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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 mai 1995

.1535

[Traduction]

Le président: Bonjour, chers collègues. Nous reprenons l'étude du projet de loi C-89, Loi prévoyant la prorogation de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada sous le régime de la Loi canadienne sur les sociétés par actions ainsi que l'émission et la vente de ses actions au public, aussi connu sous le nom de Loi sur la commercialisation du CN.

Nous accueillons cet après-midi des représentants de l'Association canadienne du camionnage. Il s'agit de Gilles Bélanger, président, de David Bradley, président de l'«Ontario Trucking Association», et de Kenneth Maclaren, consultant. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous parler aujourd'hui.

Si j'ai bien compris, vous allez nous lire un mémoire dont nous avons tous un exemplaire dans les deux langues officielles.

Allez-y.

[Français]

M. Gilles J. Bélanger (président, Association canadienne du camionnage): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Nous sommes ravis d'être ici et nous vous remercions de nous donner cette occasion de témoigner devant votre comité.

Avant de commencer mon mémoire, je voudrais me présenter. Je suis président de l'Association canadienne du camionnage. Je suis accompagné de David Bradley, président de l'«Ontario Trucking Association», et de Ken Maclaren, qui est maintenant consultant mais qui a été à la tête de l'Association canadienne du camionnage pendant bien des années.

Je suis accompagné aujourd'hui d'un seul représentant d'une association provinciale, mais l'Association canadienne du camionnage représente aussi toutes les associations provinciales du Canada. Il y a six associations provinciales et une association régionale pour la région de l'Atlantique. Nous ne voulions pas inviter tout le monde à venir avec nous, mais M. Bradley représente l'Ontario.

Mesdames et messieurs, l'Association canadienne du camionnage et l'«Ontario Trucking Association» tiennent à remercier le Comité permanent des transports de leur permettre d'exprimer leurs préoccupations et de formuler des suggestions au sujet de cette importante question.

L'ACC est une association à but non lucratif qui se fait le porte-parole de l'industrie des transporteurs par véhicule automobile du Canada sur les questions d'intérêt national et international depuis 1937. L'OTA est la plus importante association provinciale du camionnage du Canada et représente l'industrie ontarienne du camionnage.

Le camionnage est l'élément le plus important de l'industrie des transports. Il génère 38 p. 100 de toutes les recettes produites par l'industrie des transports et comprises dans le PIB. L'industrie comprend des centaines de milliers de camions lourds et de remorques et produit des recettes annuelles de plus de 30 milliards de dollars. Elle emploie près d'un demi-million de travailleurs, et la valeur des marchandises qu'elle transporte représente de 65 à 80 p. 100 du commerce au Canada. La différence entre 65 p. 100 et 80 p. 100 dépend de la région et de la province.

À l'heure actuelle, l'industrie du camionnage transporte environ 70 p. 100 de toutes les marchandises transportées par voie de surface - compte tenu de la valeur de ces marchandises - et les sociétés ferroviaires en transportent 30 p. 100. C'est exactement le contraire d'il y a 30 ans, quand les chemins de fer étaient le principal mode de transport et transportaient 70 p. 100 des marchandises. L'industrie du camionnage a maintenant la prépondérance pour le transport des marchandises parce qu'elle fournit un service souple, efficace, sûr et rapide que les expéditeurs préfèrent et sur lequel ils comptent pour faire face à la concurrence sur les marchés continental et global. Le succès de notre industrie dépend des innovations apportées par l'industrie du camionnage en réponse aux forces du marché.

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Je souligne tout de suite que nos deux associations appuient depuis longtemps la privatisation du Canadien National. Depuis plus de cinq décennies, nos associations s'intéressent activement au transport efficient et concurrentiel des marchandises dans un marché multi-modal. Le secteur du transport routier au Canada est déréglementé depuis 1988. À cause de sa nature même, la déréglementation a fait en sorte que nous composions avec les forces du marché, et les expéditeurs, fabricants, détaillants et consommateurs du Canada ont profité de l'amélioration du service et des prix avantageux qui ont découlé d'une concurrence accrue.

Le fait d'avoir encore un intervenant sur le marché qui soit une société d'État contredit l'effet positif des forces du marché. C'est injuste pour les concurrents du CN. C'est aussi injuste pour ses clients et cela empêche aussi le CN de faire le nécessaire pour garantir sa viabilité à long terme. À cause de tout cela, l'industrie du transport routier s'intéresse vivement au projet de loi C-89 que vous êtes chargés d'étudier et à la façon dont la commercialisation du CN se fera.

Par suite de la déréglementation du transport routier à la fin des années quatre-vingt et de l'entrée en vigueur plus tard de l'Accord de libre-échange canado-américain, il y a eu un bouleversement important du trafic traditionnel est-ouest pour tous les moyens de transport en faveur du transport nord-sud. Les changements dans les habitudes de transport et l'accroissement massif de la concurrence, en même temps que la récession et la valeur trop élevée du dollar, ont causé d'énormes problèmes à l'industrie. L'industrie du camionnage a dû trouver elle-même des solutions à ses problèmes et les transporteurs canadiens ont dû devenir plus concurrentiels.

La déréglementation de l'industrie du camionnage n'a fait que supprimer les obstacles économiques au transport extra-provincial. Pour le reste, l'ancien régime a été maintenu et c'est pour cela que les transporteurs canadiens ont eu du mal à s'adapter rapidement à la concurrence. Malgré ces obstacles à la concurrence imposés par le gouvernement, les transporteurs canadiens sont devenus plus efficaces et plus productifs, ils ont amélioré leur service et ils ont innové.

Il reste encore des problèmes dans le secteur du camionnage, mais les perspectives d'avenir se sont améliorées, surtout à cause de l'accroissement de l'efficacité et de la productivité des transporteurs routiers, d'une part, et d'un régime réglementaire rationalisé, d'une économie à la hausse et de la rectification de la valeur du dollar canadien. L'industrie du camionnage a survécu à la déréglementation et peut maintenant profiter d'un marché plus libre.

C'est en partie parce que les sociétés ferroviaires étaient surréglémentées sans qu'elles aient la possibilité de rationaliser leurs opérations qu'elles ont maintenant des problèmes. Pour être rentables dans un milieu concurrentiel, les transporteurs ferroviaires doivent être libres de s'adapter rapidement à l'évolution du marché, ce qui n'est pas le cas des sociétés ferroviaires canadiennes à cause de la réglementation qui emprisonne les chemins de fer du Canada dans une autre époque.

L'industrie du camionnage a tout avantage à ce qu'il existe un système intermodal efficace et concurrentiel et le transport ferroviaire en est un élément clé. L'industrie du camionnage soutient qu'il existe et qu'il a toujours existé d'énormes possibilités pour les services intermodaux ferroviaires et routiers dans le secteur des transports sur de longues distances au Canada.

Les sociétés ferroviaires du Canada peuvent continuer de rivaliser sans succès ou elles peuvent suivre l'exemple de leurs concurrents américains et devenir grossistes de services intermodaux pour l'industrie du camionnage. Nous signalons qu'il existe déjà un système intermodal ininterrompre entre le transport maritime et le transport routier d'une part, et le transport aérien et le transport routier de l'autre. L'industrie du camionnage appuie de tout coeur le maintien d'un réseau ferroviaire concurrentiel rationalisé pour devenir efficace. Pour être viable, un système intermodal a besoin de prix concurrentiels et de services comparables à ceux qu'offre l'industrie des envois en camions complets et de la présence de services ferroviaires concurrentiels.

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En outre, l'industrie a d'importantes préoccupations au sujet de la commercialisation du CN à cause du montant de sa dette et de la tendance qu'a toujours eue la direction du CN à trop dépenser pour l'infrastructure, surtout lorsqu'il y a eu restruction du capital, dans le passé. Les pratiques de gestion du CN doivent tenir compte des réalités du marché. Si l'on entreprend une restructuration financière surtout pour rendre l'offre initiale plus attrayante, les innovations et les décisions difficiles vraiment nécessaires pour changer la nature même de la société risquent de ne pas se produire ou du moins d'être longuement retardées.

L'industrie du camionnage s'oppose à toute restruction du capital dont le seul but serait de rendre la vente du CN plus attrayante sur un marché financier difficile. La commercialisation n'est qu'une demi-mesure si le gouvernement ne s'occupe pas en même temps des autres problèmes réglementaires. Plus il restera d'obstacles réglementaires à la compétitivité, moins le marché sera réceptif au moment de l'émission des actions.

Si la commercialisation du CN entraîne un nouvel apport de capitaux excessif, ce serait extrêmement désavantageux, pour ne pas dire discriminatoire, à l'endroit de la compétition du secteur privé dans le domaine des transports. À cause de capitalisations multiples dans le passé payées par les contribuables, la plupart des gens reconnaissent que le CN a un système d'infrastructure plus moderne mais pas nécessairement plus efficace que celui de l'autre société ferroviaire canadienne. Il ne faudrait pas qu'on tienne à tel point à réduire le ration d'endettement pour relever la cote financière du CN commercialisé et attirer les investisseurs que cela donnerait un avantage injuste au CN sur le plan de la concurrence.

Mais même si le projet de loi C-89 ne porte pas sur les aspects économiques de la commercialisation, le Comité devrait énoncer de bons principes économiques pour éviter un déséquilibre dans la concurrence pour le transport par voie de surface.

Les sociétés ferroviaires ont des problèmes, tout comme le secteur des transports en général. Ce n'est pas en blâmant l'industrie du camionnage qu'on pourra résoudre ces problèmes. Il faut pour cela se pencher plutôt sur les services opérationnels et les pratiques de gestion des sociétés ferroviaires elles-mêmes. À la fin du compte, c'est l'expéditeur qui est le mieux en mesure de juger de la performance d'un mode de transport quelconque et les forces du marché finissent par avoir le dessus.

Le CN s'est vraiment efforcé de s'attaquer à toutes ces questions. Certains dirigeants de l'industrie ferroviaire ont d'ailleurs signalé que le CN ferait bien de suivre l'exemple de l'industrie du camionnage.

Merci beaucoup de m'avoir écouté.

Le président: Monsieur Bélanger, je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Nous passons maintenant aux questions.

[Français]

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Merci, monsieur le président. Monsieur Bélanger, merci de votre présentation; j'en ai malheureusement manqué la dernière partie, je vais probablement revenir dans une deuxième série de questions.

Étiez-vous là ce matin lorsque le président du CP a témoigné?

M. Bélanger: Non.

M. Guimond: Je vais vous poser la question que je lui ai posée, mais je vais l'appliquer à l'industrie du camionnage, parce que, dans son cas, je l'appliquais à l'industrie ferroviaire. Considérez-vous en tant qu'industrie canadienne du camionnage, que le chemin de fer vous cause de la concurrence déloyale?

M. Bélanger: Dans une certaine mesure, oui, lorsque le chemin de fer, le Canadien National, reçoit des subventions ou des recapitalisations. Il y en a eu plusieurs pour plusieurs milliers de dollars, qui lui permettent de concurrencer le camionnage dans une certaine catégorie de marchandises ou dans certains marchés, à des prix inférieurs à ses coûts.

Je trouve que ce n'est pas juste; cela a toujours existé et cela pourrait exister dans un cas comme le nôtre si, en privatisant le chemin de fer, on éliminait une trop grande partie de la dette, ce qui rendrait les choses trop faciles.

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M. Guimond: Qu'est-ce que vous répondez à l'industrie ferroviaire qui dit que, dans une certaine mesure, vous utilisez les routes, vous les brisez? Je ne vous transmets pas ma conviction profonde, mais c'est ce qu'on entend parfois sur l'industrie du chemin de fer, savoir que l'industrie du cammionnage cause une concurrence déloyale à l'industrie du chemin de fer, dans le sens que les camions brisent les routes, qu'ils ne paient pas directement pour les réparer, etc. Qu'est-ce qu'on répond à cela?

M. Bélanger: M. Bradley va répondre à la question.

[Traduction]

M. David H. Bradley (président, Association canadienne du camionnage): Il s'agit là d'un vieil argument que l'on ne cesse de répéter, année après année. Cependant, la comparaison ne vaut pas vraiment, et les compagnies de chemin de fer n'ont jamais réussi à fournir de preuves de ce qu'elles avançaient.

Nous, de l'industrie du camionnage, pensons que nous payons notre juste part en ce qui concerne les routes. Nous le faisons sous forme de taxes, de droits de permis, etc., et nous payons assez cher. Certaines des grandes routes du pays sont en fait une source de revenus pour les gouvernements provinciaux concernés.

Pour ce qui est des taxes que nous payons, tant les chemins de fer que les compagnies de camionnage payent une taxe d'accise de 4c. le litre sur le diesel. Très peu de cet argent sert à la construction de routes. Tous ces revenus sont versés au Trésor.

Dans les provinces, la situation est sensiblement la même. En Ontario, ils ont implicitement reconnu cet argument relatif aux infrastructures, car la taxe pour le camionnage est de 14,3c. le litre et c'est 4,5c. le litre pour les chemins de fer. Mais au bout du compte, il est difficle de faire des comparaisons. Les routes sont construites en fonction des pointes. Ce sont les automobiles qui sont responsables des périodes de pointe, et non pas les camions. Nous ne pouvons pas vendre ces avoirs, tandis que les compagnies de chemin de fer ont des terres qu'elles peuvent toujours liquider. Il ne sert donc à rien de faire des comparaisons de ce genre, et il n'y a pas de preuves qui puissent être invoquées.

[Français]

M. Guimond: Si on revient à la privatisation du CN comme tel, est-ce que vous reconnaissez qu'au Canada, l'intermodalité est la voie de l'avenir?

On sait qu'un port, par définition, sert au changement de mode de transport de marchandises. Les marchandises arrivent par la voie des eaux et sont transitées dans des wagons de chemin de fer ou des camions. À partir des wagons - on a déjà visité les installations du CP - , on peut maintenant les mettre dans des camions.

C'est toute la question de l'intermodalité. Si donc on considère que l'intermodalité est une solution de l'avenir au Canada, est-ce qu'avec les dispositions du projet de loi C-89, qui prévoient la possibilité d'acheter des blocs d'actions jusqu'à concurrence de 15 p. 100, à votre connaissance, l'industrie du camionnage va démontrer un certain intérêt vis-à-vis de la prise de possession de blocs d'actions dans le nouveau CN?

M. Bélanger: Je pense qu'il y a deux volets à votre question. Je réponds d'abord à votre deuxième volet en vous disant que je n'en ai aucune idée. Évidemment, comme association, ce n'est pas notre mandat. Est-ce que des entreprises de camionnage s'intéresseront à acheter des blocs d'actions? C'est possible. Je pense que cela n'a rien à voir nécessairement avec la question de l'intermodalité dont l'industrie canadienne appuie fortement le développement.

Et contrairement à ce qu'on peut penser dans certains cercles, l'industrie du camionnage a été et continue d'être extrêmement favorable à l'usage des services intermodaux des deux chemins de fer.

Le problème vient davantage de la relation d'affaires entre les parties que du fait de vouloir ou de ne pas vouloir l'utiliser.

On n'a pas de problème à offrir des services intermodaux conjointement avec l'industrie maritime ou l'industrie aérienne. Elle est totalement intermodale avec le camionnage; alors, on n'a pas de problème.

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Évidemment, les compagnies aériennes sont davantage tenues de confier la marchandise à des camionneurs à un moment donné que ne le sont peut-être les chemins de fer, mais il n'y a vraiment pas de problème. Celui-ci existe beaucoup plus dans la relation d'affaires qui n'a peut-être pas fonctionné, justement parce que les chemins de fer essayaient, tout en tentant plus ou moins de vendre leurs services aux camionneurs, de vendre les mêmes service aux clients des camionneurs, à des prix réduits.

Évidemment, cela rend difficiles les relations d'affaires à ce niveau-là.

[Traduction]

M. Bradley: Je pense que si les camionneurs avaient l'occasion d'acheter la 401, cela nous intéresserait beaucoup. Nous en ferions vraisemblablement quelque chose de rentable.

J'aimerais revenir à une chose que vous avez dite. Vous avez laissé entendre que l'intermodalité est perçue comme étant une solution d'ensemble pour nos problèmes de transport. J'ai entendu des gens dire que l'intermodalité est la solution à nos problèmes environnementaux, à nos problèmes d'infrastructure, etc.

L'intermodalité n'est pas quelque chose de nouveau. Cela existe depuis des décennies. Comme l'a indiqué Gilles, pour nos membres, peu leur importe que les marchandises soient transportées sur de l'acier ou sur du caoutchouc. Ce qui compte, c'est le prix et le service.

Il faut néanmoins comprendre que cela joue un rôle dans certains marchés, par exemple celui du transport sur de longues distances, mais pas du tout dans d'autres où c'est le juste à temps qui compte ou bien où les marchandises ont une durée de vie critique. L'intermodalité a donc un rôle à jouer, mais je ne voudrais pas qu'on interprète le mot «total» comme signifiant que les camions et les chemins de fer sont interchangeables. Ce n'est pas le cas. L'intermodalité prendra de l'ampleur au cours des années à venir, mais le camionnage connaîtra une croissance exponentielle supérieure tant et aussi longtemps que l'économie continuera de croître.

M. Gouk (Kootenay Ouest - Revelstoke): J'aurais quelques questions à vous poser. J'ai entendu la phrase «l'industrie du camionnage fait de la concurrence déloyale aux compagnies ferroviaires». Je ne pense pas que ce soit le cas, mais je pense qu'il y a en fait une ambivalence entre les deux. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur les montants d'argent qui sont dépensés et sur quoi.

Je pense que vous avez soulevé un aspect très important. On tend de plus en plus vers une formule de frais à l'utilisateur, et l'un des problèmes est de déterminer ce que paie véritablement l'utilisateur.

Ce que vous avez dit au sujet du Trésor me préoccupe quelque peu. Si nous entendons percevoir des frais pour les licences, etc., qui sont nécessaires pour les camions et pour d'autre véhicules en général, alors il faudrait en rendre compte quelque part et se servir de l'argent ainsi ramassé aux fins prévues. Ce ne sont que les impôts qui devraient être versés aux recettes générales.

Cependant, le secteur ferroviaire doit surmonter certains obstacles qui ne se présentent pas à vous. Il doit fournir son infrastructure de transport et il doit en plus payer des taxes là-dessus. Il continue de payer ces taxes. Je pense qu'il doit y avoir un déséquilibre entre ce que vous payez et ce que payent les compagnies de chemin de fer. Ce n'est pas de votre faute. Je ne voudrais pas tenter de résoudre les problèmes du secteur ferroviaire en en créant pour l'industrie du camionnage. Il nous faudra donc, comme vous l'avez dit, régler ces questions par le biais de nouveaux règlements, qui, espèrons-le, feront partie de tout cela.

M. Kenneth Maclaren (consultant, Association canadienne du camionnage): L'un des problèmes très réels dans ce domaine, que l'on peut comprendre et qui est difficile, c'est que comme vous l'avez déjà dit, les compagnies de chemin de fer doivent aller chercher les capitaux nécessaires à leur propre infrastucture tandis que nous, nous avons des dépenses régulières selon une formule de facturation à l'utilisation, et je songe ici tout particulièrement aux taxes sur les carburants.

Le problème ne sera jamais complètement réglé. Il existe quatre théories en matière de génie et trois approches économiques en matière d'établissement des coûts des autoroutes - ou bien est-ce l'inverse? J'oublie de quel côté il y en a trois et de quel côté il y en a quatre. Quoi qu'il en soit, selon ce qui vous intéresse, vous pouvez combiner la théorie économique avec les approches en matière de génie et obtenir les chiffres que vous voulez. Interviennent ensuite les différentes tailles de camion, les différents poids à l'essieu, et tout le reste.

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Un autre problème est que dans les gros réseaux inter-ville les camions paient peut-être facilement - et c'est ce que nous pensons - leur part. Cependant, lorsqu'on parle routes secondaires et petits villages - et certains d'entre vous représentent certainement ce secteur - il est néanmoins nécessaire de construire des ponts capables d'accueillir des semi-remorques à 18 roues, même s'il n'y en a que deux ou trois par jour qui vont les emprunter pour se rendre à l'épicerie, à la station-service ou autre. Je doute que les camions qui empruntent certaines de ces routes secondaires ou tertiaires paient leur part. Le volume n'est tout simplement pas suffisant. N'empêche qu'il faut des ponts et des routes capables de supporter leur poids. Il s'agit donc d'une question fort complexe.

Non seulement cela, mais ce sont les provinces qui financent le gros des grandes routes. Là où les compagnies ferroviaires se font prendre, c'est du côté des taxes, et c'est surtout, mais pas uniquement, Ottawa qui vient les chercher. La question de l'équité entre les différents modes de transport ne pourra donc jamais être entièrement résolue.

M. Gouk: Je vois cela. Je pense que l'idée est de s'en approcher le plus possible, même si, comme vous le dites, l'équilibre ne sera jamais parfait.

Monsieur Bradley, vous avez mentionné que vous aimeriez bien que vos membres puissent acheter la 401. Pensez-vous que les routes à péage soient une solution possible aux problèmes d'infrastructure de transport de demain?

M. Bradley: Oui, dans certaines circonstances. Je ne voudrais pas que des postes de péage soient installés le long de toutes les routes et autoroutes.

En Ontario, il y a l'exemple de l'autoroute 407, qui est une nouvelle route de contournement de Toronto. On a réussi à convaincre le gouvernement que des postes de péage seraient acceptables s'il y avait des circuits de rechange, si les fonds étaient utilisés pour financer l'autoroute, s'il y avait une reddition de comptes publique exhaustive et si, une fois tous les frais payés, les péages étaient supprimés.

Évidemment, les gouvernements et le secteur privé vont devoir envisager de nouvelles façons novatrices de financer les importantes immobilisations de ce genre.

M. Gouk: J'aurais une dernière observation à faire. Vous avez mentionné que le secteur ferroviaire a été quelque peu injustement subventionné comparativement au secteur du camionnage. Le secteur ferroviaire a vu sa part du marché du transport des marchandises passer d'importante à relativement faible. Que serait-il advenu du secteur ferroviaire si ces subventions n'avaient pas été là?

M. Maclaren: Il serait peut-être utile que je vous fournisse certains renseignements complémentaires. Nous ne prétendons pas que le CP a été injustement subventionné, à moins que vous vouliez prendre les revenus de PanCanadian et dire qu'à cause des concessions de terres, leurs profits au fil des ans auraient dû être réinvestis dans les voies ferrées.

Le CN a bénéficié d'un interfinancement massif. Notre chiffre pour les années de l'après-guerre jusqu'en 1992 atteint 17 milliards de dollars, en dollars d'aujourd'hui. Si vous remontez encore plus loin en arrière, le chiffre devient astronomique.

L'ennui, c'est que chaque fois que le CN a été recapitalisé, il a eu tendance à se lancer droit devant et à faire des choses que ni le CP ni le secteur du camionnage pouvaient faire... Par exemple, réduire leurs tarifs. Après que la recapitalisation de 708 millions de dollars de 1978 lui eût donné un ratio d'endettement à peu près équivalent à celui du CP pour la deuxième fois dans la période de l'après-guerre, ils ont commencé à élargir leur empire de camionnage. Ils ont tellement réduit les tarifs de camionnage que pendant les huit années précédant la décision de Don Mazankowski de mettre fin à leur souffrance et de les obliger à vendre, ils ont perdu 500 millions de dollars sur les 708 millions de dollars au seul titre du camionnage. Ils ont utilisé l'argent de la recapitalisation pour essayer d'enfoncer leurs concurrents du transport ferroviaire et du transport par camion. Cela n'a jamais rien donné.

M. Gouk: J'ai l'impression que vous avez lu mon mémoire au groupe de travail libéral.

M. Maclaren: C'est ce que je dis depuis 25 ans; j'étais sans doute là avant vous.

M. Fontana (London-Est): Je pourrais peut-être revenir un instant à la privatisation du CN. Vous y êtes favorables. La condition est que vous ne pensez pas, si j'ai bien compris, que la compagnie devrait être recapitalisée par les contribuables. Je ne sais si vous avez suivi certaines discussions qui ont déjà eu lieu.

Si je proposais de ramener la dette du CN des 2,5 milliards de dollars actuels à 1,5 milliard de dollars pour attirer les investisseurs, et que le milliard de dollars provienne des ressources internes de l'entreprise et de la vente de biens non ferroviaires pour obtenir ce ratio d'endettement raisonnable qu'exigeront les forces du marché, je crois, y verriez-vous un inconvénient?

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M. Maclaren: C'est une question de degré. Le nouveau PDG du CN, qui s'est débarrassé de certains dinosaures, a quand même permis que la dette de la société augmente de 40 p. 100 au cours des quatre dernières années. On a fait construire un nouveau tunnel sur la rivière St. Clair, là où les deux compagnies de chemin de fer envisageaient auparavant de jumeler le tunnel à Windsor-Detroit. Par conséquent, toutes les deux ont jumelé leurs voies et cela a coûté 360 millions de dollars au lieu de 120 millions de dollars. Vous voyez donc le genre de situation qui prévaut.

À l'évidence, il faut faire quelque chose pour que le CN soit vendable. Je ne sais pas quoi. Ce n'est pas le meilleur moment de lancer des émissions initiales.

M. Fontana: Je ne partage pas votre avis. En fait, les experts disent exactement le contraire, à savoir que c'est le moment idéal.

M. Maclaren: Eh bien, si vous parlez de Suncor, ça se comprend.

M. Fontana: Laissons de côté le secteur énergétique. Nous parlons d'autre chose.

M. Maclaren: Très bien. J'espère qu'ils ont raison. L'autre jour, les journaux ont publié un article sur l'évolution des émissions initiales au cours des 15 derniers mois...

M. Fontana: Mais je voudrais que vous soyez un peu plus précis, s'il y a lieu. Le CP a commencé à jouer exactement le même jeu que vous. Je voudrais savoir, car vous dites qu'en principe... et je suis heureux de constater que tout le monde est d'accord sur le fait que le gouvernement ne devrait pas s'occuper des chemins de fer et qu'il devrait les laisser au secteur privé. Je suis sûr que le secteur du camionnage aura probablement de meilleurs rapports avec le CN s'il est privatisé. De toute évidence, les choses sont parfois difficiles quand, en matière commerciale, l'interlocuteur est le gouvernement.

J'aimerais que vous soyez précis, car tout le monde tourne en rond dans ce dossier... vous ne voulez pas de capitalisation ni de restructuration du capital. Par conséquent, je vous demande, si vous avez effectivement fait votre devoir, dans quelle mesure le contribuable canadien devrait appuyer le CN pour s'assurer que sa privatisation soit couronnée de succès. Je vous signale qu'à l'interne, cette société peut trouver de 300 à 400 millions de dollars, et que la valeur de ses biens non ferroviaires s'élève de 400 à 600 millions de dollars, ce qui donne à peu près un milliard de dollars. Je vous ai demandé si vous y voyiez un inconvénient, et j'aimerais que vous répondiez à cette question. Maintenant, pourriez-vous me dire si vous avez une solution de rechange que nous pourrions examiner.

M. Maclaren: Si le CN doit puiser dans ses propres ressources pour diminuer sa dette d'un milliard de dollars, cela est probablement acceptable.

Ce qui nous préoccupe vraiment, contrairement à ce que vous avez dit, c'est qu'à la dernière minute, les responsables financiers reviendront nous dire que, pour que cela fonctionne, il faut aller plus loin et il faudra bien essayer de le faire. Le problème serait peut-être de tout faire d'un seul coup. Le ministre n'aurait peut-être pas dû être aussi audacieux en essayant de tout faire immédiatement, comme dans le cas de Pétro-Canada et d'Air Canada. Je ne sais pas. Nous ne pouvons pas produire de chiffres. Par exemple, réduire le ratio d'endettement du CN en deça du ratio d'endettement actuel du CP serait inefficace, car alors le CN aurait du mal à soutenir la concurrence, ce qui serait contraire à notre objectif d'avoir un système ferroviaire concurrenciel et viable.

M. Fontana: En fait, pour votre gouverne, le CP détient actuellement, si je ne me trompe, une cote double A-.

M. Gouk: Simple.

M. Fontana: Non, je parle du CP.

M. Gouk: Moi aussi.

M. Maclaren: Vous parlez du CP Limité.

M. Fontana: En effet. Le CN a un cote double A-. Pour que sa privatisation soit réussie, nous devons veiller à ce que sa cote ne tombe pas en deça d'un triple B, ce qui signifie que le CN ne peut pas se permettre d'avoir une dette supérieure à 1,5 milliard de dollars.

Quant à l'exemple d'Air Canada que vous avez mentionné... il est dommage que vous n'ayez pas été là ce matin pour entendre les souscripteurs parler de l'arrangement global qui a été conclu pour lancer cette initiative. En fait, ils nous ont dit qu'il vaudrait mieux privatiser à 100 p. 100 immédiatement. À cet égard, le cas d'Air Canada a été un exemple malheureux.

Je ne pense pas que le lancement de cette offre publique ait jamais été couronnée de succès. En fait, bien des gens conviendront probablement que, compte tenu de l'avis des meilleurs experts dans ce domaine, le moment est idéal, et nous devrions agir le plus rapidement possible et essayer de vendre intégralement la société. Pour que le lancement soit réussi, il faut que cette dernière ait un ratio d'endettement de 1,5 milliard de dollars.

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Je conviens que nous ne devrions pas favoriser ou défavoriser injustement le CP, car les deux sociétés de chemin de fer veulent fonctionner sur un pied d'égalité. Vous avez été expert-conseil, vous connaissez le secteur, vous connaissez vos concurrents dans les chemins de fer. Afin d'atteindre l'objectif que nous visons tous, chacun devra assurément faire quelques compromis. J'ai proposé que la compagnie trouve de l'argent à l'interne, en puisant dans les liquidités dont elle dispose et en vendant certains biens. Le gouvernement lui donnera du crédit pour les biens non ferroviaires et elle n'aura pas à brader certaines des excellentes propriétés foncières à ce moment-ci; cela permettrait de trouver 1 milliard de dollars pour réaliser l'opération; vous avez dit que vous n'y voyiez pas d'inconvénient. Cependant, vous ne voulez pas qu'on aille plus loin.

M. Bélanger: Je ne pense pas que nous nous y opposerions. Si le gouvernement estime qu'il doit acheter ce qu'il a déjà payé pour que la vente ait lieu, il en sera ainsi. La seule réserve que nous ayons à l'égard de cette vente de biens c'est que le gouvernement les rachète, alors qu'il les a déjà payés. En même temps, nous comprenons que si l'argent peut être produit de l'intérieur pour réduire la dette et permettre la vente, qu'il en soit ainsi. À mon avis, la grande préoccupation réside dans la privatisation.

M. Fontana: Je partage entièrement la thèse que vous défendez dans votre mémoire, car il faut que quelqu'un en sorte gagnant, non seulement le contribuable canadien qui, à mon avis, en profitera, et évidemment le CN en tant que société privatisée, mais aussi et surtout les utilisateurs du réseau. Étant donné que les entreprises et les personnes qui utilisent les chemins de fer et les camions pour livrer leurs produits dans les pays où nous devons... À moins de devenir très concurrentiels en matière de transports, le Canada risque de tout perdre dans les secteurs du camionnage et des chemins de fer. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Bon après-midi. J'ai une question brève. Dans votre mémoire, vous semblez approuver entièrement ce qui se passe. Apparemment, vous êtes en faveur du péage, et moi aussi, car j'en ai vu un peu partout en Europe et cela fonctionne. Nous savons aussi que l'on va modifier la réglementation ferroviaire. Ne pensez-vous pas que la concurrence va s'accroître et qu'en fin de compte les chemins de fer pourraient dépasser le camionnage? Prévoyez-vous pareille situation, et comment allez-vous y faire face?

M. Bradley: Non, je ne la prévois pas du tout. Le camionnage et le transport ferroviaire sont deux secteurs essentiellement différents. Nous dominons en ce qui concerne les courtes distances, les quantités réduites, les marchandises à livrer rapidement, alors qu'il domine dans le transport en vrac sur de longues distances; à mon avis, la situation ne va pas changer, une fois de plus, car il y aura des échanges sur le marché des longues distances, où le transport intermodal s'impose. Mais je ne pense pas qu'il faille craindre la domination des chemins de fer.

Je dois répéter qu'à mon avis, on peut trouver des conditions dans lesquelles le péage serait acceptable. Cela ne veut pas dire que je suis prêt à accepter que le gouvernement s'occupe du péage sur les autoroutes. Il faudra attendre longtemps encore avant de commencer à envisager ce genre de choses.

Mme Terrana: Si on les réserve pour les autoroutes, cela devrait être possible.

M. Bradley: Eh bien, peu importe le palier de gouvernement, s'ils sont réservés et si les projets sont importants, cela est possible et mérite que l'on y réfléchisse.

Mme Terrana: J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Dans le rapport du groupe de travail du CN sur la rationalisation de la société, on a recommandé que toutes les sociétés de chemin de fer aient des droits d'exploitation illimités.

Qu'en dites-vous? D'après ce qu'il dit, il semble qu'il y a là un expert dans le domaine ferroviaire.

.1615

M. Maclaren: Les lignes secondaires?

Mme Terrana: Toutes les lignes; que les deux sociétés puissent utiliser les mêmes lignes... qui seraient interchangeables.

M. Maclaren: Je pense que les deux sociétés ont raté une excellente occasion de rationaliser leurs lignes dans l'est du pays et d'exploiter ensuite des trains sur les deux réseaux combinés. Je pense que nous avons tous raté une excellente occasion de rendre notre réseau ferroviaire vraiment efficace.

Dans l'est du Canada, le marché change très rapidement. Étant donné que le transport s'y fait sur des distances courtes à moyennes, les camions bénéficient d'un avantage considérable par rapport au chemin de fer. Et cet avantage ne se situe pas au niveau du prix, il n'en est qu'un élément. C'est plutôt au niveau du service, qui se fait de porte à porte, de l'usine au magasin de détail, et ainsi de suite. Voilà l'avantage des camions. L'intermodalité n'est vraiment efficace que pour le transport en vrac sur de longues distances.

Je suppose qu'il est logique de permettre aux petits transporteurs ferroviaires d'exploiter les lignes principales, ou quelque chose de ce genre. Je sais que les deux grandes sociétés de chemin de fer ont à ce sujet des opinions qui ne sont pas toutes positives. J'ignore si cela est nécessaire.

Cependant, les sociétés exploitant les lignes secondaires ont un avenir qui ne nous semblait pas possible dans ce pays il y a quelques années. Aujourd'hui, des exploitants offrant des prix réduits et venant essentiellement des États-Unis ont montré qu'ils peuvent effectivement faire ce dont les grandes sociétés étaient incapables sur les lignes secondaires. C'est une bonne chose. La concurrence est accrue.

M. Bélanger: Aujourd'hui, avec la technologie et tout le reste, je ne vois pas la nécessité d'avoir deux lignes de chemin de fer parcourant le pays d'est en ouest.

[Français]

M. Guimond: Je fais une traduction libre de votre texte où, à la page 3, vous mentionnez que la commercialisation sera seulement une demi-mesure, si le gouvernement ne porte pas attention aux autres questions réglementaires. À quoi faites-vous allusion quand vous mentionnez other regulatory issues? À quelles regulatory issues faites-vous allusion? Est-ce que vous parlez des autres règlements qui concernent aussi votre type de transport ou de la révision des règlements dans le domaine du transport ferroviaire, ce que Transports Canada a entrepris?

M. Bélanger: On parle de la révision des autres règlements dans le domaine ferroviaire ou de l'agence nationale des transports. Il est bien évident que si on commercialise le CN, qu'on lui demande de concurrencer dans un marché qui est relativement intense, où une partie des services de camionnage sont déréglementés, ou de concurrencer les Américains dans un milieu déréglementé et qu'il ne peut pas abandonner les routes qui ne sont pas rentables, qu'il ne peut pas réorganiser l'entreprise comme il devrait le faire pour pouvoir concurrencer, à ce moment-là, cela va créer un problème, c'est sûr, et la compagnie ne survivra pas. C'est ce qu'on veut dire.

En commercialisant, il faut s'assurer qu'on donne à l'entreprise la liberté d'exploiter le service sans restrictions réglementaires comme l'abandon de trajets, par exemple.

M. Guimond: Merci.

[Traduction]

M. Maclaren: Un autre commentaire à ce sujet. Bien qu'il ne nous incombe pas de mener le combat des compagnies de chemin de fer en ce qui concerne les taxes locales, il ne fait aucun doute que les compagnies ferroviaires canadiennes paient des taxes locales beaucoup plus élevées que leurs homologues américains. Cela peut favoriser les manufacturiers américains, qui essaient de desservir le marché canadien en continuant de fabriquer leurs produits aux États-Unis. Cela pourrait favoriser les ports américains au détriment des ports canadiens. Il s'agit là d'une question très difficile à régler, car elle touche à des domaines comme l'impôt municipal des compagnies ferroviaires, les taxes provinciales, etc.

Cependant, il convient de dire que dans certains de ces domaines, les compagnies ferroviaires éprouvent des difficultés dans la concurrence avec leurs homologues américains.

.1620

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélanger, monsieur Bradley et monsieur Maclaren d'avoir bien voulu comparaître et répondre à nos questions aujourd'hui.

M. Bélanger: Je vous en prie.

Le président: Je souhaite la bienvenue aux représentants de «Prairie Pools Inc».

M. Ray Howe (président, «Prairie Pools Inc.»): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis producteur de céréales et président de «Prairie Pools Inc». Cet après-midi, je suis accompagné par M. Rick Wansbutter, directeur du marketing et des transports, Saskatchewan Wheat Pool, et Terry Harasym, directeur des recherches politiques et économiques, Saskatchewan Wheat Pool. Nous représentons «Prairie Pools Inc».

Je voudrais également présenter deux personnes qui travaillent à notre bureau d'Ottawa: M. Gord Pugh et Mme Patty Townsend.

Nous comparaissons devant votre Comité cet après-midi pour attirer l'attention du gouvernement, par votre entremise, sur les liens...les répercussions de ses actes, qu'il s'agisse de la commercialisation du CN ou de l'examen de la politique relative au transport, sur d'autres secteurs, en l'occurrence celui des céréales et des oléagineux.

Monsieur le président, je suivrai de très près le texte que nous avons préparé. Je suis désolé qu'il ne soit pas traduit en français, mais il le sera. Je vais le lire assez lentement. J'en aurai pour quelques minutes seulement. Il s'agit d'un mémoire court dans lequel nous faisons le lien. C'est pour cela que nous comparaissons devant vous, et nous vous remercions de nous en avoir donné l'occasion.

.1625

«Prairie Pools Inc». présente ce mémoire au Comité permanent des transports au nom des plus grandes coopératives d'agriculteurs de l'ouest du pays: lAlberta Wheat Pool», la «Saskatchewan Wheat Pool» et la «Manitoba Pool Elevators».

L'intérêt des coopératives dans le transport des céréales est bien fondé. Ensemble, et au nom des agriculteurs qui en sont membres et propriétaires, les trois coopératives des Prairies gèrent près de 60 p. 100 des céréales et des oléagineux produits dans la région par le biais de plus de 800 élévateurs.

Individuellement ou en partenariat, ces coopératives sont propriétaires de terminaux d'exportation situés dans les ports de Vancouver et de Prince Rupert sur la côte Ouest et dans le port de Thunder Bay. Elles emploient plus de 5 000 Canadiens et ont un chiffre annuel dépassant 3 milliards de dollars. En tant que coopératives, elles versent les bénéfices à leurs propriétaires et membres. Depuis leur création au cours des années 1920, elles ont rapporté plus d'un milliard et demi de dollars à ces derniers. Elles travaillent ensemble dans le cadre de «Prairie Pools Inc.» dans de nombreux dossiers d'intérêt régional, national et international.

Je passe maintenant à l'importance des transports ferroviaires. Plus de 100 000 agriculteurs des Prairies produisent chaque année environ 45 millions de tonnes de céréales et d'oléagineux. Il faut transporter près de 30 millions de tonnes sur de longues distances et des terrains difficiles pour atteindre les ports d'exportation. Une grande partie de la production restante est également transportée sur de longues distances vers des transformateurs et d'autres marchés nationaux.

En raison de la grande quantité de produit transporté et de la distance à parcourir, le transport ferroviaire est le seul moyen rentable d'acheminer les céréales et les oléagineux des Prairies en particulier vers les ports d'exportation.

Quelle est l'importance du CN? Près de la moitié des élévateurs ruraux dans les Prairies sont situés sur des lignes appartenant à cette société. Par conséquent, près de la moitié des céréales et oléagineux transportés à partir des Prairies empruntent les lignes du CN. Dans le nord des Prairies, cette société est la seule à offrir un service ferroviaire facilement accessible pour bien des agriculteurs.

L'efficacité et la compétitivité du CN sont très importantes pour les producteurs de céréales et d'oléagineux des Prairies, qui considèrent le transport ferroviaire comme faisant partie intégrante de leurs activités agricoles.

Nos coopératives appuient fermement les efforts visant à accroître l'efficacité et la compétitivité du transport céréalier au Canada. De concert avec le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, le secteur céréalier, y compris les coopératives et les deux compagnies de chemin de fer du Canada, a fait des prévisions. Ainsi, en l'an 2005, on assistera à trois phénomènes - en fait, nous en avons cerné cinq ou six, mais il y en a trois qui sont pertinents dans ce débat: le Canada aura la structure de production, de transport vers les marchés et de manutention la plus efficace, la plus rentable et la plus compétitive du monde; notre secteur livrera à ses clients ce qu'ils voudront, où ils le voudront, quand ils le voudront, qu'il s'agisse de matières premières ou de produits finis; notre secteur doublera sa capacité collective d'exporter et de transformer les céréales et les oléagineux.

«Prairie Pools Inc.» apprécie les mesures que le gouvernement a prises et continue de prendre en collaborant avec l'industrie pour créer l'environnement qui sera nécessaire pour que nos prévisions se matérialisent. Par exemple, la décision de travailler à l'amélioration des relations de travail et de réduire l'interruption du service découlant des conflits de travail est louable. Les coopératives veulent participer pleinement à l'examen du Code du travail du Canada. Dans le cadre de l'examen de la politique maritime du pays, les efforts du gouvernement visant à améliorer l'efficacité de la compétitivité de nos ports d'exportation sont également bienvenus. Les coopératives continuent à participer à cet examen.

Le gouvernement a créé un groupe comportant des représentants du secteur céréalier, des syndicats, des chemins de fer et de la Commission canadienne du blé pour examiner les politiques et les règlements relatifs au transport et à la manutention des céréales afin d'améliorer l'efficacité et de réduire les coûts.

Les coopératives croient que la privatisation du CN ne doit être qu'un autre pas vers l'amélioration de l'efficacité et de la compétitivité des transports ferroviaires.

Au nom des producteurs de céréales et d'oléagineux de l'ouest du Canada, «Prairie Pools Inc.» recommande fortement au gouvernement de ne pas rendre le CN plus intéressant à leur détriment. Les coopératives sont très préoccupées par le fait qu'un certain nombre de mesures visant à modifier le cadre réglementaire risquent de défavoriser sérieusement les agriculteurs de céréales et de compromettre les projets mis sur pied par l'industrie et le gouvernement, c'est-à-dire les prévisions que j'ai mentionnées tout à l'heure.

.1630

Disons un mot au sujet du changement réglementaire qui a une incidence réelle sur le transport céréalier. Le projet de loi C-76 - et je sais que vous le connaissez - qui met en oeuvre le budget fédéral de 1995, abrogera la Loi sur le transport du grain de l'Ouest le 1er août 1995. Cette abrogation entraînera la perte des subventions fédérales et d'un certain nombre de dispositions qui ont été prises en reconnaissance de la situation singulière des producteurs de céréales qui n'ont pas d'autre choix que de recourir aux deux compagies de chemin de fer canadiennes. Je pense notamment aux garanties de rendement, au partage de la productivité à partir de l'examen des coûts, aux allocations relatives à la concurrence et à la surveillance des dépenses et du rendement des compagnies de chemin de fer.

Les coopératives sont heureuses que le gouvernement propose de modifier le projet de loi C-76 pour améliorer la protection des tarifs pour les producteurs céréaliers, qui sont des expéditeurs captifs. Cependant, le 1er août, tous les autres aspects du transport des céréales seront assujettis à la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Contrairement aux assurances du gouvernement, bien des gens dans notre secteur estiment que, même dans leur forme actuelle, les dispositions de la LTN visant à protéger les expéditeurs ne conviennent pas au secteur céréalier.

Récemment, nous avons appris que, dans le but de créer un cadre réglementaire qui sera plus propice à la rentabilité des chemins de fer, le ministre des Transports se propose de modifier la Loi de 1987 sur les transports nationaux. Le secteur céréalier est très préoccupé par le fait que les quelques dispositions actuelles de la LTN qui protègent les expéditeurs feront partie de cet examen.

Actuellement, les céréales expédiées aux États-Unis ou à des destinations nationales sont assujeties à la LTN. Quand le projet de loi C-76 sera adopté, tout le transport céréalier sera régi par la LTN à partir du 1er août. La modification de la Loi sur les transports nationaux risque d'avoir des répercussions graves sur le secteur céréalier.

Ce secteur n'a pas participé à l'élaboration des amendements à la LTN. Il doit participer pleinement au processus de modification de la LTN, et dans ce cadre, il faut accorder une grande priorité aux répercussions de ces amendements sur le secteur céréalier.

Les producteurs céréaliers de l'ouest du Canada croient que, afin de promouvoir leur viabilité et leur compétitivité, la LTN doit au minimum améliorer les dispositions relatives à l'accès concurrentiel, améliorer les mécanismes de règlement des différends relatifs aux tarifs, maintenir les obligations à l'égard du transporteur actuel, établir une procédure simple et directe pour l'abandon de lignes et la création de lignes secondaires commercialement viables, et veiller à ce que l'Office national des transports dispose de pouvoirs suffisants pour régler rapidement les conflits entre les expéditeurs et les transporteurs.

En conclusion, «Prairie Pools Inc.» appuie les efforts du gouvernement visant à accroître l'efficacité et la compétitivité du secteur canadien des céréales et des oléagineux. Le projet de privatisation du CN doit contribuer à ces efforts. Bien que les coopératives soient d'accord sur le principe de la suppression d'une réglementation inutile et coûteuse, les intérêts des producteurs céréaliers, en tant qu'expéditeurs captifs à l'égard des chemins de fer, ne doivent pas être sacrifiés dans le but d'attirer des investisseurs potentiels vers le CN.

En ce moment où le Comité est en train d'étudier la Loi sur la privatisation du CN et, plus tard, la Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports nationaux, «Prairies Pools Inc.» vous exhorte à accorder une haute priorité à la viabilité et à la compétitivité du secteur canadien des céréales et des oléagineux.

Nous sommes prêts à répondre à vos questions portant sur le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui ou sur n'importe quel autre domaine de votre choix. Les deux personnes qui m'accompagnent sont des experts dans ce domaine et elles ont passé beaucoup de temps à étudier le projet de loi qui nous intéresse, ainsi que d'autres lois dont nous avons parlé.

Le président: Merci, monsieur Howe, pour cet exposé.

[Français]

M. Guimond: J'ai une petite question concernant l'abolition de la LTGO. Vous dites ceci:

[Traduction]

«les intérêts des producteurs céréaliers, en tant qu'expéditeurs captifs à l'égard des chemins de fer»

[Français]

Est-ce que vous serez encore captifs des compagnies de chemin de fer avec l'abolition de la LTGO? Est-ce que vos membres envisagent d'expédier par des moyens autres que les chemins de fer?

.1635

Est-ce que c'est faisable par camion? Nous savons qu'auparavant, vous faisiez affaire avec les chemins de fer. On a même vu des convois qui venaient tourner dans le port de Thunder Bay pour

[Traduction]

passer GO, toucher 200$ et retourner à Vancouver, comme dans le jeu de Monopoly.

[Français]

Est-ce que vous serez encore captifs des chemins de fer avec l'abolition de la LTGO?

[Traduction]

M. Richard Wansbutter (directeur, Marketing et transport, «Saskatchewan Wheat Pool»): À l'heure actuelle, la distance moyenne pour les expéditions sur le territoire canadien est de l'ordre de 1 000 milles. Il n'est donc pas pratique de transporter les céréales par camion. Nous faisons beaucoup appel aux camions cependant pour le transport local vers les silos primaires et vers les réseaux de silos terminus intérieurs. Étant donné notre forte dépendance à l'égard des chemins de fer, nous croyons vraiment en être captifs.

En outre, comme M. Howe l'a indiqué dans notre mémoire, il suffit de jeter un coup d'oeil à une carte des Prairies pour se rendre compte que le CN occupe une place prépondérante dans le nord de la Saskatchewan tandis que le CP est prédominant dans le sud de la province. Nous n'avons guère d'autre choix que d'expédier les céréales par chemin de fer. Par ailleurs, la concurrence est pratiquement inexistante entre les deux compagnies de chemin de fer.

M. Howe: Si vous me permettez d'ajouter à cela, je crois que les céréaliculteurs savent qu'ils peuvent maintenant expédier leurs produits par camion sur de plus grandes distances, et c'est ce qu'ils font. Les expéditions par camion s'accroissent graduellement. Cependant, il ne faudrait pas s'imaginer qu'elles pourraient augmenter au point de supplanter les expéditions par rail étant donné les volumes importants de céréales qui sont destinés à l'exportation chaque année. Les exportations pourraient diminuer quelque peu étant donné la diversification qui est déjà amorcée dans les Prairies et qui prendra certainement de plus en plus d'ampleur. Les quantités de céréales à expédier n'en demeureront pas moins énormes, et nous considérons - les agriculteurs en sont, eux aussi, fermement convaincus - que les chemins de fer demeurent le moyen de transport le plus efficace et le plus économique. Les distances sont énormes pour un grand nombre d'exploitations agricoles - l 000 milles.

M. Gouk: Monsieur Howe, vos observations sont tout à fait valables. Je les aurai certainement à l'esprit lorsque, après avoir terminé l'étude du projet de loi C-89, nous entamerons le processus de modification de la réglementation. Je suis sûr que vous serez partie à ce processus. Nous tenons tous à ce que vous y participiez, car votre participation est nécessaire et elle sera aussi très utile.

Je suppose que vous avez lu le projet de loi C-89 comme tel. Je me demande si vous avez des préoccupations ou des observations dont vous voulez nous faire part relativement à cette mesure, car c'est sur quoi nous devons nous pencher avec le plus d'urgence. L'examen en comité sera terminé d'ici à la fin de la semaine. Aussi, si vous avez des préoccupations ou des observations particulières dont vous voulez nous faire part, c'est le moment de le faire.

M. Howe: Nous nous intéressons bien entendu à la commercialisation du CN et à ce projet de loi en particulier. Nous croyons que la commercialisation du CN pourrait effectivement se traduire par un système plus efficace. Nous pensons bien que nos membres voudront que cela se fasse.

Cependant, nous n'en avons même pas encore discuté de façon officielle. La plupart de nos membres se disent intéressés, et il est facile de comprendre leur intérêt. La taille de la compagnie dépasse toutefois nos moyens, même s'il ne s'agit que du capital-actions. Pour ce qui est du degré de participation que nous pourrions envisager, nous n'en avons même pas encore discuté.

M. Gouk: Depuis qu'il est question de privatiser le CN, et même avant cela, on parle de rationaliser la surcapacité ferroviaire. Le groupe «Prairie Pools» envisagerait-il de se charger de l'exploitation des lignes secondaires dans certaines des régions agricoles non desservies par les lignes principales du CP ou du CN, afin d'assurer un meilleur service aux agriculteurs?

M. Wansbutter: «Prairie Pools» appuie le maintien des lignes secondaires. Dans certaines régions, ces lignes donnent un bon rapport coûts-avantages puisque le coût d'exploitation n'est pas trop élevé. En tout cas, l'expérience qu'on en a aux États-Unis, et même l'expérience très restreinte qu'on en a au Canada, montrent que le coût de la main-d'oeuvre est moindre pour l'exploitant privé. Étant donné la petite taille de l'entreprise, les employés peuvent généralement effectuer une multitude de tâches et de fonctions, contrairement aux employés syndiqués des compagnies de chemin de fer, qui ne peuvent exercer qu'une fonction bien particulière. Il y a donc des gains de rendement qui pourraient être réalisés dans l'exploitation des lignes secondaires.

.1640

Nous n'envisageons pas de participer directement à l'exploitation de ces lignes secondaires. Nous sommes principalement une entreprise de manutention et de transport même si nous sommes en train d'étendre notre activité à d'autres entreprises agroalimentaires connexes. Il vaudrait mieux que les lignes secondaires soient confiées à des exploitants spécialisés.

M. Gouk: J'ai une dernière question à vous poser qui fait un peu suite à cela. La privatisation partielle du CN qui avait déjà été proposée consistait à accepter l'offre du CP d'acheter le réseau de l'Est. Avez-vous une position générale là-dessus, soit pour, soit contre?

M. Wansbutter: Non. Nous craindrions toutefois que, si le CP achetait cette partie du CN, il en résulterait au bout du compte une situation de monopole. A moins de savoir à quoi ressemblerait le contexte réglementaire, il serait très difficile d'accepter pareille situation de monopole.

M. Comuzzi (Thunder Bay - Nipigon): Nous avons entendu parler au fil des ans de divers facteurs qui nuisaient sérieusement à l'efficience du transport du grain dans l'Ouest. Je vous en cite quelques-uns: le défaut de bien utiliser les wagons désignés; l'utilisation de ces wagons, non pas pour le transport des céréales, du canola ou d'autres produits, mais à des fins d'entreposage; l'incapacité de l'organisme responsable, à savoir l'Office du transport du grain, de régler les problèmes qui se posaient, en dépit du fait qu'il avait à peu près toutes les ressources voulues pour bien s'acquitter de sa tâche; et la tarification artificielle créée par la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Tous ces facteurs - pas un plus que l'autre - nous ont donné un système de manutention et de transport du grain et des produits connexes dont le rendement est de beaucoup inférieur à ce qu'il devrait être. Ils ont également contribué à un important accroissement du coût du système.

Je crois que le but des mesures proposées est d'optimiser autant que faire se peut tous les éléments de notre infrastructure étant donné la compétitivité du marché.

Ne voyez-vous pas les avantages qu'il y aurait à ce doter d'un système très efficient pour le transport du grain?

M. Terry J. Harasym (directeur, Division de la recherche sur les politiques et les questions économiques, «Saskatchewan Wheat Pool»): Nous pourrions discuter longuement de chacun des trois ou quatre facteurs que vous avez cités et des gains ou des pertes de rendement y afférents. Pour ma part, je ne suis toutefois pas persuadé que la commercialisation ou la privatisation du CN permettra de résoudre ces problèmes.

Vous avez parlé du caractère artificiel de la LTGO et de la réglementation existante qui serait à l'origine de ces problèmes. Je ne suis pas absolument sûr que j'en arriverais à la même conclusion que vous.

M. Comuzzi: J'ai été très circonspect dans ce que j'ai dit. J'ai dit qu'aucun des facteurs cités n'avait à lui seul eu un effet déterminant sur notre rendement, mais que la combinaison de tous ces facteurs, le fait que nous ne sommes pas en mesure de bien utiliser les 21 000 wagons céréaliers que nous possédons, fait augmenter le coût du système de transport du grain. Etes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Harasym: Je crois que ce que vous dites là est juste.

M. Comuzzi: C'est ce que les gens de votre secteur nous disent depuis déjà un certain nombre d'années.

M. Harasym: Je crois que les gens du secteur sont bien conscients du fait qu'il y aurait moyen de réaliser d'importants gains de rendement. Il n'existe sans doute pas de solution optimale pour la répartition de ces wagons aujourd'hui, pas plus qu'il n'en existait il y a un an quand nous avons connu les problèmes que nous avons connus.

Les gens du secteur sont à la recherche de solutions aux problèmes de répartition des wagons pour que le rendement de cette partie du système rejoigne celui de l'ensemble.

.1645

Nous discutons actuellement de nombreux aspects de la répartition des wagons céréaliers pour accroître justement le rendement du système. Nous avons d'ailleurs un groupe de personnes influentes qui tentent de trouver des solutions à court et à long terme aux problèmes qui se posent, l'objectif étant d'en arriver à un système de répartition des wagons qui sera beaucoup plus efficace que le système actuel.

Aucun problème ne peut être réglé isolément. Ni la répartition des wagons, ni l'utilisation des wagons-trémie de l'État, ni les autres problèmes qui se posent ne se régleront d'eux-mêmes, et les gens du secteur tentent d'y trouver des solutions.

M. Comuzzi: Conviendriez-vous avec moi qu'il s'agit là d'un facteur qui, avec les divers autres facteurs que j'ai cités, contribue à l'inefficacité de notre système de manutention du grain, de sorte que notre système est moins efficace qu'il ne devrait l'être?

M. Harasym: Je ne sais pas trop où vous voulez en venir.

M. Comuzzi: J'essaie de savoir si nous ne pourrions pas...

M. Harasym: Je conviens que notre système pourrait être plus efficace, si c'est ce que vous me demandez.

M. Comuzzi: D'accord. Des gains de rendement pourraient notamment être réalisés par la rationalisation du CN.

M. Harasym: C'est possible. Tout dépend du point de vue.

Dans notre mémoire, tel qu'il vous a été présenté par M. Howe, nous soulignons le lien étroit qui existe dans une large mesure, entre les céréales et les produits connexes d'une part, et la viabilité du CN d'autre part.

Nous tenons à ce que les deux chemins de fer soient viables pour la bonne raison que nous avons recours à l'un ou l'autre ou aux deux pour une bonne part de nos expéditions. La viabilité du CN nous tient à coeur autant que celle du CP.

Il ne faut pas oublier, par contre, qu'il n'est pas nécessairement dans l'intérêt des expéditeurs de rendre le CP ou le CN ou les deux plus compétitifs au détriment de ces mêmes expéditeurs.

Il faut donc en arriver à un juste milieu. Nous disons simplement qu'il faut tenir compte des deux parties de l'équation.

M. Comuzzi: J'ai un peu de mal à comprendre. On parle de mettre fin à toutes les absurdités qui caractérisent le fonctionnement du CN depuis 10 ou 15 ans. Si le CN devient effectivement, comme tout un chacun s'évertue à nous le dire, un système de transport très efficient et compétitif, si le CN réalise son objectif, les agriculteurs des Prairies en tireront forcément un avantage.

M. Howe: Les agriculteurs des Prairies en tireront forcément un avantage, mais le système doit également être axé sur le service.

M. Comuzzi: Tout à fait.

M. Howe: Nous craignons que, pour atteindre cette plus grande efficience, on décide que les Prairies ne seront plus servies que par une seule voie ferrée. Bien entendu, pareil système serait plus rentable pour les chemins de fer, mais à quel prix pour l'utilisateur primaire?

M. Comuzzi: D'accord, mais le chemin de fer ayant été privatisé, il devra servir ses clients et trouver un moyen de les servir où qu'ils soient.

Vous avez déjà dit que le CN assure le transport dans la partie nord d'une province en particulier, tandis que le CN s'occupe de la partie sud. Il serait ridicule de s'imaginer que le CN pourrait décider, pour des raisons d'efficience, de n'exploiter qu'une seule voie ferrée qui l'éloignerait de tous ses clients. Ce ne serait pas logique.

M. Howe: Nous sommes du même avis, et c'est précisément ce que nous voulons éviter.

M. Comuzzi: Exactement. La prudence est de règle, et je crois que nous pouvons tous nous entendre pour dire que le système actuel n'est pas efficient à cause d'une multitude de facteurs.

M. Howe: Je ne veux pas du tout laisser entendre qu'il n'y aurait pas beaucoup d'améliorations possibles.

M. Comuzzi: J'ai participé à un grand nombre de réunions et, depuis trois ou quatre ans, j'entends parler du manque flagrant d'efficience de notre système de transport du grain. Vous voulez maintenant me dire que ce n'est pas le cas.

M. Howe: Ce n'est pas ce que nous disons, mais il faut bien se rappeler ceci. Ce n'est pas par hasard que le volume des expéditions céréalières au Canada ne cesse d'augmenter. Le système est quand même assez efficace du fait qu'il continue à absorber ce volume sans cesse grandissant d'expéditions céréalières destinées à l'exportation, et il est très rentable pour le Canada dans son ensemble. Nous vous disons simplement de ne rien faire pour compromettre ces acquis, sinon vous aurez peut-être réglé un problème - c'est-à-dire le problème du CN - , mais vous n'aurez pas réglé le problème qui se pose pour l'économie d'une bonne partie du Canada. Vous aurez créé un problème qui pourrait être encore bien plus grave.

.1650

M. Jordan (Leeds - Grenville): Les silos eux-mêmes sont la propriété des syndicats du blé et des agriculteurs, mais ils se trouvent sur des terrains appartenant au CN et, dans certains cas, au CP?

Nous ne pouvons pas le savoir dans le cas du CP, mais ne vous faudra-t-il pas négocier avec le nouveau propriétaire pour maintenir l'entente que vous avez à l'heure actuelle? A-t-on tenu compte de cela?

M. Wansbutter: Des négociations et des discussions sont déjà en cours avec le CN en ce qui concerne les droits de propriété et de circulation et même le service et la tarification.

M. Jordan: Vous voulez acheter le terrain ou les voies au CN?

M. Wansbutter: Ce que nous voulons, ce n'est pas tellement acheter le terrain ou les voies au CN, mais obtenir des garanties quant au maintien de la ligne pendant un certain nombre d'années. Nous négocions également sur la question de la tarification et de la circulation. Ainsi, nous tenons déjà compte de ces éléments quand nous négocions avec le CN de même qu'avec le CP en prévision de la construction d'un nouveau silo.

M. Jordan: Les négociations devront toutefois se poursuivre avec le nouveau propriétaire.

M. Wansbutter: En effet, et nous voudrons obtenir des accords contractuels.

M. Jordan: Je comprends que vous puissiez devenir captifs des chemins de fer parce que le transport ferroviaire est celui qui correspond le mieux à vos besoins. Il me semble qu'il y a une faille quelque part dans votre raisonnement quand, par exemple, vous exhortez le gouvernement à ne pas rendre le transport ferroviaire plus intéressant.

Je comprends mal comment cela pourrait vous rendre moins captifs. Voulez-vous que le système coûte plus cher ou moins cher? Je ne sais pas ce que vous préconisez au juste comme moyen de régler le problème de votre captivité. Voulez-vous que le système soit plus attrayant ou moins attrayant, et dans quel sens faudrait-il intervenir pour que vous soyez moins captifs?

M. Wansbutter: Nous devons porter notre attention sur la prestation de service à prix abordable. Sur cette question de notre captivité, si, en tant qu'expéditeur, je n'ai guère le choix quant au moyen de transport à utiliser, si je suis captif des chemins de fer et que, en l'absence d'une protection quelconque dans la réglementation, les chemins de fer peuvent imposer les tarifs qu'ils veulent, je pourrais de ce fait être acculé à la faillite. Ainsi, les chemins de fer pourraient devenir très viables, mais ce serait certainement au détriment des expéditeurs de céréales, voire de potasse, de soufre ou de quelque autre produit. Les expéditeurs ont besoin d'un instrument réglementaire pour les protéger.

M. Jordan: En effet. Je crois d'ailleurs que c'est ce que disait M. Gouk. Il faut que vous obteniez une protection en ce sens avant que le marché ne soit conclu, car vous pourriez vous retrouver dans une situation extrêmement difficile.

M. Wansbutter: Oui.

M. Jordan: Vous n'auriez plus qu'une entreprise avec qui faire affaire pour le transport des céréales. Ce serait l'exemple classique de la situation de monopole. Vous n'auriez qu'un moyen de transport à votre disposition qui serait la propriété de l'entreprise en question. Que pourriez-vous faire?

Le transport routier ne semble pas être une solution de rechange valable, mais je suppose que nous pourrions nous raviser à ce sujet. Il faut qu'il y ait une forme quelconque de concurrence.

M. Wansbutter: Oui.

M. Jordan: Vous êtes d'accord avec moi là-dessus?

M. Wansbutter: Le transport routier est une possibilité, mais pas pour les grandes distances.

M. Jordan: Monsieur le président, nous devrions prendre note de la situation dans laquelle se trouveraient les expéditeurs de céréales et de potasse de l'Ouest si aucune disposition n'était prise pour les protéger.

Vous pourriez vous retrouver dans une situation très difficile...

Le président: Comme je l'ai dit à nos témoins quand ils sont arrivés, nous apprécions le mémoire qu'ils nous ont présenté, mais le contenu de ce mémoire va essentiellement dans le sens des amendements qui nous seront présentés par bon nombre des expéditeurs et des utilisateurs du système quand nous serons appelés, dans un deuxième temps, à revoir la LNT en vue de la modifier.

M. Jordan: Vous êtes tellement bien renseigné. La question qui me préoccupe trouverait réponse dans les dispositions relatives à l'accès concurrentiel qui sont énoncées dans la Loi nationale sur les transports. C'est comme ça qu'on l'appelle?

Le président: C'est juste, et nous aurons à nous pencher là-dessus quand nous examinerons la LNT. C'est dans un deuxième temps que nous amorcerons cet examen qui nous mènera jusqu'à l'automne.

M. Jordan: J'en conçois bien la nécessité. Ce que je conçois moins bien, c'est le rapport entre la façon dont c'est décrit ici... qu'ils auront ainsi la protection que devrait leur accorder la mesure proposée. Je ne vois pas comment le fait de rendre le marché plus intéressant ou moins intéressant vous aidera ou vous nuira. Qu'en est-il?

.1655

M. Wansbutter: Nous sommes effectivement préoccupés par la réforme réglementaire qui doit être faite de la Loi nationale sur les transports. Nous craignons que certaines des dispositions existantes qui assurent une certaine protection aux expéditeurs pourraient être considérablement diluées.

J'essaierai de répondre de façon bien précise à votre question.

M. Jordan: C'est ce que je veux. Je voudrais que vous soyez précis. Donnez-moi un exemple.

M. Wansbutter: Nous, et j'entends par là non seulement les expéditeurs céréaliers, mais aussi la «Western Canadian Shippers Coalition» et la Ligue canadienne de transport industriel, sommes notamment préoccupés par la modification que le ministère des Transports veut apporter à l'obligation relative au transporteur commun. Cette modification aurait pour effet d'éliminer de la Loi nationale sur les transports l'obligation relative au transporteur commun et de soumettre la question du service à l'arbitrage des propositions finales. Selon les conseillers juridiques de la «Western Canadian Shippers Coalition», cette formule ne serait pas très efficace.

En l'absence de cette protection relative au transporteur commun, les chemins de fer pourraient fixer leurs tarifs sans être aucunement tenus de fournir des garanties de service ni de respecter certaines conditions.

Le président: Comme je l'ai déjà indiqué, Jim, nous pourrons examiner ces questions dans un deuxième temps, car elles n'entrent pas vraiment dans le cadre de l'examen que nous faisons du projet de loi C-89.

M. Jordan: L'important, c'est qu'à défaut d'une protection comme celle-là, les expéditeurs ou encore les nouveaux propriétaires pourraient revenir dans quelques années et dire au gouvernement: «Nous avons besoin de subventions pour le transport des céréales». Nous serons donc de nouveau obligés de payer des subventions.

Le président: En tout cas, ce n'est pas pour demain. C'est une possibilité qui devrait toujours exister dans un régime démocratique, mais ce n'est quand même pas pour l'avenir immédiat.

Mme Terrana: Ma question s'inscrit dans la même foulée. Je suis de Vancouver, et le port se trouve dans ma circonscription. L'abolition de la LTGO suscite énormément d'inquiétudes du fait que le transport pourrait se faire, non pas d'est en ouest, mais du nord au sud.

En a-t-il été question parmi vos membres? D'après ce que vous avez entendu, serait-ce une possibilité? C'est un facteur qui pourrait avoir une importance considérable dans notre examen du secteur des transports.

M. Wansbutter: Nous avons effectué quelques recherches préliminaires sur la question. Les discussions que nous avons eues avec la Commission canadienne du blé de même que les efforts que nous faisons sur le plan de la mise en marché donnent à penser que l'Asie continuera à être un important marché d'exportation, de sorte que nous continuerons à exporter les céréales et les oléagineux de l'Ouest canadien en passant par la côte Ouest. Il est à peu près certain que la demande au port de Vancouver et de Prince Rupert sera très élevée.

Nous avons envisagé la possibilité de faire passer nos céréales par le système américain, par Portland, Seattle, Tacoma et le réseau fluvial du Mississippi. À l'heure actuelle, les tarifs - et je veux surtout parler ici des tarifs pratiqués par le chemin de fer BN - sont prohibitifs, à tel point que nos frais de transport seraient plus élevés qu'ils ne le sont à l'heure actuelle ou qu'ils ne le seront sous le nouveau régime.

Mme Terrana: Vous savez que nous avons perdu l'accès au port de Portland.

M. Wansbutter: Oui.

M. Fontana: Chose curieuse, vous n'avez pas parlé de la Voie maritime, je suis sûr que vous vouliez l'inclure dans cette longue liste où vous avez parlé de Portland, du Mississippi et de tout le reste. Nous avons une très belle voie maritime que vous pourriez utiliser aussi. C'est là un autre élément dont il faut tenir compte.

Il faut bien sûr s'attendre à cela quand on traite avec une entreprise d'État. Le CN doit parfois se plier à une certaine directive ou orientation d'intérêt public au détriment de sa propre efficience. Nous avons parlé tout à l'heure des 17 milliards qui avaient été injectés dans la compagnie depuis la Seconde Guerre mondiale. Le fait est que le CN doit jouer un rôle dans la mise en oeuvre des grandes orientations de l'État parce qu'il s'agit précisément d'une société d'État.

Quelle est l'importance des expéditions que vous confiez au CN? À combien se chiffrent ces expéditions?

M. Wansbutter: Le «Saskatchewan Wheat Pool» confie de 5 à 5,5 millions de tonnes au CN. Nous sommes le plus gros client du CN.

M. Fontana: Quel est le total des paiements qui sont effectués au CN par les divers syndicats du blé? C'est un montant énorme, n'est-ce pas?

Vous nous avez dit que vous étiez captifs des chemins de fer. Une fois que l'entreprise aura été privatisée, j'ai l'impression que ce sera l'inverse, et c'est ainsi que le système devrait fonctionner. Une fois privatisée, la compagnie devra commencer à vous écouter et à chercher à répondre à vos besoins, parce que vous êtes son plus gros client. Vous parliez tout à l'heure de problèmes comme le manque de service qui sont peut-être attribuables au fait qu'il s'agit d'une entreprise d'État. Dorénavant, c'est l'entreprise qui sera captive de votre groupe, et c'est ainsi que le système devrait fonctionner: l'utilisateur devrait avoir son mot à dire.

.1700

Si les utilisateurs du système veulent s'assurer d'un contrat avantageux avec une entreprise privée, il me semble qu'ils auraient intérêt à devenir actionnaires. Vous seriez ainsi bien plus à même d'être bien traités par l'entreprise en question. C'est mon opinion, pour ce que ça vaut. Je n'en tire pas de commission, alors vous n'avez pas à vous inquiéter.

Le président: Ils n'auraient pas intérêt à devenir actionnaires s'ils veulent négocier avec l'un ou l'autre des chemins de fer, selon les lois de la concurrence, afin d'obtenir le marché le plus avantageux. S'ils étaient actionnaires d'un des chemins de fer, il y aurait peut-être un conflit d'intérêts.

Avez-vous quelque chose à dire pour faire suite à cet échange? C'était amusant, mais ce n'est pas nécessaire de répondre.

M. Howe: C'est bien.

Le président: Les témoins ont pris note de votre intervention, monsieur Fontana.

M. Wansbutter: Je voudrais y répondre, moi.

Vos observations sont très valables. Quand nous négocions avec l'un ou l'autre des chemins de fer, nous essayons de le faire en toute bonne foi, et il va sans dire que nous essayons d'en arriver à un accord commercial qui est profitable aux deux parties. Il arrive toutefois que nous n'ayons accès qu'à l'un ou l'autre des chemins de fer, dans les régions isolées par exemple qui ne sont desservies que par un embranchement. Ainsi, il arrive que nous ne soyons pas en position de force pour négocier.

Nous pouvons effectivement faire valoir le volume total de nos expéditions, pas seulement à partir de l'endroit en question, et nous le faisons. Cependant, dans les endroits où nous sommes vraiment captifs, le chemin de fer peut simplement dire: «bon, d'accord, vous ne voulez pas du marché que nous vous proposons, mais nous savons très bien que vous devrez transporter votre grain plus loin vers une de nos autres lignes.»

Le président: Merci beaucoup, messieurs, pour l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de nous recontrer et de répondre à nos questions.

M. Howe: Monsieur le président, je tiens en notre nom à tous les trois à vous remercier sincèrement pour avoir bien voulu nous entendre. Nous sommes reconnaissants de l'occasion que vous nous avez donnée de témoigner devant vous.

Le président: Chers collègues, nous devons régler quelques petites questions avant de lever la séance. La greffière vous distribue à l'instant la lettre que nous avons reçue du ministre des Transports, l'honorable Douglas Young. Il s'agit des réponses à toutes les questions que M. Gouk a posées au ministre relativement au projet de loi C-89. Vous avez là les questions ainsi que les réponses. Le document est bilingue.

Nous reprenons nos travaux à 18 heures ou tout de suite après le vote.

.1812

Le président: La séance est ouverte.

Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-89.

Nous accueillons les représentants de la «Western Canadian Shippers Coalition». Son président est M. Tom Culham.

Bienvenue, monsieur Culham. Je vous demanderais de nous présenter vos collègues et de faire votre exposé. Nous aurons des questions à votre intention par la suite.

M. Tom Culham (président, «Western Canadian Shippers Coalition»): Je suis accompagné de M. Emile Dubois, directeur, Transport, Luscar Ltd., de M. Terry Park, directeur, Développement des stratégies, Novacor Chemicals, de M. Forrest Hume, Manalta Coal, ainsi que de M. Dick Whittington, vice-président, Commercialisation, Luscar Coal.

Le président: Avez-vous un exposé écrit?

M. Culham: J'ai un brouillon. Je le corrigerai et vous le remettrai demain. Je ne peux pas vous le laisser.

Le président: Dans les deux langues officielles. Merci.

M. Culham: Peut-être pas demain.

Le président: Votre exposé sera de toute façon porté au compte rendu.

M. Culham: La «Western Coalition» est heureuse d'avoir cette occasion de discuter de la Loi sur la commercialisation du CN. Je sais que certains d'entre vous connaissent notre organisme, mais j'ai pensé qu'il serait bon de vous le décrire brièvement avant de commencer.

La «Western Shippers Coalition» est un groupe spécial de producteurs de l'ouest du Canada qui produisent du soufre, du charbon, de la potasse, des produits pétrochimiques, des pâtes et papier, des tourteaux, des engrais et des produits forestiers. Nos producteurs viennent de toutes les provinces de l'Ouest, c'est-à-dire du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique.

Le groupe produit pour plus de 50 millions de tonnes de marchandises par année, dont 90 p. 100 sont exportées. Les ventes totales dépassent les 19 milliards de dollars par année. Nous employons environ 140 000 personnes. Nous formons donc un groupe important dans l'ouest du Canada.

.1815

Devant la Commission Nault en novembre dernier, nous avons appuyé le principe de la commercialisation du CN. C'est de nouveau notre position aujourd'hui. Cependant, cette commercialisation ne doit pas se réaliser indépendamment des clients du CN, parce que sans client, le CN ne peut pas exister. Il est essentiel pour les clients du CN qu'ils puissent compter sur un système concurrentiel.

Nous ne pensons pas que Transports Canada pourra y arriver en révisant la Loi nationale sur les transports. Cette perspective risque d'abaisser à moyen terme la valeur des actions acquises par le secteur privé. En d'autres termes, toute tentative de maximiser la vente du CN en accroissant son monopole par voie législative nuira aux intérêts des clients et à l'intérêt public de façon générale. Ce sera un bien pour un mal.

Il n'est pas nécessaire d'assurer ou de renforcer la position commerciale des chemins de fer pour les aider à maximiser leurs revenus futurs.

Je cite une des conclusions clés du rapport du groupe IBI qui était chargé d'évaluer la rentabilité des chemins de fer:

Les chemins de fer ont un problème de coûts. Leurs coûts au chapitre de la main-d'oeuvre et des taxes doivent être réduits. L'équipement non économique doit être éliminé en tout ou en partie.

Nos membres, les clients du CN, vendent leurs produits sur le marché international. Pour y accéder, ils doivent pouvoir compter sur un service ferroviaire concurrentiel et fiable, ce qui n'est possible que dans le cadre d'un système réglementé concurrentiel. Sans un tel système, la concurrence sur les marchés d'exportation devient plus difficile.

Dans le contexte du commerce mondial très compétitif, une telle situation signifie une diminution de la production et des ventes, un exode des entreprises et une perte d'emplois. Elle risque de toucher tout le monde, y compris les nouveaux actionnaires du CN.

Le WCSC a participé à un certain nombre de rencontres avec Transports Canada, aussi récemment qu'hier encore, relativement à la réforme du cadre réglementaire. Nous sommes très inquiets de la tournure de ces consultations.

Par exemple, des modifications, dont il n'avait pas été question auparavant, ont été ajoutées très récemment. Ces modifications sont contraires aux intérêts des expéditeurs parce qu'elles limitent l'accès à l'Office national des transports ainsi qu'aux dispositions de la loi destinées à protéger les expéditeurs.

Transports Canada a promis de respecter les droits des expéditeurs. Cela n'est pas encore acquis.

Des questions litigieuses très importantes ne sont pas traitées de façon satisfaisante pour les expéditeurs.

Par exemple, la restriction de la disposition sur le niveau de service dans le cadre de l'arbitrage de la proposition finale n'est pas acceptable pour les expéditeurs. L'inclusion du test de l'intérêt public dans la disposition sur les droits de circulation et l'accent mis sur la même mention ailleurs dans la loi constituent un illogisme inadmissible.

La nouvelle Loi nationale sur les transports permettra au CN et au CP de vendre ou d'abandonner des lignes sans avoir à se soumettre à quelque réglementation que ce soit.

La WCSC a toujours admis que le CN et le CP pouvaient se départir des voies non rentables et prendre des mesures pour gérer plus efficacement leur équipement. Cependant, la suppression de ces voies par le CN et le CP renforcent leur position concurrentielle par rapport à leurs clients. Des mesures pour rétablir la concurrence sont nécessaires.

La WCSC appuie entièrement la recommandation de la Commission Nault visant à ce que les droits de circulation soient inclus dans la loi sur la réforme de système. Les voies dont le CN et le CP se débarrasseront seront probablement rachetées par les lignes secondaires provinciales, qui n'ont actuellement pas de droits de circulation sur les lignes fédérales.

La réforme de la réglementation des transports doit inclure des dispositions qui accordent aux lignes secondaires provinciales des droits de circulation sur les lignes fédérales, du moins jusqu'au lieu de correspondance d'un chemin de fer concurrent de son choix.

En outre, la cession de voies aux chemins de fer provinciaux fera perdre aux expéditeurs les avantages que leur confèrent les taux de changement de voies et les taux de lignes concurrentielles établis, à défaut d'un amendement qui leur confirme ces droits.

.1820

Un tel amendement est essentiel au maintien d'un transport ferroviaire concurrentiel. L'établissement de taux de changement de voies devrait être prévu à la jonction des chemins de fer fédéraux et provinciaux et la loi modifiée devrait permettre l'inter-connexion entre chemins de fer, qu'ils possèdent les voies ou y circulent simplement.

Nous voulons mentionner encore un point aujourd'hui. La législation oblige depuis longtemps le CN et le CP à fournir un équipement et des installations adéquats. Transport Canada désire supprimer cette obligation et permettre à un arbitre, dans le cadre de l'arbitrage de l'offre finale, d'examiner le niveau de service.

Cette proposition est inacceptable pour les expéditeurs de tout le Canada et émane non pas des chemins de fer, mais bien de Transport Canada. Les tarifs et le service sont liés. Une réduction des tarifs ne sert à rien si le chemin de fer en cause refuse de fournir l'équipement nécessaire parce qu'il n'est pas satisfait des conditions.

Pour que nos membres puissent vendre leurs marchandises au pays et à l'étranger, ils doivent pouvoir compter sur des tarifs adéquats et sur un service adéquat. Les dispositions relatives aux transporteurs publics, dans la common law, n'obligent pas les transporteurs à fournir un équipement ou des installations adéquats. Il n'y a pas d'autres dispositions ailleurs.

Les membres de la WCSC ne s'expliquent pas l'insistance de Transport Canada à vouloir supprimer ces dispositions. Nous vous incitons à recommander au ministre des Transports que les dispositions sur le niveau de service continuent d'être un élément essentiel du cadre réglementaire dans lequel la vente du CN s'effectuera. L'inclusion de ces dispositions dans l'article sur l'arbitrage de l'offre finale ne permettra pas aux expéditeurs d'obtenir l'aide rapide et efficace qu'ils obtiennent actuellement de l'office.

La WCSC met en doute l'article 5 de la Loi sur la commercialisation du CN, qui permet au ministre des Transports de vendre des actions du CN au public et qui a manifestement pour objet de maximiser la vente de ces actions. Le ministre doit par ailleurs introduire une loi qui déterminera le système de transport dans lequel ces actions seront vendues. Le ministre est ainsi placé dans une situation très difficile. Il doit contrebalancer les deux mesures.

La commercialisation du CN ne doit pas se faire au détriment de la concurrence dans le réseau ferroviaire canadien. La concurrence entre les chemins de fer est dans l'intérêt du pays et constitue un élément essentiel de sa capacité de s'affirmer sur les marchés d'exportation. Maximiser le prix de vente des actions du CN en accroissant son monopole serait contraire à l'intérêt national. Ce serait un bien pour un mal. C'est une idée qui doit absolument être écartée.

En résumé, la WCSC appuie la commercialisation du CN, mais seulement si elle ne diminue pas la concurrence dans le secteur ferroviaire au Canada. La Loi sur la commercialisation du CN est étroitement liée à la réforme annoncée de la législation sur les chemins de fer. Le fait que ce soit le ministre des Transports qui soit chargé de piloter les deux mesures nous inquiète beaucoup.

Nous vous demandons de faire valoir auprès du ministre que la Loi sur la réforme de la réglementation des transports, qui doit être proclamée ce mois-ci, doit reconnaître les intérêts vitaux des clients du CN comme partie prenante dans le processus de vente du CN. Vous défendrez ainsi notre position, mais également l'intérêt national, qui ne doit pas être sacrifié simplement pour que la vente du CN rapporte davantage.

Le président: Merci de votre exposé, monsieur Culham.

Une partie de vos observations, sur la réforme de la réglementation, s'écarte un peu du mandat du comité relativement au projet de loi C-89. C'est comme si vous parliez une autre langue, parce que nous n'avons pas eu, pour la plupart, la même information que vous, semble-t-il. Nous ignorons quelle partie de la Loi sur les transports nationaux sera révisée ou quelles modifications y seront apportées. Je puis vous assurer et assurer votre organisme que le ministre est conscient de la lourdeur du régime de réglementation actuel pour l'industrie.

.1825

C'est la raison pour laquelle il prépare des modifications à la Loi sur les transports nationaux. Dans le cadre de ce processus, il tiendra sûrement compte des suggestions et des préoccupations des intéressés et des usagers du système. Comme vous le savez sans doute, les présentes consultations ont pour but d'alléger la réglementation de façon à ce que le CN puisse s'adapter plus rapidement à la nouvelle situation, être concurrentiel et rentable pour le plus grand bien des usagers, dont vous êtes. C'est pour cette raison que le ministre propose en parallèle une réforme de la réglementation qui rende possible son projet pour le CN, lequel nous sommes chargés d'examiner.

M. Culham: Je comprends très bien. Nous voulions simplement... Nous savions que vous examiniez la commercialisation du CN, mais nous tenions à souligner le fait qu'il y avait un lien direct entre ce projet et la réforme législative.

Le président: Très bien. Nous ne sommes pas nécessairement au courant de tous les détails ici.

M. Culham: Cela dit, je répète que nous appuyons le principe selon lequel le chemin de fer devrait avoir le droit de gérer son plan. Nous sommes préoccupés par le contexte plus large de la question, la possibilité que la concurrence soit amoindrie dans le secteur ferroviaire au Canada. Nous souhaiterions que la Loi sur la réforme de la réglementation soit établie de façon à compenser la diminution de la concurrence.

Le président: C'est l'équilibre que le ministre souhaite atteindre. Tout le monde est d'accord pour dire que les deux chemins de fer doivent pouvoir se faire concurrence selon des règles égales. Cela suppose un équilibre délicat et, en toute justice, une réduction de la dette du CN de façon à ce que des actionnaires puissent être trouvés selon l'objectif du ministre... cela doit également se faire sans nuire au chemin de fer du CP, qui s'efforce de bien servir le pays.

Nous allons passer aux questions avec M. Gouk.

M. Gouk: Nous tombons en effet dans un autre sujet, mais un sujet intimement relié. Comme les autres membres du Comité, j'aimerais avoir plus de détails au sujet de la réforme de la réglementation à venir et de vos inquiétudes à ce sujet.

M. Culham: Vous les aurez d'ici un jour ou deux.

M. Gouk: Vous avez mentionné l'article 5 concernant le prix des actions. Y a-t-il d'autres articles du projet de loi C-89 qui vous préoccupent?

M. Culham: Non.

M. Gouk: Vous êtes d'accord avec les grands principes, la nécessité de réduire la dette, entre autres?

M. J. Richard H. Whittington («Western Canada Shippers' Coalition»): Je voudrais quand même dire ceci.

Nous sommes d'accord avec la réduction de la dette dans une certaine mesure afin d'aider à la vente du Canadien National. Nous espérons cependant que cette action aura pour but de placer les deux chemins de fer sur un pied d'égalité, de façon à ce qu'une juste concurrence puisse s'exercer à l'avenir.

Le président: Merci beaucoup de votre exposé et de vos réponses, messieurs.

Nous accueillons maintenant, au nom de la «Halifax Port Corporation», M. Merv Russell, président du conseil d'administration, M. David Bellefontaine, président et directeur général, et Mme Patricia McDermott, vice-présidente à la commercialisation.

.1830

M. Merv Russell (président du conseil d'administration, «Halifax Port Corporation»): Merci, monsieur le président, membres du comité. La «Halifax Port Corporation» est heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui. J'en suis le président. Je suis accompagné de Mme Patricia McDermott, vice-présidente à la commercialisation, et de M. David Bellefontaine, président et directeur général.

Nous tenons d'abord à faire inscrire au compte rendu que nous sommes satisfaits du rapport sur l'examen de la politique maritime. Nous notons que vos recommandations et les observations de la HPC se rejoignent à plusieurs égards. Nous vous félicitons, M. Keyes, ainsi que votre comité, de la stratégie maritime nationale.

Monsieur le président, la «Halifax Port Corporation» est heureuse d'avoir cette occasion d'exprimer ses vues au sujet du projet de loi C-89, Loi sur la commercialisation du CN. Nous avons déjà témoigné devant le groupe de travail Nault en décembre de l'année dernière. Nous constatons que certains d'entre vous faisaient partie de ce groupe de travail. Ce soir, nous voudrions d'abord souligner l'importance du service ferroviaire pour le port de Halifax. Nous nous excusons auprès de ceux qui faisaient partie du groupe de travail si nous répétons un certain nombre de choses, mais nous pensons devoir situer le contexte.

La Société du port de Halifax est une société d'État fédéral qui a été créée par le ministre des Transports le 1er juin 1984. Sa mission consiste à développer, à commercialiser et à gérer les activités du port de Halifax de façon à encourager et à promouvoir le commerce et le transport ainsi qu'à servir de catalyseur pour les économies locales, régionales et nationales.

Cette année, plus de 14 millions de tonnes de marchandises, y compris 3 millions de tonnes de trafic de conteneurs, passeront par le port. Du point de vue des recettes et de l'activité du port, ce dernier trafic constitue l'élément le plus important. Les retombées économiques de l'activité du port sont très intéressantes pour la province et la localité. En 1994, elles ont signifié 7 000 emplois, 233 millions de dollars de revenus et 305 millions de dollars de dépenses directes.

Mme Patricia McDermott (vice-présidente à la commercialisation, Société du port de Halifax): Nos opérations sont très diversifiées, nous accueillons des marchandises en vrac, des marchandises diverses, des navires de croisière et des automobiles. Tous ces éléments sont importants pour nous. La question du service ferroviaire, si elle est majeure pour d'autres régions, est cruciale dans notre cas, en ce sens que le trafic de conteneurs représente la partie la plus lucrative de nos opérations. Ils comptent pour les deux tiers de nos recettes totales.

Comme beaucoup d'autres entreprises, le port sort d'une récession difficile. Du sommet de 4 millions de tonnes de trafic de conteneurs en 1990, nous sommes passés à environ 2,5 millions de tonnes annuellement depuis 1992.

Actuellement, pour la première fois de la décennie, nous projetons une amélioration appréciable. À la fin du mois d'avril de cette année, le trafic de conteneurs s'était accru de 32 p. 100, comparativement à la même période l'année dernière. En grande partie, cette augmentation est due à une amélioration continue du trafic de nos clients porte-conteneurs de lignes réguliers, à l'acquisition de nouvelles lignes de navigation importantes et à la croissance de notre trafic avec le mid-ouest américain.

En général, les porte-conteneurs de lignes de Halifax, qui représentent environ 20 services directs, font escale au port en route vers les principaux marchés américains. Pour les navires à destination de New York, par exemple, Halifax est la dernière escale. Les lignes considèrent qu'il est rentable de desservir le Canada à partir de Halifax plutôt que par les ports américains qui pourraient être utilisés. Elles ont le choix. Plutôt que Halifax, elles pourraient utiliser des ports de la côte est américaine comme New York ou Philadelphie. De fait, en 1994, plus de 100 000 UEC ou plus d'un million de tonnes de marchandises canadiennes sont passées par les ports de la côte est américaine. New York et Philadelphie ont compté pour 75 p. 100 de ce trafic, dont une part importante est passée par la ligne du CP en provenance et en direction du Canada.

Les avantages que fait valoir le port par rapport à de nombreux concurrents sont bien connus. Halifax est très rapproché de la route du «Grand Cercle» reliant l'Europe à l'Amérique du Nord. C'est un port en eau profonde qui n'a pas de problèmes de marée ou de glace. Sa profondeur est d'autant plus importante que les économies d'échelle commandent des navires de plus en plus grands, nécessitant de 40 à 45 pieds de profondeur.

.1835

Seuls Halifax, sur la côte est, et Vancouver, sur la côte ouest, sont capables d'accueillir de si grands porte-conteneurs.

Ces avantages naturels du port signifient des économies de temps et d'argent pour les lignes de navigation. De pair avec une main-d'oeuvre stable et productive, une infrastructure solide et, ce qui est le plus important, un service ferroviaire efficace, ils permettent à Halifax de concurrencer les ports américains.

Le port de Halifax dépend entièrement d'un lien ferroviaire efficace et rentable avec le grand marché de l'Ontario et du Québec. Actuellement, 75 p. 100 de notre trafic international a pour base le Canada central. Presque tout le trafic emprunte le réseau ferroviaire. Montréal est à 800 milles de distance, Toronto à 1 100 milles. Le camionnage sur ces distances, sauf pour ce qui est des marchandises de très grande valeur, n'est pas rentable.

Le mid-ouest américain est un petit marché pour le port de Halifax mais un marché qui prend de plus en plus d'ampleur, principalement à cause du tunnel du CN à deux étages qui relie l'Ontario au Michigan. Chigago n'est qu'à 600 milles ferroviaires de Halifax et l'avenir de la ville comme port d'entrée aux États-Unis dépend entièrement du réseau ferroviaire et de son évolution dans l'Est.

Les perspectives en ce qui concerne le mid-ouest sont excellentes. Le trafic pour le mid-ouest américain, même s'il ne représente qu'un faible pourcentage de notre trafic total, augmente sans cesse. Nous nous attendons à ce qu'il atteigne 25 000 UEC en 1995, soit 7 p. 100 de notre trafic total, alors qu'il était de 11 000 UEC l'année dernière, époque à laquelle le CN et le port ont commencé à faire la promotion de Halifax comme port d'entrée pour les marchandises du mid-ouest américain. Auparavant, ce trafic était négligeable à Halifax.

Les coûts du transport ferroviaire dans le secteur des conteneurs sont établis selon le volume et négociés par les lignes de navigation. Ils représentent de 62 à 82 p. 100 des coûts totaux du transport des conteneurs des quais de Halifax aux destinations finales de Montréal et de Toronto.

La part dominante des coûts du transport dans l'équation illustre bien l'importance pour le port de pouvoir compter sur un transporteur ferroviaire décidé à assurer un service concurrentiel.

Nous estimons qu'au cours des dernières années le CN s'est montré intéressé à faire de Halifax un port d'entrée pour le commerce international et à en faire la promotion. L'introduction des wagons à deux niveaux de chargement et la création d'une gare inter-modale sont deux investissements récents. J'ai mentionné le tunnel St. Clair. Le CN et le port ont établi des liens étroits pour la promotion du port de Halifax. Tant et si bien que le port est maintenant à un point tournant de son histoire.

La Société du port de Halifax est d'avis qu'une campagne dynamique pour attirer le trafic import-export est cruciale pour le maintien d'un bon service ferroviaire dans la région atlantique du Canada. La perte de ce trafic pourrait avoir un effet de domino sur l'économie de la région tout entière. Nous croyons que le commerce import-export compte pour environ 20 p. 100 du chiffre d'affaires actuel du CN dans la région. Les automobiles et les marchandises diverses qui passent par le port sont également des éléments importants.

Nous estimons que le volume d'affaires total du port de Halifax qui passe par la ligne principale du CN dans la région représente un tiers des opérations du CN à ce niveau. Le port de Halifax est le centre des opérations ferroviaires dans l'Est du Canada. Sans un port viable et sans son trafic, le service ferroviaire ne peut survivre dans cette région.

Enfin, la vaste gamme des services de navigation qui font escale à Halifax, même si elle est rendue possible par le volume des marchandises du Canada central, profite grandement également aux exportateurs de la région de l'Atlantique. L'étendue des services de navigation permet aux expéditeurs locaux d'avoir un accès rentable et fréquent à de nombreux marchés d'exportation. Plusieurs fabricants de la région, comme Michelin Tire et Volvo, dépendent en outre d'un service de navigation fréquent pour leurs importations. La perte de porte-conteneurs de lignes, qui signifierait la perte directe d'emplois et de revenus reliés au port, nuirait aussi considérablement à tous ces gens. Ils auraient un service moins pratique et moins d'options de transport concurrentiel sur le plan international.

.1840

Cette perte nuirait certainement aux activités d'exportation et de fabrication de la région de l'Atlantique et réduirait les retombées économiques connexes.

M. David Bellefontaine (président-directeur général, Société du port de Halifax): Monsieur le président, je serai concis. J'ai mal à la gorge, alors vous m'excuserez si ma voix flanche.

Tout d'abord, la Société du port de Halifax appuie les initiatives du gouvernement visant à renforcer le réseau ferroviaire au Canada. Toutefois, il est de la plus haute importance pour nous que soit maintenue à Halifax la présence d'un chemin de fer national. Le ministre des Transports a mentionné qu'il fallait maintenir un réseau ferroviaire transcontinental, d'un océan à l'autre.

La première recommandation du groupe de travail Nault est ainsi formulée:

Le groupe de travail recommande que le ministre des Transports tienne à un processus qui aboutisse à la commercialisation complète des Chemins de fer nationaux du Canada à titre d'exploitant de ligne principale s'étendant d'un océan à l'autre.

Le rapport recommande également de définir un réseau ferroviaire de base. Nous estimons que le gouvernement a un rôle à jouer pour structurer la réforme du réseau ferroviaire afin de protéger le port de Halifax. Cela est conforme à la recommandation que vous avez faite dans votre rapport sur la politique maritime. Dans votre rapport, publié en mai, vous recommandez que le gouvernement fédéral continue d'assumer une responsabilité directe à l'égard d'un système portuaire national. Cela reflète l'importance des ports pour le pays. Dans votre troisième recommandation, vous proposiez que les objectifs de la politique portuaire nationale soient conservés, confirmant ainsi qu'il est dans l'intérêt du Canada d'appuyer le commerce international et d'autres objectifs politiques.

L'article 3 de la Loi de 1987 sur les transports nationaux précise que les transports sont reconnus comme un facteur primordial du développement économique régional. Pour autant que nous sachions, aucune initiative politique n'a remplacé la politique de la Loi sur les transports nationaux.

Pour ce qui est de l'intérêt public, le projet de loi C-89 contient des dispositions qui protègent cet intérêt dans trois domaines. Premièrement, il y a celle qui empêche qu'une personne détienne plus de 15 p. 100 des droits de vote, l'objectif étant évidemment de faire en sorte que les décision du CN reflètent une pluralité de vues. Deuxièmement, le siège social doit rester dans la communauté urbaine de Montréal. Troisièmement, la Loi sur les langues officielles continuera de s'apppliquer. Nous croyons que ces deux dernières dispositions visent à protéger la région contre les pertes d'emploi et de retombées économiques.

Nous croyons qu'il est tout aussi important de protéger l'accès du port de Halifax à un réseau ferroviaire national. Le régime législatif devrait donc interdire expressément au CN de retrancher la ligne Montréal-Halifax de son réseau transcontinental en le cédant. Cette mesure provisoire devrait s'appliquer pendant au moins dix ans, et être réexaminée à la fin de cette période.

Les initiatives récentes du CN à l'égard de ses opérations internes, régionales - par exemple, au Québec - sont encourageantes et devraient lui permettre de réduire ses coûts tout en accroissant la souplesse de ses opérations, surtout en ce qui a trait aux conditions de travail. Si ce système donne de bons résultats, il dissipera nos craintes pour l'avenir.

Nous ne pensons pas que notre proposition empêcherait la commercialisation du CN. M. Tellier a déclaré que le CN est déjà un investissement intéressant. Il est rentable et la compagnie prévoit que ses bénéfices dépasseront cette année ceux de 1994.

En conclusion, le port de Halifax a besoin de partenaires ferroviaires sur qui il pourra compter entièrement pour rester le moteur de l'économie de la région de l'Atlantique. C'est pourquoi nous demandons que le projet de loi soit modifié afin d'inclure une disposition qui interdirait pendant au moins dix ans la cession de la ligne Montréal-Halifax et son retrait du reste du réseau transcontinental du CN.

M. Russell: Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, nous savons que la journée a déjà été longue pour vous. Mais, en résumé, même si nous avons eu peu de temps pour préparer notre exposé, nous tenons à ce que vous sachiez que nous ne l'avons pas préparé dans l'isolement. La position de la Société du port de Halifax a été examinée par les exploitants de nos terminaux, les grandes sociétés de transports maritimes et les expéditeurs. En outre, il semble que nous ayons aussi l'appui de la province de la Nouvelle-Écosse.

Nous vous remercions. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci. Nous nous attendions à ce que la Société du port de Halifax nous fasse, comme d'habitude, un exposé très complet, et nous n'avons pas été déçus. Merci, monsieur Russell.

.1845

Nous prendrons bien sûr en considération, comme amendement possible, la suggestion que vous nous faites dans votre mémoire.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Mercier, s'il vous plaît.

[Français]

M. Mercier (Blainville - Deux-Montagnes): Monsieur Russell, vous dites à la page 6 que vous approuvez la disposition de l'article 8 qui limite à 15 p. 100 la part des actions avec droit de vote qu'une même personne morale ou physique peut acquérir. Vous approuvez ces dispositions parce qu'elles permettent de refléter une pluralité de vues dans le futur.

La loi prévoit aussi que plusieurs acheteurs pourraient appartenir à un même organisme ou avoir entre eux certains liens et, dans ce cas-là, il pourrait arriver que l'ensemble constitué par ces diverses personnes morales ou physiques puisse dépasser 15 p. 100 si chacune achète 15 p. 100. Pour se prémunir contre cela, la loi prévoit une disposition disant qu'il est permis à plusieurs organismes appartenant à un même ensemble de dépasser au total 15 p. 100, moyennant un serment en vertu duquel ces personnes morales ou physiques s'engageraient à ne pas se concerter en ce qui concerne les intérêts qu'elles ont dans le CN. Croyez-vous que l'application d'un tel serment puisse être contrôlée par des administrateurs de la société comme la loi le prévoit? Pensez-vous que cette chose est possible aussi lorsqu'il s'agit d'acheteurs étrangers?

[Traduction]

M. Bellefontaine: Nous croyons savoir que le projet de loi comprend des dispositions visant à limiter la participation à 15 p. 100 afin que le CN puisse entendre une pluralité d'opinions au sujet de ses activités et de son avenir. Nous nous opposons certainement à l'idée qu'une personne morale ou physique puisse détenir plus qu'une majorité des actions. Nous avons présenté un mémoire au sujet de la l'achat du chemin de fer D et H, de CAST, etc., par le CP. Nous serions très inquiets si le CP achetait un jour la majorité des actions du CN, par exemple. Nous croyons savoir que certaines dispositions du projet de loi limitent cette possibilité, et nous espérons que vous vous en assurerez.

M. Gouk: Mis à part le plafond de 15 p. 100 prévu dans le projet de loi, je crois savoir que la Loi sur la concurrence s'appliquerait également dans le cas qui vous préoccupe, c'est-à-dire si le CP décidait de prendre le contrôle du CN.

J'aimerais vous interroger au sujet de cet amendement que vous proposez et qui interdirait toute cession pendant dix ans. Des centaines de millions de dollars viennent d'être investis dans la construction du tunnel de Sarnia et le CN a mentionné expressément l'importance de la viabilité de Halifax, disant qu'il pourra maintenant utiliser ce port au lieu d'un port américain. En fait, pour être rentable, le CN doit pouvoir compter sur le volume que vous avez grâce à vos navires à coque profonde.

Qu'est-ce qui vous fait craindre que cette ligne puisse être abandonnée? En fait, le CN a besoin de vous; peut-être pas autant que vous avez besoin de lui, mais presque. La dépendance est mutuelle. D'où vient votre crainte qu'il en vienne à vouloir abandonner cette ligne?

Mme McDermott: Nous pensons aux nouveaux propriétaires du CN. Ce que nous tenions à vous faire comprendre, c'est que notre liaison ferroviaire est essentielle pour nous.

M. Gouk: Je comprends cela.

Mme McDermott: Nous avons besoin d'une certaine assurance sur ce point. C'est pour cette raison que nous vous proposons cet amendement.

M. Gouk: Je comprends pourquoi vous pensez en avoir besoin. Je ne conteste pas cela du tout. Je suis simplement curieux de savoir pourquoi vous craignez de perdre cette liaison. Je ne vois absolument aucune raison pour laquelle une compagnie de chemin de fer souhaiterait abandonner cette ligne qui est pour elle un bien précieux.

M. Russell: Il n'y a aucun doute que pour nous, cette question est très grave. Notre survie en dépend. Il est rassurant pour nous que le CN ait fait cet investissement à Sarnia afin de pouvoir utiliser des wagons à deux niveaux de chargement pour faciliter le transport intermodal. Mais nous avons une tâche herculéenne à remplir si nous voulons espérer avoir accès au transport maritime post-Panamax.

.1850

Dans le nouvel environnement que nous ne pouvons qu'imaginer, il faudra faire des investissements très importants - des investissements dont nous n'avons pas l'habitude - si nous voulons être de la partie. Dans ce nouvel environnement, je pense que le seul moyen de nous préparer c'est d'obtenir la confiance des prêteurs pour qu'ils consentent à nous fournir des sommes aussi importantes, c'est de nous assurer que nous conserverons un lien vital avec les principaux marchés.

M. Jordan: Je comprends évidemment votre préoccupation. Vous voulez parer à toutes les éventualités. Mais n'est-il pas vrai que tout le monde aura la même préoccupation? Il y a quelque temps, nous avons entendu un groupe de témoins de l'Ouest canadien qui craignaient que leur dépendance à l'égard d'une ligne de transport ne les place dans une situation très vulnérable.

Vous devez comprendre que je suis conscient du problème, mais je ne vois pas en quoi votre situation est unique, étant donné ce qu'il se passe ailleurs au Canada. Notre objectif, lorsque nous privatisons une entreprise qui a été lourdement subventionnée par le gouvernement, c'est de la rendre plus compétitive.

Je pense que le CN a indiqué qu'il aurait certainement besoin du port d'Halifax, puisqu'il s'agit du point de passage. C'est l'un de vos collègues, je crois, qui disait la semaine dernière à Halifax que si la situation économique du port d'Halifax n'est pas solide, c'est tout l'Est du pays qui en soufrira.

Je suis d'accord avec mon collègue, M. Gouk, lorsqu'il dit que vos préoccupations ne semblent pas fondées, car le CN ne voudra certainement pas... Je comprendrais votre préoccupation si le CP en prenait le contrôle, puisque leurs activités semblent davantage centralisées à Montréal; le CP encouragerait le port de Montréal plutôt que le port d'Halifax. Je comprends que ce serait un problème.

Mais pensez-vous vraiment que l'on puisse ajouter ce genre de clause, que les nouveaux propriétaires seraient prêts à l'accepter, alors que l'idée, c'est de vous retirer en les encourageant à livrer une concurrence loyale? Si nous commençons à jeter des conditions, est-ce que nous n'irons pas à l'encontre de nos objectifs?

M. Russell: Comme vous le savez, il existe déjà d'autres problèmes, mais le fait est que dans la région de l'Atlantique nous avons l'habitude des abandons de lignes de chemin de fer. Mme Wayne pourrait vous en parler pendant des jours. Je suis originaire de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Je suis un nouveau venu à Halifax.

M. Jordan: Vous avez été enrôlé.

M. Russell: Je me souviens de la dépendance de Saint John, au Nouveau-Brunswick, à l'égard du CP et de son effet désastreux. Dans la nouvelle économie mondiale, je pense que ce n'est pas trop demander comme concession, étant donné les sociétés de transport maritime avec lesquelles nous traitons. C'est un capital flottant que nous recevons et qui peut très rapidement fuir vers Baltimore, New York et Norfolk. Il nous faut certaines assurances, monsieur, et nous pensons que vous devez nous les donner pour le bien de la région atlantique.

M. Jordan: Qui prendrait la relève en l'absence du CN? Vous seriez obligé de rationaliser; il faudrait bien que quelqu'un assure ce service. Vous craigniez que si le CN abandonne, c'est le CP qui prendra la relève.

M. Russell: Avec deux ports, ce serait facile, monsieur. Cela pourrait très facilement aller à New York. Ou alors les marchandises pourraient facilement être apportées au Canada par le chemin de fer D et H pour être ensuite acheminées vers les principales destinations.

Nos activités au port d'Halifax sont vulnérables et dépendent grandement de la coopération des entreprises de transport maritime et de nos employés. Nous devons également maintenir un équilibre délicat en obtenant des tarifs équitables, car, comme nous le disions tout à l'heure, nous sommes à 800 milles de Montréal, à 1 100 milles de Toronto et à 1 600 milles de Chicago. Chaque cent supplémentaire par mille fait pencher la balance en faveur des ports américains.

M. Jordan: Alors, vous pensez que vos clients pourraient se servir des ports américains.

M. Russell: C'est ce qu'ils feront. Ils nous ont déjà prévenus.

M. Jordan: Ce serait peut-être un peu plus logique. Dans ce contexte, je pense que c'est peut-être quelque chose dont nous devrions être tout à fait conscients.

Je suis sûr que Elsie a quelque chose à ajouter.

Mme Wayne (Saint John): Monsieur le président, c'est pourquoi j'ai posé la question à M. Ritchie, du CP, plus tôt dans la journée.

.1855

À propos de M. Ritchie, il n'a pas pleinement répondu à cette question, parce qu'à l'heure actuelle ce sont les ports des États-Unis qui font concurrence à la fois au port d'Halifax et au port de Saint John. Le chemin de fer D et H nous inquiète beaucoup.

J'aimerais vous poser une question. Si vous alliez en Allemagne, si vous alliez en Roumanie - ce que j'ai eu le plaisir de faire ces dernières années - vous constaterez que tout le transport se fait par chemin de fer. Je dis bien tout. Il n'y a pas de semi-remorques sur les autoroutes. Tout le transport se fait par chemin de fer. Je me demande ce que vous penseriez si le gouvernement fédéral imposait des limites de poids très sévères pour nos autoroutes.

Dans notre région de l'Atlantique, tout comme en Ontario d'ailleurs, il y a une demi-douzaine de semi-remorques doubles. Elles nuisent au tourisme; elles nuisent à tout. Mais si nous leur interdisons l'accès des routes, il faudra tout transporter par chemin de fer, ce qui permettrait à ceux-ci d'être plus rentables. Je me demande ce que vous en pensez.

M. Bellefontaine: Pour Halifax, comme pour la plupart des ports, le camionnage fait concurrence dans une certaine mesure aux chemins de fer. Les camionneurs obligent les compagnies de chemins de fer à rester honnêtes, et peut-être que les compagnies de chemins de fer font de même pour les camionneurs. Cette concurrence fait diminuer les tarifs, ce qui rend le port compétitif. A notre avis, nous avons besoin des deux. Soixante-dix p. 100 de notre trafic terrestre utilise les chemins de fer. Nous en avons besoin. Mais il y a également une part importante et croissante de notre cargaison qui est destinée aux provinces Maritimes. Il y a également une augmentation de ce côté-là, et c'est le secteur du camionnage qui en profite.

Pour ce qui est des restrictions de poids, tout dépend de la limite imposée. Nous aurions quelques préoccupations à cet égard. En matière de sécurité, je pense qu'il faut être raisonnable. Tout dépend de la limite de poids.

Le président: Nous remercions nos amis de la Société du port d'Halifax pour leur exposé et pour avoir répondu à nos questions. Nous espérons vous revoir bientôt, probablement pour discuter de la Loi sur les transports nationaux.

Chers collègues, nous allons maintenant discuter de deux motions présentées par M. Gouk, qui a quelque chose à demander aux membres du comité.

M. Gouk.

M. Gouk: J'aurais dû présenter ces deux motions relatives au budget principal des dépenses plus tôt. C'est une négligence de ma part. J'avais supposé que tôt ou tard nous discuterions du budget et que nous l'adopterions. Je ne savais pas qu'il est automatiquement adopté s'il n'y a pas d'intervention. J'aimerais donc présenter deux motions relatives à deux éléments précis du budget des dépenses. La première a trait au crédit 10.

Je propose que le crédit 10 du ministère des Transports, d'un montant de 329 139 000$, soit réduit de 23 451 899$ millions.

Voulez-vous que je présente les deux motions en même temps, monsieur le président, ou voulez-vous les traiter séparément?

Le président: C'est comme vous voudrez.

.1900

M. Gouk: Pour votre gouverne, au cas où vous n'auriez pas le budget, le crédit 10 concerne les subventions et les contributions. Dans le budget des dépenses de cette année, on prévoit une augmentation de 7,23 p. 100 pour ce poste. Nous recommandons évidemment une réduction.

Le président: Traitons chacune des motions séparément. Vous nous demandez de voter sur votre motion.

Chers collègues, vous avez entendu la motion. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit appuyée.

Monsieur Gouk, voulez-vous un vote par appel nominal?

M. Gouk: Oui, je pense que ce serait indiqué.

M. Comuzzi: Pouvons-nous poser une question?

Le président: Bien sûr.

M. Comuzzi: Nous n'avons pas assez d'information.

Une voix: C'est vrai.

M. Comuzzi: Je ne sais diable ce que nous faisons.

M. Gouk: Tout le monde a reçu le budget des dépenses.

M. Comuzzi: Oui, je sais; mais je n'en ai pas fait une lecture de chevet. Voulez-vous nous expliquer pourquoi vous proposez une réduction? Premièrement, que représentent ces 329 millions de dollars? Vous dites que c'est pour les subventions. Pourquoi proposez-vous une réduction de 23 millions de dollars?

M. Gouk: Comme je le disais, le crédit 10 concerne les subventions et les contributions.

M. Comuzzi: À qui?

M. Gouk: À tout le monde. Tout...

M. Comuzzi: Je n'en ai pas reçu cette année.

M. Gouk: Nous pourrions être ici longtemps, Joe, si je l'expliquais ligne par ligne. Il y a des pages et des pages de subventions. Nous proposons simplement une réduction générale au lieu d'une augmentation de 7,23 p. 100.

Nous sommes dans une période de restriction, financières. Votre propre ministre des Finances vise une réduction de 40 milliards à 25 milliards de dollars. Nous trouvons que c'est une bonne initiative. Nous pourrons discuter un autre jour de la question de savoir si c'est suffisant, ou assez rapide, mais, c'est un pas dans la bonne direction. C'est une initiative que nous appuyons, et nous disons que pour l'appuyer nous devons réduire certaines dépenses, comme les subventions et les contributions. Parmi tous les postes de dépense, il y en a seulement deux que je recommande de réduire, et il se trouve que c'en est un. Aux fins de cette réunion, je n'ai pas déterminé précisément quelles subventions devaient être réduites; je propose plutôt une réduction générale.

M. Jordan: Je suis d'accord pour dire que le gouvernement doit dépenser moins, mais, comme le disait Joe, je ne crois pas qu'en faisant cela nous aurons atteint notre objectif de réduction des dépenses. Je veux savoir qui sera touché par cette réduction. Il se peut que certaines de ces subventions...

M. Gouk: Il appartiendra au gouvernement de répartir cette réduction, Jim, car je ne dis pas qu'il faut éliminer complètement une subvention et en maintenir une autre intégralement. Je le dis simplement qu'il faut réduire le montant général des subventions et des contributions, et je propose que le montant total soit réduit plutôt qu'augmenté.

M. Jordan: J'admets le principe, mais je ne peux pas appuyer un montant arbitraire sans savoir qui sera touché. C'est cet aspect... Je vais devoir voter contre les deux motions.

M. Gouk: Par contre, vous n'hésitez pas à appuyer, sans en connaître les détails, une augmentation de 7,23 p. 100. Si vous appuyez une augmentation non détaillée vous pouvez appuyer une baisse non détaillée. Vous devez décider si vous voulez que les dépenses augmentent ou qu'elles diminuent.

M. Jordan: En principe, je suis d'accord avec vous, mais je dis que je veux savoir exactement qui sera touché par ces réductions. Je ne pense pas que nous puissions vous donner carte blanche pour réduire quelque chose sans savoir...

M. Gouk: Je vous comprends, car c'est exactement ce que je pense au sujet de...

M. Jordan: C'est pourquoi je vais voter contre les deux motions.

M. Gouk: Je pourrai vous donner plus de détails au sujet de la deuxième motion. Alors, vous devriez peut-être attendre.

[Français]

M. Mercier: Je suis tout à fait du même avis. Ce n'est pas possible de voter sur une chose sur laquelle on a si peu d'information.

Deuxièmement, je suppose que c'est la même chose en anglais et cela me semble être le cas. Je ne comprends pas comment, en enlevant 23 millions de dollars à 329 millions de dollars, on arrive à 135 millions de dollars. Je crois que si on enlève 23 millions de dollars à 329 millions de dollars, on arrive à 306 millions de dollars, et non pas à 135 millions de dollars.

Je pense que c'est la même chose en anglais, non?

[Traduction]

Le président: Oui, les deux versions concordent. Il réduit le montant par un pourcentage qu'il a choisi.

[Français]

M. Mercier: Il est marqué 329 millions de dollars. On réduit de 23 millions de dollars et, par une opération du Saint-Esprit, on arrive à 135 millions de dollars.

[Traduction]

C'est une erreur, car 329 millions de dollars moins 23 millions de dollars, cela donne 303 millions de dollars. Cela ne peut pas donner 130 millions de dollars.

Le président: Monsieur Gouk, vous voulez dire 135 millions de dollars par année pendant trois ans, ce qui représente 309 millions de dollars?

.1905

M. Gouk: Vous pouvez laisser tomber ce qui se trouve entre parenthèses. Ce qui compte, ce sont les 23 millions de dollars. La parenthèse contient simplement une projection pour les années suivantes.

Le président: Je pense qu'il y a un consensus qui se dégage, monsieur Gouk.

M. Gouk: Très bien.

La motion est rejetée par cinq voix contre une

Le président: Avez-vous une autre motion, monsieur Gouk?

M. Gouk: Je propose que le crédit 30 du ministère des Transports au montant de 4 340 000$, soit réduit de 2 358 000$.

Pour la gouverne de M. Jordan, cette proposition est précise. Le crédit 30 concerne les paiements à l'Administration de pilotage des Laurentides. Le budget des dépenses prévoit une augmentation de 45,98 p. 100, et moi je demande une réduction de 2,3 millions de dollars. Cette réduction s'applique à une dépense bien précise.

M. Jordan: C'est très simple. Je vais voter contre cette motion-là aussi.

Le président: J'aurais un mot à ajouter à ce sujet, simplement pour vous dire que le ministre déposera sa réponse aux recommandations de notre rapport sur le secteur maritime vendredi. Il se rendra peut-être compte que vous avez voté pour une motion qui pourrait entraîner la disparition de l'Administration de pilotage des Laurentides.

M. Gouk: Alors vous devriez l'appuyer.

Le président: Non, pas nécessairement. Nous ne sommes même pas sûrs de l'avoir.

La motion est rejetée par cinq voix contre une

Le président: Pour votre gouverne, normalement, vous n'auriez probablement pas pu présenter ces motions, car nous avons reçu un ordre de renvoi nous obligeant à faire quelque chose de bien précis. Mais, en tant que président, j'ai fait preuve d'indulgence envers M. Gouk en lui permettant de présenter ces motions. Il saura, à l'avenir, que s'il a des propositions à faire au sujet du budget des dépenses, il a intérêt à agir rapidement.

M. Gouk: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que je ne pouvais pas les présenter. Il faut en discuter...

Le président: Justement. Vous saurez maintenant que si vous voulez discuter du budget des dépenses vous devez agir plus rapidement et ne pas attendre l'avant-dernière journée du mois.

La séance est levée.

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