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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mai 1995

.1537

[Traduction]

Le président: Bonjour à tous. Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du développement des ressources humaines.

Nous avons le plaisir d'avoir cet après-midi avec nous, l'honorable Lloyd Axworthy, ministre du Développement des ressources humaines. M. Axworthy est venu appuyer le comité dans son examen du Budget des dépenses du ministère du Développement des ressources humaines. Nous aimerions souhaiter la bienvenue au ministre, ainsi qu'aux membres de la haute direction de son ministère, que je lui demanderais de bien vouloir présenter avant de nous livrer ses remarques préliminaires.

Si monsieur le ministre est prêt à nous présenter son exposé, il peut le faire. Je crois savoir que le ministre peut rester avec nous jusqu'à 17 heures.

L'honorable Lloyd Axworthy (ministre du Développement des ressources humaines et ministre de la Diversification de l'économie de l'Ouest canadien): Oui monsieur.

Le président: Très bien. Nous allons prévoir nos questions en conséquence.

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur le président, j'aimerais invoquer le Règlement avant que nous ne commencions. J'hésite à aborder ce sujet devant l'invité de marque que nous recevons, mais comme vous le savez, les incidents qui se sont produits aux réunions d'un autre comité appellent des questions sur la façon dont fonctionnent les comités. Nous n'avons jamais connu ce genre de difficultés.

J'estime qu'il serait bon d'adopter la motion suivante: que le comité assure que le président fasse respecter toutes les règles et pratiques du comité et, en particulier, que soient reconnus le privilège d'un membre du comité de débattre de toutes les questions soumises au comité conformément aux règlements, et le droit d'un membre du comité d'interroger les témoins, de demander l'opinion d'un conseiller juridique, de demander des renseignements aux attachés de recherche du comité et de présenter des motions dans sa langue, conformément à l'article 65 du Règlement.

J'aimerais proposer cette motion et demander qu'elle soit adoptée par le comité pour que nous sachions tous que les difficultés qu'ont malheureusement connues certains autres comités ne vont pas nuire à nos débats aujourd'hui ou à l'avenir. Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Les membres du comité ont entendu la motion. Quelqu'un veut-il intervenir?

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Ce que la députée demande, c'est que nous adoptions une motion disant que nous n'allons pas enfreindre les règles. Cela me paraît quelque peu redondant. Elle a indiqué quelles étaient les règles et ce sont bien les règles qui sont en vigueur. Pourquoi est-il nécessaire d'adopter une motion?

Le président: Y a-t-il d'autres questions concernant la motion?

La motion est rejetée

Mme Ablonczy: Monsieur le président, je dois en conclure que le comité n'est pas disposé à suivre ces règles.

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Est-ce que vous battez toujours votre femme?

Le président: À ma connaissance, le comité a toujours suivi ces règles. S'il nous arrive de les enfreindre, je vous invite à attirer mon attention sur le fait que les règles n'ont pas été respectées.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, je dois malheureusement vous signaler que ces règles ont été violées de façon flagrante hier soir, lors de la réunion d'un autre comité et je crois qu'il est bon que l'on sache où nous nous situons dans ce débat.

Le président: Êtes-vous en train d'affirmer que les règles n'ont pas été respectées par notre comité? Je ne suis pas au courant de ce qui se produit au sein d'autres comités.

Mme Ablonczy: Je suggère en fait que nous confirmions que nous allons veiller à ce que les règles ne soient pas violées.

Le président: Eh bien, je m'engage en tant que président, dans toute la mesure de mes capacités, à faire respecter les règles telles que la Chambre des communes les a établies et s'il m'arrive par inadvertance d'enfreindre une de ces règles ou de refuser aux membres du comité la possibilité de poser leurs questions tout en respectant la pratique parlementaire, je demande aux membres du comité concernés de me le faire savoir.

.1540

Mme Ablonczy: Je suis contente de vous l'entendre dire, monsieur le président. Je dois reconnaître que d'après moi, vous avez toujours été un excellent président. Je suis toutefois quelque peu déçue de voir que le comité n'était pas disposé à donner son appui à cette motion.

Le président: Nous reconnaissons, je pense, que nous respectons les règles du comité et je crois qu'il faut voir dans le sujet de la motion l'indication que le comité ne l'a pas jugée nécessaire.

Madame Grey.

Mme Grey (Beaver River): Monsieur le président, j'aimerais simplement...

Le président: S'agit-il du Règlement?...

Mme Grey: Oui, il s'agit de la même question. Au sujet de la motion que ma collègue vient de présenter et qui vient d'être rejetée, j'aimerais demander à Mme Cohen dans quel contexte...

Le président: Auriez-vous l'amabilité de m'adresser vos remarques, s'il vous plaît?

Mme Grey: Excusez-moi. Je vous dis donc à vous que Mme Cohen a demandé si vous battiez toujours votre femme. Je ne vois pas très bien le rapport que cela peut avoir avec la motion. Elle pourrait peut-être me l'indiquer.

Le président: Je ne tiens pas à entamer un débat sur cette question. Nous sommes ici pour entendre le ministre du Développement des ressources humaines.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, j'apprécie le fait que vous m'ayez permis d'intervenir au sujet du Règlement et de présenter ma motion.

Le président: Je vous en prie.

Mme Ablonczy: Je ne m'oppose pas à ce que la séance se poursuive.

Le président: À ma connaissance, je crois que nous avons toujours respecté les règles. Nous avons l'intention de continuer à le faire et, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, s'il m'arrive par inadvertance d'enfreindre le Règlement, ou s'il arrive qu'un membre du comité le fasse, j'aimerais qu'on me le signale. Je vais faire tout mon possible pour que l'on respecte la pratique parlementaire et pour que nos travaux soient menés de la façon la plus efficace possible.

Mme Ablonczy: J'aurais aimé que les autres membres du comité me donnent ces assurances, mais j'accepte très volontiers les vôtres, monsieur le président.

Le président: Je ne suis pas sûr que l'on doive interpréter ce qu'ont pu dire les autres membres comme un signe qu'ils ne sont pas prêts à vous donner ce genre d'assurance.

[Français]

Mme Lalonde (Mercier): J'invoque le Règlement. Avant que le ministre ne prenne la parole, je voudrais vous demander à vous, monsieur le président, et à l'ensemble du Comité si on prévoit le rencontrer à nouveau. Le Service de la Bibliothèque a préparé 85 questions pour nous guider. Il commence, avec raison, en disant que les programmes dont le ministère du Développement des ressources humaines est chargé représentent près de 60 p. 100 de l'ensemble des dépenses de programme du gouvernement fédéral.

Je sais que le temps nous presse et que nous allons devons procéder par priorité, mais il me semble qu'il serait important que nous ayons toute l'information nécessaire.

Le président: Madame Lalonde, je vais communiquer avec le bureau du ministre pour vérifier si celui-ci peut revenir avec son équipe une autre fois, puisque c'est ma tâche en tant que président.

J'aimerais qu'on passe maintenant à l'ordre du jour, qui est le témoignage du ministre du Développement des ressources humaines.

Monsieur le ministre, vous avez la parole.

[Traduction]

M. Axworthy: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai été content d'avoir ce petit répit qui m'a permis de mettre un peu d'ordre dans mes notes.

Comme vous l'avez remarqué, je suis accompagné cet après-midi par la Secrétaire d'État, Formation et Jeunesse, l'honorable Ethel Blondin-Andrew; par le sous-ministre du Développement des ressources humaines, Jean-Jacques Noreau; par M. Hy Braiter, directeur exécutif, Assurance et par David Good, qui est le sous-ministre adjoint des Services financiers et administratifs. M. Good vient d'entrer au ministère et nous lui souhaitons bonne chance pour ce premier examen du Budget des dépenses. C'est son baptême du feu avec ce portefeuille.

Monsieur le président, j'aimerais commencer par remercier le membres du comité pour le travail considérable qu'ils ont accompli. Je n'ai pas encore eu vraiment l'occasion, si ce n'est à titre personnel et de façon ponctuelle, de vous dire combien je vous suis reconnaissant des efforts incroyables qu'ont déployé les membres du comité et tous les intervenants au cours de la phase de consultations publiques de la revue des politiques sociales. Comme vous le savez, ce fut sans doute la plus grande consultation jamais entreprise avec le public dans l'histoire de ce pays, et nous avons reçu plus de 100 000 mémoires, exposés et interventions.

.1545

Le rapport du comité a constitué pour nous un guide très important pour la mise au point de nos diverses initiatives de réforme sociale. J'ai trouvé ce rapport plein d'enseignements précieux.

Comme vous l'avez sans doute remarqué, nous avons déjà intégré nombre des recommandations dans la politique gouvernementale. De fait, nous les envisageons très sérieusement aux fins des initiatives que nous mettons actuellement au point en vue de réformer le système d'assurance et de développer l'emploi. Je veux donc exprimer ma sincère gratitude aux membres du comité pour leur travail.

Dans mes remarques liminaires, je veux simplement faire le point sur les mesures que nous avons lancées, en m'appuyant sur le rapport du comité. D'une certaine façon, ce sera là une façon de répondre au rapport.

Comme vous le savez bien, nous avons suivi la recommandation sur le financement global, qui se traduit par le nouveau transfert canadien en matière de programmes sociaux et de santé. Il est basé sur nombre des constatations faites par le comité concernant la nécessité de trouver des mécanismes plus flexibles et de regrouper certains des programmes existants.

Les initiatives et propositions contenues dans le rapport, jointes à d'autres qui portaient sur divers aspects du régime d'assurance-chômage, nous indiquent de façon très convaincante que des changements sont nécessaires.

J'ai annoncé récemment que nous n'allions pas retenir le système à deux vitesses car je pense, ainsi que le rapport l'a fait ressortir, qu'il existe des moyens plus efficaces de réduire la dépendance et d'offrir de meilleures incitations à travailler dans le cadre du régime d'assurance-chômage.

Je tiens à dire que, si certains partis représentés ici voient dans ce changement un signe que la réforme est terminée, c'est loin d'être le cas, et que le résultat en sera d'autant meilleur. Cela me rappelle le mot de Winston Churchill lorsqu'on lui a demandé un jour à la Chambre des communes pourquoi il avait changé d'avis. Il a répondu: «C'est parce que je possède de nouvelles données». Il me semble que c'est là un adage que tout homme politique devrait adopter, particulièrement s'agissant de politique gouvernementale. Lorsqu'un bon dialogue avec les citoyens vous apporte de meilleurs renseignements et de meilleurs points de vue, on arrive souvent à un bien meilleur résultat. Je pense pouvoir dire ici que tel est le cas.

Dans le corps de mon exposé, le cas échéant, j'indiquerai les suites que nous avons données aux recommandations du comité, afin d'illustrer le type d'activité que nous entreprenons actuellement.

J'aimerais revenir un moment sur la consultation avec le public. Je n'ai pas besoin de vous décrire les activités auxquelles vous avez vous-même participé, mais je voudrais déposer, si vous permettez - j'ai remis des exemplaires au greffier - un rapport complet sur les consultations publiques que nous voulons remettre aux membres du comité. Il fait ressortir l'appui très large accordé à nos initiatives de réforme, mais aussi les options et initiatives que les Canadiens ont été très nombreux à appeler de leurs voeux pour amener des changements.

Les Canadiens veulent notamment responsabiliser davantage les gens, afin qu'ils apprennent à mieux se débrouiller par eux-mêmes. C'est la notion de ce que l'on pourrait appeler la responsabilité mutuelle ou la responsabilité personnelle dans la quête d'un emploi.

Ces consultations publiques font ressortir très nettement la nécessité de s'attaquer sérieusement au gaspillage et aux abus. Les Canadiens veulent que le régime d'assurance-chômage soit juste. Ils ont conscience qu'un certain nombre de problèmes se sont accumulés au fil des ans, mais ils veulent aussi que le régime reste en mesure de soutenir les chômeurs équitablement, en leur assurant des prestations adéquates, et en concentrant l'aide sur ceux qui en ont réellement besoin.

.1550

Je recommande donc, monsieur le président, que ce rapport sur les consultations publiques, fondé sur le travail effectué par le comité, fondé sur plus de 50 000 réponses aux questionnaires distribués au public, fondé sur 200 réunions publiques organisées par les députés, fondé sur un certain nombre de mémoires très fouillés rédigés par des groupes d'intérêts communautaires à travers tous les pays, fondé sur les conclusions d'un certain nombre de groupes de concertation spéciaux avec le secteur du bâtiment, le secteur automobile, les organisations sociales... je pense que vous trouverez dans ce rapport un bon recensement des points de vue et la question est maintenant de savoir comment concrétiser cela en un train de réformes?

Je peux donner l'assurance aux membres du comité que les initiatives de réforme sont déjà bien en train. Nous avons commencé à rédiger un projet de loi qui sera présenté au Parlement cet automne, et je peux déjà vous donner un aperçu des mesures que nous comptons prendre, ce que j'aimerais faire dans la suite de cet exposé.

Monsieur le président, j'ai pensé qu'il serait également utile de faire rapport au comité sur certaines des initiatives associées à la réforme sociale, mais qui répondent également aux engagements pris dans le Livre rouge et qui s'inscrivent dans le cadre de tous les développements intervenant au sein du ministère.

Les députés se souviendront qu'en mai 1994, nous avons annoncé un programme d'initiatives stratégiques à réaliser en collaboration avec les provinces et les territoires. Nous avons maintenant convenu de 16 initiatives stratégiques avec 8 provinces et les Territoires du Nord-Ouest. Ces initiatives, qui sont maintenant en cours depuis plus d'un an, touchent plus de 30 000 personnes dont 5 000 jeunes, 4 000 mères-célibataires et 1 000 chômeurs âgés.

Elles englobent un certain nombre de projets-pilotes communautaires qui connaissent une grande réussite, par exemple, le Programme de travail et service pour étudiants offert à Terre-Neuve et au Labrador qui a permis d'aider 2 700 étudiants, dont près de 1 000 étaient assistés-sociaux, à reprendre les études.

Il s'agit essentiellement d'un programme dans le cadre duquel, sous forme d'un coupon, nous offrons un moyen très simple aux jeunes gens de reprendre des études. Dans le cadre de ce programme, près de 97 p. 100 des assistés-sociaux ont utilisé leur coupon de formation, et il y en a maintenant un grand nombre qui font des études depuis une longue période. La secrétaire d'État à la formation et à la jeunesse pourra vous donner de plus amples précisions à ce sujet.

Permettez-moi de vous donner un autre exemple de programme appliqué, celui-là dans ce que l'on appelle le Sydney Mines Learning Centre au Cap-Breton. Ce centre d'apprentissage offre un programme de recyclage aux travailleurs des usines de poisson et à ceux qui vivaient de la mer. Près de 420 étudiants ont déjà suivi le programme et trouvent maintenant des emplois dans des métiers différents.

Il y a un projet à Brandon, au Manitoba, que nous appelons le Programme de formation des jeunes ruraux, qui aide les jeunes chômeurs ruraux à trouver un emploi en leur assurant une formation professionnelle générale au sein de petites localités. Au lieu d'obliger ces jeunes à s'exiler pour fréquenter des collèges communautaires à plusieurs centaines de kilomètres de distance, on dispense cette formation dans les localités, dans les chambres de commerce locales, dans des locaux en sous-sol, et le projet est organisé en collaboration avec les entreprises, les collèges communautaires et les écoles locales, et avec nos propres conseillers en emploi.

Nous avons conclu à cet effet un accord avec l'Université de Brandon, qui a mis au point ce qui est sans doute l'une des techniques d'évaluation les plus intéressantes pour déterminer précisément les progrès réalisés grâce à chacun de ces programmes.

Éduplus, un projet lancé au Québec, est un

[Français]

projet mis de l'avant au Québec permettant de réaliser un taux de placement de 80 p. 100 et offrant des services rapides et personnalisés aux clients, notamment la formation professionnelle et différentes possibilités d'emploi.

Ces projets mis en oeuvre ici et à Montréal-Est pourraient constituer un modèle en vue des changements que nous prévoyons apporter à la prestation des services.

[Traduction]

Ce n'est là qu'un petit échantillon de la manière dont se traduisent les initiatives stratégiques.

L'un des programmes les plus intéressants est celui que nous avons lancé en Colombie-Britannique, en collaboration avec le gouvernement provincial, sur le plan de la garde des enfants. J'ai pensé que cela vous intéresserait, monsieur le président, car certains membres du comité demandent quelles sont les modalités de la collaboration avec les provinces...

J'ai ici une lettre de l'honorable Penny Priddy, qui est la ministre responsable de la garde des enfants du gouvernement de Colombie-Britannique. Je viens de recevoir cette lettre aujourd'hui. Voici ce qu'elle écrit:

.1555

Monsieur le président, si cela vous intéresse, je me ferais un plaisir de fournir des rapports sommaires sur chacune de ces initiatives stratégiques, afin que les députés puissent voir exactement où elles sont mises en oeuvre. Ils verront, je pense, que nous avons adopté une approche tout à fait nouvelle pour offrir une aide plus directe aux Canadiens.

Pour ce qui est du Programme Initiatives Jeunesse, qui est tout en haut de nos priorités, les miennes et celles de ma collègue, la secrétaire d'État, je signale, ainsi que vous le verrez dans le Budget des dépenses, que nous avons haussé les crédits consacrés à ce programme de 43 millions de dollars cette année. À un moment de grande austérité budgétaire, nous avons fait passer le financement de ce programme de 193 millions de dollars en 1994-1995 à 236 millions de dollars en 1995-1996, ce qui démontre bien la priorité que représentent pour nous les jeunes et l'emploi des jeunes.

Ainsi que les députés le savent, nous avons annoncé que le programme d'emploi d'été pour étudiants, qui donne des emplois à près de 50 000 étudiants dans trois ou quatre grandes filières, sera maintenu encore une fois.

Nous avons pris cette année quelques initiatives nouvelles dans le cadre de ce programme. L'une est un volet de Service jeunesse Canada, qui complète les programmes nationaux plus généraux, et une autre est le Programme Jeunes stagiaires. Nous avons également lancé un programme Étudiants Entrepreneurs, grâce auquel nous offrons des crédits de démarrage à des jeunes qui veulent monter leur propre entreprise pendant l'été. À divers égards, c'est là l'un des programmes qui a connu le plus de succès parmi tous ceux que nous avons lancés.

Service jeunesse Canada, qui a été mis en place il y a un peu plus d'un an, en avril 1994, touche maintenant plus de 1 100 jeunes gens enrôlés dans 67 endroits du pays. Soixante-deux autres projets ont été approuvés ou sont sur le point de l'être, et nous prévoyons que 17 500 jeunes gens seront enrôlés dans un corps de Service Jeunesse au cours des quatre prochaines années.

Comme vous le savez, nous avons également mis en place, il y a un an, le Programme Jeunes stagiaires qui répond à une promesse des libéraux et qui assure la transition entre l'école et le travail. Nous avons maintenant réservé un budget de 118 millions de dollars à ce programme. La première année de fonctionnement, nous avons pu recruter plus de 10 000 jeunes de tout le pays pour participer à ces stages.

Monsieur le président, tout cela est réalisé largement en collaboration avec le secteur privé. Nous avons organisé un certain nombre de stages par le biais des conseils de ressources humaines dans le secteur de l'électronique, de l'horticulture, du tourisme et des industries du savoir, les partenaires patronaux et syndicaux fixant les critères, arrêtant les programmes, élaborant les modalités avec les écoles secondaires locales, les collèges communautaires et les CEGEP, pour offrir une expérience de travail suivi afin que les jeunes, que ce soit au niveau secondaire ou postsecondaire, puissent combiner l'éducation formelle et la formation professionnelle.

Il est réellement encourageant de voir le secteur privé assurer la gestion de ce programme et contribuer ses propres fonds, ce qui permet de multiplier l'efficacité des fonds publics.

Il y a également dans ce programme-cadre un volet communautaire permettant à des organisations locales d'offrir également des stages. Je pense que le Programme Jeunes stagiaires démontre clairement l'intérêt, pour les jeunes, de combiner le travail et les études. Ce genre d'initiatives novatrices lancées aujourd'hui au Canada sont souvent perçues comme un modèle par d'autres pays à cause de la collaboration du secteur privé et du secteur communautaire comme principal véhicule d'administration du programme de stages.

Encore une fois, nous nous ferons un plaisir de donner de plus amples renseignements à ce sujet aux membres du comité.

Je viens de mentionner les conseils sectoriels. Permettez-moi de traiter plus à fond de l'expérience canadienne qui est tout à fait particulière.

Dans le cadre de nos efforts visant à encourager le secteur privé à assumer une plus grande part de responsabilité dans la gestion des besoins en ressources humaines, nous avons organisé 16 conseils sectoriels des ressources humaines. Ils couvrent maintenant près de 36 p. 100 de la main-d'oeuvre canadienne, et une autre douzaine de conseils sont en cours d'organisation. Ces conseils ont collaboré à la mise au point de plans et de projections touchant leurs besoins en ressources humaines.

Même si tout cela est important, comme le comité le réalise sans aucun doute, j'ai été frappé par un rapport de Statistique Canada, déposé il y a un mois environ, où l'on étudie les industries exportatrices innovatrices et si l'on évalue les facteurs qui font qu'une entreprise connaît le succès dans le domaine de l'exportation et qu'un autre échoue. Dans chaque cas, l'élément clé était l'investissement dans les ressources humaines: relations patronales syndicales, formation professionnelle, organisation du travail. C'est cela qui faisait la différence entre une entreprise exportatrice innovatrice et en expansion et une autre qui ne parvient pas à conquérir de débouchés à l'étranger.

.1600

Je pense que ces conseils sectoriels sont une bonne façon d'introduire la formation sur le tas, les stages, ainsi que de nouveaux critères et normes pour les industries, et de permettre à chaque secteur de procéder à sa propre planification, ce qui devrait déboucher sur une main-d'oeuvre plus productive et plus compétitive.

Je voudrais mentionner encore deux autres activités, car les membres du comité m'ont posé des questions à ce sujet l'année dernière. Comme vous le savez, en juin dernier, avec l'aide de votre comité, nous avons promulgué la nouvelle Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants. Nous avons déjà apporté un certain nombre d'améliorations dans ce domaine.

Nous avons déjà conclu des accords avec huit provinces sur la mise au point de nouveaux programmes pour les étudiants nécessiteux. Le Québec n'en fait pas partie, car il a son propre programme et nous nous contentons de lui virer des fonds. Dans le cadre de ce programme, nous avons également dégagé près de 200 millions de dollars de subventions directes, à hauteur de 4 000$, pour les étudiants handicapés, les femmes qui veulent suivre des études de deuxième cycle universitaire et les étudiants particulièrement nécessiteux qui sont souvent étudiants à temps partiel et parents célibataires.

C'est le début de ce que nous espérons pouvoir annoncer cet été, car nous travaillons de très près avec les responsables financiers des provinces et les groupements étudiants à l'élaboration d'une nouvelle stratégie de gestion de la dette des étudiants. Avec la hausse des frais de scolarité, les étudiants sont manifestement confrontés à de nouveaux problèmes. Nous espérons pouvoir mettre en place cette stratégie de gestion de la dette.

Mais les initiatives que nous avons déjà annoncées, nouveaux programmes de subventions pour étudiants nécessiteux, reports de remboursement qui donnent une période de grâce de 18 mois aux étudiants à la fin de leurs études s'ils sont dans le besoin - tout cela montre les efforts que nous déployons.

Je dois dire également, monsieur le président, que nous avons maintenant conclu des ententes de principe avec deux banques pour le financement à risque partagé du programme de prêts aux étudiants. Les autres banques ont jusqu'au 26 mai pour s'engager, et ce sera donc les banques qui seront les premiers bailleurs de fonds, c'est-à-dire que nous utiliserons leurs capitaux privés pour financer le programme de prêts aux étudiants à partir de l'automne.

Un dernier domaine qui mérite d'être mentionné, ce sont les changements que nous avons apportés aux programmes d'invalidité du RPC. Par exemple, ainsi que nous l'avons mentionné à maintes reprises devant ce comité, nous devons adapter les règles régissant le versement des prestations afin d'inciter davantage les personnes handicapées à retourner au travail.

C'est ce que nous avons commencé à faire avec quatre changements très importants. Premièrement, les bénéficiaires d'allocations d'invalidité du RPC conserveront leurs prestations pendant leur formation ou leurs études. Autrement dit, ils ne perdront pas nécessairement ces prestations en poursuivant des études. Cela les aidera à acquérir de nouvelles compétences et de nouvelles perspectives d'emploi.

Les prestataires pourront également participer à des projets communautaires, dans des centres de ressource et autres, sans perdre automatiquement leurs prestations. S'ils peuvent prouver que c'est un travail de durée limitée, ils pourront conserver leurs prestations.

Un troisième élément que nous jugeons très important est la possibilité de conserver les prestations pendant les trois premiers mois d'un travail, afin que les gens ne se sentent pas coupés immédiatement s'ils ne s'en tirent pas dans leur premier emploi.

Quatrièmement, pour ceux qui souffrent de maladies récurrentes, telles que la sclérose multiple ou le SIDA, par exemple, et qui veulent retourner au travail mais souffrent ensuite d'une récurrence de la maladie qui les oblige à arrêter de nouveau, les prestations seront rétablies automatiquement, ce qui leur permettra de retourner au travail chaque fois qu'ils en auront la possibilité. Je peux vous dire que nous avons déjà reçu un certain nombre d'expressions de soutien, particulièrement de la part de centres travaillant avec des sidéens, qui jugent que c'est là un encouragement très substantiel.

Voilà donc de nouvelles façons d'encourager les gens à travailler sans que cela coûte très cher; laissons les gens faire leur propre choix, mais démantelons le plus possible les barrières qui se dressent entre eux et le travail. Voilà, monsieur le président, ce que nous avons fait au cours de l'année écoulée notamment pour lancer ces programmes destinés aux jeunes, aux personnes handicapées, aux regroupements patronaux-syndicaux et à d'autres.

Cela dit, que nous reste-t-il à faire pendant la prochaine année? Comme je l'ai mentionné, la priorité sera la refonte de la Loi sur l'assurance-chômage. Nous travaillons actuellement sur un projet, et l'élément clé sera de transformer le programme d'assurance-chômage en ce que nous appelons une assurance-emploi. Nous allons donc essentiellement nous concentrer sur l'emploi, et non le chômage.

.1605

Par cette réforme, nous pourrons simplifier le système, tant pour les travailleurs que pour les employeurs, le rendre beaucoup plus souple et donc réduire les frais administratifs, au sein du ministère et chez les employeurs et les travailleurs.

Nous voulons lever les obstacles qui nuisent à la création d'emplois et dissuadent les travailleurs de réintégrer la population active. Vous reconnaîtrez que c'était là l'une des principales recommandations formulées par le comité, à savoir que l'on s'attaque activement à ce qui dissuade les gens de travailler. Nous nous penchons très sérieusement sur les propositions contenues dans le rapport du comité relatives aux nouveaux critères d'admissibilité et aux prestations graduées.

Je ne peux encore vous donner les détails, car nous commençons tout juste à en débattre au sein du Cabinet. Il faudra attendre plusieurs semaines avant que cet examen soit terminé, mais je peux vous assurer que le projet de loi sera déposé cet automne. Je pense que les membres du comité reconnaîtront leur oeuvre dans ce document.

Nous cherchons également à convertir le système en un programme de réemploi, avec une gamme de mesures sensiblement différentes donnant aux chômeurs les outils dont ils ont besoin pour retrouver du travail. Mon ministère a pour mission de s'attaquer à la pauvreté et de remettre les gens au travail de façon aussi économique et rapide que possible.

Il faudra pour cela une réorganisation de très grande envergure du ministère. Les programmes se sont accumulés au fil des ans. Combien en avons-nous à l'heure actuelle, monsieur le sous-ministre, près de 49?

M. Jean-Jacques Noreau (sous-ministre, Développement des ressources humaines): Nous en avons 39.

M. Axworthy: Nous avons 39 programmes que chaque centre d'emploi doit administrer. Nous envisageons de les ramener à un ensemble de 10 ou 12 services élémentaires. Cela réservera une plus grande place à l'initiative provinciale et nous donnera un niveau de décentralisation beaucoup plus poussé, avec un ministère à structures beaucoup plus horizontales, ce qui laissera beaucoup plus de latitude au niveau local pour adapter les programmes de réemploi aux besoins propres des localités où se situent les centres.

Donc, au lieu de faire élaborer les programmes au sommet et d'en centraliser la gestion, nous nous intéresserons aux résultats, ce qui sera déterminant du point de vue de la reddition de comptes, ainsi que vous le recommandiez dans votre rapport. Qui a retrouvé un emploi et quel type d'éducation a été dispensé - ce sera là le fondement de la reddition de comptes. Pour décentraliser autant le système il faudra une restructuration de fond en comble du ministère; le sous-ministre et ses collaborateurs y travaillent actuellement et nous l'appliquerons durant l'été à travers tout le pays.

Ce qui est intéressant à cet égard, monsieur le président... et je sais que certains députés ici représentent des régions rurales, je peux vous garantir que nous allons élargir, et non réduire, l'éventail des services. En dépit de l'austérité budgétaire que nous devons observer, nous allons pouvoir fournir un éventail plus large de services, particulièrement aux localités rurales et aux petites villes de tout le Canada.

Cela exige de faire appel à quantité de technologies nouvelles. Cela exige la décentralisation du ministère. Mais comme je l'ai déjà dit dans quelques discours, nous passerons du modèle General Motors à celui de Canadian Tire, ce qui me paraît une façon appropriée de décrire ce que nous voulons faire.

Donc, la redéfinition des programmes d'emploi, une réorganisation et, dans la pratique, une réinvention du ministère lui-même, iront de pair avec les modifications du fonds d'assurance-chômage.

Un des outils qui rendra cela possible est le fonds d'investissement dans les ressources humaines qui a été mis en place dans le dernier budget. Je voulais souligner que cela fait partie intégrante du nouveau système d'assurance-emploi que nous allons introduire. Cet élément sera intégré aux divers programmes qui seront conçus afin d'utiliser nos ressources humaines de la manière la plus flexible.

Le but sera d'offrir aux gens les services dont ils ont besoin et de financer la garde d'enfants, une mesure cruciale pour aider les parents chômeurs à trouver du travail et à se former. Ce financement concrétisera l'engagement pris dans le Livre rouge de coinvestir avec les provinces pour créer des places dans les garderies.

Jusqu'à présent, hormis la lettre de compliments de Mme Priddy, qui d'ailleurs travaille avec moi et avec les autres ministres provincaux à dresser un calendrier de discussion, nous n'avons pas encore eu d'indication ferme que les provinces sont intéressées. Ce qu'elles nous ont dit, c'est ce qu'elles veulent d'abord voir quels seront les effets du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux avant de conclure des contrats directs avec nous sur la garde d'enfants. Cela me paraît justifié.

Mais j'ai discuté avec mon homologue de la Colombie-Britannique du moment le plus opportun pour tenir des réunions de concertation avec les provinces au sujet d'investissements conjoints dans des garderies. Dans l'intervalle, nous sommes prêts à engager des discussions bilatérales directes avec toute province intéressée.

Le gouvernement donne également suite actuellement à son engagement de financer une amélioration substantielle des services de gardes d'enfants chez les premières nations et les Inuit. Nous avons promis aux premières nations environ 6 000 places. Nous avons entamé des négociations avec une équipe autochtone qui devraient aboutir, nous l'espérons, à un programme cet automne.

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En outre, nous avons créé un petit fonds de recherche-développement sur la garde d'enfants, intitulé Visions garde d'enfants, qui sera financé à hauteur de 5 millions de dollars par an.

Enfin, l'un des éléments les plus importants du nouveau FIRH, le Fonds d'investissement dans les ressources humaines, sera la création d'un système électronique national d'information sur le marché du travail, par le biais d'un bulletin d'affichage électronique des offres d'emplois, ce qui est encore une initiative que le comité a recommandée dans son rapport. Le SMA responsable de l'assurance travaille activement avec ses collègues à la mise au point de ce qui, nous l'espérons, sera l'un des outils les plus importants pour aider les gens à retrouver du travail, une façon très efficace de mettre en rapport les compétences et les personnes avec les emplois disponibles, si bien que les gens pourront prendre ces contacts eux-mêmes grâce à ce système d'information hautement intégré qui desservira les collectivités.

Le message clé que nous donnons en créant ce fonds d'investissement dans les ressources humaines est qu'il ne s'agit pas de centraliser l'initiative; c'est tout le contraire. Nous voulons travailler avec divers intervenants sur le marché du travail local pour mettre au point des plans d'entreprise pour chacun de nos centres d'emploi. En nous concentrant sur l'emploi et sur la rationalisation de la prestation de nos services, nous voulons ouvrir le champ aux gouvernements provinciaux, afin qu'ils puissent poursuivre sans entrave leurs propres activités en matière d'emploi.

Je voudrais également consacrer quelques instants au nouveau transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui regroupera tous les transferts fédéraux, ainsi que les députés le savent, dans les domaines de la santé et de l'éducation postsecondaire en un seul bloc de financement, à compter de 1996-1997.

Le transfert donnera aux provinces la flexibilité voulue pour gérer des programmes sociaux novateurs et mieux répondre aux besoins de leurs citoyens. La législation transitoire actuellement débattue à la Chambre des communes préservera les dispositions existantes interdisant d'imposer des critères de durée minimale de résidence et maintiendra les dispositions actuelles de la Loi canadienne sur la santé.

Comme vous le savez peut-être, monsieur le président, et comme il était indiqué dans le discours du budget, on m'a chargé des négociations avec les provinces à ce sujet dans le but de déterminer les suites à donner. Je conçois ces négociations comme un forum qui nous permettra de commencer à nous attaquer aux problèmes communs.

Le problème très réel de la pauvreté des enfants, qu'aucun palier de gouvernement, aucun groupe, aucune région ne peut régler seul, exige une approche conjointe, intégrée. Il y aura là la possibilité de rencontrer nos homologues provinciaux, de voir ce que nous pouvons faire ensemble, d'intégrer, de lier et de coordonner nos divers efforts à cet égard. J'espère que de ces discussions surgira un plan d'action commun qui touchera tous les Canadiens.

Monsieur le président, voilà essentiellement notre programme pour l'année à venir. Comme vous pouvez le voir, il est très chargé. Nous serons également responsables avec le ministre des Finances, je le signale, de la rédaction d'un document sur le Régime de pensions du Canada et les régimes de pension publics. Nous espérons le déposer cet automne et je suis sûr qu'il intéressera beaucoup les membres de ce comité.

En conclusion, vous pouvez voir que c'est là un programme de travail ambitieux. Mais je pense qu'il est réaliste. À mon avis, il correspond aux critères budgétaires qui ont été définis pour nous en février. Il démontre que la réforme sociale est l'une des grandes préoccupations de ce gouvernement et, nous l'espérons, de tous les députés.

L'année à venir verra la réforme de la sécurité sociale à l'oeuvre. Je compte sur la coopération continue de votre comité afin d'assurer que ces initiatives répondent effectivement et adéquatement aux besoins des Canadiens. J'aurais également besoin de votre aide, inutile de le dire, lorsqu'il s'agira d'adopter des projets de loi.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre, de ce survol. J'apprécie les réponses que vous avez données dans votre exposé aux recommandations formulées par le comité suite à son étude de la sécurité sociale. J'accepte également, au nom du comité, votre offre de nous faire parvenir les rapports sur les initiatives stratégiques aussitôt qu'ils seront prêts.

Nous allons maintenant passer à la période des questions selon les modalités habituelles, à savoir un premier tour de 10 minutes, commençant avec l'Opposition officielle. J'essaierai de limiter les interventions des membres d'aussi près que possible à 10 minutes afin que la majorité d'entre eux puissent poser leurs questions au ministre avant qu'il nous quitte.

[Français]

Mme Lalonde: Le temps alloué est très court compte tenu de toutes les questions que nous avons à vous poser. Je vous rappelle que le Service de la Bibliothèque a préparé 85 questions pour nous guider dans nos questions.

.1615

Je voudrais dire d'emblée que j'aurais aimé avoir ce rapport sur les consultations publiques hier ou avant-hier pour être en mesure de vous questionner là-dessus. Je l'ai regardé rapidement, mais il me semble que ce n'est pas un sondage; ce n'est qu'un rapport fait par le ministère sur son évaluation de la consultation. Il aurait été intéressant de l'avoir plus tôt.

Cela dit, nous souhaitons vivement avoir des réponses à nos questions, parce que votre ministère est un de ceux qui touchent le plus les gens, les groupes, l'avenir. Je vous pose donc ma première question, qui est inspirée des travaux faits par le Service de la Bibliothèque.

Est-ce que votre ministère a préparé une analyse des répercussions des changements à l'assurance-chômage faits en vertu de C-17?

[Traduction]

M. Axworthy: Monsieur le président, pour répondre aux deux premières remarques de Mme Lalonde, nous comprenons que toutes ces questions vous intéressent. Je vous signale que la semaine prochaine, trois de nos sous-ministres adjoints vont comparaître devant le comité et qu'il pourront parler de tout cela de façon beaucoup plus détaillée, si bien que vous ne devez pas vous sentir obligés de poser toutes les 85 questions aujourd'hui. Je suis sûr que mes collaborateurs du ministère se feront le plus grand plaisir de vous répondre. Comme vous le savez, ils ne pourront traiter des grandes décisions politiques, mais ils pourront certainement vous parler de certains de ces aspects.

Cela dit, une petite précision. Le rapport que nous avons établi a été rédigé par une tierce partie, un cabinet privé que nous avons engagé pour faire la synthèse des résultats et nous donner le genre d'analyse et d'évaluation dont nous avons besoin. Vous pouvez donc être rassurée.

Pour ce qui est des conséquences des modifications apportées à l'assurance-chômage, oui, nous préparons une telle analyse. Franchement, la première étape a consisté à prendre toute cette foison de propositions, d'idées et d'évaluations pour tenter d'en faire une synthèse gérable, et c'est ce que nous avons fait. Comme je l'ai dit, nous commençons maintenant à dresser un diagnostic de l'assurance-chômage au Canada, à voir quelles mesures prendre, quels changements apporter. Certes, lorsque nous regardons certaines des conséquences du projet de loi C-17, nous constatons déjà quelques retombées très utiles.

Je signale une chose concernant le système qui consiste à verser des prestations plus élevées aux travailleurs à faible revenu. Plus de 250 000 personnes ont actuellement droit à ce niveau de prestations supérieur, ce niveau de 60 p. 100, ce qui leur apporte près de 1 000$ de plus par an. Nous pensons que c'est, en soi, un modèle intéressant à suivre sur le plan de la refonte du Programme d'assurance-chômage, pour lutter contre la pauvreté des travailleurs qui font face à ce problème.

Pour ce qui des grandes répercussions du projet de loi C-17, nous savons que de juillet 1994 à avril 1995, c'est-à-dire d'après les chiffres les plus récents que nous possédons, près de 280 000 prestataires, soit moins de 15 p. 100 de l'ensemble, avaient droit au taux de 60 p. 100. Il convient de noter que 85 p. 100 d'entre eux étaient des femmes, ce qui montre l'intérêt de cette mesure sur le plan de la lutte contre la pauvreté.

Le nombre des chômeurs à qui l'on a refusé les prestations parce qu'ils ne pouvaient faire valoir le nombre de semaines de travail exigées, a augmenté d'à peine 0,5 p. 100, par comparaison avec la même période l'an dernier, et 197 000 demandeurs sont arrivés en fin de droits. C'est un chiffre plus faible que l'année précédente. De tous les demandeurs arrivés en fin de droits durant cette période, 97 p. 100 ont perdu, en moyenne, 11 semaines de prestations suite à l'entrée en vigueur du projetde loi C-17.

.1620

Nous continuons à suivre l'évoluation de la situation, mais si vous regardez notamment les chiffres région par région, vous verrez que le nombre des assistés sociaux a moins augmenté que l'année précédente. C'est dû, en partie, à la reprise économique, mais certaines des affirmations des ministres provinciaux sont tout simplement fausses, car en réalité, moins de chômeurs sont parvenus en fin de droits et il y a donc eu une croissance moindre du nombre d'assistés sociaux depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-17.

[Français]

Mme Lalonde: Je dois dire au ministre que les renseignements que j'ai le contredisent pour ce qui est de l'augmentation des personnes à l'aide sociale, les jeunes en particulier, qui ont un accès plus difficile à l'assurance-chômage. Je regarde chaque mois les données de l'aide sociale au Québec, et on dit que 40 p. 100 des nouvelles personnes à l'aide sociale sont des jeunes de 25 ans et moins, alors que normalement, ils sont 15 ou 16 p. 100. Ce sont les données pour le Québec. Je n'ai pas les données d'ailleurs au Canada, mais j'imagine que dans des économies similaires, on doit constater le même phénomene. Vous parlez de 60 p. 100, mais vous omettez de dire où se sont produites les coupures.

À la page 2-60 dans votre Budget des dépenses, on souligne bien qu'il y a eu une baisse de 16,2 p. 100 dans l'émission des mandats et on ajoute à la dernière ligne:

Vous m'avez donné quelques données. Est-ce que ce serait possible que nous ayons l'analyse globale que vous faites ainsi que l'analyse par province?

Monsieur le ministre, j'avais eu des données qui avaient été confirmées et qui prévoyaient que sur les coupures de 2,4 milliards de dollars qui se feraient chaque année, il y en aurait pour 725 millions de dollars cette année au Québec et pour 630 millions de dollars dans les Maritimes. Je me souviens bien de ces données-là. Je ne connais pas les autres de mémoire.

Oui, il y a des progrès. Je sais que quand on est ministre - je l'ai été - , on aime parler de ses bons coups, mais notre responsabilité à nous est de voir l'ensemble du portrait. La réalité est que des gens se sont trouvés beaucoup plus mal à cause de ces dispositions-là et que l'économie de la province s'en est certainement ressentie.

Je voudrais poursuivre sur la prochaine réforme de l'assurance-chômage.

[Traduction]

M. Axworthy: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais dire à l'honorable députée que nous serions ravis de travailler là-dessus avec le sous-ministre, si elle voulait bien nous transmettre ces chiffres. Nous pourrions...

[Français]

Mme Lalonde: Absolument.

M. Axworthy: Je pense qu'il serait très intéressant de faire une comparaison entre les deux chiffres. Par exemple, le nombre de demandes d'assurance-chômage au Québec a baissé de 86 000 par rapport à l'année dernière.

Mme Lalonde: Nous sommes censés être dans une période de prospérité. S'il n'y avait pas une diminution du nombre global de chômeurs et de personnes à l'aide sociale, ce serait extrêmement décourageant.

Je voudrais vous parler, monsieur le ministre, de la réforme de l'assurance-chômage que vous nous promettez dans le Budget. Vous nous dites qu'à partir de 1996, on va avoir des coupures de 700 millions de dollars. Comme vous annoncez que ce sera 10 p. 100, on comprend que l'année suivante, ce sera 1,5 milliard de dollars. Il y aurait donc 800 millions de dollars qui iraient quelque part. Ce qu'on peut comprendre à la lecture du Budget, c'est que cela irait dans le Fonds d'investissement dans les ressources humaines.

.1625

Comme c'est ma dernière question, j'en profite pour vous demander de nous parler davantage du Fonds d'investissement dans les ressources humaines. J'ai écouté attentivement les discours des députés et d'autres ministres d'en face, et ils disaient que ce fonds donnait beaucoup plus de flexibilité. Or, une grande partie de ces sommes-là vient de la caisse d'assurance-chômage. Il est important qu'on sache précisément ce que c'est, parce qu'il n'y a rien là-dessus dans le Budget ou dans C-76.

[Traduction]

M. Axworthy: En fait, monsieur le président, le budget fait mention du fonds d'investissement dans les ressources humaines.

[Français]

Mme Lalonde: Le Budget, mais pas le projet de loi C-76.

[Traduction]

M. Axworthy: Sur le plan administratif, nous sommes en train de regrouper un certain nombre de programmes existants. J'ai dit dans mon exposé que nous envisageons de réduire le nombre des programmes de 39 à 10 ou 12, ce qui donnerait aux centres d'emplois locaux beaucoup plus de latitude pour adapter leurs activités aux caractéristiques des localités. C'est l'objectif fondamental.

Ayant lu le rapport que vous avez rédigé, madame Lalonde, et ayant écouté vos propos, je sais que vous êtes une fervente partisane de la décentralisation et que vous êtes en faveur de laisser davangage les régions adapter les programmes à leurs besoins.

C'est exactement ce que nous essayons de faire par le biais du programme FIRH, en donnant à nos centres d'emploi locaux davantage de latitude, davantage de possibilités de former de nouveaux partenariats avec les provinces, les municipalités, les entreprises et les syndicats. Ils pourront ainsi faire meilleur usage des fonds et bénéficier d'une synergie.

Je pense vous avoir donné quelques exemples des essais que vous avons faits en ce sens, avec divers projets pilote réalisés à travers le pays.

Ce que nous essayons de faire par le biais du FIRH, c'est de mettre en commun toutes ces ressources, y compris des fonds provenant de l'assurance-chômage. Je rappelle à l'honorable députée que 1,9 milliard de dollars ont déjà été engagés dans les fonds de développement de l'assurance-chômage, mais une bonne partie est allée à la création d'emplois à court terme et à des initiatives de ce genre.

Nos évaluations montrent que cela ne favorise pas nécessairement le réemploi à long terme. Ce qui semble donner de meilleurs résultats, comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est de traiter plus directement avec les gens au moyen de méthodes telles que les suppléments de revenu, les subventions salariales et ce genre d'outils directs dont les gens peuvent bénéficier individuellement. Cela laisse davantage de marge aux provinces et à d'autres, si vous voulez, pour élaborer le genre de programme de formation qui est souhaitable, car les chômeurs vont indiquer leurs propres préférences et faire leurs propres choix.

[Français]

Mme Lalonde: Mais cela peut vouloir dire plus de dédoublements et plus de chevauchements.

[Traduction]

Mme Ablonczy: Monsieur le ministre, dans le discours du Budget, le ministre des Finances a annoncé une réduction globale du programme d'assurance-chômage d'au moins 10 p. 100. Bien entendu, cela peut se faire uniquement, soit par la majoration du nombre de semaines de travail requises, soit par la réduction des prestations, soit par le relèvement des cotisations.

Le seuil d'admissibilité a déjà été relevé en 1994. Étant donné que vous avez rejeté la notion d'un système d'assurance-chômage à deux vitesses, nous restons confrontés aux problèmes d'argent. Prévoyez-vous de réduire les prestations ou de relever le seuil d'admissibilité?

M. Axworthy: Monsieur le président, je suis très heureux que l'honorable députée ait posé cette question.

Les trois méthodes mentionnées par l'honorable députée pour réformer l'assurance-chômage ont déjà toutes été utilisées par le passé. J'espère que certains journalistes prendront bonne note de ce que je vais dire. Ce ne sont pas nécessairement les moyens que nous allons utiliser à l'avenir. Ce qui est intéressant dans les consultations et les dialogues qui se sont déroulés, c'est que des propositions très novatrices nous ont été présentées en vue d'une restructuration fondamentale de l'assurance-chômage qui permettrait d'éliminer les éléments qui dissuadent les gens de travailler et de réduire certains coûts, sans pour autant nécessairement toucher les trois variables que la députée vient de mentionner.

.1630

Je pense qu'elle sera très intéressée, et j'espère, heureusement surprise, lorsque nous déposerons notre nouveau projet de loi, d'y voir figurer certaines de ces idées novatrices. Je ne peux le garantir car je n'ai pas encore reçu l'aval des membres de mon Cabinet, mais nous allons travailler de très près avec eux au cours des six à huit prochaines semaines pour y mettre la dernière main. Comme je l'ai dit, le projet de loi sera déposé à l'automne.

Je veux juste faire cette mise en garde. Si vous me permettez de faire état de la conversation que nous avons eue dans l'ascenseur, vous disiez qu'il est temps d'introduire quelques nouveaux concepts, de renoncer à ces vieilles notions voulant que la seule façon de réformer soit de réduire les prestations ou de resserrer les conditions d'admissibilité. Je dois vous dire qu'il y a de meilleures façons de faire. Certaines des propositions que nous avons reçues m'intéressent beaucoup. Cela montre l'intérêt de la consultation publique.

Mme Ablonczy: Eh bien, je suis très impatiente de voir comment vous pouvez couper 10 p. 100 sans toucher à tout cela.

L'un des éléments dont vous avez beaucoup parlé sur le plan du chômage, ce sont les programmes de formation. Ils sont mentionnés à la page 32 du budget des dépenses. J'ai entendu beaucoup de doléances au sujet de ces programmes de formation et je sais que c'est votre cas aussi.

M. Axworthy: Oui.

Mme Ablonczy: Ce qu'on leur reproche le plus fréquemment, c'est la piètre qualité des programmes de formation, l'absence ou le manque d'emplois dans les secteurs sur lesquels porte la formation, le manque de suivi de la part des ministères une fois la formation terminée. De fait, certains participants déçus par ces programmes de formation ont dit que ce n'était souvent rien de plus que des cours bidons montés par des gens pour extorquer de l'argent à votre ministère.

Un nombre considérable de Canadiens ont suivi une formation d'une sorte ou d'une autre dans le cadre du programme d'amélioration de l'employabilité. Le ministère annonce un taux de réussite de 86 p. 100, page 2-37. Cependant, le critère de réussite indiqués sur cette même page est le recensement non pas de ceux qui ont trouvé du travail ou sont devenus autosuffisants, mais uniquement de ceux qui ont suivi la formation jusqu'au bout.

Puisque l'objectif est d'aider les Canadiens chômeurs à retrouver un emploi stable, à long terme, j'aimerais savoir combien de ceux qui ont achevé le programme d'amélioration de l'employabilité ont effectivement trouvé un travail. Pourriez-vous me dire également si vous possédez des données montrant que ces programmes de formation rapportent plus qu'ils ne coûtent.

M. Axworthy: Monsieur le président, je pense que la députée a raison, d'une certaine façon. Bon nombre des moyens traditionnels de formation ne se sont pas avérés très efficaces, mais je ne pense pas que l'on puisse schématiser au point de dire que c'est le cas pour tous. Tout dépend de qui l'on parle.

Pour un jeune à la recherche de son premier emploi, le type de stage dont j'ai parlé est efficace. Dans le cas d'un travailleur plus âgé qui suit un programme de formation pré-établi dans un collège communautaire, cela ne donne souvent pas de résultat du tout. Parfois, un bon programme d'alphabétisation donne de meilleurs résultats.

En concevant le nouveau FIRH, nous avons tenu compte de ces évaluations. C'est pourquoi, pour ce qui est des achats de gouvernement-à-gouvernement, qui a été l'une des modalités traditionnelles, nous renonçons à cette forme particulière de formation. C'est en partie dû aux coûts et en partie parce que nous avons constaté qu'en utilisant ce mécanisme général... nous achetons une panoplie de programmes. Quelqu'un vient dans nos bureaux, et nous le plaçons dans tel ou tel programme, qu'il corresponde à ses besoins ou non.

Je me répète peut-être, mais c'est pourquoi nous voulons décentraliser l'administration pour que nos propres centres d'emploi puissent travailler avec la collectivité locale et déterminer les techniques de formation les plus efficaces pour cette localité. Les besoins seront tout à fait différents sur la côte Nord du Labrador et au centre-ville de Calgary, par exemple. Les initiatives requises seront donc très différentes.

Nous avons évalué chacun des divers domaines de formation, nous avons renoncé à certains programmes, nous en avons décentralisé d'autres afin qu'ils puissent être plus flexibles, nous avons mis beaucoup plus l'accent sur la formation axée sur des projets, où nous avons enregistré de réels succès, nous nous occupons moins de formation axée sur des compétences spécifiques que les employeurs peuvent dispenser sur le tas, et nous cherchons à rendre les individus plus autonomes en leur permettant de choisir et de financer leurs propres programmes de formation.

.1635

Je vais simplement vérifier auprès du sous-ministre si nous pouvons réunir pour vous les évaluations auxquelles nous avons procédées. Ce sont les données brutes. Je ne vais pas vous dire ce que nous allons en faire, car ce serait alors révéler le contenu de l'annonce que nous allons faire l'été prochain sur le Fonds d'investissement dans les ressources humaines, mais nous pouvons certes vous fournir les évaluations des divers programmes de formation que nous avons effectuées.

Mme Ablonczy: Je vous remercie, monsieur Axworthy.

M. Axworthy: Je vais peut-être demander au sous-ministre d'intervenir là-dessus.

M. Noreau: Je voudrais faire une brève observation. Permettez-moi de vous inviter à vous reporter aux résultats figurant à la page 2-41 dans la partie III du Budget des dépenses où on donne certains taux d'utilisation des compétences et de réussite. On retrouve donc là certaines données.

Le ministre fait allusion à des évaluations plus récentes comparant des programmes mis en oeuvre dans le cadre de Perspectives d'emploi et des programmes lancés dans le cadre de l'ancienne stratégie d'emploi. C'est ce que nous allons vous transmettre. Cela montre que nous comprenons mieux, en fait, comment concevoir ces programmes pour obtenir un meilleur taux de réussite.

Mme Ablonczy: Je comprends cela. Permettez-moi de me reporter à un programme particulier - l'un des favoris du ministre, j'en suis persuadée. La Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ou SPA. Ce programme a abouti à tout un gâchis. En effet, une enquête indépendante a montré qu'on a dépassé le budget de 700 millions de dollars car beaucoup plus de gens que prévu ont adhéré à ce programme. Malheureusement, certains des intéressés ont quitté de bons emplois pour s'inscrire, des pêcheurs qui parfois gagnent plus de 200 000$ par année.

L'objectif de ce programme, monsieur le ministre, était de recycler les gens pour qu'ils puissent travailler dans des secteurs autres que celui de la pêche. Cependant, même si la formation était la clef de tout le programme, l'argent qui devait servir à former les travailleurs est maintenant consacré au soutien du revenu. Les gens qui sont censés profiter du programme se plaignent de ne pas avoir été consultés, et ils sont maintenant outrés par l'inefficacité du programme et tout ce gaspillage.

Étant donné que ce programme est en vigueur depuis un an, avez-vous des chiffres montrant combien de bénéficiaires ont, en fait, trouvé un travail à temps plein dans un nouveau secteur directement à cause du recyclage dont ils ont profité dans le cadre de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique?

M. Axworthy: Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de signaler à la députée que nous sommes conscients du fait qu'on ne peut pas, du jour au lendemain, offrir un programme important d'adaptation pour tout un secteur. Un certain nombre de problèmes se posent surtout du fait que les intéressés sont très attachés à cette industrie et ce, depuis des siècles pratiquement. Les gens acquièrent une culture qui rend cela très important pour eux. Il est impossible de changer l'attitude des gens d'un seul coup. On ne peut même pas le faire en un an. C'est pourquoi, dans bien des cas, nous nous sommes donnés quatre ans pour atteindre notre objectif.

Nous savons également qu'il doit y avoir divers niveaux de mesures directes d'aide à l'emploi pour les intéressés. Pour les jeunes, les chances de se trouver un nouvel emploi étaient relativement élevées, et près de 15 000 personnes se sont inscrites à tout un éventail de programmes de formation, ce qui est un chiffre appréciable.

Je veux mettre en garde la députée, car elle fait allusion à l'étude de la firme Price Waterhouse. Cette étude a été terminée en janvier dernier, alors que le programme était en vigueur depuis moins de six mois. C'est en s'arrêtant à cette date qu'on a estimé le taux de réussite.

En fait, on est rendu beaucoup plus loin que cela. Je peux donner nos chiffres à la députée: plus de 1 000 personnes participent à des projets environnementaux, près de 15 000 sont inscrites à divers programmes de formation et presqu'un millier ont un salaire subventionné. C'était là la situation en avril dernier.

Je vais vous préciser le problème le plus difficile auquel nous sommes confrontés. Tout à coup, le ministre des Pêches qui, en quelque sorte, co-parraine avec moi le programme, a été forcé de fermer 14 autres zones de pêches au large des côtes de l'Atlantique et du Québec. Ainsi, le nombre initial que nous avions prévu est tout simplement monté en flèche. Nous avons reçu près de 50 000 demandes.

En toute franchise, les premiers mois de mise en oeuvre du programme ont simplement été consacrés à traiter ces demandes, à inscrire les gens et à organiser certaines séances de counseling pour connaître leurs intérêts et voir ce vers quoi ils pouvaient s'orienter. Plus de 26 000 personnes ont profité de nos services de counseling. Elles sont maintenant en mesure de faire des choix. Elles participent à des programmes de formation, d'alphabétisation ou d'emploi. Cependant, il est vrai que les premiers mois ont été plutôt difficiles car nous essayions de traiter avec 50 000 personnes qui étaient exaspérées. Dans bien des cas, elles étaient désillusionnées, découragées, car elles avaient perdu leur gagne-pain et ignoraient quand elles allaient pouvoir à nouveau gagner leur vie ainsi.

.1640

J'invite donc la députée - et je sais que je ne pourrais sans doute pas compter sur son chef à ce chapitre - à faire preuve d'une certaine tolérance lorsque nous affirmons qu'il est impossible de redonner de l'emploi aux gens ou de rebâtir leur vie du jour au lendemain.

Mais, je pense que nous sommes sur la bonne voie et nous allons continuer à évaluer le programme. C'est pourquoi nous faisons appel à la société Price Waterhouse pour surveiller de façon continuelle et indépendante l'évolution de la situation. Le Comité des pêches commence à tenir des audiences sur le programme. Le Syndicat des pêcheurs a dit au comité que c'était une réussite dans une proportion de 80 p. 100. Ce sont les gens qui sont directement touchés.

Je ne prétends pas que ce programme soit parfait, loin de là, mais je peux vous dire qu'il commence à porter fruits et que nous allons régler les problèmes qui demeurent.

Nous avons analysé l'étude de Price Waterhouse. On y signale environ huit ou neuf problèmes auxquels nous avons déjà remédiés. Nous ferons de même, si d'autres députés nous signalent d'autres problèmes. Nous les réglerons aussi.

Cela veut dire qu'au début, il y a eu des problèmes, mais que nous travaillons à les résoudre. Je crois encore qu'il est de loin préférable de donner à des gens qui voient leur mode de vie disparaître de nouvelles options et de nouveaux choix plutôt que de leur envoyer simplement un chèque. Je pense encore que c'est la voie à suivre.

Le président: Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole aux Libéraux. Je vais commencer par M. Scott.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre, devant le comité.

M. Axworthy: Il fait bon de vous voir, M. Scott; c'est toujours un plaisir.

M. Scott: Je suppose que vous ne serez pas surpris si je vous dis que j'ai été très satisfait de vos récentes déclarations au sujet du Régime d'assurance-chômage à deux vitesses.

M. Axworthy: On appelle cela la modification Andy Scott.

Des voix: Oh! Oh!

Une voix: Pourquoi?

M. Scott: Les gens de l'Atlantique ont poussé un soupir de soulagement lorsqu'ils vous ont entendu dire cela. Fondamentalement, cependant, monsieur le ministre, je voudrais faire comprendre très clairement - et je suis satisfait de votre réponse à la question de ma collègue - que cela ne veut pas dire pour autant qu'on ne doit pas réformer l'assurance-chômage. En fait, on ne doit pas conclure, non plus, qu'il n'y a pas de résistance face à cette réforme dans la région de l'Atlantique.

Il y a bien des façons d'améliorer le Régime d'assurance-chômage sans suivre la voie du passé. De fait, je pense que cela rend une réforme encore plus nécessaire. En l'absence d'une réforme, nous devrons inévitablement, chaque année, envisager de réduire le nombre de demandes acceptées ou la durée des prestations, alors qu'en fait, nous devrions réformer le Régime.

Je prétends que certaines des listes figurant dans le rapport sur la Réforme de la sécurité sociale donneront une idée de la façon dont les choses pourraient se produire. On trouve une liste dans le rapport.

Si on changeait la façon de calculer les prestations, cela inciterait davantage les gens à travailler. Ainsi, si on basait les prestations sur les semaines de travail les mieux rémunérées, plutôt que sur les dernières semaines, les gens travailleraient plus longtemps. Les Canadiens qui ne peuvent se permettre de travailler à l'heure actuelle seraient en mesure de le faire. En effet, pour le moment, dans l'intérêt de leur famille, ils ne peuvent accepter un emploi moins rémunéré, car cela nuit à leurs prestations. Si on basait les prestations sur les meilleures semaines, les intéressés pourraient accepter ces emplois et...

Quoi qu'il en soit, je ne veux pas refaire l'examen de la sécurité sociale, mais je peux vous dire que votre annonce a été bien reçue là d'où je viens.

Étant donné que la réforme nous intéresse, pouvez-vous nous donner une idée du type de réformes envisagées? Est-ce le genre de choses que le ministère envisage?

M. Axworthy: Monsieur le président, je pense que M. Scott a très bien dit les choses. Il a déclaré que ce n'est pas parce que nous avons décidé de ne pas adopter le régime à deux vitesses proposé dans le Livre vert que le Régime d'assurance-chômage allait demeurer intact. On doit encore procéder à une réforme structurelle fondamentale. J'espère que les gens sont préparés à cela. Il ne faut surtout pas en conclure que rien ne va changer. De fait, je sais qu'il n'en est rien et que tout cela va exiger une participation très active.

.1645

J'entends rencontrer les ministres de la région de l'Atlantique dans deux semaines pour obtenir leur point de vue sur l'assurance-chômage. Vendredi prochain, le sous-ministre rencontre ses homologues de toutes les provinces pour les informer sur certaines des questions en suspens. Nous rencontrerons ensuite les ministres.

Comme je l'ai dit à Mme Lalonde de temps à autre, si nous ne pouvons réunir tous les intéressés, c'est que plusieurs gouvernements provinciaux se préparent à des élections ou viennent d'en remporter une. Ils n'ont donc pas de temps à consacrer à cela. En effet, on dit toujours, dans ces situations-là, que les politiciens sont comme des chiens en chaleur, car ils ne se concentrent que sur un seul objectif.

Des voix: Oh, oh!

M. Axworthy: Eh bien, c'est vrai. C'est un vieil adage dans la région de l'Atlantique.

Une voix: Oh, oh!

M. Axworthy: Ainsi, la seule façon de tenir un débat rationel sur ces questions... Le moment est mal choisi, mais lorsque les intéressés seront disposés à se réunir, nous le ferons.

Je pense que la réforme de la sécurité sociale est vue d'un très bon oeil dans tout le pays. Les gens ne veulent pas de simples retouches. Ils souhaitent une véritable réforme.

Le comité va devoir investir beaucoup de temps et d'efforts pour ce faire. Il est clair que le projet de loi que nous allons déposer cet automne exigera une autre série de discussions publiques sérieuses, mais nous voudrions quand même que cette réforme soit prête à être mise en oeuvre le 1er juillet 1996. Je vous remercie de votre offre de coopération, mais il est important de vous signaler qu'il reste beaucoup de travail très sérieux à faire pour rebâtir et restructurer le régime.

Mme Cohen: Vous rappelez-vous du Livre vert?

M. Axworthy: Oui.

Mme Cohen: Je veux simplement y revenir, car on y trouvait notamment des idées sur la réforme des programmes étudiants. Cependant, on s'occupe maintenant surtout du débat qui a trait au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et aux répercussions que cela va avoir sur le financement de l'enseignement postsecondaire. Plus personne ne parle des programmes de prêts aux étudiants.

Pouvez-vous nous mettre au courant de l'évolution de la situation en ce qui concerne le Programme canadien de prêts aux étudiants, nous préciser ce vers quoi on se dirige et nous dire ce que nous allons faire pour aider les étudiants canadiens à financer leurs études?

M. Axworthy: Comme je l'ai précisé dans mon exposé, on est en train de mettre en oeuvre le nouveau programme de prêts aux étudiants. Le 1er août, nous devrions avoir conclu les nouveaux accords de financement avec les prêteurs privés. Nous allons lancer un nouveau programme de prêts aux étudiants à temps partiel qui s'adresse précisément aux étudiants à temps partiel qui ont certains besoins financiers. Nous allons annoncer une stratégie de gestion de la dette des étudiants. Nous aurons une nouvelle politique pour désigner les institutions admissibles lorsque nous ne pouvons pas parvenir à une complète harmonisation avec les autres provinces.

Pour vous donner un exemple de ce que cela signifie, la limite des prêts aux étudiants est maintenant passée de 105$ à 165$ par semaine. Il y aura un nouveau programme d'évaluation des besoins que la plupart des provinces, à l'exception de l'Ontario, mettent maintenant en oeuvre.

On partagera dans une proportion de 60 p. 100 avec toutes les provinces et tous les territoires l'aide apportée aux intéressés. Dans le cadre de ces mesures législatives, nous conservons également le droit de lancer des projets-pilotes relatifs aux prêts à remboursement relatif au revenu et ainsi, si des provinces veulent mettre à l'essai les méthodes que nous avons présentées dans le Livre vert, nous sommes prêts à le faire.

Nous estimons qu'au cours de la présente année financière, grâce aux 200 millions de dollars supplémentaires que nous avons consacrés au programme dans le cadre de ces réformes, environ 130 000 étudiants vont profiter d'une aide directe sous la forme de subventions aux chefs de familles monoparentales qui retournent à l'école, aux femmes qui poursuivent des études supérieures, aux étudiants handicapés et à d'autres. Environ 130 000 étudiants vont maintenant être en mesure de recevoir une aide financière directe.

Monsieur le président, c'est là une chose à laquelle le comité voudra peut-être réfléchir. Il a des façons d'étendre la portée de cette stratégie de gestion de la dette. J'ai précisé plus tôt comment nous avions modifié les règles relatives aux prestations d'invalidité, pour permettre aux Canadiens touchant ces prestations de retourner à l'école et de les recevoir quand même. Je pense qu'il est possible de faire la même chose au titre de la Loi sur l'assurance-chômage pour, là encore, encourager les jeunes à faire cela.

.1650

Nous avons engagé des pourparlers avec diverses organisations du secteur privé qui voudraient collaborer avec nous dans le cadre du Service jeunesse Canada. Madame Blondin-Andrew a organisé de nombreuses réunions pour voir comment nous pourrions utiliser l'emploi communautaire à la fin de l'année scolaire pour les étudiants qui ne peuvent rembourser leurs prêts. Les intéressés pourraient occuper un emploi communautaire pendant une certaine période et toucher, disons, une somme de 5 000$ qui les aiderait à rembourser leurs prêts.

En d'autres termes, cela s'appliquerait lorsque les intéressés ne peuvent obtenir un emploi tout de suite et doivent rembourser leurs prêts. Ils participeraient à des projets écologiques ou des programmes d'alphabétisation. Le Service jeunesse Canada leur offrirait cette possibilité.

Même le Programme de stages dont j'ai parlé peut servir à fournir une aide financière permanente aux étudiants tant qu'ils fréquentent un établissement d'enseignement. S'ils participent au programme de transition au marché du travail, ils peuvent, les fins de semaine, durant les vacances d'été et à d'autres périodes, suivre un stage dans le cadre duquel l'employeur privé paie leurs salaires et nous, nous offrons une certaine aide pour faire en sorte que le programme fonctionne.

Ainsi, il y a un certain nombre d'autres façons d'offrir aux étudiants un ensemble plus complet de programmes pour les aider à faire face à l'augmentation des coûts.

Pour autant qu'on sache, en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les provinces seront dorénavant tout à fait libres de dépenser comme bon leur semble les paiements de transfert qu'elles recevront à ce chapitre. Elles pourront donc choisir ce qu'elles veulent faire au sujet des frais de scolarité et réformer comme elles l'entendent leurs régimes. Ces décisions seront laissées entièrement à leur discrétion.

Mme Cohen: L'une des choses qui m'inquiète - je pense que cela s'applique aussi aux professeurs avec lesquels je me suis entretenue à l'Université de Windsor - c'est le manque de financement en vertu du système de prêts actuel. Nous avons parlé de cela à de nombreuses reprises dans le cadre des consultations du comité. Il y a un manque d'argent pour les gens dont se préoccupe M. Bevilacqua, c'est-à-dire des gens qui viennent de la classe moyenne mais qui, par exemple, se retrouvent à Toronto où avec un revenu moyen et une famille de quatre enfants, ils ont du mal à financer leurs études. Or, les intéressés risquent de ne pas être admissibles en fonction de l'évaluation objective des besoins qui s'applique aux prêts aux étudiants.

Je crains fort qu'en fonction de l'évaluation actuelle des besoins, nous financions les études des gens à faibles revenus alors que les Canadiens qui ont de gros revenus envoient leurs enfants à l'école car ils en ont les moyens, ce qui signifie qu'en fin de compte, nous subventionnons ces gens-là, mais qu'un grand nombre de jeunes de la classe moyenne sont peut-être forcés de fréquenter l'école à temps partiel parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer les frais de scolarité et ne sont pas admissibles pour un prêt. J'ai vraiment le sentiment que le système laisse tomber certaines personnes.

M. Axworthy: Nous avons reçu beaucoup de propositions intéressantes sur la façon d'encourager un grand nombre de personnes qui sont sur le marché du travail à l'heure actuelle mais qui sont conscientes du fait qu'elles doivent se perfectionner.

Je voudrais mentionner un projet-pilote entrepris par l'un de nos CEC, à Montréal. On y offre certains prêts de formation permettant aux travailleurs d'avoir accès à ce type d'aide financière remboursable. Les intéressés souhaitent ardemment avoir recours aux prêts à remboursement relatif au revenu pour réaliser leurs objectifs.

Ainsi, c'est l'une des choses qu'on peut considérer comme une mesure complémentaire du programme canadien de prêts aux étudiants. Je veux préciser clairement que cela n'est pas encore chose faite, mais c'est certes un des éléments qu'on a jugé extrêmement prioritaire dans le cadre des consultations. À une époque où l'argent est rare, il faut trouver des façons de financer ce type de mesures.

On en revient alors à une idéologie tout à fait fondamentale. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui sont prêts à investir certaines de leurs propres ressources pour retourner à l'école, mais on doit prévoir un certain partenariat. Il faut établir cette responsabilité mutuelle.

Jusqu'à maintenant, ces gens n'ont pu se raccrocher à rien. Je pense que nous voulons avoir recours à la meilleure façon de procéder. Je le répète, il faut donner à nos propres centres d'emploi la possibilité de faire ce choix, d'utiliser leurs ressources de cette façon, de conclure une entente avec la coopérative de crédit locale, de recueillir certains fonds pour la formation des travailleurs locaux qui veulent se recycler.

.1655

Mme Cohen: Nous établissons ainsi un lien plus étroit entre l'enseignement postsecondaire et la planification de carrière et les ressources humaines que nous avons.

M. Axworthy: J'ai eu hier une rencontre intéressante avec les administrateurs du Bureau de l'aide financière de l'Ontario. Ce sont eux qui accordent les prêts aux étudiants des collèges communautaires et des universités de l'Ontario.

Une femme de Pembroke qui s'occupe de certains des collèges communautaires de l'endroit a décrit en quoi consistait exactement le problème. Au lieu de servir une grande ville, le système sert une région rurale comptant un certain nombre de petites villes où surgissent de nouvelles industries. Ces petites villes attirent de nouvelles industries de base, mais elles ne peuvent mettre ce système en place. Nous avons donc examiné de quelle façon nous pourrions commencer à offrir ce genre d'aide grâce à notre Programme canadien de prêts aux étudiants.

Voilà peut-être le bon endroit où faire l'essai du Programme de prêts à rembousement en fonction du revenu pour les autodidactes ou les membres de la population active qui veulent retourner à l'école pour améliorer leurs connaissances ou se recycler. Cela ne nécessite pas énormément de ressources, s'il y a partage des coûts. Les autorités provinciales fournissent un montant x, et nous aussi. Disons qu'un intéressé se présente: l'employeur contribuera peut-être un certain montant lui aussi, et les autorités provinciales pourront commencer à élaborer leur propre programme de formation à partir de là. Voilà le genre de latitude que je souhaite accorder à nos fonctionnaires pour mettre au point ce genre d'ententes.

Le président: Je vais maintenant accorder la parole à M. Dubé qui posera une brève série de questions, après quoi je donnerai la parole à deux députés libéraux qui n'ont pas encore eu la chance de poser leurs questions, avant de clore la séance.

[Français]

M. Dubé (Lévis): Monsieur le ministre, comme Mme Lalonde, je me suis inspiré des questions préparées par le Service de la Bibliothèque. Je vais vous poser trois questions de suite, au cas où je n'aie pas la chance d'en poser d'autres.

Premièrement, dans ce qui est préparé par la Bibliothèque, on constate une chose. C'est qu'à l'enseignement postsecondaire, selon les chiffres mêmes du ministère, il y a une coupure de 236 millions de dollars.

Il y a une recommandation du Comité que le Bloc vous recommande de ne pas suivre, monsieur le ministre. Vous savez qu'on avait fait un rapport dissident. Concernant un système à deux paliers...

[Traduction]

M. Axworthy: Pourriez-vous indiquer la page? Il s'agit bien du document de la Bibliothèque du Parlement?

[Français]

M. Dubé: C'est à la page 24.

[Traduction]

M. Axworthy: À la page 24 de quoi?

[Français]

M. Dubé: La page 24 des questions préparées par la Bibliothèque. On voit des chiffres. Je voulais simplement attirer votre attention là-dessus. Donc, il y a des coupures. Si nous nous sommes opposés à la réforme, c'est parce que nous craignions les coupures. C'est pour vous montrer qu'il y en a eu en enseignement postsecondaire.

Ensuite, il y a une recommandation du Comité permanent des ressources humaines sur laquelle nous n'étions pas d'accord. On voyait qu'on resserrait les conditions d'admissibilité à l'assurance-chômage pour les personnes dont c'était le premier emploi. Je m'inquiétais en particulier pour les jeunes. J'attire votre attention là-dessus et je vous demande vos commentaires. La majorité vous recommandait des critères d'admissibilité plus restrictifs pour cette catégorie-là. On sait qu'à ce moment-là, on parle des jeunes et peut-être des femmes qui veulent aller sur le marché du travail. On aimerait que vous vous prononciez là-dessus pour dire que vous ne prendrez pas cela en considération.

Quant à vos chiffres, monsieur le ministre, vous parlez d'une augmentation pour Initiatives Jeunesse. C'est vrai. Cependant, il y a des coupures d'au moins 15 p. 100 pour des organismes qui, entre autres, s'occupaient de l'employabilité chez les jeunes. Pourquoi déshabiller Pierre pour habiller Jacques? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Toutes les nouvelles mesures d'Initiatives Jeunesse par rapport au Québec sont toujours dans les champs de compétence des provinces. Au Québec, on y tient particulièrement. Est-ce que vous allez accommoder le Québec dans sa distinction, c'est-à-dire nous laisser la pleine maîtrise d'oeuvre dans le domaine de la formation professionnelle?

Cela fait beaucoup de choses en peu de temps.

[Traduction]

M. Axworthy: Monsieur le président, je m'excuse auprès de M. Dubé, mais je n'ai pas réussi à trouver le chiffre dont il parle dans le document de la Bibliothèque du Parlement... Je ne sais pas très bien à quoi correspond le chiffre de 236 millions de dollars qu'il mentionne.

.1700

Le président: Le numéro de la page de la version française n'est pas le même que pour la version anglaise.

[Français]

M. Dubé: C'est à la page 24 du document en français.

M. Axworthy: Monsieur Dubé, je voudrais examiner les chiffres et vous répondre par écrit. Cela vous convient?

M. Dubé: Oui. D'ailleurs, ce serait une bonne occasion de répondre aux autres questions par écrit.

M. Axworthy: Je dois examiner les questions de la Bibliothèque.

Mme Lalonde: Vous pourriez répondre à toutes ces questions?

M. Axworthy: Je dois voir si je suis d'accord.

[Traduction]

Deuxièmement, en ce qui a trait à la recommandation de la majorité concernant les nouveaux venus sur le marché du travail, je le répète, je ne peux pas me permettre de dire explicitement quelles mesures nous proposerons, car nous ne les avons pas encore arrêtées définitivement et nous ne faisons, en réalité, que commencer à les examiner au Cabinet. Nous avons cependant retenu un certain nombre de propositions que nous considérons toutes en leur accordant autant de poids que de sérieux.

Quant à la troisième question concernant les compressions budgétaires, il y en a eu effectivement. Comme vous le savez, nous avons effectué des coupes très sévères dans certains secteurs de notre budget et nous avons dû faire certaines réaffectations. Nous avons notamment fait valoir auprès de nos gestionnaires locaux qu'étant donné que bon nombre des groupes de mise en oeuvre de projets avaient déjà accumulé, au fil des années, des frais généraux assez substantiels, si on les encourageait à collaborer entre eux et à partager les coûts d'administration et autres frais généraux, ils pourraient continuer à offrir la même qualité de services. C'est pourquoi nous avons dit que nous préférions effectuer des compressions budgétaires du côté des frais généraux, et nous voyons déjà des groupes qui conjuguent leurs efforts pour maintenir le même niveau de services.

Il en résultera peut-être quelques pertes d'emplois parmi le personnel, mais cela nous donne également l'occasion d'apporter des améliorations. Je ne veux pas paraître trop dur, mais beaucoup de projets que nous finançons depuis 10 ou 15 ans sont probablement au bout de leur rouleau. Certains n'ont pas perdu de leur valeur et certains sont même excellents; d'autres ont cependant perdu toute utilité, et nous avons tâché de les évaluer sur cette base. Comme nous l'avons dit, nous voulons donner plus de latitude aux provinces pour participer à ce genre d'activités, et nous leur en donnons certes la possibilité.

En ce qui concerne les programmes pour les jeunes, un des domaines dont j'ai déjà parlé, cela n'entre pas dans un champ de compétence particulier. Le programme de stages s'applique surtout dans le cadre du secteur privé. Comme vous le savez, dans le secteur de l'électronique, il n'existe pas une série de qualifications qui soit particulière au Québec ou à la Colombie-Britannique. Les entreprises de ce secteur tâchent de travailler ensemble et elles ont lancé un certain nombre de projets pilotes ou de projets de formation partout dans le pays, et nous nous en occupons.

Quant aux autres programmes, ce que nous faisons, c'est... Il y a tellement d'emplois dont il faut ouvrir l'accès aux jeunes. Il y a beaucoup de place pour le travail en collaboration avec les autorités provinciales dans ces domaines et d'ailleurs, si je puis me le permettre, monsieur le président, je voudrais faire consigner au compte rendu une communication que j'ai reçue de l'une des collègues de M. Dubé, la députée de Laval-Centre, qui me demandait de soutenir ou de financer deux projets particuliers du Service jeunesse dans sa circonscription.

Elle disait:

[Français]

[Traduction]

Cela révèle certainement qu'un certain nombre de ses collègues soutiennent vigoureusement le travail que nous faisons dans le cadre du Programme Service jeunesse.

Le président: Je donnerai maintenant d'abord la parole à M. O'Reilly. Posez de brèves questions.

M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Merci, monsieur le président. J'ai une très brève question.

Monsieur le ministre, je voulais simplement savoir si vous avez un programme de recyclage pour les Jets de Winnipeg.

Bref, soyons sérieux.

M. Axworthy: Ce n'est pas mon rayon, monsieur O'Reilly.

M. O'Reilly: Il y a un gros point de presse qui vous attend, et c'est le genre de questions que vous poseront les journalistes.

J'ai cru comprendre que le Service jeunesse Canada et le programme de stages pour les jeunes devaient être mis en oeuvre cet été, mais je n'ai pas entendu dire, monsieur le ministre, qu'ils l'avaient été. Pourriez-vous dire au comité si ces initiatiaves ont été mises en oeuvre et quel impact elles pourraient avoir?

.1705

M. Axworthy: Monsieur le président, puisque M. O'Reilly a soulevé la question, je dirai d'abord qu'à la tête de mon ministère, je ressens beaucoup de sympathie pour le gardien de but des Jets de Winnipeg: il doit faire face à toutes ces rondelles lancées sur lui sans pouvoir compter sur une défense bien efficace.

Nous avons mis sur pied le programme Service jeunesse surtout pour profiter du secrétariat qui avait été établi et du genre de travail de développement que nous avions fait avec beaucoup d'entreprises du secteur privé, de municipalités et d'organismes communautaires, qui estimaient que nous pourrions donner aux étudiants une expérience de travail d'été beaucoup mieux axée sur leurs besoins, en le faisant dans le cadre de ce genre d'opération Service jeunesse plutôt qu'en procédant tout simplement au hasard en subventionnant des emplois. Nous avons expérimenté la formule à notre niveau, et Mme Blondin-Andrew, qui supervise ces programmes, voudra peut-être en parler.

À l'heure actuelle, pour ce qui est des programmes d'emplois d'été pour les jeunes, nous espérons y faire participer environ 10 000 jeunes Canadiens pour la première fois cette années. Nous aurons en fait un Service jeunesse qui fonctionnera à deux niveaux, l'un qui est un programme offert toute l'année, et l'autre qui vise à faire bénéficier d'une expérience de travail d'été environ 10 000 jeunes par an. Je ne puis vous donner les chiffres exacts, car nous sommes encore en train de recevoir des demandes de participation et d'établir le financement des projets.

Mme Minna (Beaches - Woodbine): J'ai deux très brèves questions au sujet de la pauvreté des enfants et des services de garde d'enfants. Je veux me concentrer un instant sur les questions concernant les enfants.

Au sujet de la pauvreté chez les enfants, je n'ai pas parcouru toute la documentation, mais il ne me paraît pas en être question dans le budget des dépenses ni dans l'aperçu du programme du ministère. Je voudrais savoir, monsieur le ministre, s'il y a eu jusqu'à présent des discussions avec les provinces ou au sein du ministère dans le but d'examiner très attentivement la possibilité d'avoir une prestation fiscale intégrée pour enfants ou un supplément du revenu gagné ou les deux. Quelle importance le budget accorde-t-il à la question générale de la pauvreté des enfants? Cela constitue encore un problème de taille au Canada et je souhaite ardemment que l'on commence à y remédier.

Je voudrais parler aussi des services de garde et de développement des enfants. Au cours des audiences, nous avons noté que d'un bout à l'autre du pays, la population était fortement en faveur de la mise sur pied d'une infrastructure nationale en matière de garde et de développement des enfants. Je sais que vous avez lancé des projets pilotes dans le cadre des initiatives stratégiques. Je voudrais savoir s'il y a eu des discussions avec les provinces dans le but d'examiner la possibilité d'établir une certaine forme d'infrastructure partout au Canada, étant donné surtout que, dans leur exposé, des femmes de diverses régions du pays ont déploré qu'il n'existe tout simplement pas assez de services de garde d'enfants dans bien des cas et que, là où il en existe, ils soient de bien piêtre qualité, sinon carrément mauvais. Le principal problème à l'heure actuelle, c'est que nous avons un programme qui est un véritable salmigondis, alors que ces deux questions sont essentielles pour la santé de la famille. J'ai d'autres questions, mais je serais heureuse que vous répondiez à celles-ci.

M. Axworthy: Monsieur le président, je ferai remarquer à Mme Minna que, dans l'aperçu du programme du ministère, nous avons déclaré qu'il avait pour objectifs, premièrement, d'améliorer l'employabilité des Canadiens en les aidant à se préparer pour trouver et conserver un emploi et, deuxièmement, de les aider dans leurs efforts pour assurer leur sécurité financière en contribuant à prévenir ou à réduire la pauvreté chez les familles, les enfants et les personnes âgées. Nous nous sommes fixé ces deux missions dans l'aperçu du programme du ministère.

Nous avons tenté de remplir ces missions de plusieurs façons. Le système de transfert global, qui donnera beaucoup plus de flexibilité aux provinces, constitue clairement une initiative à cet égard. Votre propre rapport a d'ailleurs reconnu le bien-fondé de plusieurs des programmes de développement que les provinces voulaient mettre en oeuvre. Je mentionnerai par exemple le programme APPORT de la province de Québec, qui est une combinaison de prestations et d'aide pour les chefs de familles monoparentales qui veulent rentrer sur le marché du travail mais qui ne peuvent pas être financés à cause du critère rigoureux des besoins. Cela ne permettait pas aux provinces de s'engager dans ce genre de travail de développement qui était si important.

.1710

Prenons, par exemple, l'étude effectuée récemment par un professeur de l'Université Western Ontario qui a étudié les stratégies permettant aux chefs de familles monoparentales de s'en sortir, en particulier dans son ouvrage intitulé Exit Out of Poverty. Certaines des initiatives les plus importantes et les plus utiles sont prises dans les domaines du développement et de l'éducation, mais le financement du RAPC, tel qu'il existait, ne permettait pas ce genre d'investissement. Les provinces auront maintenant la possibilité de décider comment elles veulent procéder à cet égard, ainsi que la latitude voulue.

J'ai toujours dit qu'aucun palier de gouvernement ne peut régler le problème à lui seul. Il ne peut y avoir une stratégie fédérale, une stratégie provinciale et une stratégie régionale. Nous n'obtenons vraiment de résultats que lorsque nous concertons nos efforts. Comme je l'ai dit plus tôt, une occasion nous sera offerte dans le cadre du Transfert en matière de santé et de programmes sociaux, quand nous commencerons, cet automne, à discuter avec les provinces d'objectifs conjoints, de nouveaux ensembles de principes et des orientations que nous voulons prendre, de façon à voir comment nous pouvons combiner les méthodes dont nous nous servons pour calculer la prestation fiscale pour enfants.

J'ai lu des commentaires à propos des cris d'alarme émanant de certains groupes selon qui le gouvernement fédéral ne fait rien. Or, nous distribuons 6 milliards de dollars en crédits d'impôt pour enfants. Nous investissons énormément, mais cet investissement n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être si ce crédit était intégré à ce que font les provinces. Nous devons conjuguer nos efforts. Nous devons nous entendre sur ce genre d'approche.

Cette approche englobe notamment - comme je l'ai déjà mentionné au comité - le projet d'autosuffisance mis en oeuvre au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Ce projet a permis d'éprouver l'utilité des suppléments du revenu gagné pour remédier à la pauvreté des enfants. Dans sa première année d'évaluation, le programme s'est révélé un grand succès, car 33 p. 100 des bénéficiaires sont maintenant revenus sur le marché du travail par rapport au taux moyen de 5 ou 8 p. 100 de roulement normal dans le groupe témoin.

Qu'arrive-t-il si l'on a un supplément plus substantiel de revenu gagné - j'ai signalé que c'était un des éléments de notre FIRH - combiné avec ce que font les provinces? On commence alors à remédier au problème, mais il faut que ces efforts soient concertés.

Vous avez mentionné un troisième aspect, qui me paraît très nécessaire, celui des services de garde d'enfants. Cet aspect-là sera financé également par le biais du FIRH. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons déjà déterminé le montant d'argent et le processus pour les Autochtones. Il s'agissait probablement là du besoin le plus criant en matière de garde d'enfants dans notre pays. Nous avons fixé un objectif de 6 000 places.

J'ai dit également que nous voulons avoir un système de services de garde d'enfants qui respecte leurs cultures et leurs communautés. Nous travaillons sur une base pleinement négociée avec l'Assemblée des premières nations et leurs groupes régionaux pour mettre la structure sur pied.

En ce qui concerne les provinces, comme je l'ai dit, nous avons travaillé avec Penny Priddy, la ministre de la Colombie-Britannique, afin de parrainer une réunion conjointe des ministres fédéral et provinciaux qui devrait nous permettre de mettre cette structure sur pied. Elle m'a dit que ce n'était pas chose facile à faire avant la tenue des élections et le reste. Elle y travaille cependant à l'heure actuelle et elle consulte ses homologues.

Le sous-ministre se réunira avec ses homologues vendredi prochain pour faire avancer le projet. Nous espérons pouvoir faire ce genre de travail conjoint. Les ministres provinciaux m'ont dit très clairement qu'il fallait d'abord établir un ensemble de principes avant de pouvoir financer le programme.

Entre temps, si certaines provinces veulent cependant entamer des discussions pour savoir de quelle façon elles pourraient mettre sur pied un programme à frais partagés de services de garde d'enfants, je suis disposé à les rencontrer et à traiter avec elles sur une base bilatérale, jusqu'à ce que nous ayons un système multilatéral en place, ce qui, je l'espère, pourrait se faire dès l'automne. Il incombe vraiment aux ministres provinciaux, Penny Priddy à leur tête, de venir nous dire comment ils proposent de procéder.

Le président: Je voudrais remercier nos membres, et spécialement le ministre du Développement des ressources humaines et la secrétaire d'État à la Formation et à la Jeunesse, de même que leurs collaborateurs, d'être venus ici cet après-midi. Dans le contexte de l'étude du Budget des dépenses, nous vous invitons à revenir dans un avenir rapproché. Nous espérons que vous prendrez cette invitation en considération, et nous pourrions peut-être en discuter à un autre moment.

M. Axworthy: Certainement, monsieur le président. je tiens à remercier les membres de leur attention. Je répète que nos hauts fonctionnaires se présenteront devant le comité la semaine prochaine. Ils pourront donner des réponses plus détaillées peut-être que je n'ai pu le faire. Nous allons surveiller cela attentivement. Si vous avez besoin d'autres éléments d'information, nous serons heureux de vous les fournir.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.

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