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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 5 octobre 1995

.0933

[Traduction]

Le président: Bonjour, chers collègues. Nous entreprenons l'étude du projet de loi C-101. Ce matin, nous aurons une séance d'information sur ce projet de loi avec les fonctionnaires du ministère des Transports. Les membres du comité connaissent déjà bien Moya Greene. Je lui demanderais de bien vouloir nous présenter ceux qui l'accompagnent ce matin.

Mais, juste avant, Moya, l'usage veut que le président souhaite la bienvenue à tout nouveau membre du comité. Nous souhaitons donc la bienvenue à M. David Chatters, le plus récent membre du comité.

Bienvenue, David. J'espère que, comme tant d'autres membres de ce comité, vous vous plairez parmi nous.

Moya, auriez-vous l'obligeance de nous présenter vos collègues et de commencer votre exposé?

Mme Moya Greene (sous-ministre adjointe, Politiques et coordination, ministère des Transports): Merci, monsieur le président.

Ce matin, je suis accompagnée de Jed Cochrane, Jean Patenaude et Clyde McElman. Nous espérons que tous ensemble nous saurons répondre de façon succincte et claire à toutes les questions que vous voudrez nous poser. Si nous en sommes incapables, monsieur le président, nous nous efforcerons de vous fournir les réponses le plus rapidement possible.

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J'espère que vous me permettrez de faire quelques observations préliminaires avant que nous passions à l'ordre du jour.

Premièrement, au nom du ministère, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir accepté d'examiner cette importante mesure législative dès le début de la session. C'est un projet de loi très important pour le secteur des transports et pour la réforme que le gouvernement propose pour tous les modes de transport au seuil du XXIe siècle.

Vous connaissez déjà de nombreux aspects de cette réforme, car, comme vous l'avez mentionné, nous avons comparu devant ce comité à maintes reprises au cours des dernières années. Ce projet de loi est important parce qu'il s'agit d'une refonte de plusieurs lois dépassées et qu'il deviendra la principale réglementation économique qui s'appliquera au secteur des transports.

Le ministre a présenté très clairement les objectifs de la réforme hier. Je ne m'attarderai donc pas sur les détails. En fait, ces objectifs sont énoncés à l'article 5 du projet de loi. Toutefois, il y a un aspect qui d'après moi mérite d'être souligné un peu plus. Comme le dit l'article 5, il ne faut avoir recours à la réglementation économique que lorsqu'elle s'impose, c'est-à-dire lorsque les forces compétitives et commerciales du marché sont insuffisantes ou qu'elles sont incapables de discipliner les relations entre les parties. C'est ce que prévoit l'article 5, et c'est un objectif qui existe depuis quelque temps déjà.

À diverses occasions dans le passé, en 1967 et en 1987, nous nous sommes penchés sur cette question pour voir si nous avions trouvé le juste équilibre entre une réglementation économique nécessaire et ce qui pourrait vraisemblablement être laissé aux forces commerciales pour que celles-ci règlent les relations entre les diverses parties du secteur des transports.

C'est essentiellement ce que nous essayons de faire dans ce nouveau projet de loi.

Je tenais à le préciser, car, même si les réformes antérieures avaient le même objectif, c'est le principe que nous avons retenu encore une fois pour orienter ce projet de loi.

Alors, pour chaque élément du cadre qui était en place nous nous sommes demandé si cette réglementation s'impose toujours. Si nous jugeons qu'il faut réglementer et que nous rédigeons un règlement nous devons alors nous demander si nous pouvons le libeller de façon à encourager les parties à assumer une plus grande responsabilité pour les éléments visés par la réglementation.

Lorsque nous avons examiné le projet de loi, nous avons constaté que de nombreux éléments de la Loi de 1987 sur les transports nationaux n'étaient probablement plus utiles. Nous avons constaté que nous prétendions réglementer les transports routiers alors que dans tous les cas, sauf un, les questions étaient visées par des lois distinctes ou étaient réglées par les parties elles-mêmes. Nous avons constaté, par exemple, que nous n'avions pas accordé suffisamment d'importance à la maturité de l'industrie et à la possibilité de régler certaines préoccupations particulières par l'application d'autres lois de nature plus générale. Ainsi, par exemple, nous avions, dans la Loi sur les chemins de fer, des dispositions visant à réglementer les affaires commerciales des chemins de fer qui étaient très différentes des dispositions régissant toutes les autres sociétés au Canada, au moment où nous avons des lois sur les sociétés qui sont à la fois modernes et d'application générale. Nous avons constaté que dans la loi de 1987 sur les transports nous avons probablement été trop timides dans notre application du droit et des principes généraux en matière de concurrence.

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Lorsque nous avons examiné la loi de 1987, nous avons découvert un certain nombre de dispositions redondantes. Nous avons déterminé un certain nombre de cas où les lois générales sur les sociétés pouvaient s'appliquer plus directement. L'une des choses que nous avons donc essayé de faire a été de réduire le poids de la réglementation lorsqu'il existait des mécanismes qui suffisaient déjà à la tâche.

Comme je le disais, dans le projet de loi de 1995, nous essayons de trouver un nouvel équilibre entre ce que les parties peuvent et doivent elles-mêmes faire sur le marché et les questions qui doivent faire l'objet d'une politique ministérielle que doit déterminer le Parlement et celles où l'organisme de réglementation doit jouer un rôle. Je m'occupe de ce processus depuis plusieurs années maintenant, ayant participé à des consultations dans tout le pays, à des discussions très détaillées sur la meilleure façon de trouver ce nouvel équilibre, et j'ai lu les mémoires qui ont été présentés devant ce comité et je sais qu'il y a cinq ou six questions qui feront probablement l'objet d'importantes discussions dans ce comité.

La première concerne les pouvoirs de l'office. En essayant de trouver ce nouvel équilibre entre la prise de décisions commerciales, la réglementation économique et l'élaboration de politiques ministérielles, a-t-on un peu négligé la question de l'accès à l'office? J'aimerais vous dire, monsieur le président, ce que nous en pensons, et c'est le premier point dont je voudrais traiter dans mon exposé.

Je pense que si vous lisez la première partie de ce projet de loi vous vous demanderez comment on peut prétendre que l'accès à l'office a été négligé ou limité, compte tenu du fait qu'en vertu de la partie I l'office a tous les pouvoirs d'une cour supérieure. En vertu de la partie I, l'office peut citer des témoins à comparaître, et faire enquête sur toute plainte dont il est saisi. Il «doit» rendre une décision, et avec diligence. Il ne peut pas, à sa discrétion, dire: «Eh bien, je ne vais pas m'occuper de cette affaire-là».

Il peut établir ses propres règles de procédure. Les arrêtés de l'office seront exécutés par la Cour fédérale, comme s'il s'agissait d'ordonnances de cette cour, de sorte que les procédures normales... Le non-respect d'un arrêté de l'office sera sanctionné par les procédures qui s'appliquent normalement dans le cas d'une ordonnance de la cour.

L'office aura le pouvoir d'établir de nouvelles sanctions pour faire exécuter ses décisions. Il peut enquêter même si un autre tribunal a déjà été saisi de certains faits qui font l'objet d'un litige. Le pouvoir de l'office d'entendre la plainte n'est pas limité.

Et ce qui est plus important, en vertu de l'article 38, l'office doit entendre toute plainte portant sur une question relevant de cette loi ou de toute autre loi qui relève de sa compétence et rendre une décision. En vertu de l'article 29, l'office est obligé d'entendre la plainte et de rendre une décision.

Je pense que vous entendrez probablement certaines préoccupations quant à l'effet qu'aurait sur les pouvoirs de l'office le paragraphe 29(2), qui équivaut à une directive du Parlement à l'office quant aux cas où il convient que celui-ci fasse preuve de retenue. C'est tout ce que prévoit le paragraphe 29(2). Il ne permet pas à l'office de refuser d'entendre une plainte, de refuser de rendre une décision ou de refuser de se prononcer rapidement. Le paragraphe 27(2) indique simplement à l'office que lorsqu'il rend une décision à l'égard d'une plainte il doit respecter certaines restrictions s'il n'y a aucun intérêt grave en jeu... s'il n'y a pas de préjudice important.

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Donc, lorsque cet honorable comité se penchera sur le paragraphe 27(2) - qui a déjà été mentionné pendant les discussions d'hier - je vous demanderais de l'examiner dans le contexte des pouvoirs de l'office et de vous demander si cette disposition limite l'accès à l'office ou s'il s'agit d'un conseil donné à l'agence pour renforcer ce qui est déjà l'un des objectifs de la loi.

À savoir que le recours à la réglementation économique doit être limité aux cas où les forces compétitives et commerciales sont insuffisantes. Il ne s'agit donc pas de dire à l'office de rejeter une plainte, de refuser de décider, mais plutôt de respecter certaines restrictions dans certains cas. C'est un conseil que l'office devrait prendre en considération dans certains cas avant de rendre une décision.

Le président: Pardon, Moya. Je ne voudrais surtout pas ralentir le processus, mais comme il y a cinq ou six points, si quelqu'un a une préoccupation ou une question à poser au sujet de ce point, il serait peut-être bien qu'il le fasse maintenant.

Mme Greene: Nous pouvons certainement engager le débat.

Le président: Ainsi, nous pourrons nous en tenir à un thème à la fois.

Si quelqu'un a une question à poser sur ce point de l'exposé préliminaire de Moya ou sur les pouvoirs de l'office, faites-le-moi savoir.

M. Fontana (London-Est): J'aurais juste une question. Elle concerne la taille de l'office - qui passe de neuf à trois membres, je crois, plus des membres temporaires - et le fait que l'office comptera au bout du compte environ 200 personnes.

Étant donné le mandat que l'office conservera après l'adoption de ce projet de loi, pensez-vous qu'il aura suffisamment de ressources et de représentants à son conseil d'administration pour remplir ces fonctions?

Mme Greene: Oui, monsieur Fontana, je le crois.

Vous savez tous que l'office avait auparavant, en plus de ses fonctions quasi judiciaires, de nombreuses responsabilités administratives. Il devait administrer d'importantes subventions ainsi que les dossiers des nombreux demandeurs. Ce n'était pas vraiment une fonction quasi judiciaire, mais une fonction administrative.

Vous savez que l'office était obligé d'accepter de recevoir toutes sortes de demandes, même si elles ne le concernaient pas. La loi l'obligeait à recevoir ces demandes. Ces subventions ont été abolies dans le dernier budget, et l'office n'a donc plus besoin maintenant d'une bonne partie des ressources qui étaient affectées à ces tâches administratives.

Pour ce qui est des trois membres et des membres temporaires, lorsque nous en avons discuté avec l'office, on a jugé que c'était peut-être la façon la plus souple de remplir les fonctions quasi judiciaires essentielles qui lui restent. Étant donné le nombre de véritables plaintes que l'office doit entendre pendant une année donnée et compte tenu du fait que le gouvernement peut nommer des membres supplémentaires à titre temporaire à partir d'une liste au cas où il se produirait quelque chose d'inhabituel qui aurait pour effet de créer un arriéré, je suis convaincue que l'office a suffisamment de ressources humaines et qu'il aura suffisamment de personnes disponibles pour rendre les décisions voulues en temps et lieu.

Je vous signale également que l'office est vaste, et ce, pour des raisons qui sont peut-être légitimes. Avec le temps, les Canadiens en sont venus à compter sur l'office, à juste titre, pour toute une gamme de choses qui dans certains cas sont encore utiles. Mais il a presque la même taille que l'office qui remplit des fonctions semblables aux États-Unis.

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Lors de certaines discussions que j'ai eues avec le ministre... Le ministre tient beaucoup à ce que l'office ne soit jamais placé dans une situation où il ne pourra pas régler rapidement les affaires dont il sera saisi. Les dispositions du projet de loi contribueront justement à l'aider à régler rapidement les affaires dont il sera saisi; il devra, notamment, rendre ses décisions dans un certain délai et avoir le pouvoir de faire payer ceux qui abuseront du processus. Mais, en outre, le ministre veut être sûr que l'office aura accès aux ressources dont il aura besoin pour rendre ses décisions rapidement. Je suis tout à fait convaincue qu'il aura les ressources nécessaires pour accomplir sa tâche.

Le président: Monsieur Gouk.

M. Gouk (Kootenay-Ouest - Revelstoke): Je trouve curieuse l'idée que l'office doive régler rapidement les choses dont il est saisi alors même que des dispositions comme les paragraphes 27(2) et 34(1) créent des obstacles pour empêcher les gens d'avoir recours à l'office. À l'heure actuelle, s'il y a un litige entre un expéditeur et un chemin de fer, le processus leur permet de s'adresser à l'office, sans restrictions, et l'affaire est réglée d'une façon ou d'une autre. Mais comme on a introduit le concept d'un préjudice important il faudra qu'il y ait un autre processus, qui à ma connaissance n'a pas encore été établi, pour déterminer, premièrement, ce qu'est un préjudice important et, deuxièmement, si le demandeur a ou non subi un tel préjudice. Je ne sais pas ce qu'est ce processus et je ne sais pas combien de temps il faudra avant que l'office puisse rendre des décisions rapidement.

En outre, je pense qu'il y a une contradiction entre les paragraphes 27(2) et 34(1). Le paragraphe 27(2) empêchera éventuellement quelqu'un de présenter une demande à l'office. Il dit que l'office l'examinera peut-être, ou peut-être pas, selon qu'on aura déterminé qu'il y a eu ou non un préjudice important. Puis vous avez une autre disposition qui dit que quiconque présente une demande frustratoire sera pénalisé...après avoir dit dans une disposition antérieure que la demande ne pourra pas de toute manière être présentée s'il n'y a pas de préjudice important.

J'aimerais que vous m'expliquiez cela.

Mme Greene: Il y a un malentendu, et il serait très important que le comité l'élimine rapidement. Le paragraphe 27(2) n'autorise pas l'office à ne pas entendre une plainte. La loi l'oblige à recevoir les plaintes et à rendre des décisions.

Le paragraphe 27(2) n'est pas un obstacle, en ce sens qu'il n'est pas nécessaire de prouver qu'il y a eu un préjudice important pour avoir accès à l'office. Ce n'est pas ainsi que fonctionne le processus. Vous pouvez saisir l'office de n'importe quelle question, et celui-ci est obligé de rendre une décision.

Si vous lisez le paragraphe 27(2), vous verrez qu'on dit simplement «dans sa décision». L'office a donc accepté de recevoir la plainte, puisque la loi l'y oblige. Il rend une décision parce que la loi l'y oblige. Pour prendre une décision, l'office doit déterminer s'il y a un préjudice important. Il n'est pas nécessaire d'avoir un autre processus.

Je pense, monsieur Gouk, que s'il y avait un autre processus vous pourriez à juste titre faire valoir qu'il s'agit d'un obstacle qui entrave l'accès à l'office. Mais si vous lisez l'article 38, vous verrez que l'office est obligé d'entendre une plainte. L'article 30 l'oblige à entendre cette plainte même si l'affaire est en instance devant un tribunal. Il peut tout de même aller de l'avant.

Ce serait une bonne idée de lire le paragraphe 27(2) à la lumière du paragraphe 27(1).

L'office a toujours eu le pouvoir d'accorder une réparation, en tout ou en partie, qu'il juge appropriée, compte tenu des circonstances. Le paragraphe 27(2) dit que la demande a été faite, que l'office peut accorder une réparation en tout ou en partie, comme il a toujours eu le pouvoir de le faire - c'est à la discrétion de l'office - puis il y a un conseil de la part des parlementaires qui vise à renforcer les objectifs du projet de loi. On précise «dans sa décision». On demande à l'office de vérifier s'il y a un intérêt important en jeu qui souffrirait s'il n'accordait pas la réparation qu'on lui demande.

Il serait donc faux de croire qu'il s'agit d'un obstacle ou d'un autre processus. Je ne vous dirai pas que nous avons fait du bon travail simplement parce que nous avons travaillé fort. C'est à vous de juger si au bout du compte nous avons réussi à trouver cet équilibre. Mais je vous dirai que ceux qui ont participé à la rédaction étaient très conscients de la crainte de créer un obstacle. Nous ne voulons certainement pas limiter l'accès à l'office.

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Nous avons examiné d'autres options que les membres du comité voudront peut-être garder présentes à l'esprit.

À l'heure actuelle, la loi prévoit que l'office doit recevoir toutes les plaintes, de toutes les catégories d'expéditeurs, qu'ils soient captifs ou non.

Il y a des expéditeurs captifs dans notre pays, mais il y en a beaucoup plus qui ne le sont pas. Ils ne sont pas captifs d'un seul chemin de fer ou d'un seul mode de transport.

Nous avons donc pensé que, dans le cadre de cette réforme de la réglementation, il fallait restreindre les catégories de plaintes pouvant être présentées à l'office. Les gens ne voulaient pas que nous fassions cela.

L'autre option que nous avons examinée, c'était de limiter la catégorie d'expéditeurs qui pourrait s'adresser à l'office. Seuls les expéditeurs captifs, par exemple, auraient un recours réglementaire. Les gens ne voulaient pas que nous fassions cela.

Nous avons dit que si toutes les catégories d'expéditeurs peuvent présenter des plaintes à l'office et si celui-ci est obligé, en vertu de la loi, de les recevoir, de les étudier et de rendre une décision à leur égard, est-ce qu'il ne serait pas de mise de lui donner quelques conseils pour renforcer les objectifs de la loi?

Alors nous disons à l'office: «Recevez la plainte. Rendez une décision rapidement, ne posez d'obstacle à personne. Recevez la plainte, rendez une décision rapide, mais demandez-vous s'il y a un intérêt important en jeu.»

Les demandes frustratoires sont quelque chose de légèrement différent.

Rappelez-vous, l'office est saisi d'une plainte. Il doit l'accepter. Il doit rendre une décision dans un délai prévu. La loi oblige l'office à agir ainsi.

À ma connaissance, la plupart des demandes sont légitimes. Mais, monsieur Gouk, vous savez qu'il y a eu des procédures très longues dans certains cas, des procédures qui n'ont pas aidé à déterminer quelles étaient les véritables questions, qui n'ont pas aidé l'office à rendre ses décisions, qui n'ont servi qu'à faire traîner les choses et à faire augmenter les coûts pour les parties.

Consultez n'importe quel manuel canadien de procédure civile et vous verrez que presque tous les tribunaux du pays ont le pouvoir de contrôler ce genre d'abus de processus en disant aux parties: vous avez le droit de vous adressez à nous. Et nous sommes obligés de rendre une décision dans votre affaire, mais si votre démarche est non fondée et vexatoire, alors nous allons vous faire payer les frais. C'est la norme pour presque toutes les procédures qui existent au pays. Ce n'est pas un obstacle. Cela veut dire que vous pouvez avoir accès à l'office, que vous pouvez obtenir une décision, mais si l'office juge que vous avez occasionné des retards et que cela a entraîné des coûts juridiques inutiles pour l'autre partie, alors vous devrez payer.

Le président: Merci, Moya.

Monsieur Guimond.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Madame Greene, j'ai manqué le début de votre présentation. Au paragraphe 7(2), on dit que le nombre de membres de l'Office passera de neuf à trois, mais que ces membres continueront d'être nommés par le gouverneur en conseil.

Vous avez fait une étude des lois qui existent ailleurs dans le monde. N'aurait-il pas été temps d'innover et d'adopter une procédure autre que celle, vieillotte, des nominations partisanes? Dans ce projet de loi, on aurait pu essayer d'innover en établissant une procédure d'appel de candidatures: on fait appel aux services d'un head hunter qui fait une évaluation systématique des candidatures et on embauche la meilleure personne.

.1000

Pourquoi conservons-nous un tel système digne du début de la Confédération canadienne, en 1867?

Mme Greene: Monsieur Guimond, si vous me le permettez, je vais vous répondre en anglais parce qu'ainsi, je serai sûre de pouvoir nuancer soigneusement mes réponses.

[Traduction]

Je pense que c'est plutôt au gouvernement que vous devriez poser cette question. Comme vous l'avez signalé, c'est normal. C'est la façon normale de faire des nominations à ce genre d'organismes. C'est la pratique qu'on suit depuis longtemps.

Pour ma part, je ne crois pas qu'il soit exact de dire que parce que des gens sont nommés par le gouverneur en conseil, il s'ensuit qu'ils ne sont pas compétents. Je ne partage pas ce point de vue. D'après mon expérience dans ce domaine, dans la vaste majorité des nominations du gouverneur en conseil on s'assure que les personnes nommées sont compétentes.

On peut critiquer les nominations du gouverneur en conseil, mais c'est la façon normale de nommer des gens à l'office ainsi qu'à d'autres organismes gouvernementaux.

Le président: Avez-vous d'autres questions, Michel?

[Français]

M. Guimond: À l'article 48, on parle de perturbations extraordinaires. Pouvez-vous me donner des exemples de ce qu'on entend lorsqu'on dit, à l'alinéa 48(1)a): «autre qu'en conflit de travail»? Doit-on comprendre qu'un conflit de travail ne sera pas considéré comme une perturbation extraordinaire? Pouvez-vous me donner un exemple de perturbation extraordinaire? Qu'est-ce qu'on entend par là?

[Traduction]

Mme Greene: L'article 48... On a soulevé ces questions hier, et, si vous me le permettez, j'aimerais parler un peu du contexte dans lequel cela pourrait se produire.

Au fur et à mesure que le gouvernement décide de se retirer du contrôle quotidien des entreprises commerciales telles que les chemins de fer et les lignes aériennes, et de laisser le marché jouer un rôle plus important dans la médiation de ces rapports; au fur et à mesure que le gouvernement réforme le cadre réglementaire et procède à la déréglementation; au fur et à mesure que le gouvernement se retire du contrôle direct de certains éléments du secteur des transports qui lui appartenaient traditionnellement et que les gens qu'il avait nommés dirigeaient, il faut absolument que le gouvernement continue de s'intéresser au bon fonctionnement de notre système de transports, qui est d'une importance primordiale pour l'économie et surtout pour le commerce de notre pays. En vertu de cet article, le ministre pourrait, dans des situations anormales ou extraordinaires et en collaboration avec le ministre responsable de la concurrence, avoir recours à cette mesure, ce qui donnerait au gouvernement, en cas de perturbation extraordinaire, le temps de réfléchir aux mesures qu'il faudrait prendre.

Vous m'avez demandé de donner des exemples. J'hésite à le faire, car il est difficile de prévoir quand on y aurait recours. Mais comme vous le savez, monsieur Guimond, nous avons au Canada deux grands transporteurs aériens et deux grandes compagnies de chemin de fer. Mais, et j'espère que cela ne se produira jamais, supposons que la situation financière des deux compagnies soit tellement désastreuse qu'elles se trouvent toutes les deux au bord de la faillite, ce qui aurait pour effet de perturber tout le secteur ferroviaire.

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À ce moment-là, de quels outils le gouvernement disposerait-il? Certains diront peut-être que le gouvernement devrait simplement s'en laver les mains. Selon moi, ce secteur est tellement important que vous-mêmes, à titre de parlementaires, ne pourriez pas simplement vous en laver les mains dans une telle éventualité très peu probable. Vous devriez vous demander s'il y a quelque chose que vous devriez faire à titre de gouvernement. Vous auriez peut-être besoin d'une période très brève, par exemple 60 jours, pour essayer d'obtenir une entente quelconque entre les divers intervenants du secteur qui feraient face à une telle perturbation extraordinaire. Si c'était impossible, vous ne sauriez même pas si le gouvernement aurait un intérêt ou une raison quelconque d'intervenir.

Comme le ministre l'a dit hier, la disposition ne sera probablement jamais utilisée, parce que les intervenants de l'industrie sont des gens raisonnables. Par ailleurs, vu la réforme réglementaire qui se fait progressivement depuis vingt ans au Canada et vu la structure de l'industrie, si jamais il y avait une telle perturbation, le gouvernement aurait besoin de cette marge de manoeuvre extrêmement étroite et contrôlée sous la surveillance des chambres du Parlement.

Je voudrais passer quelques instants à vous parler des pouvoirs de l'office, de la signification d'un préjudice important et du fait qu'on ferait payer la note à quiconque abuserait du processus. Je voudrais parler aussi d'autres questions qui reviendront probablement souvent sur le tapis pendant vos délibérations.

La protection des expéditeurs. En essayant de maintenir l'équilibre entre la réglementation, la politique gouvernementale et l'action commerciale, avons-nous laissé pour compte les expéditeurs du Canada, qui comptent énormément sur le transport, surtout le transport ferroviaire?

Je vous signale tout d'abord que la Loi de 1987 sur les transports nationaux avait donné certaines protections tout à fait extraordinaires aux expéditeurs du Canada. Je pense qu'ils se rendaient bien compte de leur position, vu les tensions qui existaient de tout temps entre les transporteurs et les sociétés ferroviaires notamment, ils avaient obtenu une réglementation qui visait à stimuler la concurrence. Cela se reflète tout particulièrement dans les prix de ligne concurrentiels et dans les dispositions sur l'interconnexion.

Les expéditeurs avaient en outre obtenu le droit extraordinaire de demander que tout conflit soit réglé par le processus d'arbitrage des propositions finales. Comme vous le savez, ce processus est une forme d'arbitrage inusitée parce qu'il vise à obtenir que les parties en cause présentent leur meilleure proposition, ce qui les oblige elles-mêmes à prendre leur propre décision. Si elles n'y parviennent pas, elles ont acquis le droit d'obtenir l'arbitrage des propositions finales pour régler les conflits.

C'est inusité non seulement dans le domaine des transports... Il n'y a aucun autre service ou bien qui soit visé par un système semblable dans notre économie. Quelqu'un pourrait le négocier dans le cadre d'un contrat, mais il est tout à fait inusité que la loi accorde ce droit aux parties en cause. Ce n'est pas non plus un droit qu'ont les expéditeurs dans d'autres pays.

Au tout début de son examen, le ministre a décidé et promis de ne pas réduire ces droits durement gagnés, même s'ils imposent aux chemins de fer du Canada d'importantes obligations qui n'existent pas pour d'autres moyens de transport, ni pour d'autres secteurs, ni dans d'autres pays, parce qu'il sait que les expéditeurs ont l'impression que même s'ils n'ont pas recours à cette disposition, par exemple en demandant à l'office d'imposer un prix de ligne concurrentiel, le fait que ces protections existent aide les expéditeurs à négocier avec les sociétés ferroviaires, et cela leur a été utile dans le passé, et cet avantage ne devrait pas disparaître.

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Ce qu'on vous dira probablement, d'une part, c'est qu'il y a vraiment des avantages à créer des CFIL au Canada. Cela permet parfois de maintenir le service dans des régions où autrement il disparaîtrait parce qu'il n'est pas économiquement viable. Bon nombre d'expéditeurs vous diront que les CFIL offrent un meilleur accès aux expéditeurs locaux et sont donc en mesure de fournir un service amélioré plus souple aux expéditeurs. On vous dira donc d'une part que nous voulons encourager la création de CFIL au Canada.

D'autre part, on vous dira que les protections très importantes - les prix de ligne concurrentiels, l'interconnexion et l'arbitrage des propositions finales - ont été limitées dans une certaine mesure. Je vous demande de voir ce qui en est dans la mesure législative.

Le projet de loi stipule clairement que les prix de ligne concurrentiels, l'interconnexion et l'arbitrage des propositions finales existent encore. Ces protections sont encore là, même s'il y a un CFIL, pour tout tronçon de la ligne qui est encore régi par le gouvernement fédéral, parce que c'est uniquement à ces tronçons que la loi fédérale peut s'appliquer. Les prix de ligne concurrentiels et l'interconnexion continuent de s'appliquer à tous les tronçons qui relèvent encore du gouvernement fédéral, et, de toute façon, on peut encore avoir recours à l'arbitrage des propositions finales, non seulement pour les prix, mais aussi pour les modalités du service. L'expéditeur peut encore avoir recours à ces protections, qu'il soit ou non un client captif de la société ferroviaire.

Lorsqu'on soulèvera cette préoccupation tout à fait légitime, je vous demande donc de vous poser la question suivante: dans la mesure où une loi fédérale peut le faire, le projet de loi maintient-il ces protections? J'espère que vous conclurez comme nous que la réponse est oui.

J'ai un dernier mot à dire au sujet de l'arbitrage des propositions finales. C'est vraiment un remède extraordinaire qui existe depuis 1987. Heureusement, on n'a pas eu besoin d'y avoir recours, sauf dans un ou deux cas. Je crois cependant, et d'autres vous diront la même chose, que l'existence de cette disposition est très importante parce qu'elle permet aux négociations de se dérouler le mieux possible. La simple menace de cette disposition suffit parfois pour obtenir la conclusion d'une entente qui serait autrement impossible.

Dans le projet de loi, le gouvernement propose d'améliorer le processus d'arbitrage des propositions finales. Certains ont signalé dans le passé que, si l'on devait jamais avoir recours à ce processus, il prendrait trop de temps. Le projet de loi propose donc de ramener de 120 à 90 jours la période prescrite pour rendre une décision.

Le gouvernement a aussi pensé qu'il pourrait maintenant exister de nouvelles conditions semblables à celles qui inquiétaient les expéditeurs en 1987 et qui avaient donné lieu à l'instauration de l'arbitrage des propositions finales et pour lesquelles on devrait aussi avoir accès à ce processus. Par exemple, si les municipalités essaient de négocier avec les grandes sociétés ferroviaires pour les services de navette, ou si VIA Rail essaie de négocier des ententes de services ferroviaires avec le CN, les sociétés ferroviaires pourraient se montrer plus inflexibles qu'elles ne le seraient en l'absence de l'arbitrage des propositions finales. Le projet de loi étend donc le processus pour qu'il s'applique à de telles situations.

Néanmoins, l'arbitrage des propositions finales vise toujours à favoriser la conclusion d'une entente. L'arbitre n'a pas vraiment beaucoup de liberté d'action. Il ne peut pas dire: «Je vais vous dire ce que je crois être le plus raisonnable, et c'est ce que je vais imposer comme solution.» Il doit choisir la dernière proposition de l'une ou l'autre des parties. C'est donc la crainte que l'arbitre acceptera l'offre de l'autre partie qui constitue le meilleur encouragement à essayer d'en venir à une entente.

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Certains diront que nous ne devrions pas permettre aux sociétés ferroviaires de répondre à l'offre finale de l'expéditeur dans les dix jours, mais c'est l'expéditeur qui demande l'arbitrage. Si nous voulons encourager les intervenants à essayer une dernière fois de s'entendre, nous prévoyons que, quand l'expéditeur aura présenté son offre finale, les sociétés ferroviaires auront dix jours pour décider de l'accepter ou non.

Le président: C'est le moment de poser des questions. Je voudrais commencer. Dans certains de leurs mémoires, les expéditeurs disent qu'ils craignent que le paragraphe 27(2) ne s'applique à l'arbitrage des propositions finales.

Mme Greene: Le paragraphe 27(2) ne s'applique qu'aux décisions de l'office. Il ne s'applique pas à l'arbitrage. L'arbitrage n'est pas une décision de l'office. C'est la décision d'une tierce partie acceptée par la société ferroviaire et l'expéditeur. Ce n'est pas l'office qui décide, et il ne peut donc pas être question d'un préjudice important contre lequel l'expéditeur devrait être protégé par l'office de réglementation dans le cas de l'arbitrage.

Le président: Merci, Moya.

M. Gouk: Je voudrais poser plus tard une question supplémentaire au sujet des paragraphes 27(2) et 34(1).

Pour revenir à la question dont vous parlez maintenant, soit l'arbitrage, je pense que c'est généralement une bonne chose. Selon moi, ce processus a beaucoup de mérite. Par ailleurs, la seule explication de l'arbitrage que j'ai jamais entendue, c'est, en termes bien simples, que chaque partie décide de son offre finale et présente cette offre. L'arbitre choisit ensuite l'une ou l'autre.

Ce qui se passe maintenant, et c'est ce que prévoit aussi le projet de loi C-101, si je ne m'abuse, c'est que l'expéditeur présente son offre finale à l'aveuglette. La société ferroviaire examine cette offre, décide ce qu'elle veut en faire et présente sa propre offre finale d'après ce que l'expéditeur a proposé. Est-ce bien ce qui se passe maintenant? Est-ce le processus que le ministère des Transports veut maintenir aux termes du projet de loi C-101?

Mme Greene: Oui. Il faudrait cependant faire une distinction entre le processus et la décision même, monsieur Gouk.

Si vous y réfléchissez, vous constaterez qu'il y a eu de longues négociations avant qu'un expéditeur se mette en colère et dise: «Cela suffit. Je vais demander à l'office de nommer un arbitre.» Les expéditeurs vous diront eux-mêmes que c'est effectivement ce qui se passe.

Disons qu'un expéditeur se mette en colère et demande qu'on nomme un arbitre. Le processus de l'arbitrage est prévu dans le projet de loi pour encourager les parties en cause à conclure elles-mêmes leur propre entente dans la mesure du possible. Il y a trois façons de le faire.

Il y a d'abord la possibilité que la décision de l'arbitre vous placera dans une bien plus mauvaise situation que celle dont vous aviez discuté avec l'autre partie pendant les négociations. C'est le meilleur incitatif à conclure une entente soi-même.

Deuxièmement, l'arbitre ne peut pas décider lui-même ce qu'il juge raisonnable; il doit choisir l'une ou l'autre offre. S'il y a un très grand écart entre les deux offres, l'une des parties peut craindre que l'arbitre va choisir l'offre de l'autre partie, qui lui semble tout à fait déraisonnable, et cela peut suffire à rapprocher les deux parties.

La troisième façon dont la disposition encourage les parties en cause à conclure leur propre entente, c'est de stipuler que le processus d'arbitrage est entamé après une certaine période et qu'on ne peut pas revenir en arrière. Quand arrive le moment fatidique? Quand ne pouvez-vous plus décider de négocier vous-même une entente?

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Une fois que l'expéditeur a présenté sa dernière offre et que la société ferroviaire a eu dix jours pour répondre à cette offre finale, l'expéditeur peut ensuite décider de passer à l'arbitrage si l'offre ne le satisfait toujours pas, ou bien de ne pas le faire.

C'est pour cela qu'on prévoit dix jours. C'est une autre façon d'encourager les parties à négocier elles-mêmes une entente plutôt que d'attendre la décision de l'arbitre.

M. Gouk: Disons, par exemple, que je veux obtenir une hausse de salaire au nom d'un syndicat quelconque et qu'il existe une norme disant que la hausse moyenne devrait être de 10 000$. L'employeur n'offre rien du tout, mais je suis avide et je demande 20 000$.

Je présente donc mon offre finale disant que je veux une hausse de salaire de 20 000$ pour mon groupe. L'employeur verra l'offre et dira: «Comme nous sommes tous deux à 10 000$ de la cible, tout ce que j'ai à faire, c'est réduire l'écart et d'offrir une hausse de 1 000$; comme mon offre sera plus près de la norme, c'est moi qui gagnerai.» L'autre partie ne pourra pas faire la même chose.

Ce n'est pas vraiment de l'arbitrage. C'est une version hybride de l'arbitrage qui donne nettement l'avantage à celui qui peut examiner l'offre que l'autre partie a faite aveuglément. La deuxième partie n'a pas le même avantage, à moins que la première ne soit prête à dire: voici la proposition finale de la société ferroviaire; voulez-vous modifier la vôtre?

Si vous voulez vraiment modifier le processus d'arbitrage pour favoriser une entente, pourquoi ne pas renvoyer la balle à l'expéditeur? Sinon, ce n'est pas vraiment de l'arbitrage au sens traditionnel du terme, et le processus favorise nettement l'une des deux parties.

Mme Greene: Vous avez soulevé un point intéressant en parlant d'offres farfelues qui ne sont pas vraiment sérieuses.

Le fait que la société ferroviaire ait le dernier mot avant de passer à l'arbitrage lui donne-t-il vraiment un avantage quelconque? Je devrai y réfléchir.

Si, après en avoir discuté avec tous les intervenants, vous trouvez que ce processus n'encourage pas les parties à éviter l'arbitrage, puisque c'est ce que nous essayons de faire, comme l'a toujours dit le ministre lui-même, nous voudrions certainement que le comité recommande quelque chose.

M. Fontana: Je vais laisser l'arbitrage de côté. Le fait est que ce système existe depuis 1987, comme l'a dit Moya. Comme il n'a été utilisé que deux fois en l'espace de huit ans, il est évident que cela fonctionne, peu importe sa forme actuelle. Selon moi, c'est la menace de l'arbitrage, peu importe sous quelle forme... Je comprends le point de vue de Jim, et nous voudrons peut-être en discuter, mais il est bien évident que le mécanisme fonctionne. De toute façon, je suis moi aussi prêt à en discuter.

Je voudrais parler plutôt des prix de ligne concurrentiels, des droits de circulation et de l'interconnexion. Vous n'avez pas parlé des droits de circulation, mais vous le ferez la prochaine fois.

Mme Greene: J'allais y venir.

M. Fontana: Oui, vous allez certainement en parler.

Étant donné la déréglementation, c'est vraiment un des aspects les plus importants du projet de loi. Je n'étais pas là en 1987, mais on m'avait dit à l'époque que la loi favorisait les expéditeurs et que le gouvernement d'alors en avait profité pour rétablir l'équilibre parce que la situation avant 1987 favorisait les sociétés ferroviaires. Ce que nous avons constaté depuis 1987, parce que nous n'évoluons pas dans un milieu concurrentiel intermodal... Nous évoluons plutôt dans un milieu concurrentiel nord-américain, ce qui veut dire que nos sociétés ferroviaires doivent rivaliser avec les chemins de fer américains et les autres moyens de transport. Si nous ne visons pas juste pour le chemin de fer et si nos deux sociétés ferroviaires ne peuvent plus être concurrentielles, il n'y aura plus de transports au Canada.

S'il n'y a plus de transports au Canada, tous les autres secteurs, y compris celui de l'expédition, disparaîtront, parce que rien ne peut se passer si nous ne pouvons pas transporter nos marchandises.

Je sais que c'est l'équilibre que nous essayons d'établir. Je voudrais savoir si, puisque les intervenants, c'est-à-dire les expéditeurs, les sociétés ferroviaires et tous les autres, peuvent avoir recours à l'arbitrage pour négocier...

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Je comprends pourquoi il y a des dispositions sur les PLC et l'interconnexion; c'est pour protéger les expéditeurs. Mais en véritable situation de marché, si l'arbitrage leur permet d'accepter cela, pourquoi faut-il des dispositions sur les PLC et l'interconnexion et toute la réglementation financière, puisque tout cela risque d'empêcher les chemins de fer de rivaliser avec d'autres chemins de fer ou les camionneurs ici ou aux États-Unis?

On essaie d'assurer la viabilité des chemins de fer parce qu'ils sont essentiels aux transports, et voilà qu'on impose toutes ces contraintes. Je comprends pourquoi, mais, de la sorte, ne nuit-on pas à notre capacité de soutenir la concurrence avec les chemins de fer américains, dont les coûts d'exploitation sont de 20 p. 100 inférieurs aux nôtres? Il ne faut pas l'oublier.

La question que je pose, c'est si l'on a accès à l'arbitrage, pourquoi imposer toutes ces autres contraintes? Laissez les parties négocier de bonne foi.

Mme Greene: Cela aussi, c'est un excellent argument. Il est en effet extraordinaire que l'office puisse imposer des prix de ligne concurrentiels et des tarifs pour chaque lieu de correspondance, ce qui enlève la meilleure source de recettes pour le chemin de fer, le transport sur de longues distances, et peut même le priver d'une partie de son trafic au bénéfice de son concurrent.

Dans le cas des expéditeurs tributaires du chemin de fer, le gouvernement estime qu'il ne s'agit que d'un ersatz réglementaire de la libre concurrence. Le règlement prévoit qu'il faut donner le tarif pour le transport sur de courtes distances et céder son client à son concurrent si tel est le voeu de l'expéditeur. Cette menace à elle seule amènera le chemin de fer à négocier encore plus dur.

Étant donné la situation financière et l'importance des chemins de fer au pays, le gouvernement doit absolument se préoccuper de leur viabilité financière future. Si on prend le projet de loi dans son ensemble et si l'on tient compte des mesures prises par le gouvernement pour améliorer les relations de travail dans le secteur, pour alléger la réglementation, qui empêchait les chemins de fer de se doter de plans adaptés à leurs besoins, on établit probablement l'équilibre qu'il faut entre les droits extraordinaires que représentent l'accès concurrentiel, d'une part, et l'interconnexion, d'autre part.

Oui, on pourrait probablement s'en tenir exclusivement à l'arbitrage. En théorie, c'est possible. Toutefois, lorsque l'on confectionne un projet de loi, et les membres du comité le savent bien, il faut tenir compte d'une multitude de points de vue. Les dispositions sur l'accès concurrentiel et l'interconnexion existent depuis 1987, et les expéditeurs tiennent à ce qu'elles soient maintenues encore longtemps.

M. Fontana: J'aimerais poser une question supplémentaire qui a un rapport direct avec cela.

Il est évident que l'on veut créer des CFIL au Canada parce qu'ils présentent beaucoup d'avantages. Mais lorsque l'un deux est créé sur un tronçon d'une ligne principale ou ailleurs, les PLC, les dispositions sur l'interconnexion et l'arbitrage - parce que le CFIL relèvera du gouvernement provincial plutôt que fédéral - ces dispositions, donc, ne s'appliqueront pas. Car le CFIL sous réglementation provinciale cherchera à négocier avec les expéditeurs les PLC, l'interconnexion, ou encore, puisque ce n'est pas sous réglementation fédérale... On fait comme si les gouvernements provinciaux adopteront des lois semblables pour protéger les expéditeurs qui négocieront avec les CFIL provinciaux.

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Mme Greene: Je ne conseillerais pas aux gouvernements provinciaux de le faire, mais c'est possible.

Voici ce qui va protéger l'expéditeur dans ses rapports avec le CFIL. Si le CFIL n'était pas là, il n'y aurait sans doute pas de service sur le tronçon.

Deuxièmement, le CFIL provincial coûte probablement moins cher qu'une ligne principale, et une partie de cette réduction profitera à l'expéditeur.

Troisièmement, l'expéditeur sait qu'une fois au lieu de correspondance, là où le réseau fédéral reprend, il a droit pour le reste du trajet à des PLC et à l'arbitrage.

C'est donc dire que ce qui protège l'expéditeur dans ses rapports avec le CFIL tient à la nature même de ces chemins de fer d'intérêt local, à leur existence et aux prix réduits qu'ils offrent.

La protection dont il jouit dans ses rapports avec les grandes lignes vient, elle, de la loi de 1987. Les législateurs ont déterminé que, comme ce sont des poids lourds qui ne sont pas nécessairement toujours équitables dans leurs tractations, il faut un ersatz réglementaire qui permette de négocier plus serré avec eux. C'est un autre type de protection, mais elle existe quand même de par la nature même du CFIL.

Le président: Merci, Moya.

J'informe ceux qui arrivent que Moya est en train de nous parler de cinq ou six points principaux du projet de loi. Elle a déjà parlé des pouvoirs de l'office et nous parle maintenant de la protection offerte aux expéditeurs. Elle va aussi nous parler des CFIL et de l'interconnexion, des droits de circulation et d'autres choses de ce genre.

Si vos questions portent précisément sur les protections accordées à l'expéditeur, allez-y. Si elles sont reliées à d'autres choses, attendez que l'on en discute.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Ma question est plus ou moins reliée à celle de M. Fontana. C'est à propos des droits de circulation et des CFIL.

Je reviens à peine de Washington, et les représentants que j'ai rencontrés là me disent que Burlington Northern a passablement majoré ses tarifs. Cela m'inquiète lorsque l'on parle de concurrence. Qu'en pensez-vous?

Mme Greene: Si l'expéditeur est tributaire du chemin de fer, c'est que le chemin de fer détient un monopole. Si c'est le cas, le chemin de fer est en mesure d'exiger un tarif plus élevé que si l'expéditeur pouvait s'adresser à quelqu'un d'autre.

Aux États-Unis, ces mécanismes de protection réglementaire n'existent pas: les prix de ligne concurrentiels ou l'accès garanti. De fait, à ma connaissance, cela n'existe nulle part ailleurs qu'au Canada.

C'est précisément pour parer à ce genre de situation qu'ils existent ici. Quand un expéditeur risque de se faire exploiter parce qu'il n'a aucune compagnie à qui s'adresser, les dispositions sur les PLC précisent que dès que l'expéditeur est rendu à un lieu de correspondance, il peut confier sa marchandise à un concurrent, peu importe où il est sur le parcours.

Aux États-Unis, il est vrai que lorsque les expéditeurs n'ont vraiment pas le choix, les tarifs sont plus élevés. Tel est l'avantage des PLC au Canada, ce qui n'existe pas aux États-Unis.

J'ajouterai qu'au Canada les PLC s'appliquent, que l'on soit tributaire ou non des chemins de fer. Tout le monde y a droit.

M. Gouk: J'ai deux questions, la première concernant l'intérêt public et l'autre les droits de circulation.

Le président: Jim, nous n'avons pas encore abordé la question des droits de circulation. Elle va y arriver dans un instant.

M. Gouk: Très bien; je vais donc me contenter de parler de l'intérêt public. J'ai du mal à suivre où nous en sommes.

Vous êtes sûrement au courant des négociations - pardon, des consultations; il n'y a pas eu de négociations, et je ne veux pas laisser entendre que des promesses ont été faites - et vous y avez peut-être vous-même participé, qui ont eu lieu entre les compagnies de chemin de fer et certains expéditeurs au printemps. N'est-il pas vrai que pendant ces consultations les chemins de fer avaient accepté en principe de supprimer tous les critères relatifs à l'intérêt public dans la nouvelle loi, y compris ceux concernant les droits de circulation? Est-ce que ce n'était pas...

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Mme Greene: Tel n'est pas mon souvenir. Pendant les consultations, il y a beaucoup de choses sur la table, comme c'est le cas ici. Toutes sortes d'idées sont avancées et toutes sortes de solutions sont proposées. Dans aucun cas il ne s'est dégagé un consensus sur les options possibles et sur la solution à retenir.

Ce n'est pas ce dont je me souviens. De fait, j'irai plus loin: les chemins de fer n'ont jamais accepté devant moi de supprimer dans tous les cas l'intérêt public. On va y arriver, mais ils n'ont jamais accepté des droits de circulation obligatoires illimités.

M. Gouk: C'est donc un refus mitigé.

Le président: Point trois, Moya.

Mme Greene: Avant d'en finir avec les prix de ligne concurrentiels, l'interconnexion et l'arbitrage, c'est-à-dire les dispositions relatives à l'accès concurrentiel, j'aimerais parler des prix et conditions «commercialement équitables et raisonnables». De cela aussi vous entendrez beaucoup parler.

Encore une fois, comme nos collègues de ce côté-ci de la table l'ont dit, les dispositions relatives à l'accès concurrentiel constituent des recours réglementaires extraordinaires. Ils sont très utiles pour l'expéditeur qui risque d'être exploité, mais ils sont quand même extraordinaires. Si l'office est appelé à imposer un tarif, que ce soit pour l'interconnexion ou un PLC, et non seulement pour l'expéditeur tributaire, ou captif, puisque ces droits s'appliquent à tous les expéditeurs canadiens, et si la viabilité du rail nous tient à coeur pour l'avenir... cette disposition a pour but de guider l'office dans ses décisions lorsqu'il prend en main les négociations commerciales et impose un tarif. Il doit s'assurer que les conditions sont commercialement équitables et raisonnables.

Des expéditeurs vous diront que cette disposition limite l'accès à ce recours. Pour moi, c'est mal comprendre la règle «commercialement équitable et raisonnable». C'est une ligne directrice à l'intention de l'office. C'est une autre façon de dire: «Oui, nous reconnaissons qu'il faut un règlement, ce qui en soi est extraordinaire, et l'office peut fixer le tarif, sauf qu'il doit bien être commercialement équitable et raisonnable.»

Examinez la disposition. Posez-vous la question et posez-la à d'autres, et pas seulement à des expéditeurs tributaires: est-il admissible que dans les circonstances la décision de l'office soit guidée par ce qu'il estime être juste et raisonnable?

C'est ce que j'avais à dire à propos de l'accès concurrentiel.

Monsieur le président, si vous le voulez bien, j'aimerais maintenant parler des droits de circulation et des obligations de transporteur public.

Le président: Merci.

Mme Greene: Vous n'entendrez sans doute pas beaucoup parler des obligations de transporteur public, parce que ce que l'on trouve dans le projet de loi est la même chose qui existe depuis des années. Mais je veux parler un peu des obligations de transporteur public pour insister sur le fait que les expéditeurs qui se sentent exploités par les chemins de fer ont quand même encore facilement accès à l'office.

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L'obligation de transporteur public, qui dans votre projet de loi porte le nom de niveau de services, permet à l'expéditeur de déposer une plainte concernant l'un ou l'autre aspect du service, le tarif ou la qualité des installations.

Le texte de ces dispositions a été repris textuellement du précédent. L'office y est autorisé à entendre la plainte et, au besoin, à ordonner la construction d'ouvrages à sa satisfaction. L'obligation qui est donc imposée aux chemins de fer canadiens d'offrir le service est donc beaucoup plus contraignante que ce que ferait une entreprise à la recherche de clients. Elle est même plus exigeante que ce qu'imposerait la jurisprudence.

Il reste que cette disposition existe depuis longtemps, et, comme je l'ai dit, le ministre a décidé dès le début qu'il ne voulait pas restreindre l'accès à l'office. Même s'il veut moderniser le processus et traiter les chemins de fer comme des entreprises normales, désireuses d'attirer et de conserver leur clientèle, il ne voulait pas le faire d'une façon qui place quelqu'un en situation précaire.

C'est la raison pour laquelle l'obligation de transporteur public a été maintenue textuellement. Cela a fait l'objet de beaucoup de discussions lors des consultations. Les fonctionnaires, eux, avaient proposé à l'origine de la supprimer. Cela nous semblait périmé et une façon de traiter les chemins de fer comme s'ils étaient des services d'utilité publique à qui l'on garantissait un taux de rendement et qui se voyaient imposer par les autorités un critère de service bien supérieur à ce qu'exigeraient les lois du marché.

Les expéditeurs ont refusé. Ils ont estimé qu'il fallait avoir cette disposition en plus de l'accès concurrentiel. Dans le but de trouver l'équilibre réalisable à ce moment-là, le ministre a fini par accepter ce point de vue.

Si j'en parle, c'est parce que j'ai évoqué tout à l'heure l'équilibre à trouver entre ce que l'office doit faire, ce que les parties doivent négocier entre elles et ce que le gouvernement doit être prêt à faire en cas de nécessité absolue.

Par exemple, nous avons essayé de trouver un fardeau réglementaire acceptable pour les chemins de fer. Chaque fois, nous nous sommes demandé: est-ce que telle ou telle exigence est toujours nécessaire? Les expéditeurs, quant à eux, voulaient tout revoir pour déterminer s'ils étaient suffisamment protégés. Ils se posaient la question de savoir si le règlement pouvait les protéger encore mieux. C'est pour cette raison qu'ils ont soulevé la possibilité de droits de circulation. Et cela m'amène à votre question.

Comme vous le savez, la loi a toujours comporté une disposition qui permet à l'office d'intervenir et d'imposer des droits de circulation dans le cas des transporteurs fédéraux, puisque c'est à eux que s'applique la loi. Lors des consultations, nous nous sommes demandé s'il était indiqué de changer cela. Certains expéditeurs auraient voulu que les CFIL aient des droits de circulation sur les grandes lignes, pas seulement des droits de circulation que le CFIL et le grand chemin de fer auraient négociés ensemble, mais des droits de circulation imposés par l'office.

Eh bien, nous avons étudié cette idée. Nous avons rencontré des difficultés d'ordre technique parce que le droit fédéral, c'est le droit fédéral, et il se trouve que bien souvent les petits chemins de fer sont réglementés par les gouvernements provinciaux. Nous avons travaillé très fort, mais nous ne sommes pas certains de pouvoir surmonter cet obstacle juridictionnel.

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Mais le plus important, c'est que, lorsque nous en avons parlé aux dirigeants de CFIL, la plupart d'entre eux nous ont dit: «Attendez un instant. Cela déforme la nature de la relation entre les chemins de fer d'intérêt local et les sociétés exploitant une ligne principale.»

En général, les liens qui existent entre ces deux genres d'entreprises ferroviaires sont des liens de coopération, par opposition à une relation d'opposition et de concurrence. Par conséquent, les propriétaires de CFIL n'ont pas à réclamer des droits de circulation sur les lignes principales.

En revanche, les exploitants de lignes principales craignaient que le gouvernement ne décide de donner à un organisme de réglementation le droit de leur ordonner de mettre leur matériel à la disposition des CFIL qui auraient acheté un tronçon, selon des conditions acceptées par les deux parties au préalable, que les exploitants de lignes principales soient ainsi forcés de collaborer avec une entreprise qui serait devenue un concurrent.

Après avoir examiné le projet de loi dans son intégralité - les obligations pour les sociétés ferroviaires, la protection extraordinaire toujours garantie aux expéditeurs - et tout bien pesé, on a décidé que, même si les difficultés techniques pouvaient être surmontées, ce dont je ne suis pas certaine, afin d'assurer l'équilibre entre les obligations et les droits, compte tenu de ce que nous avons entendu et de ce que vous diront probablement les exploitants de CFIL, il ne nous a pas semblé indiqué d'examiner plus attentivement la possibilité d'accorder aux CFIL le droit de circuler sur les lignes principales.

Le président: J'aimerais revenir à l'obligation de transporteur général. Je suis à l'article 114.

Pourquoi ne précise-t-on pas à l'article 114 que les obligations peuvent être remplies de façon juste et équitable? Je lis l'article 114, et je vois qu'on dit que le transport doit se faire sans délai, avec diligence, et que tous les appareils et toutes les installations nécessaires doivent être fournis. N'avons-nous pas un modèle, la Loi sur la Société canadienne des postes, par exemple, qui dit que le courrier doit être distribué, mais pas nécessairement en Rolls-Royce? N'y a-t-il pas ici quelque chose de ce genre?

Mme Greene: Oui, c'est l'article 113, qui dit que les prix et conditions visant les services fixés par l'office doivent être commercialement équitables et raisonnables.

Le président: D'accord, merci.

M. Fontana: Je crois savoir que les obligations du transporteur en matière de concurrence et de niveau de services restent les mêmes par rapport à la loi actuelle. J'espère que lorsqu'on aura terminé cet exercice, nous aurons la chance... peut-être qu'une évaluation a déjà été faite.

Bien sûr, il faudra avant tout déterminer si ce projet de loi aura permis de réduire les coûts de transport des biens que nous voulons exporter. Soyons francs: la plupart des marchandises qui sont transportées au Canada seront exportées.

Par conséquent, nous devons nous assurer que le prix du transport baisse par suite de l'adoption de ce projet de loi, par opposition à la situation qui prévaut depuis quelques années. Peut-être qu'on pourrait évaluer cela.

Comme l'a indiqué le président, avec cette disposition du projet de loi, il faut assurer l'équilibre. J'ignore si vous avez tenté d'assurer cet équilibre ici comme dans d'autres parties de la loi.

Parlons d'une situation extrême. Dans le passé, l'office a rendu des jugements, soit parce qu'il y avait un expéditeur captif, soit parce qu'il n'y avait pas d'autre mode de transport, exigeant la construction d'un port ou d'autres ouvrages qui ont coûté très cher et qui, en fait, ne constituaient pas la meilleure solution.

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Voilà pourquoi j'estime qu'il faut, d'une façon ou d'une autre, assurer l'équilibre. Je veux protéger l'expéditeur, particulièrement l'expéditeur captif qui n'a pas d'autre choix, mais il me semble qu'on pourrait aussi trouver un libellé qui nous permettrait de prévoir toutes les éventualités.

Lorsque je parle des expéditeurs, je ne pense pas, manifestement, à VIA ou à tout autre service de passagers qui sont, à mon avis, différents. Je considère VIA et les services ferroviaires pour passagers comme étant des entreprises ferroviaires et pas nécessairement des expéditeurs; par conséquent, on pourrait adopter une approche tout à fait différente pour le transport des passagers.

Moya, je sais que vous avez tenté d'assurer l'équilibre à tous les égards. Est-ce en ce sens que vous avez décidé de ne pas modifier ces dispositions, ou est-ce que notre comité ne pourrait pas examiner plus attentivement cet article particulier en vue de mieux garantir l'équilibre?

Mme Greene: Monsieur Fontana, je n'oserais jamais vous dire, à vous ou à quelque autre membre du comité, vous qui êtes appelés à assurer l'équilibre tous les jours, dans toutes sortes de domaines, que vous ne pourrez faire mieux que nous. Vous le pourrez peut-être. Vous entendrez des centaines de témoignages. Alors, je ne sais pas. Je peux toutefois vous dire que nous avons déployé de grands efforts pour ce faire.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on déterminera la qualité de la loi en évaluant l'efficience du système dans l'ensemble. S'est-il amélioré? Au cours des quatre prochaines années, nous aurons plusieurs occasions de prouver au Parlement, aux expéditeurs et aux transporteurs que le système s'est amélioré ou non parce que, comme vous le savez, le projet de loi prévoit aussi quatre différents examens sur le transport du grain, le système dans son ensemble, l'efficacité de la loi du point de vue de l'office et du gouvernement - c'est un examen annuel - et sur les changements qui seront intervenus dans le domaine des transports. Nous aurons donc la possibilité de recenser les lacunes du projet de loi, si lacunes il y a.

Vous avez posé une question précise sur les directives qu'on donne à l'office à l'article 113 qui dit:

Votre deuxième question portait sur le libellé de la disposition sur le niveau des services, qui n'a pas été modifié. C'est en voulant assurer l'équilibre que le ministre, pendant les dernières semaines de consultations où bien des sujets ont été abordés, a pris sa décision. Les expéditeurs ont exprimé leurs préoccupations de façon très vigoureuse à cet égard, et le ministre a accepté de laisser cet article tel quel.

M. Fontana: Puis-je poser une dernière question à ce sujet? Combien de fois l'ONT est-il intervenu au sujet de plaintes concernant l'accès aux autres transporteurs et le niveau de services faites par les expéditeurs ou d'autres? Je crois savoir que cet article permet même aux parties d'une entente de faire évaluer l'entente par l'office, n'est-ce pas? Même les ententes commerciales entre un CFIL ou un expéditeur et les deux entreprises ferroviaires peuvent faire l'objet d'un arbitrage, au besoin.

Mme Greene: Tout à fait. La plupart des questions régies par la disposition sur le niveau de services sont des questions qu'on retrouve couramment dans des milliers d'ententes négociées chaque jour par les expéditeurs. En général, les parties s'entendent à l'amiable. Toutefois, lorsque les parties ne s'entendent pas et que l'expéditeur refuse de faire des compromis, on peut invoquer cette disposition.

Elle n'a pas servi beaucoup - il y a eu huit ou neuf cas au cours des dernières années - ou, à tout le moins, on l'a invoquée dans peu de décisions. Il se peut que des plaintes aient été déposées auprès de l'office qui les a réglées en s'entretenant avec les parties plutôt que de s'en remettre au processus décisionnel officiel; quoi qu'il en soit, peu de décisions ont été rendues aux termes de cette disposition.

Les expéditeurs, eux, vous diront que l'existence même de cet article leur donne un levier additionnel dans leurs négociations.

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Le président: Passons au point suivant.

Mme Greene: Nous avons examiné l'équilibre qu'on tente d'établir entre l'office, le gouvernement et les négociations commerciales, ainsi que les mesures de protection particulières, les dispositions donnant accès aux autres transporteurs ferroviaires, les droits de circulation et le niveau de service. La dernière question que j'aimerais aborder, et que vous jugerez certainement pertinente, est que si nous avons fait des erreurs, nous nous sommes donné la possibilité de les corriger. Nous nous sommes donné la possibilité d'évaluer notre travail.

Nous avons constaté que, pour certains modes de transport, le camionnage en étant l'exemple parfait, nous avons peu d'information sur ce qui se passe au Canada. La plupart des associations de camionnage sont très serviables; si vous cherchez des renseignements particuliers, elles vous les fourniront.

À d'autres chapitres, nous n'avons pas les outils dont vous, les députés, ou le gouvernement avez besoin pour déterminer en toute équité si les systèmes fonctionnent mieux ou efficacement.

À cette fin, nous nous sommes donné une plus grande marge de manoeuvre que dans le passé, et nous vous présenterons des rapports réguliers, à chaque année, sur nos constatations. Cela s'est fait dans le passé pour tout le système, ainsi que pour le transport des céréales.

Le projet de loi prévoit que l'office fera rapport sur le genre de plaintes qu'il aura reçues et sur la façon dont les dispositions du projet de loi l'aident ou l'empêchent de résoudre ces plaintes.

Il est difficile de trouver le juste milieu. Je serai la première à l'admettre. Mais si vous faites de votre mieux, si vous écoutez toutes les parties, que vous vous informez et que vous évaluez l'efficacité de la loi méthodiquement chaque année, vous serez alors en mesure, à tout le moins, d'apporter les correctifs qui s'imposent pour la bonne marche du système dans son ensemble.

Enfin, monsieur le président, vous en entendrez peu parler, parce qu'on vous fait surtout part de choses qui ne vont pas. Les gens viennent rarement vous dire: «Voici ce qui nous plaît». Permettez-moi une digression. À mon avis, le projet de loi comporte de nombreux points forts dont vous entendrez peu parler, mais que vous voudrez peut-être garder en tête lorsque vous vous demanderez si on a trouvé le juste milieu.

Il y avait des centaines de pages de lois, dont certaines remontaient au début du siècle et qui régissaient les chemins de fer comme s'il s'agissait d'un bébé. Les sociétés devaient remettre au gouvernement toutes sortes de documents. Elles ne pouvaient louer quoi que ce soit; elles ne pouvaient céder quoi que ce soit; elles ne pouvaient fonctionner normalement sans déposer toutes sortes de documents.

Tous ces documents ne servaient pas nécessairement à prendre des décisions particulières.

On s'est donc demandé à quoi servait toute cette tracasserie administrative lorsqu'on a dû examiner, article par article, la Loi sur les chemins de fer, la Loi sur les chemins de l'État et la Loi sur les chemins de fer nationaux du Canada.

Tous ceux qui, dans le passé, ont examiné cette législation, comme nous, se sont exclamés: «Mon Dieu, ne pourrait-on pas simplifier tout cela?» Mais quand venait le temps de répondre aux préoccupations les plus urgentes, on décidait de ne pas modifier la loi. Voilà pourquoi tant de ces dispositions existent encore, aujourd'hui, après tant d'années.

Cette fois-ci, enfin, je crois que nous avons fait un premier pas important et qu'on commencera à traiter les sociétés de chemin de fer comme de nouvelles entreprises. Les dispositions de la Loi sur les chemins de fer qui n'étaient plus nécessaires ont été révoquées dans ce projet de loi ou on vous suggère de les révoquer. Lorsqu'il existe une loi d'application générale aux entreprises, telle que la Loi sur les sociétés par actions ou la Loi sur la concurrence, plutôt que de forcer l'office à dédoubler ce qui existe déjà, on laisse la loi d'application générale s'appliquer. Cela fait partie de ce juste milieu, mais ce n'est pas le genre de choses dont vous entendrez parler.

.1100

Merci beaucoup de m'avoir écoutée, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Greene. Le Comité vous sait gré d'être venue.

Je vois que mes collègues veulent vous poser des questions, alors, je leur cède la parole.

M. Gouk: J'aimerais poser une question complémentaire au sujet des paragraphes 27(2) et 34(1).

Si la demande est frustratoire, de toute évidence, l'expéditeur ne pourra prouver qu'il y a eu préjudice important. Je ne peux imaginer de situations de préjudice important qui soit aussi frustratoire, ou vice versa.

Si vous conférez à l'Office le pouvoir de rejeter les demandes où la preuve d'un préjudice important n'a pas été faite, je me demande pourquoi vous excluez le terme «frustratoire». Vous vous répétez.

Mme Greene: Le terme «frustratoire» s'applique aux demandes ayant mené à une instance ou au retard des procédures et sert à déterminer à qui incomberont les frais. Après avoir examiné tous les faits, si on constate que la demande était frustratoire, on impose les frais à celui qui a présenté la demande.

Disons que l'Office doit rendre une décision dans une affaire particulière. Il a reçu une plainte, il a convoqué les parties, il a tenu une audience et écouté les arguments et, après avoir donné à chacun la chance de s'exprimer, il se retire pour prendre sa décision.

Avant d'accorder réparation à l'une ou l'autre des parties, il doit se demander si, en rendant sa décision, il protégera un intérêt important qui, autrement, ne serait pas protégé. Il se peut qu'il détermine que tel n'est pas le cas.

Voilà pourquoi l'Office a le pouvoir de condamner le demandeur à assumer les frais, mais seulement si la demande est frustratoire.

Mais ce n'est pas parce que l'une des parties n'a pas un intérêt important dans l'affaire qu'on considérera sa demande comme frustratoire et qu'elle sera condamnée à payer les frais. C'est ainsi que j'expliquerais cette disposition. Est-ce clair?

M. Gouk: Oui, je crois vous avoir compris.

J'ai encore deux petites questions, et j'espère que vous pourrez répondre à la première par un simple oui ou non. Est-ce que Transports Canada a l'intention d'interrompre la vente d'actions du CN d'ici l'adoption du projet de loi C-101?

Mme Greene: Non.

M. Gouk: Ma dernière question est celle-ci. Pourriez-vous préciser ce dont vous et moi avons discuté hier, aux fins du compte rendu?

Mme Greene: Oh, oui. Merci.

Hier, M. Gouk a soulevé une question sur l'article 140 portant sur le transfert et la cessation de l'exploitation des lignes, et je lui a donné une réponse erronée. Il m'a demandé ceci: Si une compagnie de chemin de fer modifie son plan, peut-elle vendre une ligne sans passer par le processus prévu et attendre que d'autres expriment leur intérêt, éventuellement, pour ensuite cesser l'exploitation de cette ligne?

J'ai répondu non, mais j'avais tort et M. Gouk avait raison. La compagnie de chemin de fer, en l'occurrence, peut procéder à la vente. Si elle trouve un acheteur pour une ligne, la loi ne l'empêche pas de conclure la vente, même s'il s'agit de la vente d'un tronçon dont elle ne croyait pas se départir dans l'immédiat. Nous ne voudrions pas que la loi, qui a pour but d'encourager ce genre de transferts, ait l'effet contraire.

Je me suis trompée dans ma réponse, parce que nous avons mis beaucoup de temps à nous fixer à ce sujet. Nous voulions que le préavis le plus long possible soit donné afin que les gens aient la chance d'exprimer leur intérêt, mais, en revanche, si un événement imprévu survenait, il ne serait pas utile de faire obstacle aux compagnies de chemin de fer désireuses de vendre une ligne. Nous avons donc longuement discuté de ce qui était le mieux indiqué et, pour un instant, j'ai oublié quel avait été notre choix finalement.

.1105

M. Gouk a raison. Nous n'empêcherons pas une compagnie de vendre si elle reçoit une offre, même si celle-ci n'était pas prévue.

[Français]

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): C'est au sujet de l'un des amendements qu'on se propose d'apporter au paragraphe 27(2) du projet de loi. On nous dit qu'on veut modifier le libellé de la version anglaise pour refléter l'intention dans la version française. Est-ce qu'on pourrait m'expliquer quelle est la différence entre les deux?

Mme Greene: Oui, je comprends, monsieur Mercier, et vous avez tout à fait raison. C'est une faute de traduction. M. Young et le gouvernement veulent proposer un amendement au comité pour corriger cette erreur.

M. Mercier: Quelle est la différence de signification entre les deux actuellement?

Mme Greene: Il n'y a aucune différence de signification. C'est une faute de traduction.

M. Mercier: C'est donc la version française qui est la bonne.

Mme Greene: Oui, c'est exact.

M. Mercier: De plus, j'aimerais que vous élaboreriez davantage sur les raisons pour lesquelles les droits de circulation ne seront pas étendus au CFIL.

Vous avez dit qu'il y avait deux lois différentes en ce qui concerne au moins certains CFIL, et je ne crois pas que vous ayez abordé d'autres raisons. Est-ce que vous pourriez élaborer sur la position des CFIL au sujet des droits de circulation? J'aimerais que vous parliez un peu de cette question des droits de circulation que la loi ne donne pas en ce qui concerne les CFIL.

Mme Greene: La plupart des CFIL ne veulent pas de changements aux droits de circulation. La plupart d'entre eux nous disent que la relation entre les chemins de fer et les CFIL en est une de collaboration. Une fois que la compagnie de chemin de fer a décidé de vendre un tronçon de rail, elle s'attend à ce que le CFIL soit le partenaire du chemin de fer. Ainsi, les deux servent l'un à l'autre. Le CFIL peut garantir une continuation du service dans des circonstances où il y a danger que le service ne puisse continuer. Il peut garantir au chemin de fer que le trafic sera transféré au chemin de fer. Pour le chemin de fer, cette continuation du trafic est très importante. C'est une relation de collaboration plutôt que de concurrence directe.

Pour les expéditeurs, les bénéfices viennent non pas d'une relation de concurrence directe, mais plutôt du fait que les coûts des CFIL sont plus bas que ceux des chemins de fer et du fait que le service aux expéditeurs se continue dans des circonstances où cela n'aurait pas été possible autrement. Dans la plupart des cas, les CFIL n'ont pas de problème en ce qui a trait aux dispositions législatives telles qu'elles existent maintenant.

M. Mercier: Donc, les CFIL sont partagés sur la question.

Mme Greene: Il n'y en avait qu'un qui était contre. Nous avons consulté tous les CFIL au Canada et même aux États-Unis. Il n'y en avait qu'un qui n'était pas content de ce qui figure dans le projet de loi.

[Traduction]

M. Hubbard (Miramichi): Monsieur le président, j'aimerais profiter de l'occasion pour poser une question. Les chemins de fer semblent être à l'ordre du jour. Mais le projet de loi renferme bon nombre d'autres articles qui modifient d'autres lois dans le domaine des transports. Est-ce que nos témoins voudraient faire des observations sur ces autres modifications? Y a-t-il des questions importantes relatives aux lois sur la sécurité, comme la Loi sur l'administration de la Voie maritime du Saint-Laurent par exemple, qui devraient être portées à l'attention du Comité? Il doit y en avoir une quarantaine ou une cinquantaine énoncées article par article.

.1110

Mme Greene: Est-ce des amendements corrélatifs que vous parlez?

M. Hubbard: Oui.

Mme Greene: Effectivement, il y a un nombre considérable d'amendements corrélatifs, mais j'ignore si c'est un nombre excessif pour un projet de loi de cette taille.

La plupart des amendements corrélatifs découlent de l'abrogation de grandes parties de la Loi sur les chemins de fer. Celle-ci comportait des dispositions très obscures sur les droits d'expropriation des chemins de fer, dont les pouvoirs ont été établis au début du siècle, en particulier par rapport aux revendications territoriales des autochtones. Mais de nombreuses autres lois se référaient à la Loi sur les chemins de fer, qui remonte, comme je le disais, au début de ce siècle de sorte que lorsque des centaines de textes de loi étaient soumis au Parlement il fallait, dans de nombreux cas, tenir compte des termes de la Loi sur les chemins de fer. Sitôt qu'il est donc question d'abroger cette dernière vous devez, dans son sillage, remanier dans les termes tout au moins, un grand nombre de textes de lois.

Pensiez-vous à quelque chose de précis?

M. Hubbard: Non, mais il pourrait y avoir des répercussions d'amendements apportés à une autre loi. C'est ainsi que vous mentionniez les communautés autochtones de ce pays, dont de vastes terres ont été touchées par les lois sur les chemins de fer.

Avez-vous des commentaires à faire sur les changements, contenus dans les divers articles, qui pourraient faire l'objet de discussions, dans les prochaines semaines, au sein de ce Comité?

Mme Greene: Nous avons pris grand soin, en particulier pour la question que vous mentionnez, de maintenir scrupuleusement le statu quo quant aux revendications territoriales des autochtones pour des terres qui, au tournant du siècle, ont pu être utilisées par les chemins de fer. Nous avons soigneusement évité cela et veillé, à cet effet, à en discuter longuement avec nos collègues du ministère responsable de ces questions.

Permettez-moi de parcourir rapidement les documents, pour répondre à votre question sur une surprise éventuelle.

M. Hubbard: Sur toute question inattendue qui pourrait se poser.

Mme Greene: J'espère que non, je crois que tout...

Le président: Nous allons devoir tout examiner article par article.

Mme Greene: Vous allez devoir examiner chaque cas, mais je crois que tout est en règle.

Le président: Je sais, Charles, que vous allez éplucher chacun de ces textes avant que nous-mêmes ne les examinions pour les adopter.

Mme Greene: Nous n'avons pas de questions à soulever ici.

M. Fontana: Dans le projet de loi, il est question de «prix compensatoires», et plus loin il est souvent question de «prix justes et raisonnables». Est-ce à dire que les deux termes reviennent au même? Je n'ai vu nulle part, dans le projet de loi, de définition de «prix compensatoire». Y a-t-il une raison à cela, ou une définition est-elle possible, ou serait-ce difficile? Ou faut-il admettre que les deux expressions reviennent au même?

Mme Greene: Le terme «compensatoire» est utilisé depuis longtemps par le législateur pour décider si un prix répond aux conditions de la loi. Il s'agit généralement de coûts variables qui, dans le cas des chemins de fer, vous ne l'ignorez pas, ne représentent pas tous les coûts du transport, parce que les chemins de fer sont de grosses entreprises qui ont besoin de gros capitaux. Mais on en est venu à considérer que «prix compensatoire» est interprété, par les chemins de fer, comme couvrant tout au moins les coûts variables d'un transport.

Le terme est utilisé depuis si longtemps qu'il semble superflu d'en donner une définition.

L'expression «commercialement juste et raisonnable» donne plus de latitude à l'Office; elle s'applique aux tarifs, mais également aux niveaux de service. Ce que cela signifie dans les faits, c'est que c'est à l'Office, qu'il s'agisse de tarifs ou de niveaux de service, de décider ce qu'il va imposer pour que le prix reste commercialement juste et raisonnable... Ce n'est pas nécessairement la même chose que «coûts variables» qui, dans le contexte de prix de ligne concurrentiels, nécessitent une décision de la part de l'Office. Le prix peut alors différer de ce que l'on considérerait comme «commercialement juste et raisonnable» pour une plainte d'ordre plus général.

.1115

Ce que propose également le gouvernement... Nous allons proposer, à ce sujet, d'être plus clair qu'on l'a été jusqu'à présent. Le ministre a en effet proposé, non certes en termes juridiques, mais ce sera à vous de le faire... L'une des choses qu'a proposées le ministre est précisément d'énoncer clairement que les termes «commercialement juste et raisonnable» et «compensatoire» peuvent ne pas être équivalents, selon les circonstances, et c'est ce que nous comptons faire pour dissiper toute confusion sur ces termes.

M. Fontana: Je voudrais que l'on précise bien, pour que chacun comprenne, comment les dispositions d'abandon ou de cessation d'exploitation s'appliqueront à tous ceux qui seront sur les rangs pour l'acquisition de la ligne mise en vente.

Je voudrais signaler à ce propos que le ministre, dans un communiqué de presse, a abordé la question des subventions au transport des voyageurs autres que par VIA et la question est traitée ici, dans ce projet de loi, mais dans l'intérêt public le ministre a d'autres dispositifs pour veiller à ce que ces subventions soient versées. Je sais qu'il n'est pas question ici des subventions pour VIA, directement tout au moins, mais indirectement le problème se pose non seulement pour VIA, mais pour toute autre compagnie de chemin de fer qui assure le transport des voyageurs et qui veut s'établir dans ce pays. Ne possédant pas sa propre infrastructure, une telle compagnie doit donc l'acheter ou la louer aux compagnies principales, peut-être même, à présent, aux lignes ferroviaires sur courte distance, puisqu'il y en a de plus en plus.

J'aimerais savoir comment il est possible de veiller à ce qu'une compagnie de transport de voyageurs, sous quelque forme qu'elle existe actuellement ou qu'elle existera demain, soit protégée afin d'avoir accès aux lignes principales, aux lignes ferroviaires sur courte distance ou à toute autre infrastructure nécessaire pour assurer le maintien d'un service de transport pour les voyageurs. Ou bien faudra-t-il qu'une compagnie qui assure le transport des voyageurs négocie son propre contrat avec tous les services intéressés si elle souhaite assurer ce service?

Vous pourriez peut-être expliquer au Comité, Moya, comment fonctionnera l'abandon des lignes, car le CN ou le CP vont les proposer à une ligne ferroviaire sur courte distance, à une province, à une municipalité ou aux sociétés privées. Vous pourriez peut-être expliquer comment cela fonctionnera, car c'est une question de grande importance.

Mme Greene: Oui, effectivement, et nous en avons tenu compte.

Lorsque la compagnie de chemin de fer met en vente le tronçon sur lequel se trouve, par exemple, VIA, l'annonce doit indiquer que c'est VIA qui dessert cette ligne. Ceux qui répondent à cette annonce doivent faire savoir s'ils sont, ou non, disposés à acquérir la ligne que dessert VIA Rail.

VIA Rail peut également décider d'être l'un des participants à l'acquisition, comme ce fut le cas autrefois, lorsqu'elle a acquis de petits tronçons de ligne ferroviaire à exploiter elle-même. VIA Rail peut donc se porter sur les rangs pour acquérir un tronçon de ligne plutôt que de le louer, comme c'est le cas à présent.

Si VIA Rail décide de ne pas profiter de cette occasion ou n'est pas l'acquéreur choisi, ou ne dispose pas de suffisamment de ressources à cet effet, il lui est loisible de négocier avec l'acquéreur, et c'est pourquoi il est très important de lui laisser le recours à l'arbitrage.

M. Fontana: Qu'arrive-t-il si une municipalité se porte acquéreur d'une ligne ferroviaire et emporte le contrat faute de concurrents, mais n'a pas l'intention d'exploiter cette ligne pour quoi que ce soit, car elle ne voulait l'acquérir que pour sa valeur foncière? Il arrive en effet qu'une municipalité ait intérêt à acquérir simplement le terrain. Il est absolument nécessaire que VIA, ou toute autre compagnie ferroviaire de transport des voyageurs, continuent à exploiter cette ligne pour offrir une liaison de A à B, mais qu'arrivera-t-il s'ils n'y parviennent pas?

.1120

Mme Greene: Ils feraient appel à vous, parce que...

M. Fontana: Ils le font.

Mme Greene: C'est vraiment ce qui arriverait, car avant que l'offre ne soit adressée à la municipalité, elle doit être adressée au gouvernement fédéral ou au gouvernement provincial en question. Si le maintien d'un service VIA est compromis et que le gouvernement fédéral a l'impression que c'est contre l'intérêt public, les autres niveaux de gouvernement ont la possibilité d'intervenir afin de protéger ce dernier.

Si par ailleurs la ligne ferroviaire est acquise par un transporteur privé, de sorte qu'elle est exploitée et qu'il n'y a donc pas de difficulté, VIA peut intervenir en demandant l'arbitrage pour l'offre définitive, comme dans le cas de lignes ferroviaires sur courtes distances de trains de banlieue. Si l'offre est adressée à une municipalité, c'est uniquement parce qu'aucun exploitant du secteur privé ne s'est porté acquéreur. Le gouvernement fédéral a alors décidé que rien ne l'amènerait à intervenir pour une ligne interprovinciale ou internationale et la province a décidé qu'elle n'avait pas intérêt à s'immiscer dans la question. L'intérêt public, dans le cas de trains de voyageurs, pourrait amener une intervention du gouvernement dans certaines circonstances, et VIA peut participer à cet exercice commercial.

M. Fontana: Est-ce que vous voulez dire qu'il existe un ordre hiérarchique pour les offres d'acquisition, par exemple de CN ou CP au gouvernement fédéral...

Mme Greene: C'est exact.

M. Fontana: ...et que s'il n'y a pas preneur au gouvernement fédéral, cela va...

Mme Greene: Oui, il existe là un ordre hiérarchique.

M. Fontana: Je croyais que vous aviez parlé d'une annonce...que l'obligation de la compagnie ferroviaire est tout d'abord de mettre son plan en place, afin que chacun sache, avec un préavis de trois ans, comment elle procédera pour cesser ses activités.

Mme Greene: C'est exact.

M. Fontana: Mais son intention véritable est de vendre cette ligne; tout ce qu'on a à faire, c'est de mettre une annonce et d'attendre pour voir qui se portera acquéreur.

Mme Greene: C'est exact.

M. Fontana: Tous ceux qui veulent se porter acquéreur.

Mme Greene: Non, il y a un ordre de priorité qui fonctionne de la façon suivante: on publie dans les journaux une annonce de vente d'un tronçon donné, et les gens du secteur privé qui veulent exploiter cette ligne ont 60 jours pour répondre.

M. Fontana: Vous mentionnez là le secteur privé.

Mme Greene: Laissez-moi terminer: cela s'adresse d'abord au secteur privé, puis au gouvernement. Il y a également toute la question concernant la continuation de l'exploitation de la ligne, puis il y a une période de cinq mois pour essayer de négocier l'affaire. En cas d'échec - c'est-à-dire s'il ne se trouve personne dans le secteur privé pour exploiter commercialement cette ligne ferroviaire - l'offre est adressée au gouvernement fédéral, qui a 15 jours pour décider s'il veut intervenir. Une autre période de 15 jours est prévue si le gouvernement fédéral refuse pour adresser une offre au gouvernement provincial, puis aux autorités municipales. Il y a donc un ordre préétabli.

M. Fontana: Où cela se trouve-t-il?

Mme Greene: À l'article 145(2) de la loi.

M. Fontana: Merci, vous avez répondu à ma question.

Le président: Madame Terrana.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Je voudrais tout d'abord remercier le ministère pour son obligeance et de sa célérité, chaque fois que je lui demande un renseignement ou une aide.

Par ailleurs je continue à m'inquiéter de la question des autochtones. Vous n'ignorez pas qu'en Colombie-Britannique, nous avons des dispositions spéciales, et plusieurs groupes ont pris contact avec moi. Vous dites que le statu quo a été conservé, mais où cela est-il dit? Certainement pas dans la vente du CN. Est-ce ailleurs que cela apparaît?

Mme Greene: Cela se trouve dans ce projet de loi même, madame Terrana, laissez-moi chercher l'article en question. C'est la répétition exacte de ce qui était dans la Loi sur les chemins de fer depuis de nombreuses années.

Mme Terrana: C'est donc dans le projet de loi C-101?

Mme Greene: C'est à l'article 97.

Mme Terrana: Je n'ai pas le projet de loi sous la main, mais je vous remercie du renseignement. J'en ai déjà discuté avec M. Patenaude, mais il me paraît important que...

Mme Greene: L'article 97 reflète exactement la position adoptée, depuis de nombreuses décennies, à l'égard de la cession de terres domaniales; nous avons conservé l'article tel quel.

Mme Terrana: Je vous remercie.

.1125

Le président: Moya, j'aimerais vous remercier ainsi que vos collègues d'avoir comparu aujourd'hui. Si le comité décide de se pencher sur une autre question, les céréales, par exemple, j'espère que vous serez disposés à revenir pendant environ une heure.

Mme Greene: Oui. Merci beaucoup.

Le président: Je vois que nous nous entendons très bien.

Chers collègues, je vous remercie d'avoir assisté à la réunion d'aujourd'hui. Nos premiers témoins comparaîtront lundi en huit.

La séance est levée.

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