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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 8 novembre 1995

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[Traduction]

La présidente: La séance du Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est ouverte. Les témoins que nous allons entendre aujourd'hui représentent le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous vous attendions.

Voici Ross Hynes, directeur des droits de la personne et de la justice; Adèle Dion, directrice adjointe de la Direction des droits de la personne et de l'égalité internationale des femmes; ainsi que M. George.

M. Ross Hynes (directeur, Direction des droits de la personne et de la justice, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Nous l'attendons mais il n'est pas encore arrivé.

La présidente: Nous allons commencer par vous, M. Hynes, pour la première partie de la séance et nous donnerons ensuite la parole à M. LaRose-Edwards pour la seconde partie, si cela vous convient. Allez-vous présenter un exposé?

M. Hynes: Oui, madame la présidente. On nous a dit que vous vous intéressiez à quatre sujets. Nous avons pensé Adèle et moi, que nous pourrions peut-être parler de ces questions pendant 10 à 15 minutes.

Dan George, notre directeur adjoint, Afrique occidentale et centrale et Maghreb, vient d'arriver.

M. Daniel George (directeur adjoint, Afrique et Moyen-Orient, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Veuillez m'excuser, madame la présidente. Je suis resté quelques instants à côté.

La présidente: Bienvenue. Nous allons écouter votre exposé avec beaucoup d'intérêt.

M. Hynes: Je suis très heureux d'être ici. On nous a fait savoir, madame la présidente, que le sous-comité souhaitait voir aborder quatre sujets aujourd'hui: tout d'abord, la façon dont le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international répartit entre ses différents services les responsabilités dans le domaine des droits de la personne; deuxièmement, le processus multilatéral mis sur pied par les Nations Unies pour promouvoir les droits de la personne; troisièmement, un aperçu de nos processus de consultation des organismes non gouvernementaux canadiens; et enfin, la question du Nigeria.

Je vais essayer de dire quelques mots sur les deux premiers sujets et Adèle va parler des ONG, si cela vous convient. Je pense que Dan pourra ensuite nous parler du Nigeria. Nous nous proposons d'aborder ces questions l'une après l'autre.

Pour replacer les choses dans leur contexte, je pense qu'il serait utile de rappeler brièvement les principales conclusions sur lesquelles a débouché l'examen de la politique étrangère que le gouvernement a effectué en 1994, en consultation avec le Parlement. La question des droits de l'homme a, bien entendu, joué un grand rôle dans ce processus et occupait une place proéminente dans les mesures qu'a prises le gouvernement pour donner suite au rapport parlementaire.

Le gouvernement a essentiellement reconnu qu'il était d'accord avec le comité parlementaire lorsque celui-ci affirmait que les droits de la personne et le développement démocratique reflètent des valeurs universelles qui devraient être au coeur de notre politique étrangère.

Je pense que la véritable question n'est pas de savoir si les droits de la personne devraient jouer un rôle important dans la politique étrangère du Canada mais plutôt, ainsi que l'a formulé le gouvernement, celle de savoir comment l'on peut réussir à influencer les gouvernements pour les amener à respecter certaines normes internationales en matière de droits de la personne. Le gouvernement a déclaré qu'il avait l'intention d'utiliser, dans le but de promouvoir les droits de la personne, toute une série de moyens, notamment les relations bilatérales, l'aide au développement, ainsi que les actions multilatérales.

Il m'a paru important d'insister sur ce dernier point parce qu'il éclaire la façon dont le ministère des Affaires étrangères a réparti les responsabilités dans ce domaine et en particulier, il fait ressortir le fait qu'il n'existe pas de direction unique, encore moins la mienne, qui possède l'exclusivité de ces questions.

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Pour ce qui est donc de la façon dont le ministère a structuré son action dans le domaine des droits de la personne, la Direction des droits de l'homme et de la justice dont je suis le directeur - à l'intérieur du ministère cette direction est désignée par le sigle AGH, c'est un sigle horrible, impossible à prononcer, à utiliser - est une des cinq directions qui forment le bureau des enjeux globaux. C'est un bureau qui a été créé peu après l'examen de la politique étrangère et chargé de gérer toute une gamme d'enjeux qui recoupent divers aspects des relations qu'entretient le Canada avec les autres pays.

En plus des droits de la personne, ma direction est également chargée des dossiers internationaux concernant les stupéfiants et la criminalité. Les autres directions du bureau s'occupent de questions de l'environnement, de la population et des affaires humanitaires, du développement économique et social et de l'édification de la paix et du développement démocratique.

La section des droits de l'homme de l'AGH est composée de sept professionnels qui sont chargés d'élaborer des politiques et de formuler des conseils concernant les droits de la personne sur le plan international ainsi que sur les questions reliées à l'égalité des femmes et aux affaires autochtones internationales. Ce sont deux domaines auxquels le gouvernement accorde une forte priorité et nous lui consacrons une bonne partie de nos activités.

Nous nous occupons d'établir des contacts avec les autres secteurs intéressés du ministère, ainsi qu'avec l'ACDI et toute une gamme de ministères et organismes gouvernementaux intéressés, en vue de les consulter. Nous passons également beaucoup de temps à travailler avec les organismes non gouvernementaux canadiens et à les consulter.

À l'intérieur du ministère, nos principaux partenaires sont les représentants des secteurs géographiques. Ces secteurs géographiques s'occupent de tous les aspects des relations bilatérales du Canada avec les pays étrangers, ainsi que de nos relations avec les organisations régionales comme l'Organisation des États américains, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE.

Lorsque je dis tous les aspects de nos relations, cela comprend également les droits de la personne. Ce sont les secteurs géographiques qui formulent notre réaction aux problèmes de droits de la personne qui se posent dans une région du monde donnée.

Cette délégation de responsabilité, ou décentralisation si vous voulez, s'explique par le fait que les questions de droits de la personne représentent souvent un élément essentiel et permanent des relations que nous entretenons avec un bon nombre de pays dont diverses parties du monde, en particulier en Europe de l'Est et centrale, en Amérique latine, en Afrique et en Asie.

Comme je l'ai noté, le principal objectif que s'est fixé le gouvernement dans le domaine des droits de la personne est de tenter de découvrir les moyens d'amener les gouvernements à respecter les normes internationales en la matière. Nos collègues des secteurs géographiques de l'administration centrale, ainsi que ceux qui oeuvrent dans nos missions diplomatiques à l'étranger sont bien entendu les meilleures sources de renseignements et d'expertise pour ce qui est des conseils à donner dans ce genre de cas. Nous sommes accompagnés aujourd'hui de M. George, un représentant éminent de cette catégorie de personnes.

Ceci ne veut pas dire que les secteurs géographiques élaborent des conseils dans le domaine des droits de la personne dans un isolement complet; c'est là qu'intervient notre direction, elle est chargée de conseiller nos collègues sur les questions relatives aux droits de la personne et de veiller à ce que l'on applique de façon efficace et constante les orientations du gouvernement dans ce domaine.

D'une façon générale, je crois que cela fonctionne très bien, en particulier, parce que la haute direction et les ministres exigent que les avis qu'on leur communique reflètent à la fois la position des secteurs géographiques et celle du secteur des politiques du ministère, mais aussi parce que les fonctionnaires du ministère reconnaissent tous l'importance qu'accorde aux droits de l'homme et à la démocratie la politique étrangère du Canada.

Je pourrais peut-être mentionner un aspect des responsabilités de ma direction qui a, je crois, contribué avec le temps à renforcer cet engagement de la part du ministère; il s'agit des programmes de sensibilisation aux droits de la personne qui sont offerts deux fois par an - trois jours de formation intensive dans le domaine des droits de la personne - qui sont offerts à un large éventail de fonctionnaires du ministère. Depuis 1988, plus de 700 fonctionnaires ont participé à ces programmes.

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Il y a un autre facteur; parmi les tâches qu'exécutent les missions à l'étranger, le ministère accorde une grande priorité aux rapports que celles-ci doivent préparer au sujet des droits de la personne, et ce, de façon systématique et régulière.

Quant à notre collaboration avec l'ACDI, je crois que les fonctionnaires de l'ACDI n'ont pas pu se joindre à nous aujourd'hui mais vous allez, je crois, les rencontrer un autre jour.

Du point de vue des Affaires étrangères, l'ACDI joue un rôle essentiel au sein du gouvernement dans la promotion des droits de la personne à l'étranger. L'énoncé de politique étrangère du mois de février accordait une grande importance au rôle que pouvait jouer l'aide au développement pour favoriser les droits de la personne, notamment grâce à des initiatives dans le domaine de la sensibilisation aux droits de la personne, le développement des institutions démocratiques et le renforcement des tribunaux, par exemple. Bien entendu, les droits de la personne constituent l'une des six priorités que visent les programmes de l'ACDI.

Les membres de notre direction sont en contacts fréquents, voire quotidiens, avec les fonctionnaires de la Direction générale des politiques de l'ACDI. Ces contacts sont complétés par des rencontres régulières, une fois par mois au moins, entre notre direction et celle des politiques. Je crois que l'on peut dire que les contacts qui existent entre nos secteurs géographiques et leurs homologues de l'ACDI jouent un rôle clé dans ce domaine. Lorsqu'il s'agit de mettre sur pied des projets ou des programmes majeurs dans certaines régions, l'ACDI travaille en étroite collaboration avec ses collègues des Affaires étrangères, comme M. George.

Je tiens également à mentionner rapidement qu'il existe d'autres mécanismes plus officiels qui ont pour but de veiller à l'harmonisation de nos politiques avec celles de l'ACDI. Un de ces principaux mécanismes est le comité de coordination des politiques du sous-ministre qui a été créé à la suite de l'examen de la politique étrangère. Ce comité comprend le sous-ministre des Affaires étrangères, le sous-ministre du Commerce international et le président de l'ACDI. Il se réunit très fréquemment. Ils essaient de se réunir une fois par semaine mais ils se rencontrent au moins plusieurs fois par mois pour discuter de questions d'intérêt mutuel. Enfin, notre sous-ministre des enjeux globaux est le coprésident d'un groupe de coordination des politiques où siège le vice-président des politiques de l'ACDI. Ce groupe tient des réunions selon les besoins, en veillant à ce que les sous-ministres disposent de tous les éléments nécessaires pour prendre leurs décisions.

Pour ce qui est des processus mis au point par les Nations Unies pour promouvoir et protéger les droits de la personne, le gouvernement a clairement indiqué depuis deux ou trois ans qu'il considère que ce sont les organismes multilatéraux, et en particulier les Nations Unies, qui sont souvent les mieux placés pour amener les gouvernements à respecter les droits de la personne. C'est un secteur où, à la différence des relations bilatérales, la Direction des droits de la personne et de la justice jouent un rôle de chef de file, tant sur le plan opérationnel que sur celui de l'élaboration de conseils en matière d'orientation.

Je crois savoir qu'on a déjà remis aux membres de ce comité des documents portant sur ce sujet, et je vais donc essayer d'être bref dans mes remarques liminaires.

On a fait circuler un organigramme qui est fort instructif. Il fait ressortir deux aspects très importants des organismes des Nations Unies qui s'occupent des droits de la personne. Le premier est que cette structure est fort complexe et très bureaucratique, même selon les normes de l'ONU.

C'est ce qui ressort très clairement de la deuxième page où l'on retrouve toute une série de fonds, de rapporteurs, de groupes de travail et d'experts qui ont été créés sous l'égide de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Cela s'explique, en grande partie, par la façon dont ce système a évolué. Pratiquement tous les rapporteurs ou les groupes de travail qui figurent sur cet organigramme sont le résultat d'une bataille très difficile sur le plan politique qui s'est livré à un moment donné devant les Nations Unies au cours des 10 à 15 dernières années. Ce système a été construit progressivement par une succession d'actions prises par des gouvernements comme le Canada qui ont fait nommer un rapporteur, fait surveiller la situation des droits de la personne dans un pays donné, comme l'Iran, ou fait étudier l'ampleur d'un phénomène particulièrement cruel, comme la torture.

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La création en 1993-1994 du Bureau du Haut-commissaire des droits de l'homme des Nations Unies constitue une mesure importante qui permettra, on le souhaite, de rationaliser cette structure. Le Canada espère qu'en confiant à ce bureau une large mission de coordination des activités de l'ONU dans le domaine des droits de la personne, l'action de l'ONU verra son effet global renforcé, au-delà de la somme de ses composantes.

Le deuxième aspect qui ressort de cet organigramme, en particulier de la première page, est que les droits de la personne sont devenus une priorité pour un très large éventail d'organismes des Nations Unies, depuis la Commission sur les droits de l'homme, jusqu'au Conseil économique et social, à l'assemblée générale et même, au Conseil de sécurité.

Un élément important de ces dernières années a été le déclenchement plus fréquent d'opérations décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU, comme celles qui ont visé le Salvador, le Cambodge, Haïti et la Yougoslavie - toutes ces opérations comportaient un volet surveillance des droits de la personne et des activités connexes.

Dans son énoncé de politique étrangère de février dernier, le gouvernement a clairement fait connaître toute l'importance qu'il accordait à la nécessité de s'attaquer aux origines des conflits. Bien souvent, ces origines se trouvent dans la violation des droits de la personne. Le renforcement des organismes des Nations Unies qui oeuvrent dans le domaine des droits de la personne est le principal aspect de l'action du gouvernement auprès des Nations Unies et sous ce rapport, nous attachons, là aussi, une grande priorité à l'aide fournie au nouveau haut-commissaire pour qu'il puisse former son bureau et avoir accès aux ressources dont il a besoin pour remplir sa mission.

Les deux principales instances publiques des Nations Unies où l'on débat des grandes orientations dans le domaine des droits de la personne et où l'on discute des violations de ces droits sont la Commission des droits de l'homme et le troisième comité de l'assemblée générale.

Le troisième comité est sur le point de tenir sa réunion annuelle sur les droits de l'homme et la délégation canadienne à New York va s'efforcer activement de faire adopter des résolutions concernant toute une série de pays et des questions d'orientation.

Pour ce qui est de la Commission des droits de l'homme, dont est membre le Canada, elle va commencer en mars une session de six semaines et la délégation canadienne à la commission sera dirigée par notre ambassadeur auprès du Saint-Siège, Léonard Legault. Il serait certainement très heureux de rencontrer les membres du sous-comité lorsqu'il reviendra au Canada au printemps en vue de se préparer pour cette mission. C'est une pratique que nous avons suivie avec les formations antérieures de ce sous-comité, et nous serions très heureux de la poursuivre si le comité le souhaite.

Avant de terminer avec l'ONU, je tiens à mentionner un autre aspect important des efforts déployés par le Canada pour encourager, au sein de l'ONU, les autres pays à respecter les droits de la personne; c'est notre décision d'inviter les autres pays à évaluer et à examiner notre propre dossier dans le domaine des droits de la personne - celui du Canada.

Le Canada est partie aux six grandes conventions qui traitent des droits de la personne. Vous voyez, dans la colonne du milieu de l'organigramme numéro 1, les six comités chargés de surveiller ces conventions. En tant que partie à ces conventions, nous présentons régulièrement des rapports sur notre performance dans le domaine des droits de la personne, dans le cadre des obligations qu'assume le Canada aux termes de ces diverses conventions.

Nous préparons ces rapports en collaboration étroite avec les représentants des ministères fédéraux concernés ainsi que des gouvernements provinciaux. Une bonne partie des obligations que nous assumons aux termes de ces conventions relève de la compétence des provinces et nous sommes ainsi amenés à travailler très étroitement avec celles-ci pour préparer nos rapports, les présenter à ces comités et y défendre le Canada.

C'est un aspect des mécanismes de l'ONU en matière de défense des droits de l'homme auxquels le gouvernement accorde une grande importance. Je crois que le fait que le Canada participe à ces processus renforce sa crédibilité lorsqu'il demande à d'autres pays de respecter les normes internationales en matière des droits de la personne.

Madame la présidente, le troisième sujet sur lequel le comité souhaite recevoir de l'information est celui des consultations avec les organismes non gouvernementaux canadiens.

Le ministère procède depuis longtemps à ce genre de consultation. Dans son énoncé de politique étrangère du début de l'année, le gouvernement a insisté sur son intention d'étendre cette pratique à d'autres secteurs.

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Adèle Dion possède une expérience considérable des ONG canadiens qui travaillent dans le domaine des droits de la personne. Si vous le permettez, je vais demander à Adèle de nous dire quelques mots.

La présidente: Je vous en prie.

Mme Adèle Dion (directrice adjointe, Direction des droits de l'homme et de l'égalité internationale des femmes, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.

Notre direction est chargée de coordonner une vaste gamme de consultations portant sur les aspects internationaux des droits de la personne. Comme l'a mentionné Ross, c'est nous qui jouons le rôle de chef de file au sein du ministère, mais il y a d'autres directions qui y participent activement - nos collègues des secteurs géographiques et des autres directions du ministère.

Les contacts que nous avons avec les organismes non gouvernementaux peuvent prendre diverses formes. Il peut s'agir de présenter des allocutions sur les questions reliées aux droits de la personne à divers groupes, ou de rencontrer régulièrement des organismes comme Amnistie internationale et beaucoup d'autres, et bien entendu, d'organiser et de tenir la consultation annuelle de deux jours qui a lieu tous les ans avant la réunion de la Commission des droits de l'homme...

Cette consultation annuelle de deux jours a lieu depuis 1988, et elle est devenue aujourd'hui un rendez-vous traditionnel. Y participent près de 200 organismes non gouvernementaux canadiens qui se consacrent à la défense des droits de la personne, ainsi que des universitaires et des agences comme le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, le Conseil du travail du Canada, le Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne de l'Université d'Ottawa, l'Institut Nord-Sud, le CRDI et la Commission canadienne des droits de la personne.

Cette rencontre annuelle porte principalement sur les sujets dont s'occupe la Commission des droits de l'homme mais elle porte également sur les objectifs que poursuit le Canada devant les instances multilatérales, ce qui n'empêche pas les organismes présents de profiter de l'occasion pour aborder des questions bilatérales avec les fonctionnaires du ministère qui assistent à ces consultations.

Au cours de ces deux journées, on utilise divers formats de discussion. Il y a l'assemblée plénière officielle qui ouvre la consultation et au cours de laquelle le ministère des Affaires étrangères et les secrétaires d'État présentent des allocutions ou répondent aux questions. Il y a ensuite les groupes de travail qui sont présidés par des membres de notre direction et qui examinent les situations qui prévalent dans certains pays. Ces groupes se subdivisent encore en tables rondes qui portent sur des pays particuliers, comme le Rwanda.

Cette réunion se prête également à la tenue de conversations bilatérales non officielles entre les membres des organismes non gouvernementaux et les ministres, les hauts fonctionnaires et les autres participants.

Je devrais également mentionner qu'en plus de cette consultation annuelle sur les droits de l'homme qui se tient sous les auspices de notre ministère, le réseau canadien des ONG travaillant dans le domaine des droits de la personne organise chaque année deux autres réunions d'importance moindre. La date fixée pour ces réunions s'harmonise avec le calendrier des activités de l'ONU. Au cours de la réunion du printemps, nous donnons un compte rendu des délibérations de la Commission des droits de l'homme et discutons des décisions qui ont été prises par elle. En automne, nous nous préparons à la réunion du troisième comité de l'assemblée générale, tout en analysant les décisions prises au cours de conférences mondiales récentes ou les autres grands événements mis sur pied par l'ONU ou les autres instances multilatérales.

Je pense que je vais m'arrêter ici. Nous serons très heureux de répondre aux questions s'il y en a.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur George, voulez-vous présenter un exposé?

M. George: Merci.

Je vous demande d'être indulgent avec moi parce que je reviens aujourd'hui après quatre jours de maladie, ce qui m'a empêché de vous communiquer certains documents que j'aurais aimé préparer lundi. Donc, si je n'ai pas l'air d'avoir tous mes esprits, c'est sans doute vrai. Mais vous saurez au moins pourquoi. Je peux peut-être ajouter que je n'entends pas très bien. Je vous demande donc d'en tenir compte.

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Je suis très heureux que le comité s'intéresse au Nigeria. C'est un cas intéressant parce qu'il permet de voir certaines choses dont ont parlé Ross Hynes et Adèle Dion. J'aimerais saisir l'occasion pour prendre acte de l'intérêt que manifeste le comité pour ce sujet et de l'appel qu'a lancé vendredi Bill Graham en faveur du défenseur des droits de l'homme Ken Saro-Wiwa. Cela a été transmis, le comité est donc tout à fait à jour sur cette question.

Je ne pense pas qu'il soit très utile d'essayer de deviner ce qui va se produire au Sommet du Commonwealth. Tous les principaux acteurs y sont. Le rideau va se lever. Une rencontre entre 52 premiers ministres a sa propre dynamique. Les avis qu'ont pu fournir les conseillers ne vont pas influencer nécessairement les décisions. Je crois qu'il faut attendre mais nous pouvons tout de même parler de la situation qui règne au Nigeria et de ce que le Canada a fait sur une base bilatérale, en particulier depuis deux ans.

Pour donner un aperçu rapide de la situation, on peut dire qu'en janvier prochain, le Nigeria aura été gouverné par les militaires pendant 30 ans; le premier chef militaire a pris le pouvoir en janvier 1966. Je ne vais pas vous ennuyer avec cette longue succession de chefs militaires mais je vais tout de même signaler que le Nigeria a connu un interlude démocratique qui a duré trois ans et demi au début des années 1980, avant que les militaires ne reprennent le pouvoir. C'est le général Olusegun Obasanjo, le chef militaire à l'époque, qui a effectivement remis les rênes du pouvoir à un successeur élu démocratiquement. Jusqu'ici, c'est le seul qui ait réussi à le faire.

L'autre aspect qu'il faut mentionner est la guerre civile du Biafra. Vous vous souvenez peut-être que cela s'est produit à la fin des années 60. Elle a duré pendant deux ans et demi et a fait plus d'un million de morts, mais personne ne connaît le chiffre exact. Cela a été une guerre plutôt horrible.

Si l'on accélère un peu pour arriver à ce qui s'est produit il y a quelques années, le chef militaire, le général Ibrahim Babangida, s'est engagé sur la voie de la démocratisation en 1988. Il a fait adopter une constitution en 1989. Il y a eu des élections locales municipales en 1990. En 1991, il y a eu des élections au niveau des États. Les élections au Parlement ont eu lieu en 1992 et ont été suivies en 1993 par les élections présidentielles.

Les élections présidentielles de juin 1993 ont peut-être été les plus propres qu'ait connu le Nigeria et le Canada avait envoyé des observateurs sur place. Il y avait deux candidats: le chef Moshood Abiola et Bashir Othma Tofa. Les chiffres non officiels mais pratiquement complets donnaient Abiola gagnant avec plus de 58 p. 100 des votes, il était vainqueur dans 20 des 30 États, ainsi que dans le territoire de la capitale fédérale. Il était même sorti gagnant dans les bureaux de votes militaires et dans l'État d'origine de son adversaire. La participation au scrutin n'a pas été très élevée si on la compare à ce qui s'est produit au référendum du Québec mais cette participation a été assez forte d'après les normes de l'Afrique de l'Ouest. Elle a été d'environ 40 p. 100.

Cette élection devait conclure le programme de transition préparé par Babangida; cependant, avant qu'on ait pu proclamer les résultats officiels, le régime militaire a décidé d'annuler les élections et d'invalider les résultats. Cela a suscité de vives protestations tant au Nigeria qu'à l'étranger. Babangida a constaté qu'il ne pouvait se maintenir au pouvoir et il a passé le pouvoir à un gouvernement civil de transition dirigé par le chef Ernest Adegunle Shonekan, qui n'a jamais vraiment réussi à reprendre les choses en main. Il s'en est suivi trois mois de troubles et de dérapages, qui ont pris fin lorsque le général Sani Abacha, qui avait été le ministre de la défense de Babangida - il avait été en fait un des acteurs clés de tous les coups d'État qui s'étaient succédé depuis 1983 - prit le pouvoir en son propre nom en novembre 1993.

La première chose qu'a fait Abacha a été d'abolir tous les organismes qui avaient été élus sous le gouvernement Babangida, jusqu'au niveau municipal et au niveau des partis de bandes. Il a ainsi anéanti tous les efforts de démocratisation.

Je pense qu'il serait bon à ce point-ci de distinguer ce que Abacha a fait sur le plan de la démocratisation de ce qu'il a fait sur celui des droits de la personne. Pour ce qui est de la démocratisation, il a présenté un programme qui est presque la copie conforme de celui de Babangida. Il a convoqué une conférence constitutionnelle en 1994, dont un tiers des participants étaient nommés, et les autres, élus. Je crois que la participation des électeurs à cette élection a été inférieure à 10 p. 100, ce qui montre je crois comment la considère la population du Nigeria.

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Il y a un mois, le jour de la fête nationale du Nigeria, le 1er octobre, le général Abacha a présenté un plan de transition de trois ans qui lui permettrait de conserver le pouvoir jusqu'en octobre 1998. Selon ce plan, le Nigeria devra organiser à nouveau des élections locales, des élections dans les États, des élections parlementaires et des élections présidentielles, et s'attaquer à toute une série de tâches comme l'énumération des électeurs, des nominations, voire la création de nouveaux États, qui pourraient déboucher sur de longues discussions et des retards. On peut dire que ce programme de transition est à peu près certainement voué à l'échec, si ce n'est pas là l'intention initiale.

Sur le plan des droits de la personne, on peut comparer la façon de procéder d'Abacha à celle d'un bulldozer, qui consiste à écraser tout ce qui se trouve sur son chemin. Après avoir démantelé intégralement les structures politiques mises en place par Babangida, il a emprisonné Abiola au printemps 1994, et Abiola l'est toujours. C'est l'homme qui avait gagné l'année d'avant ce qui semble bien avoir été des élections libres et démocratiques.

Au cours de l'été 1994, des chefs syndicalistes ont déclaré une grève très dure, en particulier dans le secteur pétrolier. Il a fallu deux mois à Abacha pour y mettre fin, et lorsqu'il y est parvenu, il a démantelé complètement la direction des syndicats. Des douzaines de syndicalistes ont été envoyés en prison et les syndicats eux-mêmes ont été supprimés.

À la même époque, il brutalisait la minorité ogoni de la région du delta où se trouvent les richesses d'hydrocarbures du Nigeria. Leur chef, Ken Saro-Wiwa, dont vous avez peut-être entendu parler dans les nouvelles dernièrement, a été arrêté sans qu'on l'accuse de quoi que ce soit en mai 1994. Il a finalement subi son procès cette année pour des accusations de complot en vue d'assassiner des rivaux ogonis. Il a été jugé par un tribunal militaire. Le procès n'a pas eu lieu à huis clos; des observateurs diplomatiques du Canada et d'autres pays ont assisté à certaines audiences. La semaine dernière, il a été déclaré coupable avec huit de ses partisans et ils ont été condamnés à mort, même si le juge a lui-même reconnu que Saro-Wiwa n'était pas directement responsable des meurtres puisqu'il se trouvait, au moment où ils ont été commis, à quelque 20 kilomètres de là. Je viens d'apprendre cet après-midi que le Conseil provisoire, l'organe suprême du régime militaire, a révisé et confirmé ces sentences. Il est impossible de savoir quand elles vont être mises à exécution. Il est déjà arrivé qu'elles soient exécutées peu après qu'elles aient été confirmées.

J'ai oublié de mentionner un élément très important sur le plan des droits de la personne. J'ai dit que le général Obasanjo était le seul chef militaire qui ait réussi à remettre le pouvoir à un gouvernement civil. Obasanjo, un autre candidat à la présidence Shehu Yar'adua, qui était également le vice-président d'Obasanjo et 40 autres personnes ont été emprisonnées au printemps accusées d'avoir comploté contre le gouvernement et jugées par un tribunal militaire siégeant à huis clos. On n'a jamais apporté publiquement de preuves établissant qu'un tel complot ait vraiment existé. Le Canada et d'autres pays étrangers ont lancé de nombreux appels à la clémence en faveur des participants au complot. Il a été rapporté, ce qui n'a toutefois jamais été confirmé, que le tribunal avait condamné à mort 14 personnes, et condamné à de longues peines d'emprisonnement un bon nombre d'autres personnes.

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C'est dans le cadre de son discours qu'il a donné le jour de la fête nationale, le 1er octobre, que le général Abacha a finalement donné suite aux demandes faites en ce sens et qu'il a commué ces peines. Il n'y aura pas d'exécutions mais les peines vont tout de même de 15 ans de prison à perpétuité, elles sont donc assez lourdes.

Parlons un peu de ce qu'a fait le Canada à ce sujet. Nous avons envoyé sur place des observateurs pour les élections présidentielles de 1993 et avons pris des mesures immédiatement après. Nous avons condamné l'annulation de ces élections. Nous avons reçu à Ottawa Moshood Abiola cet été-là. Certaines personnes s'en souviennent peut-être. Il est venu ici, il a rencontré des parlementaires représentant les principaux partis canadiens vers le jour de la Fête du travail en 1993.

Nous avons annulé la visite que devait faire au Canada des représentants de l'Institute for Strategic Studies, nous avons suspendu l'aide à la formation des militaires et des policiers, nous avons annulé un projet de visite de l'inspecteur général de la police et refusé de donner suite à une demande en vue de négocier avec le Nigeria un accord sur la protection des investissements.

Depuis la prise du pouvoir par le général Abacha en novembre 1993 et la suppression de toutes les structures politiques, nous avons pris plusieurs autres mesures. Nous avons refusé des visas à des membres de l'État-major et à des ministres nigériens, notamment pour les Jeux du Commonwealth tenus en août 1994 à Victoria. Un groupe de dirigeants nigériens a fait connaître son désir d'y assister mais le Canada a refusé de leur accorder des visas. Seuls les athlètes et leurs entraîneurs ont pu obtenir des visas.

Nous avons également refusé d'autoriser l'exportation vers le Nigeria de produits se prêtant à un usage militaire. Nous avons demandé à plusieurs reprises la libération d'Abiola et en avons fait un préalable à toute discussion. Nous avons ramené les relations bilatérales au niveau du haut-commissaire adjoint. Cela vaut maintenant dans les deux directions; les deux pays sont représentés par leur haut-commissaire adjoint. Nous avons refusé d'accueillir, comme cela était prévu, une réunion de la Canada-Nigeria Joint Economic Commission et nous avons cité des cas d'abus commis au Nigeria dans plusieurs discours portant sur les droits de la personne donnés devant des organismes des Nations Unies.

Nous avons coparrainé une résolution des Nations Unies sur les droits de la personne au Nigeria, qui a été examinée par la Commission des droits de l'homme en mars dernier. Je pense que c'est la première fois qu'on présentait une résolution sur la question des droits de l'homme au Nigeria depuis la guerre civile qu'a connue ce pays. Malheureusement, cette résolution a été défaite, même si nous l'avons coparrainée. Je crois qu'il y a eu 17 votes en faveur, 21 contre - pour la plupart des pays africains - et 15 abstentions. Un vote assez serré comme celui-ci pourrait basculer à l'avenir. Bien entendu, nous avons également refusé d'accréditer les nouveaux attachés militaires nigériens à Washington.

Nous n'avons pas uniquement pris des mesures visant les militaires et le gouvernement en général, nous avons également tenté d'encourager de diverses façons les démocrates nigériens. Nous avons financé certains projets mis sur pied par leurs organisations. Nous avons fait venir au Canada plusieurs de ces personnes pour leur offrir une formation auprès de la Fondation canadienne des droits humains. Nous avons intercédé à de nombreuses reprises en faveur de défenseurs des droits de la personne emprisonnés et nous avons fait venir au Canada cinq de ces défenseurs les plus connus qui ont visité diverses villes canadiennes.

Le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique a attribué en décembre son prix de la liberté à la campagne nigérienne en faveur de la démocratie. Femi Falana est venu accepter le prix et a visité plusieurs villes, notamment certaines villes de l'Ouest, à cette époque. Il a été ensuite arrêté pour avoir quitté illégalement le Nigeria mais il n'est pas resté très longtemps en prison.

Un peu avant cela, nous avons accueilli le rédacteur du principal quotidien du Nigeria, The Guardian, qui était interdit à l'époque mais qui a été depuis autorisé à reparaître. En avril, nous avons reçu le fils de Ken Saro-Wiwa. Ken Wiwa est venu ici; il s'est rendu à Toronto, à Ottawa et à Montréal et il a été reçu par Mme Stewart. Il se trouve maintenant en Nouvelle-Zélande pour le Sommet du Commonwealth.

En juin, nous avons reçu le prix nobel du Nigeria, Wole Soyinka, qu'il a obtenu en 1986 dans la catégorie littérature. Il a été le premier prix nobel africain jusqu'à ce que Nadine Gordimer s'en voit attribuer un. Nous l'avons accueilli ici en juin pour commémorer le deuxième anniversaire des élections présidentielles annulées. Il a été interviewé par les médias. Il a rencontré Mme Stewart. Il a également rencontré, je crois, plusieurs députés. Il a été présenté à la Chambre au cours de la période des questions.

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Christine Stewart a fait une déclaration à la Chambre cette même semaine pour marquer cet anniversaire et les gestes posés par le Canada. Je crois que cela remonte au 15 juin.

La présidente: Je ne voudrais pas vous interrompre mais nous avons tant de questions à poser et la cloche va sonner à 5 heures, pourriez-vous...?

M. George: J'ai presque terminé.

La présidente: Je sais que nous avons tous beaucoup de questions à poser et je crois que certains membres du comité ont très hâte de passer aux questions.

M. George: Christine Stewart a lancé un appel à la clémence en faveur des participants au complot du mois de juillet et la semaine dernière, elle a écrit au ministère des Affaires étrangères du Nigeria en faveur de Ken Saro-Wiwa; elle a également publié un autre communiqué de presse sur ce sujet.

Je crois que l'on peut dire que le Canada est intervenu aussi énergiquement que l'ont fait les autres pays occidentaux et qu'il s'est acquis une grande crédibilité auprès du mouvement démocratique du Nigeria ainsi qu'au sein du Commonwealth.

Les mesures que nous allons prendre à l'avenir vont être fonction de l'évolution de la situation au Nigeria. Nous sommes prêts à prendre acte des améliorations s'il s'en produit, et si ce n'est pas le cas, nous allons également devoir en tenir compte.

Merci.

La présidente: Monsieur Graham.

M. Graham (Rosedale): Monsieur George, nous avons dit que M. Saro-Wiwa avait été déclaré coupable et que sa sentence avait été confirmée par le conseil militaire. Cela veut-il dire qu'il existe encore un appel devant le chef d'État ou est-ce que tous les appels officiels sont maintenant épuisés?

M. George: Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que le Conseil provisoire est l'organe officiel de dernier ressort. Il peut confirmer une sentence de mort mais le chef d'État a toujours le droit d'exercer son pouvoir de clémence. En pratique, on peut toujours intercéder auprès de lui, tant que la sentence n'a pas été exécutée.

M. Graham: On peut donc s'attendre à ce que ce sujet soit discuté au Sommet du Commonwealth avec le chef d'État du Nigeria, qui va y assister, du moins je le pense.

M. George: Je suis certain qu'il y a des discussions sur ce point.

On nous a dit que le chef d'État y assisterait mais il a toujours une porte de sortie puisqu'on a ajouté «à moins qu'il se produise quelque chose». Franchement, d'après les milieux autorisés de Lagos, il n'y assistera pas. Cette année, il n'a assisté à aucune autre réunion multilatérale, même à celles qui se tenaient en Afrique.

Il est probable qu'il n'y assistera pas et que le Nigeria serait représenté par le chef Tom Ikimi, le ministre des Affaires étrangères. Mais cela n'est pas encore certain. Les gens sont encore en train d'arriver, comme notre premier ministre.

M. Graham: J'aimerais passer maintenant à des questions plus générales.

Vous avez parlé de la conférence du Commonwealth. Nous avons reçu le Secrétaire général du Commonwealth. Je crois que certains membres du comité ont déjeuné avec lui tout récemment, lors de son passage à Ottawa.

Avez-vous l'impression que le Commonwealth va s'intéresser aux questions des droits de la personne davantage qu'il ne l'a fait jusqu'ici et même faire d'un bon dossier dans ce domaine une condition pour demeurer au sein du Commonwealth? Est-ce que le gouvernement s'efforce activement d'amener le Commonwealth à adopter une attitude plus agressive à ce sujet?

M. Hynes: Je vais commencer par dire que je crois que l'intention initiale était de discuter de façon plus détaillée du Sommet du Commonwealth mais, étant donné que la plupart des gens qui sont vraiment au courant de ce qui se passe dans ce domaine assistent en ce moment à une réunion du gouvernement, nous avons décidé de remettre cela à plus tard.

La présidente: Nous avons prévu d'inviter les personnes qui ont assisté au Sommet du Commonwealth.

M. Graham: Très bien. Pourquoi ne pas retirer ma question?

M. Hynes: Je peux vous donner quelques informations générales si cela vous intéresse. C'est comme vous voulez.

La Déclaration de Harare qui remonte à la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth de 1991 est un nouvel énoncé moderne des buts et des objectifs du Commonwealth. Les droits de la personne, la démocratie et le principe de légalité figurent en haut de la liste des priorités et cela a amené la création de certains programmes au sein du Commonwealth dans le domaine des droits de la personne. Je pense que Paul LaRose-Edwards va vous en parler.

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Les modalités de la mise en oeuvre de la Déclaration de Harare figurent certainement à l'ordre du jour du Sommet de cette année et le Canada s'est efforcé avec le Secrétaire général et les pays intéressés d'étoffer les engagements découlant de cette déclaration - en leur donnant un peu plus de mordant - et d'identifier les mesures que pourrait prendre cette institution lorsque certains pays s'éloignent de la démocratie. Il est très difficile de savoir sur quoi va déboucher cette opération mais c'est un point important de l'ordre du jour du Sommet qui se tient en Nouvelle-Zélande et je suis sûr que nous allons en apprendre davantage lorsque la délégation reviendra.

La présidente: Monsieur Morrison.

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Monsieur George, je me demande si la triste histoire de ces trois ou quatre dernières années ne s'explique pas par le fléau que représente le nationalisme ethnique. Les généraux ne sont-ils pas dans l'ensemble des gens du Nord et Abiola, par exemple, un homme du Sud? Quelle est la situation?

M. George: C'est en fait la situation. Les généraux viennent du Nord. Babangida et Abacha sont des gens du Nord. Abiola vient du Sud, mais l'une des raisons de sa popularité à l'échelon national vient du fait qu'il est un musulman du sud, de sorte qu'il est populaire dans le Nord, région principalement musulmane, tout autant que dans le Sud parce qu'il est de la tribu des Yorubas. Je crois que c'est un des facteurs qui lui a permis d'obtenir la majorité dans certains de ces États.

M. Morrison: Que lui reprochait donc Babangida? C'est lui qui avait déclenché les élections. Il souhaitait certainement que quelqu'un soit élu président. Quelle était la difficulté?

M. George: Il n'est pas sûr qu'il ait vraiment voulu que l'on élise un président, parce qu'il a fixé un seuil très élevé en exigeant que le candidat élu ait l'appui de l'ensemble de la nation. Selon une interprétation, et ce n'est que cela, il s'attendait vraiment à ce qu'aucun des candidats ne réussisse à obtenir un appui national et qu'il soit donc obligé d'annuler les élections et de conserver le pouvoir.

Mais étant donné qu'un des candidats a rempli les conditions imposées, il a été obligé d'annuler les élections.

M. Morrison: Je vois.

La présidente: Paul LaRose-Edwards est l'ancien directeur des droits de la personne du Secrétariat du Commonwealth.

Dites-nous quelques mots, si vous le voulez et nous pourrons ensuite poser des questions. Nous allons nous adresser à tous les témoins.

M. Paul LaRose-Edwards (conseiller international en matière des droits de la personne): Je n'étais pas sûr que le comité souhaite m'entendre aujourd'hui. J'ai des notes concernant un certain nombre de sujets et je vais donc être bref. Je serais très heureux de vous parler en détail du Commonwealth, même si mes commentaires vont vous faire comprendre que je ne pense pas qu'il soit vraiment possible d'obtenir des résultats au sein de cette organisation, dont le dossier n'est pas très bon dans ce domaine.

Très rapidement, je vais vous dire ce que j'ai fait pour que vous sachiez quel genre de questions vous pourriez me poser. Je suis resté quatre ans au Secrétariat du Commonwealth où je dirigeais leur section des droits de la personne. Auparavant, j'ai travaillé dans une série de postes où je m'occupais de droits de la personne. J'ai travaillé avec Amnistie internationale. J'ai travaillé pour le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Depuis que je suis revenu de Londres, j'ai travaillé dans divers secteurs et effectué quelques études pour les Affaires étrangères sur l'aspect droits de la personne des opérations de maintien de la paix de l'ONU sur le terrain et donné quelques cours sur les droits de la personne et le maintien de la paix au Pearson Peacekeeping Centre. Je viens de terminer une étude pour la Commission d'enquête sur la Somalie, dans laquelle j'ai examiné le genre d'instruction non traditionnelle que l'on peut donner aux soldats chargés d'opérations de maintien de la paix - en d'autres termes, tous les sujets sauf la formation au combat, en particulier les questions reliées aux droits de la personne.

Voilà une partie de mes antécédents. C'est peut-être suffisant. Vous souhaitez peut-être passer immédiatement aux questions, parce que vous n'avez pas beaucoup de temps, et je ne connais pas très bien votre ordre du jour.

La présidente: Cela me convient parce qu'il demeure un certain nombre de questions qui, pour moi du moins, ne sont pas encore très claires. Nous allons peut-être y arriver.

Monsieur English, voulez-vous commencer?

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M. English (Kitchener): Oui, merci madame la présidente.

Je voudrais revenir sur le sujet du Commonwealth et des droits de la personne qu'a abordé M. Graham et signaler que nous avons reçu le Secrétaire général ainsi que des parlementaires britanniques qui nous ont dit que les droits de la personne étaient peut-être la raison d'être du Commonwealth.

Il y a des antécédents dans ce domaine et il y a également certaines possibilités, je pense, pour ce qui est du Nigeria. Mais vous venez de dire que vous ne pensiez pas que cela risque de déboucher et je me demande si vous pourriez expliquer un peu ce commentaire.

M. LaRose-Edwards: L'arrivée du nouveau secrétaire général, le chef Emeka Anyaoku, en 1990, a suscité beaucoup d'espoir, parce que l'on s'attendait à ce qu'il s'intéresse sérieusement à la question des droits de la personne. Le secrétaire général qui l'avait précédé faisait de très beaux discours sur les droits de la personne mais en fait, il n'y était guère favorable. On pensait par contre qu'Emeka Anyaoku était un homme intègre et qu'il tenterait d'obtenir des résultats.

Ce n'est pas ce qui s'est produit en fait et si l'on examine les déclarations émanant des réunions du Commonwealth depuis les débuts, depuis les années 1960, et bien entendu, au cours des années 1970 et 1980, on constate que ces réunions ont débouché sur des déclarations d'un assez bon niveau mais dépourvues de toute efficacité. Je crois que la Déclaration de Harare est une autre manifestation de ce phénomène. À chaque sommet des chefs de gouvernement du Commonwealth, on publie un communiqué, qui est le principal document, et de temps en temps, comme cela s'est fait à Harare, une déclaration, qui est un document supplémentaire.

Si vous examinez le volet droits de la personne du communiqué de Harare, qui a été publié à une époque où l'on accordait une importance renouvelée aux droits de la personne, vous constaterez que cette déclaration est plus faible que celle qu'avait fait les chefs de gouvernement lors de la réunion précédente tenue à Kuala Lumpur et qu'ils n'avaient toujours pas mis en place des mécanismes favorisant l'application de cette déclaration.

Par exemple, dans la plupart des communiqués, on demande aux pays de ratifier les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels. On a tenté d'insérer dans le communiqué de 1991 une clause qui avait pour effet de charger le secrétaire de faire rapport, lors de la prochaine réunion des chefs de gouvernement, sur les progrès réalisés sur ce point. Autrement dit, cela revenait à avertir en douceur certains pays que leur attitude sur ces questions serait désormais surveillée et qu'on les invitait à donner suite à cette demande de ratifier ces documents internationaux.

Cette clause n'a pas figuré dans le communiqué. Elle a été écartée très rapidement. On a tenté de l'ajouter par la suite, mais en vain. Je crois que cela indique que le Commonwealth n'a en réalité pas fait grand-chose dans le domaine des droits de la personne.

J'ai distribué un petit document que je remets à ceux qui suivent un cours que je donne à l'ACDI sur les programmes axés sur les droits de la personne et dans lequel j'indique qu'il est très difficile de faire progresser les droits de la personne à l'intérieur d'un OIG - un organisme intergouvernemental - comme le Commonwealth, la Francophonie, ou même les Nations Unies. Je crois qu'il faut choisir avec beaucoup de soin les organismes grâce auxquels nous voulons faire progresser les choses. Je crois que les Nations Unies offrent des possibilités, ce qui n'est pas le cas du Commonwealth.

La présidente: D'après vous, il ne sert pas à grand-chose d'intervenir auprès du Commonwealth?

M. LaRose-Edwards: Non. Cela prend beaucoup de temps et d'efforts. Il est un peu contradictoire d'essayer de faire progresser les droits de l'homme à l'intérieur d'un OIG parce que les membres sont des États, et que les gouvernements font invariablement partie du problème, ce qui complique beaucoup les choses. C'est une erreur fondamentale sur le plan des principes que de croire que ces organismes vont faire davantage dans le domaine des droits de la personne.

Il faut fournir beaucoup de temps et d'efforts, comme Ross et Adèle le savent, avant d'obtenir le moindre résultat au sein des Nations Unies. Mais cet organisme est tellement central à ce que nous faisons sur le plan international que cela en vaut la peine. Je crois que le Commonwealth est en chute libre et que les résultats que l'on risque d'obtenir en consacrant beaucoup d'efforts à faire bouger le Commonwealth risquent d'être très faibles. Son dossier indique que les progrès ont été minimes.

M. English: Y avez-vous travaillé longtemps?

M. LaRose-Edwards: Oui.

M. Graham: J'en conclus que vous n'y travaillez plus.

M. English: J'aurais une question et un commentaire. J'aimerais savoir si, selon vous, les difficultés qu'éprouve le chef s'expliquent-elles par le pays d'où il vient?

La deuxième question est la suivante: si le Commonwealth est si peu efficace sur le plan des droits de la personne, pourquoi est-ce que Mme Thatcher le critiquait tant pour cette raison?

M. LaRose-Edwards: Elle n'aimait pas sa position au sujet de l'Afrique du Sud et ce pays était -

M. English: Non, elle n'aimait pas cet organisme.

M. LaRose-Edwards: Et bien, oui -

M. English: Mon Dieu, lisez ses mémoires.

M. LaRose-Edwards: Elle ne l'aimait pas d'une façon générale mais c'était surtout pour la question de l'Afrique du Sud, qui posait le problème des droits de la personne sous un angle très particulier. C'était une situation où il n'y avait que des gagnants... Enfin, tout le monde était d'accord.

M. English: Et le Zimbabwe.

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M. LaRose-Edwards: En effet. Beaucoup de nations du Commonwealth y ont vu une question tout à fait distincte des autres. Nous pouvons lutter pour les droits de la personne en Afrique du Sud, mais nous n'avons pas vraiment à nous en préoccuper au Nigeria parce que la situation est différente; ce n'est pas l'apartheid.

Voilà le sens général du débat. Je crois que c'est pourquoi il y a là une différence. Le Commonwealth a bien fait les choses dans le cas de l'Afrique du Sud. Il a joué un rôle utile mais pas dans le domaine des droits de la personne.

Ce secrétaire général, par exemple... ce n'est qu'une anecdote et il ne faut pas en exagérer l'importance. Lorsque j'ai démissionné de mon poste de chef de la Section des droits de la personne, j'ai donné neuf mois de préavis. Un an et demi après mon départ le poste n'avait toujours pas été pourvu. C'est un détail, mais c'est une situation qui s'est répétée à de nombreuses reprises et qui vous amène à vous poser des questions: où est le problème; qu'est-ce que vous faites exactement; quels sont les programmes vraiment utiles qui ont été mis en place par le Commonwealth? En fait, il n'y en a pas. On ne leur a pas affecté les ressources nécessaires.

Le Canada a, je crois, décidé de prendre ses distances vis-à-vis du Commonwealth dans le domaine des droits de la personne vers 1991-1992. Cette année-là, le Canada avait versé une contribution exceptionnelle de 400 000 $ pour la création de programmes car le système ne faisait pas grand-chose dans ce domaine. Le Canada avait précisé qu'il s'attendait à ce que le Secrétariat du Commonwealth ajoute cette contribution, l'année suivante, au fonds qu'il utilisait pour la défense des droits de la personne. Le secrétaire n'a pourtant rien fait. Le budget est demeuré le même l'année suivante. Je suis convaincu qu'aux Affaires étrangères on s'est dit, très bien, nous avons essayé, nous avons fait des efforts, nous avons fourni une contribution de 400 000 $ assujettie à des conditions bien claires et le Secrétariat du Commonwealth n'a rien fait; cela ne vaut pas la peine d'insister. Et le Canada a pris ses distances.

Je ne suis pas nécessairement opposé à cette stratégie. Lorsque vous disposez de moyens limités, les Nations Unies et l'OEA sont des organisations qui méritent peut-être plus d'efforts en leur faveur que le Commonwealth.

Je ne veux pas me montrer trop sévère à l'égard du Commonwealth, mais, à mon avis, le Canada et le comité devraient concentrer leurs efforts dans d'autres domaines, notamment celui des OIG et des Nations Unies.

La présidente: Pendant notre boycott de l'Afrique du Sud, des visiteurs nous ont dit que le Canada regretterait son attitude car les Sud-Africains n'oublient pas facilement. Maintenant que l'apartheid a été aboli, notre commerce avec ce pays en a-t-il souffert? Avons-nous récupéré une partie de ce que nous avons perdu pendant cette période? Le savez-vous?

M. George: Madame la présidente, je crois pouvoir vous répondre. Dans une autre vie, je m'occupais de l'Afrique du Sud; c'était en fait à l'époque dont parle M. LaRose-Edwards, pendant laquelle le Commonwealth a joué un rôle très actif dans ce pays.

Oui, il y a eu une vive reprise de nos échanges commerciaux après la levée des sanctions en septembre 1993. C'est vrai que le gouvernement a bonne mémoire. Il n'a pas oublié que le Canada était présent lorsqu'il a eu besoin de lui, et après la levée des sanctions, il a passé une part importante de ses marchés avec nous. Bien évidemment, le gouvernement sud-africain n'allait pas nous donner la priorité lorsque nous n'étions pas du tout compétitifs, mais il nous a souvent favorisés -

La présidente: Il y a, après tout, peut-être de l'argent à gagner dans le domaine de droits de la personne.

M. George: Pour poursuivre dans la même veine que M. LaRose-Edwards, je dirais que le Commonwealth a fini par jouer un rôle utile en Afrique du Sud mais il lui a fallu bien du temps pour démarrer. Après tout, John Diefenbaker a mené l'offensive en faveur de l'expulsion de l'Afrique du Sud en 1961. Il a pourtant fallu attendre jusqu'en 1977 pour qu'il y ait un embargo sur les armes, et les sanctions les plus sévères n'ont été imposées qu'après 1985.

La présidente: J'ai lu les rapports des Affaires étrangères aux Nations Unies et leur évaluation des violations des droits de la personne dans certains pays et j'ai constaté que ces rapports sont souvent très différents de ceux que nous recevons d'ONG tels que Amnistie internationale.

Paul, que pensez-vous de tout cela? Vous avez travaillé avec des ONG. À leur retour, les personnes qui sont en première ligne déclarent avoir été témoins de violations des droits de la personne. Pourquoi les rapports de nos Affaires étrangères ne concordent-ils pas avec les leurs?

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M. LaRose-Edwards: Je dois avouer que je n'ai pas fait d'analyse ni de comparaison très poussées de ces rapports, mais je crois qu'il faut tenir compte de la situation difficile dans laquelle se trouve le ministère des Affaires étrangères lorsqu'il essaie d'agir dans le cadre des Nations Unies. C'est pourquoi je traite toujours avec une certaine indulgence les déclarations des Affaires étrangères lorsque celles-ci ne sont pas faites avec autant de vigueur que nous l'aurions souhaité.

Lorsqu'on fait partie des Nations Unies, on doit se soumettre à certaines contraintes. Il y a des moments où il faut mettre la pédale douce et travailler dans les coulisses. C'est une des règles du jeu, et si nous y participons, il est tout à fait compréhensible que nous fassions preuve d'un peu plus de prudence dans nos déclarations. Il en va de même dans le Commonwealth, ce qui est acceptable, tant que l'on exploite aussi les autres possibilités qui nous sont offertes.

D'après ce que j'ai pu voir des Affaires étrangères, je suis tout à fait convaincu qu'à l'ONU, elles savent déployer des efforts discrets qui donnent des résultats. Aux Nations Unies, il est possible de créer ou de renforcer toutes sortes de mécanismes qui sont plus efficaces à long terme et à moyen terme que la déclaration fracassante qui risque de compromettre les autres efforts. Je n'essaie pas de faire l'apologie des Affaires étrangères, mais -

La présidente: Il y a deux ou trois ans, par exemple, si j'avais voulu aller au Liban et si j'avais appelé notre ambassade, on m'aurait répondu qu'il ne fallait absolument pas le faire; que ce n'était pas un endroit sûr. Pourtant, nous avons pour politique de déclarer aux personnes qui demandent le statut de réfugié qu'il n'y a absolument aucun problème au Liban, en dépit du fait qu'ils se trouvent dans des situations qui sont totalement inacceptables.

Ne devrait-il pas exister une sorte de coordination entre les évaluations de ces deux ministères? Il n'est pas nécessaire qu'elles soient rendues publiques et cela peut se faire diplomatiquement. Je sais très bien que nous ne pouvons pas insulter tout le monde, mais ne devrait-il pas y avoir un peu de coordination entre les ministères afin d'avoir une politique uniforme à l'égard de ces pays, des réfugiés, etc.?

M. LaRose-Edwards: Ayant travaillé pour l'UNHCR, j'estime que la question des réfugiés est tout à fait différente. Il faut vraiment leur accorder le bénéfice du doute. Si vous renvoyez des réfugiés dans un pays où ils sont vraiment persécutés, vous commettez une erreur grave. Il faut donc vous mettre en quatre pour les aider.

À cet égard, les services d'immigration sont tout à fait indépendants du reste du gouvernement. Leur centre de documentation doit adopter une toute autre démarche afin de savoir ce qui se passe vraiment dans le pays concerné.

Je ne pense pas qu'il soit jamais possible aux deux ministères d'avoir une vision commune du monde, du fait qu'il est indispensable que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié puisse prendre ses décisions en toute indépendance.

Ma réponse ne résout pas tout, mais ces deux organismes s'occupent de choses qui ne sont pas comparables.

La présidente: Mais ce sont tout de même des organismes fédéraux.

M. LaRose-Edwards: Lorsqu'on a créé le Centre de documentation de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il y a cinq ou six ans, on s'attendait à ce qu'il présente régulièrement des rapports et que ceux-ci soient rendus publics. Ils devaient être comparables à ceux du département d'État mais ils devaient être publiés régulièrement et devaient constituer une source importante d'information pour divers pays.

Le centre n'a jamais obtenu les ressources nécessaires pour cela. Il a donc été obligé de délaisser cette tâche et s'est surtout employé à fournir l'information aux membres de la Commission.

La présidente: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Hynes?

M. Hynes: Il m'est un peu difficile de répondre clairement à votre remarque car je ne sais pas exactement de quels rapports aux Nations Unies vous parlez.

Le représentant du Canada fait de temps à autre un discours sur certaines situations à l'Assemblée générale des Nations Unies ou à la Commission des droits de l'homme. Fréquemment, nos vues et nos évaluations ne sont pas présentées dans les termes exacts qu'utilisent les ONG, mais je peux vous assurer que lorsque nous préparons ces discours et ces commentaires, nous savons parfaitement ce que les ONG, en particulier Amnistie internationale, ont à dire. Nous tenons également compte des rapports que nous recevons de nos propres missions et nous essayons de présenter une analyse objective de la situation, vue sous l'angle du gouvernement.

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Et puis, comme Paul l'a dit, il faut que nous évaluions le genre d'actions et de déclarations qui influeront le plus sur la situation réelle. Dans certains cas, la conclusion est qu'une diplomatie discrète est plus efficace que des déclarations tonitruantes.

En ce qui concerne les réfugiés, le problème à résoudre pour n'importe quelle Commission de reconnaissance du statut de réfugié est naturellement de savoir si le demandeur risque d'être exposé à des persécutions s'il est contraint de rentrer dans son pays. Il est certain que c'est une question qui relève des droits de la personne dans bien des cas, mais le problème n'est pas non plus le même.

J'étais sur le point de réagir aux remarques de Paul au sujet du Commonwealth, mais peut-être pourrions-nous changer de sujet. C'est à vous d'en décider.

M. George: En ce qui concerne les rapports, comme nous sommes un secteur géographique, la Commission d'immigration et du statut de réfugié nous consulte fort souvent au sujet de la situation dans les pays africains dont nous nous occupons. Nous sommes également consultés par les employés de services consulaires de notre propre ministère qui établissent des rapports à l'intention de ceux qui se rendent dans ces pays.

Je me demandais si les rapports auxquels vous pensiez et dont les conclusions différaient peut-être des évaluations des ONG portaient sur les questions concernant certains pays qui sont examinées au cours des consultations avec les ONG qui ont lieu en janvier de chaque année. Les Affaires étrangères font circuler des rapports sur un certain nombre de pays qui sont présentés à l'ONU et qui sont préalablement vus par les ONG. Si c'est le genre de rapport auquel vous pensez, je dirais qu'au moins au Nigeria, et aussi dans certains autres pays de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale, nous travaillons en collaboration très étroite avec les ONG et nous échangeons toute l'année des informations qui nous permettent d'effectuer nos évaluations. Certains de ces ONG ont coparrainé avec nous la visite de Nigérians.

La présidente: Merci.

M. Morrison: Monsieur LaRose-Edwards, permettez-moi de profiter de l'expérience que vous avez acquise dans votre autre vie, comme vous le dites.

Vous avez assez clairement montré que vous ne pensez pas que le Commonwealth soit un terrain très fertile pour les personnes qui s'intéressent à la promotion des droits de la personne. À votre avis, en tant que personne extérieure au comité, quelle orientation devrions-nous donner à nos délibérations et à nos efforts? Si vous étiez membre du comité, que voudriez-vous faire?

Prenez votre temps.

M. LaRose-Edwards: Le Canada fait très bien une foule de choses et beaucoup de principes sur lesquels nous fondons la promotion et la protection des droits de la personne au Canada peuvent être extrapolés et utilement employés à l'étranger.

Si vous voulez travailler sur les OIG - les organisations intergouvernementales - c'est sur les Nations Unies qu'il faut mettre l'accent. À court terme, ce sont elles qui offrent les plus grandes chances de succès, à la différence des autres OIG, car il est possible d'y traiter un grand nombre de questions différentes. Nous parlons bien là des Nations Unies et de la réforme. Dans le domaine des droits de la personne, comme je l'ai déjà dit, il y a une sorte de contradiction entre le fait qu'un OIG s'occupe de ces droits, et qu'elle traite avec des États dont certains sont en partie responsables du problème.

Un des principes auquel les commissions des droits de la personne et les médiateurs au Canada doivent leur efficacité est celui du maintien de leur indépendance vis-à-vis du gouvernement, même s'ils reçoivent une aide financière de celui-ci. Ils jouissent d'une sorte d'autonomie et ont pour mandat de faire leur travail sans se préoccuper du reste. Je me permets de suggérer que le comité étudie la réforme des droits de l'homme entreprise par les Nations Unies.

Nous avons un nouveau haut-commissaire aux droits de l'homme qui est la cheville ouvrière de ce système. Peut-être le moment est-il venu de changer la manière dont son bureau et lui travaillent - et éventuellement celle du Centre pour les droits de l'homme, qui relève de lui. Il est indispensable qu'ils jouissent de plus d'indépendance vis-à-vis du Secrétariat des Nations Unies. Ils ont besoin d'une aide financière régulière sur laquelle ils peuvent compter pour ne pas être obligés, chaque année, de se battre avec le système pour obtenir de l'argent. Les cadres supérieurs devraient être titulaires de leur poste - en dehors du Haut-commissaire qui l'est déjà - afin de pouvoir prendre certaines positions sur les droits de la personne sans risquer d'être renvoyés ou mutés. C'est un point qui mérite d'être examiné.

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Le comité pourrait également peut-être s'occuper d'une question intéressant les Nations Unies qui découle des événements en Somalie et de la création de notre commission d'enquête. En fait, c'est notre démarche qui est la bonne. Nous sommes probablement le seul gouvernement à avoir réagi comme il le fallait en Somalie. Les forces de l'ONU ont été soumises à des abus de toute sorte dans ce pays. Nous sommes les seuls à avoir su mettre les gens face à leurs responsabilités. Nous pouvons nous permettre d'en être fiers.

Certains ont réclamé la mise en place d'un mécanisme au sein des Nations Unies, la création d'un médiateur ou d'un organisme chargé de recevoir les plaintes des personnes sur le terrain au sujet de la conduite de membres, militaires ou civils, du personnel des Nations Unies. C'est peut-être aussi là un point que le comité pourrait examiner de plus près.

En dehors des Nations Unies, il y a beaucoup d'autres pays où le Canada exerce une influence et peut-être pourrions-nous y défendre les droits de la personne avec un peu plus de vigueur. Nous savons tous que les visites d'Équipe-Canada dans des pays tels que la Chine et l'Indonésie continuent à faire l'objet d'un débat et qu'il y a une certaine ambivalence dans la démarche du Canada qui vise à établir des liens avec eux tout en conciliant les préoccupations commerciales et les droits de la personne.

Je ne crois pas du tout que c'est tout l'un ou tout l'autre. Nous pouvons en effet combiner les deux mais pour le moment, nous ne le faisons pas en nous appuyant sur des données très sures. Peut-être le comité pourrait-il étudier plus à fond cette question pour essayer de déterminer sur quels principes nous nous fondons pour concilier les deux. Jusqu'à quel point sommes-nous prêts à compromettre nos valeurs fondamentales? Quels sont les engagements sur le plan des droits de la personne qu'exige l'établissement de relations commerciales avec le Canada? Tout cela demande mûre réflexion. Je ne pense pas que les Canadiens aient une idée très précise de la façon dont nous devrions procéder.

Voilà donc, très brièvement, quelques sujets de réflexion. Mais il y a une foule d'autres domaines dans lesquels le Canada fait un excellent travail ou auxquels il s'intéresse, que vous pourriez étudier de près.

M. Graham: Puisque nous parlions du Haut-commissaire aux Nations Unies, permettez-moi d'ajouter qu'à la réunion de Vienne nous avons eu le sentiment que la création du haut-commissariat représentait une étape extraordinairement importante sur la voie de la création de l'organisme international de défense des droits de la personne qui manquait jusque-là. J'ai été désolé, lorsque nous avons rencontré le haut-commissaire lors de son passage ici, de l'entendre dire que son bureau est presque totalement dépourvu des ressources nécessaires pour jouer son rôle de conciliation ou faire respecter les droits de la personne dans le système extraordinairement complexe que constituent les Nations Unies.

Ma question s'adresse en fait aux représentants du ministère. Puisque vous dites que vous suivez de très près les activités des Nations Unies, pouvez-vous me dire si le ministère a une politique ou un programme destiné à renforcer la position financière du haut-commissaire et à lui fournir les ressources nécessaires pour mieux faire son travail? Pensez-vous au contraire qu'il est préférable de laisser fonctionner les rouages des Nations Unies, de verser nos contributions normales et d'essayer de convaincre les Nations Unies de changer de cap et de réformer ses propres mécanismes?

M. Hynes: Vous soulevez là deux points différents de la même question.

Vous voulez dire, je suppose, que des contributions volontaires pouvaient remplacer le financement des activités du haut-commissaire grâce au budget ordinaire.

M. Graham: Oui, peut-être serait-il possible de dire aux Nations Unies que nous sommes prêts à contribuer à ce budget, et à ce budget seulement. Quelques autres États qui partagent nos vues seraient probablement disposés à faire de même.

M. Hynes: En fait, la possibilité existe déjà. Il y a, en particulier, un fonds de contributions volontaires contrôlé par le haut-commissaire, destiné à apporter une aide technique dans le domaine des droits de la personne. Lorsque le haut-commissaire est passé ici au printemps dernier, le Canada a versé 100 000 $ de plus à ce fonds.

Vous avez mis le doigt sur un point fondamental. La promotion et la protection des droits de la personne sont un des trois objectifs fixés par la charte des Nations Unies. Le Canada et beaucoup d'autres gouvernements partageant les mêmes vues ont jugé que si c'est une des responsabilités des Nations Unies, elles devraient disposer de moyens financiers suffisants, fournis grâce au budget ordinaire.

Vous faites observer que la création du poste de haut-commissaire a suscité de vives résistances. Cette création a été considérée comme une grande victoire, et c'est vrai. Lorsqu'il est entré en fonction, le commissaire s'est retrouvé à la tête d'un service disposant d'un budget qui représentait 0,7 p. 100 du budget global des Nations Unies, alors qu'il est censé poursuivre un des trois objectifs fondamentaux de l'organisation, chose que le Canada a toujours jugé totalement inacceptable. Au cours des deux dernières années nous avons collaboré avec le haut-commissaire pour augmenter ce budget et nous avons obtenu quelques résultats positifs. Le pourcentage est maintenant de 1,4 p. 100, mais les progrès sont laborieux. Comme je le disais dans ma déclaration préliminaire, c'est un effort auquel le Canada attache beaucoup d'importance. Certes, il demeure possible de verser des contributions volontaires et d'aider les Nations Unies dans ce domaine mais nous sommes fermement convaincus que ce programme devrait être mieux soutenu grâce au budget ordinaire des Nations Unies.

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La présidente: Merci.

M. English: Je voudrais donner à M. Hynes la possibilité de nous parler un peu du Commonwealth car je crois que c'est une question qui est un peu restée en suspens. Les commentaires de M. LaRose-Edwards ont été très utiles, mais vous avez dit que vous aviez, vous aussi, quelques remarques à faire.

M. Hynes: Ces remarques sont de caractère très général, monsieur English. En tant que fonctionnaire employé par un gouvernement dont le Premier ministre est actuellement à bord d'un avion, en route pour une réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, je ne crois pas pouvoir dire les choses avec une franchise aussi brutale que Paul. Mais votre question initiale révélait implicitement que les droits de la personne, et en particulier la vieille notion britannique du principe de l'égalité sont vraiment considérées comme un thème important qui contribue à l'unité du Commonwealth. C'est en tout cas un thème sur lequel le Canada a beaucoup insisté et il continue à le faire.

Force est cependant de reconnaître que le Commonwealth est une très grande organisation qui regroupe des pays du monde entier parvenus à divers niveaux de développement, et dont le fonctionnement est fondé sur le consensus. Je crois que de très franches discussions ont lieu à huis clos lorsque les chefs de gouvernement se retrouvent entre eux pendant la fin de semaine, ce qui aura encore une fois lieu, cette semaine. Bien entendu, lorsqu'ils ressortent pour faire une déclaration officielle, il faut qu'ils soient d'accord entre eux, et les progrès sont parfois assez lents dans de telles conditions.

Comme je l'ai dit en réponse à la question posée tout à l'heure par M. Graham, à cette réunion des chefs de gouvernement des pays du Commonwealth, un de nos objectifs principaux est de donner au Secrétaire général les moyens de promouvoir les objectifs de la Déclaration de Harare. Je pense qu'il serait utile que le comité entende certains des participants à cette réunion, à l'issue de celle-ci.

La présidente: Merci.

Monsieur George.

M. George: Permettez-moi d'ajouter un mot sur cette question que j'aborderai d'ailleurs sous un angle légèrement différent. Pendant la plus grande partie de la dernière décennie, le Commonwealth a clairement joué un rôle de pointe dans la prise de mesures à l'égard de l'Afrique du Sud. C'est grâce à son initiative et à son efficacité qu'un consensus mondial a pu être établi à l'égard de ce pays. Les élections qui ont marqué la fin de l'apartheid ne datent que de l'an dernier. Depuis deux ans environ, le Commonwealth cherche à donner une nouvelle orientation à ses activités. Comme le confirme notamment la Déclaration de Harare, le Commonwealth est tout à fait capable de jouer un rôle plus actif de chef de file dans la promotion de valeurs politiques fondamentales, celles de la démocratie et des droits de la personne. Il est possible que ce potentiel soit examiné à la réunion de Chypre, mais reste à savoir s'il sera exploité. Puisque nous recherchons un nouveau mandat, c'est une orientation que nous pourrions adopter.

La présidente: Je voudrais bien savoir comment on peut concilier la promotion des droits de la personne avec la vente de matériel militaire canadien à des pays qui n'ont pas très bonne réputation parce qu'ils ne respectent pas ces droits.

M. Hynes: Le Canada a une politique très claire en ce qui concerne l'exportation de matériel militaire. Je crois que cette politique remonte à 1986. Les droits de la personne sont, je crois, un des quatre critères dont on doit tenir compte dans l'examen des demandes d'exportation de matériel militaire. Selon ce critère, le gouvernement est tenu de contrôler rigoureusement les exportations à destination de tout pays qui s'est rendu coupable de graves violations ou abus à l'égard des droits de la personne, à moins qu'il soit prouvé qu'il n'y a pas de risque raisonnable d'utilisation de ce matériel contre la population civile du pays. C'est un critère assez rigoureux.

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En ce qui concerne l'application de cette politique aux Affaires étrangères, je peux vous dire que la Direction des droits de la personne et de la justice - c'est ma direction - examine toutes les demandes dans lesquelles la protection des droits de la personne pourrait être un facteur. Nos vues et les avis que nous donnons déterminent en partie les suggestions faites au ministre, qui décide alors d'autoriser ou de refuser la demande d'exportation.

La présidente: Nous avons récemment autorisé des ventes qui nous ont valu beaucoup de critiques. Pensez-vous que le souci des droits de la personne ait tenu une place suffisamment importante dans la décision?

M. Hynes: Il ne faut pas oublier qu'en dernier ressort, c'est le ministre qui décide d'approuver, ou non, une demande en fonction des conseils qui lui ont été donnés. Je ne me permettrais pas de répondre à votre question sans examiner la question de près, mais selon ce système, le ministre reçoit systématiquement un avis, sans lequel il refuse d'ailleurs de prendre une décision.

La présidente: Bien, merci.

Adèle, vous vous occupez maintenant surtout des droits de la personne et de l'égalité internationale des femmes. On parle constamment de violation de ces droits. C'est devenu un terme galvaudé. Envisagez-vous une nouvelle définition du degré de gravité des atteintes aux droits de la personne? Je peux, par exemple, violer vos droits si je ne vous donne pas un emploi parce que votre tête ne me revient pas, mais c'est très différent de la situation dans laquelle je décide de ne pas vous laisser vivre parce que vos convictions politiques, votre religion ou votre comportement de femme ne me plaisent pas. Pensez-vous qu'il soit possible de redéfinir les droits de la personne et d'établir des catégories qui nous permettent de les traiter de façon appropriée?

Mme Dion: Voilà une question fort intéressante. Nous n'en sommes pas encore là. Depuis quelques années, le Canada s'emploie très activement à faire reconnaître les droits des femmes et à affirmer à nouveau qu'ils relèvent du droit de la personne, à réaffirmer en fait que ces droits, définis par les conventions sur les droits de la personne, s'appliquent tout autant aux femmes.

Ce que fait le Canada et ce que fait également notre direction devant diverses instances des Nations Unies, est de s'assurer que les droits des femmes sont traités comme l'une des préoccupations principales des Nations Unies de manière à ce que les questions qui les concernent ne soient pas uniquement traitées par la Commission de la condition de la femme, si bien que la Commission des droits de l'homme ne s'en occuperait pas. Nous avons fait de gros progrès dans ce domaine.

J'estime aussi qu'à la Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing, nous avons beaucoup contribué à faire accepter l'idée qu'il est important d'examiner toutes les questions en fonction d'une dynamique homme-femme, qu'il s'agisse de l'économie, des droits de la personne, de la pauvreté, de la santé ou de toute autre chose.

Nous avons donc fait beaucoup de chemin mais il reste encore un gros travail à faire.

La présidente: Avez-vous une autre question à poser, monsieur English?

M. English: J'ai été frappé par une remarque de M. Hynes qui suggérait, je crois, de travailler en étroite collaboration avec les provinces pour établir une politique canadienne en matière de droits de la personne. Bien entendu, les provinces ont une responsabilité très importante à cet égard. En fait, lorsque les premières discussions ont eu lieu après la guerre, le Canada a hésité à signer la Charte universelle à cause du rôle des provinces dans la promotion des droits de la personne. Sur quoi portent vos consultations avec les provinces dans ce domaine?

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M. Hynes: Le travail que nous faisons avec les provinces est surtout axé - en fait exclusivement axé, par les temps qui courent - sur un objectif qui consiste moins à promouvoir les droits de la personne dans d'autres pays qu'à aider le Canada à s'assurer qu'il respecte les divers engagements internationaux pris par lui en matière de promotion des droits de la personne - il s'agit de la signature des conventions et des divers traités qu'il a signés et dont j'ai déjà parlé.

Les provinces jouent donc un rôle essentiel dans les rapports que nous préparons pour les divers comités auxquels le Canada doit rendre compte.

M. English: À quel niveau se déroule cette consultation? Celui des sous-ministres?

M. Hynes: Nous avons une réunion semi-annuelle d'un organisme constitué de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux appelé le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne - voilà un bel exemple de cuisine canadienne - qui doit en fait se réunir la semaine prochaine. Ce groupe se rencontre environ deux fois par an; les participants ont en général le niveau de sous-ministre adjoint.

Pendant l'année, nous sommes régulièrement en contact avec les provinces et c'est le ministère du Patrimoine canadien qui assume la liaison avec les provinces pour ces questions.

M. English: Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur Morrison, si vous avez une question à poser, qu'elle soit brève, s'il vous plaît.

M. Morrison: Elle est très brève, elle n'est pas particulièrement amicale, et elle s'adresse à monsieur Hynes.

Vous disiez que nous avons des règlements internes qui déterminent à qui nous vendons, ou ne vendons pas du matériel militaire, décision qui est en partie déterminée par la manière dont le demandeur respecte les droits de la personne. Comment définissez-vous ce qu'est du matériel militaire? Il me semble qu'il n'y a pas si longtemps, nous avons vendu des pièces d'hélicoptère à l'Indonésie. Or, l'armée indonésienne utilise les hélicoptères pour terroriser assez régulièrement la population civile. Quelle est la limite? Qu'est-ce qui permet de décider de ce qui est militaire et de ce qui ne l'est pas?

M. Hynes: S'agissait-il de l'Indonésie ou de la Colombie?

M. Morrison: De l'Indonésie.

M. Hynes: Je crois me souvenir d'une controverse au sujet de la Colombie.

Je ne peux pas vous donner de réponse précise sur ce point, monsieur. C'est une question d'ordre technique. Il y a une liste très longue, un catalogue du matériel militaire offensif et du matériel militaire non offensif. Il est établi en fonction des règlements officiels que l'on doit consulter pour toutes les exportations. J'hésite à vous en dire plus sans demander l'avis des véritables spécialistes de notre politique commerciale.

La présidente: Merci.

Vous entendez le timbre. Nous reste-t-il dix minutes avant d'y aller?

Une voix: Monsieur George a quelque chose à ajouter.

La présidente: Oh, excusez-moi.

M. George: J'ajouterai simplement que dans le cas du Nigeria, nous n'essayons pas de faire un choix entre les divers types de matériel. Les exportations de tout matériel utilisable à des fins militaires sont interdites en ce qui concerne le Nigeria.

Une voix: Très bien.

La présidente: Beaucoup d'entre nous ont l'impression d'avoir seulement effleuré la surface, mais cette discussion a été très intéressante et instructive. J'espère que dans un proche avenir, nos pourrons vous rappeler et que vous accepterez notre invitation. Je vous remercie tous d'être venus.

La séance est levée.

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