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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 9 novembre 1995

.0909

[Traduction]

Le président: Comme nous avons le quorum, nous reprenons notre étude du projet de loi C-98, Loi concernant les océans du Canada. Nous en avons presque terminé l'étude, et il ne nous reste plus qu'à entendre quelques témoins, pendant un jour ou deux.

.0910

Ce matin, nous accueillons Mary Sillett, vice-présidente de Inuit Tapirisat du Canada, et Angela Stadel, recherchiste en environnement. Vous avez la parole.

Mme Mary Sillett (vice-présidente, Inuit Tapirisat du Canada): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je m'appelle Mary Sillett et je viens du Labrador. Je suis la vice-présidente de Inuit Tapirisat du Canada, et Angela Stadel fait partie de notre équipe de recherche.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous expliquer qui nous sommes.

Inuit Tapirisat du Canada est le porte-parole national des Inuits du Canada, qui sont au nombre d'environ 40 900 dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nord du Labrador et le Nord du Québec.

Le conseil d'administration de notre organisme est élu démocratiquement. Notre présidente, Rosemarie Kuptana, est élue par tous les Inuits du Canada, y compris ceux qui habitent dans le Sud; notre vice-présidente et le secrétaire-trésorier sont nommés aux réunions générales annuelles de l'organisme et élus par le conseil d'administration.

Nous comptons des représentants de six de nos régions dans les Territoires du Nord-Ouest, le Nord du Québec et le Labrador, et notre conseil d'administration compte un représentant de la Nunavut Tunngavik Inc., qui représentera le nouveau territoire du Nunavut. Siègent également à notre conseil d'administration un représentant de l'Association nationale des femmes inuites, un représentant du Conseil des jeunes Inuits (Inuit Youth Council), et un représentant de l'organisation internationale des Inuits, la Conférence circumpolaire inuite.

Passons maintenant à notre exposé, qui sera très général, puisque notre groupe est d'envergure nationale.

Je crois savoir que la Nunavut Tunngavik Inc., qui nous suivra, vous parlera de la Loi concernant les océans du Canada d'un point de vue juridique. Par conséquent, nous vous en donnerons surtout un aperçu plus ou moins général. Je crois également savoir que la société Makivik, de Nunavik, dans le Nord du Québec, vous enverra un mémoire écrit. Voici maintenant notre exposé.

Nous sommes un peuple maritime. Nos 53 localités sont toutes situées le long de la côte, à l'exception de celle de Baker Lake, à l'intérieur des terres des Territoires du Nord-Ouest. Nous sommes un peuple qui chasse, qui pêche et qui trappe, et notre gagne-pain et notre mode de vie dépendent de la santé et de la productivité de nos terres et de nos eaux.

Dans l'Arctique, les ressources océaniques sont une source de nourriture de première importance pour la majorité des Inuits. Les phoques, les baleines, les morses, les ours polaires, les poissons, les canards, les oies et les oiseaux marins constituent une partie importante de notre régime alimentaire, et ces produits sont pour nous d'importantes sources de revenus. Les voies maritimes servent au transport d'une localité à l'autre, au ravitaillement et à des opérations industrielles, et les fonds marins des océans sont une source abondante d'hydrocarbures et de minéraux.

La souveraineté du Canada dans les eaux de l'Arctique s'appuie sur l'occupation et l'utilisation immémoriales et continues par les Inuits des côtes de l'Arctique, comme le reconnaît l'article 15 de l'Accord du Nunavut. Nous espérons que le projet de loi sur les océans, qui établit la souveraineté du Canada sur la zone économique exclusive de 200 milles, reconnaîtra également le rôle essentiel qu'ont joué les Inuits eu égard à la souveraineté du Canada sur les eaux de l'Arctique.

Bien que les zones littorales et les banquises côtières soient nos sources les plus importantes de récoltes, les zones maritimes jouent un rôle tout aussi important dans l'écosystème maritime de l'Arctique. Les mammifères marins, tels que les bélugas et les narvals, vont migrer encore plus loin et sont des ressources que nous partageons avec d'autres nations. Or, ces animaux sont menacés par certaines activités industrielles, telles que le transport par bateau, l'exploitation du gaz et du pétrole, et le transport sur de longues distances des polluants atmosphériques qui se retrouvent dans les océans de l'Arctique et dans la chaîne alimentaire.

Notre préoccupation principale, c'est de nous assurer que le projet de loi ne limitera en aucune façon les droits actuels et futurs des Inuits en matière de gestion et d'exploitation des ressources fauniques dans la zone côtière de l'Arctique. Depuis 1975, nous avons négocié trois revendications territoriales qui s'appliquaient à la plus grande partie de notre territoire inuit. Il s'agit de la Convention de la baie James et du Nord québécois, signée en 1975, de la Convention définitive des Inuvialuits, signée en 1984, et de l'Accord du Nunavut, signé en 1993. Seules nos revendications au Labrador et dans la zone au large du Nunavut - dans le Nord du Québec - font encore l'objet de négociations.

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Il nous a fallu bien des années et beaucoup d'argent pour négocier et mettre en oeuvre les dispositions de nos revendications territoriales. Nous osons croire que le gouvernement canadien voudra respecter les principes et les régimes de gestion établis dans l'Arctique et voudra les incorporer à sa nouvelle loi, au moment de la mettre en oeuvre.

Le règlement de nos revendications territoriales nous donne, comme outils principaux en matière de protection de l'environnement, la propriété de nos terres et la cogestion de celles-ci. Les organes de cogestion s'occupent de l'examen environnemental préalable, de même que de la gestion des pêches et de la faune, de la planification de l'utilisation des sols et de l'eau. Le pouvoir en matière de gestion s'étend à toute la région ayant fait l'objet de règlements, y compris les zones hauturières et côtières. Bien que la Convention définitive des Inuvialuits ne prévoie que la propriété des fonds lacustres, des rivières et des nappes d'eau contiguës à une bande d'accès de 100 pieds le long de la côte et du littoral des zones navigables pour des fins de transport, de loisirs et d'urgence, elle a néanmoins une incidence importante sur la politique des océans grâce au régime de cogestion, et je pense particulièrement au Comité mixte de gestion de la pêche et aux bureaux d'étude préalable et d'examen des répercussions environnementales.

L'Accord du Nunavut mentionne de façon spécifique aux articles 15 et 16 le pouvoir de gestion hauturière du Nunavut et oblige le gouvernement à consulter le Conseil consultatif de gestion des ressources fauniques du Nunavut même au-delà des frontières de la zone de règlement du Nunavut.

La société Makivik négocie actuellement une revendication en haute mer du Nunavut, et la nouvelle loi devrait se conformer aux dispositions de cette revendication, de même qu'aux dispositions de la revendication des Inuits du Labrador, qui fait toujours l'objet de négociations.

Les accords globaux sur les revendications territoriales constituent des traités au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Autrement dit, les principes de la participation des Inuits à la protection et à la gestion de l'environnement et aux institutions créées à cette fin font partie intégrante de la loi au Canada. Ce ne sont pas des options ni des dispositions soumises à un pouvoir discrétionnaire.

En outre, les dispositions régissant nos revendications territoriales ont préséance sur toute autre loi ou règlement fédéral, territorial, provincial ou municipal qui pourrait entrer en contradiction avec celles-ci. Nous avons certaines recommandations à vous faire sur la façon dont votre projet de loi pourrait se conformer encore plus aux dispositions, de même qu'à l'esprit et à la lettre des revendications territoriales des Inuits.

La partie I du projet de loi, établissant les zones maritimes du Canada, de même que la souveraineté et l'autorité du Canada sur le territoire hauturier, contient une clause non dérogatoire - le paragraphe 24(2) - qui s'applique aux droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones du Canada, visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Même si cet article assure la protection des droits des Autochtones, il reviendrait aux peuples autochtones concernés de prouver aux tribunaux qu'il y a eu atteinte à leurs droits. Cette disposition s'applique à la partie I du projet de loi, et non pas à l'ensemble de la loi.

Or, cela ne respecte ni l'esprit ni la lettre des règlements des revendications territoriales, lesquels stipulent que les lois fédérales doivent se conformer aux dispositions de ces revendications. Il devrait être possible de reconnaître de façon explicite l'obligation constitutionnelle du Canada de consulter les organismes inuits désignés - en l'occurrence les organes de cogestion. Par conséquent, l'alinéa 14a) devrait inclure une reconnaissance des terres conférées aux Inuits par l'entente et des droits d'exploration, d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles biologiques et non biologiques dans la zone économique exclusive du Canada.

L'article 18 affirme la souveraineté du Canada sur le plateau continental en vue de l'exploration et de l'exploitation de ses ressources minérales et pétrolières. Encore une fois, ces activités devraient être conformes aux obligations découlant des revendications hauturières mentionnées plus haut et aux exigences en matière d'évaluation environnementale prévues dans les revendications territoriales.

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Nous souscrivons sans réserve à la coopération dans l'élaboration et la mise en oeuvre de stratégies de gestion de l'environnement, comme le prouve notre participation à des conseils de cogestion et à des stratégies de gestion de la faune transfrontalière et régionale, tels le Conseil de gestion de la harde de caribous de la Porcupine, l'Accord de gestion des ours polaires de la mer de Beaufort, le Comité des bélugas du Sud de l'île de Baffin et d'autres encore.

Toutefois, le libellé du projet de loi à l'égard de la stratégie de gestion des océans semble définir de façon très étroite la collaboration. Selon le préambule et les articles 29 et 31, le ministre doit collaborer avec d'autres ministres fédéraux et les personnes de droit public et de droit privé intéressées à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une stratégie et de plans régionaux.

Nous et les organismes que nous formons ne sommes pas n'importe quelle personne de droit public et de droit privé intéressée. Le libellé devrait être modifié comme suit pour reconnaître les besoins explicites des organismes inuits que nous représentons:

Passons à l'article 31, et à l'élaboration de plans régionaux: nous recommandons que la loi appuie, ou à tout le moins n'entrave pas, les efforts régionaux et internationaux de coopération en vue de la gestion de la faune, tels que ceux du Comité sur les bélugas des Inuvialuits de l'Alaska, ou les efforts actuels déployés par la Conférence circumpolaire inuite en vue de mettre sur pied un organe circumpolaire de gestion des baleines.

De plus, nous demandons qu'au moment de définir les régions on considère que la mer du Labrador fait partie de l'océan Arctique, puisque ses caractéristiques écologiques ressemblent beaucoup plus à celles de l'océan Arctique qu'à celles de l'océan Atlantique. Les Inuits du Labrador sont de plus liés du point de vue culturel et politique à ceux de l'Arctique.

À l'article 32, portant sur la mise en oeuvre des plans de gestion intégrée, le ministre peut «mandater des organismes existants à cet égard». Cette option devrait plutôt être une obligation, puisque la Constitution oblige le gouvernement du Canada à consulter les intéressés et à travailler de concert avec les organes de cogestion au titre des accords sur le règlement des revendications territoriales inuites.

À l'article 35, le gouverneur en conseil peut, par règlement, constituer des zones de protection marine. Pour nous, la création de zones de conservation et de protection constitue une caractéristique centrale de nos ententes de règlement des revendications territoriales, et d'ailleurs, plusieurs parcs nationaux ont été créés grâce aux ententes des Inuvialuits et du Nunavut.

Le long de la côte nord de l'île de Baffin, la localité de Clyde River collabore avec le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut et Environnement Canada en vue de créer un sanctuaire pour la baleine boréale dans la baie Isabella. Le maintien de nos droits traditionnels de prédation dans les parcs est la condition de base préalable à la création de ces zones protégées, puisque ces droits se fondent sur la reconnaissance des liens étroits d'interdépendance que nous entretenons avec les autres êtres vivants qui habitent nos terres et nos eaux. C'est en consultant les collectivités inuites que les conseils de cogestion de la faune détermineront les besoins en matière de protection, les lieux et le niveau de protection requis dans une zone désignée comme telle dans la région visée par l'entente.

C'est sans doute l'article 36 qui nous préoccupe le plus, car il permet au gouverneur en conseil d'exercer par décret les pouvoirs que lui confère l'article 35, lorsqu'il estime qu'une ressource halieutique ou son habitat sont menacés ou risquent de l'être.

Il faudrait y ajouter un paragraphe portant que chaque fois que l'on estime qu'il y a menace pour une ressource halieutique ou son habitat, il faut obtenir l'approbation des conseils de cogestion de la faune dans les régions régies par l'entente et l'accord de l'Association des Inuits du Labrador.

Tout ce qui touche le transport maritime et la pollution maritime nous préoccupe énormément, et nous espérons que le ministre aura à coeur toutes les questions d'importance pour l'Arctique, puisqu'il assumera désormais la responsabilité de la Garde côtière canadienne. Nous nous préoccupons particulièrement des menaces de déversements et d'accidents, les mers de glace étant notamment de plus en plus fréquentées. Le centre d'intervention le plus proche étant situé en Nouvelle-Écosse, le temps de réponse serait beaucoup trop long s'il devait y avoir déversement dans les eaux de l'Arctique.

.0925

En vertu de l'article 42, le ministre devra également s'occuper désormais des sciences de la mer. À vivre dans l'Arctique pendant des millénaires, nous avons acquis une connaissance très poussée et une compréhension très enracinée de la terre, des eaux et de la faune arctiques, de même que de notre rôle au sein de la nature. Or, le projet de loi ne reconnaît ni notre expérience ni nos connaissances. Par conséquent, je recommande que l'on ajoute à la liste des activités énumérées à l'article 42 le recours aux documents et aux connaissances inuits. De plus, les nouvelles propositions de recherche devraient répondre aux besoins énoncés par nos collectivités et par les organes de cogestion. Le ministre et son ministère devraient avoir l'obligation de rendre compte des conclusions des travaux de recherche aux organismes de cogestion et devraient faire en sorte que ces conclusions soient disponibles dans nos langues et à la portée de nos collectivités.

Monsieur le président, je conclus en réaffirmant que rien n'est plus important pour notre peuple que d'assurer que l'environnement de l'Arctique et ses ressources renouvelables sont conservés et maintenus pour le bénéfice des générations de demain. Comme nous sommes un peuple maritime, nous ne pouvons qu'entériner toute stratégie qui viserait à protéger l'océan. Toutefois, nous espérons qu'une stratégie nationale de protection des océans et qu'une loi fédérale en ce sens respecteraient et reconnaîtraient nos droits ainsi que nos responsabilités, qui sont protégés en vertu de la Constitution et qui ont préséance.

J'espère que vous prendrez note des recommandations que nous vous avons faites aujourd'hui ainsi que de celles que vous feront la Nunavut Tunngavik Inc. et la société Makivik.

[Le témoin poursuit en langue autochtone.]

Encore une fois, merci de nous avoir écoutés.

Le président: Merci de votre exposé. Je suis toujours heureux que l'on nous suggère des modifications précises pour nos projets de lois. Parfois, on nous parle de façon si vague et si générale que nous n'avons aucune idée de ce qu'il faut faire pour améliorer la loi.

J'ai deux questions à poser avant de céder la parole. D'abord, vous avez mentionné que vous négociez actuellement une revendication en haute mer pour le Nunavik et que la Loi sur les océans devrait se conformer aux dispositions de cette revendication, de même qu'à celles de la revendication des Innus du Labrador, qui fait toujours l'objet de négociations.

D'abord, dans l'une ou l'autre des ententes de règlement des revendications territoriales, a-t-on reconnu le rôle et les droits des Innus dans les zones de haute mer? Cela se trouve-t-il quelque part dans un traité ou dans une entente?

Mme Sillett: Commençons d'abord par les Inuits. Il y a toute une différence entre les Innus et les Inuits. Au Labrador, d'où je viens, il y a des Innus et des Inuits. Pour avoir siégé à la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones, je sais que l'on confond les deux au Canada, et c'est pourquoi j'aimerais préciser la différence avant de répondre.

Les Innus sont des premières nations du Labrador, soit des Naskapis et des Montagnais. Quant aux Inuits, ce sont ce que l'on appelait jadis des Esquimaux, terme qui n'est plus considéré comme étant politiquement correct. Le mot «Inuit» signifie dans notre langue le «peuple», et, comme je l'ai déjà dit, nous habitons surtout dans le Nord du pays.

Quant aux revendications, la Nunavut Tunngavik Inc., qui comparaît tout à l'heure, sera bien mieux placée que moi pour répondre à votre question. Je crois savoir, toutefois, que la revendication de la NTI est la seule qui reconnaisse véritablement quelques droits hauturiers.

C'est bien cela?

Mme Angela Stadel (recherchiste en environnement, Inuit Tapirisat du Canada): On en reconnaît dans la Convention définitive des Inuvialuits, et on prévoit également, par le truchement des organismes de cogestion, un pouvoir de gestion hauturière dans la région visée par l'entente, ce qui inclut les zones littorales et les zones océaniques.

Quant à la revendication hauturière du Nunavik, il faudra attendre pour savoir ce qu'en dit la société Makivik. Vous aurez plus de détails là-dessus, puisque l'équipe de la société qui s'occupe des revendications hauturières est en train de préparer un mémoire à votre intention.

.0930

Le président: Si je vous comprends bien, vous dites que même si ces revendications ne se sont pas encore concrétisées dans des traités ou dans des ententes, vous voudriez que dans le texte de la loi on oblige le ministre à adhérer à toute entente future.

Mme Stadel: On devrait parler d'ententes actuelles et futures plutôt qu'uniquement d'ententes actuelles.

Le président: Je vois. Vous anticipez un peu, mais c'est pour que nous n'ayons pas à revenir sur le sujet plus tard.

Mme Sillett: Vous savez sans doute que les ressources hauturières sont très controversées. Je sais qu'au Labrador, par exemple, les gouvernement n'y ont jamais songé sérieusement. Mais dernièrement, comme dans le cas de l'entente du Nunavut, nous avons eu plus de succès que dans le cas de la Convention de la baie James et du Nord québécois, par exemple, car la question a fait l'objet de négociations. Mais ce n'est toujours pas résolu dans le cas de la société Makivik, par exemple.

L'Association des Inuits du Labrador est toujours en négociation. On parle beaucoup du Labrador ces jours-ci à cause de la baie Voisey. Je ne sais pas quelle incidence cela pourra avoir sur l'issue des négociations, mais je suis sûre qu'on en discutera là aussi.

Le président: Toujours là-dessus, vous nous avez parlé de l'article 35, qui porte sur les zones de protection marine. Si je comprends bien cet article, cela n'a rien à voir avec les parcs marins, bien que certains témoins aient confondu les deux. Les parc marins relèvent du ministère du Patrimoine, qui a créé un programme qui pourrait éventuellement faire l'objet d'une loi.

Cet article ne s'appliquerait qu'en cas de situation critique ou d'urgence. Qu'est-ce que cela signifie pour vous, et quel libellé voudriez-vous voir à l'article 35? Êtes-vous en train de nous dire que si une urgence survenait dans une zone faisant partie d'une entente, le ministre serait obligé de consulter à nouveau, et de rouvrir les négociations, par exemple? Que serait-il obligé de faire?

Mme Sillett: Comme nous l'avons dit dans notre exposé, le ministre devrait collaborer avec les organes de cogestion prévus dans les ententes de règlement des revendications territoriales des Inuits.

Le président: J'ai peut-être mal compris cet article, mais j'ai l'impression qu'il ne s'applique qu'en cas d'urgence et qu'il donne au gouverneur en conseil, c'est-à-dire au ministre, des pouvoirs d'intervention relativement vastes. Êtes-vous en train de me dire que le ministre devrait être également obligé de vous consulter, ou êtes-vous plutôt en train de me dire qu'avant que le ministre ne puisse agir, il faut qu'il y ait eu entente? Que voulez-vous exactement: que le ministre vous consulte ou soit obligé de vous consulter ou d'obtenir votre accord?

Mme Stadel: Je crois que les témoins suivants vous en parleront, mais d'après ce que je comprends, c'est le conseil de gestion de la faune qui prend ces décisions dans la région visée par l'entente. Comme c'est un conseil de cogestion, le gouvernement y est représenté.

Ce qui nous inquiète, c'est de savoir qui détermine qu'une région est menacée et quel genre d'information est utilisée. C'est justement ce pourquoi les organes de cogestion de la faune existent là-bas. Ces organes déterminent, de concert avec les collectivités inuites, s'il y a menace ou non dans une région. Le risque que présente cet article, c'est qu'une tierce partie pourrait, après avoir fait un compte rapide de la population, décréter que la population est menacée et qu'il faut intervenir de toute urgence, sans qu'il y ait eu au préalable approbation du conseil de cogestion, même si ce conseil a peut-être de l'information supplémentaire. C'est prévu ainsi dans les revendications territoriales, et ce n'est pas une option.

Le président: Donc, dans les régions où il y a eu entente, le ministre n'aurait pas ce pouvoir, parce que les pouvoirs prévus dans la loi sont relativement précis et vastes. Le ministre peut déclarer qu'une région est zone de protection marine, après avoir obtenu l'approbation du Conseil des ministres. Vous, vous dites que là où il y a eu entente territoriale, ni le ministre ni le Conseil des ministres n'aurait le pouvoir d'agir ainsi sans en saisir le conseil de cogestion.

Mme Stadel: Je ne suis pas juriste, mais, de toute façon, les témoins suivants vous en parleront, puisqu'il y a des dispositions en ce sens dans l'entente du Nunavut. Toutefois, en ce qui nous concerne, le libellé actuel peut présenter une difficulté pour nous. Mais je crois que les gens de Nunavut Tunngavik Inc. vous recommanderont un autre libellé.

Mme Sillett: D'ailleurs, il nous font signe que oui et nous disent qu'ils soulèveront la question.

.0935

Mme Stadel: Comme ils aborderont la question, nous n'avons rien d'autre à ajouter.

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Votre exposé était très intéressant, car vous nous avez présenté les lois sous un angle que nous n'avions pas encore envisagé.

Je m'intéresse moi aussi à l'article 36, mais comme les témoins suivants nous en parleront, j'aborderai autre chose.

Dans votre mémoire, vous affirmez que les ententes globales sur les revendications territoriales constituent des traités au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et je me demande sur quoi vous vous fondez pour affirmer cela. Est-ce considéré ainsi dans le traité lui-même, ou est-ce votre façon à vous d'interpréter le traité?

Mme Sillett: C'est justement ce dont nous discutions. Je crois que cela se trouve dans la loi et dans les ententes. Mais il est généralement accepté que les ententes modernes constituent des traités au sens de la Loi constitutionnelle.

Mme Ablonczy: Bien. Vous avez également affirmé que ce qui vous préoccupe le plus, c'est que le projet de loi ne devrait limiter en rien les régimes de gestion et les droits de prédation actuels et futurs des Inuits. Voudriez-vous que cela soit inscrit de façon explicite dans la loi?

Mme Sillett: Oui.

Mme Ablonczy: Pour ce faire, devons-nous nous reporter au libellé que vous nous suggérez au bas de la page 4 de votre mémoire?

Mme Stadel: Nous n'avons pas travaillé le texte d'un point de vue juridique, et je pense que nous avons encore du travail à faire là-dessus. Mais le libellé proposé s'apparente à celui que l'on retrouve dans les récentes négociations concernant le traité sur les oiseaux migrateurs et ses amendements. Quant à savoir si c'est exactement ce que nous devrions proposer, il nous reste encore du travail à faire, mais le texte s'apparente à celui que l'on trouve dans les amendements.

Mme Ablonczy: Merci, votre réponse est très utile.

M. Wells (South Shore): Je n'ai aucune question précise à poser. Lorsque nous avons étudié le projet de loi, nous avions l'impression de bien le comprendre. Toutefois, votre intervention le place sous un angle différent, et je crois qu'il nous faudra réfléchir à nouveau sur certains des articles.

Je voudrais pour ma part revoir le projet de loi avec le ministère, car nous ne connaissons pas les traités dont il est question. Nous ne les avons pas vus, mais je suppose que le ministère les avait sous les yeux au moment de rédiger le projet de loi; mais j'ai peut-être tort.

Je n'ai aucune question à poser. J'attends les témoins suivants, mais votre intervention a mis en lumière des aspects sur lesquels nous devrons revenir, et je vous en remercie.

Mme Sillett: Merci.

Mme Payne (St. John's-Ouest): Mesdames, bienvenue. J'ai grand plaisir à vous voir, car je viens moi aussi de Terre-Neuve.

Le président a déjà mentionné que votre exposé est très explicite et qu'il contient de bonnes recommandations, et je tiens à vous en remercier.

Vous venez de mentionner, à la fin de votre exposé, que vous aimeriez que ce projet de loi soit disponible dans une langue et sous une forme que pourrait comprendre la collectivité inuite. Je me demande si vous pourriez nous dire un peu plus précisément ce que vous voulez dire. Quelle forme et quel langage seraient plus acceptables pour vous?

Mme Sillett: Tout d'abord, je pense, en inuktitut. Je pense que le projet de loi devrait être traduit en inuktitut. Je pense qu'il est toujours très, très difficile pour les gens ordinaires de comprendre les textes législatifs, et il faut donc une stratégie de communication. Je trouve que dans le Nord le moyen le plus efficace de communiquer ce genre d'information, c'est la radio ou TVNC - les médias. L'information devrait être présentée de façon à ce que les faits saillants puissent être diffusés à la radio et à la télévision afin qu'un grand nombre de personnes de la collectivité soient au courant de ce projet de loi.

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Mme Payne: Merci beaucoup. Je suis heureuse de vous voir ici.

Mme Sillett: Merci.

Le président: Je suis heureux que vous soyez ici. Nous avons entendu un certain nombre de témoins au cours des dernières semaines, et il me semble qu'ils parlaient toujours des mêmes aspects du projet de loi. J'ai dit à l'attaché de recherche ce matin qu'à moins que quelqu'un n'ait une nouvelle perspective à nous proposer il ne servirait pas à grand-chose que nous entendions encore beaucoup de témoins, puisque nous avons pas mal tout entendu déjà. Eh bien, j'ai parlé trop vite. Vous avez certainement soulevé un aspect très important et intéressant, sans parler des questions juridiques, que nous devrons examiner.

Je sais que nous avons deux groupes de témoins aujourd'hui, et entre ces deux groupes... J'aimerais savoir avec qui d'entre vous nous pourrions rester en contact. Nous devrons en reparler aux fonctionnaires du ministère, monsieur Wells, et nous devrons nous pencher sur le libellé pour nous assurer qu'il est conforme et suffisamment général pour s'appliquer à toutes les ententes qui sont en train d'être négociées. Avant de nous prononcer définitivement sur le projet de loi et d'en faire rapport et de passer à la troisième lecture, j'aimerais pouvoir communiquer avec vous à nouveau au sujet de vos préoccupations pour voir si nous y avons répondu. Cela ne veut pas dire que nous serons nécessairement d'accord avec vous sur tous les points ou que nous réglerons toutes vos préoccupations... mais il y a certains éléments où le libellé est important afin d'assurer que les droits véritables, ceux qui ont été négociés et qui sont garantis dans des traités ou des ententes de cogestion, soient reconnus clairement dans la loi.

Je sais aussi bien que vous que si le libellé de la loi n'est pas clair cela ne fera que créer beaucoup de travail pour les avocats - je le dis avec le plus grand respect. C'est peut-être clair pour nous qui étudions le projet de loi, mais il semble que plus on s'éloigne du processus législatif, moins c'est clair.

Donc, peut-être que d'ici à la fin de la matinée nous pourrons identifier quelqu'un qui pourra rester en communication avec notre attaché de recherche, pour que nous soyons sûrs que lorsque nous commencerons à examiner les amendements qui pourront être proposés leur libellé reflétera certaines des préoccupations que vous avez soulevées aujourd'hui.

Mme Sillett: Merci, monsieur le président. Je pense qu'avant que NTI fasse son exposé, nous allons les consulter très rapidement pour choisir celui ou celle qui sera votre contact. Cependant, je pense qu'il faudrait que ce soit un avocat.

Le président: Je vous remercie infiniment de votre exposé.

Mme Sillett: Merci.

Le président: Nos témoins suivants représentent la NTI. Il y a, je pense, Bruce Gillies...

M. Bruce Gillies (coordonnateur environnemental, Nunavut Tunngavik Inc.): C'est moi.

Le président: ...le coordonnateur environnemental; Laurie Pelly, conseiller juridique; et Paul Okalik. C'est exact, Paul?

M. Paul Okalik (conseiller, Nunavut Tunngavik Inc.): Oui.

Le président: Vous représentez la Nunavut Tunngavik Inc.

M. Okalik: Oui, Nunavut Tunngavik Incorporated.

Le président: Je ne suis même pas Terre-Neuvien, mais j'en fréquente trop lorsque je suis ici! J'ai grandi juste en face de Terre-Neuve. La moitié des habitants du Cap-Breton sont des Terre-Neuviens qui ont manqué d'argent avant d'arriver à Toronto.

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Trêve de plaisanterie! Je vous passe maintenant la parole, Paul.

M. Okalik: Nous écoutions vos observations pendant que nous nous installions, et j'ai été ravi de vous entendre dire que vous être prêt à accueillir des suggestions. C'est un changement agréable.

Le président: C'est parce que nous sommes un comité agréable.

Mme Payne: La majorité d'entre nous sont Terre-Neuviens.

Le président: Les rivalités régionales sont sur le point de se manifester.

M. Okalik: J'aimerais me présenter. Je suis Paul Okalik, de la collectivité de Pangnirtung, sur la côte de l'île de Baffin. Je suis à l'heure actuelle conseiller auprès de la Nunavut Tunngavik Inc., et pendant de nombreuses années j'ai été négociateur pour la Fédération Tunngavik du Nunavut, l'organisme inuit qui a négocié avec succès un accord sur les revendications territoriales des Inuits, ce document-ci.

Je suis accompagné aujourd'hui de Laurie Pelly, notre conseiller juridique, et de Bruce Gillies, notre conseiller environnemental.

La Nunavut Tunngavik est l'organisme de mise en oeuvre de l'entente territoriale et elle représente plus de 19 000 Inuits du Nunavut. Aujourd'hui, j'ai le plaisir de représenter mon peuple devant vous et je vous remercie de m'en avoir donné l'occasion.

Veuillez prendre note que pour faire suite à notre exposé la Nunavut Tunngavik Inc. enverra au comité permanent un mémoire écrit qui présentera de façon détaillée nos préoccupations et nos opinions sur le projet de loi sur les océans et qui reflétera les commentaires que vous entendrez aujourd'hui.

Je vais concentrer mon attention sur le projet de loi et sur l'accord territorial du Nunavut, qui concerne directement la gestion des affaires maritimes du Nunavut.

Premièrement, en guise de toile de fond et de discussion, je tiens à ce que vous compreniez très bien l'importance du milieu marin pour les Inuits du Nunavut. Les Inuits sont principalement un peuple marin, et notre milieu marin est aussi important pour nous que le sont les régions extracôtières pour n'importe quelle population côtière de n'importe quelle région du Canada ou d'ailleurs dans le monde.

Nous dépendons à bien des égards de notre milieu marin pour subvenir à nos besoins. C'est pour cette raison que nous appuyons fermement un régime de gestion coordonnée des zones marines qui nous permettra d'appliquer des mesures de conservation rigoureuses.

Vous devez savoir que les Inuits du Nunavut avaient la possibilité de soulever à la table des négociations une foule de questions importantes qui auraient pu être incluses dans l'accord. Quelles questions ont-ils soulevées? Environ 70 p. 100 de l'accord concerne la protection de l'environnement, la conservation et une sage gestion des milieux terrestre et marin. Les Inuits placent la protection et la gestion de leur milieu terrestre et marin avant tout le reste. Nous plaçons en premier le droit des Inuits de participer véritablement au processus de prise de décisions relatives à la gestion de notre milieu terrestre et marin. Pourquoi? Parce que ce milieu terrestre et marin est une culture unique, et tout ce qui touche ce milieu nous touche. Nous participerons à toutes les décisions relatives à ce milieu, et voilà, en une phrase, ce que garantit l'accord.

L'accord sur les revendications territoriales du Nunavut reconnaît cela et reconnaît en outre que les droits reconnus par la loi aux Inuits dans des zones marines et qui découlent de l'accord sont fondés sur leur utilisation et leur exploitation, traditionnelles et actuelles, de ces zones. La souveraineté du Canada sur les eaux de l'archipel Arctique est renforcée par l'utilisation, l'exploitation et l'occupation des Inuits. Il est à la fois possible et souhaitable d'avoir une économie inuite fondée en partie sur les ressources marines. Il est nécessaire que les Inuits participent à divers aspects de la gestion du milieu marin dans l'Arctique, y compris aux activités de recherche.

L'accord reconnaît ces principes et d'autres principes importants, mais il va beaucoup plus loin que cela. Il prévoit la création ainsi que les compétences de conseils de cogestion qui seront responsables des zones marines du Nunavut. Environ 43 p. 100 de l'accord s'applique directement au milieu marin du Nunavut. En d'autres mots, pour l'exercice des droits juridiques des Inuits et de la compétence des organismes de gestion prévus dans l'accord, la région du Nunavut inclut les zones extracôtières.

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Un de ces organismes de cogestion est le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Au Nunavut, ce conseil s'occupe de la réglementation de l'accès à toutes les ressources fauniques et de leur récolte. Selon l'accord, les ressources fauniques comprennent les animaux sauvages terrestres, aquatiques, aviaires et amphibiens, ainsi que la flore terrestre et aquatique. Par conséquent, les pouvoirs de réglementation du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'étendent à toutes les ressources fauniques aquatiques de la région du Nunavut.

Il est important de se rappeler que la région du Nunavut comprend les eaux territoriales du Canada jusqu'à la limite de 12 milles, y compris la banquise côtière.

En annexe à ce document que vous avez reçu, vous trouverez une carte de la région du Nunavut et une deuxième carte à plus grande échelle.

Vous remarquerez qu'une grande partie de la côte du Canada se trouve à l'intérieur du Nunavut; 26 des 27 collectivités que nous représentons vivent sur la côte. Si vous regardez la deuxième carte vous remarquerez que la banquise côtière le long de la côte de l'île de Baffin fait également partie du territoire qui relève des organismes de gestion du Nunavut.

Le président: C'est la première fois que j'entends parler de cette banquise côtière. Qu'est-ce que c'est au juste?

M. Okalik: Les banquises côtières sont des zones couvertes de glace pendant les mois d'hiver où nous chassons la faune.

Le président: Elle peut s'étendre au-delà de la zone de 12 milles.

M. Okalik: Effectivement, elle s'étend au-delà de la ligne de 12 milles, ce que reconnaît l'accord.

Mme Payne: En général, pendant combien de temps est-ce que la banquise existe?

M. Okalik: D'habitude, seulement pendant les mois d'hiver.

Mme Payne: De décembre à avril?

M. Okalik: Cela dépend des années. Elle se déplace pendant l'année. La carte que vous avez devant vous montre la limite extrême atteinte par la banquise au cours des vingt dernières années. C'est de là que découlent les droits qui nous sont reconnus dans l'accord.

Le président: En ce qui concerne les droits que l'accord vous reconnaît à l'égard de la banquise côtière, est-ce que la cogestion exercée par le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut s'étend non seulement aux ressources qui se trouvent sur la glace, mais également aux ressources aquatiques sous la glace?

M. Okalik: Oui.

Le président: Donc, en fait, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a des responsabilités en matière de cogestion dans la zone de 12 milles, mais également au-delà, sur la banquise côtière.

M. Okalik: C'est exact.

Je mentionnerai également que dans la partie de la région de la baie d'Hudson qui se trouve dans les eaux intérieures cela va au-delà des 12 milles tout le long de la côte. Cela s'étend à 50 ou 60 milles. Cela ne s'applique pas uniquement à la gestion des ressources fauniques; c'est vrai également pour la gestion de l'environnement et la planification de l'utilisation du territoire dans toute la région visée par l'accord.

En ce qui concerne la gestion des espèces marines au-delà de la mer territoriale de 12 milles, l'article 15.3.1 de l'accord prévoit que:

La zone I comprend toutes les eaux qui se trouvent au nord du 61o degré de latitude, qui sont assujetties à la compétence du Canada au large de la limite de la mer territoriale et qui ne font pas partie de la région du Nunavut. La zone II est constituée de toutes les régions de la baie James, de la baie d'Hudson du détroit d'Hudson qui ne font pas partie de la région du Nunavut. Les eaux adjacentes sont celles adjacentes à la région en question ou qui sont situées à l'intérieur d'une distance raisonnable.

Enfin, l'article 15.3.4 prévoit que:

Les zones marines sont constituées des eaux de la mer territoriale située dans la région du Nunavut.

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Ça suffit pour les définitions. Le fait est que le pouvoir de réglementer les ressources fauniques aquatiques à l'intérieur de la région du Nunavut, près de cette région, et dans une certaine mesure bien au-delà de cette région, appartient au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

L'autre point important sur lequel je dois attirer votre attention, c'est que l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est protégé en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle. En outre, l'accord précise que:

En ce qui concerne le droit des Inuits du Nunavut de récolter des ressources fauniques, l'article 5.7.16 de l'Accord du Nunavut précise que:

D'après cette disposition, la seule restriction relative aux zones marines s'applique lorsque le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut détermine que des restrictions doivent être établies à des fins de conservation. En outre, dans les cas où sont établies des aires de conservation dans la région du Nunavut, il faut que soient négociées au préalable des ententes sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, comme l'exige le chapitre 9 de l'accord.

En résumé, dans la région du Nunavut et jusqu'à la limite de la banquise côtière sur la côte est de l'île de Baffin, c'est le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut qui a la responsabilité de réglementer toutes les activités de récolte des ressources fauniques aquatiques.

Dans les zones marines à l'extérieur de la région du Nunavut, l'accord oblige le gouvernement à solliciter l'avis et les recommandations du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques.

La Loi sur les océans doit reconnaître dans le cadre de la loi que dans la région du Nunavut l'alinéa 35a) - le pouvoir de constituer des zones de protection marine - s'appliquera à l'intérieur de la limite de 12 milles et sur la banquise côtière uniquement avec l'approbation du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Parallèlement, l'alinéa 35b) est assujetti au pouvoir du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut de réglementer la récolte de ressources fauniques aquatiques dans ces zones de protection marine, pouvoir qui est lui-même assujetti aux ententes négociées avec les Inuits touchés et les organismes de gestion compétents. La loi devrait refléter ces faits.

Le pouvoir de réglementation du gouverneur en conseil dans la région du Nunavut est sévèrement restreint. Les dispositions de l'accord l'emportent sur les lois fédérales incompatibles. En outre, dans les zones I et II ainsi que dans les zones adjacentes, les gouvernements doivent solliciter l'avis du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut à l'égard de toute décision concernant la gestion des ressources fauniques.

Je voudrais maintenant passer à la partie II du projet de loi sur les océans, la stratégie de gestion des océans. L'alinéa 32c) dit que le ministre peut: «mandater des organismes existants» en vue de la mise en oeuvre des plans de gestion intégrée.

La pertinence de l'Accord du Nunavut pour cette partie est très claire. Conformément à l'accord, et en vertu de l'article 15.4.1, seront établis la Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions, l'Office des eaux du Nunavut, la Commission d'aménagement du Nunavut et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Ensemble - en tant que Conseil du milieu marin du Nunavut - ou individuellement, ces organismes pourront conseiller d'autres organismes gouvernementaux en ce qui concerne les zones marines et leur formuler des recommandations à cet égard. Le gouvernement tient compte de ces avis et recommandations lorsqu'il prend des décisions touchant les zones marines.

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N'oubliez pas que les zones marines, pour l'application des dispositions de l'accord, incluent les eaux territoriales du Canada, qu'elles soient libres ou couvertes de glace, situées dans la région du Nunavut. Que les organismes de gestion de l'Accord du Nunavut fassent conjointement ou individuellement des recommandations au gouvernement à l'égard des zones marines du Nunavut, le gouvernement est obligé de solliciter l'avis et les recommandations de ces organismes à cet égard.

Comme je l'ai déjà mentionné, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est le principal instrument de gestion des ressources fauniques et de réglementation de l'accès à ces ressources dans la région du Nunavut. Ses pouvoirs s'étendent à toutes les zones marines dans la région visée par l'accord.

La Commission du Nunavut chargée de l'examen des répercussions est le principal instrument d'évaluation des répercussions du développement. Elle fait une évaluation préalable et un examen des répercussions écosystémiques et socio-économiques des projets de développement dans la région du Nunavut. Elle exerce ses compétences dans toutes les zones marines de la région du Nunavut.

La Commission d'aménagement du Nunavut a la responsabilité d'élaborer des plans d'aménagement du territoire ayant pour objet de guider et de régir l'utilisation et la mise en valeur des ressources dans la région du Nunavut. Sa compétence s'étend aux zones marines de la région du Nunavut.

L'Office des eaux du Nunavut a des responsabilités et pouvoirs à l'égard de la réglementation, de l'utilisation et de la gestion des eaux de la région du Nunavut. Il peut donner des conseils et faire des recommandations au gouvernement en ce qui concerne les zones marines.

Comme tant d'autres organismes, Nunavut Tunngavik croit que la Loi sur les océans doit définir clairement les compétences en matière de gestion et de conservation et les confier à un organisme fédéral principal qui rendrait compte de la gestion des océans.

Un organisme principal du gouvernement ayant un mandat clair relativement à la gestion des océans rehausserait grandement la capacité des organismes de gestion du Nunavut, du Conseil du milieu marin du Nunavut et des Inuits de donner des conseils et de faire des recommandations au gouvernement. NTI croit que le gouvernement est à l'heure actuelle obligé de solliciter l'avis et les recommandations de ces organismes en ce qui concerne les questions marines et l'évolution de la gestion des océans dans la région du Nunavut si nous voulons qu'il en résulte un régime unifié de gestion des océans au Canada.

La Loi sur les océans devrait reconnaître explicitement, dans le corps de la loi, l'existence du droit des organismes de gestion de la région du Nunavut, et en particulier du Conseil du milieu marin du Nunavut, de donner des conseils et de faire des recommandations aux organismes du gouvernement en ce qui a trait à la mer territoriale du Canada située à l'intérieur de la région du Nunavut.

L'alinéa 32c), qui prévoit que le ministre peut mandater des organismes de consultation et de gestion existants, devrait être modifié et dire que le ministre mandate des organismes existants lorsqu'il y a des organismes de cogestion créés en vertu d'un accord territorial.

Le paragraphe 24(2) du projet de loi suscite en nous une vive préoccupation. D'après notre expérience, et conformément à nos attentes, toutes les dispositions de non-dérogation visant à protéger les droits ancestraux des autochtones contre l'effet de certaines lois prévoient que: «La présente loi ne porte pas atteinte...». Toutefois, nous avons remarqué que dans la version anglaise du projet de loi cette disposition se trouve dans la partie I et prévoit que: «Nothing in this Part shall...».

On peut donc en déduire que toute la partie II et toute la partie III du projet de loi peuvent porter atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités.

Si c'est bien la portée de cette disposition, nous craignons que l'article 35, qui permet au gouverneur en conseil de constituer, par règlement, des zones de protection en vue de la conservation des ressources halieutiques, ne puisse être éventuellement incompatible avec les mandats des organismes de gestion prévus dans l'accord.

En outre, l'article 37, qui précise que quiconque contrevient au règlement commet une infraction, pourrait être incompatible avec le mandat du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, ainsi qu'avec le droit des Inuits du Nunavut de récolter les ressources fauniques aquatiques dans ces régions.

Je le répète, l'accord précise que:

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L'accord garantit que ces règlements ne l'emporteraient pas dans la région du Nunavut. Toutefois, votre comité permanent doit veiller à ce que les dispositions du projet de loi ne portent pas atteinte aux droits ancestraux issus de traités ou d'ententes territoriales.

Le paragraphe 24(2) de la version anglaise du projet de loi devrait être remplacé par ce qui suit:

NTI a récemment contribué d'importantes ressources financières au programme de la baie d'Hudson afin d'assurer la publication de connaissances autochtones qui avaient été recueilies tout le long des côtes de la baie d'Hudson et de la baie James. Cette étude a confirmé qu'il existe une abondance de connaissances autochtones qui seront précieuses pour la gestion actuelle et future de cette région.

Les articles 42 et 43 du projet de loi autorisent le ministre à recueillir des données et à faire des études en vue d'une meilleure connaissance des écosystèmes marins. Tout au long de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, les organismes de gestion sont obligés d'accepter les cultures, coutumes et connaissances et de leur donner le poids qu'elles méritent. Nous vous invitons à reconnaître explicitement cette source de connaissances dans les articles 42 et 43.

Au printemps 1994, NTI s'est adressée au ministre des Pêches et des Océans, Brian Tobin, pour lui signaler que son ministère avait accordé un quota de turbot restrictif dans les eaux adjacentes à la région du Nunavut. Cela a eu un effet sur la pêche au turbot dans le Sud de l'île de Baffin.

NTI a indiqué au ministre à cette occasion que le pouvoir de son ministère d'établir des quotas commerciaux commence à l'extrémité de la limite de 12 milles et de la banquise côtière et s'étend vers le large. Le ministère des Pêches et des Océans n'avait pas et n'a pas le pouvoir d'établir des quotas à l'intérieur de la limite de 12 milles et de la banquise côtière. Cette zone relève de la compétence du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

En outre, l'accord oblige le gouvernement à accorder une attention spéciale à la dépendance économique des collectivités du Nunavut lorsqu'il attribue des permis de pêche commerciale dans les zones I et II et dans les eaux adjacentes.

En même temps, l'accord permet l'attribution de permis qui n'empêchent pas les Inuits d'avoir accès aux ressources fauniques à des fins de récolte dans les zones I et II. NTI voudrait empêcher que l'établissement de quotas incompatibles avec l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ne se reproduise.

L'article 16 du projet de loi prévoit que:

Le projet de loi devrait reconnaître que les zones de pêche du gouvernement du Canada n'incluent pas les eaux à l'intérieur de la limite de 12 milles ni la banquise côtière entourant le Nunavut. Les zones de pêche devraient être contiguës aux limites de la région du Nunavut afin qu'on puisse éviter toute confusion lors de l'attribution de quotas de pêche commerciale et pour atteindre l'objectif de créer un régime unifié pour la gestion marine.

NTI a une courte question au sujet du paragraphe 24(1), qui dit:

Comme vous le savez sans doute, en 1999 nous constituerons notre propre gouvernement dans le Nunavut, et avec l'application de l'Accord sur les revendications territoriales des Inuits nous assumerons un plus grand contrôle sur tous les processus décisionnels touchant le Nunavut et le milieu marin. L'accord est en partie un régime coordonné de gestion terrestre et marine en vertu duquel ont été établis des organismes de cogestion prêts à participer aux processus décisionnels qui touchent ou pourraient toucher le Nunavut.

Comme bien d'autres organismes, Nunavut Tunngavik croit que la Loi sur les océans s'est fait attendre trop longtemps. La loi devrait définir clairement les responsabilités en matière de gestion et de conservation et les confier à un organisme fédéral principal qui serait tenu de rendre compte de la gestion des océans au niveau écosystémique. Un tel organisme gouvernemental, muni d'un mandat clair en matière de gestion des océans, améliorerait grandement la coordination des conseils et des recommandations formulés par les organismes de gestion du Nunavut et par les Inuits.

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NTI recommande que le ministère des Pêches et des Océans veille à ce que le projet de loi sur les océans soit compatible avec les droits et les intérêts des Inuits à l'égard des questions marines dans le Nunavut telles que définies dans l'accord et qu'il les reflète.

Merci de nous avoir accordé votre attention et votre temps aujourd'hui.

Le président: Est-ce que NTI a été expressément incluse dans les consultations préalables au dépôt du projet de loi en première lecture?

M. Okalik: Non.

Le président: Pas du tout? Vous en êtes absolument sûr?

Toute cette question de consultation nous hante depuis environ une semaine, à savoir qui a été consulté et qui n'a pas été consulté. Le fait que NTI, qui vient tout juste de conclure une entente très importante avec la Couronne, n'ait pas été consultée m'inquiète. Nous avons trois océans, et une grande partie de l'un de ces océans se trouve dans la région visée par l'accord. Il est étonnant que vous n'ayez pas été consultés.

Personne ne vous a consultés ou demandé si vous étiez en désaccord?

M. Okalik: Non.

Le président: C'est la première fois qu'on vous consulte?

M. Okalik: Oui.

M. Gillies: C'est la première fois qu'on a pu s'organiser pour vous rencontrer. Mais nous n'avons rien reçu de plus précis qu'une ébauche préliminaire du projet de loi. On nous avait également offert d'appeler le bureau - je ne me souviens plus qui nous devions contacter - afin de participer à des discussions. Mais nous n'en avons pas eu l'occasion.

Le président: Je veux m'assurer d'avoir bien compris. Vous avez dit qu'on vous a envoyé une ébauche préliminaire. Vers quel moment l'auriez-vous reçue?

M. Gillies: En août ou septembre.

Le président: De cette année?

M. Gillies: Je crois que oui.

Le président: Ce n'était pas une ébauche préliminaire, car...

M. Gillies: Je crois que c'était le document rédigé après la première lecture. Nous avions reçu une autre ébauche auparavant...

Le président: [Inaudible - Éditeur]... à la Chambre, première lecture.

M. Gillies: Je fais référence à l'ébauche d'après la première lecture, le document qui a suivi la première lecture.

Le président: Vous avez bel et bien reçu le projet de loi, car ce n'est plus une ébauche après la première lecture. C'est le document qui sera étudié par le Parlement.

Mais vous dites que vous n'avez pas été consultés avant la présentation du projet de loi en première lecture?

M. Gillies: Non.

Le président: C'est incroyable.

J'aurais un million de questions à vous poser, mais je ne le ferai pas aujourd'hui. Votre témoignage ainsi que celui des témoins précédents ont soulevé toutes sortes de questions dont on ignorait l'existence auparavant. Le fait que ce projet de loi ait été adopté en première lecture sans qu'on vous ait consultés m'inquiète.

Si le projet de loi comporte encore des lacunes, on aurait dû les éliminer au cours des consultations et des négociations portant sur son contenu, donc avant sa présentation en première lecture. Cela ne fait aucun doute. Les projets de loi ne peuvent comporter de lacunes.

L'accord du Nunavut est récent; on ne peut donc pas déjà l'avoir oublié. Cela m'étonnerait, et je demanderai aux fonctionnaires du ministère comment cela aurait pu se produire. L'accord du Nunavut et le projet de loi devraient être cohérents; les droits octroyés en vertu de l'accord devraient être reflétés dans le projet de loi.

M. Okalik: L'accord est un document constitutionnel en vertu de l'article 35. Par conséquent, tout projet de loi présenté par le Parlement qui n'en tient pas compte n'a aucune force de loi.

Le président: Absolument.

M. Okalik: Il a fallu près de 20 ans pour négocier cet accord; nous avons attendu longtemps. Nous avons renoncé à nos droits autochtones afin de conclure l'accord.

Le président: Y a-t-il des fonctionnaires du ministère ici présents? Quelqu'un peut-il nous aider? On ne semble pas avancer sur cette question. Savez-vous si on a consulté cette organisation?

De plus, j'aimerais savoir si on a pris en considération la question du libellé. De toute évidence, l'accord de Tungavik a préséance. Nous ne voulons pas avoir de lois contradictoires. C'est ridicule.

.1015

Mme Mary Jean Comfort (biologiste principale de l'habitat, Gestion de l'habitat et Sciences environnementales, ministère des Pêches et des Océans): Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a été informé du projet de loi le 4 octobre.

Le président: De quelle année?

Mme Comfort: De cette année.

Le président: Après la première et la deuxième lectures?

Mme Comfort: Nous leur avons expliqué le contenu du projet de loi. Je n'ai pas avec moi la liste des consultations, mais le ministère a informé un certain nombre d'organisations autochtones.

Le président: Mais vous ne savez pas si l'on a communiqué avec le Nunavut avant le 4 octobre. On en était déjà à la deuxième lecture à la Chambre des communes. Passé cette étape, il devient impossible de modifier la substance d'un projet de loi, à moins de le rejeter.

Mme Comfort: Je croyais que vous faisiez plus précisément allusion au projet de loi. Je connais les organisations autochtones, et je crois que le Nunavut - je n'ai pas la liste avec moi - a participé aux discussions sur le document de réflexion.

Le président: Oui, mais un document de réflexion peut aller dans bien des directions. C'est différent lorsqu'il s'agit d'un projet de loi précis. C'est cela qui nous confond; nous sommes revenus sur cette question environ cinq fois déjà. Que signifie au juste «consultation»? Il existe toutes sortes de documents - des documents de réflexion, etc., mais si quelqu'un pense qu'on ne l'a pas consulté sur le projet de loi lui-même, c'est, à mon avis, qu'il n'a pas été vraiment consulté.

Le ministère peut décider d'étudier les océans ou la politique marine de façon générale tout en couvrant une trentaine de sujets. Une personne peut figurer sur la liste des gens consultés sans pour autant s'être sentie vraiment consultée sur les questions précises entourant le projet de loi. On nous a fait trop souvent ce genre de remarques, environ sept fois déjà. Tout dépend de ce qu'on entend par «consultation».

Avant que les fonctionnaires du ministère nous quittent, pourraient-ils nous éclairer là-dessus? J'aimerais avoir une réponse ce matin, puisque nous devons respecter l'échéancier établi quant à l'étape du rapport. S'il appert que les consultations ont été inadéquates, le comité pourrait décider de ne plus rien faire jusqu'à ce que le Nunavut ait eu son mot à dire sur le libellé et qu'on en vienne à une entente avec le ministère.

Le comité peut toujours recommander un libellé, mais si le ministère le rejette, la Chambre fera de même. Que faire?

M. Gerry Swanson (directeur général intérimaire, Environnement et Habitat marins, ministère des Pêches et des Océans): Lors de consultations, nous devons établir un équilibre entre les propositions qui nous sont faites par les ministres.

Dans le cas de la Loi sur les océans, les consultations publiques ont commencé il y a plus d'un an avec la publication du document de réflexion du ministre sur les océans. Avec le temps, cette réflexion s'est précisée, puisqu'on a tenu compte des réactions des parties intéressées.

Pour ce qui est du projet de loi, nous avons pu - avant que le ministre ne le dépose à la Chambre - en tracer les grandes lignes, puis en préciser le contenu. Évidemment, le projet de loi que le ministre a déposé tenait compte des opinions exprimées à l'échelle du pays et des conseils donnés par d'autres groupes, y compris ce qui a été dit dans des ateliers organisés d'un bout à l'autre du pays, ainsi que dans le Grand Nord.

Une fois le projet de loi déposé à la Chambre, nous avions un document précis que nous avons pu par la suite envoyer à beaucoup de gens dans tout le pays. Nous leur avons également fait savoir que nous étions prêts à les rencontrer et à leur expliquer le projet de loi, de façon à ce qu'ils puissent le commenter de façon informée pendant que le Parlement l'étudiait. Ce matin, nous allons entreprendre de revoir nos dossiers afin de déterminer si les consultations étaient adéquates, en commençant par la publication du document de réflexion du ministre en octobre ou novembre dernier.

Il arrive malheureusement souvent que les gens ont des conflits d'horaire et qu'il leur est impossible de nous rencontrer. Mais nous avions certainement l'intention de consulter le plus grand nombre possible de personnes.

.1020

Le président: Mais reconnaissez-vous que NTI n'est pas n'importe quel groupe, à cause de cet accord qui porte sur un vaste territoire, qui va de l'océan Arctique à la mer du Labrador?

M. Swanson: À mon avis, les esposés des deux témoins de ce matin étaient excellents, et j'ai pris des notes pour la gouverne du ministère. Ils ont soulevé des questions importantes qu'on aurait dû examiner, si ce n'est pas déjà fait.

Le président: Madame Ablonczy.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, sauf le respect que je dois aux fonctionnaires du ministère, il n'en demeure pas moins que si les témoins ont raison, le projet de loi est ultra vires.

M. Swanson: Je ne peux répondre à cette question, mais nous allons assurément l'étudier.

Mme Oblonczy: À la lecture des dispositions de l'accord du Nunavut et de celles de la Constitution, il est évident que le gouvernement du Canada n'a pas le droit de proposer un tel projet de loi. Il est ultra vires.

Le gouvernement a cédé sa souveraineté sur cette région au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. C'est très clair, et je suis ébahie que les témoins nous expliquent ce fait à cette date tardive.

Le président: Monsieur McGuire.

M. McGuire (Egmont): J'ai une question. J'aimerais savoir si, en 1999, le gouvernement fédéral cédera sa compétence sur tout le territoire, qui compte d'innombrables bassins, détroits, anses et bras de mer, en plus de la limite de 12 milles qui cerne le territoire.

Ils n'ont pas compétence en vertu de l'ancien AANB, ni en vertu de la Loi constitutionnelle. Pourquoi donc cet accord remplacerait-il des accords prévus par la Constitution?

M. Okalik: Nous occupions ce territoire en premier; c'est la prémisse de l'entente. Nous avions une compétence exclusive. Puis un jour le gouvernement du Canada a décidé que le territoire ne nous appartenait plus. Dans cet accord, nous affirmons simplement les droits qui ont toujours été les nôtres.

M. McGuire: Alors, d'après vous, en vertu de cet accord, le gouvernement vous a remis vos droits.

M. Okalik: Pas tous. Il nous donne des droits qui sont maintenant protégés par la Constitution. Nous ne voulions pas sacrifier les droits que nous avions depuis toujours dans le but de conclure une entente. Nous avons insisté sur la création de conseils prévoyant la participation des Inuits. En vertu de l'accord, ces conseils seront les seuls responsables dans les domaines qui nous touchent le plus.

Nous étions seulement prêts à signer un accord financier et foncier afin de conclure une entente. Nous voulions protéger nos générations futures du pouvoir exclusif de réglementer nos vies que détiendrait le gouvernement.

M. McGuire: Le gouvernement du Canada vous a donc remis, en vertu de cet accord, la limite de 12 milles, qui va être étendue pendant la saison glaciale, en plus de tous les cours d'eau côtiers, détroits et anses qui se trouvent sur le territoire. Cela relèvera donc dorénavant de votre seule compétence.

M. Okalik: L'accord prévoit des conseils mixtes, dont la moitié des membres seront nommés par les Inuits, et l'autre moitié par le gouvernement. Nous avons donc trouvé un compromis pour gérer les ressources dans la région. Les Inuits n'ont pas la compétence exclusive. Nous allons y participer.

M. McGuire: Il s'agit donc de conseils mixtes. Ce n'est donc pas une compétence exclusive.

M. Okalik: C'est exact.

Le président: Monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Monsieur le président, je suis mal placé pour dire si le projet de loi C-98 abroge ou viole les droits qui existent en vertu de l'article 35.

Ce point a été soulevé par ces témoins, qui ont demandé au ministère d'examiner la question. Mais nous devons faire preuve de prudence et ne pas en arriver à toutes sortes de conclusions sans connaître tous les faits et sans avoir auparavant déterminé s'il y a violation ou abrogation de l'article 35 de la Loi constitutionnelle.

Je crois que, à ce stade-ci, on devrait demander au ministère d'étudier ces questions et attendre la réponse des fonctionnaires. Ensuite, on pourra aviser.

Le président: Laurie.

.1025

Mme Laurie Pelly (conseillère juridique, Nunavut Tunngavik Inc.): Merci, monsieur le président. Je voulais simplement apporter un éclaircissement à la lumière des questions posées au sujet de la compétence du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, de l'accord du Nunavut et de la zone délimitée par la banquise côtière. Le conseil de gestion a le pouvoir exclusif d'établir des quotas pour l'exploitation des ressources, y compris le pouvoir d'interdire toute exploitation au sein du territoire. Ce pouvoir est celui d'un conseil de cogestion et est assujetti à celui du ministre, qui peut désapprouver les décisions du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut après les avoir examinées. Mais cela n'enlève rien au pouvoir exclusif du conseil d'établir des contingents et des limites hors-contingents dans la région.

De plus, en ce qui a trait aux dispositions du projet de loi sur les zones de protection marine, le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut a le pouvoir d'approuver la création ou la désaffectation de zones de conservation telles que définies dans l'accord, ce qui à notre avis inclut les zones de protection marine, quoique cela ne soit pas défini en tant que tel dans la loi. Merci.

M. McGuire: À la page 15, vous signalez que vous avez parlé au ministre de la décision à l'égard du flétan noir. Qu'a-t-il fait lorsque vous lui avez rappelé qu'il n'y avait pas compétence sur une zone de 12 milles? Qu'est-il advenu du contingent pour le flétan noir dans cette zone?

Mme Pelly: Nous avons rencontré le ministre, qui a reconnu que son ministère avait eu tort de ne pas nous consulter. Il n'a pas changé le contingent après cette réunion. Il a cependant proposé de rencontrer les représentants du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut pour discuter du contingent de l'année prochaine pour le flétan noir; il a également proposé de constituer un groupe de travail. Je ne sais pas si on a donné suite à cette proposition.

M. McGuire: Il n'a donc pas changé le contingent. Cet accord est-il en vigueur, ou ne le sera-t-il qu'en 1999?

M. Okalik: Il a officiellement été signé. Il a été adopté, comme vous le savez, par la Chambre des communes. Il a été signé officiellement le 9 juillet 1993. Il fait désormais partie de la Constitution.

M. McGuire: Donc, 1999 n'est pas...

M. Okalik: Quand on parle de 1999, on fait allusion au gouvernement du Nunavut, qui sera créé pour administrer le territoire du Nunavut.

Le président: Madame Ablonczy.

Mme Ablonczy: Je crois que le commentaire qu'a fait M. Dhaliwal à la suite de mon intervention est justifié. Je crois qu'il serait utile que l'on explique au comité si ces dispositions du projet de loi sont compatibles avec les dispositions de l'accord du Nunavut. Je me demande si le comité pourrait organiser une séance d'information en ce sens, de sorte que lorsque nous étudierons l'impact possible de ces dispositions nous sachions vraiment quelle est la portée juridique de ces mesures.

Le président: Je crois que nous devons retenir ces suggestions. A titre de président, je ne sais pas vraiment maintenant si on a consulté les autres ministères lorsqu'on a rédigé ce projet de loi, ou même si en fait ce texte reconnaît une loi adoptée récemment par la Chambre des communes qui fait de l'accord du Nunavut une partie intégrante de la Constitution du Canada. Tant que nous n'aurons pas rencontré des fonctionnaires du MPO disposés à répondre aux questions qui ont été posées, je ne crois pas que nous puissions poursuivre notre étude du projet de loi, parce que les préoccupations soulevées sont fort importantes.

J'ai maintenant des doutes. Je ne suis pas un expert juridique, mais vous avez semé le doute, et je crois qu'il ne serait pas prudent de poursuivre notre étude avant d'avoir eu de plus amples renseignements. J'essaie de penser à la façon dont on pourrait procéder. J'aimerais, si c'était possible, que le ministère et les témoins qui sont ici aujourd'hui discutent dès aujourd'hui des questions soulevées, parce qu'il se pourrait fort bien que lors de ces discussions de nouvelles préoccupations soient soulevées à l'égard du projet de loi. Je voudrais que ces discussions aient lieu. De la même façon, lorsque nous entendrons des représentants du ministère, j'aimerais que le représentant de NTI soit des nôtres, au cas où les fonctionnaires diraient des choses avec lesquelles les représentants de NTI ne sont pas d'accord.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, je crois que des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien pourraient également nous aider.

Le président: Tout le monde est d'accord? D'accord. Y a-t-il d'autres questions?

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M. Verran (South West Nova): Oui. Nous ne sommes pas très heureux de la façon dont les choses ont été faites, et en fait nous ne savons pas vraiment comment le gouvernement a communiqué avec les groupes intéressés.

D'après ce qu'on a dit j'en conclus que le ministère a fait parvenir un document général à plusieurs groupes dans toutes les régions du pays, du Labrador aux Territoires du Nord-Ouest, et a simplement dit: «Si vous recevez ce document, communiquez avec nous, et nous discuterons de la question.» Mais il y a beaucoup de gens qui n'ont pas reçu ce document général, beaucoup de gens qui sont touchés directement par ces propositions, comme c'est le cas des deux groupes de témoins que nous avons entendus ce matin.

Monsieur le président, je suis d'accord avec vous et avec les autres députés; nous devons demander au ministère de nous expliquer vraiment comment la consultation s'est déroulée.

J'aimerais profiter de l'occasion pour demander de plus amples détails. Par exemple, dans le bas de la page 5, on parle des eaux adjacentes. On dit qu'il s'agit des eaux qui se trouvent à une distance géographique raisonnable d'une zone. Qu'entendez-vous par «distance raisonnable»? Le ministère non plus n'est pas très précis. Beaucoup de questions ne reçoivent pas de réponse. J'aimerais donc savoir ce que vous entendez par cela.

M. Okalik: Si vous étudiez les cartes qui accompagnent notre document, vous verrez qu'il y a des eaux adjacentes le long du littoral de la côte de Baffin. Aucune communauté ne se trouve dans cette région, et ces eaux seraient donc adjacentes à notre territoire. C'est un exemple de ce qu'on entend par eaux adjacentes.

M. Verran: Il s'agirait là d'une distance géographique raisonnable.

M. Okalik: Oui. Cela se trouve à l'intérieur de la zone, mais...

M. Verran: Personne d'autre ne s'en sert, et cela se trouve à proximité de vos collectivités.

M. Okalik: C'est exact.

Je désire signaler cependant que nous ne nous opposons pas au projet de loi; cependant, ce dernier soulève certaines préoccupations.

Nous appuyons le principe de la conservation. Nous avons pu survivre au fil des ans en conservant nos ressources; nous appuyons donc l'initiative prise par le gouvernement en ce sens. Nous serions cependant heureux de rencontrer les fonctionnaires du MPO pour discuter d'un nouveau libellé pour ces dispositions.

M. Verran: Monsieur le président, cela me fait un peu penser aux pêches, parce que le Comité des pêches s'occupe en fait des deux questions.

Il s'agit là encore une fois d'un exemple de ministère qui ne consulte pas ceux qui savent vraiment ce qui se passe... Je pense par exemple aux capitaines de bateau de pêche et aux personnes qui oeuvrent dans le secteur des pêches depuis 30 ans. Les bureaucrates prennent des mesures de façon arbitraire. Je crois que ce qui se passe maintenant est exactement ce qui s'est passé par le passé. J'espère que les choses vont changer.

Le président: Voici ce que je propose.

Paul, pendant combien de temps serez-vous en ville?

M. Okalik: Je peux être ici n'importe quand.

Le président: Je parlerai à un représentant du bureau du ministre à la fin de la réunion. Vous pourriez dire à notre greffier où vous vous trouverez aujourd'hui, pour que nous puissions communiquer avec vous si nous pouvons organiser une réunion. Je crois qu'il est très important que les fonctionnaires du ministère qui s'y connaissent dans le domaine répondent aux questions que vous avez soulevées.

Nous voudrons peut-être également inviter des représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien à participer à cette réunion.

Nous pourrions donc provisoirement prévoir une réunion pour le 21 novembre, le mardi suivant la semaine de relâche. La première question à l'ordre du jour de cette réunion sera une discussion des questions que nous avons abordées aujourd'hui, et si nos témoins et les représentants du ministère s'entendent à ce sujet, il n'y aura pas de problème. Sinon, nous devrons nous prononcer.

Le comité devra se réunir en privé pour décider ce qu'il peut recommander, Don.

Donc, à titre provisoire, nous nous réunirons en début de matinée le 21 novembre pour discuter de ces questions. J'ai demandé au greffier de communiquer avec des fonctionnaires des deux ministères.

Mme Payne: Le 21 novembre ne me convient pas; je serai absente toute la journée. Peut-on prévoir une autre date?

Le président: Nous rencontrerons les ministres ce jour-là également, madame Payne. Les 21, 22 et 23 novembre nous essaierons de rencontrer nos derniers témoins et de terminer notre étude de ce projet de loi.

Mme Payne: Il est plutôt regrettable qu'on ne m'ait pas d'abord consultée.

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Le président: Ça, c'est un autre problème, madame Payne. Si vous voulez que l'on discute de notre programme en ce qui a trait à ce projet de loi, nous le ferons une fois que nos témoins nous auront quittés. Mais je dois signaler à tous les députés qu'à titre de président je dois faire de sorte que nous entendions et rencontrions toutes les personnes pertinentes. J'ai des problèmes avec mon horaire la moitié du temps; alors je ne peux certainement pas composer avec les programmes de huit ou neuf députés.

À moins d'avis contraire, nous vous confirmerons la tenue de la réunion du 21 novembre, à9 heures probablement. Peut-être cette question pourra-t-elle être réglée avant la réunion. Nos témoins et les fonctionnaires pourront peut-être s'entendre sur le libellé des dispositions. S'il y a entente, nous pourrons poursuivre nos travaux plus facilement.

Je tiens à vous remercier de votre exposé. Nous pensions que nous avions pratiquement terminé notre étude du projet de loi; je sais qu'à l'origine nous avions prévu de vous rencontrer mardi, et je suis très heureux que nous ayons pu vous rencontrer, parce que vos commentaires nous ont permis de prendre connaissance d'un autre aspect du projet de loi.

M. Okalik: Je m'excuse. Je ne pourrais pas être ici mardi. Comme vous le savez, nous nous trouvons très...

Le président: C'est bien. Merci.

M. Okalik: Très bien.

[Le témoin poursuit en langue autochtone.]

Merci. Thank you.

Le président: La séance est levée.

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