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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mai 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Permettez-moi de vous remercier tout d'abord, madame Fagnan, de votre présence ici aujourd'hui. Je vous invite à nous présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

Mme Sheila Fagnan (directrice de la recherche, Direction générale des politiques et des programmes, ministère des Pêches et des Océans): D'après ce que j'ai compris, vous vous attendez à un exposé qui porte précisément sur le chapitre Diminishing Returns qui vous intéresse.

Dans l'étude que j'ai faite, j'ai comparé les revenus des immigrantes à ceux des Canadiennes d'origine sous différents régimes découlant de la politique en matière d'immigration. Je me suis donc intéressée à trois grandes questions. Premièrement, je me suis demandé si le niveau relatif de revenu des immigrants avait évolué avec chaque nouvelle vague d'immigration. Comme vous le savez, des changements importants se sont produits dans les tendances en matière d'immigration au Canada. Il convient notamment de signaler l'accroissement du nombre d'immigrants qui arrivent ici comme réfugiés ou comme personnes à charge. Ainsi, il est fort possible que le niveau relatif de revenu des immigrants ait changé au fil des ans.

Deuxièmement, je me suis demandé si ce niveau de revenu variait énormément selon le sexe. Très peu d'études ont été faites à ce sujet pour les immigrantes au Canada et deux facteurs importants donnent à penser que leur revenu relatif est peut-être très différent de celui des immigrants. D'une part, les tendances en matière de participation au marché du travail sont très différentes et, d'autre part, les immigrantes sont plus susceptibles d'arriver au Canada comme personnes à charge que comme requérants indépendants de la composante économique.

Troisièmement, je me suis demandé si l'évolution des revenus des immigrants variait considérablement en fonction de leur niveau de compétence. J'ai donc réparti les sujets de l'échantillon en trois catégories selon leur niveau de compétence pour ensuite établir des comparaisons entre les trois catégories.

Vu l'absence de données chronologiques comprenant les variables auxquelles je m'intéressais, j'ai dû construire des données synthétiques. Il s'agit essentiellement d'estimations que j'ai faites à partir d'échantillons - de deux recensements, celui de 1971 et celui de 1986. L'étude examine le revenu relatif pour la totalité du cycle de vie active des travailleurs âgés de 25 à 64 ans.

Mes conclusions sont les suivantes. Il est possible d'établir un certain nombre de parallèles avec des études antérieures sur les gains des immigrants. Ainsi, les résultats obtenus pour chacun des groupes échantillonnés confirment le constat bien connu selon lequel la courbe des gains des immigrants est très différente de celle des Canadiens ou indigènes. Par contre, la conclusion souvent répétée voulant que les travailleurs immigrants s'assimilent à la population d'origine canadienne et qu'ils finissent par la rattraper au chapitre des gains ne s'est pas avérée pour tous les échantillons que j'ai examinés.

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D'après mon étude, la courbe des revenus des hommes nés à l'étranger montre que ceux-ci s'assimilent effectivement à la population d'origine canadienne. Leurs gains finissent par rattraper ceux des Canadiens de naissance après une douzaine d'années. L'étude montre que les femmes nées à l'étranger s'assimilent elles aussi. Il existe un lien positif entre leurs gains et leurs nombre d'années de résidence au Canada. Elles finissent par rattraper et dépasser les Canadiennes de naissance au chapitre des gains.

Ainsi, sur l'ensemble de leur cycle de vie active, les immigrantes dépassent leurs homologues nées au Canada au chapitre des gains, et cette constatation vaut tant pour l'échantillon de 1971 que pour celui de 1986.

Les données indiquent toutefois que la courbe des revenus des immigrantes a évolué au fil des ans. On constate des différences considérables entre le groupe de 1971 et celui de 1986.

Les gains initiaux des immigrantes à leur arrivée au Canada en 1971 étaient sensiblement les mêmes que ceux des Canadiennes indigènes. En 1986, par contre, la situation était très diférente. Les gains des nouvelles immigrantes étaient inférieurs de 10 p. 100 à ceux des Canadiennes d'origine.

Les années de résidence au Canada continuaient toutefois à être un facteur d'assimilation pour les immigrantes, et elles finissaient par rattraper les Canadiennes de naissance au chapitre des revenus. Il n'en reste pas moins que si l'on compare les revenus estimés des immigrantes de 1971 sur l'ensemble de leurs cycles de vie active avec ceux que nous avons estimés pour les immigrantes appartenant à l'échantillon de 1986, la performance de ces dernières est moins solide que celle des premières. Ainsi, pour la durée de leur vie active, les immigrantes du dernier peloton sont moins susceptibles d'avoir une performance aussi bonne que celle de leurs homologues arrivés en 1971.

Encore là, cette constatation rejoint celle dont il est fait état dans le cas des gains des immigrants masculins au fil des ans. Une étude importante faire à partir de deux échantillons d'immigrants masculins, l'un de 1981 et l'autre de 1971, indiquent une baisse similaire de la performance au chapitre des dettes.

La deuxième question que j'ai posée portait sur les différences entre les sexes, et j'ai constaté qu'il existe effectivement des différences appréciables dans l'évolution des gains selon le sexe. Les différences que j'ai remarquées sont celles dont il est généralement fait état dans les études sur l'emploi et le revenu. Les taux de participation au marché du travail, tant chez les immigrantes que chez les Canadiennes d'origine, sont plus faibles que chez les hommes. L'accroissement de la taille de la famille a une incidence négative sur les gains des femmes, tandis qu'il ne semble pas y avoir de corrélation aussi évidente entre l'âge et les revenus que pour les hommes. Ainsi, le rapport entre les gains et l'âge ne constitueraient pas une variable permettant de mesurer avec exactitude l'expérience de travail du fait que la participation des femmes au marché du travail est souvent interrompue par l'éducation des enfants.

Il existe donc des différences appréciables entre le profil de immigrants et celui des immigrantes, mais les tendances sur le plan de l'intégration sont semblables.

La troisième question que j'ai posée portait sur les différences qui pouvaient exister selon le niveau de compétence. On note à cet égard une différence très marquée entre les deux sexes. L'estimation selon le niveau de compétence donne à penser que l'intégration est plus difficile pour les femmes appartenant à la catégorie professionnelle que pour celles de n'importe quelle autre catégorie. Les estimations portant tant sur l'échantillon de 1971 que sur celui de 1986 montrent que les nouvelles immigrantes appartenant à la catégorie professionnelle sont sensiblement défavorisées sur le marché du travail canadien. Elles gagnent 7 p. 100 de moins que les Canadiennes indigènes appartenant à la même catégorie, et rien ne permet de penser qu'elles rattrapent leurs homologues d'origine canadienne. De même, l'estimation portant sur l'échantillon de 1986 indique que les immigrantes de la catégorie professionnelle sont sensiblement défavorisées sur le plan des gains par rapport à leurs homologues indigènes et qu'elles ont très peu de chances de les rattraper.

Cela donne à penser que leurs titres de compétence ne sont pas pleinement reconnus sur le marché du travail canadien. Pour en connaître la raison véritable, il faudrait savoir, par exemple, si ces femmes sont arrivées au Canada à l'âge adulte après avoir acquis leurs titres de compétences ou si elles étaient encore enfants au moment de leur arrivée ici, et qu'elles ont acquis leurs titres au Canada.

D'après des études réalisées aux États-Unis, le niveau scolaire atteint par les immigrants donne un rendement très différent selon qu'ils ont fait leurs études à l'étranger ou dans leurs pays d'adoption.

Il se peut aussi que, pour les employeurs, les titres étrangers représentent un risque. Ils ne savent pas comment mesurer la valeur des antécédents de travail à l'étranger. Comme il doivent évaluer rapidement le potentiel de productivité de ceux qui postulent un emploi, les titres étrangers sont peut-être un signal d'alerte pour les employeurs qui y voient un élément de risque plus important que dans le cas des travailleuses d'origine canadienne.

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La mobilité interprofessionnelle est une autre considération importante en ce qui touche aux compétences, mais je ne m'y suis pas intéressé dans mon étude. D'autres études indiquent toutefois que les femmes sont moins susceptibles que les hommes d'accéder à un emploi mieux rémunéré. C'est un élément préoccupant, et c'est ce qui expliquerait aussi que les immigrantes de la catégorie professionnelle ne rattrapent pas leurs homologues d'origine canadienne.

Il reste encore beaucoup de travail à faire pour comprendre l'apport des immigrantes à l'économie canadienne sur l'ensemble de leur cycle de vie active. L'étude que j'ai moi-même effectuée soulève plusieurs questions intéressantes, mais il y en a encore bien d'autres auxquelles il faudrait répondre. Il faudrait examiner la courbe des revenus au fil des ans. Moi, je n'ai fait qu'estimer leurs performances au fil des ans.

Je considère toutefois que l'étude que j'ai faite a des répercussions importantes pour notre politique en matière d'immigration ou de travail. Ainsi, il serait important, étant donné le pourcentage élevé d'immigrantes qui participent au marché du travail, d'examiner la situation au chapitre des allocations de formation linguistique et de l'emploi. Étant donné que bon nombre d'immigrantes arrivent ici comme personnes à charge, elles n'ont pas toujours la possibilité de participer à des programmes de formation de la main-d'oeuvre.

Il pourrait aussi être important de soumettre un pourcentage plus élevé d'immigrantes au processus de sélection afin de pouvoir mieux contrôler le flot des immigrants de la catégorie économique. Même si, bien souvent, ces femmes arrivent ici comme personnes à charge, sans avoir déclaré leur intention de faire partie de la population active, elles participent effectivement au marché du travail.

Ce processus de sélection permettrait par ailleurs d'obtenir plus d'informations au sujet des aspirations des immigrantes sur le plan économique, de savoir où elles ont l'intention de se diriger. Il pourrait également faire en sorte de concevoir les programmes destinés à favoriser l'intégration des immigrants au marché du travail de manière qu'il réponde mieux aux besoins des immigrantes.

Enfin, il faudrait également que nous nous intéressions à la question de la reconnaissance professionnelle. L'étude que j'ai faite indique que le taux de rendement des titres professionnels des immigrantes n'est guère élevé. Il faudrait envisager de leur donner la possibilité de faire reconnaître leurs titres ici.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Hanger.

M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Je me demande pourquoi votre étude s'arrête en 1986.

Mme Fagnan: L'étude portait sur des échantillons tirés du recensement de 1971 et de celui de 1986, de sorte qu'elle ne vise que les personnes arrivées ici avant 1986. J'ai toutefois estimé ce que seraient les gains des immigrants sur l'ensemble de leur cycle de vie active à partir de ce que nous savons de la croissance des gains des immigrants arrivés ici auparavant.

M. Hanger: Vous supposez que les tendances en ce qui concerne l'économie et tout ce qui influe sur la capacité initiale des immigrants se maintiendront bien au-delà de 1986.

Mme Fagnan: Le contexte économique dans lequel les immigrants arrivent ici et acquièrent leur expérience de travail est effectivement important et aura une incidence importante. Les données ne permettent toutefois pas de conclure que les répercussions seront bien différentes pour les immigrants que pour les Canadiens d'origine.

Dans mon étude, je me suis intéressée à un petit échantillon de nouveaux arrivants sur le marché du travail. Mon étude à moi portait principalement sur le groupe des 25 à 64 ans, mais certaines études réalisées aux États-Unis donnent à penser que l'expérience des nouveaux immigrants pourrait être estimée à partir de celle des nouveaux arrivants sur le marché du travail parmi la population indigène, c'est-à-dire parmi le groupe des 18 à 25 ans. Leurs courbes d'emplois suivent de près celles des nouveaux immigrants quel que soit le contexte économique. On peut donc supposer que, pendant nos divers cycles économiques, l'expérience des immigrants sera semblable à celle des Canadiens d'origine.

M. Hanger: Quelle incidence les niveaux d'immigration auraient-ils, le cas échéant, sur les possibilités d'emploi et sur le reste? Encore là, vous parlez d'intégration. Vous parlez d'une période en particulier, de cette période de quinze ans pendant laquelle nous avons connu des niveaux d'immigration en dents de scie, Cependant, les niveaux d'immigration ne cessent d'augmenter depuis 1986, et ils dépassent largement maintenant les 250 000 personnes. Je voudrais que vous me disiez comment vous pouvez faire une comparaison valable entre ces deux périodes.

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Mme Fagnan: Mon étude n'examine pas la demande de main-d'oeuvre ni les perspectives d'emploi, et je n'ai pas de données là-dessus. Lorsque nous examinons le niveau d'instruction et l'expérience de travail des candidats qui arrivent sur le marché du travail, nous pouvons faire des prévisions sur leur rendement éventuel. Mon étude porte sur ce que nous savons de leurs aptitudes et de leurs titres de compétence et qui nous aide à prévoir leur rendement dans notre économie. Je ne peux donc pas répondre à la question concrenant les perspectives d'emploi, mais si l'on tient compte de leurs titres de compétence et du nombre de qualités qui contribuent à leur rendement sur le marché du travail, il y a lieu de s'inquiéter.

Lorsqu'on examine les immigrants qui sont arrivés avant 1971 par rapport à ceux qui sont arrivés plus tard, on constate qu'il y a un changement. La provenance et les catégories d'immigrants ont changé, ce qui laisse penser que leurs perspectives salariales ne seront pas aussi bonnes que celles des immigrants précédents.

Mon étude porte davantage sur les sources d'immigration et les qualités des immigrants que sur les perspectives d'emploi.

M. Hanger: À votre avis, faudrait-il réévaluer notre système de points attribués aux candidats? Y aurait-il des améliorations à y apporter?

Mme Fagnan: La plus importante amélioration que je pourrais proposer, c'est d'envisager d'évaluer la contribution de la femme au ménage. Une énorme proportion de femmes qui arrivent au Canada sont des personnes à charge, de sorte qu'elles ne sont pas évaluées. Mais elles contribuent au revenu du ménage. Un pourcentage élevé d'entre elles entrent sur le marché du travail. Il y aurait donc de bonnes raisons d'examiner les aptitudes et les titres de compétence qu'elles apportent et dans quelle mesure cela contribue aux points ou à l'évaluation du ménage. À l'heure actuelle, un pourcentage énorme d'entre elles ne font pas l'objet d'une présélection.

M. Hanger: Je comprends cela.

Mme Fagnan: Elles devraient en faire l'objet.

M. Hanger: Qu'en est-il du candidat de sexe masculin?

Mme Fagnan: Je n'ai pas examiné le poids qu'on a accordé aux différents niveaux de présélection. Mais un changement s'est manifestement opéré dans la rémunération des hommes au cours des deux périodes visées par la politique d'immigration, ce qui laisse entendre que, à mesure que le nombre d'immigrants de la catégorie réfugié ou personne à charge a augmenté, nous avons accordé moins d'attention aux facteurs qui contribuent à leur rendement sur le plan du revenu.

Il serait utile aussi d'en savoir davantage sur ces candidats, tant sur les hommes que sur les femmes.

M. Hanger: Là où je veux en venir, c'est que, à un moment donné, le gouvernement fédéral négociera avec les provinces relativement à leurs besoins de main-d'oeuvre et aux exigences de leur économie. C'est du moins ainsi que les choses sont censées se passer. Je me demande ce que vous pensez de ces aspects de la négociation concernant les candidats. Encore une fois, si le marché du travail a besoin d'une certaine personne, est-elle bien évalué à cette étape-ci pour pouvoir donner un bon rendement, quel que soit le milieu dans lequel elle travaillera, ou devra-t-elle occuper un emploi en fonction de l'expérience qu'elle possède déjà et de l'emploi qu'elle exerçait auparavant? Les provinces voudront savoir cela.

Mme Fagnan: Si nous ne faisions qu'évaluer leur expérience de travail ou leur catégorie professionnelle, il nous manquerait beaucoup de renseignements importants. Or, nous examinons également leur niveau d'études, ce qui est primordial pour nous aider à comprendre leur contribution future et leur place dans l'économnie de demain.

Mon étude montre que, en fait, tant les Canadiens nés à l'étranger que ceux qui sont nés ici ont des taux de rendement élevés grâce à leur niveau d'études et leur expérience sur le marché du travail; ces facteurs constituent des éléments importants de l'évaluation. Non seulement leur catégorie professionnelle, mais aussi leur potentiel d'intégrer d'autres professions sont importants.

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Mme Bakopanos (Saint-Denis): J'ai quelques questions à poser. Vous ne parlez nullement du fait que d'autres facteurs peuvent entrer en jeu, par exemple, la discrimination religieuse, les attributs culturels et le genre de société d'où viennent ces femmes. Ne pensez-vous pas que ces facteurs sont également importants dans l'évaluation de quelques-uns des résultats que vous avez obtenus?

Par exemple, vous dites que les femmes professionnelles nées à l'étranger sont incapables de dépasser leur revenu initial. Je dirais que cela dépend des femmes. Viennent-elles de sociétés qui, dans le passé, n'ont pas reconnu le même statut de professionnalisme pour les femmes? On revient au tires de compétences, mais l'autre facteur à considérer est le pays d'où elles viennent. J'ajouterais que la couleur constitue un facteur. Être membres des minorités visibles constitue un facteur.

Je vais être honnête. Je n'ai pas examiné vos statistiques en détail. Je n'ai lu que les documents qui ont été préparés à l'intention du comité.

Estimez-vous qu'il faut également tenir compte de ces facteurs lorsque vous faites une déclaration comme celle-là?

Mme Fagnan: Mon étude n'a pas examiné l'ethnicité et je n'ai pas fait de distinction entre les races et les pays d'origine. C'est en effet une considération importante.

Mon étude démontre que les immigrants ne rattrapent pas les autres, ce qui est particulièrement préoccupant lorsqu'on examine les femmes professionnelles, car on présume que, si elles arrivent au Canada munies de titres de compétence, elles seraient en mesure de concurrencer les femmes d'origine canadienne.

On pourrait faire d'autres études là-dessus. J'ai parlé des titres de compétence ou du facteur de risque pour les employeurs, mais la discrimination est certes...

Mme Bakopanos: Je faisais allusion aux obstacles. Y a-t-il des obstacles auxquels les femmes professionnelles nées au Canada ne se heurteraient pas, bien qu'elles doivent en surmonter d'autres? Elles ne devraient pas surmonter les mêmes.

Mme Fagnan: Je pense que l'aspect culturel peut également expliquer les différences dans la participation des immigrantes au marché du travail. La stratégie d'investissement du ménage variera selon la culture. Mon étude ne montre pas cela. Je pense que d'autres études importantes le font. C'est peut-être une raison pour laquelle les femmes que j'ai examinées dans mes échantillonnages ne rattrapent pas les autres.

Mme Bakopanos: C'est ce que je dis. Il faut faire des renvois à d'autres facteurs et à d'autres obstacles.

Mme Fagnan: C'est exact.

Mme Bakopanos: Vous soulevez un autre facteur: celui des semaines supplémentaires. À mon avis, il faut également souligner cela. Ma longue expérience dans le domaine de l'immigration m'a appris qu'un grand nombre d'hommes ou de femmes travaillent plus longtemps pour le même salaire. Vous y faites allusion en disant qu'ils travaillent pendant un plus grand nombre de semaines. Je pense que c'est un autre facteur qu'il faut souligner davantage. Ils doivent travailler beaucoup plus longtemps pour gagner la même chose.

Mme Fagnan: C'est exact.

Mon étude portait sur un échantillon ne donnant que le revenu annuel et le nombre approximatif de semaines de travail. Pour améliorer l'échantillon, il serait préférable d'examiner le revenu hebdomadaire.

Mme Bakopanos: Je pense que quelques-uns de vos résultats seraient un peu différents si nous examinions également le nombre de semaines pendant lesquelles il faut travailler pour toucher le même salaire.

Mme Fagnan: C'est exact. Je pense qu'il s'agit là d'une question très préoccupante.

Par exemple, les hommes et les femmes nés à l'étranger effectuent un plus grand nombre de semaines de travail que les Canadiens d'origine. Si nous établissions un modèle fondé sur la rémunération hebdomadaire, je pense que nous constaterions une diminution encore plus importante et une probabilité de rattrapage moindre. Cela renforce les résultats.

Mme Bakopanos: En effet. J'ai pensé qu'il s'agissait là d'un aspect important.

Je voudrais également que vous nous donniez un peu plus de détails sur la réaccréditation. Je sais qu'au Québec, d'où je viens, cette question est importante pour les immigrants et les immigrantes. Même si leurs titres de compétence sont évalués, ils n'atteignent jamais le même niveau que les profesionnels nés au Canada. Autrement dit, un diplôme universitaire de l'Iran, par exemple, n'a pas la même valeur lorsqu'il est réévalué au Canada ou au Québec. Il s'agit également là d'un autre aspect qui peut concerner les résultats que vous avez obtenus.

Si j'ai obtenu en Iran un diplôme en droit qui n'a pas la même valeur qu'au Canada, de toute évidence, je ne pourrai pas travailler au même salaire ni au même niveau qu'une professionnelle née au Canada.

Mme Fagnan: C'est un facteur important.

Notre main-d'oeuvre change en même temps que le flux d'immigration. Avec le temps, les employeurs connaîtront davantage les titres de compétence venant de l'étranger. Mais, si à l'heure actuelle, on se pose beaucoup de questions au sujet de l'éducation à l'étranger, notamment dans des pays qui n'ont pas connu, auparavant de taux d'immigration élevés vers le Canada.

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Ce n'est qu'avec le temps que nous saurons s'il existe vraiment une différence dans la qualité de leur éducation. Il faudra la mesurer sur le marché du travail: quelles seront la contribution et la productivité réelles des immigrants? Les employeurs verront cela se confirmer avec le temps.

Il est à espérer que, dans bien des cas, le risque subi par les employeurs diminuera avec le temps, à mesure qu'ils acquerront plus d'expérience avec ces travailleurs, mais, au début, et que le risque posé par ces titres de compétence soit réel ou non, le risque sera considérable.

Mme Bakopanos: Je voulais aller plus loin. Les professionnels immigrants, hommes et femmes, occupent souvent des emplois qui ne sont pas à la hauteur de leurs compétences professionnelles. Je ne me demande pas - mais en fait, je devine la réponse - si cela a également un effet sur les résultats de votre étude.

Mme Fagnan: Absolument. Les groupes de compétences dont j'ai fait un échantillonnage viennent de catégories très vastes et, en outre, l'étude ne se penche pas sur la mobilité professionnelle. On peut constater que des médecins nés à l'étranger travaillent, par exemple, comme infirmiers, aide-infirmiers ou techniciens de laboratoire.

Ce qu'il serait intéressant de déterminer, c'est s'ils le font en tant qu'investissement à court terme en attendant d'obtenir une nouvelle accréditation, puis de travailler comme médecins, ou s'ils sont coincés dans ces postes.

Certaines données limitées laissent entendre que la mobilité professionnelle, surtout chez les femmes, n'est pas très bonne. Elles restent effectivement bloquées dans des postes subalternes. Mais mon étude n'examine pas cela, car elle ne se penche pas sur la mobilité. Je m'inspire d'autres études pour faire cette observation.

Mme Bakopanos: Je pourrais aller encore plus loin. Je pense qu'un grand nombre d'associations professionnelles sont en grande partie responsables du manque de mobilité des groupes d'immigrants, hommes ou femmes, et que la situation est plus difficile pour les femmes.

Mme Fagnan: Tout comme les employeurs en apprendront davantage sur la productivité de ces candidats. Vous avez soulevé un point important: les associations professionnelles ont un rôle à jouer pour aider les employeurs à reconnaître ces titres de compétence et à les comprendre.

Mme Bakopanos: Je vous remercie.

M. Hanger: Êtes-vous en accord avec l'opinion que les avantages économiques de l'immigration sont moins élevés aujourd'hui que dans les années passées?

Mme Fagnan: Je serais d'accord pour dire qu'une tendance se dessine, à savoir que la contribution des immigrants au cours de leur vie est peut-être inférieure à ce qu'elle était pendant les décennies précédentes. Cependant, mon étude montre tout de même que, dans l'ensemble, les immigrants et les immigrantes contribuent davantage que les Canadiens d'origine. Ils rattrapent effectivement ces derniers et finissent par les dépasser. J'ai ici certaines données limitées qui laissent entendre que cette tendance s'affaiblit, mais mes prévisions indiquent tout de même qu'ils finiront par dépasser les Canadiens d'origine.

M. Hanger: Quelles sont actuellement les questions les plus importantes dans la politique d'immigration?

Mme Fagnan: Cela dépasse un peu mes compétences. Je peux commenter les questions qui sont soulevées dans mon étude.

M. Hanger: D'accord, celles qui concernent votre étude.

Mme Fagnan: J'estime que le soutien que nous apportons aux immigrants sur le marché du travail est primordial. Il est crucial de comprendre les facteurs qui entrent en jeu dans la politique d'immigration. Il n'est pas très utile d'examiner uniquement le nombre des immigrants. À mon avis, il est plus important de comprendre pourquoi nous faisons une présélection et quels services notre économie offre réellement pour faciliter une bonne correspondance entre les nouveaux immigrants et le marché du travail, que d'examiner un ensemble de chiffres.

À mon avis, l'économie peut absorber un niveau important d'immigrants et, en fait, en tirer profit si nous comprenons les compétences qu'ils apportent et si nous leur offrons une bonne formation linguistique. La formation linguistique, surtout chez les femmes, est un élément clé de leur contribution à l'économie. Les femmes n'ont pas eu la possibilité de recevoir une formation sur le marché du travail. Elles occupent des emplois peu rémunérateurs, ne sont pas admissibles à la formation linguistique et le revenu du ménage sert à subventionner les emplois très spécialisés, en partie parce qu'elles n'ont pas droit à la formation linguistique.

Alors, je soutiens qu'il est plus important, et plus urgent, d'examiner les services de formation et d'emploi que nous offrons, que d'examiner l'ensemble des chiffres.

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M. Hanger: Autrement dit, tout doit se passer dès le début, dès l'étape du processus de sélection. Il serait plus important de se concentrer sur les compétences que ces immigrants possèdent peut-être déjà. Est-ce bien ce que vous me dites?

Mme Fagnan: Oui, dès le début. À mon avis, il est plus important de se concentrer sur les compétences qu'ils apportent au Canada, mais également d'en apprendre davantage sur la plus grande catégorie d'immigrants qui viennent au Canada. Il y a la catégorie des personnes à charge et celle des réfugiés. Je ne dis pas qu'il n'y a pas d'autres motivations, mais à part le facteur économique, pour continuer d'accueillir le groupe des personens à charge, dans le cadre de la réunion des familles, mais il serait utile d'en savoir davantage sur ces personnes et sur leurs aspirations professionnelles. Nous ne faisons pas de présélection dans leur cas, de sorte que nous ne savons pas quel est leur niveau d'études. Nous ne savons pas si nos programmes de main-d'oeuvre correspondent bien à leurs aptitudes, car nous ne nous attendons pas à ce qu'elles entrent sur le marché du travail. En fait, elles y entrent et nous devons prévoir cela dans nos programmes.

M. Hanger: Le dernier recensement a eu lieu en 1993, n'est-ce pas?

Mme Fagnan: Oui.

M. Hanger: Cela vous donnerait l'occasion en quelque sorte d'élargir votre étude plus tard.

Mme Fagnan: Effectivement. Si je dis que les résultats ne sont pas concluants, c'est que l'échantillonnage remonte à 1986. C'est une tendance qui se dessine. Le flux d'immigration, ou un changement important, ne faisait alors que s'amorcer. Élargir l'étude le confirmera ou l'infirmera. Ce ne serait une prochaine étape importante.

M. Hanger: Effectivement. Très bien.

Le président: Je ne sais pas au juste si vous avez employé le terme «conjoints», mais vous avez mentionné que ces derniers devraient faire l'objet d'un présélection. Le professeur DeVoretz a proposé que nous accordions des points en prime lorsqu'un conjoint possède un diplôme universitaire, par opposition à un candidat dont le conjoint n'a aucune instruction. Il a pensé que cela devrait leur permettre d'avancer plus rapidement dans la file d'attente.

Le ministère s'est opposé à cela. Je ne devrais pas dire le ministère: les gens du service de recherche de Citoyenneté et Immigration ont pensé que ce n'était pas une très bonne idée. Ils ont dit qu'il n'y avait pas de file d'attente. Il y a un système de points et, si on accumule plus de points que ce n'est nécessaire, on est accepté.

Pouvez-vous clarifier votre pensée lrosque vous dites que les conjoints ou les personnes à charge devraient faire l'objet d'une présélection? Vous ai-je mal entendue?

Mme Fagnan: Non, c'est bien ce que j'ai dit. Cette proposition rejoindrait un peu celle de Don, étant donné qu'un pourcentage important de ces femmes participent à la main-d'oeuvre active pour compléter l'investissement de leur mari ou y contribuer. Par exemple, les professionnels immigrants doivent peut-être consacrer un peu de temps à leur formation linguistique et à leur réaccréditation et recevront l'appui de leur conjoint dans le cadre d'une stratégie d'investissement dans le ménage. D'autres études ont examiné cet aspect plus en détail récemment. Comme ces femmes contribuent au revenu du ménage et que certains éléments indiquent que nous prenons bon nombre de nos décisions professionnelles en tant que ménage, je pense qu'il vaut la peine de tenir compte de la contribution supplémentaire du conjoint au rendement de ce ménage au Canada. C'est la logique qui sous-tend la politique de Don...

Le président: Je comprends ce raisonnement. Après que je vous ai fait part de la réaction du ministère... pourriez-vous étoffer vos propos?

Mme Fagnan: Si je comprends bien, le ministère soutient que les conjoints seront adminissibles de toute façon, si l'homme...

Le président: Il dit également... à titre d'exemple, un homme arrive au Canada, il est accepté, il possède un diplôme universitaire, il obtient un emploi, puis il retourne dans son pays d'orgine et parraine sa femme. Nous l'acceptons d'office dans la catégorie «réunion de la famille». Nous n'examinons pas son niveau d'études. Nous ne faisons pas une présélection, sauf, je présume, pour les antécédents de santé et de criminalité. Nous n'examinons pas ses compétences.

Alors, ne nous créons-nous pas un problème lorsque nous disons à un candidat que, s'il vient au Canada avec son conjoint, il sera traité différemment que s'il vient seul et fait venir son conjoint plus tard?

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Vous n'êtes pas obligé de répondre.

Mme Fagnan: Eh bien, la politique actuelle permet à un conjoint d'entrer sur le marché du travail sans contrôles.

Le président: Sans un contrôle des compétences.

Mme Fagnan: C'est exact. Ils peuvent entrer en tant que personnes à charge.

Je crois qu'il y aurait de bonnes raisons de... S'il faut imposer des restrictions à cette catégorie et trouver un moyen d'identifier les personnes admissibles, l'un des facteurs importants serait la contribution du conjoint à l'économie. Ce pourrait être une façon d'ajuster notre immigration en ce qui concerne la catégorie des personnes à charge.

Le président: Je crois savoir que les règles actuelles permettent aux conjoints d'entrer automatiquement dans un délai d'un an. Lorsque nous disons que nous voulons réduire le nombre des personnes qui font partie de la catégorie de la famille, cela ne veux pas dir que nous allons réduire le nombre de conjoints.

Mme Fagnan: C'est exact.

Le président: Lorsque vous employez l'expression «catégorie des personnes à charge», faites-vous référence à la famille?

Mme Fagnan: Oui.

Mme Bakopanos: J'aimerais dire quelque chose qui va dans le mêmes sens.

Le président: Je vous en prie.

Mme Bakopanos: Êtes-vous d'accord avec le plan d'immigration que le ministre a présenté l'automne dernier et qui «favorisait» les immigrants professionnels? D'après votre étude, s'il faut à ces gens dix ou douze ans pour effectuer leur rattrapage, est-ce que cela n'équivaut pas à ne rien faire? Même si nous permettons à un nombre accru de professionnels d'entrer au pays, il leur faudrait tout de même commencer au bas de l'échelle. Certains ne verront pas leurs compétences reconnues, alors que d'autres n'auront aucune mobilité. Ils représenteront une concurrence dans un marché dont certains secteurs ont un surplus de professionnels.

Prenons, par exemple, le cas de la profession juridique. Si nous autorisons l'entrée d'un plus grand nombre de juristes étrangers, est-ce que nous ne risquons pas d'aggraver les difficultés économiques au pays plutôt que de les réduire? Je reconnais qu'il n'est pas facile de répondre à cette question, mais j'aimerais néanmoins connaître votre point de vue.

Mme Fagnan: D'un point de vue strictement économique, il est effectivement plus avantageux pour le Canada d'accueillir des gens ayant un niveau d'éducation et de compétence plus élevé. Même si des médecins n'exercent pas leur profession, leur niveau d'éducation, un investissement fait par un autre pays, apporte beaucoup au Canada. Cela demeure vrai même si ces personnes sont embauchées en tant qu'infirmiers ou infirmières plutôt que médecins. On a constaté que l'éducation contribue à accroître sensiblement la productivité d'une personne même lorsqu'elle n'exerce pas sa profession.

Aussi, même si de nombreuses professionnelles se retrouvent dans une situation moins avantageuse que les Canadiennes de naissance, elles contribuent néanmoins davantage pendant leur vie active que les personnes moins qualifiées. Pour ce qui est de leur contribution aux fonds publics, c'est-à-dire les recettes fiscales, etc., leurs taux d'emploi demeurent plus élevés et leur participation à la main-d'oeuvre de leurs supérieurs à celle de la catégorie des personnes peu qualifiées. À long terme, ces facteurs sont plus avantageux pour l'économie canadienne.

J'adopte ici une approche économique dure lorsque je dis que nous profiterons du fait que d'autres pays ont investi dans l'éducation de ces personnes, quoique des mesures de contrôles des compétences seront plus bénéfiques à l'économie canadienne à long terme. Toutefois, le fait d'inviter des immigrantes-médecins à venir travailler chez nous comme infirmières comporte un coût humain. Cela pourrait créer à long terme, dans la main-d'oeuvre, des problèmes autres qu'économiques.

Mme Bakopanos: Merci.

Le président: En ce qui concerne la formation linguistique, je crois que vous avez dit que ces personnes n'y sont pas admissibles.

Mme Fagnan: Mes renseignements concernant la politique actuelle ne sont peut-être plus à jour, mais en ce qui concerne la période que j'ai examinée, les immigrantes qui entraient au pays en tant que personnes à charge n'étaient pas admissibles à la formation linguistique. Je dois avouer que j'ignore si des changements ont été apportés à cet égard ces dernières années.

Le président: Je crois qu'il y a eux des changements depuis quelques années. Compte tenu des restrictions budgétaires, tous les programmes de formation, quelle qu'en soit la clientèle, sont réexaminés.

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Pourrions-nous revenir sur certains aspects importants de ce que vous avez dit? Vous disiez qu'il faut entre dix et douze ans à une immigrante pour rattraper ses homologues canadiennes et qu'une fois le rattrapage effectué, elle a un rendement supérieur au leur?

Mme Fagnan: C'est exact.

Le président: Vous avez ensuite ajouté que dans l'ensemble le rendement supérieur enregistré après dix ou douze ans fera plus que compenser le niveau de rendement inférieur qui avait précédé.

Mme Fagnan: Oui.

Le président: Comment arrivez-vous à cette conclusion? Où prenez-vous l'information?

Mme Fagnan: Je ne suis pas sûre de comprendre la question.

Le président: Je présume qu'une femme qui arrive au Canada à l'âge de 55 ans ne pourra pas devenir plus performante que ses homologues canadiennes puisqu'il lui faut dix ans pour y arriver. Sur quels renseignements vous fondez-vous, comment expliquez-vous vos observations?

Mme Fagnan: Mes prévisions sont fondées sur la moyenne des candidates. L'âge moyen des travailleuses nées à l'étranger est comparable à celui des travailleuses nées au Canada.

Le président: Quoi? Vous dites que leur profil démographique est comparable au nôtre.

Mme Fagnan: Oui. Très comparable.

Dans l'ensemble, ces femmes restent sur le marché du travail pendant une longue période. Aussi, même s'il leur faut dix ans pour effectuer leur rattrapage, elles sont rémunérées pendant une longue période. De façon générale, les immigrantes ne se situent pas toutes dans la catégorie des 40 à 50 ans. Les âges varient beaucoup. Elles peuvent arriver chez nous assez jeunes et leur situation démographique est comparable à celle des Canadiennes de naissance. Elles demeurent donc sur le marché du travail pendant une assez longue période.

Le président: Savons-nous quel est l'âge moyen?

Mme Fagnan: Je ne connais pas l'âge moyen des candidates à l'immigration. L'échantillonnage que je possède indique un âge moyen de 39 ans pour les Canadiennes de naissance, et de 42 ans pour les femmes nées à l'étranger.

L'échantillonnage portait sur un nombre élevé de personnes. L'échantillonnage comportait une distribution d'âge normal à la fois pour les femmes nées à l'étranger et pour celles nées au Canada, et je disposais de suffisamment de renseignements concernant la catégorie plus âgée. C'est ainsi que j'ai pu établir mes estimations. Je ne peux pas suivre une femme de 40 ans et voir ce qu'elle fera à l'âge de 50 ans; j'établis des estimations en me référant aux femmes qui sont sur le marché du travail à l'âge de 50 ans et j'examine leur rémunération.

Le président: Ces femmes sont arrivées ici à l'âge de 40 ans.

Mme Fagnan: Certaines sont arrivées à l'âge de 20 ou 30 ans. Il semble y avoir un bon échantillonnage.

Je n'ai cependant pas répondu à votre question. J'ignore quel est l'âge moyen des immigrantes lorsqu'elles entrent au pays. Je ne dispose pas de cette information.

Le président: Une des choses qui préoccupent les Canadiens concerne la rupture des contrats de parrainage, l'éclatement des familles, le fait que des femmes ne soient obligées de dépendre d'allocations et de l'aide sociale. Ces aspects peuvent influer sur l'évaluation de la politique d'immigration. Avez-vous vérifié ces données?

Mme Fagnan: Je n'ai pas examiné la question. Je n'ai pas étudié la dépendance de ces femmes à l'égard d'autres sources de revenus. Dans mon étude, le pourcentage de femmes se trouvant sur le marché du travail et occupant un emploi était suffisamment élevé pour que je m'intéresse à leur rendement et au revenu qu'elles tiraient de leur travail. Il y a d'autres études qui portent sur la dépendance à l'égard de l'aide sociale et d'autres programmes, mais je ne me suis pas arrêté à cette question.

Le président: Dois-je comprendre que vous présumez que les femmes de ce groupe continuent de travailler et qu'elles ne quittent pas le marché du travail?

Mme Fagnan: Je présume que ces femmes ne quittent pas le marché du travail en plus grands nombres que les Canadiennes de naissance. Les résultats que j'ai obtenus semblent le confirmer. Je ne possède pas de variables concernant l'expérience de la main-d'oeuvre. Je n'ai pas de recensement pour savoir combien de femmes il y a, si elles ont travaillé l'an dernier ou si elles travailleront l'an prochain, ou encore si chacune possède des antécédents professionnels fiables. J'établis des estimations approximatives en me fondant sur leur rémunération à mesure qu'elles vieillissent et les résultats sont comparables pour les Canadiennes de naissance et les étrangères. L'évolution de la rémunération au fil des ans est comparable dans les deux groupes, ce qui indique que l'une et l'autre ont des antécédents professionnels semblables.

J'ajoute que leurs années de résidence au Canada constituent un stimulant pour les immigrantes, ce qui indique une certaine assimilation ou quelqu'autre facteur sous-jacent.

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Le président: Pour résumer, j'aimerais passer vos recommandations en revue avec vous.

Vous avez clairement dit que si nous choisissons les immigrants en fonction de leur niveau de compétences, nous en retirerons des avantages économiques. Cela correspond à ce que d'autres personnes ont également dit.

Vous avez aussi déclaré qu'il nous incombe de fournir une formation linguistique et les autres moyens visant à faciliter l'entrée de ces femmes dans la population active. Nous devons tenir compte de leurs qualifications et leur assurer un traitement équitable. Les personnes qui sont des médecins devraient être autorisées à pratiquer leur profession plutôt que d'être obligées de travailler comme infirmières. Nous en retirerions ainsi un avantage économique optimal. Est-ce exact?

Mme Fagnan: Oui.

Le président: Quoi d'autre? Si vous vous adressiez au ministre de l'Immigration, que lui diriez-vous?

Mme Fagnan: Je ne suis pas certaine de vous avoir entendu parler de contrôle.

Le président: Je n'en ai pas parlé.

Mme Fagnan: Cela permettra d'en savoir davantage au sujet de l'autre catégorie d'immigrants dont nous autorisons l'entrée.

Le président: La catégorie «famille»?

Mme Fagnan: Oui. Nous devrions en savoir davantage au sujet de ces immigrants afin de pouvoir établir de meilleures prévisions quant à leur participation à la population active et offrir un choix de programmes plus adéquats.

Non seulement retirerons-nous un plus grand avantage en mettant l'accent sur le secteur des travailleurs qualifiés, mais compte tenu que nous avons des objectifs autres qu'économiques et que nous acceptons les catégories de réfugiés de personnes à charge, nous pourrons améliorer les choses en en sachant davantage au sujet de ces candidats.

Le président: Êtes-vous en train de nous dire que nous devrions évaluer les compétences des personnes comprises dans les catégories de la famille et des personnes à charge afin de leur offrir des programmes plus adéquats? Vous ne voulez pas dire que nous ne devrions pas exercer de contrôle en ce sens que nous allons exclure ces personnes. Nous devrions procéder à une évaluation pour savoir qui sont ces personnes et afin de les aider à s'adapter. Est-ce, essentiellement de cela qu'il s'agit?

Mme Fagnan: Oui, c'est-à-dire qu'il faut reconnaître que les objectifs économiques ne sont pas les seuls dont nous devons tenir compte. Il existe d'autres raisons d'autoriser la venue de réfugiés au Canada.

Le président: Oui, vous présentez un argument valable. Nous n'avons pas vraiment examiné la question des réfugiés dans nos discussions jusqu'à maintenant.

Je renvoie la question au Comité. J'ai probablement dépassé le temps de parole qui m'était accordé.

M. Dromisky (Thunder Bay - Atikokan): Je suis très intrigué par vos propos. Avez-vous quelque espoir que des changements importants surviennent en ce qui concerne les catégories dont nous traitons ici en particulier les professionnels? Nous réservons le même traitement à ces gens depuis des années. Il ne semble pas y avoir de changement. Prévoyez-vous que quelque chose provoquera ou nécessitera un changement dans un proche avenir? Avez-vous des attentes à ce sujet?

Mme Fagnan: En ce qui concerne le secteur privé et la façon dont les candidats y sont perçus, il sera pour lui plus avantageux d'effectuer une évaluation précise de leur productivité que de pratiquer de la discrimination ou de sous-évaluer leurs compétences.

Plus la population active sera informée, et c'est le rôle du gouvernement d'aider les employeurs à y arriver, au sujet de l'expérience et de la formation scolaire acquises par les étrangers, plus ces derniers se verront récompensés pour leur contribution plus élevée à la productivité en raison de l'avantage économique qu'ils représentent. Il s'agit-là d'un stimulant économique puissant, et la situation devrait s'améliorer à mesure que les employeurs seront mieux informés au sujet de ces travailleurs.

Nous pouvons accélérer le processus dans le cadre de notre politique en donnant plus d'information au sujet des pays d'origine et du but visé par notre politique d'immigration, etc.

M. Dromisky: Mais le problème, c'est que nous leur donnons jamais réellement la chance dans la mesure où nous ne les mettons jamais dans une situation où il nous soit possible de vérifier les choses. Cela est dû au fait que personne ne veut leur donner la possibilité de pratiquer la profession pour laquelle ils ont reçu une formation. Nous envoyons ces gens travailler dans d'autres secteurs de l'économie, où ils se retrouvent moins productifs que s'ils travaillaient dans le domaine de leurs compétences, qu'ils ont amélioré au fil des ans. Nous ne prenons pas ce risque.

Vous parliez du cas des médecins. Nous n'autorisons pas un médecin étranger à pratiquer sa profession. Il doit se limiter à travailler comme interne.

Mme Fagnan: Le déroulement de leur internat devrait nous permettre de mieux apprécier ces personnes et de leur permettre de passer à l'échelon supérieur.

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Vous avez donné l'exemple de quelqu'un qui n'avait pas pu pratiquer en tant que médecin et qui avait dû effectuer un internat. Pourriez-vous étendre le programme de reconnaissance professionnelle à d'autres professions afin de permettre aux candidats d'investir dans la reconnaissance de leur compétence professionnelle.

Leur situation est comparable, par exemple, à celle d'une infirmière née au Canada qui quitterait le marché du travail pendant une période prolongée pour s'occuper de ses enfants et dont les compétences ne seraient plus à jour. Il lui faudrait remettre ses connaissances à jour avant de pouvoir retrouver son statut d'infirmière agréée. Cette personne investit de son énergie pour retrouver son statut d'infirmière agréée.

Nous pourrions offrir ce genre de programme aux personnes nées à l'étranger ou aux immigrants afin qu'ils puissent faire la même chose. Nous pourrions créer de meilleurs programmes de recyclage afin de permettre aux participants de retrouver plus rapidement leur statut et de réintégrer la population active. Il existe un risque réel pour l'employeur.

M. Dromisky: Oui.

Aussi, quel rôle croyez-vous que le gouvernement peut jouer compte tenu qu'il doit négocier, en un sens, tenir compte de la participation des sociétés, des associations professionnelles, des corporations et autres, qui semblent contrôler les choses dans chacune des provinces? Croyez-vous que le gouvernement fédéral puisse réellement intervenir dans ce domaine?

Mme Fagnan: Je ne saurais dire. Je n'en sais pas assez sur les rapports entre le fédéral et les associations.

M. Dromisky: Je me demandais simplement si vous le saviez.

Le président: Était-ce le sujet de votre thèse de doctorat?

Mme Fagnan: Non. Cela faisait partie de ma thèse de maîtrise. J'ai également effectué d'autres travaux.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre présence. Nous avions demandé au ministère d'évaluer les chapitres et le vôtre a été classé parmi les meilleurs.

Mme Fagnan: Je suis très heureuse de l'apprendre. Je vous en remercie.

Le président: Remerciez le ministère. Ils n'ont pas été aussi impressionnés par certains autres, mais le vôtre s'est classé parmi les meilleurs.

Merci d'être venue.

La séance est levée.

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