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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 octobre 1995

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[Traduction]

Le président: Bonjour, chers collègues.

Nous avons une journée très remplie. Pour commencer, nous accueillons Dwayne Anderson et Roy Levee de la Canadian Inland Terminal Association au sujet du projet de loi C-101, la Loi sur les transports au Canada.

Nous sommes heureux de vous entendre. Si vous pouviez faire un résumé d'une quinzaine de minutes de votre mémoire, pour nous laisser un peu de temps pour les questions, cela serait formidable.

M. Dwayne Anderson (président intérimaire, Canadian Inland Terminal Association): La Canadian Inland Terminal Association représente un groupe d'agriculteurs propriétaires de terminaux intérieurs en Saskatchewan. Parmi ces terminaux, deux sont en opération, deux en construction et neuf autres à divers stades d'avancement, de la constitution en société aux dernières étapes de l'offre d'actions. Pour le moment, nos membres fondateurs regroupent 13 terminaux intérieurs qui ne sont pas représentés par les six principales sociétés céréalières, comme le Pool du blé de la Saskatchewan, Cargill, Pioneer, etc.

Notre groupe d'agriculteurs a investi des sommes considérables pour construire et exploiter de vastes installations à haute capacité capables de nettoyer et de sécher les céréales ainsi que de les charger dans des trains à multiples unités.

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Dans certains de ces terminaux intérieurs, le nombre d'actionnaires est parfois aussi bas que 250 et aussi élevé que 1 600. Roy Levee, président-directeur de Weyburn Inland Terminal, m'a dit qu'il avait environ 1 000 clients. Quant au North East Terminal, l'autre terminal intérieur en opération, dont je suis le président, il compte 700 clients.

Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-101. Nous avons un mémoire et avec l'assentiment du président, je vais le lire.

Le président: D'accord. Merci.

M. Anderson: Entre le 1er août 1990 et le 1er août 1995, dans le cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, les deux compagnies de chemin de fer canadiennes ont offert des programmes d'encouragement au transport des marchandises, afin de promouvoir l'efficacité dans le système de manutention du grain. Les sociétés céréalières équipées d'installations conformes aux exigences de ces programmes pourraient économiser jusqu'à 5$ la tonne sur leurs frais de transport.

Le projet de loi C-76 ayant abrogé la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, toute mesure de protection à l'égard des taux maximaux pour le transport est dorénavant du ressort du projet de loi C-101. L'article 149 de ce dernier porte d'ailleurs sur le barème fixé pour le grain, tandis que l'article 155 garantit ce barème jusqu'en 1999, après quoi seul le ministre pourra y apporter des modifications.

Chez les membres de la CITA, la loi a eu pour résultat de faire augmenter le coût du transport. À ce propos, les compagnies de chemin de fer évoquent les taux maximaux qui les privent des revenus nécessaires au financement de leurs programmes respectifs d'encouragement au transport des marchandises. Depuis le 1er août 1995, d'importantes compressions ont été appliquées à ces programmes, ce qui a coûté plusieurs millions de dollars à l'industrie et aux agriculteurs.

Avant l'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, les subventions du Conseil du Trésor qui s'appliquaient aux lignes secondaires et les programmes d'encouragement au transport offerts par les compagnies de chemin de fer récompensaient l'efficacité dans les installations à haute capacité.

Aux termes du projet de loi C-101, il appert maintenant que les agriculteurs qui livrent leur grain aux terminaux intérieurs, ou aux silos-élévateurs à haute capacité, dotés d'installations efficaces, seront en fait pénalisés. Les clients et les actionnaires de la CITA investissent des sommes importantes dans les installations modernes des terminaux intérieurs à haute capacité. Les agriculteurs qui utilisent ces installations ont fait leur choix. Or, voici que le projet de loi C-101 vient les pénaliser. La CITA est d'avis que le fardeau qu'engendre le changement ne devrait pas être imposé aux agriculteurs qui s'efforcent d'améliorer le système.

La CITA accueille favorablement l'idée de fixer, grâce à un barème, des taux maximaux applicables au grain, mais propose quelques changements. Afin de contrer les difficultés que crée le projet de loi C-101 en ce qui concerne le barème fixé pour le grain, la CITA propose de modifier à la hausse la formule qui sert à établir les taux maximaux applicables au grain afin de permettre une certaine souplesse dans le barème. C'est une solution possible.

Il existe déjà à cet égard un précédent au paragraphe 129(3) du projet de loi C-101, disposition qui pourrait s'appliquer aux taux maximaux applicables au grain. Ce paragraphe stipule que l'Office doit établir un prix d'interconnexion qui doit être compensatoire.

Comme je le disais, afin de contrer les difficultés que crée le projet de loi C-101 en ce qui concerne le barème fixé pour le grain, la CITA propose que l'article 149 du projet de loi soit modifié comme suit: «Tous les prix doivent être compensatoires». Ainsi, on pourrait exiger que tous les prix soient compensatoires dans une proportion de 90 p. 100 ou selon un pourcentage jugé acceptable.

En outre, les compagnies de chemin de fer pourront consacrer les sommes économisées à l'amélioration des programmes d'encouragement au transport des marchandises visant à promouvoir l'efficacité.

À cause de l'abrogation du projet de loi C-76 et de la configuration actuelle du projet de loi C-101, le rendement supérieur est pénalisé dans le système de manutention du grain. Les compressions effectuées en ce moment dans les programmes d'encouragement au transport des marchandises offerts par les compagnies de chemin de fer touchent non seulement les membres de la CITA, mais aussi toutes les sociétés céréalières. C'est en millions de dollars que se chiffrent les pertes absorbées par les entreprises qui, pourtant, avaient choisi d'investir dans l'efficacité.

En conclusion, nous présentons trois propositions différentes: premièrement, adapter la formule d'établissement des taux maximaux pour permettre une plus grande souplesse; deuxièmement, le prix intégral ou une partie du prix devrait être compensatoire; et troisièmement, les sociétés ferroviaires devraient faire leur part et ne pourraient être indemnisées intégralement pour leurs tarifs de transport. Voilà trois suggestions qui pourraient nous aider à régler les problèmes causés par le barème des taux maximaux.

Le président: Monsieur Anderson, je vous remercie beaucoup de votre exposé.

M. Hermanson va ouvrir la période de questions.

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M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Je remercie l'association d'avoir accepté de comparaître devant le Comité des transports.

Je voudrais parler du plafond imposé aux taux de transport, ce qui se trouve autour de l'article 151 du projet de loi, juste avant et après.

Votre association est en pleine croissance. Chaque année, on construit dans les Prairies de nouveaux terminaux intérieurs à haute capacité dans le cadre d'une rationalisation qui touche non seulement les acheteurs indépendants de grains, mais aussi les sociétés clientes des lignes principales. Vous êtes censés être l'un des instruments clés de l'efficience dans le système de manutention du grain.

Les sociétés ferroviaires font valoir qu'avec les taux maximaux que leur impose le projet de loi, elles ne seront pas en mesure d'offrir des taux incitatifs à des clients comme vous qui habituellement êtes situés le long de lignes qui ne seront pas abandonnées et où seront acheminés des volumes considérables de céréales.

Vous êtes-vous renseignés pour savoir si, advenant l'élimination de ce plafond imposé aux taux, le camionnage sur de courtes distances ne serait pas en mesure de faire meilleure concurrence aux chemins de fer? Je pose la question car le transport par rail n'était pas subventionné sur certaines de ces lignes secondaires. Est-ce que les coûts globaux de transport des agriculteurs s'en trouveraient réduits. Avez-vous des données à ce sujet? Avez-vous étudié cette possibilité?

M. Anderson: Personnellement, je n'ai pas de données à présenter au comité à ce sujet. Tout ce que je peux vous dire, c'est que le système en vigueur dans les Prairies a été créé à une époque où le transport par camion était pratiquement inexistant. Notre système de livraison a été mis en place à l'époque où les agriculteurs acheminaient leurs marchandises au moyen de wagons-trémies et de très petits camions. En 25 ans, sur notre exploitation agricole, nous sommes passés du système de livraison par wagon-trémie à l'élévateur à l'envoi de 40 tonnes à la fois dans un semi-vrac. Que le camion fasse dix milles ou soixante, le coût par tonne que je paie en tant qu'agriculteur demeure relativement stable.

En Saskatchewan, on discute encore énormément du coût lié au réseau de transport.

À mon avis, nous ne pourrons pas demeurer concurrentiels sur le marché international tant que nous continuerons à fonctionner avec un système ferroviaire construit pour les années cinquante alors que la concurrence des marchés est axée sur les années quatre-vingt-dix et l'an 2000. En tant que Canadiens, nous devons franchir cette prochaine étape.

Les taux maximaux ont stoppé l'acheminement de céréales vers les points efficients et efficaces où nous tentons de récompenser les agriculteurs qui les utilisent en payant pour le camionnage lié aux mesures d'encouragement au transport. Lorsque les sociétés ferroviaires ont cessé d'offrir un programme d'encouragement, les taux maximaux ont freiné cette consolidation et cette rationalisation que l'on voit dans le monde entier. Si nous ne continuons pas à rationaliser dans les Prairies, si nous gardons la tête dans le sable, nous aurons énormément de mal à être concurrentiels sur les marchés mondiaux.

Notre groupe d'agriculteurs de la Saskatchewan, la Canadian Inland Terminal Association, constate les réalisations de Weyburn depuis 15 ans, et estime qu'il est nécessaire d'opter pour ce genre de système.

M. Hermanson: J'ai essayé d'être impartial. Je voudrais savoir quels sont les coûts totaux des producteurs. Comme je suis le porte-parole en matière d'agriculture, c'est ce qui m'intéresse le plus.

J'ai entendu des gens ayant des intérêts acquis dans le domaine dire que le plafonnement des taux de transport est essentiel pour protéger de coûts excessivement élevés les producteurs tributaires de lignes secondaires. D'ailleurs, il faut tenir compte de certains coûts liés aux routes, pour les gouvernements locaux. Cela n'est pas négligeable et il faut en tenir compte, mais si l'on supprimait le plafond et qu'on laissait l'industrie du camionnage, fort concurrentielle, prendre en charge les courtes distances - vous avez parlé de 60 milles - je me demande si les producteurs ne paieraient pas moins cher et s'il n'y aurait pas davantage de concurrence entre les sociétés ferroviaires. En effet, les agriculteurs pourraient choisir de faire livrer leur grain par le CN ou par le CP s'ils ne devaient pas couvrir 10 milles jusqu'à la ligne la plus proche mais s'ils avaient le choix, en parcourant 60 ou 80 milles, d'opter soit pour le CN ou le CP. Cela pourrait être avantageux pour votre association et aussi pour les producteurs puisque cela créerait davantage de concurrence. J'aimerais en savoir plus long à ce sujet.

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Quelle partie du projet de loi vous heurte le plus? Si vous aviez le pouvoir de modifier une seule partie du projet de loi, que feriez-vous?

M. Anderson: Nous modifierions les taux maximaux, le plafonnement. Sans doute faut-il conserver un plafond pour pouvoir rendre la mesure acceptable, sur le plan politique, aux agriculteurs de l'Ouest du Canada, mais on pourrait le conserver sous une forme différente afin de bénéficier de plus de souplesse. Si nous passions d'un taux de transport de 36$ ou 40$ la tonne à 60$ la tonne, l'agriculteur se retrouverait sur la paille. C'est irréaliste.

Si l'on regarde la situation dans son ensemble, si l'on envisage de parcourir une distance de 60 milles, je ne pense pas que le taux de fret passe à 60$ la tonne. Dans un contexte de concurrence intégrale, on ne devrait pas avoir à se préoccuper de taux maximaux.

M. Hermanson: Mais nous avons seulement deux sociétés ferroviaires.

M. Anderson: Nous avons seulement deux sociétés ferroviaires dans l'Ouest du Canada, et d'ailleurs certaines régions de l'Ouest sont essentiellement desservies par une seule. En tant qu'association, nous appuyons l'idée d'un taux de transport maximum, mais nous souhaitons qu'il soit établi au moyen d'une nouvelle formule. À l'heure actuelle, on ne laisse pas suffisamment de marge de manoeuvre aux sociétés ferroviaires pour créer des efficiences.

M. Hermanson: S'il me reste une minute ou deux, je vais céder la parole à M. Gouk.

Le président: Vous avez une minute, monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Comme je n'ai qu'une question, cela tombe à pic.

Je me spécialise dans le domaine des transports, et je me fais accompagner de ces experts du secteur agricole de notre parti pour ces questions.

Je serais curieux de savoir une chose. Si nous commençons à recourir au camionnage, ce qui me laisse le choix d'opter pour le CP, qui est plus près, ou d'obtenir un meilleur taux en choisissant le CN, quels problèmes causent aux terminaux et aux élévateurs le fait que nous ne puissions plus dire que tout le grain en provenance de tel secteur ira au CP et de tel autre secteur au CN? Cette possibilité de changement ne risque-t-elle pas de nuire à l'équilibre relatif à l'utilisation des terminaux et des élévateurs? Que va-t-il se passer si, soudainement, des volumes considérables de grain sont dirigés vers les installations qui font la manutention pour le CN, ou vice versa? Est-ce qu'en soi cela sera un gros problème ou peut-on le surmonter?

M. Anderson: Nous essayons de contrer le partage du marché dans notre installation. Nous sommes une toute nouvelle compagnie qui existe depuis deux ans et demi dans la région de Wadena. Nous n'avions aucune part du marché existant là-bas. On ne modifie pas du soir au lendemain la mentalité des collectivités agricoles. C'est une transition lente. Peu m'importe si les règles...

Avec la disparition de l'entente du tarif du Pas-de-corbeau, et l'abandon de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, y a-t-il eu une forte diminution des superficies cultivées? Non. Nous n'allons pas non plus assister à d'importants revirements en ce qui a trait aux modèles de livraison. Nous n'allons pas assister à d'importants revirements en matière de production.

M. Gouk: Cela veut-il dire, essentiellement, que cela ne serait pas efficace en raison de la tendance à utiliser le même terminal, quel que soit le tarif?

M. Anderson: Dans une certaine mesure, oui. C'est pourquoi il doit y avoir une certaine marge pour récompenser financièrement l'agriculteur.

Le président: J'aimerais ajouter une question pour faire suite à celle de M. Hermanson; si nous faisions abstraction de toute politique, votre organisation serait probablement en faveur de la suppression du plafond, n'est-ce pas?

M. Anderson: Eh bien, nous estimons qu'en deuxième lieu il devrait y avoir compensation. Nous estimerions alors qu'il serait possible de livrer concurrence. En tant que terminaux autonomes en ligne, nous estimons pouvoir livrer concurrence et faire ainsi en sorte que nos entreprises servent nos intérêts.

Le président: En supprimant le plafond?

M. Anderson: Oui.

Le président: C'est ce que vous souhaiteriez. Je suis heureux qu'il ait été dit publiquement que votre organisation est tout à fait en faveur de la suppression du plafond. Si la politique doit avoir une incidence sur les embranchements, on veut s'assurer que ceux-ci en tirent aussi un avantage. Cependant, les responsables des embranchements pourraient venir nous dire qu'eux aussi voudront supprimer le plafond si, dans l'intérêt de la concurrence, nous leur offrons un mécanisme d'arbitrage satisfaisant et qu'advenant des problèmes relativement à leurs prix, ils s'adresseront au tout nouvel Office des transports du Canada et demanderont l'arbitrage. N'est-ce pas une possibilité?

M. Anderson: C'est exact.

Le président: Merci.

Joe.

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M. Fontana (London-Est): Monsieur le président, j'aimerais poser une question qui fait suite à la vôtre, car j'essaie de comprendre ce qu'il en est.

D'abord, vous avez indiqué que vous vouliez qu'on réduise les tarifs. Vous voulez d'abord et avant tout abaisser le plafond. Deuxièmement, si c'est...

M. Anderson: Non, nous voulons hausser le plafond.

M. Fontana: Je regrette, hausser le plafond.

Deuxièmement, vous voulez obtenir un prix compensatoire si vous n'y parvenez pas. Juste? Troisièmement, vous voudriez tout simplement supprimer le plafond, étant donné que vous avez indiqué que vous vouliez un prix compensatoire, dont il est question à l'article 149 du projet de loi.

M. Anderson: Je ne pense pas que nous puissions convaincre nos membres de l'intérêt qu'il y a à supprimer le plafond. L'aspect compensatoire serait acceptable, mais...

M. Fontana: C'est ce à quoi je veux en venir. Les dispositions de ce projet de loi sur le prix compensatoire... Si ce prix doit être rajusté, ce n'est pas l'affaire de ce projet de loi. Nous avons pris les dispositions de la LTGO et les avons mises dans la loi d'exécution du budget. C'est là que cela se trouve, et l'annexe III reflète ce prix donné. S'il doit y avoir d'autres rajustements, il vous faudra vous adresser au ministre des Finances à ce sujet pour voir de combien d'argent de plus il dispose.

Plus important encore, pour ce qui est du prix compensatoire, il y a là interfinancement. Vos membres devraient être au courant. Ce que cela signifie en somme, c'est que certains paient plus ou devraient payer plus, et que certains devraient payer moins, mais c'est ici qu'on a tracé la ligne.

Avez-vous examiné l'annexe III pour voir qui dans votre organisation allait payer plus et qui allait payer moins? C'est essentiellement ce que vous nous demandez.

M. Anderson: Oui.

M. Fontana: Si vous supprimez ce prix, certains de vos membres vont payer davantage et d'autres moins. Avez-vous examiné l'annexe III pour être en mesure de leur dire qui sont les perdants et qui sont les gagnants?

M. Anderson: Oui. Celui qui a fait l'exposé a examiné l'annexe. Toutefois, cela dit, il faut bien comprendre que notre association s'occupe de deux installations existantes qui sont en cours d'exploitation. Nous nous occupons également de trois autres installations qui seront mises en exploitation d'ici un an. En outre, nous comptons huit ou neuf autres membres en plus. L'ennui, avec le projet de loi C-101, c'est qu'on prend l'ensemble des mesures d'encouragement au transport et que, compte tenu du barème prévu, on le scinde essentiellement en deux pour ces installations. On ne l'a pas seulement scindé en deux, on a aussi haussé le minimum de wagons qu'on peut charger ou on va le faire avec le temps. Ce que nous cherchons donc à faire compte tenu de ce plafond maximal, c'est d'essayer de trouver une solution qui nous satisfasse en tant qu'entreprise et, oui, certains vont payer plus.

Le président: Joe partageait son temps de parole.

Monsieur Collins, vous avez une question.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Monsieur le président, j'aimerais poser une question à Roy d'Inland Terminal.

En 1994, les améliorations de rendement que vous avez pu obtenir découlaient de l'entente relative à l'installation de trains-blocs. Je ne sais pas combien vous avez de wagons, mais c'est près de 50 ici.

M. Roy Levee (représentant, Canadian Inland Terminal Association): En fait, il y en a cent.

M. Collins: Ce sont des trains de 100 wagons. Donc, en 1994, les chemins de fer vous offraient des mesures d'encouragement.

M. Levee: C'est juste.

M. Collins: Tout bien considéré, pourquoi n'offriraient-ils pas la même chose en 1995?

M. Levee: Nos mesures d'encouragement au transport sont passées de 5$ la tonne en 1994 à 3$ la tonne en 1995 en raison des changements apportés à la méthode de paiement et de modifications apportées à la législation.

Nous avons passé dix-sept ans dans ce secteur à essayer d'améliorer l'efficacité du système canadien de manutention des céréales. Nous avons une installation centralisée qui permet toutes les améliorations de rendement possibles en matière de nettoyage du grain dans les Prairies, de chargement de trains-blocs de cent wagons, etc. Puis on modifie la loi et nous nous trouvons désavantagés.

M. Collins: Ce que je dis, c'est que si la société ferroviaire devait aller chercher des trains de deux ou trois wagons, plutôt que de se présenter au terminal intérieur de Weyburn pour prendre le train de cent wagons, à n'en pas douter, il y a là une amélioration de rendement qu'on devrait pouvoir répercuter sans laisser entendre que c'est un problème que pose le projet de loi. Je pense que s'ils disent ne pas pouvoir le faire, c'est en raison de leur comptabilité et de leur procédure. Je pense qu'ils le peuvent.

M. Levee: Nous disons simplement que s'il doit y avoir un plafond, qu'il soit lié aux coûts, aux prix compensatoires, et que s'exercent librement les forces du marché. Actuellement, le prix pratiqué sur certains embranchements n'a rien à voir avec le prix compensatoire.

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M. Collins: Hier soir encore, quand je l'ai mentionné à quelqu'un, il a dit que des coûts de transport maximaux étaient acceptables pour le terminal intérieur de Weyburn. On examinera la question avec le temps. Au cours des cinq prochaines années, le processus sera examiné.

Je dis simplement que je vous félicite parce que je pense que vous faites du bon travail. Chapeau! Cependant, je pense que cela devrait se traduire dans la façon dont la société ferroviaire, par égard pour vous, mène ses affaires et continue d'offrir cette mesure d'encouragement. Je pense qu'on devra se demander à combien se chiffrera cette mesure d'encouragement, et je ne suis pas du tout satisfait de l'approche prise jusqu'à maintenant. Depuis un an, ils vous ont créé un énorme problème face aux gens que vous servez, vos clients.

En bref, j'ai pris note que vous n'avez aucune objection aux paragraphes 27(2) et 34(1) ni à l'article 113 et d'autres. C'est précisément ce point qui vous préoccupe. Bien. C'est tout.

Mme Sheridan (Saskatoon - Humboldt): Merci. J'aimerais que vous m'apportiez une précision pour que je voie si je comprends bien ce que vous dites. Ma question a trait à l'observation qu'a faite M. Hermanson au sujet de l'incidence sur le producteur.

Est-ce que vous dites que si vous pouviez faire ce que vous voulez de ce projet de loi, il n'y aurait aucun plafond? Les coûts de transport correspondraient à ce que le marché accepterait de payer. On demanderait le prix qu'on pourrait faire accepter au consommateur?

M. Anderson: Non, nous ne disons pas que...

Mme Sheridan: Permettez que je termine. Les économies seraient répercutées dans un programme de mesures d'encouragement, qui serait offert à vos clients. Toutefois, il n'y a rien qui vous oblige à le faire. J'aimerais donc que vous répondiez à ma question à ce sujet quand j'aurai terminé mon petit exposé. Vous feriez bénéficier les producteurs de ces économies. M. Hermanson a mentionné qu'on recourrait aussi davantage au camionnage pour rendre le marché plus concurrentiel. Cela pourrait se traduire par des économies pour le producteur, de même que pour vous.

C'est bien sauf que, premièrement, comme je l'ai dit, je ne vois rien qui vous oblige à - je ne vois pas comment nous pourrions l'inclure dans cette loi - répercuter ces économies.

Deuxièmement, s'il est question de recourir davantage au camionnage, le producteur est également contribuable d'une municipalité régionale. Les routes vont en souffrir, selon certains témoignages que nous avons entendus.

Voilà donc ce que je vous soumets. Bien qu'il puisse y avoir une économie à court terme, il pourrait falloir à long terme en payer le prix?

Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces projections?

M. Anderson: D'abord, le seul exemple dont nous ayons à nous occuper sur une période de dix-sept ans est l'incidence du terminal de Weyburn sur le réseau routier desservant Weyburn. Je me suis entretenu avec diverses personnes qui ont siégé aux conseils de municipalités régionales de ce secteur. Elles estiment que le terminal n'a en qu'une incidence mineure sur le réseau routier.

Adressez-vous au secteur du camionnage avec qui nous faisons affaire. Ils ont plusieurs études sur l'incidence sur les routes, non pas en ce qui a trait seulement aux céréales, mais au bois d'oeuvre et à toutes les autres denrées en vrac que transportent les camions. L'effet du camionnage sur les routes n'est pas aussi net que le laissent penser certains des scénarios que tout le monde évoque. Avec leur camion à essieu simple qu'ils surchargent, les agriculteurs causent plus de dommages aux routes que le secteur du camionnage commercial avec sa flotte de camions commerciaux. C'est ce que j'ai pu observer. Je crois aussi que c'est ce qu'a pu observer tout le monde dans notre organisation.

Voici comment nous répercuterions ces économies sur les agriculteurs qui nous approvisionnent. Si nous ne répercutons pas ces économies, ils ne vont pas nous approvisionner, parce que c'est l'autre entreprise qui le fera. Nous sommes possédés et régis par des agriculteurs. Ces agriculteurs vont exiger le retour de ces mesures d'encouragement - le nettoyage dans les Prairies et le chargement des trains-blocs. La concurrence est le moteur de ces installations. Voilà où nous en sommes.

M. Benoit (Végréville): Bienvenue, monsieur. J'aimerais vous poser une question au sujet du processus d'arbitrage dont il est question dans le projet de loi. Comme vous le savez, c'est un processus par lequel l'expéditeur, en cas de différends avec la société de chemin de fer, présente une offre finale. La société ferroviaire examine cette offre et décide ce qu'elle veut offrir. Il ne s'agit donc pas d'un arbitrage à double insu. Toutefois, normalement, au cours d'un arbitrage, chaque partie présente sa meilleure offre. C'est l'intérêt, vraiment, du processus d'arbitrage.

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Êtes-vous préoccupé par cette procédure? Pensez-vous qu'elle soit raisonnable, ou pensez-vous qu'il devrait y avoir un arbitrage à double insu?

M. Levee: Évidemment, nous n'en avons pas fait l'expérience. Cela nous ramène à l'aspect politique de la question et à nos antécédents. Mon père avait l'habitude de se lever le matin en maudissant le Canadien Pacifique et les problèmes qu'il engendrait pour le pays. Je parle de la dernière génération, et c'est ce qu'on nous a légué. Je dirais que nous ne faisons pas confiance au réseau de transport ni à la concurrence qui y existe pour répercuter toutes les économies.

J'entends différents échos des États-Unis au sujet de l'arbitrage et du type de procédure qu'on y applique là-bas. Nous avons des comptes rendus contradictoires.

J'estime pour ma part qu'il nous conviendrait. Ce serait certainement préférable à ce que nous avons maintenant, où les prix sont fixés arbitrairement et où nous n'avons pas vraiment notre mot à dire.

M. Benoit: Cet arbitrage, cependant, selon ce qui est prévu dans la loi, est un arbitrage à simple insu. L'expéditeur présente l'offre sans avoir la moindre idée de la façon dont la société ferroviaire y réagira. Puis celle-ci y réagit. Estimez-vous que ce type d'arbitrage est une procédure acceptable pour régler un différend avec la société de chemin de fer?

M. Levee: Nous n'y avons jamais recouru.

M. Benoit: J'y réfléchis simplement, je pense. Je sais que vous n'y avez jamais recouru, mais pensez un peu à la façon dont l'arbitrage devrait ou pourrait fonctionner.

M. Anderson: En fait, je ne crois pas qu'il serait juste de notre part de faire des commentaires là-dessus. Nous ne comprenons pas vraiment ce que supposent ces propositions.

Nous parlons ici de quelques agriculteurs qui viennent de descendre du tracteur. C'est comme ça qu'on fonctionne chez nous. Nous essayons de produire à un coût faible et nous essayons d'être concurrentiels. Ceux qui pourraient répondre à cette question et qui auraient dû être ici n'y sont pas.

Nous sommes ici. Nous ne pouvons donc pas donner de réponse officielle à cette question.

M. Benoit: J'aimerais poser une question dans la même veine. Un peu plus tôt quelqu'un a laissé entendre qu'on leur avait demandé si les paragraphes 27(2) et 34(1) du projet de loi les préoccupaient. Vous avez dit que ce n'était pas le cas. Avez-vous étudié ces dispositions de très près?

M. Anderson: Le type qui a étudié le projet de loi en entier n'est pas ici. Je ne peux donc pas répondre.

M. Benoit: Vous ne pouvez donc pas nous dire si ces dispositions vous préoccupent ou pas.

M. Anderson: Nous avons mentionné les questions qui nous préoccupaient dans notre mémoire. Est-ce que cette réponse vous suffit?

M. Benoit: Très bien. Merci.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je tiens à vous remercier, monsieur Anderson, de votre témoignage. Ma question porte sur les règlements. Pouvez-vous me dire si vous, et ceux que vous représentez, êtes d'avis que le gouvernement devrait assurer la déréglementation intégrale du transport?

Le président: Du transport du grain?

Mme Cowling: Du transport du grain.

M. Anderson: Vous parlez d'une déréglementation complète du transport du grain? Oui.

Mme Cowling: Merci.

Le président: C'était une bonne question. Une réponse rapide.

M. Collins: J'aimerais revenir à ce que M. Anderson a dit. Je ne sais pas à qui vous avez parlé pour ce qui est de l'impact sur les routes. Je viens de cette région et je voulais vous rappeler certains faits. M. Levee pourra sans aucun doute vous rafraîchir la mémoire.

À Estevan, on a détruit un saut-de-mouton. La société ferroviaire ne pouvait plus aller récupérer ces wagons. On a donc eu recours à un service de camionnage.

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Pouvez-vous me donner un peu plus de détails sur l'impact sur les routes; je dois vous signaler que j'ai visité Beaubier et Lake Alma et que dans ces régions, l'absence d'un service ferroviaire a eu un impact marqué sur les installations routières.

M. Anderson: J'ai obtenu les commentaires et les chiffres que j'ai donnés... lorsque j'ai parlé de Weyburn... d'un conseiller de la municipalité régionale de Weyburn. Il a parlé de l'impact que cela avait eu sur les routes. Il a parlé d'une route secondaire en gravier. Lorsqu'on a construit Weyburn il y a 17 ans, on pensait qu'on devrait procéder à une réfection immédiatement. On procédera en fait à ces travaux cette année, 17 ans plus tard.

L'impact ne s'est pas fait sentir immédiatement. Il y avait une route qui menait d'un système d'autoroute à l'autre. Ce n'est pas seulement là que l'impact s'est fait sentir. Il y a en plus de dommages à cause des voitures et des camionnettes d'une demi-tonne allant à l'usine pétrolière. En fait, il a fallu plus d'entretien pour ce système routier que... que l'entretien rendu nécessaire par le transport du grain.

C'est une des personnes à qui j'ai parlé. J'ai également parlé au sous-ministre responsable des autoroutes en Saskatchewan de l'impact que cette proposition aurait sur le système d'autoroutes. S'il s'agit d'une grande route, d'après lui, l'impact sera fort limité. L'impact se fera sentir plus fort s'il s'agit de routes de bitume, et ces dernières représentent une bonne partie des routes qu'on retrouve en Saskatchewan.

Quant à la façon de régler le problème... on pourrait adopter un programme dans le cadre duquel on assurerait le transport par camion sur les routes recouvertes de gravier. Des camionneurs professionnels... En fait, on pourrait élaborer un système qui permettrait, grâce à des consultations et une certaine coopération, de limiter l'impact de ces propositions sur les routes.

Il m'a assuré lorsque je l'ai rencontré que l'impact sur les routes ne serait pas aussi grave que les gens le disent. Il n'a rien confirmé par écrit, évidemment... Cela rend les choses assez difficiles.

M. Hermanson: Que pensez-vous des lignes ferroviaires sur de courtes distances? Tout cela revient au camionnage. Une des options qui s'offrent à nous est celle des lignes ferroviaires sur de courtes distances. Est-ce que certaines de vos installations dépendent de ces lignes ferroviaires? Sera-t-il possible que vous ayez besoin bientôt de lignes ferroviaires sur de courtes distances? Certaines des dispositions du projet de loi C-101 portent sur la création et l'exploitation de ces lignes ferroviaires.

M. Anderson: Les lignes ferroviaires sur de courtes distances sont une des options qui s'offrent à nous. J'aimerais que les gens puissent construire ces lignes si les chemins de fer principaux ne peuvent offrir le service désiré. Cependant, je ne crois pas qu'il devrait y avoir interfinancement par une installation qui a recours aux services d'un chemin de fer principal pour créer quelque chose qui n'est pas financièrement viable.

On devrait pouvoir avoir recours aux lignes ferroviaires sur de courtes distances. Aucune de nos installations cependant n'aurait besoin de ces services. Il existe une ligne ferroviaire sur de courtes distances en Saskatchewan. D'après ce que nous avons constaté, on pourrait facilement avoir recours aux services de camionnage.

Le président: Monsieur Anderson, monsieur Levee, merci d'être venus nous rencontrer ce matin. Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

M. Anderson: Merci, monsieur le président. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir offert l'occasion de vous faire part de nos préoccupations.

Le président: Nous accueillons maintenant M. Roger Larson, directeur général de l'Institut canadien des engrais.

Bonjour messieurs. Vous disposez de tout au plus 15 minutes pour nous présenter ceux qui vous accompagnent aujourd'hui et pour nous présenter votre exposé. Puis nous passerons à la période des questions.

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M. Roger Larson (directeur général, Institut canadien des engrais): Merci, monsieur le président.

J'aimerais vous présenter Mike Chorlton, président-directeur général de Saskferco Products, de Regina; Mike est le président de notre comité des transports. M. Dave DeBiasio est le directeur général, Approvisionnement et distribution, d'Agrium Inc. et président de notre sous-comité de l'économie des transports.

Ils présenteront notre mémoire. Mike vous parlera du secteur des affaires et des facteurs compétitifs et Dave procédera à une analyse détaillée du projet de loi C-101.

Nous sommes également accompagnés aujourd'hui de Bud Foley, vice-président de la planification et de la distribution pour la Potash Company of Canada, qui exploite une mine au Nouveau-Brunswick, de Walter Rozum, directeur des transports de Nutrite Inc., de Montréal; et Ron Kryviak, responsable de la distribution auprès de Sherritt Inc. à Edmonton. Ils pourront également répondre à vos questions.

Vous avez déjà reçu notre mémoire que je résumerai assez rapidement. L'Institut canadien des engrais représente des fabricants d'engrais azotés, potassiques et phosphatés. Nos membres exploitent des usines et des mines au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta.

Nous nous servons d'environ deux douzaines des principaux terminaux de distribution au Canada. Notre réseau de distribution utilise également les chemins de fer canadiens pour rejoindre ces terminaux et quelque 1 500 détaillants qui reçoivent la marchandise par camions à partir de ces points de distribution. Nous avons donc recours aux services ferroviaires canadiens d'un océan à l'autre.

Notre production annuelle de quelque 20 millions de tonnes métriques est évaluée à 2,5 milliards de dollars à la sortie des usines, exception faite des coûts de transport.

Plus de 85 p. 100 de notre production est expédiée par chemin de fer vers les ports et les marchés. Nous sommes un secteur d'exportation. Plus de 80 p. 100 de notre production est destinée à l'étranger. Pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, la vente au détail d'engrais au Canada représente environ 25 p. 100 de notre production. Nous avons recours aux services des ports d'exportation de Vancouver, du Nouveau-Brunswick et aux services de certains terminaux intérieurs.

L'industrie des engrais opère au niveau mondial sur la base d'un libre-échange hautement concurrentiel. Nos coûts au Canada influent directement sur notre capacité à soutenir la concurrence sur la scène internationale et à élargir nos marchés.

J'aimerais demander à Mike de prendre quelques moments pour vous parler des facteurs financiers. Merci.

M. Mike Chorlton (président, Comité des transports, Institut canadien des engrais): Merci.

Les trois principaux engrais agricoles sont les engrais azotés, potassiques et phosphatés. Nous les produisons tous au Canada et leur commerce se fait dans un climat très compétitif qui dépend des chemins de fer. La plus grande production d'azote se fait en Alberta, mais également en Saskatchewan, en Ontario, en Colombie-Britannique et au Manitoba. Nous desservons le marché canadien par chemin de fer de l'ouest à l'est.

Notre position concurrentielle est très forte en Amérique du Nord. C'est particulièrement vrai dans la partie nord des États-Unis. Dans une grande mesure, ce sont les usines américaines du Golfe et les importations qui passent par le port de la Nouvelle-Orléans qui constituent nos principaux concurrents.

De ces deux endroits, les Américains ont accès à deux pipelines qui apportent l'ammoniac anhydre jusqu'au centre-ouest des États-Unis. Les Américains disposent également d'un réseau fluvial subventionné où le transport par barge est extrêmement compétitif. Les points d'arrivée des pipelines et des barges sont desservis par un réseau de camionnage très compétitif pour la livraison aux marchands.

Nos concurrents américains nous répètent sans cesse qu'il faut que les chemins de fer puissent faire concurrence au transport fluvial. Dans notre cas, nous ne pouvons qu'utiliser les chemins de fer pour desservir la plupart de nos marchés et certainement nos marchés d'exportation.

Dans le cas des phosphates, il ne reste qu'une seule usine, en Alberta. On y traite un million de tonnes de roches phosphatées par année. Par le passé, cette roche arrivait par Vancouver. Les coûts de cette roche sont cruciaux pour la survie de cette usine. En effet, toutes les autres ont fait faillite.

Évidemment, la potasse représente une très grande industrie pour nous, axée surtout sur l'exportation. Le produit provient de la Saskatchewan et du Nouveau-Brunswick. La Saskatchewan n'a pas de port. Il faut expédier le produit par chemin de fer jusqu'à la côte Ouest pour avoir accès aux marchés étrangers, ou aux État-Unis et à l'est du Canada. C'est beaucoup trop loin pour penser au camionnage. Aux États-Unis, les importations sont transportées sur le réseau fluvial. Les tarifs ferroviaires sont absolument cruciaux pour la compétitivité de la Saskatchewan.

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Nos usines répondent au critère d'efficience mondiale, mais dans les années quatre-vingt-dix, tout le réseau doit y répondre. Il faut que le coût des matières premières, de la fabrication et du transport soient bas. Le genre de compétitivité que nous tentons de protéger, n'est pas la compétitivité à l'état pur où il y a de nombreux acheteurs et vendeurs, mais un certain niveau de concurrence où en fait il n'y a que deux compagnies de chemin de fer.

Il nous faut être très compétitifs à l'échelle mondiale. Nous devons faire concurrence à des fournisseurs du Moyen-Orient, de l'ancienne Union soviétique, des Antilles, des États-Unis, etc., et pour nous, l'échec signifie la faillite ou la vente de nos usines à nos concurrents.

Dave va entrer dans les détails de notre mémoire.

M. Dave BeBiasio (président, Sous-comité de l'économie des transports, Institut canadien des engrais): Merci, Mike.

Avant de vous résumer les principaux points de notre mémoire, je suis heureux d'apprendre aux membres du comité que l'Institut canadien des engrais appuie plusieurs initiatives récentes dans le domaine ferroviaire. Il s'agit: des règlements plus souples en ce qui concerne l'abandon des voies, l'appui donné aux compagnies de chemin de fer pour leur position relative à la taxation et aux conditions de travail, et la privatisation du CN. Nous estimons qu'en appuyant ces initiatives, nous encourageons les compagnies de chemin de fer dans leurs efforts pour devenir plus compétitives.

L'Institut canadien des engrais appuie l'Accord de libre-échange depuis 1987 puisque celui-ci favorisait un climat compétitif assorti d'une intervention gouvernementale minime. Notre principale préoccupation en ce qui concerne le projet de loi C-101, la Loi sur les transports nationaux, c'est que l'équilibre auquel nous sommes parvenus grâce à l'Accord de libre-échange de 1987 se trouvera modifié de sorte que les expéditeurs seront défavorisés.

En effet, tout d'abord, ce n'est pas la première fois qu'on vous le dit, j'en suis persuadé, on prévoit qu'un expéditeur devra démontrer qu'il subit un préjudice grave aux termes de l'alinéa 27(2) dans sa demande à l'Office. Cela entraînera de l'incertitude, des retards et des coûts, qui tous réduisent les avantages éventuels pour l'expéditeur.

Le paragraphe 34(1) ne fait qu'aggraver la situation, puisque si on déclare non fondée la demande de l'expéditeur, celui-ci est tenu de payer les dépenses. Nous pensons également que le libellé de l'article 113, où il est stipulé que tous les prix et toutes les conditions déterminés par l'office doivent être équitables et raisonnables sur le plan commercial, crée de l'incertitude par opposition à l'approche officielle utilisée pour fixer le prix de ligne concurrentiel et l'interconnexion.

Notre deuxième préoccupation consiste à maintenir les options compétitives prévues dans l'Accord de libre-échange de 1987 dans le projet de loi, mais surtout au point de jonction d'une ligne secondaire provinciale et d'une voie principale fédérale. Nous sommes d'autant plus préoccupés que l'on propose d'assouplir les règlements relatifs à l'abandon de voies, créant ainsi un plus grand nombre de lignes secondaires provinciales.

Il est tout à fait possible que ce soient ces lignes secondaires qui desservent nos usines et nos clients au Canada dans l'avenir. Par conséquent, il faut transférer nos droits actuels au point de jonction de la ligne secondaire et de la voie principale.

Bien qu'il soit peut-être difficile de transposer nos préoccupations dans un texte législatif, nous demandons simplement une disposition qui prévoirait expressément que la jonction d'une voie fédérale et d'une voie provinciale constitue un point d'origine ou de destination lorsqu'il y a interconnexion ou que l'on détermine le prix de ligne concurrentiel. Si nous avons bien compris, les représentants du ministère des Transports et des expéditeurs examinent actuellement comment réaliser cet objectif, qu'ils acceptent tous les deux, je pense, et nous attendons les résultats de ces consultations.

Notre troisième préoccupation porte sur l'éventualité que nous soyons captifs d'une ligne secondaire qui n'est pas assujettie à la Loi sur les transports au Canada et d'une ligne secondaire qui à son tour serait tributaire d'une seule voie principale. À notre avis, pour faire contrepoids à la prérogative des compagnies de chemin de fer d'abandonner des voies sans devoir démontrer qu'il est dans l'intérêt public de le faire ou de les vendre à un CFIL, on devrait prévoir des droits de circulation réciproques et pour la voie principale et pour la ligne secondaire, assortis d'une indemnisation appropriée sans qu'il soit nécessaire de montrer comment l'intérêt public sera servi.

La voie principale pourrait desservir notre usine et la ligne secondaire assurer le transport jusqu'à une autre compagnie de chemin de fer au premier lieu de correspondance. Ce serait dans l'éventualité où de sérieuses pressions économiques s'exerceraient sur nous, les expéditeurs, nous poussant à vouloir prendre cette mesure. Aucun d'entre nous ne veut se retrouver dans ce genre de situation. Ce ne serait qu'une solution provisoire, ce qui nous éviterait sans doute de devoir y recourir.

Enfin, nous tenons à ce que le projet de loi maintienne la nature autonome de l'office. Je dois reconnaître que cette préoccupation repose plutôt sur une perception que sur des observations précises. Nous estimons qu'il est impérieux que tous les demandeurs soient persuadés que leur affaire sera examinée en toute objectivité.

Merci.

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Le président: Messieurs, je vous remercie de votre exposé et je vous remercie de nous l'avoir fait parvenir avant que nous ne reprenions nos travaux. Nous sommes heureux d'avoir eu le temps de le lire.

Nous allons commencer la première ronde de questions. Monsieur Gouk.

M. Gouk: Messieurs, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu vos principaux points. La plupart des expéditeurs et des producteurs qui ont comparu ont les mêmes préoccupations en ce qui concerne les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113. Il s'agit de nouvelles dispositions qui portent sur ce que les expéditeurs et les producteurs perçoivent comme les avantages des compagnies de chemin de fer par opposition aux anciennes dispositions concernant l'accès compétitif, qui favorisaient les expéditeurs. On nous a dit: et si nous éliminions complètement les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113, ainsi que toutes les dispositions sur l'accès compétitif de façon à ce que nous puissions négocier ouvertement? Dans l'éventualité d'un différend, s'il était impossible de s'entendre, on pourrait alors se prévaloir du double arbitrage, l'objectif originel de cette formule d'arbitrage.

Que pensez-vous de cette idée comme solution de rechange au maintien des paragraphes 27(2) et 34(1) et de l'article 113?

M. DeBiasio: Tout d'abord, à notre avis, le paragraphe 27(2) est arrivé trop tard, tout comme les articles 113 et 34, dans le processus. Que je sache, nous ne sommes pas en mesure de négocier, mais votre question est intéressante.

Pour nous, expéditeurs, l'interconnexion nous paraît essentielle; beaucoup de nos membres l'utilisent chaque jour. Les règles en sont connues, de même que le prix, et cela fonctionne rapidement. Pour nous le temps constitue un élément essentiel. Pour expédier un train-bloc de potasse à Chicago nous ne voulons pas avoir à nous préoccuper du coût de l'interconnexion; c'est pour nous une option valide, qui a fait ses preuves, qui est sacro-sainte.

Nous passons ensuite à l'utilisation des prix de ligne concurrentiels par opposition à l'arbitrage, ni l'une ni l'autre formule n'ayant été souvent utilisée. Personnellement, je considère - mais il faut attendre la décision du comité - que l'arbitrage tend à créer davantage de tension entre les parties. Nos relations avec les compagnies ferroviaires, à vrai dire, se déroulent sans heurts, et s'il y en a qui comparaissent devant vous elles pourront vous le confirmer. Je doute que nous ayons envie de créer entre nous des dissensions et d'avoir recours, plus qu'il ne faut, à l'arbitrage.

M. Gouk: Je vous remercie. C'est bon de vous l'entendre dire.

M. DeBiasio: Mais le double arbitrage paraîtrait certainement plus logique.

M. Gouk: D'autres questions portent sur les droits de circulation pour les chemins de fer provinciaux. Ce qui me paraît intéressant, sans vouloir m'étendre là-dessus, c'est qu'auparavant il y avait un problème, avec le processus d'abandon, qui amenait les chemins de fer, au lieu d'essayer de vendre ces lignes, à veiller à ce que ce ne soit pas faisable financièrement, ce qui était exigé pour l'abandon aux termes de l'ancienne LTN. On s'efforce, avec ce projet de loi, de changer cela et de rendre plus viable la création de lignes secondaires, ce qui me paraît bon dans l'ensemble.

M. DeBiasio: Certainement.

M. Gouk: Il y a deux choses que je crains.

Tout d'abord, si la compagnie ferroviaire se trouve placée dans une situation où elle devrait elle-même maintenir la ligne secondaire nouvellement créée, qu'elle avait vendue, pour transporter par rail les marchandises de son ancien client à un taux qui sera ou ne sera pas compensatoire, et d'une manière qui pourrait perturber son programme, de sorte que son concurrent reçoit les marchandises de son ancien client, elle pourrait décider de s'en tenir là, et nous risquons de perdre tous les avantages que ce projet de loi essaie de créer en matière d'abandon de lignes ferroviaires. Voilà qui m'inquiète.

Je voudrais encore faire deux remarques à ce sujet. Tout d'abord, la Constitution ne donne pas au gouvernement fédéral le droit de légiférer en la matière. Cela relève des provinces et n'aurait donc pas dû faire partie des questions négociées par Transports Canada pour obtenir que les expéditeurs et les producteurs cèdent sur d'autres points.

Enfin, comme troisième remarque, je voudrais mentionner que dans nos discussions avec certaines des principales compagnies ferroviaires on nous a dit: «Toutes choses bien considérées, les lignes secondaires ne veulent pas de cette disposition, mais si vous ne nous croyez pas, demandez-le-leur.» Ce que j'ai fait. J'ai constaté qu'à une exception près, une seule ligne secondaire approuvant cette disposition, toutes les autres ont dit qu'elles n'en voulaient pas.

Que pensez-vous de ce que je viens de dire? Cela va à l'encontre de votre propre déposition.

M. DeBiasio: Je vais essayer de vous répondre.

Tout d'abord il est évident que nous, expéditeurs, avons eu du mal à expliquer à quel point il nous est défavorable de dépendre d'une ligne secondaire qui n'est pas assujettie à l'OTC et qui est elle-même captive.

Au Canada la question est plutôt hypothétique, parce que nous n'avons pas un grand nombre de lignes secondaires.

Mais pour me résumer je dirais simplement que nous sommes en faveur des propositions de ce projet de loi concernant les lignes secondaires.

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Ma société fait affaire avec les États-Unis; nous traitons avec un certain nombre de lignes secondaires, dont l'une nous cause pas mal de difficulté. Elle nous impose un tarif trop élevé, à notre avis, et nous pourrions avoir recours au transport par camion, mais ce n'est pas très économique. Il aurait été logique d'utiliser la ligne principale la plus directe.

Il arrive donc que les lignes secondaires causent des difficultés.

M. Gouk: Mais ce qui vous préoccupe ici, à propos des droits de circulation, ne résoudrait pas le problème. Il risque même, en théorie, de l'empirer, si vous dépendez de cette ligne secondaire trop chère pour transporter encore plus loin vos marchandises.

M. DeBiasio: Mais voyez-vous, ce n'est pas raisonnable... Tout d'abord, l'exploitation de lignes secondaires devrait coûter moins cher.

Nous disons effectivement que le droit de circulation doit être accompagné d'indemnités. Il serait très difficile de concevoir une situation où nous voudrions exploiter une ligne secondaire sur une ligne principale, payer les frais liés à une ligne secondaire, les indemnités, pour emprunter un autre chemin de fer. Dans toute situation de concurrence raisonnable, ce serait sans doute le quatrième choix.

Je crois que d'une façon hypothétique , nous disons que c'est tout simplement comme l'arbitrage qui avait été proposé en 1987... On n'y a pratiquement jamais recours. Je crois que c'est la situation ici. C'est une mesure temporaire si un expéditeur est vraiment mis à l'épreuve avec des tarifs extrêmement élevés.

Pour ce qui est du fait que les lignes secondaires n'en veulent pas, je ne peux parler pour elles.

M. Bud Foley (membre, Institut canadien des engrais): Puis-je vous donner une réponse supplémentaire à cette question? Vous avez posé la question aux lignes secondaires, mais d'après la façon dont les lignes secondaires sont exploitées... Les lignes secondaires dépendent des transporteurs sur ligne principale. Il est très peu probable qu'une ligne secondaire se rebiffe contre un transporteur sur ligne principale. Elle dépend de ce dernier pour une bonne partie de son matériel roulant. Peu importe la taille de l'expéditeur, une ligne secondaire n'a pas la capacité financière de fournir à ce client le matériel roulant. Le matériel roulant doit provenir de la ligne principale.

Il y a un obstacle naturel, alors, à ce que des lignes secondaires exigent des droits de circulation ou autres des lignes principales. Elles doivent s'occuper de leurs propres intérêts.

Donc, je ne suis pas surpris que lorsque vous leur posez ces questions...

M. Gouk: Oh, je n'en doute pas. Il y a une raison pour tout. Ils ont été assez ouverts, la plupart disant qu'ils comptent sur de bons rapports à cet égard, qu'ils en ont, et qu'ils aimeraient les garder, et par conséquent que ces droits de circulation ne les intéressent pas.

En ce qui a trait au paragraphe 27(2), je reviens à l'idée que vous aimeriez le voir disparaître entièrement. Est-ce que cela répondrait à la plupart de vos préoccupations aux termes du paragraphe 27(2) si ce dernier était amendé de façon à ce qu'il soit clair que cela ne doit pas constituer un obstacle pour votre demande, ce qu'a dit le ministère, mais ce sur quoi il semble y avoir confusion? Si le libellé était amendé de façon à ce que... Ou si vous étiez convaincus que cela ne constituerait pas un obstacle pour que votre demande soit entendue par l'Office des transports du Canada, et que cela ne s'appliquerait pas à l'arbitrage, est-ce que cela répondrait à la plupart de vos préoccupations?

M. Chorlton: Nous considérons ce paragraphe comme étant inacceptable. Il n'a jamais été nécessaire. Tout fonctionne bien sans ce paragraphe. Peu importe où on le met, nous pensons que cela va créer de l'incertitude et des obstacles pour nous. Nous ne voyons absolument pas la nécessité d'un tel paragraphe, sous quelque forme que ce soit.

M. DeBiasio: Si vous étiez à notre place et que vous aviez un problème à porter à l'attention de l'office, ce paragraphe ne dit peut-être pas qu'il vous faut prouver un préjudice important avant de porter la question à l'attention de l'office, mais nous devons supposer que cela va retarder une décision. Il y aura un débat... Tout cela prend du temps, et la rapidité est essentielle pour nous, car le temps coûte de l'argent. Donc, je pense que le fait que ce paragraphe existe constitue un obstacle.

M. Foley: En incluant «préjudice important» dans la loi, cela guide l'ONT, ou l'OTC, dans le genre de décisions qu'il prendra. Voilà le problème à mon avis. Même avec ce projet de loi, dans le secteur ferroviaire au Canada nous devrons faire face à la possibilité que les chemins de fer auront toujours un pouvoir de commercialisation abusif et l'utiliseront. On veut avoir un office, un office d'arbitrage comme l'Office national des transports, ou l'Office des transports du Canada, qui puisse trancher ces questions le plus librement possible. L'office n'est pas là seulement pour les gros expéditeurs comme nous, franchement. Il devrait être là pour les petits expéditeurs.

C'est pourquoi je vois là un obstacle qui n'y était pas avant. On n'y a pas eu recours, et nul n'a abusé de la loi en présentant toutes sortes de demandes non fondées. Je crois que vous devriez essayer de rendre l'OTC aussi accessible que possible, et j'y vois là une barrière.

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Le président: Je vous remercie, Jim.

Je voudrais simplement renforcer ce que disait M. Gouk, messieurs: dans sa première question il a avancé, sur ce projet de loi, une proposition que j'avais moi-même faite à notre premier témoin, une proposition que M. Gouk dit ni n'appuyer ni rejeter, mais dont il voudrait savoir ce que chacun en pense.

Monsieur DeBiasio, dans votre réponse vous écartiez le paragraphe 27(2) et les articles 34 et 113, du fait qu'on les a introduits à un stade tardif du processus, de sorte que vous ne pouvez même pas les considérer comme étant objets de négociation.

Pourriez-vous revenir sur ce jugement? Le fait est que ces trois articles existent, peu importe qu'on les ait introduits à un stade tardif ou non. J'aimerais garder l'esprit ouvert, et le comité voudra entendre tous les témoins, mais il est fort possible que ces articles soient là pour y rester.

Voici donc la proposition, qui ne devrait pas être rejetée. Il faut trouver un nouvel équilibre entre l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer. Sur la table des négociations se trouvent le paragraphe 27(2) et les articles 34 et 113, l'interconnexion du PLC ainsi que d'autres dispositions de protection de l'expéditeur, dispositions qui peuvent être négociées et que l'on peut supprimer pour donner libre jeu à la concurrence, avec l'arbitrage tel que négocié par les deux parties, en tant que mécanisme pour trancher un différend. Votre groupe considérera peut-être cela comme un nouveau compromis de la loi, n'est-ce pas?

M. DeBiasio: Nous reconnaissons que les articles 27, 113 et 34 figurent dans la loi. Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir si nous accepterions, pour un arbitrage renforcé, de nous passer des dispositions relatives à l'accès compétitif. Était-ce là ce que vous...

Le président: Avec l'élimination des articles 27, 34 et 113.

M. DeBiasio: À mon avis - et nous en avons déjà discuté - l'interconnexion est essentielle. Nous ne voudrions pas nous passer d'une interconnexion réglementée. C'est pour nous une façon commode et rentable de mener notre entreprise. Les prix de ligne concurrentiels et les offres définitives n'ont pas été utilisés dans une grande mesure...

Le président: Ils n'ont peut-être pas à l'être.

M. DeBiasio: ...et une offre définitive a pour connotation de prêter à confrontation...

Le président: À laquelle on n'arrivera peut-être jamais.

M. DeBiasio: Qui ne sera peut-être jamais utilisée. Je crois que nous devrions remettre à plus tard notre réponse, à moins que vous n'en ayez une, Mike, quant à savoir si nous...

Le président: En tant que président, c'est tout ce que je demande, parce qu'on ne peut pas simplement rejeter tout cela en raison de votre remarque de tout à l'heure. Je demande simplement à votre organisation un peu de temps de réflexion: discutez encore entre vous de toute cette question avant de la rejeter sans plus.

M. Chorlton: Nous pouvons certes en discuter, mais n'allez pas en conclure que nous allons renoncer à une interconnexion réglementée en échange d'un arbitrage renforcé. Je pense...

Le président: Ce n'est pas tout ce que vous obtenez en échange de votre renonciation. Rappelez-vous que vous renoncez également pour trois autres recommandations, le paragraphe 27(2) et les articles 34 et 113, dont vous demandez également la suppression dans votre...

Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu'il puisse y avoir une solution immédiate à cela, compte tenu de la première réponse que j'ai reçue de M. DeBiasio. Nous attendrons donc votre réponse.

Monsieur Fontana.

M. DeBiasio: Nous essayerons de remettre la réponse à plus tard.

M. Fontana: Je voudrais remercier ces messieurs de leur mémoire et de la possibilité que nous avons eue d'en discuter avant notre réunion de ce matin. Nous avons eu des discussions très intéressantes sur des questions semblables à celles qui font l'objet de notre débat actuel.

Je voudrais aborder une question que vous avez soulevée à la fin, Bud, une question qui touche à l'abus de pouvoir, sur le marché, par les compagnies ferroviaires. Ce que recherche le gouvernement, c'est la concurrence, ce sont des règles équitables, et parvenir à un équilibre, afin que nous ayons des entreprises viables en mesure d'exporter, comme la vôtre, et des lignes ferroviaires efficaces et viables qui, espérons-le, peuvent réduire les coûts de transport dans notre pays, afin que vous puissiez vous maintenir sur les marchés mondiaux. Voilà tout ce que recherche, en fin de compte, le gouvernement. Nous voulons, pour vos clients, un système efficace et abordable, afin que nous puissions continuer à créer des emplois et à exporter des marchandises.

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Nous espérons, par un judicieux équilibre, parvenir à ce résultat parce que nous créons ainsi des lignes secondaires et supprimons les structures coûteuses.

Vous parlez d'abus, par les compagnies de chemin de fer, du pouvoir commercial. Peut-être pourriez-vous éclairer ce comité, comme vous l'avez fait avec moi ce matin, et nous dire si vos sociétés sont effectivement liées à une seule compagnie de chemin de fer, à un seul mode de transport, ou à deux compagnies de chemin de fer qui ne se font pas concurrence. Donnez-nous le profil des activités de votre entreprise, car c'est ce qui me paraît important. Le paragraphe 27(2) a été placé dans la loi pour veiller à ce qu'il y ait équilibre, ou nouvel équilibre.

Le président a lancé une idée à laquelle nous réfléchissons depuis un bon moment, mais peut-être le paragraphe 27(2), sous sa forme actuelle, ne constitue-t-il pas tant un problème d'accès qu'un problème de recours. Peut-être entend-on par «préjudice important» que celui qui fait une demande à l'Office des transports du Canada va être considérablement lésé par une action des compagnies de chemin de fer portant sur les barèmes ou services. C'est ce qu'on essaye de déterminer, à savoir s'il y a monopole d'une seule compagnie ferroviaire, d'un seul mode de transport ou autre.

Peut-être pourriez-vous informer le comité du profil de vos entreprises, pour nous faire savoir en quoi consiste exactement cet abus du pouvoir commercial par les compagnies ferroviaires. Ces dernières nous disent exactement le contraire; elles se plaignent que leurs recettes baissent, qu'on ne les laisse pas participer aux bénéfices quand il y en a et qu'elles sont durement touchées par les actions de leurs clients, les expéditeurs. Alors, qui a raison dans ce débat?

M. Chorlton: Permettez-moi d'abord de répondre à votre première question, parce que nous parlons là d'un fait établi. Avec le système ferroviaire d'aujourd'hui, si nous examinons vingt points de production, y compris les mines ou les usines, cinq n'ont qu'une seule ligne ferroviaire sans interconnexion, dix ont accès à deux lignes ferroviaires par interconnexion, et cinq ont plein accès à deux chemins de fer.

Nous avons également une structure de clients aux points intermédiaires de distribution. On peut probablement parler d'une trentaine de points de distribution et de plusieurs centaines de clients qui sont sur ligne. Nous n'en avons pas dressé le bilan, mais ce sont en général des gens qui ont accès à une seule ligne ferroviaire. Les points de production qui ont des marchandises d'un million de tonnes en moyenne ont accès, par interconnexion ou par deux lignes, à un concurrent aux termes de la Loi de 1987 sur les transports nationaux.

Nous avons généralement l'impression d'être prêts...

M. Fontana: Vous avez répondu à la première partie de ma question, à savoir le profil de vos industries. J'aimerais que vous me parliez des abus sur le marché, que vous me disiez où ils se produisent.

M. Foley: Je vais essayer de répondre à cette question. Quoi que dise la loi, les chemins de fer, dans ce pays, ont un monopole naturel. Prenons pour exemple la production de potasse en Saskatchewan. Ce sont quatre à cinq millions de tonnes de ce produit qui chaque année sont transportées à Vancouver, et quel que soit le nombre de compagnies ferroviaires qui desservent ce secteur il n'est guère envisageable de transporter par camion un volume aussi considérable. Les compagnies ferroviaires le savent très bien.

J'ai souvent négocié les barèmes de fret avec les chemins de fer. J'ai parfois gagné, parfois perdu, mais les compagnies ferroviaires, en particulier à court terme, ont le pouvoir de dire: «Que cela vous plaise ou non, nous allons augmenter nos tarifs de fret de x points de pourcentage». C'est ce qui se fait, et les gens ne peuvent, du jour au lendemain, changer de moyen de transport, en particulier dans le secteur des ressources naturelles, avec le volume de marchandises que nous avons à transporter. C'est tout simplement impossible.

On pourrait peut-être le faire à long terme, mais il est permis de se demander s'il est socialement souhaitable qu'on transporte toutes ces marchandises par camion? Lorsqu'on négocie avec les transporteurs, c'est le genre de...

M. Fontana: Je suis d'accord. Avant 1987, les tarifs étaient effectivement élevés. Je sais que vous me répondrez qu'ils ont diminué entre 1987 et 1995. Dans le profil de l'industrie que Mike vient de nous décrire, chaque fois qu'il y a deux chemins de fer, dans 15 cas sur 20, cela est censé assurer la concurrence. Deux concurrents se font la lutte pour le même client.

M. Ron Kryviak (membre, Institut canadien des engrais): Du point de vue du transporteur, c'est vrai dans la plupart des cas. Lorsque la concurrence existe, le système fonctionne.

.1040

M. Fontana: Vous dites que le système fonctionne. Est-ce bien la façon dont il est censé fonctionner?

M. Chorlton: Il est difficile de parler au nom de tous les expéditeurs, mais je crois que dans l'ensemble, ceux-ci ne se plaignent pas d'un abus du marché compte tenu de l'application qui est faite du règlement de 1987, adopté en vertu de la LTN. Mon entreprise fait partie des entreprises qui ne formulent pas cette plainte.

M. Fontana: Mais c'est bien la question qui se pose. Si, comme vous dites, il n'y a pas actuellement abus des marchés, risque-t-on d'aboutir à cette situation en adoptant le paragraphe 27(2) qui vise à compenser un expéditeur de tout tort que lui aurait causé un chemin de fer? Cela va dans les deux sens.

Soit dit en passant, je vous souligne que le paragraphe 27(2) protège aussi les chemins de fer.

M. Chorlton: Il est difficile d'anticiper exactement les conséquences du paragraphe 27(2). Il a été inutile jusqu'à maintenant, et nous vous incitons vivement à le supprimer du projet de loi.

M. Gouk: Des trois dispositions - 27(2), 34(1) et 113 - , est-ce la disposition 27(2) qui vous semble la plus importante? Je ne cherche pas à vous faire dire que les autres dispositions sont sans importance, mais j'aimerais savoir si elle est, à votre avis, la plus importante disposition des trois.

M. Chorlton: Oui.

M. Gouk: Je vous remercie. C'est tout ce que je voulais savoir.

Le président: Votre organisme accepterait-il un critère permettant d'établir quels sont les expéditeurs vraiment captifs du marché?

M. Chorlton: Je ne vois pas à quoi vous pensez. Il nous faudrait le savoir et comprendre exactement comment ce critère s'inscrirait dans le projet de loi. Il s'agit d'une question très hypothétique.

Le président: Je ne vous demanderai même pas de nous définir le terme «captif», car je peux m'imaginer ce que vous me direz.

Messieurs, nous vous remercions beaucoup de votre exposé. Nous apprécions le fait que vous soyez restés pour répondre à nos questions.

Nous accueillons maintenant des représentants de la Canadian Oilseed Processors Association. M. Robert Broeska est président de l'association.

Bienvenue. Pourriez-vous d'abord nous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui et nous faire ensuite un résumé du mémoire que vous avez remis au comité.

M. Robert Broeska (président, Canadian Oilseed Processors Association: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. M'accompagnent aujourd'hui, M. Murray Davis, premier vice-président de Canamara Foods, et M. Brendon Turner, directeur des transports de la même entreprise.

Canamara Foods est le membre le plus important de la Canadian Oilseed Processors Association. La société représente plus de 40 p. 100 de la capacité de production de l'industrie.

Le président: La société compte une grande usine dans la très belle ville d'Hamilton.

M. Broeska: En effet.

J'aimerais d'abord vous présenter notre position. Nous répondrons ensuite à vos questions.

Parlons d'abord de l'importance de l'industrie de la transformation des graines oléagineuses au Canada. Les membres de la COPA exploitent neuf usines de trituration et neuf raffineries d'huile végétale au Canada, ce qui représente la totalité de la capacité de trituration des oléagineux au pays, et 85 p. 100 de la capacité de raffinage des huiles végétales.

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En 1994, les membres de la COPA ont transformé 3,4 millions de tonnes de produits oléagineux dont 70 p. 100 ont été acheminés par rail vers les marchés. Les membres de la COPA répondent à 90 p. 100 de la demande intérieure en produits comestibles composés d'huile végétale et 70 p. 100 de la demande en aliments azotés.

Chaque jour, les Canadiens consomment des aliments comportant des huiles végétales et des aliments azotés produits par l'industrie de transformation des graines oléagineuses. En 1994, cette industrie a injecté directement 2,3 milliards de dollars dans l'économie canadienne. En 1994, l'apport direct de cette industrie à la balance des paiements du Canada s'élevait à 1,5 milliard de dollars.

Quelques mots au sujet de la dépendance à l'égard des divers modes de transport.

Les usines de trituration des oléagineux sont situées sur les lieux de production des oléagineux afin de réduire au maximum les frais de transport. Les produits extraits des oléagineux, c'est-à-dire les huiles végétales et les aliments azotés, sont vendus sur des marchés éloignés des lieux de production. Rien ne peut vraiment remplacer le transport par rail quand il s'agit d'acheminer des huiles végétales et des aliments azotés en vrac vers des marchés continentaux éloignés ou vers des marchés d'exportation étrangers puisque la distance à parcourir varie entre 1 000 et 3 000 kilomètres.

Les membres de la COPA dépendent donc du transport par rail pour plus de 80 p. 100 de la valeur de leurs ventes. Toutes les usines des membres de la COPA situées dans l'Ouest dépendent exclusivement du transport par rail pour les expéditions destinées au marché d'exportation et au marché intérieur. La majorité des membres ne peuvent compter sur les services que d'un seul transporteur. Nos principaux concurrents, notamment ceux des États-Unis, jouissent de l'un ou l'autre des avantages suivants ou des deux: ils sont situés près de la mer ou près des marchés de consommation.

Parlons maintenant des tarifs et du service de transport. Les tarifs de transport ferroviaire constituent un facteur important d'accessibilité au marché pour ce qui est des huiles végétales et des aliments azotés. Ces tarifs représentent jusqu'à 35 p. 100 du prix de vente. La transformation des oléagineux est un secteur d'activité où les volumes de produits sont élevés et les marges bénéficiaires, faibles. Par conséquent, les tarifs de transport ferroviaire déterminent les marchés que l'industrie peut desservir.

L'industrie doit donc compter sur une offre de wagons ferroviaires qui est égale et constante. Les usines de trituration des graines oléagineuses qui transforment des volumes de produits ont des frais fixes élevés et dépendent d'un approvisionnement stable en wagons ferroviaires et de temps de rotation courts. Toutes les usines de trituration fournissent leur propre matériel roulant spécialisé destiné au transport des huiles végétales.

Quelques mots au sujet de l'incidence de la réglementation ferroviaire sur la transformation des graines oléagineuses.

L'industrie canadienne de transformation des graines oléagineuses connaît un déclin au Canada depuis de nombreuses années en raison d'une réglementation ferroviaire qui n'a pas favorisé le développement économique de la transformation de produits agricoles à valeur ajoutée. Les subventions accordées en vertu de la LTGO au transport de céréales non transformées défavorisent la transformation des produits à valeur ajoutée au Canada. Notre industrie chiffre à entre 16 et 20 millions de dollars par année la perte économique qui en découle. Avant l'adoption de la LNT en 1987, de nombreuses poursuites ont été intentées par l'industrie de transformation des graines oléagineuses afin d'avoir accès au marché intérieur et au marché d'exportation.

L'abrogation récente de la LTGO a été bien accueillie par notre industrie parce qu'elle a rétabli l'équilibre et assuré la présence de règles du jeu équitables pour les transformateurs de graines oléagineuses à valeur ajoutée, grâce à l'élimination de deux types de tarifs ferroviaires, l'un s'appliquant aux produits oléagineux transformés et l'autre aux produits non transformés. Les transformateurs canadiens n'ont plus à subir les effets de l'avantage que conférait la subvention ferroviaire aux exportateurs d'oléagineux non transformés destinés à l'industrie de trituration japonaise.

L'adoption de la LNT en 1987 a supprimé la nécessité pour l'industrie de recourir à de longues et coûteuses poursuites judiciaires en prévoyant pour les expéditeurs des recours accessibles, abordables et rapides. Ces dispositions ont par conséquent permis aux transporteurs et aux expéditeurs de négocier des accords de tarifs et de services acceptables.

Au moment même où la LNT était adoptée et où l'industrie était exclue des marchés d'exportation par des guerres de subventions commerciales menées à l'échelle internationale, notre industrie a obtenue l'accès au marché américain en partie en raison de l'Accord de libre-échange entre le Canada et le États-Unis. Cet accès au marché américain a directement favorisé la revitalisation et la restructuration de notre industrie. En obtenant accès au marché continental, notre industrie devenait assujettie aux dispositions de la LNT de 1987.

L'adoption de la LNT de 1987 a favorisé un climat propice à l'adoption d'une politique favorisant la concurrence ferroviaire en fixant comme objectif la concurrence intermodale. La loi mettait fin à la capacité des chemins de fer de s'entendre sur des tarifs communs. Elle permettait aux expéditeurs et aux chemins de fer de conclure des contrats confidentiels répondant aux besoins des deux parties. Elle assurait certains recours aux expéditeurs, rétablissant ainsi un plus juste équilibre lors des négociations sur les accords de tarifs et de services. La loi incitait les parties à conclure entre elles des accords commerciaux plutôt que de s'en remettre à un organisme externe à l'issu de longues et coûteuses audiences.

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Notre industrie a toujours appuyé vigoureusement la Loi de 1987 sur les transports nationaux et continue de le faire.

Voici certaines de nos vues au sujet du projet de loi C-101.

La réglementation ferroviaire au Canada sous le régime de la loi C-101 qui est proposée doit être structurée de façon à créer un équilibre entre le pouvoir monopolistique des entreprises ferroviaires et la capacité des membres de notre industrie d'avoir un accès concurrentiel au marché continental.

Les membres de la COPA redoutent que les dispositions du projet de loi C-101, particulièrement celles qui entravent l'accès des expéditeurs à l'Office des transports du Canada, aient pour effet de nous ramener à la situation qui prévalait avant l'adoption de la Loi de 1987 sur les transports nationaux.

Les dispositions du projet de loi C-101, et particulièrement le paragraphe 27(2), risquent de réduire sensiblement la possibilité qu'ont les expéditeurs de négocier des tarifs et des services à partir d'une position de négociation satisfaisante.

Le paragraphe 27(2) imposera à l'expéditeur de démontrer qu'il «subirait un préjudice important» s'il ne pouvait pas obtenir de mesures de redressement. Il s'agit là d'un critère subjectif qui variera selon les cas. Cela va créer de l'incertitude et donner lieu à des démarches qui ne sont pas requises pour le moment.

Les fonctionnaires de Transports Canada ont dit aux expéditeurs qu'en vertu du paragraphe 27(2), l'Office est tenue d'entendre la plainte de l'expéditeur. Cependant, après avoir examiné le libellé du paragraphe, les expéditeurs ne sont pas d'accord pour dire qu'elle en a l'obligation. Le paragraphe 27(2) sera une condition préalable en vertu de laquelle l'Office décidera ou non d'accueillir la plainte au mérite.

Les membres de notre industrie estiment que l'obstacle qu'établit ce paragraphe créera un régime analogue à celui qui existait avant l'adoption de la Loi de 1987 sur les transports nationaux.

Quant à l'article 113 du projet de loi, il stipule que tous les prix et les conditions visant les services fixés par l'Office doivent être «commercialement équitables et raisonnables». Cette exigence n'est pas définie dans la mesure et s'applique uniquement aux prix fixés par l'Office, c'est-à-dire ceux qui visent les interconnexions et la formule du prix de ligne concurrentiel.

Cette disposition constitue un obstacle qui donnera lieu à des litiges sans fin. D'ailleurs, elle est totalement inutile étant donné que les prix en question renferment déjà des garanties qui assurent leur caractère «équitable et raisonnable».

Les représentants de Transports Canada ont souligné le fait que les dispositions concernant un transporteur public n'ont pas été modifiées. Ce qu'ils ne vous ont pas dit, c'est qu'on a supprimé le pouvoir de l'Office d'accorder des injonctions intérimaires.

Nos membres ont besoin d'un service adéquat tous les jours. Ils se retrouveraient sur la paille si on leur demandait d'attendre trois ou quatre mois pour obtenir un redressement de la part de l'Office à la suite d'une plainte pour services inadéquats. Ce pouvoir d'injonction est crucial pour s'assurer qu'ils reçoivent le service dont ils ont besoin en attendant que l'agence puisse déterminer si leur plainte est fondée.

D'après mon expérience personnelle, je peux vous dire que ce pouvoir d'injonction est le levier dont notre industrie s'est servie pour forcer les entreprises ferroviaires à fournir l'équipement promis aux expéditeurs.

Voilà qui met fin à ma déclaration liminaire, monsieur le président. Je suis maintenant disposé à répondre aux questions.

Le président: Merci, monsieur Broeska. Je remercie votre organisme pour son mémoire.

Monsieur Gouk, s'il vous plaît.

M. Gouk: Messieurs, comme je l'ai dit à d'autres groupes qui ont comparu devant nous, vous venez de tenir des propos qui nous sont familiers, particulièrement ceux qui se rapportent à trois articles, 27(2), 34(1) et 113.

Tout d'abord, en ce qui a trait au paragraphe 27(2), si l'on modifiait le libellé de façon à ce qu'il soit établi clairement qu'il ne s'agit pas d'un test d'admission, que la plainte doit être entendue et qu'il s'agit seulement d'un recours relatif à la décision, et si de plus l'on stipulait clairement que cette disposition ne s'applique pas du tout à l'arbitrage, cela atténuerait-il une bonne partie de vos craintes à ce sujet?

M. Broeska: Nous pensons qu'en soi, l'inclusion de ce paragraphe constitue un élément de dissuasion et un obstacle. À notre avis, c'est une exigence qui affaiblit notre capacité de négocier avec les transporteurs ferroviaires. Essentiellement, si ce paragraphe est inscrit dans la loi, la capacité de l'expéditeur et du transporteur commercial de négocier d'entrée de jeu toute démarche auprès de l'Office est compromise.

M. Gouk: Oui.

M. Broeska: Nous pensons que la formule actuelle n'a pas été indûment utilisée au détriment de l'expéditeur ou du transporteur et que l'introduction de cette disposition tend à faire pencher la balance en faveur du transporteur.

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M. Gouk: Mais pour être plus précis, l'amendement que je viens de vous décrire atténuerait-il vos craintes? Conserveriez-vous les mêmes craintes même si ces dispositions étaient précisées?

M. Broeska: Nous estimons qu'elles ne sont pas nécessaires.

M. Gouk: Une dernière question. De ces trois dispositions, ai-je raison de dire que le paragraphe 27(2) est celui qui vous cause le plus d'inquiétudes? Je ne veux pas faire de distinction énorme en les trois, mais n'est-ce pas le paragraphe 27(2) qui revêt le plus d'importance à vos yeux?

Le président: Peut-être les trois sont-ils également importants?

M. Gouk: Dans ce cas-là, les témoins me le diront.

M. Broeska: Il est très difficile pour nous de répondre à cette question. Nous jugeons tout simplement qu'il s'agit-là d'obstacles importants.

M. Gouk: Je comprends votre problème. En tant que membre du comité, je serai appelé à négocier ou à discuter le cas échéant d'amendements à la mesure. Je voulais savoir jusqu'où je peux aller et c'est bien le compromis possible surtout face à la position adoptée par d'autres membres du comité affichant un point de vue différent. Ai-je une certaine marge de manoeuvre ou est-ce que tous les intervenants que j'entends disent essentiellement qu'il faut modifier toute la mesure, rien de moins? Je voudrais savoir combien de pression exercer, surtout si j'estime que la position que j'ai adoptée au nom des intervenants représentant les expéditeurs et les producteurs est juste.

Essentiellement, je voudrais qu'individuellement les divers intervenants me disent si ces trois dispositions revêtent la même importance pour eux et si le fait de se débarrasser de l'une d'elles importe peu si les autres demeurent et s'il doit y avoir négociation, avez-vous un ordre de préférence sans pour autant que cela atténue autrement votre rejet des deux autres? Je ne veux pas que vous me disiez que le paragraphe 27(2) est très important et l'article 113 pas du tout. Ce que je veux savoir c'est si une de ces dispositions a plus de poids qu'une autre, que ce soit de beaucoup ou de peu?

M. Murray Davis (membre, Canadian Oilseed Processors Association): Peut-être puis-je vous répondre de façon détournée. Je ferai référence à trois de mes usines et à deux qui appartiennent à mes concurrents: Nipawin, Saskatchewan, à 500 kilomètres de la frontière, aucun autre mode de transport disponible; Altona, Manitoba, à 60 milles de la frontière, possibilité d'avoir recours au camionnage à Burlington Northern; Harrowby, Manitoba, aucun autre mode de transport; Sexsmith, Alberta, aucun autre mode; Wainwright, Alberta, aucun autre mode.

Toutes ces collectivités sont relativement petites et tributaires de l'agriculture. Nous sommes le plus gros employeur dans chacune d'elles. Nous avons une responsabilité envers nos actionnaires, la responsabilité de protéger la viabilité de l'usine, de même que les employés et leurs personnes à charge. En effet, nous sommes le seul employeur dans certaines de ces municipalités et nous avons des devoirs envers la communauté. Par conséquent, c'est notre bataille ultime pour protéger l'usine et, partant, la collectivité.

Dans les autres endroits - Hamilton, par exemple, a été mentionnée et Edmonton - ce n'est pas très important car il existe d'autres choix; la concurrence existe. Mais dans notre cas, l'usine de Nipawin n'arrête jamais. Elle remplit quinze super-jumbos d'huile végétale par jour et dix super-wagons-trémies tous les jours de la semaine, toutes les semaines de l'année sauf à Noël et au Jour de l'An. Ces produits vont jusqu'au coeur du Mexique.

Nous ne pouvons pas perdre le service et notre prix concurrentiel ne serait-ce que pour une semaine, sinon c'est la fin. À l'heure actuelle, la majorité de nos livraisons prennent le chemin des États-Unis. Nous sommes le fruit de l'Accord de libre-échange. C'est vrai. D'ailleurs, vous l'aviez sans doute déjà compris.

La meilleure chose qui nous soit arrivée est l'Accord de libre-échange. Et en deuxième lieu, l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Notre troisième atout serait de maintenir un semblant de concurrence pour ce qui est de l'établissement des prix destinés aux installations captives.

M. Gouk: Laquelle de ces trois dispositions toucherait le plus les usines que vous avez mentionnées?

M. Davis: Je pense qu'elles sont étroitement liées, au point qu'il n'est pas raisonnable de nous forcer à faire un choix.

M. Gouk: Je n'essaie pas de vous forcer. Je veux tout simplement savoir si vous avez une position.

J'y reviendrai.

M. Hubbard (Miramichi): Ces usines sont-elles captives pour des raisons économiques ou à cause d'autres modes de transport? Autrement dit, sont-elles captives parce que seuls les transporteurs ferroviaires leur accordent un prix acceptable? Est-ce là votre définition?

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M. Davis: Non. Appliqué à ces usines, le terme «captives» signifie que compte tenu du tonnage à acheminer, il n'y a qu'un seul mode disponible, le rail.

M. Hubbard: Vous voulez dire qu'il n'y a pas de route qui y mène.

M. Davis: Non. Il y a des routes.

Je vais vous donner un exemple. À l'heure actuelle, nous n'avons pas la capacité au pays d'acheminer l'équivalent en camions-citernes, dans un équipement spécialisé en acier inoxydable, de Nipawin, ne serait-ce que jusqu'à la frontière de transbordement. On pourrait créer cette capacité au fil des ans, mais cela supposerait des dépenses en capital considérables. Cela nous amène à poser la question: «Doit-on déménager Nipawin ou prévoir un autre mode de transport?» Au bout du compte, cela pourrait être l'équation.

Une voix: Ne déménagez pas Nipawin.

M. Davis: Cela coûte très cher.

En tant que compagnie, nous utilisons 800 wagons super jumbos que nous louons nous-mêmes. Nous fournissons notre propre matériel. L'industrie dans son ensemble en compte probablement 2 000. Croyez-moi, les capitaux dont on a besoin pour réaliser cela sont monumentaux.

Nous commençons maintenant à constituer notre propre flotte de wagons-trémies car nous savons bien ce qui nous attend. Les transporteurs ferroviaires vont nous dire: «Nous avons le pouvoir et nous avons les lignes. Nous n'allons pas immobiliser nos capitaux propres dans le matériel roulant.» C'est ce qui va se produire. Nous essayons de prévenir cela, mais c'est vraiment la corde raide pour certaines des installations qui sont captives.

M. Jackson (Bruce - Grey): Si toutes les recommandations du projet de loi étaient adoptées, quelle incidence cela aurait-il concrètement sur les agriculteurs?

M. Davis: Je ne peux parler que pour le secteur des oléagineux car j'estime ne pas très bien connaître certains des autres secteurs.

Si on mettait en place la structure idéale, dans le double contexte de l'Accord de libre-échange nord-américain et de l'élimination de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, d'ici cinq ans l'agriculteur de l'Ouest se trouvera mieux loti car davantage de choix s'offriront à lui et il sera en mesure de réagir plus rapidement à l'évolution du marché. Nous avons créé des emplois dans l'Ouest, là où on en a sérieusement besoin, en poursuivant cette croissance fulgurante de la transformation à valeur ajoutée.

C'est la voie de l'avenir. Nous n'exporterons plus de matières premières. Nous les transformons chez nous.

M. Jackson: Le défi pour nous, c'est d'être concurrentiels maintenant que l'Organisation mondiale du commerce est en place, que les pays du littoral du Pacifique emboîtent le pas, sans compter ce qui va se passer au Royaume-Uni. Nous devons être prêts à transformer davantage de céréales.

Pensez-vous que nos oléagineux sont de bonne qualité et que, nonobstant le fait que nous ne sommes pas le seul cultivateur d'oléagineux au monde et que l'incidence de ce secteur sur ce marché risque d'avoir des retombées intéressantes, on pourrait l'employer dans des mélanges et ainsi de suite et donc en transformer davantage et ainsi aider nos exportations sur ce marché particulier?

M. Davis: Les membres de la COPA ne craignent pas du tout la concurrence. Nous sommes maintenant tout à fait concurrentiels et nous livrons bataille pied à pied avec les grandes compagnies mondiales dans le domaine, soit à Cargill Inc. et Archer-Daniels-Midland aux États-Unis. Nous leur faisons concurrence tous les jours. Quarante pour cent de notre huile est vendue aux États-Unis, sur leur terrain.

De façon générale, nous n'allons pas en Europe parce que le transport de marchandises se fait à l'ancienne, par cours d'eaux. Il existe là-bas un secteur des oléagineux très riche.

Nous allons plutôt vers le littoral asiatique. Notre expansion en Chine, à Hong Kong, à Singapour et en Malaisie a connu une croissance telle que notre installation à Vancouver pourrait ne plus suffire.

Le président: Je vais poser à votre organisation les mêmes question que j'ai posées à toutes celles qui ont déjà comparu devant nous. Si j'ai bien suivi votre raisonnement... l'Accord de libre-échange nord-américain a supprimé la réglementation. Les changements relatifs à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ont eux aussi réduit la réglementation. Je ne sais pas si vous avez entendu la proposition qui a été faite aux organismes qui ont comparu avant vous, mais je peux comprendre que vous souhaitiez la suppression des articles 27, 34 et 113. Pour instaurer l'équilibre qui s'impose entre les expéditeurs et les transporteurs ferroviaires, nous proposons également de supprimer les dispositions de protection des expéditeurs, comme les PLC et ce, pour s'inscrire dans la tendance vers moins de règlements et plus de concurrence, à l'exception de la disposition relative à l'arbitrage.

Quelle serait votre réaction?

M. Broeska: En tant qu'industrie ou qu'expéditeur, nous considérons que nous ne faisons pas le poids, sur le plan commercial, face à la situation monopolistique d'un transporteur ferroviaire. Nous croyons qu'un certain équilibre est nécessaire. La déréglementation totale, cela n'existe pas. Une certaine forme de réglementation est toujours en place et est toujours nécessaire.

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Le président: Voilà pourquoi nous disons qu'il convient de conserver l'arbitrage au cas où vous, l'expéditeur et le transporteur ferroviaire, ne pourriez vous entendre.

M. Broeska: Nous tenons compte de l'arbitrage, mais aussi des autres dispositions sur l'accès concurrentiel. Nous considérons qu'elles ont été des incitatifs à la création d'un cadre commercial régissant les rapports expéditeur-transporteur. Nous ne pensons pas qu'elles aient affaibli le pouvoir de qui que ce soit, qu'il s'agisse du transporteur ou de l'expéditeur.

Le président: Sauf la viabilité des chemins de fer dans notre pays.

M. Broeska: La viabilité des chemins de fer est un sujet très complexe qui ne se limite pas aux dispositions sur l'aspect concurrentiel de la loi de 1987 sur les transports nationaux. À mon avis, le projet de loi C-101 vise à introduire des dispositions qui permettront aux sociétés ferroviaires de réorienter plus facilement leur matériel et de restructurer leur investissement. Dans le dossier des chemins de fer, il y a toujours le côté coûts et le côté recettes. Nous ne pensons pas que l'on devrait régler sur le dos des expéditeurs le problème de la rentabilité financière des chemins de fer.

Si vous voulez régler le problème en augmentant les revenus, permettez-moi de vous dire que toute augmentation des tarifs ferroviaires représente pour nous une menace très sérieuse. Comme nous l'avons dit, notre industrie doit acheminer des volumes considérables pour une faible marge bénéficiaire et ne peut absorber d'augmentation du tarif de transport ferroviaire. Pour accroître la rentabilité des chemins de fer, il faut plutôt intervenir du côté de leurs coûts et de leur infrastructure.

Tant qu'on n'aura pas fait cela et qu'on n'aura pas prouvé non plus que cela n'est pas le facteur qui entrave la viabilité des transporteurs ferroviaires, nous les expéditeurs ne voulons pas sacrifier notre capacité concurrentielle de négocier avec ce monopole.

Le président: J'ai entendu un expéditeur après l'autre venir nous dire ce qui devrait être supprimé. Malheureusement, c'est vous qui êtes là pour le moment. Vous dites que vous souhaitez conserver le statu quo parce que vous en êtes satisfaits et que tout va bien.

J'imagine que c'est plutôt frustrant pour ceux qui estiment que le statu quo n'est pas satisfaisant. Ces gens là nous disent qu'il faut abandonner le statu quo.

En l'occurrence, nous avons besoin de la collaboration des expéditeurs. Il faut que les expéditeurs collaborent avec les transporteurs ferroviaires pour trouver une solution de rechange viable au marasme dans lequel se débat le réseau de transport au Canada. Il faut tenir compte des choix qui se présentent aux chemins de fer.

Je ne sais pas si vous avez discuté avec les porte-parole des chemins de fer au sujet de leur situation. Vous ne l'avez sans doute pas fait étant donné que vous devez vous occuper de vos propres affaires. Cependant, comme on nous l'a expliqué à tous, les sociétés essayent de réduire leur infrastructure et de mettre de l'ordre dans leurs affaires financières. Il est plus avantageux pour eux de le faire aujourd'hui plutôt qu'à n'importe quel autre moment dans leur histoire, étant donné la privatisation du CN et la possibilité pour le secteur privé d'en acheter des tronçons.

Il m'appartient d'essayer de comprendre pourquoi les expéditeurs ne se rendent pas compte que les chemins de fer ont besoin d'eux tout autant qu'eux-mêmes ont besoin des chemins de fer. Le travail que fait notre comité n'est ni plus ni moins qu'un long processus de négociation.

Vous réclamez le statu quo, alors que les chemins de fer veulent le changement. Ni l'un ni l'autre parti n'est prêt à bouger. Le gouvernement doit donc en quelque sorte jouer un rôle d'arbitre.

M. Broeska: À cela, je répondrai, monsieur le président, que nous ne nous opposons pas du tout à l'abandon d'exploitation ni à la restructuration des chemins de fer. Nous abordons plutôt le dossier du point de vue de l'expéditeur qui doit payer les factures de transport ferroviaire qui déterminent les revenus des chemins de fer et, partant, leur viabilité financière.

Si les chemins de fer ne sont pas viables, les expéditeurs ne le seront pas non plus, j'en conviens. Il s'agit d'un partenariat, mais notre industrie, comme toutes les autres qui se sont présentées devant vous, se heurtent à une concurrence très vive sur le marché et doit pratiquer des prix semblables à ceux des autres producteurs pour maintenir sa compétitivité.

Le président: Je l'ai déjà dit et je le répète. On peut prendre toutes les dispositions qu'on veut pour protéger les expéditeurs, mais cela ne servira à rien si, au bout du compte, vous n'avez pas de chemins de fer qui puissent assurer le transport de vos produits.

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M. Gouk: J'ai une remarque complémentaire en réponse à ce que vous venez dire, monsieur le président.

Le président: Allez-y.

M. Gouk: J'en suis toujours à examiner cette possibilité dont il a été question, à savoir de tout recommencer à neuf. Je tiens toutefois à préciser que la mesure comprend 283 articles et d'innombrables paragraphes, dont beaucoup sont nouveaux. La plupart des témoins veulent faire annuler, non pas la mesure comme telle, mais trois de ses 283 articles.

Il n'est donc pas tout à fait légitime de dire que les intervenants veulent conserver le statu quo. Je tenais à apporter cet éclaircissement. Quand ils parlent de statu quo, ils ne veulent pas dire qu'il faut tout laisser tel quel. Ils disent qu'il y a trois dispositions sur les 283, dont beaucoup sont nouvelles ou sont des modifications, qu'ils trouvent inacceptables.

Le président: Pour votre gouverne, monsieur Gouk, toutes ces dispositions dont vous parlez se trouvent déjà dans l'ancienne loi sur l'ONT, qui se trouve à être maintenue. Celles qui préoccupent les expéditeurs sont les plus importantes, comme les articles 27, 34 et 113.

M. Gouk: Vous dites que toutes les autres se trouvent déjà dans la loi. Alors, je vous demanderais de m'expliquer pourquoi, dans votre document visant à faciliter l'étude article par article, il y a autant de dispositions dont on dit qu'elles sont «nouvelles» ou «modifiées».

Le président: Le plus souvent, il s'agit d'en modifier les libellés pour actualiser cette loi qui a déjà 30 ans.

M. Gouk: Cela vaut pour les dispositions modifiées, d'accord, mais pas pour les nouvelles dispositions.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Il me semble que nous devrions revenir un peu sur terre. Si les producteurs disparaissent, on n'aura plus besoin ni des chemins de fer ni des expéditeurs.

Depuis deux ou trois jours, j'entends dire qu'on veut une meilleure loi. Avez-vous des suggestions à nous faire quant à la façon de faire en sorte que les producteurs eux-mêmes bénéficient de certaines de ces économies? Ils ne produiront pas d'huile oléagineuse si le prix n'est pas rentable.

Cela s'est déjà produit dans les années soixante-dix; l'industrie a plus ou moins disparu parce qu'on s'est tourné vers d'autres produits. Cela pourrait se produire de nouveau. Étant donné l'évolution des marchés du blé aux États-Unis, vous vous retrouverez peut-être avec un approvisionnement insuffisant.

Certains producteurs se plaignent à moi des prix que pratiquent les triturateurs. Alors, je me demande si vous avez un plan d'action quelconque qui permettrait aux producteurs de bénéficier de ces gains que vous espérez réaliser.

M. Broeska: Je peux vous dire que les producteurs de l'Ouest du Canada tirent un avantage certain de l'accès aux marchés américains, où le prix de l'huile comestible et de la farine protéique est déterminé à l'échelle du continent nord-américain, et qu'ils continueront d'en bénéficier grâce aux triturateurs.

L'industrie vend ses produits à des prix compétitifs sur le marché américain et elle pourra maintenir sa part de marché et l'accroître dans la mesure où elle pourra soutenir la concurrence avec ce qu'offrent les producteurs tant américains qu'étrangers.

Le marché des oléagineux est toutefois volatile. Je crois que nous pouvons démontrer qu'à long terme, la marge bénéficiaire y est très faible. Il s'agit de savoir si les intérêts canadiens sont vraiment favorables à la transformation et donc à la valeur ajoutée.

Nous croyons pouvoir faire bénéficier les producteurs - nous le faisons déjà - de ces gains. La quantité d'oléagineux que nous amenons aux triturateurs ne cesse de croître, et cette tendance devrait se maintenir. Si toutefois nous n'avons pas le pouvoir de négocier des tarifs acceptables avec les transporteurs, nous serons naturellement moins en mesure de servir les intérêts des producteurs en amenant leurs produits sur le marché.

M. Hoeppner: Oui, je suis d'accord avec vous pour dire que vous devez avoir des droits de négociation. Je voudrais toutefois avoir l'assurance que, si ces droits de négociation vous assurent une rentabilité accrue, les producteurs puissent en bénéficier eux aussi.

Il n'y a qu'à voir comme le blé se vend aujourd'hui à 5,50$ U.S. et le canola, de 7,50$ à 8$ CAN. Vous savez ce que feront les producteurs l'an prochain si on n'arrive pas à mieux équilibrer les choses.

M. Broeska: Écoutez, le producteur de canola canadien est sûr d'avoir le meilleur prix au monde quand il traite avec les triturateurs de sa région, puisqu'il n'a qu'à offrir son produit aux triturateurs japonais qui bénéficient d'une protection considérable. Le tarif japonais sur l'huile s'élève à 250$ la tonne. Aux ventes aux enchères, le canola canadien obtient toujours le meilleur prix possible, et les triturateurs canadiens doivent pouvoir payer ce prix. Aussi le producteur canadien est sûr d'obtenir le meilleur prix possible des triturateurs canadiens.

M. Hoeppner: Oui, je comprends.

M. Collins: Je voudrais apporter une précision. Quand nous interrogions le dernier groupe de témoins, ce qui me préoccupait, ce n'était pas tant le transport routier, que l'infrastructure routière de la Saskatchewan, qui est dans un état lamentable.

Je voudrais revenir brièvement à Murray et aux autres.

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Je sais que vous êtes ici comme représentant d'un groupe d'expéditeurs de l'Ouest du Canada et des expéditeurs des diverses régions du Canada. Vous avez fait état de trois éléments et d'après ce que vous dites... Ce sont, selon moi, des éléments essentiels si nous voulons trouver un règlement acceptable.

Je ne pense pas qu'il s'agisse de faire des compromis. À mon avis, il faut faire face à la réalité. Ces éléments sont-ils essentiels pour que le projet de loi C-101 puisse être appliqué? Si nous les incorporons au projet de loi et que nous constatons ensuite qu'ils ne sont pas acceptables, je ne pense pas que nous serons plus avancés. Qu'en pensez-vous?

M. Davis: Je voulais intervenir tout à l'heure pour préciser que ce gâchis est dû à une tendance amorcée depuis déjà 50 ou 70 ans. Je comprends le dilemme dans lequel vous vous trouvez, mais si nous croyons pouvoir régler le problème par une simple signature, nous faisons preuve de naïveté. Vous ne trouverez pas plus libre-échangistes que les membres de la COPA. Parce que nous jouons un rôle important sur les marchés internationaux, nous avons l'habitude de soutenir la concurrence dans le monde entier. Mais nous ne pouvons pas passer à un ensemble de règles nouvelles sans une période de transition. Après, on pourrait ouvrir les vannes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, dans les localités où il existe une certaine concurrence - à Edmonton, à Hamilton et dans toutes ces autres localités - , vous pourriez supprimer toutes les mesures de protection, mais pas dans les petites localités qui constituent un marché captif.

Je vous pose une question. Croyez-vous vraiment que la direction des deux compagnies de chemin de fer, qui commencent tout juste à essayer de s'extirper du carcan de la législation trop syndicale à laquelle elle s'est assujettie, va soudain faire preuve d'une sagesse digne de ce nom et instaurer des tarifs non-monopolistiques dans ces localités captives? Bien sûr que non.

Le président: Ou bien elles seront compétitives et demanderont des tarifs jugés acceptables sur le marché. En tout cas, messieurs, merci beaucoup pour l'exposé que vous nous avez présenté. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Nous invitons à la table le président de la Western Canadian Wheat Growers Association.

Chers collègues, nous souhaitons la bienvenue à M. Larry Maguire, président de la Western Canadian Wheat Growers Association. Soyez le bienvenu à notre comité, monsieur Maguire. Nous attendons avec impatience de vous entendre résumer votre mémoire en 15 minutes au plus pour que nous puissions vous poser des questions. Merci.

M. Larry Maguire (président, Western Canadian Wheat Growers Association): Merci beaucoup, monsieur le président. Au nom de la Western Canadian Wheat Growers Association, je tiens à vous dire que nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant le Comité permanent des transports pour présenter nos idées sur la Loi sur les transports au Canada, le projet de loi C-101.

Nous sommes d'avis qu'il est très bon d'inviter les intervenants à se prononcer sur le projet de loi après la première lecture. Cela nous fait penser que nous pouvons apporter une contribution vraiment utile au projet de loi tel qu'il se trouvera au bout du compte.

La Canadian Wheat Growers Association a toujours appuyé les initiatives qui éliminent sur le marché les distorsions attribuables aux subventions, notamment celles qui sont prévues dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et à certains règlements désuets avec lesquels nous sommes toujours aux prises. Nous appuyons vivement les refontes visant le secteur des transports, particulièrement en ce qu'elles touchent à l'industrie céréalière.

Nous avons quelques réserves concernant le projet de loi C-101, et notre mémoire aujourd'hui fera ressortir les modifications qu'il faut apporter selon nous pour garantir que les cultivateurs peuvent maximiser les occasions que présentent les modifications que vous avez proposées. Je vous parlerai brièvement de quelques-unes de ces modifications puisque vous avez le texte de notre exposé.

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Je veux tout d'abord vous parler des tarifs marchandises et de la disposition de temporisation. Nous devons exprimer notre déception face à l'orientation que prend le législation dans le cas de la disposition de temporisation dans le projet de loi réformateur. Vous savez que la version originale du projet de loi renfermait une disposition selon laquelle les tarifs marchandises seraient entièrement fonction de la libre concurrence à la fin de la période de transition, c'est-à-dire en l'an 2000. Le projet de loi prévoit maintenant un examen quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, après quoi le plafond établi pourra être ou ne pas être conservé.

Nous reconnaissons la nécessité de mettre en place une période de transition. En ce qui a trait à la réforme de la LTGO, nous étions prêts à accepter que les changements soient appliqués sur une période de quatre ou cinq ans pour permettre à toutes les parties intéressées de s'y adapter. Nous croyons toutefois qu'à la fin de cette période de transition, le transport du grain sur les Prairies serait soumis à un système de tarification commerciale. Il est impératif que les tarifs dépendent entièrement du marché à la fin de la période de transition. Nous ne pouvons accepter que des tarifs marchandises maximaux continuent à être appliqués au-delà de l'an 2000, car il y aurait en réalité un autre Nid-de-Corbeau pour les tarifs futurs, si je puis dire.

Nous sommes d'avis qu'il faudrait conserver la disposition de temporisation qui était prévue à l'origine et que les tarifs marchandises doivent dépendre entièrement du marché d'ici l'an 2000. Un des principaux arguments sur lequel nous nous fondons à été clairement exposé par les principaux acteurs de l'industrie. Pour que les grands investisseurs en capital du secteur puissent prendre leurs décisions d'investissement futur avec plus de certitude, ils doivent pouvoir mieux gérer leurs éléments d'actifs qu'ils ont pu le faire par le passé. Cela vaut autant pour les compagnies de chemin de fer que pour les compagnies céréalières ou les producteurs.

Par ailleurs, nous doutons fort qu'un examen annuel de l'état du secteur des transports au Canada donne suffisamment de temps pour que les problèmes mûrissent et que les solutions soient mises en application. Étant donné le temps qu'exigent habituellement de tels examens, chacun d'entre eux commenceraient probablement à chevaucher le suivant, ce qui rendrait la démarche inefficace.

L'examen prévu de la loi représente essentiellement, en principe, une mesure protectrice nécessaire qui permet de s'assurer qu'aucun des participants ne jouit d'un avantage économique injuste par rapport aux autres pour ce qui touche aux tarifs de transport et l'accès aux réseaux. Toutefois, dans un réseau qui dépend entièrement du marché, le marché lui-même procède à un examen quotidien sous l'impulsion des forces de la concurrence. J'avais une petite note ici au sujet de ce qui se passe autour de nous - notamment ce qui s'est produit vendredi dernier, hier matin et ce matin - relativement au dollar canadien. Je dois toutefois vous dire que nous craignons que le processus d'examen ne serve à perpétuer les tarifs réglementés s'il est maintenu tel quel.

En ce qui concerne les embranchements, nous pensons que la nouvelle façon plus directe de rationaliser le réseau permettra de réduire les coûts de façon générale. Nous sommes cependant déçus de la lenteur du processus, qui est censé être accéléré, menant à l'abandon des lignes en acier léger, des lignes à faible volume.

Je sympathise avec l'ONT relativement à l'étude présidée par Mme Robson. Cette étude a permis de désigner 535 milles de voie et d'indiquer les possibilités concernant ces voies. Elles sont clairement non rentables, et c'est pourquoi nous disons que d'autres études sont inutiles et contraires à l'esprit de la réforme des transports. Le retard apporté à abandonner ces lignes permet aux sociétés céréalières d'éviter de prendre les décisions difficiles nécessaires relativement à leurs installations et à leurs investissements, auxquels nous nous devons de souscrire en tant que producteurs.

Notre point de vue en ce qui concerne les lignes secondaires est qu'elles devraient être créées là où elles sont le moyen le moins coûteux et le plus efficace d'expédier les céréales. À cette condition, nous n'y voyons pas d'inconvénient.

Nous avons des réserves concernant une disposition spéciale pour les lignes secondaires existantes, précisément les 10c. la tonne prévus pour deux lignes secondaires précises. Nous comprenons le but visé, mais si six ans de subventions dans le système commercial n'ont pas réussi à les rendre rentables, comment six autres années pourront-elles y changer quelque chose?

Dans le cadre d'un vrai régime commercial, toutes les lignes secondaires doivent être financièrement concurrentielles. Les dispositions de la Loi sur la protection des expéditeurs continueront d'être nécessaires dans le secteur des céréales, du moins tant que la frontière américaine ne sera pas ouverte à un plus grand nombre de producteurs.

.1125

Les producteurs de blé font preuve d'un optimisme prudent en ce qui concerne la protection apportée par le projet de loi C-101. Je dis bien «un optimisme prudent». Nous connaissons bien les pouvoirs commerciaux des chemins de fer, vu l'influence évidente qu'ils exercent.

Nous estimons que des droits de circulation limités pour les exploitants de lignes secondaires concilient de façon raisonnable les intérêts des chemins de fer et ceux des exploitants de lignes secondaires.

Les obligations de transporteur public sont importantes, surtout compte tenu de l'accès que les expéditeurs de wagons producteurs et les producteurs eux-mêmes doivent avoir au réseau. Nous nous attendons à ce que ces obligations soient maintenues dans la loi.

En guise de conclusion, j'insiste sur le fait que libéraliser une partie du réseau en maintenant un contrôle réglementaire strict sur l'autre ne permettra pas d'en arriver à un réseau vraiment concurrentiel.

Les producteurs de blé ont toujours fait valoir que la réforme de la Commission canadienne du blé doit se faire de pair avec celle des transports de façon à encourager les investissements nécessaires dans l'industrie. Peu d'investisseurs sont prêts à développer davantage les secteurs du blé et de l'orge - vous venez d'entendre un exposé des représentants du secteur du canola relativement aux activités de transformation du blé et de l'orge dans l'Ouest du Canada - sachant que le monopole exercé par la Commission canadienne du blé leur interdit d'avoir des relations commerciales normales avec les producteurs.

Une commission canadienne du blé volontaire permettrait aux producteurs d'avoir un accès direct aux marchés américains et aux transformateurs nationaux. Le transport des céréales vers ces marchés se ferait vraisemblablement par camion, ce qui forcerait les chemins de fer à garder concurrentiels leurs tarifs et l'accès à leurs services.

Si vous examinez le nombre de permis de camion - les trains doubles de type A et B - accordés au cours de la dernière année dans la province de la Saskatchewan, vous constaterez qu'il y en a eu plusieurs milliers de plus. Les changements apportés à la subvention du Nid-de-Corbeau et la construction d'élévateurs de campagne de type coopératif impliquant toutes les sociétés en Saskatchewan ont un impact sur la façon dont la concurrence joue.

Nous sommes heureux de voir enfin l'abolition de la LTGO. Nous pensions qu'elle était un obstacle à la diversification, à l'investissement et au développement d'un réseau de transport rentable et vraiment efficace dans l'Ouest du Canada.

La Loi proposée sur les transports au Canada est un pas en avant important en vue du réseau de transport que nous souhaitons pour le siècle qui vient. Nous espérons que les intérêts de tous les participants à l'industrie céréalière sont pris en compte dans son élaboration.

Merci de nous avoir donné l'occasion d'exprimer nos vues aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Maguire. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait cet exposé.

Nous allons maintenant passer aux questions avec M. Gouk.

M. Gouk: Votre exposé décrit très bien votre point de vue. Je n'ai pas tellement de questions. Je consulterai nos experts en agriculture afin d'avoir leurs réactions, mais je pense que votre opinion rejoint la leur à plusieurs égards.

J'aimerais quant même avoir une précision - vous aurez déjà entendu cette question si vous étiez là pendant toute la matinée - au sujet des droits de circulation pour les lignes secondaires provinciales. J'en ai discuté avec un grand nombre de personnes. Je crains que ces dispositions, de fait, ne nuisent à la création de lignes secondaires. Les sociétés ferroviaires nationales qui normalement pourraient vouloir se départir de lignes préféreraient sans doute ne pas le faire et essayer de recouvrer leurs coûts le plus possible ou encore les laisser se détériorer jusqu'à ce que plus personne n'en veuille, quitte à simplement les abandonner au lieu de les vendre.

De même, la plupart des représentants de lignes secondaires à qui j'ai parlé m'ont expliqué qu'ils n'y étaient pas intéressés, pour des raisons évidentes dans bien des cas. Telle est leur position. Avez-vous entendu la même chose de votre côté et qu'avez-vous à dire à ce sujet à la lumière de votre proposition concernant l'article 138.

M. Maguire: Nous espérons certainement qu'il y aura des possibilités en ce qui concerne ces lignes secondaires parce que, selon nous, il y en a qui sont rentables dans l'Ouest du Canada. Je pense cependant que vous devez vous adresser aux exploitants de lignes secondaires pour avoir une meilleure idée du tonnage qu'il leur faudrait pour pouvoir exploiter ces possibilités.

Il y a plus de 6 000 milles d'embranchements tributaires des céréales dans l'Ouest du Canada. Les économies réalisées à partir ne serait-ce que du tiers le plus coûteux de ces embranchements profiteraient grandement aux producteurs de toute la région des Prairies.

À notre avis, certaines lignes secondaires seront viables parce qu'il y aura des régions éloignées qui se croiront captives en vertu du régime d'exportation des céréales que nous aurons tendance à appliquer. Il est vrai que les choses changent maintenant. Il y aura donc au moins là des possibilités pour les lignes secondaires.

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Les chemins de fer provinciaux dépassent peut-être la sphère provinciale ou municipale. Nous avons des préoccupations à cet égard, mais nous disons tout simplement que les règles devraient être les mêmes pour tout le monde, que la société qui exploite ces lignes secondaires à l'avenir soit la même qu'actuellement, c'est-à-dire le CP, le CN, etc., ou soit une nouvelle société.

S'il doit y avoir une loi du travail relativement à ces lignes, si elles doivent faire l'objet de subventions, ce que nous déconseillons, comme nous l'avons dit, nous voulons au moins que les sociétés qui les prendront en charge ou présenteront des offres soient sur un pied d'égalité. Et si ces lignes constituent un moyen moins cher d'expédier les céréales à partir de certaines régions, elles seront rentables.

M. Gouk: Merci.

Le président: Monsieur McKinnon.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Brièvement, à la page 4, sous concurrence, je vois une allusion à une réforme de la Commission canadienne du blé. Je sais qu'il est question ici de transport plutôt que de commercialisation, mais dans l'Ouest du Canada, les deux vont de pair. Avez-vous une opinion particulière au sujet de la Commission canadienne de blé dont vous voudriez faire part au comité?

M. Maguire: J'ai mentionné le camionnage, dans ce contexte, monsieur McKinnon. La résolution claire issue de notre congrès est que les producteurs doivent pouvoir choisir la façon dont ils commercialisent leurs céréales dans l'Ouest du Canada; la question est donc de savoir si la Commission canadienne du blé pourrait continuer d'exercer son monopole à l'avenir.

Les données concernant cette situation sont claires. Il n'y a qu'à voir, par exemple, la différence entre 4,20$ pour le blé dur qui se trouve dans nos élévateurs et les 8,70$ pour le blé qui traverse la frontière - c'est en dollars canadiens. Cette situation n'a pas toujours existé et elle n'existera pas toujours, mais les producteurs doivent pouvoir juger du marché. Avec un prix projeté de 5,65$ pour le blé dur numéro 2 actuellement, nous sommes loin du rachat de 10$ qu'exige la commission pour racheter mon propre blé qu'elle entend vendre aux États-Unis.

Notre position de base en tant qu'organisme est que nous voulons choisir la façon dont nous commercialisons nos céréales. Je soulève la question ici parce que, pour ce qui est du rachat, nous payons actuellement le transport et la manutention liés au réseau canadien pour transporter nos céréales au port d'exportation en vue de pouvoir participer au règlement final de mise en commun. En réalité, les céréales chargées à bord d'un camion à destination du sud ne passent pas par le réseau canadien et les producteurs paient pour un transport et une manutention qu'ils n'utilisent pas, en plus de payer le transport vers le sud et les frais de manutention imposés par les Américains, qui finit par représenter la moitié des frais de manutention dans le réseau canadien.

M. McKinnon: Aussi, quelle réforme convient-il d'apporter à la Commission canadienne du blé?

M. Maguire: Nous souhaiterions, entre autres, la mise en oeuvre de certaines des suggestions du rapport Steers de 1990-1991 - peut-être une structure coopérative mieux définie pour la commission. C'est une des choses qu'envisage sérieusement l'industrie. Les principaux intervenants seraient chargés des opérations mondiales pour la région un peu comme le fait le ministère actuellement, mais l'obligation de rendre compte à l'intérieur du processus serait renforcée.

La façon dont la structure initiale des prix est établie doit également être modifiée de façon à ce que les producteurs puissent être payés selon un mécanisme différent. Nous continuons de vouloir apporter des modifications au réseau de transport en maintenant le statu quo pour les producteurs; ceux-ci concluent un contrat avec la commission et ceux-ci doivent attendre que le volume prévu dans le contrat soit livré, quelle que soit cette perte, pour être payés. Nous devons procéder sur une base plus commerciale.

Lorsque je parlais des 8,70$, je ne faisais pas seulement allusion au fait que nous étions limités aux 20 p. 100 de la commission lorsque celle-ci décidait d'effectuer des ventes de nos céréales. Je voulais signaler cette situation qui fait qu'au 1er janvier 1997, il y aura 0,95$ le boisseau de plus en intérêt seulement pour la période de 15 mois. Il faudrait donc que le paiement final soit de 9,45$ pour que nous faisions nos frais, et nous sommes à 4$ de ce montant actuellement.

Le président: Merci, Glen.

Monsieur Fontana, avez-vous une brève question?

.1135

M. Fontana: Je constate que votre mémoire ne s'attarde pas aux dispositions sur l'accès concurrentiel, l'article 138 sur les droits de circulation ou le transfert en cas d'abandon. Je suppose que vous appuyez la position du gouvernement en ce qui concerne ces questions. Je n'ai pas très bien compris votre réponse à M. Gouk concernant les droits de circulation dans les provinces et les lignes secondaires. Je n'ai pas pu voir quel était votre point de vue.

Vous reconnaissez qu'il faut des lignes secondaires, mais vous ne dites pas si elles devraient jouir de pleins droits de circulation, ce qui serait de toute façon irréalisable à cause d'obstacles juridiques liés à la législation à cet égard. C'est fait actuellement de façon volontaire. De tels droits pourraient avoir un impact négatif sur le transfert, l'abandon et la création de lignes secondaires. Les lignes principales pourraient vouloir ne pas vendre ou abandonner ces lignes dans cette éventualité. Est-ce une question importante pour vous?

M. Maguire: Oui. Nous disons, à la rubrique protection des expéditeurs, être en faveur de droits de circulation limités à ce niveau. Nous pensons que pour que les lignes secondaires soient viables, la négociation entre les deux expéditeurs doit se faire de façon plus commerciale.

M. Fontana: Bon. Si je comprends bien, le point sur lequel vous insistez le plus dans votre mémoire à partir du début est le rétablissement des dispositions sur les droits acquis relativement au plafond.

M. Maguire: Oui.

Le président: Merci, monsieur Fontana.

Merci beaucoup de votre exposé au comité, monsieur Maguire. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.

M. Maguire: Merci beaucoup.

Le président: Merci également d'avoir répondu à nos questions.

Nous accueillons maintenant, au nom de l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers, M. Bill McNally, président et directeur général, QUNO Corporation; et il est accompagné de quelques-uns de ses collègues. Bienvenue au comité, messieurs.

Nous sommes prêts à vous écouter. Nous aimerions avoir un résumé, si vous le voulez bien, qui ne dure pas plus de 15 minutes, de façon à pouvoir vous poser des questions par la suite.

Vous pourriez peut-être commencer par nous présenter les gens qui vous accompagnent aujourd'hui, monsieur McNally.

M. Bill McNally (vice-président, Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers): Merci, monsieur le président.

Je m'appelle Bill McNally, je suis vice-président de l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers; je suis également président et directeur général de la QUNO Corporation. Je suis accompagné de Mel Numweiler, de la Canadian Forest Products, où il est directeur de la distribution générale, de Russ Lewis, directeur de la distribution à Stone Consolidated, de David Church, directeur des transports à l'ACPPP, et de Jim Foran, conseiller juridique de l'ACPPP.

.1140

Je voudrais d'abord dire que notre industrie vous est reconnaissante de pouvoir comparaître devant vous aujourd'hui. Comme nous vous avons envoyé notre mémoire d'avance, je me bornerai à faire quelques observations supplémentaires.

Notre industrie a ouvertement et activement appuyé la Loi de 1987. En tant que clients des chemins de fer, nous croyons que la réforme amorcée à ce moment-là doit se poursuivre.

Nous appuyons la privatisation du CN, l'objectif du chemin de fer de rationaliser ses opérations et de vendre ses lignes non rentables ainsi que son objectif visant à réduire ses coûts et améliorer la productivité de sa main-d'oeuvre. Toutefois, nous ne pensons pas que les avantages de la concurrence consacrés dans la Loi de 1987 doivent être sacrifiés au nom de ces objectifs. Nous craignons cependant que c'est ce qui risque de se produire avec ce projet de loi.

Le projet de loi contient, selon nous, un certain nombre d'éléments qui nuiront à la dynamique de la concurrence telle qu'envisagée dans la loi actuelle. À notre avis, les dispositions du projet de loi mettent davantage l'accent sur les revenus qui reviennent aux transporteurs que sur la création du système ferroviaire performant, efficace et concurrentiel dont ont besoin les fabricants et les exportateurs canadiens pour réussir sur les marchés mondiaux.

Nos besoins sont ceux que mentionnait au comité le 5 octobre M. Fontana, le secrétaire parlementaire. Il disait ceci: «Le vrai test de ce nouveau projet de loi consistera à voir s'il permet de réduire les frais de transport... des exportateurs». Nous souscrivons à cet objectif, mais nous ne pensons pas qu'il puisse être réalisé. J'y reviendrai.

Je n'ai pas à m'attarder sur l'importance de l'industrie canadienne des produits forestiers. Vous en êtes conscients pour la plupart. Elle est un exportateur majeur employant en tout un Canadien sur treize et maintenant une présence dans des centaines de localités canadiennes. Plus de la moitié de notre production de pâtes et papiers doit être transportée par rail, et, essentiellement, à partir de localités septentrionales en direction des États-Unis ou des ports.

Même si notre industrie est importante, elle a perdu de l'argent pendant des décennies. Au cours des quatre dernières années, de 1991 à 1994 inclusivement, les producteurs canadiens des pâtes et papiers ont perdu 5,1 milliards de dollars. Avec un investissement de presque 18 milliards de dollars, nous aurions dû réaliser au moins ce que rapporte une obligation à long terme du gouvernement - c'est-à-dire au moins 7 milliards de dollars - mais au contraire, nous avons perdu 5 milliards de dollars. C'est en réalité une perte de 12 milliards de dollars. Si nous avions réalisé des profits normaux, les coffres du gouvernement fédéral et des provinces seraient plus riches de 6 milliards de dollars en impôts payés.

Notre industrie a perdu cet argent pour un certain nombre de raisons fondamentales. D'abord, les marchés mondiaux de pâtes et papiers ont connu un ralentissement prolongé à cause de l'effet combiné de la récession et d'une capacité excédentaire.

Les hauts et les bas du dollar canadien nous ont touchés lourdement. Le faible dollar actuel nous permet de nous rétablir, mais le dollar fort antérieur nous a beaucoup nui.

La troisième raison est que nous avons affaire à un marché mondial libre et ouvert où interviennent des centaines de fournisseurs de pâtes et papiers et où nous avons dû réduire nos prix pour faire face à la concurrence. Nous en sommes venus à la conclusion que nos coûts étaient trop élevés et que nous n'étions plus concurrentiels. Nos coûts étaient plus élevés que ceux d'autres pays. Nous avons donc perdu de l'argent de cette façon.

La quatrième raison est que si nous vendons sur un marché mondial régi par les forces du marché, nous achetons beaucoup des produits dont nous avons besoin de fournisseurs canadiens qui ne fonctionnent pas en vertu des mêmes règles. Beaucoup de nos fournisseurs, comptant pour la moitié de nos coûts, sont des monopoles ou ont des pouvoirs monopolistiques en raison des politiques du gouvernement. Ils sont possédés, contrôlés, réglementés ou protégés par le gouvernement. De ce fait, ils n'ont pas réagi ou ne se sont pas adaptés suffisamment rapidement aux forces changeantes du marché lors du dernier ralentissement. La nouvelle situation a et continuera d'avoir un impact important.

Lorsque nos prix se sont effondrés de 1989 à 1993, le coût des produits que nous achetions des entreprises régies par les forces du marché a également chuté, mais le coût de nos achats de fournisseurs possédés, contrôlés ou protégés par le gouvernement a augmenté, parfois de façon très sentie. Un des exemples les plus révélateurs à cet égard a été Hydro Ontario, dont les tarifs ont augmenté de 40 p. 100 de 1989 à 1993 pendant que nos prix chutaient de 30 p. 100.

Les tarifs ferroviaires ont heureusement fait exception à la règle; ils sont demeurés constants au cours de cette période, après avoir diminué d'un pourcentage important pendant un an ou deux à la suite de l'adoption de la loi de 1987. Le crédit revient aux administrateurs des chemins de fer de même qu'à la Loi sur les transports nationaux de 1987.

.1145

À la suite du rendement ruineux de notre industrie au cours de la première partie de cette décennie, nos sociétés se sont réveillées et ont entrepris de grands changements.

Comprenant que le coût de nos opérations était trop élevé, nous avons commencé à le réduire. Nous avons également pris des mesures pour améliorer la qualité de nos produits de façon à ce qu'ils soient mieux accueillis sur le marché. Nous avons dû retarder un certain nombre de dépenses d'immobilisations, sauf les plus importantes, au chapitre de l'environnement et du recyclage. Nous avons décentralisé et réorganisé nos installations de façon à les rendre plus efficaces et à réduire notre main-d'oeuvre. Nous avons dû trouver du capital-actions supplémentaire pour réduire la dette que nous avons assumée à la suite de nos pertes. Nous avons réduit nos coûts de production en travaillant avec nos fournisseurs privés ou en choisissant entre les fournisseurs. Nous avons travaillé avec le gouvernement fédéral en vue de nous assurer un accès aux marchés étrangers. Nous avons enfin passé beaucoup de temps avec les gouvernements de tous les niveaux - municipal, provincial et fédéral - à essayer de les convaincre du fait que pour que l'industrie canadienne soit concurrentielle, tout le système économique canadien doit l'être.

Cette année, notre industrie réalise de meilleurs profits, en partie à cause du dollar plus faible, mais également à cause de la reprise des marchés mondiaux, au moment où les intervenants hésitent à étendre leur capacité. Les perspectives sont encourageantes pour l'année qui vient. Cependant, pour recouvrer les 12 millions de dollars que nous avons perdus au cours des quatre dernières années, nous devrons réaliser des profits sans précédent pendant un bon bout de temps, une situation peu probable compte tenu des cycles commerciaux qui se sont succédé au cours des 60 dernières années.

De même, pour que notre industrie prospère, elle doit réinvestir des montants d'argent importants afin de se moderniser, de devenir concurrentielle sur le plan des coûts et de fabriquer des produits à valeur ajoutée. À cette fin, nous devons pouvoir compter sur un rendement raisonnable au cours des 20 ou 25 prochaines années.

Nous souhaitons donc que le système économique au Canada soit propice à une telle amélioration de la compétitivité. Pour trop des choses que nous devons acheter, de nos intrants, nous n'avons pas vraiment le choix de fournisseur: qu'il s'agisse de l'électricité, des forêts, de services ferroviaires, des gazoducs, des syndicats du bâtiment, des autres syndicats ou des autres marchés de la main-d'oeuvre. Une grande part de nos fournisseurs ne sont pas concurrentiels parce qu'ils n'ont pas à l'être.

Nous estimons que tous les intervenants devraient être obligés d'être concurrentiels, devraient être obligés de disputer les marchés à d'autres. Nous pensons que seule la possibilité de perdre des marchés au profit de concurrents ou d'enlever des marchés à des concurrents permet à une entreprise de faire preuve de la discipline, de l'efficacité et de l'innovation nécessaires pour être performante et concurrentielle. C'est la raison pour laquelle nous disons que la politique gouvernementale doit faciliter l'action des forces du marché au Canada.

Je reviens maintenant ce que je disais tout à l'heure à propos des avantages de la Loi de 1987, qui permettaient un minimum de concurrence et qui ne doivent pas être sacrifiés, et de la nouvelle loi qui doit mettre l'accent non pas sur l'augmentation des revenus mais sur la réduction des coûts et l'amélioration de la productivité.

Le projet de loi C-101, dans sa forme actuelle, revient sur certaines des réformes de la loi de 1987, qui forçaient les chemins de fer d'agir comme s'ils étaient dans un marché concurrentiel. Le nouveau projet de loi réduit l'efficacité des prix de ligne concurrentiels en créant des obstacles à leur application. Il rend les chemins de fer d'intérêt local actuels et futurs moins concurrentiels en leur niant des droits de circulation et en les rendant tributaires des chemins de fer nationaux. Il ne rend pas non plus les prix de ligne concurrentiels accessibles aux expéditeurs se trouvant le long des lignes secondaires.

Ce sont là trois de nos préoccupations. Nous n'en avons pas beaucoup. Les recommandations détaillées de notre industrie se trouvent dans notre mémoire.

C'est donc notre déclaration liminaire, monsieur le président. Nous nous ferons un plaisir de donner d'autres explications ou de répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup de votre déclaration, monsieur McNally, et merci d'accepter les questions du comité.

Je vais procéder dans l'ordre inverse, cette fois-ci, et donner la parole d'abord à M. Fontana.

M. Fontana: Merci, monsieur le président.

Bienvenue, messieurs, et merci de votre déclaration, monsieur McNally. Je félicite votre propre entreprise pour les profits réalisés lors du troisième trimestre. Je vous souhaite de continuer de faire aussi bien. Votre industrie est très importante pour le pays. Nous avons besoin des exportations, des emplois, etc.

Il est juste - et vous l'avez souligné - que le vrai test de ce projet de loi dans sa forme finale tient à la productivité et à l'efficacité des transports de façon à ce que le prix que vous pouvez faire à vos clients soit très concurrentiel par rapport à celui des industries des autres nations. Nous devons évidemment faire face à la concurrence mondiale.

.1150

Nous nous entendons donc sur l'objectif à atteindre. Nous pouvons être en désaccord sur la façon dont nous devons nous y prendre pour en arriver à un réseau vraiment efficace et abordable.

Bill, M. Tellier a tenu à peu près le même discours que vous, sauf pour vos dernières observations, relativement aux prix de ligne concurrentiels etc. Vous auriez presque pu vous échanger vos déclarations. L'industrie ferroviaire - je suis sûr que le CP est de cet avis - a traversé des moments très difficiles. Elle est enfin redevenue profitable. Elle doit effectuer des dépenses en capital, en équipement, pour continuer de faire le travail. Vous dites essentiellement les mêmes choses.

Vos conclusions sont cependant quelque peu différentes. Vous voulez maintenir toutes les dispositions relatives à l'accès concurrentiel - je les appelle les dispositions sur la protection des expéditeurs - et c'est très bien; vous estimez que certaines des modifications apportées par le projet de loi C-101 affaiblissent cette protection ou les dispositions sur l'accès concurrentiel.

J'aimerais que vous me précisiez quelque chose. Il me semble qu'en vertu de l'article 38, l'office peut entendre toutes les demandes ou les plaintes qui sont portées à son attention. L'article 29, quant à lui, prévoit que l'office doit examiner toutes les plaintes rapidement et l'article 27 interdit de nier l'accès, prévoit la prise d'un arrêté ou l'octroi d'une réparation à l'expéditeur. Nous n'en sommes pas venus à ce stade. La façon de définir la notion de concurrence ou d'expéditeur captif d'un mode ou d'un chemin de fer continue de faire l'objet de discussions.

Comme cela n'a rien à voir avec les dispositions d'accès au réseau ni avec l'office et comme ça n'a absolument rien à voir avec l'arbitrage, puisque cela n'est pas une décision de l'office mais une décision de l'arbitre qui n'a rien à voir avec les dispositions relatives à l'accès concurrentiel, pouvez-vous nous dire pourquoi nous devrions protéger les expéditeurs, alors qu'en fait la concurrence existe, entre les modes de transport et entre les compagnies de chemin de fer, si cette protection nous empêche de créer une industrie ferroviaire rentable? Si nous ne pouvons pas accomplir ça, vous aurez des problèmes bien plus graves que ce projet de loi et le pays aura beaucoup plus de difficultés à transporter vos marchandises jusqu'au marché.

M. McNally: Nous contestons votre prémisse selon laquelle la concurrence existe. Nous avons des exploitations dans des régions septentrionales éloignées qui doivent expédier leurs produits sur de longues distances et le transport ferroviaire est pour nous la seule option si nous voulons être compétitifs.

Vous parlez de protection, nous préférerions avoir de la concurrence, car nous n'aurions pas besoin d'avoir accès à qui que ce soit si nous avions un choix. Nous le savons, car c'est ainsi que nous fonctionnons dans notre secteur. Alors chaque fois que le gouvernement accorde des pouvoirs monopolistiques, il est obligé de créer...

M. Fontana: Mais nous avons deux chemins de fer. Vous parlez d'un monopole. Pouvez-vous me dire combien de vos entreprises sont vraiment captives de ce chemin de fer? Ou pouvez-vous me dire ce que vous entendez par concurrence?

M. McNally: La réponse se trouve dans la quantité de tonnes que nous expédions par chemin de fer. Peut-être que Russ Lewis de Stone-Consolidated, l'un de nos premiers producteurs, pourrait vous répondre.

M. E. Russell Lewis (membre, Association canadienne des producteurs des pâtes et papiers): Ce que j'aimerais dire, c'est que pratiquement tous nos membres dépendent du transport ferroviaire dans une mesure qui varie selon l'emplacement de leurs usines, les quantités qu'ils expédient, leurs marchés de destination ainsi que le genre d'installations qu'ont les clients qui reçoivent le produit.

Pour toutes ces raisons, nous avons besoin des dispositions relatives à l'accès concurrentiel afin de rendre les règles du jeu équitables.

M. Fontana: Mais personne ne vous en prive.

Il y a maintenant une nouvelle disposition dont l'office pourra s'inspirer. Cette disposition prévoit que, non pas collectivement, mais individuellement, si vous n'êtes pas satisfait des tarifs que le chemin de fer veut vous imposer, ou du service qui vous est offert, alors vous avez accès à l'office et vous devez lui montrer que vous subissez un préjudice important à cause des mesures que les chemins ont pris à votre égard.

Est-ce injuste?

Ces chemins de fer sont des entreprises. Ils seront assujettis à la Loi sur la concurrence. Il y a certaines choses qu'ils ne pourront pas faire, évidemment, des choses que même vos entreprises ne peuvent pas faire. Il y a donc un cadre réglementaire qui protège les particuliers.

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Je suis assez perplexe lorsque j'entends tout le monde parler de la libre entreprise, du libre jeu du marché et dire: «Laissez-nous livrer concurrence», et que tout à coup les mêmes disent: «Mais protégez-moi. Ne permettez pas que la compagnie de chemin de fer obtienne un rendement raisonnable de son investissement».

Alors, dites-moi ce que nous sommes censés faire.

M. Lewis: Vous avez posé une question assez complexe et je pense que nous allons réussir à répondre à toutes les sous-questions qu'elle contient.

Ce que j'aimerais dire c'est qu'en ce qui a trait aux prétendues entraves qu'il y a dans le projet de loi et qui rendront l'accès à l'office plus difficile - le paragraphe 27(2) qui parle d'un préjudice important, l'article 113 relative aux conditions commercialement équitables et raisonnables et le paragraphe 34(1) - nous ne savons vraiment pas ce qu'elles font dans ce projet de loi.

Comme vous le savez très bien, depuis 1987, l'office a reçu très peu de demandes, probablement moins d'une dizaine. Aucune d'entre elles n'était frivole; aucune d'entre elles n'était vexatoire. Les demandes présentées à l'office étaient légitimes. Étant donné que le système fonctionne si bien, nous ne comprenons vraiment pas pourquoi il faut ajouter un autre niveau ou un autre obstacle.

Si nos usines font face à une véritable concurrence, je vais en profiter. Je n'aurai pas recours à l'office. Mais s'il n'y a pas de concurrence, alors je ne peux pas négocier avec les compagnies de chemin de fer à moins d'avoir vraiment accès à l'office.

Si vous érigez des obstacles, alors je perds cet accès à l'office. Mon pouvoir de négociation avec les chemins de fer s'en trouve diminué. Alors vous me forcez à me battre devant l'office et à perdre mon temps devant les tribunaux plutôt que de négocier avec les chemins de fer.

Je pense que c'est dans l'intérêt ni d'une partie ni de l'autre.

Voilà une réponse partielle à votre question sur l'accès et les obstacles, mais nous devrions parler de la viabilité, Bill.

Nous voulons que les chemins de fer soient prospères. Nous voulons que les chemins de fer réduisent leurs coûts. Nous ne pensons pas que les compagnies devraient augmenter leurs coûts. Nous ne devrions pas leur donner un permis et des pouvoirs monopolistiques accrus et nous pensons que c'est justement ce que fait ce projet de loi.

M. McNalley: Le problème a été décrit par les PDG des deux compagnies de chemin de fer lorsqu'ils ont participé à notre réunion de section en janvier 1994. Ils nous ont décrit leurs problèmes. Leurs taux de salaire sont trop élevés. Ils ont dit je crois que leurs employés gagnent en moyenne beaucoup plus qu'un tractionnaire qui assume tous les risques. Leurs employés sont trop nombreux. Ils ont trop de garanties d'emploi à vie. Ils ont des règles de travail trop restrictives. Ils ont un réseau de voies qui n'est pas économique.

Ils n'ont jamais dit qu'on ne les payait pas assez, car, à cette réunion en tout cas,...

M. Fontana: Vous devriez lire les commentaires de M. Turner.

M. McNally: C'est vrai, j'ai pris des notes.

Si vous comparez les tarifs que nous payons aux tarifs dans l'ensemble de l'Amérique du Nord, vous verrez qu'ils sont très compétitifs et justes. Ces tarifs ont été établis en raison des dispositions relatives à la concurrence de la loi de 1987.

Nous nous préoccupons maintenant de ces mécanismes intégrés qui obligeaient les deux parties à négocier, ce qui se produisait pour la première fois. Si on élimine ces mécanismes, les compagnies de chemin de fer essayeront-elles de régler les vrais problèmes qui leur sont soumis? Je comprends comment n'importe quel monopole, qui peut toujours répercuter ses coûts sur ses clients en augmentant ses prix, aboutira avec le même genre de problème. Je pense que c'est ça la question.

M. Gouk: J'ai passé pas mal de temps à parler à divers groupes: compagnies de chemin de fer, producteurs et expéditeurs. Et, notamment, votre groupe. Je suis donc tout à fait au courant de votre position et j'en connais les différentes facettes.

Au sujet de ces trois dispositions qui reviennent constamment - les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113 - nous avons entendu des témoignages divergents sur les répercussions qu'elles auront. Est-ce qu'il y a une de ces trois dispositions qui est plus importante que les autres? Est-ce qu'il y en a une des trois qui vous préoccupe davantage ou qui est plus critique pour vous? Sans nous parler du poids relatif que ces questions ont pour vous, laquelle est la plus importante?

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M. McNally: Je crois savoir qu'il y a près de 300 dispositions dans ce projet de loi. Notre association se réunit depuis pas mal de temps déjà et nous avons déjà fait des concessions fondamentales qui, je crois, nous exposent vraiment à une menace réelle, et ce, afin que les compagnies de chemin de fer puissent abandonner leur réseau de voies qui desservent peut-être certaines de nos centaines d'exploitation. C'était une grosse concession.

De là à renoncer à d'autres choses, pour qu'il n'en reste plus que quelques unes... nous estimons que nous avons déjà accepté beaucoup de choses et que nous avons fait beaucoup de concessions. Et maintenant, si vous nous demandez de renoncer à l'une de nos trois dernières revendications, pour que dans une semaine on nous demande laquelle de ces deux...? Je pense que nous avons déjà atteint... Il nous faut un système qui a une dynamique compétitive intégrée.

M. Gouk: Je me trouve dans une position où, de mon point de vue, j'ai une préoccupation... Je ne suis pas en train de négocier avec vous...

M. McNally: Non, je comprends cela.

M. Gouk: J'essaie d'obtenir des renseignements. Plus tard, lorsque nous aurons terminé nos audiences et que nous passerons à l'étude article par article, il se peut qu'au sein du comité il y ait des négociations et alors je veux savoir sur quoi je devrai insister. Si je dois faire des concessions afin d'accomplir quelque chose pour les personnes qui ont des préoccupations que j'estime légitimes, où est-ce que je dois mettre l'accent? C'est ce que j'aimerais que vous me disiez.

M. McNally: J'ai ici des associés qui ont passé beaucoup de temps avec nos entreprises membres et qui seraient capables de vous répondre mieux que moi.

M. Lewis: Monsieur Gouk, je pense que nous avons un problème. Tout au long du processus auquel nous avons participé, dès le premier jour, nous avons été très francs et nous avons reconnu, comme Bill l'a mentionné, que les compagnies de chemin de fer devaient pouvoir abandonner ou vendre des voies. C'est une concession très importante de la part des expéditeurs - extrêmement importante. Ce qui n'a jamais été envisagé, ce dont il n'a jamais été question, ce sont ces obstacles qui surgissent tout à coup.

Une voix: C'est vrai.

M. Lewis: Alors, pour ma part, je ne crois pas qu'on puisse maintenant nous demander de dire laquelle de ces trois questions est plus importante ou moins importante pour nous que les autres.

M. Gouk: Je comprends ça. Je n'avais certainement pas l'intention de vous mettre sur la sellette. Simplement, si plus tard je dois faire un choix, j'aimerais savoir sur quoi je dois mettre l'accent.

Laissons cela alors. J'accepte ce que vous dites et je comprends votre position.

Juste un commentaire au sujet des droits de circulation. J'en ai discuté avec plusieurs personnes, y compris avec vous. C'est l'une des questions sur lesquelles je ne suis vraiment pas d'accord avec Transports Canada. Je sais que cette question a été soulevée pendant certaines réunions que des fonctionnaires ont eues en mai ou en juin. Ou bien ils savaient, ou ils auraient dû savoir, que la question des droits de circulation ne relève pas de leurs compétences constitutionnelles. Le fait qu'ils aient soulevé cette question comme si elle était négociable et qu'ils aient essayé d'obtenir des concessions est la preuve, à mon avis, qu'ils négociaient de mauvaise foi. C'est une chose que je prendrai certainement en considération lors de nos futures délibérations.

M. Fontana: J'invoque le Règlement, monsieur le président.

Je pense que le député interprète mal ce qui est de compétence provinciale... vous savez cette question constitutionnelle qu'il soulève. Je pense qu'il a tort de dire que le gouvernement a négocié cette question. Le gouvernement n'a à aucun moment soulevé la question des droits de circulation provinciaux à la table des négociations. Ce sont des expéditeurs qui souhaitent évidemment avoir accès sans entrave aux voies secondaires provinciales. Ce n'est pas une question constitutionnelle. Il s'agit de savoir ce que ces chemins de fer d'intérêt local peuvent faire, dans le cadre de la réglementation fédérale, sur ces lignes secondaires provinciales, en ce qui a trait par exemple, aux PLC, à l'interconnexion et à un certain nombre d'autres facteurs.

M. Gouk: Monsieur le président, c'est une opinion plutôt qu'un rappel au Règlement.

M. Fontana: Je pense que c'est injuste lorsque vous dites que le gouvernement a négocié de mauvaise foi.

Le président: Probablement, monsieur Fontana. Laissons cela pour l'instant.

Jim, avez-vous...

M. Gouk: Je voudrais simplement préciser. Lorsque je dis «négocié», je veux dire que ces choses ont fait l'objet de discussions. Ces choses étaient à l'ordre du jour et on s'en est servi dans la discussion pour obtenir des concessions. Je suis au courant de bon nombre de ces conversations et j'ai les procès-verbaux de ces réunions. J'ai certains procès-verbaux par écrit. Il en a été question. Je tiens à ce que ce soit absolument clair.

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Je veux être sûr que vous sachiez que la question des droits de circulation me pose des problèmes. J'en ai discuté.

En outre, j'ai des préoccupations au sujet de certains pourparlers qui ont précédé ces négociations ou discussions - négociations n'est peut-être pas le mot juste - pour essayer de déterminer s'il y avait des compromis possibles.

Les fonctionnaires du ministère des Transports comparaîtront à nouveau et j'ai certainement l'intention d'approfondir cette question avec eux. Je garderai présent à l'esprit votre position. C'est tout, monsieur le président.

M. McNally: J'ai quelque chose à dire à ce sujet. Vous savez que j'ai participé de façon intermittente et à un moment donné il y a un certain niveau de service qui n'était pas offert alors que les droits de circulation l'étaient. Ensuite, la prochaine chose dont je me souvienne c'est que ce service était offert, et que les droits de la circulation l'étaient. Ça nous a laissés un peu perplexes.

Monsieur Foran, avez-vous souvenir de cela?

M. James E. Foran (conseiller juridique, Association canadiennes des pâtes et papiers): Non.

Dès le début de l'année, nous avons participé à une série de négociations et il est vrai qu'à une certaine époque, une proposition de dispositions relatives aux droits de circulation a été discutée. Il y a effectivement eu des discussions avec les chemins de fer à propos d'une disposition relative aux droits de circulation et celle-ci a fait l'objet d'un assez vaste consensus. Malheureusement, au bout du compte, des questions ont été traitées dans un cadre de concession mutuelle au lieu d'être évaluées au fond.

Les dispositions relatives au niveau de services répondaient à un besoin bien précis des expéditeurs et celles relatives aux droits de circulation répondaient à un autre.

Monsieur Gouk, cela ne me dérange pas, et je suis convaincu que rien dans la Constitution n'empêche un chemin de fer provincial de circuler sur une voie ferrée fédérale. De fait, dans les demandes présentées à l'office après l'entrée en vigueur de la loi, celui-ci a bien fait savoir qu'il pourrait accorder ces droits même si une loi fédérale l'en empêchait.

Ce qu'il faut, c'est une disposition dans la loi fédérale qui autorise expressément un chemin de fer provincial à circuler sur cette voie ferrée. C'est ce qu'il faut si l'on veut avoir un marché concurrentiel.

Le président suppléant (M. Hubbard): Merci.

Il reste encore un peu de temps. Jake, voulez-vous dire quelque chose?

M. Hoeppner: Les droits de circulation sont très importants pour le Manitoba. C'est sans doute là où l'on verra ce que l'on pourra faire avec les chemins de fer d'intérêt local. Je pense au cas de Churchill.

J'ai écouté et j'ai pris des notes et j'aurai d'autres discussions avec mes homologues provinciaux car j'estime que c'est à eux de régler la question des droits de circulation provinciaux ou des droits de circulation des CFIL.

Le président suppléant (M. Hubbard): Glen.

M. McKinnon: Avez-vous une liste des membres de votre association qui dépendent plus ou moins du chemin de fer et pouvez-vous me dire dans quelle mesure ils en sont vraiment tributaires? Il doit y avoir des endroits où le chemin de fer est le seul mode de transport qui existe et d'autres où le marché est plus ouvert. Pourriez-vous donner ce renseignement au comité?

M. McNally: Cinquante compagnies appartiennent à notre association. Nous sommes présents dans des centaines de localités. Beaucoup d'entre elles se trouvent soit dans l'arrière-pays, les régions du Nord ou à proximité des forêts. Certaines se trouvent sur la côte. Nous avons une papeterie sur la côte à Baie-Comeau. On peut expédier par bateau si la destination est un port côtier, mais si la destination est à l'intérieur des terres, il faut quand même un chemin de fer. C'est une question complexe.

Peut-être que David Church...

M. David Church (directeur, Transport, recyclage et achats, Association canadienne des pâtes et papiers): Le vrai problème, c'est la concurrence. S'il y a des concurrents, on va s'adresser à eux. S'il y a une saine concurrence à la papeterie, on va s'en servir. C'est quand il n'y a pas de concurrence qu'il faut pouvoir s'adresser à l'office pour donner à l'expéditeur un poids de négociation suffisant.

Nous avons ici - et cela intéressera peut-être les membres du comité, une carte qui représente toutes nos papeteries et qui montre où elles sont situées par rapport aux chemins de fer du pays.

Le président suppléant (M. Hubbard): Avez-vous une autre question?

M. McKinnon: Non, ça va.

Le président suppléant (M. Hubbard): Monsieur Collins.

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M. Collins: Je m'excuse d'être arrivé en retard.

Si l'on coupait le Canada en deux, si l'on séparait l'est et l'ouest, ce que l'on ne veut pas faire, évidemment, diriez-vous que le réseau ferroviaire de l'ouest du pays est rentable par rapport à celui de l'est?

M. Church: Dans nos discussions avec les chemins de fer, ils nous ont donné l'impression que les opérations dans l'Ouest sont plus rentables, mais nous n'avons pas de chiffres solides pour étayer cette affirmation. Nous n'avons vu aucun chiffre qui le prouve, mais c'est ce que les chemins de fer nous ont dit.

M. Collins: J'imagine que les paragraphes 27(2) et 34(1) ainsi que l'article 113 vous causent aussi des difficultés.

Si le comité décidait de supprimer ces dispositions, pourriez-vous vous accommoder du projet de loi?

M. McNally: S'il faisait disparaître ces dispositions?

M. Collins: Oui.

M. McNally: Pour faire disparaître nos inquiétudes sur ces points?

M. Collins: Oui. Vous vous arrangeriez avec le reste du projet de loi. Est-ce que ce serait acceptable?

M. Lewis: Je ne sais pas si je peux vous donner une réponse définitive, mais ce serait sûrement un pas dans la bonne direction.

M. McNally: Je pense que oui.

M. Fontana: Ca améliorerait beaucoup les choses.

M. McNally: Il y a six choses que nous voulions, je crois. C'est dans notre mémoire et je l'ai dit dans la conclusion. S'il nous faut des wagons ou s'il faut en obtenir...

M. Collins: Comme moi je viens de l'Ouest, ça me préoccupe. Je ne veux pas particulariser à outrance, mais je pense que tout au bout de la ligne, dans le secteur agricole, il y a l'agriculteur et je veux m'assurer qu'il pourra continuer à faire vivre son exploitation sans ces problèmes - c'est peut-être la même chose pour les exploitants forestiers - qui ne favorisent pas la vigueur d'une industrie.

Ceux qui sont venus ici aujourd'hui, dans l'ensemble, veulent qu'il y ait des chemins de fer qui puissent soutenir la concurrence; ils en ont besoin. Nous voulons nous assurer qu'ils peuvent faire des bénéfices aussi, parce que s'ils n'en font pas, nous serons tous dans le pétrin.

Mais ce que vous avez dit est juste. Ne créons pas d'obstacles supplémentaires. Favorisons la productivité et l'efficacité.

M. Church: Il y a une chose que je veux dire - et je pense que M. McNally et d'autres l'ont dit aussi - c'est que pour notre industrie, comme l'illustre bien la carte si vous examinez où sont situées nos papeteries, c'est que nous nous sommes fermement exprimés en faveur des dispositions relatives à la vente et l'abandon des chemins de fer. C'était beaucoup pour nous à cause de l'emplacement des papeteries. Je pense que ces dispositions vont largement contribuer à améliorer la viabilité des chemins de fer et réduire leur coût.

D'après nos renseignements, il y a beaucoup de voies ferrées qui peuvent et qui devraient être rationalisées. Si quelqu'un veut acheter la ligne, la règle c'est qu'il devrait pouvoir le faire. Pour nous, c'est une importante forme d'appui à la loi.

Le président suppléant (M. Hubbard): Madame Sheridan, c'est à vous.

Mme Sheridan: Monsieur le président, j'aimerais préciser certaines choses.

On dirait qu'au cours des derniers jours, notre comité n'est plus là pour examiner un projet de loi et entendre des avis, qu'ils soient positifs ou négatifs. On dirait que nous participons à des négociations collectives. Pour moi, notre rôle ce n'est pas d'opposer les deux parties l'une contre l'autre. Pour moi, ce qu'il y a de bon dans le projet de loi devrait rester et le reste devrait sauter.

Je voudrais aussi commenter, voire corriger ce que M. Gouk a dit. Il a créé l'impression qu'il allait partir en guerre pour faire disparaître ces dispositions. Il a des convictions et il va travailler d'arrache-pied pour que son point de vue l'emporte mais chacun d'entre nous ici au comité est là pour écouter ce que vous avez à dire.

Comme je viens de la Saskatchewan, je comprends jusque dans une certaine mesure les arguments qu'ont fait valoir les expéditeurs, mais au bout du compte, il faudra décider en fonction de l'objectif du projet de loi, qui est d'établir un équilibre entre les chemins de fer et les expéditeurs.

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Je n'aime pas l'idée d'une suppression en échange d'une autre; à ce rythme-là on va aboutir à une loi inutile en se disant qu'on a fait son boulot. Eh bien, ce n'est pour ça que je suis ici, ni vous non plus j'en suis sûr. Comprenez-moi bien, je vais écouter vos arguments à vous mais aussi ceux des chemins de fer et je vais soupeser leur poids respectif. Je ne vais pas négocier pour vous.

M. McNally: Je comprends la situation dans laquelle se trouvent les membres du comité. Je comprends la situation des chemins de fer...

Le président suppléant (M. Hubbard): Monsieur McNally, je vais vous interrompre ici, parce qu'il s'agissait davantage d'une déclaration que d'une question.

Joe veut poser une question. Je vais aussi donner aux témoins la possibilité de conclure, monsieur McNally.

M. Fontana: J'espère que M. McNally allait dire la même chose que moi, qu'il faut défendre l'intérêt public. Pour cela, il faut assurer la viabilité des chemins de fer et de l'industrie. Au bout du compte, une loi bien faite devrait permettre aux deux de survivre.

J'aimerais dire quelque chose à propos des droits de circulation parce que c'est une question de concession mutuelle. Soyons honnêtes, le gouvernement et des fonctionnaires de Transports Canada ont tenu consultation sur consultation à propos de ce projet de loi dans le but de créer un équilibre très délicat. Mais si vous pensez, monsieur, que de donner des droits de circulation absolus aux CFIL signifie que les grands chemins de fer vont vendre leurs voies ferrées, vous rêvez en couleur, parce qu'on ne verra pas de CFIL au pays et qu'il n'y aura ni abandon ni vente de voie ferrée. Nous allons nous retrouver dans la même situation qu'avant.

Si donc il faut trouver un accommodement, je pense qu'il faut étudier votre proposition et vous demander ce que vous voulez. Voulez-vous que les chemins de fer puissent soutenir la concurrence et abandonner ou vendre des lignes ou voulez-vous des droits de circulation absolus, ce qui écartera toute possibilité d'abandon et de vente? C'est aussi simple que cela. Et puis, il faut protéger l'intérêt public.

Pour ce qui est de ceci, c'est une carte excellente. Quand vous parlez de concurrence, je ne sais pas ce que vous voulez dire lorsque vous affirmez: «s'il y a des concurrents, on va s'adresser à eux». La concurrence, est-ce que c'est deux chemins de fer pour vous ou d'autres modes de transport? C'est ce que j'essaie de comprendre. Dans la même phrase, vous parlez indifféremment de concurrence et de réglementation et je pense que vous et moi ne parlons pas la même langue. Quand vous dites, «si nos membres ont accès à la concurrence», est-ce que vous voulez dire d'autres modes de transport - le chemin de fer, le camion et les navires - si bien qu'il y a de la concurrence sur le marché? Ou est-ce que vous parlez de deux chemins de fer qui se livrent concurrence pour vous avoir comme client?

M. McNally: La concurrence, cela signifie que pour un endroit donné, il est existe un choix de fournisseurs pour transporter le produit jusque chez notre client.

M. Fontana: «Un choix de fournisseurs», ça signifie quoi: deux chemins de fer, deux modes de transport?

M. McNally: Prenons le cas de Washington. Le transport peut se faire par bateau ou par chemin de fer. Ça, c'est de la concurrence. Pour aller à Chicago dans l'Illinois à partir d'un port, mettons celui de Baie Comeau - on ne peut pas passer par la mer ni par la route. Il faut prendre le chemin de fer. Or, il n'y a qu'une seule compagnie de chemin de fer: il n'y a donc ni concurrence, ni choix.

M. Fontana: Ne pensez-vous pas, dans ce cas, que l'office doit tenir compte de la situation particulière de l'expéditeur lorsqu'il présente une demande en vertu du paragraphe 27(2)? L'expéditeur demande en fait à l'office de considérer le préjudice important qu'il subirait. C'est tout ce que l'on dit.

M. McNally: Quand vous dites «préjudice important», je pense que la question est de savoir s'il y aura ou non concurrence.

M. Fontana: Bien sûr, il faut prendre cela en compte dans toute décision.

M. McNally: Est-ce qu'un fournisseur veut supplanter un autre fournisseur. C'est...

M. Fontana: Comme vous l'avez dit, le fait est que l'office ne décide pas grand-chose de toute façon, parce que toutes ces décisions sont négociées.

M. McNally: Dans la situation actuelle.

M. Fontana: Je ne crois donc pas que l'imposition d'encore un autre critère permettra de définir le recours qu'il faut, que cela pourra fermer l'accès ou que cela va permettre ou non aux expéditeurs et aux chemins de fer de s'entendre. Mais permettez-moi de vous demander...

Le président suppléant (M. Hubbard): Merci, monsieur Fontana.

M. Fontana: J'ai seulement une...

Le président suppléant (M. Hubbard): Je vais donner à l'un de nos témoins la chance de dire quelques mots, seulement pour conclure, avant de les remercier d'être venus, parce que nous devons entendre un autre groupe.

M. Lewis: Je crois qu'il faut remonter en arrière un petit peu, examiner la Loi sur les transports nationaux de 1987 et se demander pourquoi l'on a inséré dans la loi les dispositions relatives à l'accès concurrentiel, sans le moindre obstacle. Il s'agissait essentiellement d'introduire un élément de concurrence pour les expéditeurs dans les régions qui ne pouvaient concurrencer sur les marchés comme celui des États-Unis, où il y a tout un...

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M. Fontana: Vous voulez dire qu'on a imposé un règlement en 1987, et non la concurrence.

M. McNally: Une concurrence réglementée.

Le président suppléant (M. Hubbard): Nous allons demander à M. McNally de conclure, et si vous voulez bien, monsieur Fontana, vous pourrez tous les deux discuter de cette question en privé. Nous manquons de temps.

Monsieur McNally.

M. McNally: Je pense que vous avez une décision difficile à prendre; je comprends cela. Il y a un député ici qui a dit que si une disposition n'est pas à sa place dans le projet de loi, elle ne devrait pas y être - ça me paraît logique.

Mais nous ne sommes pas indifférents aux défis qui attendent les sociétés de chemin de fer. Nous savons qu'elles ont des problèmes structurels internes, avec les règles du travail, les conventions collectives et l'emploi à vie. Nous savons qu'elles ont des problèmes structurels sur leurs marchés externes parce qu'elles ont moins de retours à charge, des distances plus longues et une densité démographique faible, nous savons tout cela. Et nous savons qu'elles doivent faire des profits, seulement pour réinvestir.

Tout ce que nous voulons, c'est pouvoir nous asseoir à la table avec elles et négocier - c'est tout ce que nous demandons, et c'est ce que la loi de 1987 nous permettait de faire. Si nous ne pouvons négocier comme s'il y avait concurrence, nous craignons que la solution la plus facile pour elles de régler leurs problèmes sera d'augmenter les prix, parce que les défis qui les attendent sont considérables.

Pour nous, la concurrence encourage l'initiative, la discipline, l'innovation et l'efficience. Donc, tout ce que nous demandons, c'est la possibilité de négocier.

Le président suppléant (M. Hubbard): Merci, monsieur McNally et tous les autres. Comme je l'ai dit plus tôt, il se peut que votre groupe ait bientôt la possibilité d'acheter une partie de ces chemins de fer et de siéger au conseil d'administration de ces sociétés. Vous aurez cette possibilité, merci d'être venus.

Nos témoins suivants sont de la United Grain Growers, et je vois que M. Allen est ici. Auriez-vous l'obligeance de prendre place.

Monsieur Allen, le comité vous souhaite la bienvenue. Vous avez déjà témoigné devant notre comité et nous connaissons bien votre entreprise. Nous aimerions maintenant savoir ce que vous pensez du projet de loi C-101.

M. Ted M. Allen (président-directeur général, United Grain Growers Limited): Merci, monsieur le président. Je comprend qu'on a peu de temps pour les exposés. Nous vous avons déjà remis notre mémoire, je ne vous en ferai donc pas lecture. Je me contenterai de quelques brèves observations générales pour que nous pussions consacrer le gros de notre temps aux questions et réponses.

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Pour le secteur du grain et pour notre entreprise, des transporteurs en santé, en l'occurrence les chemins de fer, sont très importants. Cependant, nous croyons qu'il est essentiel que les chemins de fer recouvrent la santé en contrôlant leurs coûts. Nous n'avons aucun intérêt à augmenter leurs recettes. Notre intérêt est de les voir revenir à la santé par l'endiguement des coûts, et nous croyons qu'ils ont amplement la possibilité de faire cela.

Nous tenons également à souligner le fait que les chemins de fer ont toujours gagné de l'argent dans l'Ouest canadien avec le secteur des grains. Ce n'est pas notre secteur qui a compromis la santé des chemins de fer.

Ce que je tiens à dire, en dernière analyse, c'est qu'il n'y a pas de vraie concurrence dans ce secteur dans l'Ouest canadien. Ce qui existe en substance, c'est un duopole, et cela nous inquiète. Nous croyons que le projet de loi, à plusieurs égards, permettra d'aboutir à une loi sur les transports qui répondra bien à notre intérêt à l'avenir. Mais nous croyons aussi qu'il y a là des lacunes importantes, que nous commentons dans notre mémoire.

Pour employer une analogie, nous croyons que si ce projet de loi est adopté tel quel, les chemins de fer pourront aspirer tout l'oxygène qu'il y a dans la pièce et en réinjecter juste ce qu'il faut pour maintenir le patient en vie. Cela sera peut-être utile pour les actionnaires des chemins de fer, mais nous ne croyons pas que cela réponde aux intérêts de l'industrie du grain, et nous ne croyons pas que cela réponde aux intérêts du Canada.

Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Hubbard): Vous avez été en effet très bref.

M. Gouk: Je n'ai qu'une question. Au sujet de ce que vous dites sur l'arbitrage, je suis parfaitement d'accord, et j'ai la conviction que d'autres sont d'accord aussi.

Il y a une chose que je trouve intéressante, et c'est le fait que la plupart des intervenants représentant les expéditeurs et les producteurs nous ont fait part de leurs réserves au sujet des paragraphes 27(2) et 34(1) et au sujet de l'article 113. Vous n'avez mentionné que le paragraphe 27(2). Est-ce là votre principale préoccupation? N'avez-vous pas des réserves au sujet des deux autres dispositions que mentionnent les autres intervenants?

M. Allen: Ces trois dispositions nous inquiètent. Réflexion faite - et j'ai écouté certains témoignages que vous avez entendus plus tôt - le projet de loi actuel impose des contraintes à l'office au niveau décisionnel; je songe particulièrement à l'article sur le préjudice important, mais il y a d'autres contraintes aussi. On impose des contraintes à l'office et on ne permet pas au bon sens de s'exprimer. Les contraintes ne sont pas précises; c'est donc comme si on nous demandait d'acheter chat en poche. Qu'est-ce qui constitue un préjudice important au paragraphe 27(2)? Qu'est-ce qui constitue une mesure frustratoire au paragraphe 34(1)? Qu'est-ce qui est commercialement équitable et raisonnable à l'article 113? Tout cela est plutôt vague et nous inquiète vivement.

En outre, pour ce qui est des recours à l'office et du terme «frustratoire» au paragraphe 34(1), y a-t-il eu tant de recours par le passé que l'office s'inquiète d'en être inondé? À mon avis, cela découragera les gens de faire valoir les recours légitimes auprès de l'office, alors qu'en fait il n'y a jamais eu de problème jusqu'à ce jour.

M. Gouk: Je précise tout de suite que nous allons entendre le témoignage de l'office et que j'ai pris la peine de demander à ses représentants de nous remettre toute documentation qui prouverait que les paragraphes 27(2) ou 34(1) ont été nécessaires depuis 1987. Ce sera donc intéressant de savoir s'ils ont des preuves en ce sens et, sinon, comment on peut justifier l'introduction de telles mesures.

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Le président suppléant (M. Hubbard): Monsieur Benoit.

M. Benoit: Bienvenue, monsieur Allen.

Si vous étiez ministre des Transports et que le Cabinet vous autorisait à faire ce que vous voulez du projet de loi C-101, ou quelque chose de ce genre, que feriez-vous? Vous le dites ni plus ni moins dans votre mémoire, mais j'aimerais que vous nous disiez en quelques mots ce que vous feriez maintenant et ce que vous feriez des limites qui vous attendent aussi.

M. Allen: Il s'agit bien sûr d'un tout. Je pense qu'une bonne part de la difficulté qu'ont eue les témoins, c'était de choisir l'élément qui les inquiétait le plus. En fait, selon la situation, il y a diverses dispositions qui sont inquiétantes. J'ai l'air de tourner autour du pot ici, mais ce n'est pas le cas.

Si j'étais ministre des Transports, je commencerais par prendre acte des besoins réels de notre pays à cet égard. J'examinerais l'environnement actuel, et il y a dans cet environnement un pays immense - et c'est de l'Ouest canadien que je parle, parce que c'est vraiment la seule région que je connais - où il y a ces deux sociétés de chemin de fer qui, dans plusieurs régions, ne sont pas suffisamment proches l'une de l'autre pour offrir la moindre concurrence.

Si je songe au long terme, je pense que même si l'on avait la possibilité de changer de transporteurs, aucun des deux ne prendrait le risque de damer le pion à l'autre, sachant qu'on pourrait lui faire la même chose. Cela m'inquiète beaucoup. Donc, si j'étais ministre des Transports, je considérerais la situation et j'en conclurais que ce n'est pas un milieu concurrentiel. J'envisagerais des mesures qui permettraient à la loi de stimuler artificiellement la concurrence. C'est vraiment ce que les expéditeurs veulent.

Si vous cherchez d'autres exemples, le plus évident est celui des États-Unis. Les chemins de fer adorent la loi Staggers parce qu'elle est très favorable aux chemins de fer. Et si l'on regarde ce qui se passe dans diverses régions américaines, on constate que lorsque les chemins de fer sont proches les uns des autres et qu'ils doivent se faire concurrence, les tarifs sont beaucoup plus bas que dans les régions où les chemins de fer concurrents sont éloignés les uns des autres. J'encouragerais donc le gouvernement à envisager des moyens de créer un environnement qui stimulerait artificiellement la concurrence.

La question de l'arbitrage est intéressante. La première fois que j'ai entendu parler de cette question, j'ai pensé que c'était une idée formidable. C'est un mécanisme qui permet à une tierce partie de résoudre un différend d'une manière raisonnable. Mais si on y regarde de plus près, on constate que ce processus ne favorise qu'une seule partie. L'expéditeur propose un tarif. Le chemin de fer examine le tarif et décide ensuite de faire une offre. C'est comme jouer au poker et montrer son jeu à l'adversaire, qui décide alors de faire sa mise.

M. Benoit: Question concurrence seulement, vous dites qu'il n'y a pas vraiment de concurrence entre les deux chemins de fer, et qu'il n'y a pas vraiment non plus de concurrence au niveau des prix. Vous dites aussi, cependant, qu'il faut garder les plafonds jusqu'en 1999 pour permettre aux chemins de fer de devenir plus efficients. Je crois que c'est comme ça que vous l'avez dit. Sachant ce que vous dites au sujet de la concurrence, est-ce qu'on pourrait supprimer les plafonds après 1999?

M. Allen: Oui, je crois qu'on pourra le faire si l'on a prouvé au cours de cette période que la loi a évolué dans le sens voulu. A mon avis, l'un des avantages de l'examen, c'est qu'on a un délai raisonnable pour examiner l'évolution de la situation sur le terrain, pour voir ce qui est advenu des tarifs, de la concurrence et du comportement des chemins de fer dans ce milieu-là.

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M. Benoit: Vous dites que vous voulez des mesures qui stimuleront la concurrence. Soyez plus précis et dites-nous si, à votre avis, ce projet de loi aura les effets voulus et si les paragraphes 27(2) et 34(1) et l'article 113 permettront au système de fonctionner.

M. Allen: Avec le libellé actuel?

M. Benoit: Oui.

M. Allen: Non. J'ai de sérieuses réserves. Je pense aussi qu'il faut changer le mécanisme d'arbitrage de telle façon que les concurrents auront des chances égales.

M. Benoit: Si ce projet de loi entre en vigueur tel quel, qu'adviendra-t-il d'ici deux ou trois ans?

M. Allen: Je crains que les expéditeurs lésés n'hésitent beaucoup à faire valoir leurs réclamations légitimes auprès de l'office. Et si l'office est entravé par la règle du préjudice important, qui sait quelle interprétation on lui donnera? Il se peut fort bien que les expéditeurs soient sérieusement défavorisés par les décisions de l'office. Le bon sens pourrait se perdre, et qui sait comment on définirait le préjudice important?

Le président suppléant (M. Hubbard): Merci, monsieur Benoit. Je vais maintenant passer à Mme Sheridan.

Mme Sheridan: Monsieur Allen, je vous sais gré de votre bref exposé. J'ai quelques questions précises à vous poser.

Tout d'abord, vous dites à la page 4 de votre mémoire que vous voulez qu'on modifie le paragraphe 165(5) afin que l'office soit obligé de motiver ses décisions par écrit. Vous êtes l'un des rares témoins à avoir dit cela, et je tiens à vous dire, personnellement, que je suis d'accord avec vous. Il n'y a rien de plus irritant que de se présenter devant un organisme quasi judiciaire et de se faire répondre sans le moindre motif. Comme vous le dites fort bien, une réponse motivée, si on est dans le tort, cela donne une idée de ce qu'on a mal fait, cela nous dit comment on peut corriger la situation, etc. J'imagine que cela donne aussi, à long terme, des motifs de recours quelconques.

Mes questions portent sur les pages 2 et 3 de votre mémoire. Je crois qu'il y a une petite contradiction dans ce que vous dites. Sous la rubrique «Favoriser la concurrence», vous dites craindre que les chemins de fer n'exploitent les expéditeurs captifs.

Je suis députée de la Saskatchewan... même s'il peut être difficile de trouver des expéditeurs captifs dans certaines régions du pays, dans certains cas, la géographie de la Saskatchewan rend cela moins difficile dans certaines circonstances. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Allen: Oui...

Mme Sheridan: D'accord, je vous arrête là. C'était une très bonne réponse, mais...

M. Allen: J'ai une réserve.

Mme Sheridan: Je vous écoute.

M. Allen: Le fait est que c'est très difficile si les deux chemins de fer sont proches et qu'on a pourtant englouti 10 millions de dollars dans des installations alors que le point de correspondance est très loin.

Mme Sheridan: D'accord. Mais vous admettez qu'il y a des expéditeurs captifs, sans quoi vous ne craindriez pas qu'ils soient exploités, j'imagine.

M. Allen: Absolument, oui.

Mme Sheridan: D'accord. Passons alors au point suivant.

Au premier paragraphe, vous dites:

Plus loin, sous la rubrique «Dispositions relatives à la protection des expéditeurs», page 3, vous parlez d'interconnexion, de prix de ligne concurrentiels et de dispositions relatives au niveau de services, soit des éléments qu'on retrouve dans la loi, et vous dites vouloir conserver ces mesures qui sont des exemples de dispositions relatives à l'accès concurrentiel. Est-ce exact?

M. Allen: Oui.

Mme Sheridan: Voici ma question. Chose certaine, certains témoins que le comité a entendus diraient que les dispositions relatives à l'accès concurrentiel sont des règlements. Cependant, vous n'êtes pas d'accord. Pouvez-vous nous expliquer cette contradiction apparente?

M. Allen: Je vais essayer.

Lorsque j'opposais la réglementation au «marché», ce que j'avais à l'esprit, c'était surtout l'expérience historique de l'industrie, dont toutes les facettes ont été réglementées jusqu'à l'os. J'imagine que ce que nous faisons, c'est promouvoir le plus possible un système plus axé sur le marché, tout en admettant que si les conditions nécessaires à la création d'un marché concurrentiel sont inexistantes, il faut qu'il y ait une certaine réglementation - comme je l'ai dit dans mon allocution liminaire - pour stimuler cette concurrence.

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Mme Sheridan: Ce qui m'amène au point suivant. Au troisième paragraphe de la page 2, sous la rubrique «Favoriser la concurrence», vous dites que les expéditeurs de grain bénéficieraient d'un accès accru au marché américain, qui est un marché libre. Vous dites expressément que la Commission canadienne du blé interdit l'accès à ce paradis.

Mais vous venez de me dire que vous voulez, dans toute la mesure du possible, laisser le marché diriger le cours des choses, sauf dans les conditions qui ne justifient pas ce genre d'approche et où il faut alors une réglementation.

Je répondrai à cela que c'est exactement le rôle que joue la Commission canadienne du blé. C'est bien beau de dire que les fermiers doivent avoir accès aux marchés et qu'ils doivent remplir les camions.

J'ai grandi sur une ferme. Si on vit près d'Estevan, comme Bernie, la frontière américaine est à un pas.

M. Collins: Ne parlez pas d'Estevan.

Mme Sheridan: Mais si vous vivez là où vit M. Althouse, par exemple, dans le Nord de la Saskatchewan, c'est beaucoup plus difficile.

Je tiens à répéter que j'y vois une contradiction. C'est comme si vous ne vouliez que les règlements qui vous aideront; autrement, les règlements ne valent rien. J'imagine que c'est la nature humaine, mais étant donné que nous voulons façonner une loi nationale qui fera le plus grand bien possible au plus grand nombre de gens, vous devrez peut-être y repenser un peu.

M. Allen: Vous voulez que je réponde à cela? Je ne crois pas que c'était une question.

Mme Sheridan: D'accord, désolée. C'est la mère en moi qui parle. Repensez-y. Ce que j'aurais dû dire, c'est: que pensez-vous de ça, monsieur Allen?

M. Allen: D'abord, pour ce qui est de donner aux fermiers ou aux entreprises l'accès à des marchés différents, ce qui nous intéresse, c'est ce qui va les libérer, si vous voulez, de la tyrannie des expéditeurs captifs. Cela leur offrirait d'autres choix.

À l'heure actuelle, les fermiers n'ont pas le choix s'ils n'aiment pas ce qu'ils ont chez eux.

Ce que vous dites au sujet de la géographie est intéressant, parce que l'un des litiges les plus amers dirigés contre le système actuel est animé par un fermier de la région de M. Althouse. Il est parfaitement faux de dire que ceux d'entre nous qui sont près de la frontière américaine vont profiter largement du système au détriment des autres.

Pour moi, un marché concurrentiel, c'est comme un cours d'eau. Le cours d'eau recherche le niveau qui lui convient. Quand on crée des barrières, le cours d'eau se trouve à un niveau à un endroit et à un niveau tout à fait différent à un autre parce qu'on ne le laisse pas suivre librement son cours.

Même si on est d'accord avec vous pour dire qu'une bonne part du grain quitterait la partie sud des Prairies, cela permettrait aux fermiers de la partie nord d'obtenir un prix plus élevé des autres marchés. Nous avons déjà vu cela sur le marché de l'orge fourragère dans le Sud de l'Alberta, où les pénuries qui se sont produites sur ce marché ont été comblées par le grain qui provenait d'aussi loin que le Nord-Est de la Saskatchewan parce que les fermiers ont décidé que c'était leur meilleure source d'approvisionnement.

Mme Sheridan: Je garde les mêmes réserves quant à la contradiction que je vois dans l'idée que vous vous faites de la réglementation. Ce n'est pas parce qu'il y a un fermier dans la circonscription de M. Althouse qui est heureux de la situation que cela suffit à régler le problème géographique de notre province.

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C'est logique de penser que plus loin on est, le moins d'accès on a. C'est pourquoi vous voulez avoir les dispositions relatives à l'accès concurrentiel pour vous protéger, vous, les expéditeurs.

M. Allen: Si je vous ai donné l'impression qu'il n'y avait qu'un seul fermier dans la région de M. Althouse, je vous assure que ce n'est pas le cas. En fait, nous avons même...

Le président suppléant (M. Hubbard): Avez-vous une longue question, madame Sheridan?

Mme Sheridan: Une longue question? Toutes mes questions sont longues. Mais non, je n'en ai pas.

Le président suppléant (M. Hubbard): Je sais que Bernie est impatient; c'est lui qui s'occupe de l'autre partie de la Saskatchewan.

M. Collins: Monsieur le président, permettez-moi de dire que je suis tout à fait d'accord avec mon collègue au sujet du paragraphe 165(5). Il n'est que juste et réaliste de vouloir être entendu si on a pris la peine de préparer un document. Il ne suffit pas de dire à l'autre qu'il a perdu.

Je pense que vous avez parfaitement raison de dire ce que vous dites au sujet du paragraphe 165(1). Oui, c'est un peu comme au poker; vous allez montrer votre jeu à l'adversaire, qui verra ce que vous avez. À mon avis, dans un arrangement comme celui-là, les deux côtés devraient être en mesure de présenter leur position, et de là on pourrait négocier.

Je viens de noter cela à la hâte, et j'espère que c'est exact. Si je vous ai bien compris, vous dites que la santé des transporteurs passe par l'endiguement des coûts. C'est le remède que vous prescrivez aux transporteurs. Et vous alors? Vous savez, c'est facile de dire à l'autre comment gérer son entreprise, mais lorsqu'il s'agit de formuler ce projet de loi-ci, je vous assure que les autres ont des réserves eux aussi.

Ce que je veux savoir, c'est comment vous allez leur dire ça à eux. Que croyez-vous qu'ils vont faire pour endiguer leurs coûts s'ils sont aux prises avec ces réalités syndicales sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle?

M. Allen: Permettez-moi d'abord de parler des compagnies de mon industrie. Il y a six grands acteurs et un grand nombre de petits acteurs, et les forces de la concurrence sont féroces dans notre industrie. Rien que pour cela, si vous ne limitez pas vos coûts, vous êtes condamné. On a donc raison de poser la question.

Désolé; quelle était l'autre question?

M. Collins: À ce sujet, que voulez-vous qu'ils fassent?

M. Allen: Vous parlez des conventions collectives et des autres questions entourant la gestion de ces compagnies.

Ces compagnies ont décidé de s'entendre avec leurs syndicats. Jusqu'à présent, le CN a quelque peu été entravé par Big Brother, mais à compter de maintenant, si la privatisation du CN se réalise, c'est la compagnie qui décidera quelles concessions elle voudra faire à ses syndicats et quelles concessions les syndicats devront faire. C'est ce qui se fait dans un milieu plus normal.

La réserve que j'ai ici, c'est que, étant donné l'importance des transports au Canada, le gouvernement par le passé était disposé à intervenir, pour des considérations politiques étroites, et à imposer des règlements qui, à mon avis, ne répondaient pas toujours aux intérêts supérieurs du Canada. Quand je dis «politiques», je pense aux pressions du grand capital.

M. Collins: En somme, vous dites que l'industrie du grain a toujours été bonne pour les chemins de fer, qui réalisaient des profits. J'espère avoir bien compris votre perception de l'industrie du grain.

Si nous incorporons dans le projet de loi certains de ces éléments négatifs, car c'est ce que j'en pense, le fait est que vous allez en souffrir, et à mon avis les transporteurs vont en souffrir aussi. Si ce n'est pas bon pour vous, les expéditeurs, j'imagine mal comment cela pourrait profiter aux chemins de fer, si l'on ne parle que de l'industrie du grain pour le moment.

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M. Allen: L'industrie du grain va en souffrir. À court terme, les transporteurs se porteront mieux, mais à long terme, si vos clients ne sont pas en aussi bonne santé que vous le voudriez, vos clients vont en souffrir. Chose plus importante, à mon avis, ce ne sera pas bon pour le Canada.

Le président suppléant (M. Hubbard): Merci, monsieur Collins.

Notre loyale opposition est absente depuis quelques jours; donc, si vous êtes d'accord avec votre président, je vais accorder quelques minutes à M. Althouse.

M. Althouse (Mackenzie): Monsieur Allen, vous dites qu'on a dérèglementé les éléments silos et terminus du système de manutention des grains, et que depuis quelques années maintenant vous sentez souffler le vent frais de la concurrence. En tant qu'usager de ces services, je n'ai pas vu beaucoup de changements dans mes coûts à moi. J'imagine que si je négociais je pourrais obtenir un meilleur tarif; donc je comprends ce que vous dites quand vous faites valoir que vous ne pouvez pas négocier beaucoup s'il n'y a que deux chemins de fer, par opposition aux six ou huit choix de silos que j'ai en tant que producteur.

Entendu que la déréglementation n'entraîne pas forcément une réduction des prix pour l'utilisateur, quelle est la position de votre société en ce qui concerne les wagons consignés, puisque vous représentez les agriculteurs dans une certaine mesure? L'existence de ces wagons consignés est quelque chose qui est imposé depuis 1901 environ. Faut-il envisager la déréglementation de cet aspect également, puisque c'est la seule possibilité qu'ont toujours les agriculteurs exploitants pour contourner le système des silos et avoir accès à l'espace et aux services?

M. Allen: Je n'accepte pas votre prémisse de départ. Nous nous attendons à une grande déréglementation, parce que nous pensons qu'en fin de compte les gouvernements n'ont pas le choix. À mon avis, le régime actuel n'est pas très dérèglementé. Le 1er août, nous sommes passés de la LTGO à la LTN de 1987, avec quelques ajouts. Nous sommes en train d'examiner le troisième projet de loi qui nous régira dans moins d'une année probablement.

Par le passé, d'autres sociétés céréalières n'étaient pas d'accord avec nous. Donc nous étions presque les seuls à appuyer le droit des producteurs de charger les wagons consignés. Selon nous, le recours aux wagons consignés indique bien le niveau de mécontentement. Les wagons consignés étant une façon de contourner le système, le message est que le coût du service offert par l'industrie est trop élevé.

Je n'ai jamais été très inquiet devant la possibilité que les wagons consignés deviennent la façon préférée d'expédier des céréales. Si nous et les sociétés de chemin de fer arrivions à nous organiser comme il faut, il serait possible, grâce à cette consolidation, de charger beaucoup de wagons en même temps; deux choses que les chargeurs de wagons consignés n'ont pas pu faire. Le rabais du prix de transport des marchandises à lui seul devrait annuler l'avantage que représente le recours aux wagons consignés pour éviter de payer les coûts du système, si ces coûts sont raisonnables.

M. Althouse: Est-ce que la possibilité apparente d'imposer des droits de stationnement ne permet pas aux compagnies céréalières de décourager le recours aux wagons consignés?

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M. Allen: Les compagnies céréalières sont dans la même position que les producteurs à cet égard. Ce qui nous préoccupe, c'est le fait que l'on impose des droits de stationnement dans le cas de wagons qui sont retardés pour des raisons indépendantes de notre volonté.

M. Hoeppner: Est-ce qu'un système différent de répartition des wagons vous permettrait d'avoir une certaine concurrence dans le système des chemins de fer? Est-ce qu'on peut avoir vraiment les mêmes règles du jeu pour tous dans notre système de transport, compte tenu des taxes excessives - les taxes sur le carburant, les taxes foncières, les taxes sur les routes, ou quel que soit leur nom exact?

Si on réformait dans la Commission du blé, est-ce qu'il y aurait davantage de concurrence dans le domaine des transports s'il n'y avait pas de discrimination contre les industries à valeur ajoutée? Je sais qu'il y a des compagnies céréalières qui se fusionnent avec des multinationales aux États-Unis pour créer des consortiums afin d'éviter ce problème.

M. Allen: Votre première question porte sur la répartition des wagons. La réforme de ce système est primordiale si nous voulons réussir à accroître l'efficacité du système. Connaissez-vous d'autres manufacturiers qui ne contrôlent ni l'arrivée ni le départ du produit dans leurs installations? Pour bien gérer l'entreprise, il faut contrôler ces questions de logistique. C'est essentiel.

Vous avez également parlé des règles du jeu. Je comprends un peu le point de vue des sociétés de chemin de fer lorsqu'elles parlent de taxes; cependant, ce qui m'inquiète, c'est que depuis un certain nombre d'années nous nous contentons de mettre des cataplasmes plutôt que d'essayer de corriger les causes des problèmes.

Comme pays, il faut mettre au point un régime fiscal équitable qui nous permette en même temps d'être compétitifs sur les marchés mondiaux. Nous ne pouvons pas continuer à mettre des cataplasmes pour satisfaire les sociétés de chemin de fer, car les autres intervenants vont avoir un problème dans un autre domaine. Et le cycle est sans fin.

M. Hoeppner: Que pensez-vous de la réforme de la Commission du blé? Il s'agit d'une question très importante.

Le président suppléant (M. Hubbard): Je le sais, mais je ne suis pas sûr que ce soit la question à l'étude aujourd'hui. Vous aimeriez peut-être en parler à M. Allen en privé.

Je tiens à vous remercier d'être venu, monsieur Allen. Des fois, vous deviez avoir l'impression d'être membre du comité. Je pense que c'est la troisième fois que je vous vois au Comité des transports. Je vous remercie d'être venu et de nous avoir présenté vos points de vue.

La séance est levée jusqu'à 15h30.

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