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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 janvier 1996

.1347

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Avant de donner la parole à nos témoins, j'aimerais revenir sur le point soulevé par Mme Brown à la fin de la réunion de ce matin. Mme Brown a alors demandé si le comité bénéficierait des services d'un conseiller législatif pendant toute la durée de ses audiences sur le projet de loi C-111. J'ai discuté de la question avec le greffier pendant la pause-déjeuner, et voici ce qu'il m'a dit à ce sujet.

J'aimerais d'abord préciser que prévoyant que nous serions saisis de ce projet de loi, au nom du comité, j'ai moi-même fait la même demande que Mme Brown auprès du greffier adjoint des Services de la procédure, M. Camille Montpetit, en octobre dernier. Dans la lettre qu'il me faisait parvenir en novembre, M. Montpetit m'informait que le conseiller législatif général, M. Rob Walsh, était d'avis que son personnel ne suffisait pas pour lui permettre de répondre à notre demande et que les conseillers juridiques devraient se contenter d'aider les comités au moment de l'étude article par article des projets de loi dont ils sont saisis.

Je crois comprendre que Mme Brown s'est adressée à ce sujet à M. Walsh qui, à ma connaissance, lui a essentiellement donné la même explication.

Voici donc la situation. Étant donné que la Chambre des communes n'est pas actuellement en mesure de nous fournir un conseiller législatif, notre seul recours, à mon avis, est de soumettre la question au Bureau de régie interne. Si le comité y consent, je suis tout à fait prêt à écrire à M. Parent, le Président de la Chambre, pour lui demander d'obtenir du Bureau de régie interne qu'il accorde des ressources additionnelles au comité.

.1350

Pour augmenter nos chances que notre demande soit favorablement accueillie, il serait bon que vous défendiez notre cause auprès des représentants de chacun de vos partis au sein du Bureau de régie interne. Avant de faire quoi que ce soit d'autre, j'attendrai cependant que le comité adopte une motion.

Mme Brown (Calgary Sud-Est): Savez-vous quand aura lieu la prochaine réunion du Bureau de régie interne? Si c'est à la fin février, nous serons de toute façon à l'étape de l'étude article par article en mars. Votre recommandation témoigne de votre bonne volonté, monsieur le président, mais le comité doit tenir plusieurs audiences au cours des semaines qui viennent. Je suis d'avis que nous avons besoin des services d'un conseiller législatif. Compte tenu des nombreux amendements que nous ne manquerons pas de vouloir présenter au sujet du projet de loi C- 111, je ne vois pas comment quelqu'un pourrait être prêt à les rédiger à la dernière minute.

Par conséquent, étant donné que le gouvernement libéral a saisi ce comité d'un projet de loi complexe et très important, je suis d'avis qu'il mérite que nous l'étudiions soigneusement.

Le président: Je comprends votre point de vue. Lorsque la Chambre siège, le Bureau de régie interne se réunit normalement le mardi après-midi. Nous pouvons donc présumer qu'il se réunira dès la première semaine de reprise des travaux parlementaires si ce n'est avant. Nous pourrions évidemment toujours réclamer dans notre lettre que le bureau tienne une réunion spéciale pour étudier notre demande. J'aimerais que le comité adopte une motion m'autorisant à faire parvenir une lettre en ce sens au Bureau de régie interne.

Mme Brown: Je suis prête à vos proposer cette motion, monsieur le président, mais j'ai déjà présenté la motion voulant que ce comité approuve la demande en vue d'obtenir les services d'un conseiller juridique. Peut-être pourriez-vous mettre cette motion-là aux voix avant que nous ne passions à la suivante.

Le président: Très bien.

M. Nault (Kenora - Rainy River): Monsieur le président, je ne suis pas sûr de comprendre ce que veut Mme Brown. Si ce qu'elle veut c'est de l'aide d'un conseiller juridique, je lui rappelle que des fonds de recherche sont accordés aux partis d'opposition justement pour leur permettre de présenter des points de vue contraires à celui du gouvernement. À mon avis, il ne serait pas normal que ce soit le comité qui lui fournisse cette aide.

Je voudrais tout simplement savoir ce qu'elle aimerait que le conseiller juridique fasse. S'attend-elle à ce qu'il l'aide à rédiger ses amendements ou a-t-elle d'autres attentes à son sujet?

Le président: Si j'ai bien compris, Mme Brown demande simplement que le conseiller juridique qui sera affecté au comité lors de l'étude article par article du projet de loi participe à toutes nos audiences. Il serait à la disposition de tous les membres du comité pendant la période où nous entendrons des témoins. Voilà tout ce qu'elle demande.

Mme Brown: Oui, il serait à la disposition de tous les membres du comité.

Le président: De tous les membres.

M. Nault: On ne m'a toujours pas expliqué pourquoi Mme Brown insiste pour obtenir les services d'un conseiller juridique. Veut-elle des explications ou des précisions au sujet du projet de loi?

Mme Brown: Monsieur Nault, faut-il comprendre que vous comprenez à fond le projet de loi...

M. Nault: Non.

Monsieur le président, je m'adresse à vous. Mme Brown aura l'occasion de s'expliquer.

Je me demande seulement pourquoi elle réclame la présence d'un avocat qui devrait nous expliquer la teneur du projet de loi ou qui devrait demander aux fonctionnaires, soit à ceux qui l'ont rédigé, ce qu'il signifie. Je me demande simplement pourquoi un avocat devrait venir passer la journée ici si nous n'avons pas besoin de ses services. À mon avis, il serait très inhabituel qu'un conseiller juridique participe à toutes nos audiences. Je siège à des comités depuis sept ans, et c'est la première fois que quelqu'un fait une telle demande. Je vois mal quel est le problème.

.1355

Le président: Permettez-moi de résumer un peu la situation. Mme Brown réclame la présence d'un conseiller juridique en raison de la complexité du projet de loi et, je suppose, en raison également du fait qu'il s'agit d'une étude préalable et non pas d'une étude à l'étape de la deuxième lecture.

Point n'est besoin de perdre trop de temps à discuter de tout cela. Il s'agit pour le comité de décider s'il veut soumettre cette demande au Bureau de régie interne. Comme je l'ai dit plus tôt, je suis prêt à le faire en votre nom même si, comme je vous l'ai dit, on a déjà refusé une première demande en ce sens en raison d'un manque de fonds. Peut-être que le Bureau de régie interne sera cependant en mesure de trouver ces fonds. Il s'agit donc de savoir si le comité veut ou non que je présente cette demande.

Je constate cependant que nous n'avons pas le quorum voulu pour procéder à un vote. Pour respecter le règlement, je reporterai donc le vote jusqu'à ce que nous ayons ce quorum.

Pour la gouverne de ceux qui suivraient nos délibérations à l'extérieur de cette salle, je précise que nous avons le quorum voulu pour entendre des témoins, mais pas pour procéder à un vote. Je crois donc qu'il nous faudrait reporter le vote jusqu'à ce que nous ayons le quorum voulu et passer pour l'instant à l'audition de nos témoins.

Mme Brown: Faut-il comprendre que les votes ne peuvent avoir lieu que lorsqu'il y a une majorité de libéraux présents?

Le président: Non.

Mme Brown: Je pose la question parce qu'il y a là trois députés de notre parti.

Le président: Huit députés doivent être présents pour procéder à un vote. Si vos collègues viennent, nous pourrons voter. Est-ce bien clair?

Mme Brown: Parfaitement.

Le président: Je vais donc reporter le vote à plus tard et nous allons maintenant entendre nos témoins que nous remercions de leur patience.

[Français]

Monsieur Noreau, avez-vous pu vous pencher sur la demande de Mme Lalonde en ce qui a trait à la disponibilité de certains documents aujourd'hui?

M. Jean-Jacques Noreau (sous-ministre du Développement des ressources humaines): On essaye d'accélérer la production. J'espère pouvoir vous les donner avant la fin de cette réunion. Comme vous vous réunissez après 16 h, cela me donne une heure de plus pour vous les faire parvenir. On raffine les documents, on les produit.

Le président: Merci.

M. Noreau: Merci.

[Traduction]

Cet après-midi, nous allons aborder un sujet qui a été soulevé, comme je l'ai fait remarquer la semaine dernière, lorsque le ministre a comparu devant le comité. Il s'agit du calcul de la moyenne de la rémunération sur une période donnée afin d'établir le montant des prestations auxquelles un prestataire est admissible.

Mme Smith va vous donner un exposé assez détaillé de la question pour que nous comprenions mieux comment le calcul est établi et que nous saisissions l'importance du problème. On a beaucoup parlé de cette question au cours des derniers mois, mais je crois qu'il importe que le comité comprenne bien la nature du problème, les cas où il risque de se produire et les façons d'atténuer l'impact de cette mesure.

J'aimerais d'abord dire brièvement que deux façons s'offrent à nous d'atténuer cet impact si nous continuons d'étudier sa dimension négative. On pourrait d'abord modifier les règles ou trouver des façons de favoriser la création d'emplois. Le problème qui se pose en ce qui touche à cette interruption de rémunération, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de travail dans certaines régions, et cela a une incidence sur le niveau des prestations versées.

.1400

Cela étant dit, j'ai eu une discussion avec le président et je lui ai dit que si cela intéressait les membres du comité, nous pourrions discuter, après l'exposé technique de Mme Smith, avec trois ou quatre personnes de la région de l'Atlantique qui font déjà face aux problèmes qui découlent de cette mesure. Si cela vous intéresse, nous pourrions peut-être leur demander comment, à leur avis, aborder cette question de l'interruption de la rémunération afin d'atténuer son impact sur le niveau des prestations.

Je m'en remets à vous, mais je crois que je vais maintenant donner la parole à Mme Smith qui va nous faire son exposé, après quoi quelqu'un pourra peut-être nous dire comment les choses se présentent dans un véritable centre de main-d'oeuvre.

Norine.

Mme Norine Smith (directrice administrative intérimaire, Assurance, ministère du Développement des ressources humaines): Je vous remercie, monsieur le sous-ministre.

Mon exposé se divise en quatre parties. Je commencerai d'abord par comparer la façon dont on calcule la période ouvrant droit aux prestations en vertu de la loi actuelle et la façon dont on le fait en vertu du projet de loi C-111. Je vous expliquerai ensuite la raison du changement proposé et vous donnerai aussi quelques exemples. Je vous expliquerai ensuite quelques points plus techniques, c'est-à-dire des points qui ne relèvent pas de la politique générale, pour que vous puissiez bien comprendre la façon dont les prestations sont calculées ainsi que l'incidence du changement proposé. Puis je vous donnerai des exemples de différents types de prestataires et de différents types de tendances de l'emploi. Je précise d'entrée de jeu qu'il existe un nombre limité d'exemples dont l'on peut s'inspirer et je suis sûre que vous pourrez me présenter des variantes des exemples que j'ai choisis. Je m'excuse donc à l'avance des limites de ce genre d'exposé. Enfin, j'essaierai de quantifier le nombre de prestataires qui pourront être touchés par l'interruption de la rémunération, de vous donner une idée de l'importance du problème ainsi que des considérations dont on doit tenir compte en essayant d'évaluer le problème.

Passons rapidement à la page 3 et je vous expliquerai comment fonctionne le système actuel et comment fonctionnera le nouveau système.

Aux termes du projet de loi C-111, la rémunération sera calculée sur un nombre fixe de semaines consécutives allant de 16 à 20 semaines. Dans le système actuel, la rémunération est calculée sur une période allant de 12 à 20 semaines. On tient compte du nombre de semaines travaillées et toute semaine non travaillée ne fait pas partie du calcul.

Si vous regardez le tableau en dessous, à la droite de l'écran où apparaît la petite flèche, c'est là que débute le versement de la prestation. On part de là pour remonter en arrière.

Dans le système actuel, nous établissons quelles sont les 20 premières semaines de travail sur une période de 31 semaines consécutives. En vertu du projet de loi C-111, on établit une moyenne sur 20 semaines. Dans cet exemple, nous trouverions 15 semaines de travail. En un mot, voilà le problème de l'interruption de la rémunération.

Ce matin, j'ai brièvement mentionné les trois raisons pour lesquelles on est passé à la période de référence fixe ou à ce que j'appellerai la période de base pour reprendre la terminologie utilisée dans le projet de loi.

.1405

Le premier objectif est d'obtenir une rémunération type, et voici les chiffres qui accompagnent l'exemple que je vous ai donné de vive voix ce matin.

Supposons qu'un prestataire travaille deux semaines tous les mois et gagne 600$ par semaine. Sa rémunération mensuelle totale sera de 1 200$. À l'heure actuelle, lorsque le prestataire perd son emploi, il touche des prestations d'assurance-chômage pour suppléer à son revenu, ses prestations mensuelles moyennes sont calculées en fonction d'une rémunération hebdomadaire de 600$, ce qui signifie qu'il a droit à une rémunération mensuelle totale, dans le cas de la personne donnée en exemple, qui s'élève à 1 200$ lorsqu'elle travaille et à 1 320$ lorsqu'elle touche des prestations d'assurance-chômage.

Le projet de loi C-111 propose que les prestations d'assurance-chômage soient calculées en fonction de la rémunération mensuelle de 1 200$ et 55 p. 100, ou quel que soit le pourcentage, selon les autres règles qui s'appliqueraient. Les prestations seraient donc calculées en fonction de la rémunération type.

Le deuxième objectif visé est de supprimer l'obstacle au travail pendant la saison intermédiaire qui existe dans le système actuel.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): Monsieur le président, j'aimerais poser une question d'ordre technique afin de pouvoir suivre l'exposé. Au tableau, à la page 4, on ne voit que ce qui se passe sous le régime actuel. Est-ce que vous avez l'exemple?

M. Noreau: C'est à la page suivante. L'exemple A est à la page suivante.

Mme Lalonde: Excusez-moi. Merci. Pouvez-vous l'indiquer au fur et à mesure?

[Traduction]

Madame Smith: Avant de vous donner plus de détails au sujet de la saison intermédiaire, j'ajouterai que le troisième objectif de la réforme est de passer à une période de rémunération fixe. Cette mesure simplifiera les rapports que doivent remplir les employeurs.

La page 5 et le tableau qui y fait face expliquent en détail la façon dont le système actuel fonctionne et la raison pour laquelle il n'incite pas les gens à travailler pendant la période intermédiaire.

J'aimerais préciser que ce qu'on appelle la saison intermédiaire, c'est le début et la fin de la période de travail pour le travailleur saisonnier, pendant lesquels, pour toutes sortes de raisons, il peut y avoir moins de travail pour eux. C'est peut-être en raison du fait que le temps est mauvais ou les jours sont moins longs. Il se peut aussi que leurs services soient moins en demande ou encore qu'il soit plus difficile d'atteindre la ressource qu'ils exploitent. Voilà donc des exemples de raisons pour lesquelles le travail durant la saison intermédiaire est plus difficile.

Dans l'exemple 1, la saison intermédiaire a lieu au milieu de l'été. J'ai choisi cet exemple parce que c'est l'un des exemples que certains collègues provinciaux ainsi que M. Scott nous ont transmis. Il s'agit du cas d'un travailleur d'usine de transformation du poisson dont la période de travail la plus occupée est au printemps. Les usines de transformation du poisson ne sont pas très occupées pendant l'été et il y a ensuite reprise du travail à l'automne. Cet exemple s'applique au cas d'un travailleur d'usine de transformation du poisson qui travaille dans une usine assez petite qui transforme du poisson pris près du port de la localité où se trouve l'usine.

À cet égard, prenons par exemple quelqu'un qui a travaillé six semaines en mai et juin. Il a travaillé en double quart; il a accumulé beaucoup d'heures pendant cette période; il a gagné 800$ par semaine. Dans le système actuel, on ne lui compterait que 750$ par semaine.

Ensuite, il travaille six semaines en septembre et octobre et gagne 400$ par semaine. Il déposerait sa demande à la fin de cette seconde période de six semaines. Il serait assujetti à un délai de carence de deux semaines avant d'être admissible à l'assurance-chômage. Il aurait droit à trente semaines de prestations, dont le montant hebdomadaire s'élèverait à 316$. Au total, il gagnerait7 200$ cette année-là et recevrait 9 480$ de prestations d'assurance-chômage.

Passons maintenant à la situation de... Supposons que dans la localité en question, il ait été possible de trouver un emploi relativement mal payé dans l'industrie touristique. Il pourrait s'agir d'un travail à temps partiel pendant les week- ends ou d'un emploi au salaire minimum à temps plein.

.1410

L'emploi mentionné dans cet exemple vaut 200$ par semaine et dure huit semaines. L'exemple ci-dessous correspond à ce régime de travail.

Dans ce cas précis, en acceptant ce travail, l'intéressé réduit son revenu total annuel de plus de1 000$. Son revenu a augmenté. Il a gagné 1 600$ de plus. Il a huit semaines à raison de 200$ par semaine. Mais sa rémunération assurable moyenne a diminué de 150$ par semaine, parce qu'on a tenu compte de cette période faiblement rémunérée dans le calcul de sa moyenne.

Si vous regardez les calculs dans le petit cadre au bas de cette page, vous pouvez voir comment nous avons fait le total de ses revenus. Étant donné que l'intéressé a maintenant vingt semaines de travail, ses revenus sont divisés par vingt, alors qu'auparavant, il n'avait que douze semaines de travail et ses revenus étaient divisés par douze. Ainsi donc, sa rémunération moyenne est tombée de 575$ à 425$.

Le taux des prestations hebdomadaires diminue en conséquence. Le nombre de semaines de prestations augmente effectivement, car l'intéressé a accumulé un plus grand nombre de semaines de travail, mais cela ne compense pas l'importante diminution du taux des prestations. Au total, ses prestations d'assurance-chômage diminuent de plus de 2 000$. Par conséquent, le fait d'accepter un travail supplémentaire n'a certainement pas été rentable pour ce prestataire.

Il ne s'agit pas d'un cas inhabituel ni isolé. Le mécanisme que je viens de vous illustrer dans cet exemple découle de la façon dont nous calculons les prestations dans le système actuel de l'assurance-chômage. C'est un corollaire direct du fait que chaque semaine de travail supplémentaire entre actuellement dans le calcul des prestations. Si le prestataire tient compte d'une semaine de travail pendant laquelle ses revenus ont été relativement faibles, cela diminue la moyenne générale et peut avoir une incidence assez dramatique sur les prestations d'assurance-chômage. C'est l'une des choses que nous voulons essayer de supprimer dans le programme afin que les prestataires comprennent clairement qu'il est utile de continuer à travailler.

Dans la section suivante, nous donnons un certain nombre d'exemples de calcul des taux de prestations; cela pourrait être utile dans l'examen de cette question. Le premier exemple porte sur le choix de la date de dépôt d'une demande.

L'un des résultats de l'évaluation dont nous avons parlé hier indique le nombre de demandes qui arrivent à échéance exactement au moment où le taux de prestations est le meilleur pour le prestataire. Ce dernier est en mesure d'ajuster la date du dépôt de sa demande afin de maximiser le taux de ses prestations.

Ici, nous donnons l'exemple d'une personne qui travaille peut-être dans un secteur en déclin. L'entreprise qui l'emploie s'achemine peut-être lentement vers la faillite. La personne en question est une employée permanente et sa charge de travail commence à diminuer.

L'intéressée déposerait sa demande tout de suite après l'interruption de sa rémunération. Ainsi, elle serait certaine que sa demande est fondée sur un revenu important à un taux de rémunération plus élevé. Si par la suite elle obtient des revenus supplémentaires et accumule d'autres semaines de travail, comme je l'ai mentionné ce matin, il existe une période de 52 semaines pendant laquelle les gens peuvent obtenir leurs prestations. Au fond, cela reporterait tout simplement le moment auquel la personne obtiendrait ses prestations, car elle peut les obtenir, comme on le voit ici sur le tableau, à n'importe quel moment au cours des 52 semaines suivantes.

.1415

En particulier, je voulais vous présenter cet exemple parce qu'un représentant syndical m'a dit qu'il craignait que l'adoption d'une période fixe pour l'étalement des revenus soit préjudiciable aux travailleurs qui oeuvrent dans les secteurs en déclin et qu'on est en train de déplacer. Il n'en est rien. Les travailleurs peuvent déposer leurs demandes là où ils sont, et c'est à leur avantage aujourd'hui de déposer leurs demandes là où ils sont; par conséquent, il n'y a aucune différence.

L'exemple suivant figure à la page 9. Il n'est pas toujours possible pour les travailleurs de choisir le moment où ils peuvent déposer leurs demandes. Ils n'ont aucune emprise sur leur travail. C'est vrai, mais si un prestataire a été au chômage au cours des 52 semaines antérieures, il peut profiter de l'interruption de rémunération survenue à un moment donné au cours de cette période pour déposer une demande si cela fait son affaire. On n'a pas besoin d'être au chômage pour déposer une demande si l'on a été au chômage auparavant.

Dans cet exemple-ci, nous avons un prestataire qui a accumulé huit semaines de travail, pris une petite pause et travaillé encore pendant 16 semaines. Pour maximiser ses prestations, ce prestataire voudrait déposer sa demande à un moment donné, et il est en mesure de le faire en se fondant sur l'interruption de rémunération de deux semaines qu'il a subie entre les deux périodes de travail de 8 et 16 semaines respectivement. La seule condition est d'avoir passé sept semaines sans travail ni rémunération. C'est ce qu'on appelle un arrêt de rémunération. Dans ce cas précis, si l'intéressé dépose sa demande à ce moment-là - beaucoup de gens le font; je ne suis donc pas en train de révéler un secret peu connu dans le régime de l'assurance-chômage; les gens qui ont utilisé le système plus d'une fois le savent très bien - la rémunération moyenne serait de 413$, contre 300$ si la personne avait attendu.

Madame Lalonde, l'exemple D pourrait contribuer à répondre à l'une des questions que vous avez posées ce matin, à savoir ce qui arrive si une personne ayant deux emplois en perd un. Il s'agit ici d'un exemple très détaillé illustrant l'un des changements proposés dans le projet de loi C-111 et le traitement des revenus provenant de deux emplois concomitants lorsqu'on en perd un seul.

Actuellement, si vous êtes dans cette situation et que vous perdez l'un de vos deux emplois, le seul revenu qui entre dans le calcul de votre taux de prestations est celui provenant de l'emploi que vous avez perdu. Si vous regardez les calculs effectués dans le système actuel ici - je vais vous expliquer brièvement l'exemple - ce prestataire a gagné 600$ par semaine pendant longtemps. En janvier, sa semaine de travail a été réduite et il s'est retrouvé avec 350$ seulement par semaine. Pour combler le manque à gagner, le prestataire est allé trouver un emploi à temps partiel qui lui rapportait 100$ par semaine. En mai, il a perdu son emploi principal, et il ne lui restait plus que son emploi à temps partiel à 100$ la semaine.

Nous commençons à compter à partir du mois de mai, et conformément au système actuel, nous remontons à 20 semaines. Cela nous donne 16 semaines à 350$ - soit 5 600$ - plus quatre semaines à 600$ - soit 2 400$. La rémunération assurable moyenne de l'intéressé s'élèverait à400$, ce qui donne un taux de prestations de 228$, et pendant que sa demande est à l'étude, sa rémunération admissible est de 55$. Les calculs que nous essayons de présenter verbalement ce matin figurent ici, mais en fin de compte, la prestation d'assurance- chômage est de 175$ par semaine.

.1420

D'après l'une des modifications figurant dans le projet de loi C-111, la rémunération provenant du deuxième emploi à 100$ la semaine serait prise en considération de la façon suivante. Nous avons maintenant 16 semaines de travail à 350$, 16 semaines à 100$, et quatre autres semaines à 600$. Le total des revenus s'élève maintenant à 9 600$ et le taux des prestations à 264$, et à partir du moment où nous tenons compte des revenus gagnés pendant que la demande est en cours, le montant de l'assurance-emploi versée au prestataire sera de 230$ par semaine.

L'exemple suivant s'appliquerait à plusieurs catégories de travailleurs saisonniers. D'après les statistiques relatives à la main-d'oeuvre, nous savons que les travailleurs saisonniers ont généralement des semaines de travail assez longues. Cet exemple s'appliquerait probablement à l'industrie de la construction, où les salaires de certains travailleurs qualifiés sont assez élevés. Le taux de rémunération moyen que nous avons utilisé dans cet exemple est de 20$ de l'heure, ce qui se situe à peu près à mi-chemin entre le salaire d'un manoeuvre, qui est d'environ 14$ de l'heure, et celui d'un technicien spécialisé, qui est d'environ 36$ de l'heure.

Ce régime de travail est également assez classique, car dans ce secteur, les activités démarrent au printemps, sont très intenses avec des journées très longues en été et en septembre, et s'arrêtent progressivement en octobre.

Dans cet exemple, nous montrons comment l'augmentation du maximum hebdomadaire, en tenant compte de tous les revenus qu'un travailleur saisonnier pourrait gagner et du nombre d'heures qu'il consacre à un travail, peut permettre à ce dernier d'obtenir, en vertu du projet de loi C-111, des prestations très semblables à celles qu'il reçoit en vertu de la loi actuelle, même si les périodes creuses entrent dans le calcul du taux des prestations.

Sans entrer dans tous les détails fastidieux de cet exemple, nous en arrivons exactement aux mêmes chiffres, car dans les deux cas, le prestataire se retrouve avec une rémunération assurable moyenne supérieure au maximum hebdomadaire.

L'exemple suivant est celui d'une personne qui a deux emplois saisonniers pendant deux saisons pour ainsi dire opposées. Elle a un emploi d'été et un emploi d'hiver. Prenons le cas d'une personne qui travaille à la réfection des routes en été et au déneigement en hiver. Il s'agit là d'un exemple sur lequel on a attiré mon attention. Un autre exemple est celui d'une personne qui travaille dans l'industrie touristique où, une fois de plus, les activités sont très intenses en été, puis pendant la période des Fêtes, et de façon périodique en hiver.

En vertu de la règle de l'étalement sur une période fixe, du moment que le prestataire a une période de travail relativement longue en été, l'incidence de la période d'étalement fixe sur son taux global de prestations n'est pas importante.

Je voudrais vous expliquer comment fonctionne le système. L'une des dispositions du projet de loi prévoit que, si vous avez 20 semaines de travail, nous les comptons toutes. Ainsi donc, dans cet exemple-ci, le prestataire a 16 semaines de travail en été. Quand il dépose sa demande à ce moment-là, nous allons chercher les 20 semaines de travail. Aujourd'hui, dans le calcul de la rémunération moyenne, nous tenons compte des deux semaines de travail du mois de mars où il a gagné 200$, et des deux semaines du mois de février où il a gagné 250$. En comptant ces semaines, nous en arrivons à une rémunération assurable moyenne de 525$.

.1425

Dans la démarche qui consiste à utiliser un diviseur fixe qui se situe entre 16 et 20 semaines... Supposons qu'il s'agissait d'une personne qui travaillait dans une région du pays où le taux de chômage est de 11,5 p. 100, ou même entre 10 p. 100 et 12 p. 100. Ses revenus seraient assujettis à un diviseur de 18 semaines. Par conséquent, la rémunération assurable moyenne s'élèverait à 533$, contre 525$ aujourd'hui. Avec un diviseur fixe, la rémunération assurable moyenne serait de 533$.

En outre, étant donné que les travailleurs saisonniers ont tendance à avoir de longues heures de travail, il est possible que ce prestataire se serait prévalu d'un plus grand nombre de semaines que maintenant. Dans cet exemple précis, son revenu total, prestations et rémunération comprises, serait très comparable à ce qu'il recevrait dans le système actuel.

L'exemple suivant reprend l'exemple A, pour refaire les calculs dans le cas du travailleur qui a eu six semaines au printemps et six en automne, et qui a pu trouver du travail dans un autre secteur en été... et comment ces calculs seraient faits en vertu des dispositions du projet de loi C-111. Je n'examinerai pas cet exemple en détail. Je dirai simplement que ces calculs ressemblent beaucoup à ceux qu'on aurait faits si l'intéressé avait fait ce travail dans le système actuel.

Je passe maintenant à la page 14, où nous donnons notre meilleure estimation du nombre de prestataires qui pourraient être durement touchés, ou qui pourraient connaître de grandes périodes creuses dans leur emploi, pendant la période de calcul du taux de prestations, à tel point que cela les préoccupe. Nous présumons que de 2 à 3 p. 100 des prestataires se retrouvent dans cette situation.

Pour reprendre certains chiffres que M. Noreau vous a donnés hier, nous avons utilisé l'enquête relative à l'activité du marché du travail et constaté que près de 65 p. 100 des prestataires n'ont pas de périodes creuses avant de demander l'assurance-chômage. Vingt-cinq pour cent d'entre eux ont une période creuse dont la durée se situe entre une et quatre semaines. Pour près de 10 p. 100 des prestataires, la période creuse dépasse quatre semaines.

À notre avis, le chiffre de 10 p. 100 est sans doute une surestimation assez considérable de la proportion des prestataires qui... C'est une analyse statique. Une fois que l'on tient compte d'ajustements possibles, on surestime le nombre de personnes qui seraient touchées.

Voici le genre de choses qui pourraient arriver. Les prestataires choisiraient le moment de déposer leur demande. En particulier, et c'est un cas que je n'ai pas mentionné quand je présentais l'exemple (g), vous constaterez en comparant les deux exemples dans le système proposé qu'il n'est pas avantageux pour les prestataires de déposer leurs demandes tout de suite après les huit semaines d'été où les revenus ont été faibles, tandis que maintenant, c'est à leur avantage de présenter la demande à la fin de la période de travail, c'est-à-dire en octobre. C'est un exemple de la façon dont ils tiendraient compte du moment du dépôt de leurs demandes pour s'assurer que les chiffres continuent de les avantager.

Ensuite, il y a les résultats des études d'évaluation que l'on a mentionnés à maintes reprises depuis deux jours, concernant la capacité des travailleurs de trouver les semaines de travail supplémentaires dont ils ont besoin. Sans aucun doute, il y aura aussi moins de manipulations du système, et j'ai quelques exemples à ce sujet. De plus, il y aura de nouvelles possibilités d'emplois, créées en partie grâce à l'argent provenant de la mise en oeuvre de la Partie II du projet de loi et du fonds transitoire pour la création d'emplois.

.1430

J'ai des informations supplémentaires relatives au 10 p. 100 en réponse à une question queM. Nault nous a posée hier. Peut- être pourrions-nous distribuer le document.

M. Noreau: Êtes-vous d'accord, monsieur le président?

Mme Smith: Je parle des 10 p. 100 des prestataires qui avaient des périodes creuses supérieures à quatre semaines. Hier, vous avez demandé si nous avions des détails à ce sujet.

Pendant que l'on distribue le document, je dirai simplement qu'il comporte des informations supplémentaires sur tous ces chiffres. En particulier, il porte sur les 35 p. 100 des prestataires qui ont connu une période creuse, quelle qu'elle soit.

À cet égard, nous avons les chiffres relatifs à chaque province, et vous pourrez voir sur ces pages qu'ils varient de 41 p. 100 à 27 p. 100. Dans l'est du pays, ils sont un peu plus élevés que dans l'ouest, même si en Alberta, près de 40 p. 100 des prestataires ont connu une période creuse.

Je m'arrête un instant. Il vous sera plus utile d'avoir les tableaux.

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): [Inaudible éditeur]

Mme Smith: Je n'ai pas cette statistique mais j'y reviendrai dans...

M. Arseneault: Cela figure-t-il dans la documentation?

Mme Smith: Non, mais j'ai d'autres choses pour vous guider dans cette direction. Je ne puis répondre à cette question précise.

Le président: Avez-vous terminé vote exposé, madame Smith?

Mme Smith: Oui, dans quelques minutes.

Le président: Est-ce le bon moment pour faire intervenir les directeurs régionaux, avant de passer à la période des questions? Dites-moi ce que vous en pensez.

M. Noreau: Comme vous voudrez, monsieur le président.

Le président: Faites tout ce qui nous aidera à mieux comprendre le système.

M. Noreau: Nous ferions mieux de nous concentrer sur les questions relatives à l'exposé, et ensuite...

Le président: Très bien. Posons quelques questions. Nous allons poser des questions sur votre exposé et nous nous réserverons du temps pour entendre les directeurs régionaux après la première série de questions.

M. Noreau: D'accord.

Mme Smith: En attendant que la documentation soit distribuée, je vais peut-être parler des dernières pages, c'est- à-dire les pages 15 et 16 du mémoire que je vous ai donné.

J'ai parlé de la manière dont les ajustements se feraient. J'ai mentionné quatre facteurs: comment les prestataires déposent leur demande, la quantité de travail effectué, moins de manipulation du système et les nouvelles possibilités d'emploi.

Au bas des pages 15 et 16, il y a quatre exemples relatifs à la manipulation du système actuel. Avant d'en arriver aux exemples, je tiens à affirmer clairement que, d'une manière générale, il s'agit de cas réels tirés de nos enquêtes sur les demandes; toutefois, cela ne veut pas dire que tous les prestataires se livrent à ce genre d'activités. Tel n'est pas le cas. Néanmoins, ce sont des choses qui arrivent, et cela vous donnera une petite idée de la façon dont on devrait interpréter les chiffres publiés dans des études comme celle relative à l'activité du marché du travail.

.1435

J'ai demandé aux membres de mon groupe d'enquête et de contrôle quel est le pourcentage de demandes suivies de sanctions, de poursuites ou de disqualifications, et ils m'ont répondu qu'il y en avait probablement de 15 à 20 p. 100. Par conséquent, ce genre d'activité existe.

Par exemple, dans les bureaux d'embauchage, les travailleurs pourraient demander qu'on ne leur alloue pas un travail s'ils savent que ce travail a une durée limitée, car ils aimeraient attendre un emploi à plus long terme. Il pourrait y avoir des situations où quelqu'un utiliserait un afficheur téléphonique pour éviter de répondre à un appel de son employeur parce qu'il n'est pas intéressé à un rappel temporaire. Il y a des situations où les gens changent de statut, devenant employeur ou employé selon les critères qu'il faut remplir pour être admissible à l'assurance-chômage. Il existe des circonstances où l'année de travail est divisée en deux ou trois quarts afin d'aider autant de membres de la collectivité que possible à obtenir l'assurance-chômage.

Il y a l'exemple de l'accumulation des heures que je vous ai décrit ce matin. Il y a l'exemple des compagnies qui ferment pendant la période des Fêtes, pendant laquelle les employés touchent de l'assurance-chômage. Il y a l'exemple des personnes et des industries qui recourent intensivement au travail au quart, avec trois semaines de travail et dix jours de congé, par exemple, où les travailleurs gardent leur dossier constamment ouvert et touchent l'assurance-chômage pendant les dix jours de congé.

En outre, il y a évidemment le cas des personnes qui ne rapportent pas leur revenu pendant qu'elles touchent l'assurance-chômage, et c'est une situation qui n'est pas inhabituelle.

Pour en revenir aux pages d'information que je viens de distribuer, elles comportent cinq tableaux. Celui que j'ai devant moi montre le pourcentage des personnes qui connaissent une période creuse, réparti par province. On constate qu'à Terre-Neuve, par exemple, 41 p. 100 des prestataires connaissent une période creuse. En Ontario, 34 p. 100 sont dans la même situation. Il s'agit d'un arrêt d'une semaine ou plus au cours de la période fixe. Je vais également nuancer ce phénomène.

Le tableau suivant montre la durée moyenne des interruptions d'emploi par province. Vous pouvez voir qu'en fait, dans la région de l'Atlantique, la durée moyenne d'un tel arrêt semble être moins longue que dans d'autres provinces. Elle varie entre 2,85 semaines au Nouveau-Brunswick et 3,47 semaines à Terre- Neuve, contre 4,76 semaines au Manitoba, par exemple.

Le pourcentage des personnes qui connaissent des arrêts d'emploi par industrie: Ici, vous pouvez voir qu'il n'y a pas de tendance vraiment remarquable, et que les arrêts d'emploi surviennent dans presque toutes les industries. Entre 38 p. 100 et 40 p. 100 des prestataires dans presque tous les secteurs connaissent un arrêt de travail pendant cette période de référence.

Le tableau suivant donne la durée moyenne d'un arrêt de travail par secteur. Une fois de plus, il n'y a pas de tendance vraiment marquée ici. D'une manière générale, la moyenne se situe entre trois et quatre semaines dans presque tous les secteurs.

Le dernier graphique, sur la durée de l'interruption de l'emploi au cours de la période moyenne, nous fournit des statistiques de 65 p. 100. Le 10 p. 100 correspond à plus de quatre semaines d'interruption. Il s'agit simplement d'une représentation graphique de ces données.

.1440

M. Noreau: Monsieur le président, voilà qui met fin à l'exposé de Mme Smith. Avant de passer aux questions, je voudrais faire quelques observations pour conclure.

Il est indéniable que nous sommes en présence d'un problème, et qu'il existe des interruptions dans les revenus. Il y a des périodes creuses, surtout dans les industries saisonnières. C'est un véritable problème. Il n'est peut-être pas aussi important que les médias l'ont laissé entendre depuis quelque temps, mais il n'en demeure pas moins que c'est un problème réel.

Pour vous comme pour nous, il importe de savoir qu'elle en est la cause. Est-ce l'introduction d'une nouvelle règle ou l'incidence traditionnelle du manque de travail, l'absence traditionnelle de continuité dans le travail? Selon la réponse à cette question, on peut soit changer la nouvelle règle que l'on se propose d'appliquer ou prendre diverses mesures pour générer du travail, créer les saisons manquantes et, au fil du temps, trouver des moyens de combler les trous.

Deux autres choses. Il importe de noter que ce problème ne se matérialisera pas avant le printemps de 1997 au plus tôt, étant donné que les nouvelles heures et le nouveau relevé d'emploi entreront en vigueur en janvier 1997. Par conséquent, ce problème, quoique réel, ne commencera à se manifester qu'à la fin de l'année prochaine.

Je voudrais enfin insister sur le fait que cette mesure législative porte non seulement sur la partie I, mais aussi sur la partie II. Elle porte sur l'emploi, l'encouragement à l'emploi et la création d'emplois. Souvenez-vous des chiffres, car il est important de les garder à l'esprit.

Tout d'abord, au cours des cinq prochaines années, la mesure prévoit l'investissement dans le fonds de transition de 300 millions de dollars destinés aux régions les plus touchées pendant les trois années qui viennent. Ensuite, on prévoit de réinvestir au cours des cinq années suivantes 800 millions de dollars grâce aux économies générées par la réforme, une fois parachevée. Il s'agit de 800 millions de dollars qui s'ajouteront à un budget existant de 1,9 milliard de dollars prévus dans le cadre de l'utilisation des fonds d'assurance- chômage pour des fins de création d'emplois.

Ainsi, la mesure législative vise à changer les règles et les critères d'admissibilité. Mais on prévoit, si vos calculs sont les mêmes que les miens, 3 milliards de dollars d'investissement dans des mesures destinées à favoriser l'emploi et l'employabilité. Cela n'est certes pas à négliger. Vous serez informés de cela plus en détail demain, lorsque nous passerons en revue la partie II de la mesure. Il importe de garder à l'esprit cette perspective et ces chiffres.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Noreau et madame Smith. Nous allons maintenant faire un tour de questions avant d'inviter les directeurs régionaux à venir aborder ce dernier point.

[Français]

Nous allons procéder selon l'ordre habituel. Ce sera d'abord Mme Lalonde de l'Opposition officielle pour un premier tour d'environ 10 minutes.

Mme Lalonde: J'ai d'abord une première remarque à faire. J'aurais vraiment aimé obtenir ces documents à l'avance. D'habitude, je suis capable de suivre assez bien, mais j'aurais aimé pouvoir suivre cela. Je ne veux aucunement mettre en cause l'intelligence ou les propos de Mme Norine Smith.

Je sais que vous avez choisi des exemples. J'aimerais pouvoir les critiquer adéquatement pour défendre les gens que je suis censée défendre, mais cela s'est fait très rapidement car vous avez essayé de couvrir tout le terrain. Je me sens extrêmement mal à l'aise.

Encore une fois, il me semble qu'on a le droit d'avoir l'information en temps utile pour faire notre travail comme il le faut. Je ne pense pas que je doive me sentir coupable de ne pas avoir digéré cela d'un seul coup en sachant ce qui est dit, ce qui n'est pas dit, ce qui est dit de telle façon. Vous avez un job à faire, mais nous aussi, on en a un à faire.

.1445

Encore une fois, je ne me trouve pas dans une situation pour le faire adéquatement, mais je vais quand même essayer de faire de mon mieux.

Avant de parler des régions les plus défavorisées, je vais parler des personnes. Vous insistez pour dire, à la page 8, et je cite:

Vous veniez de nous dire que vous vouliez empêcher la manipulation du système, et là vous nous dites que les gens qui ne sont pas capables de le manipuler vont avoir des problèmes au chapitre du niveau de prestations. Cela va exiger une information considérable et peut-être que bien des gens constateront non seulement qu'ils n'ont pas déposé leur demande au bon moment, mais aussi qu'ils ont payé cher pour le savoir, compte tenu des niveaux de prestations qui sont énumérés.

Pour moi, il y a là une question extrêmement importante. Cela veut dire que ce sont les gens les plus fins, ceux qui sont syndiqués et qui vont pouvoir avoir des cours qui seront alertés à temps et pourront «profiter» du système. Autrement, ils n'auront pas ce à quoi ils ont droit. Cette question pose un problème assez important.

Je comprends qu'il y ait des abus ou des biais que vous voulez corriger, mais il me semble que vous introduisez des biais qui pénaliseront le monde ordinaire qui n'est pas en mesure de «traficoter» ou qui n'a pas eu l'information nécessaire. Je pense qu'il y a là une vraie question. Comprenez bien que je ne vous attaque ni ne vous accuse. Mais je me sens obligée de le dire parce que c'est vous qui dites: «Une personne choisira la date de dépôt de sa demande afin de maximiser...».

M. Noreau: Madame Lalonde, je ne veux pas sous-estimer l'importance d'informer et d'aider les gens à se servir de ce nouveau système. C'est un système qui est dramatiquement différent de l'ancien. Donc, non seulement les syndicats devront-ils offrir des cours à leurs membres, mais nos centres d'emploi devront prendre beaucoup de temps pour aider les gens. Ce sera un changement important, j'en conviens.

Je ne pense pas que se servir de ce système de la bonne façon implique qu'on le «traficote». Quand les gens pourront déposer leur demande de prestations au bon moment, ils vont simplement exercer leur droit. Ils vont simplement se prévaloir de ce à quoi ils ont droit et ce sera notre devoir, collectivement, de les aider à le faire. Cela ne sera pas facile et il va falloir un certain temps - d'ici l'automne prochain - pour que les gens s'habituent à ces nouvelles règles et apprennent à remplir les formulaires. Je ne sous-estime pas cela.

Mme Lalonde: On sait qu'il y a beaucoup de questions que l'on pourrait poser pour défendre les gens. Avec le projet de loi C-17, il y a eu des coupures. Je ne prendrai pas l'exemple du Québec, mais celui des provinces atlantiques.

Il y a eu des coupures évaluées par votre ministère à 630 millions de dollars, si ma mémoire est bonne, pour 1995-1996 et pour 1996-1997 qui se répètent normalement dans le système. Pour le Québec, cela représentait 125 millions de dollars, j'en suis sûre, et le total s'élève à 2,4 milliards de dollars pour tout le Canada. Ce sont les chiffres que vous nous aviez donnés et, quand vous me dites quelque chose, je le crois.

M. Noreau: C'est exact.

Mme Lalonde: Merci. Si vous changez de chiffres, dites-le nous parce qu'on vous suit.

Donc, avec le projet de loi C-17, il y a déjà eu des coupures et il y a déjà cela de moins d'argent, de véritable argent, dans les régions. Vous dites que vous allez investir 300 millions de dollars sur trois ans. Il y a un élément que je dois ajouter pour que mon raisonnement et ma question se complètent. Avec ce projet de loi, à combien se chiffrent les coupures pour les provinces atlantiques?

.1450

Pour le Québec, au terme, il s'agit de 640 millions de dollars. Pour les provinces Atlantiques, c'est combien?

M. Noreau: Si vous parlez de la loi dont on est en train de discuter,...

Mme Lalonde: Oui.

M. Noreau: ...dans les données d'impact qu'on vous a remises hier...

Mme Lalonde: C'est combien pour les quatre ensemble?

[Traduction]

M. Noreau: Les quatre provinces de l'Atlantique...

[Français]

Il s'agit de 130 millions de dollars, mais je dois vous faire remarquer que c'est après le réinvestissement.

Mme Lalonde: J'aimerais d'abord connaître les coupures, parce qu'on va discuter pour voir s'il y a réinvestissement ou pas. Il y avait déjà de l'argent.

M. Noreau: Avant, c'était 220 millions de dollars. Cela, c'est pour l'année 1997-1998. Si vous voulez les chiffres de 2001-2002, ils sont plus élevés dans les deux cas.

Mme Lalonde: Très bien. Disons qu'en 1997-1998, si on prend les 630 millions de dollars en vertu de la réforme contenue dans le projet de loi C-17 plus les 220 millions de dollars, cela représente, pour une seule année, par rapport au régime qui existait lorsque les libéraux ont pris le pouvoir, une coupure de 150 millions de dollars.

Donc, quand on dit qu'on va investir 300 millions de dollars sur trois ans, il faut constater qu'il y a un impact économique important qui demeure. C'est de cela qu'il faut parler. J'aimerais savoir si vous avez évalué l'impact économique des réductions, parce que les prestations d'assurance-chômage, c'est de l'argent en moins qui circule. C'est de l'argent en moins pour payer le logement, l'hypothèque d'une petite maison, la nourriture, pour payer les besoins de base. Cela a un effet économique.

Je comprends qu'on veuille mettre en place des mesures actives d'emploi, et je n'ai jamais été contre cela, mais je trouve que dans toute cette réforme-là, on ne tient pas compte de l'impact économique de l'argent qui circule à la base, surtout dans les régions. C'est dire qu'il y en a moins dans les dépanneurs, moins dans les épiceries, moins pour payer les loyers.

M. Noreau: Je ne pourrais...

Mme Lalonde: Pourriez-vous nous faire part de certains impacts économiques?

M. Noreau: Je pourrais tenter de le faire, madame, mais je voudrais simplement faire le commentaire suivant: il y aura effectivement, à cause de la réforme proposée, un flot d'argent réduit en termes de prestations d'assurance-chômage dans certaines régions. C'est clair.

Cependant, le diagnostic et les études qui ont été faits depuis dix ans - je m'exclus - , par exemple par la Commission Forget, ont conclu que le versement de ces prestations pouvait avoir un effet économique, car c'était un revenu pour la province, pour la région, mais que cela avait aussi un effet contre-incitatif sur le développement économique.

Je vous suggère de jeter un coup d'oeil sur les évaluations qu'on vous a remises. On y dit que l'assurance-chômage a un effet stabilisant lors des récessions, qu'elle a un impact économique certain. Si je me souviens bien d'un chiffre, de 10 à 14 p. 100 des emplois auraient été affectés s'il n'y avait pas eu d'assurance-chômage.

Mme Lalonde: De 10 à 14 p. 100?

M. Noreau: Par ailleurs, il y a aussi les effets contre-incitatifs. Je ne me ferai pas l'auteur de ces évaluations-là, mais je pense qu'on devrait les regarder ensemble.

Mme Lalonde: Je suis d'accord, mais ce que je trouve là-dedans, c'est que vous faites...

Le président: Ce sera votre dernière question, madame Lalonde.

Mme Lalonde: Merci, monsieur le président. Vous comprenez qu'on est vraiment dans le jus du jus.

Le président: On va être dans le jus pendant un bout de temps. Notre tâche est de comprendre la présentation de cet après-midi.

Mme Lalonde: Oui, mais il faut comprendre non seulement le détail, mais aussi le portrait global.

Oui, monsieur le sous-ministre, il peut y avoir des effets pervers, comme je le disais alors que je faisais partie des syndicats. On ne peut couper sans s'assurer qu'il y aura quelque chose pour remplacer cela. Si vous coupez avant de vous assurer qu'il y aura quelque chose à la place, vous condamnez le monde à la misère. C'est cela, la vérité. Donc, il faut le dire; on ne peut se taire.

C'est sûr qu'il y a un problème de déséquilibre. C'est sûr que les provinces de l'Ouest peuvent en avoir assez de payer pour les provinces de l'Est au Canada. J'ai lu et vu tout cela, mais pour le vrai monde, s'il n'y a rien d'autre, ce sera la misère.

.1455

Si quelqu'un voit que son entreprise est en déclin et qu'il va travailler moins d'heures et gagner moins de revenu, il doit tout de suite se trouver un emploi temporaire s'il veut avoir une pleine prestation d'assurance-chômage, parce qu'autrement, ses prestations d'assurance-chômage seront réduites. Eh bien, il y a des coins où cela n'est pas possible. De plus, si quelqu'un qui a un travail permanent se cherche un emploi temporaire, il l'enlève à quelqu'un qui n'a que cela pour gagner sa vie.

J'ai présenté mon argument, monsieur le président, en tout cas d'une façon générale.

M. Noreau: J'ai trois points à soulever, madame. Premièrement, c'est pour rendre ces impacts-là plus gérables que la réforme proposée est introduite sur une période de six ans, de sorte que les réductions et les réinvestissements puissent se contrebalancer et s'équilibrer.

Deuxièmement, il est évident que ces réinvestissements sont destinés à générer de l'emploi. Ce n'est pas encore une autre forme de prestations passives, comme on les appelle au Québec. Ce sont des mesures qui, par exemple, sont des subsides à l'emploi. Il a été démontré que ces mesures peuvent aider les gens non seulement à survivre, mais aussi à entrer et à rester en emploi.

Mme Lalonde: Mais il faut qu'il y ait une entreprise pour qu'il y ait des subsides à l'emploi. Quand il n'y en a pas, il n'y en a pas.

M. Noreau: Il y a une mesure qui s'appelle «Partenariat de création d'emplois» pour tenter d'aider ces entreprises-là à créer les emplois dont on parle.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Je cède maintenant la parole à Mme Brown.

Mme Brown: Merci, monsieur le président.

Madame Smith, lorsque je vous ai entendu lire une déclaration figurant à la page 9, je n'en ai pas cru mes oreilles. Vous avez dit qu'il est possible de présenter une demande en cours d'emploi. Mes propos ont un rapport avec les observations de Mme Lalonde, mais pour une raison tout à fait différente.

Si on lit ce qui figure au haut de la page 13, vous dites aux travailleurs comment tirer parti du système en se prévalant d'un risque moral. Ce n'est pas là l'objet d'un régime d'assurance-chômage. On encourage ainsi les travailleurs dès le début à manipuler le système. Vous dites à la page 14 qu'il y aura moins de manipulations du système, mais si le gouvernement permet des occasions de le manipuler, comment pourrait-on reprocher aux travailleurs de le faire?

Quand il s'agit d'ententes conclues au bureau d'embauche, chacun sait que ce genre d'entente prend la forme de documents juridiques assez volumineux. En l'occurrence, vous vous fondez sur des témoignages anecdotiques. Comment croyez-vous que les travailleurs vont accepter une hypothèse sur la manipulation du système? Croyez-vous que les travailleurs et les syndicats seraient disposés à se lancer dans une quelconque contestation judiciaire en votre nom, et que feriez-vous en pareil cas? Cela ouvre-t-il la porte à des contestations judiciaires?

À mon avis, tout cela n'a rien à voir avec l'assurance- chômage. Vous instituez un risque moral. Vous dites qu'il pourrait y avoir moins de manipulation du système. Nous savons qu'il y en a à l'heure actuelle, et pourtant le gouvernement donne l'occasion de s'y livrer.

Mme Smith: Je voudrais apporter une précision. L'exemple de la page 9, le moment où les gens peuvent présenter leur demande, n'est pas une nouvelle caractéristique découlant du projet de loi C-111. C'est la façon dont le système actuel fonctionne et c'est le cas depuis très longtemps, pour permettre aux gens de tirer profit d'un arrêt de rémunération.

Quant à ce que vous avez dit sur les exemples de manipulation des pages 15 et 16...

Mme Brown: Excusez-moi, madame Smith, mais je faisais précisément allusion à la page 13 qui, je le suppose, représente de nouvelles dispositions découlant du C-111, car vous dites maintenant que les prestataires seraient fortement encouragés à accepter les emplois d'été disponibles et qu'ils pourraient quand même présenter une demande à la fin de cet emploi. N'est- ce pas nouveau?

Mme Smith: Ils ont toujours été en mesure de présenter une demande à la fin d'un emploi. C'est le moment normal où les gens font leur demande.

.1500

Ce qu'il y a de nouveau dans l'exemple (g), c'est la période de calcul du taux. L'exemple (g) est donc une répétition de l'exemple (a) qui représentait l'ancienne méthodologie pour le calcul du taux. Ainsi, un prestataire pourrait changer le moment de présentation de sa demande, mais dans ces deux exemples, il serait probablement à son avantage de le faire. Dans l'exemple (a), il présente sa demande dès la fin de l'emploi en octobre, tandis que dans l'exemple (g), il le fait dès la fin de l'emploi en août.

Mme Brown: Il s'agit donc plutôt de la date de présentation de la demande que du calcul du taux. Il me semble que la date de présentation est très pertinente n'est-ce pas?

Mme Smith: C'est à cette date que commence la période pour le calcul du taux. C'est la ligne de démarcation, et à partir de là, on remonte à 16 ou 20 semaines en arrière.

Pour ce qui est de la présentation de la demande pendant que les gens sont au travail, ce n'est pas illégal. C'est ainsi que fonctionne le système actuel, et c'est pour permettre aux gens de se positionner afin d'être assurés en fonction de leurs meilleures rémunérations possible.

Mme Brown: Pour ce qui est de mon autre question au sujet des centres d'embauche...

Mme Smith: Je tiens seulement à signaler qu'à l'exception de l'exemple du rappel au travail, il y a eu des enquêtes qui ont débouché sur des pénalités dans chacun de ces exemples. Ce ne sont pas des cas fictifs.

Mme Brown: S'agit-il d'enquêtes judiciaires?

Mme Smith: Oui.

M. Noreau: Oui. Ce sont des cas que notre service d'enquête et de contrôle a constatés et documentés et l'enquête a débouché sur une obligation de rembourser ou même sur des accusations au criminel, comme on en voit parfois dans les journaux.

Mme Brown: J'ai pourtant lu le projet de loi C-111, mais pourriez-vous me dire où se trouve cet élément particulier de votre explication dans le cadre du projet de loi?

Mme Smith: C'est éparpillé un peu partout dans le projet de loi, car cela relève de diverses infractions. Mais nous pourrions peut-être faire ces recoupements à votre intention afin de vous montrer quelles sont les caractéristiques du programme...

Mme Brown: Du point de vue juridique ou législatif, je voudrais... J'essaie simplement de signaler qu'il serait extrêmement utile d'avoir l'aide de conseillers législatifs pour examiner toutes ces questions. Il est difficile pour vous de répondre à nos questions. Je ne connais pas les réponses à ces questions. À mon avis, c'est le genre de question que nous pourrions poser à un conseiller législatif.

M. Gordon McFee (directeur général suppléant, Politique de l'assurance, ministère du Développement des ressources humaines): Monsieur le président, nous n'essayons nullement d'éviter de répondre aux questions. Il me semble que Mme Brown voulait peut-être parler de l'article 38 du projet de loi, qui porte sur les pénalités.

Il y a deux dispositions dans le projet de loi qui visent ceux qui ne nous disent pas la vérité en présentant une demande. La première a trait aux gains qui peuvent être déclarés avant qu'on fasse une déduction des prestations. Comme on l'a déjà expliqué aujourd'hui, il s'agit de ce qu'on appelle la règle des 25 p. 100, ce qui veut dire que les prestataires peuvent recevoir les premiers 25 p. 100 du taux de prestations avant qu'il y ait des déductions. Ce n'est pas quelque chose de nouveau.

Il y a aussi une disposition du projet de loi disant que cette règle ne s'appliquera pas à ceux qui omettent délibérément de nous dire ce qu'ils font.

Deuxièmement, il y a l'article 38, qui, comme je viens de l'expliquer, prévoit aussi des pénalités dans diverses situations où les gens ne nous disent pas la vérité.

Je m'excuse de ne pas avoir répondu plus rapidement, mais je n'avais pas très bien compris la question.

M. Scott (Fredericton - York - Sudbury): Si vous jetez un coup d'oeil aux divers tableaux que nous avons reçus et qui expliquent les incidences selon les régions, vous verrez qu'il y a d'abord un tableau qui donne les taux de chômage par province, mais que si vous ajoutez à cela les quatre ou cinq tableaux donnant les diverses incidences, vous pourrez voir un peu quelle sera l'incidence sur les groupes en question. Chaque tableau indépendamment ne montre pas...

D'abord, les taux de chômage sont le premier indicateur des conséquences et le taux de chômage au Nouveau-Brunswick est supérieur au taux en Ontario, quelle que soit la nature du chômage. Il importe de le noter.

.1505

La deuxième chose, c'est que Mme Lalonde combinait, je pense, les conséquences du projet de loi C-17, c'est-à-dire des autres changements apportés au régime d'assurance-chômage au cours des années précédentes, avec celles du projet de loi C-111. Selon moi, il importe de noter, ou du moins je tiens à le signaler, que la façon dont on a réduit les dépenses de la caisse d'assurance-chômage dans les deux mesures est très différente. Même si j'ai certaines réserves au sujet du projet de loi C-111, la méthode utilisée selon cette mesure est beaucoup plus juste à mon avis que si l'on prévoit simplement qu'il sera plus difficile pour les chômeurs d'obtenir des prestations et que celles-ci seront versées moins longtemps, ce qui semble être ce qu'on faisait dans le passé. Selon moi, il importe de souligner que la façon d'économiser dans le passé était bien différente de celle qu'on a adoptée maintenant, surtout compte tenu de l'incidence sur les niveaux de revenu, parce qu'une bonne partie des économies sont réalisées grâce aux MRA, au remboursement fiscal, et ainsi de suite, mais aussi à cause de la protection du revenu.

Cela étant dit, je voudrais noter certaines choses. Le sous-ministre a signalé qu'il faut déterminer pourquoi le travail a été interrompu. Je sais que certains sont convaincus que cela provient en partie des divers comportements dus aux modalités de l'assurance-chômage. Pour ma part, je n'en suis pas convaincu. Je connais bien des gens qui cherchent du travail pendant que tous les employeurs disent qu'ils ne peuvent trouver personne pour combler toutes sortes de postes à cause de l'assurance-chômage.

Ce que j'ai moi-même constaté ne correspond donc pas à la notion selon laquelle il y a des gens qui pourraient trouver du travail s'ils étaient obligés de le faire vu que j'essaie d'aider bon nombre de personnes à trouver des emplois parce qu'ils n'y parviennent pas. Je ne suis pas convaincu que c'est une anomalie causée par le régime d'assurance-chômage qui cause les interruptions d'emploi. À mon avis, c'est le chômage qui cause les interruptions de travail.

J'ai donc du mal à accepter qu'on utilise une formule selon laquelle ce sont ceux qui ne peuvent peut-être pas trouver du travail qui doivent assumer le fardeau si cette hypothèse est fausse. Si la solution consiste à dire que le chômeur doit trouver un emploi ou doit travailler quelques semaines de plus, et si nous supposons que cela va automatiquement arriver, je pense que nous sommes trop optimistes et qu'il est injuste que ce soient les chômeurs qui en souffrent si nous nous trompons. Il faudrait plutôt que ce soit la caisse d'assurance-chômage qui subisse, le cas échéant, toute conséquence négative de la nouvelle méthode.

D'après certains, si c'est le régime d'assurance-chômage qui subit ces conséquences, il y a des gens qui auront toujours recours à l'assurance-chômage. Par ailleurs, l'utilisation d'un diviseur incitera les gens à travailler plus d'heures qu'ils n'en ont besoin pour être admissibles à cause de la façon dont les prestations seront calculées. Autrement dit, et je ne veux pas trop insister sur cette idée de dissuasion parce que je ne suis pas vraiment convaincu qu'elle soit fondée, mais en supposant que cela fonctionne, ce sera l'effet du diviseur. Les gens voudront travailler plus que le minimum requis parce qu'ils voudront avoir les gains assurables les plus avantageux possible. Pourquoi ajouter à cela la question de l'interruption du travail pendant la période de prestation?

La deuxième question est celle-ci. Si nous jugeons que le travail en soi a une certaine valeur, et c'est notamment pour montrer que le travail en soi a une certaine valeur que cet ensemble de réformes a été instauré, pourquoi le travail que j'ai fait devrait-il être traité différemment s'il a été interrompu par une période de chômage pour laquelle j'affirme ne pas être à blâmer, par opposition à quelqu'un qui n'a pas eu d'interruption pendant sa période d'emploi?

.1510

À cause de la façon dont le calcul sera fait, c'est ce qui arrivera, parce que, si la période d'interruption est assez longue, la première période d'emploi risque de ne pas être incluse pour le calcul de mes prestations alors que la même période sera incluse pour mon voisin si sa période d'emploi n'a pas été interrompue. Ce pourrait être le même travail et le même effort fourni, peu importe.

À moins de penser qu'on pourra combler le vide causé par l'interruption d'une façon quelconque, c'est vraiment une anomalie que je trouve inacceptable. Si je me trompe, je préférerais que ce soit le régime d'assurance-chômage lui-même qui subisse les conséquences de mon erreur qu'un chômeur qui ne peut pas trouver un autre emploi.

M. Noreau: Je pense que ce que vous dites est très important et nous devons tous bien comprendre ce qui en est.

Quand nous parlons de la possibilité de créer du travail, nous n'essayons pas de dire, et j'insiste bien là-dessus, que seul le chômeur doit fournir un effort pour produire ce travail. Pas du tout. Au contraire, quand nous parlons de changement de comportement, et nous n'avons peut-être pas suffisamment insisté là-dessus jusqu'ici, nous voulons parler du comportement des employeurs, des communautés, des familles, des économies locales et des particuliers.

Il ne s'agit pas non plus de dire que le chômeur doit assumer les conséquences de l'absence de travail. On avait l'habitude jusqu'ici de s'en tenir à certaines règles, mais ces règles vont changer.

Ce que j'essaie de dire, c'est que nous devons pouvoir mieux gérer les conséquences et c'est pour cela que nous avons un système de contrôle. Nous nous attendons à certaines conséquences et c'est pour cela que nous avons prévu 300 millions de dollars de plus pour la période de transition. Ce n'est pas un montant énorme, mais cela permettra d'atténuer certaines des conséquences.

Nous prenons donc en compte l'impact sur les personnes. Lorsque nous parlons de comportements à modifier, nous ne disons pas uniquement celui des personnes, ni de certains cas particuliers, mais plutôt, disons, celui des économies locales. C'est la raison pour laquelle nous suggérons dans un premier temps un contrôle et des mesures atténuantes en fonction des impacts sur les économies locales.

M. Scott: Pourquoi ne pas simplement en tenir compte dans le calcul? Je suppose que cela représente un coût. Je ne sais pas combien cela pourrait coûter. Je sais que certaines propositions visant à régler ce problème qui touche 10 ou 5 p. 100 auraient une incidence disproportionnée sur tout le système et je conviens volontiers que ce n'est pas raisonnable. Certains ont proposé de faire le calcul sur la base des meilleures semaines mais je vois bien les problèmes pratiquement insolubles que cela causerait et je ne suis pas le seul. Cependant, pourquoi ne pas simplement essayer de trouver une solution technique à ce qui, à mes yeux, est une anomalie? Je ne pense pas que ceux qui ont conçu ce système aient délibérément voulu que celui ou celle qui n'accumule pas le nombre de semaines consécutives requis soit pénalisé au niveau des prestations.

Je sais que cela n'arrive pas très souvent, mais que dites- vous à celui ou à celle à qui cela arrive? Est-ce que vous lui dites: je suis désolé mais cela n'arrive pas très souvent? Cela arrivera. J'en connais dans la circonscription à qui cela va arriver. Il faudra leur expliquer que c'est un défaut du système, que nous essayons d'y remédier et qu'en attendant chaque cas particulier est suivi pour voir comment il s'en sort. Je peux déjà vous dire que c'est tout prévu.

M. Noreau: Nous suivrons ces cas et nous essaierons de trouver - je pense que nous pourrons en parler un peu plus cet après-midi - le genre d'initiatives pouvant être prises pour régler justement ce genre de problèmes spécifiques.

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Nous essayons de trouver des solutions techniques. Aucune de ces solutions n'est gratuite. En conséquence, puisque faire des économies est le but ultime de cette opération, il faudra imputer ce coût ailleurs.

Nous n'avons pas encore exploré toutes les possibilités et nous poursuivons notre recherche. Entre temps, il nous faudra aussi étudier les autres champs de possibilités, la myriade de petites solutions qui correspondent à des problèmes spécifiques, à des politiques d'embauche spécifiques, à des secteurs industriels spécifiques... Il n'y a pas de règle générale, il n'y a pratiquement que des cas particuliers. Il nous faut donc suivre deux pistes à la fois.

Monsieur le président, nous avons une certaine marge de manoeuvre car les problèmes réels ne surgiront pas avant au moins un an.

Je ne veux pas dire pour autant que personne ne s'inquiète de l'impact de la deuxième année du projet de loi C-17.

M. Scott: Cet impact se fait déjà ressentir. Il y a des gens qui ont peur et dès maintenant. Il y a des familles entières qui ont peur.

Je voulais conclure mon intervention mais j'ai oublié ce que je voulais dire. Si cela me revient...

Le président: Disons que vous avez conclu.

M. Scott: D'accord.

Le président: Monsieur Bevilacqua.

M. Bevilacqua (York-Nord): Merci, monsieur le président.

Pour commencer, je trouve tout à fait regrettable d'avoir extrait pour l'étudier cette mesure du programme global de croissance et d'emploi du gouvernement car on verrait que l'assurance-emploi est l'un de ses éléments constitutifs les plus importants.

Je dois vous dire, monsieur le président, que tout comme M. Scott, l'inquiétude, voire l'angoisse exprimée par certains membres de la famille canadienne au sujet de ce nouveau programme d'assurance-emploi me préoccupent vivement. C'est l'occasion ou jamais d'exposer certains faits afin que ceux qui s'inquiètent - peut-être pour de mauvaises raisons - puissent reprendre espoir.

J'entends par là que l'assurance-emploi, en particulier les éléments dont nous parlerons demain, est avant tout un programme de création d'emplois. Je crois que les changements que nous apportons aboutiront à la création d'environ 100 000 à 150 00 nouveaux emplois. Cela devrait aider à dissiper certaines inquiétudes.

Il serait injuste pour nos témoins que ceux et celles qui nous regardent retirent des délibérations l'impression que cette mesure législative est régressive. Ce serait injuste car une analyse détaillée - et Dieu sait combien le ministère des Ressources humaines nous a donné d'études, littéralement des dizaines, que si nous prenions le temps de les analyser...

Prenons certaines des initiatives proposées. J'aimerais voir si le sous-ministre est d'accord avec moi. J'aimerais savoir à propos des travailleurs à faible revenu, des travailleurs au chômage, si les faits suivants sont exacts: le supplément de revenu familial touchera environ 350 000 familles à faible revenu qui recevront 30$ de plus par semaine. Le plancher de gains fixé à 50$ pour tous les prestataires permettra à environ 290 000 prestataires à faible revenu de gagner plus pendant qu'ils recevront l'assurance-emploi; le système horaire permettra d'accumuler un plus grand nombre d'heures de travail assurées; et, d'ailleurs, si même on considère la question du remboursement des cotisations, environ 1,3 million de personnes percevront des prestations supérieures à ce qu'elles perçoivent aujourd'hui. Sans parler, monsieur le président, des avantages dont on nous parlera demain.

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J'aimerais que le sous-ministre nous confirme, premièrement, que ces chiffres sont exacts, et deuxièmement, qu'il nous dise dans le cadre global de ce programme d'assurance-emploi qui doit servir à créer des emplois... Puisque le but c'est de créer des emplois et de redonner un sentiment de sécurité à la population, quel genre de mesures sont proposées pour aider le secteur de la petite entreprise qui est le secteur numéro 1 de création d'emplois dans notre pays? Quel genre de mesures progressives l'assurance-emploi offrira-t-elle aux Canadiens?

J'ai l'impression qu'à force de répéter que ce programme permettra à l'État d'économiser2 milliards de dollars, nous donnons l'impression que c'est une mesure régressive. Ce n'est pas du tout mon impression, monsieur le sous-ministre. Selon moi, c'est une mesure équilibrée qui, plus que toute autre chose, multiplie les chances du retour au travail.

M. Noreau: Monsieur Bevilacqua, pour reprendre votre chiffre, vous avez tout à fait raison de dire que c'est une économie de 2 milliards de dollars, mais il ne faut pas oublier les 800 millions qui sont réinvestis. En fait, d'ici à l'an 2001, l'économie réalisée, les réductions nettes qu'apportera le programme d'assurance-chômage, se chiffreront à environ 1,2 milliard de dollars.

Karen Jackson a soigneusement noté les chiffres que vous avez cités et je crois qu'elle est en mesure de les confirmer. Ensuite, si vous le voulez bien, j'ajouterai un ou deux autres commentaires.

Mme Karen Jackson (directrice générale par intérim, Politique du marché du travail, ministère du Développement des ressources humaines): Je vous ai peut-être mal compris. Avez- vous dit que 1,3 million de Canadiens recevront un remboursement de cotisations?

M. Bevilacqua: Oui.

Mme Jackson: Oui, c'est exact.

Pour ce qui est de votre question concernant la petite entreprise, nous prévoyons que 300 000 petites entreprises bénéficieront de cet abattement de cotisations. Nous prévoyons que la réduction des coûts administratifs, d'après les calculs de l'Association des administrateurs de la paie, sera d'environ 100 à 150 millions de dollars. À un taux de 2,95$, nous savons que 68 p. 100 des petites entreprises rentreront dans leurs frais ou paieront moins de cotisations qu'aujourd'hui.

M. Noreau: J'ai un petit commentaire concernant votre question sur les petites entreprises. Nous avons rencontré à de nombreuses reprises les représentants de la petite entreprise tout au long des diverses étapes de conception de ce programme. Pour commencer, il y a la réduction du taux de cotisation que nous indiquons ici. Pour ce qui est des années suivantes, la décision n'a pas encore été prise.

Mais ce qui est important pour les petites entreprises c'est la prévisibilité de ces taux. Elles n'aiment pas les hypothèses de planification qui changent. Elles n'aiment pas les modifications de parcours. C'est la raison pour laquelle nous avons proposé la constitution d'une réserve qui autoriserait une certaine stabilisation des cotisations afin que les petites entreprises - et les grosses entreprises aussi, mais surtout les petites entreprises qui, comme vous l'avez dit, sont les créatrices d'emplois - puissent planifier leurs activités en sachant qu'au moins cette variable ne leur causera pas de mauvaises surprises d'une année sur l'autre.

Le président: Merci beaucoup.

Avant que nous passions au groupe suivant de témoins, j'aimerais poser une question. Je passe outre aux préliminaires et je vous la pose directement. Si j'ai bien compris, l'élément principal de ce nouveau programme est la période fixe qui est justement à l'origine de cette discussion sur les interruptions de gains. Cet élément architectural, si je peux me permettre cette expression, est le pivot de la nouvelle structure de taux de prestations.

.1525

Ma question est la suivante. Avez-vous envisagé d'autres solutions pour atteindre ces objectifs et dans l'affirmative, très brièvement, quelles sont celles qui ont été rejetées?

Il est évident que c'est le pivot du programme. Si nous voulons éliminer le problème évoqué, il faut considérer ce qui peut être fait et ce qui ne le peut pas. Je me demande si vous avez étudié d'autres solutions en dehors de cette période fixe pour le calcul des prestations. Tout tourne autour de cette période.

M. Noreau: Vous vous souviendrez que dans le document de travail sur la réforme de la sécurité sociale publié il y a un peu plus d'un an, celui consacré au passage de l'assurance- chômage à l'assurance-emploi proposait deux options principales: soit une réforme traditionnelle comme toutes les précédentes du programme d'assurance-chômage... soit une réduction des prestations, une réduction de leur durée, soit une augmentation des conditions d'admissibilité. C'était une des deux options. Nous l'avons proposée au gouvernement et il a été décidé, comme M. Scott nous l'a rappelé, d'opter pour une solution plus sophistiquée, plus équilibrée, plus multidimensionnelle et, nous l'espérons, plus juste.

Notre objectif n'est pas de réduire au maximum le nombre de prestataires, ce qu'un renforcement des conditions d'admission ou une réduction des prestations entraîne. Si le nombre de prestataires reste le même, la solution, en contrepartie, est de réduire la facture des prestations, mais il faut pour cela mettre en place des mesures incitatives suffisantes.

Nous croyons que la période fixe est en soi une mesure incitative. Toutefois, il reste que dans certaines régions les emplois que nous espérions ainsi générer n'existent pas. Peuvent-ils exister? Peuvent-ils être créés? Le comportement des agents économiques locaux peut-il changer au point de créer des emplois permanents et non plus simplement saisonniers? C'est le défi qu'il nous faut relever.

Mais, oui, d'une manière générale, il y avait d'autres options. Oui, il est exact que c'est l'élément central de cette architecture car comme vous l'avez vous-même senti, cette mesure vise à stimuler à la fois les particuliers et les économies locales.

Le président: Encore une fois, je m'en tiendrai là pour le moment afin de pouvoir entendre les directeurs régionaux nous proposer leurs solutions génératrices de semaines supplémentaires d'emplois. Nous allons faire une pause de cinq minutes pour que les caméras de télévision puissent cadrer les nouveaux témoins pendant qu'ils s'installent.

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.1535

Le président: J'aimerais demander aux députés et aux témoins de reprendre leurs places.

Pour terminer la séance de cet après-midi consacrée à la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi, le ministère a invité les directeurs généraux des quatre régions de l'Atlantique qui nous parleront des activités de création d'emplois dans le Canada atlantique comme solution à ce problème d'interruption de gains dont nous discutons.

Nous invitons donc le sous-ministre à nous présenter ses collègues auxquels nous demanderons de nous dire quelques mots sur ce qu'ils font dans leurs régions ou leurs provinces respectives et s'il nous reste un peu de temps, nous leur poserons quelques petites questions.

M. Noreau: Merci, monsieur le président. Je serai bref car je veux leur laisser le maximum de temps.

Madame Lalonde, je ne peux vous donner ce soir les documents pour demain dans les deux langues et je ne veux pas vous offenser en vous les donnant en anglais seulement. Mais j'ai pris note de votre demande et la prochaine fois nous essaierons...

Mme Lalonde: Cela veut dire que vous travaillez en anglais.

M. Noreau: Cela veut dire que nous travaillons le soir, madame. Je suis un peu lié par les règles de votre comité et par les règles de la Chambre des communes car j'ai l'obligation de vous fournir ces documents dans les deux langues.

Cela dit, permettez-moi de vous présenter Derek Gee de Halifax: Norbert Robichaud de Bathurst; Arlene VanDiepen de Souris, Île-du-Prince-Édouard; et Max Park de Clarenville, Terre-Neuve.

Ils sont en ce moment en train d'évaluer les changements apportés par la dernière loi et les changements qu'apportera la nouvelle loi et j'aimerais qu'ils vous relatent très rapidement certaines de leurs initiatives.

Commençons par Arlene.

Mme Arlene VanDiepen (directrice, Centre de ressources humaines du Canada, Souris, Île-du-Prince-Édouard, ministère du Développement des ressources humaines): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je dirige un centre dans l'est de l'Île-du-Prince-Édouard. Ma région connaît un taux de chômage annuel élevé et un taux de chômage saisonnier élevé. J'aimerais vous donner un exemple d'initiatives que nous pensons pouvoir prendre et que la communauté pense pouvoir prendre pour créer des emplois qui aideront la population à s'ajuster à la nouvelle loi sur l'assurance-emploi.

La province de l'Île-du-Prince-Édouard, l'APECA, le MDRH et le secteur privé se sont associés pour exploiter les terres couvertes de forêt inutilisée et y faire pousser des bleuets.

Le sol de l'Île-du-Prince-Édouard est capable de produire d'importantes récoltes de bleuets et en conséquence la province s'est lancée dans un projet de culture du bleuet. Ce projet permettra d'accroître la superficie cultivée et les capacités de transformation et de congélation de l'Île.

Un pêcheur local a formé une compagnie et a acheté des terres grâce à un prêt de l'APECA et à Entreprise P.E.I. Il veut un autre avenir. Il ne veut plus dépendre de l'assurance-chômage pour compléter son revenu. Il est prêt à investir dans son avenir et j'ai trouvé, lors de nos discussions, son optimisme très encourageant.

Il s'appuie sur le programme d'aide aux indépendants du ministère. Il va embaucher deux pêcheurs journaliers qui, de manière très traditionnelle, pêchaient pendant dix semaines le homard d'avril à juin, et quatre semaines les pétoncles et le thon en septembre et en octobre. C'est le genre de prestataire qui sera durement touché par l'interruption de gains.

Nous espérons que ces travailleurs seront embauchés par le biais du programme de subventions salariales dans le cadre des nouvelles mesures d'emploi. Ce projet devrait permettre de créer des saisons de dix mois de travail pour ces prestataires de l'assurance-chômage comparativement à leurs 14 semaines actuelles. Cette nouvelle saison de dix mois se composerait de 14 semaines de pêche et le reste de culture du bleuet - le défrichement, l'entretien et la récolte.

Quand la terre sera prête et que la production commencera, la compagnie embauchera environ 15 journaliers de plus pendant les six semaines de la saison de récolte d'août à septembre. Ce seront des travailleurs de l'usine de transformation locale qui à ce moment-là se trouveront au chômage.

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Une installation de transformation est également en cours de construction dans le cadre de ce projet de culture du bleuet de l'Île-du-Prince-Édouard. Ce cultivateur et d'autres cultivateurs qui se sont lancés dans le même genre d'entreprise approvisionneront cette usine de transformation qui congèlera ou transformera leur produit. Six semaines de travail en août et en septembre seront ainsi créées pour à peu près trois travailleurs.

Nous avons très bon espoir que l'usine démarrera à la date prévue, c'est-à-dire en août 1996.

Merci.

M. Derek Gee (directeur, Centre de ressources humaines du Canada, Halifax, Nouvelle-Écosse, ministère du Développement des ressources humaines): Permettez-moi de vous parler de ce que nous faisons en Nouvelle-Écosse pour améliorer les compétences et réduire la dépendance.

Nous y parvenons grâce à un partenariat. Nous avons élaboré un cadre stratégique et les exemples que je vais citer aujourd'hui porteront sur le prolongement des emplois saisonniers et la création de nouveaux emplois.

Le premier exemple porte sur le Cap-Breton, plus particulièrement la région d'Ingonish, située au nord du Cap Smoky. Cette collectivité possède de très bons atouts naturels. D'une part, il y a la piste de ski du Cap Smoky; d'autre part, le terrain de golf de Highland Links et, bien entendu, il y a le magnifique paysage le long de la Piste Cabot. Toutefois, certaines collectivités avaient besoin d'une impulsion pour mettre en valeur les atouts qu'elles possédaient.

Grâce à l'intervention de notre personnel, la collectivité a accepté de courir le risque et de miser sur la piste de ski de sorte qu'en association avec certains organismes comme l'APECA, et avec la participation de la municipalité du comté de Victoria, de la province de la Nouvelle-Écosse et de certains intérêts privés, de nouvelles installations de fabrication de neige ont été mises en place, l'équipement a été modernisé et on a donné de l'ampleur à cet atout extraordinaire qui a le potentiel de créer certains emplois que l'on pourra maintenir à longueur d'année comme cette piste de ski va permettre 15 emplois supplémentaires car on compte bien y attirer des gens pendant les mois d'été.

Le terrain de golf, comme certains d'entre vous le savent sans doute, est tout à fait splendide mais il était à l'abandon. Il a été agrandi et on va y permettre des concessions. À la fin de la dernière phase, au moins dix emplois permanents supplémentaires auront été créés. Des installations comme des restaurants et des hôtels sont incitées à garder leurs portes ouvertes pendant l'arrière-saison alors qu'en temps normal elles seraient fermées.

Nous sommes donc en présence d'une collectivité qui a décidé de miser sur ses attraits naturels pour augmenter les emplois saisonniers et nous nous attendons à ce que cette initiative ait pas mal de retombées.

Fait intéressant, les collectivités ont pu constater les énormes bénéfices qu'elles pouvaient tirer d'une entreprise menée en commun. Ainsi, l'Association du développement économique du nord de Smoky a été créée. L'association a retenu les services d'une personne qui l'aidera à élaborer un plan stratégique quinquennal et on a aussi fait appel à quelqu'un d'autre, - ce qui est tout à fait intéressant - pour que toutes ces collectivités soient reliées à Internet. Voilà donc ce que nous faisons à l'échelle de la province et nous espérons que d'ici quelques années toutes ces petites collectivités pourront compter sur une liaison électronique.

À l'appui de cet effort, nos renseignements sur le marché du travail sont intégrés au processus et c'est ainsi que de plus en plus les petits employeurs pourront être bien informés de la situation du marché du travail et ainsi tirer parti de débouchés potentiels supplémentaires.

Les deux autres exemples que je voulais citer portent sur le comté de Digby. Là encore, nous avons pris d'importantes initiatives. Nous avons fait paraître une petite annonce dans le journal demandant à tous ceux qui souhaitaient prolonger leur saison de nous contacter. Nous avons reçu des réponses, dont deux en particulier. Dans un cas, il s'agissait d'un motel qui accueille des clients qui viennent observer les baleines et faire de l'écotourisme. Grâce à un programme de subventions salariales, nous avons pu maintenir le personnel de cet entrepreneur afin qu'il puisse consacrer ses propres ressources à la promotion de ses installations. En fait, cela a permis de donner à son personnel jusqu'à 18 semaines de travail supplémentaires, la première année, et il a bon espoir de pouvoir en faire autant, par ses propres moyens, l'année prochaine.

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Un autre petit exploitant de la région, un marchand de fruits et de légumes, ne pouvait compter que sur une saison très courte. Il souhaitait donner un peu plus d'ampleur à son exploitation. Il a eu l'idée de confectionner des bonbons et nous a demandé de l'aide. Nous avons accepté de subventionner le salaire de son personnel désireux de se qualifier dans ce domaine. Il a investi10 000$ pour acheter l'équipement nécessaire. La première année a été très prospère et il a bon espoir que ces nouvelles activités vont être intégrées de façon permanente à son exploitation.

Voilà quelques exemples qui illustrent comment, en étant un peu proactifs et en faisant ressortir les possibilités qui s'offrent, nous pouvons créer plusieurs nouveaux emplois.

[Français]

M. Noreau: Norbert.

M. Norbert Robichaud (directeur, Centre des ressources humaines Canada, Bathurst Miramichi, Nouveau-Brunswick): J'aimerais d'abord situer la région que je représente, soit la région nord-est du Nouveau-Brunswick, principalement la région de Bathurst, la belle péninsule acadienne.

C'est dans ce territoire qu'on retrouve la concentration la plus importante de travailleurs saisonniers dans le secteur de la pêche, soit ceux des usines de transformation des produits de la pêche. Il y a également l'industrie de la tourbe, la construction, un peu de foresterie et le tourisme.

Ce que je voudrais illustrer, c'est un exemple de partenariat qu'on est en train de développer avec les principaux intervenants du territoire. Ici je fais allusion aux propriétaires d'usines, aux représentants des différents paliers de gouvernement et aux différents groupes qui oeuvrent dans le secteur économique de ce territoire.

Les discussions que nous avons eues récemment visaient, entre autres, à identifier les possibilités ou les solutions de rechange que l'on pourrait mettre en place pour développer de nouveaux secteurs, selon l'échelle, et développer le secteur des pêches ou le diversifier.

On a présenté récemment l'exemple d'une espèce qui est présentement pêchée par les pêcheurs de cette région-là, soit le hareng. On pourrait développer une technologie qui est actuellement utilisée en Hollande. Il s'agit de traiter le hareng dont la taille est trop petite pour être transformé avec les moyens traditionnels que l'on utilise dans nos usines de la péninsule.

Cela permettrait de maintenir en emploi des travailleurs qui sont actuellement affectés à la transformation durant les périodes de la saison de la pêche, normalement de mai à juin, qui sont au chômage ou sans emploi durant la période du 1er juillet à la mi-août et qui retournent à la transformation selon les débarquements de poisson qui arrivent à la fin d'août ou au début de septembre.

Cela permettrait de prolonger une période qui, jusqu'à présent, n'a jamais été occupée par un autre produit. Cela permettrait de prolonger la durée de l'emploi pour plusieurs centaines de travailleurs.

Où ce projet en est-il rendu? Il en est encore à l'étape de la recherche. Nous avons, dans la péninsule acadienne, un centre de recherche marin qui examine ou expérimente ce produit et qui utilise une technologie mise au point en Hollande et qui semble très bien fonctionner. C'est un projet qui peut prendre du temps, mais il offre des possibilités intéressantes.

Il y a évidemment d'autres projets qui ont été proposés dernièrement. Il s'agit, entre autres, de l'expansion de l'aquiculture dans la péninsule acadienne, notamment la culture des huîtres, de la production et de la transformation des bleuets, dans la péninsule également, et du tourisme.

M. Noreau: Il y a de la compétition.

M. Robichaud: Oui. Plusieurs d'entre vous ont certainement entendu parler du Village acadien. Donc, la proposition est d'entreprendre la phase 2 du Village acadien, qui traiterait de la période de 1880 à 1930. On examine la possibilité de faire l'expansion de ce village qui attire actuellement près de 100 000 visiteurs par année.

Il y a aussi l'aménagement des plages et d'autres projets comme l'informatique, la fabrication de textiles, etc.

En résumé, je puis vous dire qu'à notre ministère - on est quand même un participant très actif au niveau de ce regroupement des principaux intervenants - , nous sommes très enthousiasmés par le degré de concertation qui semble vouloir prendre forme dans ces territoires.

.1550

La clé de ce développement est l'implication des personnes qui ont l'autorité, le pouvoir et l'influence nécessaires pour changer le cours des événements au niveau du secteur économique. C'est révélateur, parce qu'ils constatent qu'il y a d'autres moyens de trouver des emplois ou de prolonger les périodes d'emploi dans ces secteurs.

C'est à peu près tout ce que j'ai à dire pour l'instant, mais ce sont des possibilités assez concrètes.

Le président: Merci.

[Traduction]

Max.

M. Max Park (gestionnaire, Centre de ressources humaines du Canada, Clarenville, Terre-Neuve, ministère du Développement des ressources humaines): Merci, monsieur le président.

Je vais vous donner un exemple qui illustre ce que nous avons fait pour créer de nouveaux emplois et vous décrire un peu notre démarche. Récemment, la province de Terre-Neuve et du Labrador a rendu public son plan de développement économique stratégique, et on y décrit le tourisme comme un secteur majeur de croissance. Pour l'instant, ce secteur est malheureusement très peu développé, mais permettez-moi de vous dire ce que nous avons fait à cet égard.

Il y a trois ans, grâce à des fonds de démarrage fournis par votre ministère, une petite collectivité de la péninsule de Bonavista a organisé le Trinity Pageant. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est, il s'agit d'un théâtre en plein air illustrant l'histoire de Terre-Neuve. Il s'agit d'une de nos premières expériences pour faire du théâtre une attraction touristique. Le projet a connu un succès considérable, au-delà de toute espérance, et il a permis de créer directement de 20 à 30 emplois, sans compter les emplois indirects provenant des installations de restauration et de logement comme les chambres d'hôtes. En fait, à notre grand étonnement et à notre grande satisfaction, cette entreprise est devenue une attraction touristique pour la province, mais je dois ajouter qu'elle attirait surtout des touristes de l'extérieur de la province.

Permettez-moi de vous dire maintenant ce que nous faisons pour donner de l'ampleur à ce projet. L'année prochaine, en 1997, nous célébrerons le 500e anniversaire de la découverte de Terre-Neuve par Cabot. On se doute bien qu'il y aura de grandes manifestations internationales pour marquer cet événement et nous pensons que c'est là l'occasion rêvée de donner de l'expansion au secteur touristique de notre province. À partir du succès obtenu grâce à ce théâtre en plein air, en collaboration avec les groupes locaux, les autorités provinciales, le service des sites historiques - qui y investit une somme considérable - et avec l'aide d'une troupe de théâtre privée, nous envisageons dans la région avoisinante d'offrir des spectacles illustrant un nouveau thème.

Nous pensons que cela permettra de prolonger la saison touristique. Nous comptons pouvoir y arriver en offrant, dans les semaines qui la précèdent et dans celles qui la suivent, des forfaits touristiques à ceux qui accepteront de voyager pendant l'arrière-saison de même qu'aux touristes réguliers. Nous pensons que cela permettra de créer de nouveaux emplois, directs et indirects, et de prolonger les emplois saisonniers actuels. Il faut bien entendu des fonds de démarrage, mais d'après la preuve fournie par le premier spectacle, cette entreprise pourra certainement devenir rentable et s'autofinancer grâce à la vente de billets et à des commanditaires privés.

Merci.

M. Noreau: Merci.

Je voudrais ajouter une seule chose. En réponse à l'une de mes observations, M. Scott a dit que les dispositions législatives avaient déjà eu une incidence, à savoir qu'elles avaient suscité des craintes. À mon avis, il y a des gens qui sont prêts à retrousser leurs manches et à s'associer avec des partenaires de leur collectivité afin de faire bouger les choses.

Je tiens à remercier mes collègues qui nous ont communiqué brièvement des faits fort intéressants.

Monsieur, je vous cède la parole.

Le président: Merci beaucoup à chacun d'entre vous. Il est presque 16 heures. À 16 heures, nous devons aborder une autre question à l'ordre du jour. Plutôt que de poser des questions, nous pourrions peut-être poursuivre la discussion qui se prolongera demain.

Si vous le voulez bien, nous pourrions aborder la question des prestations d'emploi et des mesures de création d'emplois car elle porte sur les dispositions législatives que ce genre de projets concrétise précisément. Les fonctionnaires du ministère seront-ils là demain pour participer à cette discussion?

M. Noreau: Nous allons essayer d'en garder quelques-uns, si nous ne pouvons les garder tous, monsieur le président.

Le président: Si vous souhaitez leur poser des questions, ce sera sans doute le bon moment demain étant donné l'exposé qui est prévu.

M. Noreau: Tout à fait.

Le président: Cela convient-il aux membres du comité?

[Français]

Mme Lalonde: Nous allons retenir nos questions, monsieur le président.

Le président: Gardez-les.

.1555

M. Dubé (Lévis): Monsieur le président, j'ai trouvé cela bien gentil, mais en quoi la nouvelle réforme va-t-elle leur permettre de faire ce qu'ils veulent? Ou en quoi la loi actuelle les empêche-t-elle de faire ce qu'ils veulent?

Le président: Vous pourriez peut-être réfléchir à cette question et y répondre demain.

[Traduction]

C'est une question qu'il est utile d'avoir à l'esprit.

Là-dessus, je vais lever la séance. Avant de passer à l'étude article par article du projet de loi C-96, nous allons faire une pause de cinq minutes.

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