

Nous avons ajouté quantité de protections qui n'existaient pas auparavant, telles que le critère de l'intérêt public pour les dérogations et ce genre de choses. Nous autorisons tout ce qui n'a pas...

[Français]

M. Lebel: Madame, comment peut-on réduire les coûts et augmenter l'efficacité alors que dans le projet de loi même, on a deux définitions différentes de la réglementation? Il y a une définition au paragraphe 2(1) et une définition vague du processus réglementaire à l'article 4. On parle de formule magique, mais je ne sais pas ce qui est magique dans tout cela.

Vous parlez d'efficacité. Cependant, on s'aperçoit maintenant qu'on ne pourra pas s'entendre, même pas après 60 ou 70 heures de pourparlers autour d'une table comme celle-ci, sur ce qui est véritablement un règlement au sens de cette loi.

Quand on ne peut comprendre ce qu'est un règlement, on le définit par son approche, le processus réglementaire. La substance elle-même n'est pas clairement définie, comme M. Wappel l'a souligné plus tôt. L'article 14, le seul auquel vous vous référez, stipule:

Le texte n'est pas enregistré, mais il a quand même paru; en anglais, vous utilisez le mot «published». Donc, on fait une fois tous les trois mois la nomenclature de ce qui n'a pas été publié. Votre article 14 est plus que boiteux. Il est contradictoire. C'est sérieux, madame.

Vous allez devoir être d'une bonne foi évidente pour que les contribuables s'y retrouvent. Il y a une maxime qui dit: «La loi est dure, mais c'est la loi», mais encore faut-il la connaître. Si elle n'est pas publiée dans les termes traditionnels, on doit au moins en connaître l'existence. Le projet de loi dit: «Le citoyen aura seulement à faire les efforts nécessaires pour savoir s'il y a un règlement qui le concerne». Je me souviens d'avoir lu cela dans le projet de loi.

Ce sera la foire des technocrates du ministère de la Justice, et les tribunaux vont devenir engorgés. Parle-t-on d'efficacité administrative? Est-ce cela que l'on vise?

[Traduction]

Mme Dawson: Je pense que ce projet de loi rend le système beaucoup plus transparent que ne le fait la loi actuelle. Il apporte quelques améliorations au système. Il regroupe les dérogations, les expose de manière plus structurée et les entoure d'un certain nombre de paramètres. Il est certainement beaucoup plus facile à lire que la Loi sur les textes réglementaires actuelle, et je pense qu'il représente une amélioration à tous les égards.

C'est un domaine du droit très complexe. Nous ne parviendrons jamais à rédiger une loi sur ce sujet qui soit simple. Vous pouvez poser des questions sans discontinuer, mais il faudra quelques minutes de réflexion pour y répondre. Le fait est que c'est un domaine du droit complexe et je suis convaincue que ce projet de loi représente une amélioration considérable par rapport à la Loi sur les textes réglementaires actuelle.

La plupart des questions que vous soulevez se posent déjà dans la Loi sur les textes réglementaires actuelle et je pense que ce projet de loi améliore considérablement cette dernière.

.1010

[Français]

M. Lebel: Madame, je ne mets pas en doute l'acharnement dont vous avez fait preuve dans la rédaction de ce projet de loi.

Plus tôt, on a parlé d'incorporation. Le projet de loi dit qu'on peut incorporer dans un règlement un texte qui a été adopté par un gouvernement qui n'est pas nécessairement celui du Canada. Cela pourrait être un gouvernement provincial, le gouvernement des États-Unis, par exemple, ou même un organisme international comme l'UNICEF, l'Armée du Salut ou je ne sais trop quoi.

Depuis plusieurs années, on a des problèmes avec le fameux Règlement no 6903 ou 6803 qui a trait à l'impôt sur le revenu pour ceux qui reçoivent une pension parce qu'ils ont fait leur service militaire aux États-Unis. Cela fait des années que ces personnes s'argumentent avec le ministère du Revenu. Ils disent au ministère que le Règlement 6803 des États-Unis est en perpétuel changement, qu'on change les taux, les âges, les heures, etc., et qu'ils sont à la remorque de ce système et ne sont jamais capables de saisir ce qui leur est applicable à un moment donné.

Par ce projet de loi, vous venez nous dire: «Dorénavant, on pourra incorporer dans nos textes réglementaires une disposition législative étrangère, quel que soit son cheminement propre, ses méandres ou ses fluctuations. En quoi sera-t-on plus efficace avec une disposition comme celle-là, madame?

[Traduction]

Mme Dawson: Les textes qui seront incorporés de cette manière seront des normes d'une sorte ou d'une autre. Toute l'idée derrière cette approche est de faciliter la normalisation à l'échelle mondiale dans certains domaines où un pays ou une entité ou une autre est particulièrement expert. Si on ne faisait pas cela, nous serions perpétuellement en retard.

Je dois souligner également que nous avons structuré ce projet de loi de telle façon que rien n'empêche le comité de scruter tout texte incorporé ou tout règlement particulier incorporant un document. D'ailleurs, s'il y avait un problème quelconque, nous serions ravis que le comité l'étudie. Ce que fait ce projet de loi, c'est de faciliter l'incorporation de documents de façon à nous doter de la même norme que d'autres pays du monde, afin que nous puissions harmoniser efficacement nos activités dans un domaine particulier.

[Français]

M. Lebel: Madame, c'est bien vrai, ce que vous dites. On est là, autour de la table. On amène avec soi son conseiller juridique sur l'examen de la réglementation, qui est un spécialiste dans ce domaine-là et qui pourrait vous dire aujourd'hui, s'il pouvait intervenir, que telle ou telle disposition ne fonctionne pas ou ne fonctionnera pas. Cependant, une fois que le projet de loi aura été adopté en troisième lecture, adopté par le Sénat et sanctionné, on ne se reverra probablement plus. On sera forcés de vivre avec votre projet de loi et ce sera la catastrophe.

On ne pourra plus dire: «Un jour, Mme Dawson nous avait pourtant dit cela». C'est, comme on dit en anglais, irrelevant. On nous dira: «Contentez-vous de cela, car on ne l'a plus. Mme Dawson est à sa retraite et elle n'est plus là». On sera forcés de vivre pendant 30 ou 50 ans avec une espèce de monstre juridique. Tout le monde se pensera dans une tour de Babel et aucune personne ne saura si le règlement est applicable à elle ou pas, s'il la touche ou pas, s'il existe ou pas. Cela, c'est très sérieux!

Je vous remercie. Les cloches sonnent et il faut que je quitte. On aura sûrement la chance de se revoir.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie, monsieur Lebel.

Monsieur Lee, si vous avez des questions, je pense qu'il nous reste encore cinq ou sept minutes.

M. Lee (Scarborough-Rouge River): Je vous remercie. D'après ma montre, il nous reste au moins 15 minutes. La cloche doit sonner pendant une demi-heure; le vote sera à 10 h 40. Il faut compter cinq minutes pour nous y rendre.

Le président: Vous courez vite.

.1015

M. Lee: J'aimerais revenir sur une question, ou du moins commencer par une question queM. Wappel a soulevée, uniquement parce que c'est un bon point de départ. Il s'agit de la possibilité que bon nombre de lois déléguées échappent au contrôle du Parlement.

Je sais que nous avons remis à plus tard la discussion sur l'effet des articles 13 et 14. Madame Dawson, vous êtes censée, je crois, revenir nous expliquer comment le comité sera informé des règlements nouveaux et modifiés qui ne seront pas publiés directement dans la Gazette du Canada.

Cela soulève une question plus large, que voici. Il me semblait que ce comité avait été créé par les parlementaires pour superviser ou examiner de manière indépendante toute la législation déléguée en vertu d'une loi du Parlement. Êtes-vous d'accord?

Je vous ferai remarquer - et c'était peut-être un simple lapsus - que vous avez dit, en réponse à M. Wappel, que le gouvernement déléguait à quelque organisme le pouvoir de prendre un règlement. C'est un point de détail, mais le gouvernement ne délègue rien. C'est le Parlement qui délègue. Êtes-vous d'accord?

Mme Dawson: Oui.

M. Lee: Quand vous parliez de gouvernement, vous vouliez donc parler des pouvoirs publics en général?

Mme Dawson: Oui.

M. Lee: Le gouvernement ne délègue rien à personne; c'est le Parlement qui délègue. Il me semblait que la fonction parlementaire, sur le plan du contrôle des règlements, était de superviser et d'examiner tous les pouvoirs délégués. Ai-je raison? Êtes-vous de cet avis?

Mme Dawson: Non, je ne suis pas de cet avis.

C'est la Loi sur les textes réglementaires actuelle qui est à l'origine du comité mixte permanent, et cette loi ne prévoit certainement pas que ce comité se penche sur toutes les lois déléguées. En fait, elle lui défère moins de lois déléguées que ne le fait le projet de loi. Le projet de loi élargit le mandat du comité par rapport à l'ancienne loi.

C'est la Loi sur les textes réglementaires qui détermine quels documents sont déférés au comité mixte permanent, me semble-t-il. Je ne sais pas trop d'où viendrait cet autre principe dont vous parlez.

M. Lee: Vous dites que le pouvoir du Parlement d'examiner les lois déléguées émane de la Loi sur les textes réglementaires?

Mme Dawson: Eh bien, je ne suis pas trop sûre, mais c'est en tout cas dans cette loi que...

M. Lee: Eh bien, il faut nous en assurer, car je pense que ces choses doivent être claires. Si vous n'êtes pas sûre, puis-je demander à notre conseiller ce qu'il en pense?

M. Bernier: Monsieur le président, c'est juste. Le comité est l'un de deux comités parlementaires dont le mandat est fixé par une loi. Actuellement, ce mandat est énoncé à l'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires.

M. Lee: Donc, en l'absence de Loi sur les textes réglementaires, le comité ne pourrait exister. Est-ce une conclusion valide?

M. Bernier: Je suppose que le comité pourrait exister si le Parlement adoptait un ordre de renvoi sessionnel instruisant le comité d'examiner la législation déléguée.

M. Lee: Pour que les choses soient bien claires, quel est l'effet du Règlement de la Chambre des communes sur l'existence, le mandat et le fonctionnement du comité mixte permanent?

M. Bernier: Pour ce qui est de l'examen des textes réglementaires, le comité mixte n'a pas besoin du Règlement ou d'un article du Règlement lui disant ce qu'il peut examiner, puisqu'une loi fédérale lui confère ce droit.

M. Lee: D'accord.

Madame Dawson, cette loi fédérale, actuellement la Loi sur les textes réglementaires, fixe le cadre de ce que le Parlement peut examiner sous le régime de cette loi. Vous indiquez que le «panier» des documents sujets à examen d'après la Loi sur les textes réglementaires est plus réduit que celui prévu dans le projet de loi C-84. Est-ce exact?

.1020

Mme Dawson: Oui, c'est ce que je dis. La différence la plus évidente est que les textes ne comportant pas la formule magique ne relèvent pas de la compétence du comité mixte permanent aux termes de la Loi sur les textes réglementaires alors que cela devient le cas dans ce projet de loi. Voilà un exemple de différence. Il y a de légères différences.

M. Lee: Bien. Est-ce que notre conseiller juridique est d'accord?

M. Bernier: Non, je ne suis pas d'accord, monsieur le président. Je pense qu'il importe de faire figurer des renseignements très exacts au procès-verbal de ce comité.

Le champ de compétence du comité mixte permanent tel que défini par la Loi sur les textes réglementaires lui permet d'examiner tous les textes réglementaires. Il n'est pas limité aux textes réglementaires répondant à la définition de règlement. Il peut se saisir de tout texte réglementaire. Il ne fait aucun doute que c'est là une catégorie beaucoup plus large que celle des textes répondant à la définition de règlement proposée dans ce projet de loi.

Cela dit, il n'est pas nécessairement inopportun, en un sens, de limiter la compétence du comité aux règlements. La définition actuelle des textes réglementaires couvre des textes qui ne sont pas réellement de nature législative et qui sont de nature purement administrative. On peut se demander pourquoi un comité parlementaire voudrait exercer un contrôle sur ce genre de textes.

En ce sens, ce peut être une bonne chose, comme le propose le projet de loi C-84, de concentrer le contrôle parlementaire sur la catégorie véritablement législative. La manière dont cette dernière est définie est peut-être contestable et des ajustements pourraient s'imposer.

Sur le plan purement quantitatif, il ne fait nul doute que les textes que le comité peut examiner en vertu de la Loi sur les textes réglementaires, puisqu'ils comprennent les textes non législatifs, représentent un panier nettement plus grand que celui prévu par le projet de loi C-84.

M. Lee: Êtes-vous d'accord avec cette analyse, madame Dawson?

Mme Dawson: Oui, je suis d'accord. J'ai répondu un peu vite. Notre objectif était de séparer le grain de l'ivraie et c'est pourquoi nous avons introduit ici une définition de «règlement» qui est plus large que la définition de règlement donnée dans la Loi sur les textes réglementaires.

En revanche, nous n'avons pas repris la définition de texte réglementaire, qui est encore plus large. Mais ce que nous avons exclu ou tenté d'exclure ne sont pas des textes présentant un grand intérêt pour vous. En revanche, nous avons ajouté à votre champ de compétence des textes qui pourraient vous intéresser.

M. Lee: D'accord. Évidemment, je me place dans l'optique voulant que le champ de compétence du Parlement soit illimité et que rien ne peut restreindre la compétence d'un comité dûment mandaté. Cette compétence ne dépend pas d'une loi. Elle dépend de la volonté du Parlement, du mandat qu'il confie à un comité. Est-ce également une analyse valide?

Mme Dawson: Oui. Le Parlement peut mandater ses comités de faire ce qui lui plaît.

M. Lee: Oui.

Je voudrais vous soumettre ceci, ou à notre conseiller juridique. Si le comité mixte permanent, tel qu'actuellement constitué, souhaitait contrôler quelque élément de législation déléguée non couvert par la définition de la Loi sur les textes réglementaires, je ne pense pas qu'il en serait empêché. Mais je vous pose la question. Cela ferait-il partie de son mandat?

Mme Dawson: À première vue, je dirais non, mais je ne connais pas les détails. Je n'ai pas examiné votre mandat.

M. Lee: Bien. Je vais poser la même question à notre conseiller juridique.

M. Bernier: Je réponds non, mais je dois nuancer ce non. Bien que les représentants du ministère aient maintenant affirmé à plusieurs reprises que le comité pourrait se saisir, en vertu du projet de loi C-84, des règlements ne comportant pas la formule magique, le comité mixte permanent n'a jamais accepté l'interprétation donnée par le ministère de la Justice des termes «expressément autorisé».

De fait, le comité mixte permanent n'a cessé d'examiner les textes promulgués en vertu de clauses habilitantes ne comportant pas les mots magiques. Donc, selon la perspective du ministère et selon son interprétation, il est exact que le projet de loi élargirait la compétence du comité mixte à cet égard.

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Mais selon l'optique du comité mixte, il n'y a aucun changement du statu quo et pas d'élargissement. Le comité a toujours agi selon la prémisse qu'il est libre, en tant que comité parlementaire, de donner sa propre interprétation de la loi pertinente et il a toujours considéré que son interprétation est plus juste que celle du ministère. Il n'y a pas de changement.

M. Lee: Bien. Estimez-vous, madame Dawson, que rien dans le projet de loi ne rétrécirait le champ de compétence du comité mixte tel que M. Bernier l'a décrit?

Mme Dawson: Non. Je pense, comme M. Bernier l'a dit, qu'il y a eu à cet égard une divergence de vues depuis de nombreuses années entre le ministère de la Justice et le comité.

M. Lee: Oui, mais est-ce que cette loi modifierait en quoi que ce soit la politique actuelle du CMP à cet égard?

Mme Dawson: Je pense que la nouvelle loi aurait cet effet, mais c'est le comité...

M. Lee: D'accord, mais quel effet? De rétrécir...

Mme Dawson: Elle donnerait accès au comité à ces règlements qui ne sont pas expressément autorisés.

M. Lee: Vous voulez dire, autorisés à l'heure actuelle.

Mme Dawson: Et cette divergence quant à la signification exacte de ces mots...

M. Lee: Bien. Y a-t-il quelque chose actuellement dans la loi...

Mme Dawson: Voulez-vous parler de la loi actuelle?

M. Lee: Désolé. J'entends le projet de loi C-84. Y a-t-il quoi que ce soit dans celui-ci qui modifie le champ de compétence tel que l'a décrit M. Bernier, la compétence actuellement exercée? Y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui rétrécirait le champ de compétence actuel du comité?

Mme Dawson: Encore une fois, comme M. Bernier l'a expliqué, nous avons retranché les textes qui ne présentent pas d'intérêt particulier pour le comité. En ne reprenant pas la définition de «texte réglementaire», nous avons produit une définition de «règlement» qui se situe quelque part entre la définition de «texte réglementaire» et celle de «règlement» de la Loi sur les textes réglementaires.

M. Lee: Votre réponse est donc oui. Le champ d'activité est réduit.

Mme Dawson: Oui, de par l'exclusion des textes de type administratif.

M. Lee: Très bien. Convenez-vous, monsieur Bernier, que le projet de loi C-84 a un effet sur le champ d'activité du CMP réduisant la quantité de lois déléguées qu'il peut examiner par rapport à ce qu'il peut faire maintenant?

M. Bernier: Oui. Excusez-moi, pas de lois déléguées.

M. Lee: J'utilise peut-être le mauvais terme.

M. Bernier: Il réduit légèrement la quantité de documents sujets à l'examen du comité, selon la définition finale qui sera adoptée, et la quantité de lois déléguées, mais pas de manière significative.

Le président: Je vous autorise encore une question rapide et nous devrons ensuite partir.

M. Lee: Bien. Pourriez-vous nous remettre la description de cette marge de différence, afin que nous puissions nous y reporter ultérieurement en cas de besoin? Je pense qu'il vaut mieux que je m'en tienne là.

Le président: Oui, il serait sage que nous nous mettions en route pour le vote. Monsieur Bernier.

M. Bernier: J'aimerais juste demander un éclaircissement, très rapidement. Madame Dawson, vous avez dit à un moment donné que le projet de loi C-84 n'utilise la formule magique qu'à l'égard des procédures internes du gouvernement. Je me demandais si vous ne vouliez pas réviser cette réponse et convenir avec moi que la publication n'est pas une procédure administrative purement interne.

Mme Dawson: Oui. Il y a là trois éléments: l'examen, la publication et l'enregistrement.

M. Bernier: La deuxième précision, maintenant. À au moins deux reprises, vous avez mentionné que les autorités réglementantes considèrent ou perçoivent la LTR comme un obstacle à la révision rapide etc. Je reviens sur les mots «considèrent» et «perçoivent». Je suppose que c'est là un jugement subjectif et que l'on peut être objectivement d'avis différent. Le processus prévu dans la LTR comprend trois éléments: l'examen du règlement, l'enregistrement et la publication. Convenez-vous que, de ces trois éléments, celui qui est largement responsable des retards et inefficiences est l'élément examen, par opposition aux éléments enregistrement et publication?

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Mme Dawson: Oui, je suis d'accord.

M. Lee: Monsieur le président, rappel au règlement.

Le président: Oui, monsieur Lee.

M. Lee: Je pense que nous avons bien lancé la discussion aujourd'hui, mais il nous faudra bien encore plusieurs heures pour épuiser toutes les questions. Nous pourrions le faire lors de notre prochaine réunion, si possible. Il y a aussi la question des témoins à entendre. Je propose que vous dressiez avec le greffier un calendrier de réunions ou décidiez d'une série de dates de réunion et nous pourrions nous entendre officieusement sur les témoins à convoquer, sans avoir à organiser une réunion pour cela.

Le président: C'est tout à fait mon intention.

Je remercie les témoins du ministère de la Justice. La discussion a été intéressante et je suis impatient de vous revoir.

Je pense qu'il faut lever la séance.

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