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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 1995

.0910

[Français]

Le vice-président (M. Arseneault): À l'ordre, s'il vous plaît. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous étudions les prix de l'essence.

[Traduction]

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les prix de l'essence.

[Français]

C'est seulement une étude préliminaire pour déterminer si on devrait poursuivre ce sujet à l'automne.

[Traduction]

Je répéterai, pour ceux qui sont présents aujourd'hui et ceux qui participeront aux audiences qui auront lieu un peu partout au Canada, qu'il ne s'agit que d'une étude préliminaire visant à déterminer si nous devrions entreprendre un examen plus approfondi.

Nous savons que cette question a déjà été soumise au comité, qu'elle a été soulevée de temps à autre par un certain nombre de nos collègues, qu'elle a retenu l'attention publique et qu'elle revêt beaucoup d'intérêt pour les Canadiens en général.

Nous avons plusieurs témoins parmi nous aujourd'hui. Je vais d'abord les présenter puis nous commencerons nos délibérations. Nous avons un comité d'experts. Nous entendrons leur témoignage et passerons ensuite à une période de questions et réponses.

Je vous présente donc Mme Maureen Monaghan, du ministère des Ressources naturelles;M. George Lermer, de l'Université de Lethbridge; et MM. Brendan Hawley et Bob Clapp, de l'Institut canadien des produits pétroliers. Y a-t-il un ordre particulier dans lequel vous voulez prendre la parole? Nous devrions peut-être commencer par entendre Mme Maureen Monaghan, du ministère des Ressources naturelles.

Mme Maureen Monaghan (conseillère spéciale, Politique des carburants, Division du pétrole, secteur de l'énergie, ministère des Ressources naturelles): Merci, monsieur le président. Je ne vous donnerai ce matin qu'un bref aperçu de certains facteurs ayant une incidence sur les marchés de l'essence au Canada, à l'aide de quelques exemples tirés de certaines hausses de prix qui se sont produites récemment.

J'ai fait distribuer une documentation, dont, je l'espère, vous avez tous reçu un exemplaire. Je commenterai, au fil de mon exposé, certains des graphiques qui y figurent.

Le premier graphique de la documentation illustre certaines des composantes du prix d'un litre d'essence. Il y a un certain nombre de facteurs, liés tant aux coûts de production qu'au marché, qui finissent par se répercuter sur le prix final de l'essence à la pompe.

Le prix du brut est, bien sûr, l'un de ces facteurs, car il constitue un élément principal de la production de l'essence. Son incidence sur le prix des produits se fait cependant sentir beaucoup plus à long terme. On observera habituellement un changement soutenu du prix du brut, à la hausse ou à la baisse, avant qu'il ne se répercute sur le prix des produits.

La seconde principale composante est, bien sûr, constituée des taxes tant fédérales que provinciales: la TPS, la taxe de vente provinciale et la taxe d'accise prélevée au niveau fédéral.

Le reste des colonnes, qui illustrent les écarts de prix dans diverses villes d'un bout à l'autre du pays, représente une catégorie fourre-tout que nous appelons coûts et marges du raffinage et de la commercialisation. Cela comprend le coût de transformation du pétrole brut en produits, celui de l'acheminement vers les marchés, de la commercialisation elle-même, de la publicité et des activités commerciales à chacune des diverses étapes. C'est la composante qui subit des compressions lorsqu'entrent en jeu d'autres facteurs qui ne sont pas reliés aux coûts de production, principalement la concurrence.

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La concurrence s'exerce dans deux domaines principaux.

D'abord, le marché international. Les événements qui se produisent sur les marchés internationaux et qui auront une incidence sur les prix canadiens sont de plusieurs ordres: les équilibres entre l'offre et la demande, les niveaux des stocks et les fluctuations de l'offre sur d'autres marchés internationaux.

J'en donnerai pour exemple certaines des hausses dont nous avons été témoins il y a quelques semaines, déclenchées surtout par la publication récente des niveaux des stocks d'essence aux États-Unis. Alors qu'approchait la saison des grands déplacements, les stocks étaient plus bas que ce qu'on prévoyait. Cela a poussé les raffineurs et les spéculateurs à acheter des contrats sur les marchés à terme ce qui a eu une incidence sur les prix au comptant et, ultimement, sur les prix de gros, qui a fini par se répercuter sur les prix de l'essence à la pompe au Canada et aux États-Unis.

Parmi les autres facteurs qui finissent par avoir de l'importance, mentionnons les conditions du marché local, notamment les habitudes d'achat des consommateurs - à quel point ils se soucient des prix, se donnent la peine de les comparer pour en obtenir le meilleur, ou gardent une attitude relativement neutre à cet égard - le nombre de concurrents sur le marché et leur degré de satisfaction quant à la distribution des parts de marché. S'ils sont tous relativement satisfaits de leur contingent, ils ne feront pas assaut de concurrence au niveau des prix pour tâcher d'accroître leur part.

Quand un concurrent veut changer sa part - généralement pour l'accroître - , c'est ce genre d'activité qui déclenche les guerres de prix ou fait fluctuer ces derniers.

La taille du marché constitue un facteur important au niveau local, de même que les quantités détaillées à chaque poste d'essence. Ce genre de choses peut contribuer de façon significative aux fluctuations de prix partout au Canada.

Si vous examinez les deux graphiques suivants, vous constaterez les répercussions que certains de ces facteurs concurrents peuvent avoir. La demande d'essence constitue évidemment un élément important vu son caractère cyclique; elle augmente tout au long des mois d'été, la saison des grands déplacements, pour diminuer généralement en hiver. Les prix reflètent habituellement cette tendance et vous constaterez que les changements et les fluctuations des prix suivent la courbe de la demande.

Le graphique illustrant la demande d'essence depuis 10 ans montre qu'elle a été relativement stable, chutant pendant les années de récession de 1990 et 1991, pour ensuite recommencer à grimper plus récemment, ces toutes dernières années.

L'autre facteur à l'oeuvre dans cette composante générale des coûts et des marges du raffinage et de la commercialisation réside dans le désir des exploitants d'obtenir un taux de rendement acceptable de leurs investissements. Le graphique montre que l'on n'obtient pas toujours un prix établi complètement en fonction des coûts. Il faut tenir compte des autres facteurs concurrents et, bien souvent, le prix finit par être inférieur à celui qui serait établi en fonction uniquement des coûts.

Le graphique illustrant le taux de rendement du capital investi au cours des 10 dernières années montre que les résultats du secteur en aval de l'industrie pétrolière, comprenant le raffinage, la distribution et la commercialisation des produits pétroliers, ont été sensiblement inférieurs à ceux des autres industries de fabrication non financières pour la plupart des 10 dernières années. Ce n'est que récemment, grâce à la rationalisation effectuée au sein de l'industrie pétrolière, que le secteur en aval a réussi à faire passer petit à petit ces taux de rendement à des niveaux plus acceptables.

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Je voudrais maintenant passer brièvement en revue certaines des tendances observées depuis quelques années en matière d'étblissement des prix de l'essence. Le graphique suivant montre que les moyennes canadiennes des prix, telles qu'établies d'après notre enquête, suivent depuis quatre ans une tendance générale assez soutenue à la baisse. La moyenne annuelle a été inférieure à celle de l'année précédente en chacune des quatre dernières années. Le tout début des courbes du graphique prend en compte la baisse prononcée des prix qui a suivi les prix maximums atteints au cours de la crise du Golfe.

Vous noterez le caractère cyclique des prix, car il se produit une hausse tout au long de la période de mai à juillet de chaque année. Cette hausse varie généralement de 4 à 6c. le litre depuis quelques années. Si vous examinez les hausses les plus récentes, vous verrez qu'elles reflètent en partie la constante saisonnière et, en partie également, la hausse de la taxe d'accise de 1,5c. le litre décrétée en février.

Tout cela explique, si l'on examine les divers marchés du pays et comme l'a montré le premier graphique à colonnes, que les prix fluctuent d'une ville à l'autre et d'un marché à l'autre. Un des plus grands facteurs d'écart des prix observés d'un bout à l'autre du pays tient certainement aux conditions locales du marché. Viennent ensuite des facteurs comme les différences entre les taxes provinciales, la taille des marchés et ainsi de suite.

Les deux prochains graphiques de la documentation établissent une comparaison entre le Canada et les États-Unis et entre le Canada et d'autres pays industrialisés. Quand on examine la comparaison au niveau international, on constate que les prix avant taxes ou hors taxes ne diffèrent pas tellement, compte tenu qu'ils sont tous exprimés en cents canadiens le litre et, donc, de l'incidence des taux de change à cet égard.

Vous verrez également à combien s'établissent nos taxes par rapport à celles des autres pays. Elles sont certes moins élevées aux États-Unis qu'au Canada, mais les nôtres sont considérablement inférieures à celles de la plupart de nos partenaires européens.

Quant à la comparaison des prix de l'essence entre le Canada et les États-Unis pour les derniers mois où nous en avons fait le relevé, les prix canadiens avant taxes ont été inférieurs à la moyenne des prix américains avant taxes. Encore une fois, je fais remarquer qu'il s'agit de moyennes nationales, de sorte que les prix pour les villes et les marchés pris individuellement peuvent différer sensiblement.

Enfin, je voudrais aborder brièvement le rôle des gouvernements dans ce dossier. La fixation ou l'établissement des prix des produits pétroliers relève de la compétence provinciale. Depuis qu'il a déréglementé les marchés du brut en 1985, le gouvernement fédéral n'exerce plus aucune compétence directe sur les marchés du brut ou des produits pétroliers. Tout ce qui intéresse le fédéral, c'est que les marchés respectent la Loi sur la concurrence, ce qui, comme vous le savez, est du ressort du Bureau de la politique de concurrence. Je crois comprendre que mes colègues du Bureau se présenteront devant vous la semaine prochaine pour traiter de cet aspect.

Au niveau provincial, un certain nombre de provinces se sont dotées du pouvoir et de lois leur permettant de réglementer les prix. L'Île-du-Prince-Édouard est la seule province qui, pour le moment exerce ce pouvoir et elle réglemente tous les aspects de l'établissement des prix des produits sur son territoire.

En ce qui concerne le ministère des Ressources naturelles, nous surveillons les marchés, nous effectuons une enquête hebdomadaire sur les prix de l'essence, nous publions cette information afin de maintenir la transparence des marchés, nous suivons de près ce qui se passe et nous fournissons des conseils d'experts au Bureau et aux autres ministères qui abordent ces questions de temps à autre.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Arseneault): Je vous remercie beaucoup de votre exposé, madame Monaghan.

Nous passerons maintenant à l'exposé de M. George Lermer, doyen de la Faculté de gestion de l'Université de Lethbridge.

M. George Lermer (doyen, professeur, Faculté de gestion, Université de Lethbridge): Si je puis me le permettre, monsieur le président, j'utiiserai quelques diapositives. Ce sera plus commode pour procéder.

Je m'excuse de ne pas avoir préparé de texte. Après avoir examiné les questions qui m'ont été soumises, je me suis rendu compte qu'il faudrait un très long exposé pour y répondre de façon complète. J'ai donc jugé qu'il serait plus utile de répondre simplement à ces questions brièvement et succinctement.

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La première question porte sur les tendances en matière d'établissement des prix. J'ai quelques diapositives qui résument la question.

Je vais tâcher de ne pas répéter ce qu'a dit ma collègue du ministère des Ressources naturelles. Une bonne partie de ce que j'ai à dire provient de la base des données du ministère et la plupart de mes propos sont conformes aux observations de ce ministère.

La ligne foncée apparaissant sur l'écran représente les prix canadiens de l'essence au détail avant taxes. Ces données portent sur toutes sortes d'essence, de toutes les catégories, vendues au détail dans les stations-service d'un bout à l'autre du pays.

Nous avons également les prix de l'essence américains au détail. Les prix canadiens ont tendance à suivre une courbe supérieure parallèle à celle des prix américains, mais pas autant au cours des deux dernières années. Les prix canadiens - du moins en ce qui concerne cet indice des prix de l'essence - ont clairement tendance à baisser en direction des prix américains.

On pourrait faire une observation similaire à propos des tendances observées dans le cas de la variable très importante des revendeurs indépendants. Ce graphique mesure également les recettes disponibles aux raffineurs du secteur de détail de l'industrie du raffinage, et l'on voit ici la marge entre le prix pour le revendeur ou prix de gros de l'essence et le prix de vente au détail. Le graphique illustre la tendance observée depuis janvier 1990 jusqu'à la fin de mars 1995. La ligne du haut concerne Montréal et celle du bas, Toronto.

J'ai les prix des revendeurs pour Montréal et Toronto uniquement. Comme vous le remarquerez, les marges ont baissé à Montréal. Elle ont toujours été beaucoup plus élevées que celles de Toronto et elles commencent maintenant à s'aligner sur ces dernières. Je ferai écho aux observations du témoin qui m'a précédé: la tendance est à la baisse.

Cette marge-ci est celle des recettes. Elle ne reflète pas le prix coûtant. Il s'agit de l'écart entre le prix au détail facturé par le distributeur et le prix coûtant de l'essence. Elle ne tient pas compte des dépenses d'exploitation de la station-service ni du capital investi.

Quant aux autres tendances, il s'agit d'un rapport du ministère des Ressources naturelles sur les marges des stations-service vendant l'essence au détail. Il y est question des recettes disponibles pour faire face aux dépenses d'expoitation de la station-service. Là encore, la tendance observée dans chaque cas est molle. Elle est à la baisse.

Voici les marges pour Montréal, Toronto et Ottawa. Ben sûr, ces tendances se reflètent dans le rix final de l'essence au détail, bien que les marges soient les variables les plus importantes, car les prix du brut, qui sont influencés fortement par l'OPEC et d'autres facteurs, pourraient faire grimper les prix de l'essence. Cela n'a cependant pas été le cas depuis quelques années et le tableau des prix de détail s'applique à la période allant de l'été 1992 jusqu'à la fin de mai, la dernière date pour laquelle on dispose de données.

Comme nous pouvons voir, la tendance est là encore à la baisse. En ce moment-ci, les prix de l'essence au Canada semble être très intéressants pour le consommateur.

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Je n'aborderai pas, si vous le permettez, la deuxième question relative à ce que comprend le prix à la pompe, car je crois que l'on y a déjà répondu.

La troisième question se rapporte aux causes des fluctuations des prix. J'aimerais y répondre en deux temps, si vous le voulez bien. Je crois que cela pourrait aider à mettre au clair certains aspects.

Il y a d'abord les fluctuations quotidiennes du prix de l'essence, que je qualifierais de rajustements d'équilibrage. Autrement dit, si l'industrie de l'essence, les stations-service et les raffineries, se trouvaient dans une situation stable, en situation d'équilibre stable et ne se préparaient pas à s'ajuster à un changement majeur, il y aurait quand même des fluctuations de prix d'un jour à l'autre. C'est ce que l'on constate habituellement.

Bien sûr, le prix du pétrole brut peut fluctuer, de même que celui de l'essence à la raffinerie. Il ne faut pas oublier que l'essence représente de 40 à 50 p. 100 de la valeur d'un baril de pétrole brut. Il y a d'autres dérivés raffinés du pétrole qui entrent en ligne de compte et leur prix peut changer. Par conséquent, les prix de gros de l'essence ne varient pas seulement en fonction des prix du pétrole brut, quoique cela demeure le facteur le plus important.

A l'heure actuelle, le Canada n'est pas en situation d'équilibre. Nous avons une industrie pleinement développée, mais la demande n'augmente pas. Les raffineries ont réagi récemment en réduisant le nombre d'installations exploitées au Canada et beaucoup d'entre elles ont fermé leurs portes, ce qui a réduit la capacité excédentaire. Par contre, le secteur des stations-service semble trop développé au Canada par rapport aux États-Unis.

Nous traversons donc une période de déséquilibre et, dans pareille conjoncture, nous avons besoin d'un mécanisme du marché qui va permettre d'équilibrer le nombre de stations-service nécessaires en fonction de la demande d'essence à un certain niveau. Je ne suis pas certain de ce niveau mais, chose certaine, il sera plus bas que ce qu'il est actuellement.

Le marché aura tendance à accuser des pertes dans le secteur de la vente au détail, tendance à laquelle le public tentera de s'opposer, et nous nous attendons à ce que cela donne lieu à pas mal de fluctuations et peut-être même à plus de guerres des prix qu'il y en a normalement en situation d'équilibre.

Je m'excuse, je me rends compte que je ne vais pas assez vite; je vais accélérer.

La quatrième question est celle-ci: Pourquoi le mouvement du prix de l'essence ne suit-il pas toujours les changements subis par le coût du brut?

Plusieurs études ont été faites sur la question et je dirais qu'elles arrivent toutes à la conclusion que le prix du brut et celui de l'essence sont étroitement liés, de sorte que tout changement dans le prix du brut se répercute généralement sur celui de l'essence, presque entièrement en l'espace de quelques mois, parfois moins, parfois plus. Ce délai est normal.

Comme je le signalais plus tôt, le brut peut servir à diverses fins. Au Canada, les raffineries avaient l'habitude de retarder le rajustement des prix de deux mois parce qu'elles employaient la méthode d'inventaire premier entré premier sorti, au lieu de dernier entré premier sorti. Même à cela, des études menées aux États-Unis et en Angleterre font le même lien avec un certain retard.

Comme je le disais, il y a d'autres produits que l'essence qui entrent en ligne de compte, d'autres facteurs qui influent sur le prix de l'essence.

Il y a aussi une autre complication qui est entièrement d'ordre technique. Nous savons que le prix du brut change d'une minute à l'autre. Il est coté en bourse à New York, à Chicago ou ailleurs; il est donc facile à trouver. Le pétrole brut est assez homogène. Il y en a de différentes qualités dont le prix est coté et connu, tandis que on ne sait pas vraiment quel est le prix de détail de l'essence. Il varie chaque jour d'une station à l'autre. Nous employons donc un genre d'indices des prix de détail lesquels ne suivent pas exactement le cours du brut. Certaines influences vont s'exercer sur le processus d'établisement de l'indice du prix de détail. En fait, l'indice utilisé le plus couramment au Canada est la série hebdomadaire du CNR. Il s'agit d'une donnée ponctuelle, alors qu'en réalité le prix peut fluctuer beaucoup au cours de la semaine. Il se peut que vous tombiez par hasard sur le prix le plus élevé ou le plus bas. Dans une certaine mesure, c'est une question de chance.

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Il n'est donc pas étonnant qu'il y ait un peu de remous dans l'établissement du prix de détail, contrairement à ce qui se passe pour le prix du brut. Quand on se penche sur ces questions, on découvre que les lois du marché s'appliquent partout dans le monde.

Nous pouvons donc nous inspirer, au Canada, d'études américaines et britanniques, sachant que le prix de gros de l'essence au Canada correspond grosso modo à celui pratiqué aux États-Unis. Le prix de l'essence à Vancouver suit celui de Seattle, de même que celui qui a cours au sud de l'Ontario suit celui de Buffalo, et le prix à Montréal, celui de New York. Par conséquent, si des études révèlent que le prix de gros aux États-Unis suit le prix du brut, alors cela vaut pari passu au Canada aussi.

Il faudrait mentionner aussi que nous ne savons pas exactement quel est le prix de détail, même si l'on fait assez souvent des enquêtes sur les prix dans les stations-service et que l'on calcule la moyenne, parce qu'il s'agit seulement du prix affiché. Le prix réel peut être beaucoup plus bas une fois déduits les bons d'essence et d'autres remises. Tout cela pour dire que nous ne disposons pas du prix de détail, sauf sous forme d'un indice.

La question numéro 5 est la suivante: Comment expliquez-vous les différences de prix à divers endroits au Canada? Je vous ai déjà touché un mot des différences à l'échelle nationale. Les écarts ne sont pas considérables, sauf pour ce qui est de la taxe. Aux États-Unis, les prix sont légèrement plus élevés en Californie et sur la côte ouest que sur la côte du Golfe du Mexique. Ils sont en outre un peu moins élevés que ceux pratiqués dans le nord-est et le centre-nord des États-Unis. Chez-nous, les prix de gros présenteront des écarts analogues qui s'expliquent par les considérations liées au transport du produit, entre autres choses.

Comme la région du Golfe est une grande région exportatrice plutôt que consommatrice, c'est là qu'on trouve les prix les plus bas. Bien que le Canada produise la plupart du pétrole qu'il consomme, il doit néanmoins en importer une certaine quantité; par conséquent nos prix sont généralement un peu plus élevés que ceux des États-Unis, afin de favoriser ces importations.

À l'échelle urbaine, d'une ville à l'autre, je n'en suis pas certain, mais je dirais que la principale différence est la vitesse à laquelle le nombre de stations-service diminue. C'est une anomalie que nous observons chez nous.

Comme je le disais, si nous étions en situation d'équilibre - par «équilibre», j'entends que les exploitants de stations-service font des profits raisonnables et que personne ne s'attend à fermer, ni ne projette une expansion majeure dans ce secteur d'activité. C'est grosso modo ce que nous avons constaté aux États-Unis depuis 1988 environ, mais ce n'est pas le cas au Canada où le nombre des stations-service est à la baisse, mais ne diminue pas au même rythme d'un bout à l'autre du pays.

Selon un principe élémentaire d'économique, plus il y a de stations-service plus l'offre augmente, ce qui devrait faire baisser les prix. Toutefois, il est bien connu que, s'il y a trop de stations-service, les coûts de fonctionnement de chacune seront beaucoup plus élevés et ils sont à peu près fixes. Tant qu'il n'y a pas une longue file d'attente aux pompes, la vente d'essence entraîne très peu de frais supplémentaires. Par conséquent, les coûts de fonctionnement sont très étroitement liés au volume.

Cette donnée pourrait être utile. Il s'agit du volume moyen des ventes quotidiennes par station. Les volumes quotidiens sont très bas au Québec, c'est-à-dire dans l'ensemble de la province exception faite de Montréal. Montréal se situe ici, Ottawa là, et Toronto tout en haut. Cela ne prouve rien, mais, à mon avis, si les marges sont moins élevées et les prix plus bas à Toronto, c'est tout simplement parce que la rationalisation du secteur des stations-service a commencé plus tôt là-bas que n'importe où ailleurs au Canada, sûrement plus tôt qu'à Ottawa et à Québec et probablement plus tôt que dans les Maritimes. C'est pour cela que les coûts moyens sont moindres.

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Vous avez ici le taux d'accroissement du volume d'essence par station-service en divers endroits depuis 1990. Vous avez l'Ontario dans son ensemble, Toronto, Ottawa et ainsi de suite. Je me sers de cet exemple simplement pour illustrer le fait que les taux ont changé. Ils n'ont pas suivi le même rythme partout au Canada et je ne saurais vous dire pourquoi. Je n'ai pas la moindre idée des causes de ce phénomène. Il reste que la situation s'est améliorée beaucoup plus rapidement en Ontario, à l'extérieur de Toronto, quoique cela n'ait pas été si mal à Toronto. On ne peut pas en dire autant d'Ottawa et dans presque toutes les régions du Québec qui mettent beaucoup de temps à s'adapter.

Je ne veux pas tirer des conclusions de cette observation, sauf que cela doit vouloir dire que les coûts moyens de fonctionnement d'une station-service dans ces régions seront plus élevés que la moyenne quand les ventes monteront en flèche.

Je me ferai un plaisir de mettre ces graphiques à votre disposition si vous pensez qu'ils peuvent vous être utiles. Je sais qu'il est difficile de suivre quand on va aussi vite.

J'abuse peut-être de votre patience, c'est pourqoi, j'irai un peu plus vite pour le reste des questions.

Quelles sont les différences qui distinguent le marché de l'essence canadien du marché américain? Il y en a plusieurs.

La principale différence est le fait que le volume de vente par station aux États-Unis est environ le double de ce qu'il est au Canada.

Aux États-Unis, les marges bénéficiaires sont passées d'environ 45 à 20c. américains par gallon américain entre 1970 et 1992 sous l'effet de l'augmentation du volume de vente et l'adoption de la formule service complet et d'autres facteurs du genre.

Par contre, la consommation d'essence a chuté plus rapidement au Canada qu'aux États-Unis. En effet, elle est passée de 625 à 520 gallons américains par véhicule par année au Canada, tandis qu'aux États-Unis, elle est tombée de 640 à 600 gallons américains par véhicule par année. Ces données couvrent la période allant de 1983 à 1992.

La marge bénéficiare des détaillants américains est en moyenne au moins deux fois celle des détaillants canadiens, soit 7c. le litre environ, comparativement à 3c. le litre ici.

Il se vend plus de super aux États-Unis qu'au Canada, soit 32 p. 100 des ventes contre 23 p. 100, et les marges bénéficaires sont beaucoup plus élevées sur ce type d'essence.

De plus, le supplément payé pour le service complet est beaucoup plus élevé aux États-Unis qu'au Canada.

Je pense que ce sont là les principales différences, quoiqu'il y en ait d'autres, bien sûr.

Au Canada, les raffineries vendent à peu près 80 p. 100 de l'essence qu'elles fabriquent dans leurs propres stations service ou par l'intermédiaire de leur réseau de détaillants. Aux États-Unis, ce pourcentage est bien moins élevé; je pense qu'il est d'environ 36 p. 100. En ce qui concerne les ventes à des revendeurs, une grande partie des achats sont encore effectués par des stations qui utilisent la marque de la raffinerie. On pourra encore voir le nom de la pétrolière à la station service, mais cela ne voudra pas nécesairement dire que c'est elle qui l'approvisionne. L'essence pourrait être fournie par un revendeur.

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Au Canada, environ 28 p. 100 des stations-service sont exploitées par la Société pétrolière à laquelle elles appartiennent, 16 p. 100 sont des sociétés mandatées, et 12 p. 100 sont louées, tandis que les propriétaires exploitants occupent 44 p. 100 du marché. Cela fait 100 p. 100 des stations qui vendent de l'essence de marque, soit 80 p. 100 de l'ensemble des stations. Les autres sont des revendeurs indépendants.

Quel est le degré de compétitivité du marché de l'essence au Canada? Les raffineries canadiennes sont des preneurs de prix, c'est-à-dire qu'elles adoptent, pour leur essence, le prix de gros américain. Tant que les échanges seront libres d'un côté et de l'autre de la frontière, le marché sera compétitif.

Pour ce qui est de la vente au détail, il y a surabondance de stations-service et il tiendrait du monopole de limiter l'offre. Donc, pour le moment et pour un avenir prévisible, ce secteur est soumis à de très fortes pressions concurrentielles.

Il n'y a guère de danger de monopole. Le risque existe, comme il y a toujours un risque de voir les raffineries former un oligopole ou adopter des comportements parallèles puisqu'il y en a si peu. Toutefois, dans un monde qui prône la déréglementation et la liberté d'importation, cela ne constitue pas un risque réel, sont au plus, un risque potentiel.

On me demande, à la question numéro 9, quelle influence exercent les détaillants d'essence indépendants. Ils jouent un rôle important parce qu'ils sont les premiers à sauter sur l'occasion d'acheter de l'essence importée si elle coûte moins cher. Ils jouent également un rôle important parce qu'on leur doit en grande partie d'avoir innové à l'échelle des stations-service dans le domaine de la commercialisation de produits associés, dans l'adoption de la formule service complet et d'une foule d'autres choses. Il faut dire que les raffineries ne sont pas demeurées en reste non plus.

Je continue de soutenir que tant que les frontières sont ouvertes, la concurrence au Canada ne pose pas de problèmes aussi graves que si, pour une raison ou pour une autre, les échanges commerciaux étaient rendus difficiles par des règlements ou par une politique d'importation contrôlée. J'estime que l'Accord de libre-échange et la déréglementation des marchés pétroliers en ont fait une question moins vitale qu'autrefois.

Question 10: Le commerce de l'essence est-il lucratif? Comme je le disais, le secteur en aval n'a guère fait de profit. Grâce à l'Agence de surveillance du secteur pétrolier, il est facile pour des gens comme moi de suivre l'évolution de la situation, et j'avoue que je n'ai pas hâte de voir disparaître cette source d'information. C'est ma petite publicité indirecte pour les rapports de l'Agence qui se sont révélés, pour moi en tout cas, une source précieuse de renseignements.

La rentabilité des activités pétrolières en aval s'est accrue depuis quelques années et je me suis intéressé de près à ce phénomène récemment. Fait intéressant à signaler, cette amélioration est presque entièrement attribuable au facteur coût. En fait, les recettes ont baissé légèrement. Cela ne s'explique pas par une montée des prix et le maintien des opérations au même niveau, mais plutôt par une baisse assez abrupte des coûts.

Les pétrolières ont réduit radicalement leurs coûts d'exploitation, surtout dans les raffineries. En ce qui concerne les frais de commercialisation, je pense qu'ils sont encore assez élevés et n'ont pas beaucoup changé. Je pense que des changements s'en viennent. Enfin, l'utilisation de la capacité s'est également améliorée à la faveur de la reprise dont a bénéficié ce secteur au sortir de la récession.

Ma réponse à la question numéro 11 est claire. J'ai du mal à donner un sens économique à des termes comme gouging et exploitation. Rien ne permet de conclure qu'il y ait eu une forte hausse des prix, sauf que cela arrive dans un contexte de guerres des prix. Or, ces guerres de prix font bénéficier les consommateurs d'incroyables aubaines. Les prix qui résultent de telles guerres ne peuvent pas être maintenus. Nous ne pourrions pas rester en affaires et personne ne voudrait fournir de l'essence s'il fallait vendre à ces prix-là très longtemps. Ce n'est peut-être pas grave. En fin de compte, la rationalisation et la réduction du nombre de stations-service s'en trouveront peut-être tout simplement accélérées, ce qui pourrait être bon pour les consommateurs, mais peut-être moins avantageux pour les détaillants.

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Je passe vite maintenant à la question numéro 14 qui concerne la réglementation, et je crois que toutes les informations concernant la réglementation des stations-service indiquent qu'elle fait monter le prix que doit payer le consommateur.

J'ai participé à des audiences qui ont eu une influence sur la décision de déréglementer les prix de l'essence en Nouvelle-Écosse. L'effet a été positif pour les consommateurs. On constate maintnant que les prix à Halifax suivent généralement ceux qu'on trouve ailleurs au Canada, tandis qu'auparavant, ils étaient toujours plus élevés. Il y avait trop de stations-service, et c'est comme si on avait créé un office de commercialisation pour les fournisseurs.

Alors si l'on veut retourner à l'ancien système de prix élevés là où l'on trouve des offices de commercialisation, il faut réglementer les stations-service. Il va sans dire que je ne vous recommanderai pas de le faire.

En ce qui concerne la politique de concurrence, je ne me sens pas assez compétent en ce moment-ci pour parler des aspects juridiques. Je travaille régulièrement dans ce domaine et je travaillais autrefois pour le Bureau. Il me semble certain que le climat qui existe actuellement dans le secteur pétrolier, en raison de la déréglementation et de l'ouverture des frontières, a une influence beaucoup plus importante que celle d'un office de réglementation ou même du Bureau de la politique de concurrence. Et je crois d'ailleurs que cela donne les résultats escomptés.

Pour ce qui est de l'intervention fédérale, je crois qu'on devrait examiner des mesures législatives visant à limiter la responsabilité de la pollution aux emplacements des stations-service. S'il y a trop de stations-service, c'est peut-être en partie parce que les gens hésitent à les fermer et à partir, car ils sont responsables des conséquences environnementales. Il s'ensuivra que le consommateur moyen devra payer un peu plus cher l'essence. Cependant, l'avantage est qu'il ne sera jamais obligé de faire la queue à la pompe.

Un sou le litre représente environ 20$ par an pour l'automobiliste moyen. Ce n'est donc pas très différent du supplément que nous payons pour les oeufs, les produits laitiers ou les autres denrées alimentaires que nous achetons. C'est une somme minime et je ne crois pas que l'automobiliste moyen s'en inquiète outre mesure. Ce qui semble le préoccuper davantage, ce sont les fluctuations fréquentes, mais je dois dire en conclusion que c'est ainsi que le marché fonctionne.

Je vous remercie de votre attention. Je m'excuse si j'ai dépassé mon temps de parole.

Le vice-président (M. Arseneault): Merci beaucoup monsieur Lermer.

Nous passons maintenant aux témoins suivants qui représentent l'Institut canadien des produits du pétrole: M. Hawley et M. Clapp.

M. Brendan Hawley (vice-président, Affaires publiques, Institut canadien des produits du pétrole): Merci, monsieur le président et membres du comité. Au nom de notre Institut, nous vous remercions de nous permettre de comparaître encore aujourd'hui au sujet de la fixation du prix de l'essence.

Nous reconnaissons évidemment qu'il existe un certain mécontentement à ce sujet chez les consommateurs. Nous savons que vos commettants vous ont sûrement parlé de cette question. Nous espérons donc que nos remarques vous seront utiles et que vous nous ferez part de vos préoccupations à cet égard.

Je voudrais vous signaler que toutes les données que nous citerons ont été tirées de rapports préparés par divers ministères. Les membres du comité ont reçu également en prime, un exemplaire du Cadre de compétitivité sectorielle dont M. Clapp vous parlera au cours de son exposé. Vous pouvez donc déjà commencer votre lecture d'été.

Cette étude s'ajoute à des travaux déjà réalisés par le Bureau de la politique de concurrence ainsi qu'à plusieurs autres études conjointes réalisées par des associations de consommateurs de l'Alberta, de la Saskatchewan et d'Ottawa. Ces derniers documents abordent plus précisément les questions de la compétitivité et le mécanisme de fixation du prix.

Il convient de souligner qu'il existe une abondante documentation sur le sujet. Ce qui manque n'est pas tellement la documentation, mais plutôt la compréhension.

À titre d'exemple, j'aimerais raconter une anecdote. Il y a plusieurs années, on avait annoncé une découverte importante de gaz dans le nord de la Colombie-Britannique. Un chroniqueur économique m'a téléphoné pour me demander s'il s'agissait de gaz avec plomb ou sans plomb.

Des voix: Oh, oh!

M. Hawley: Il reste donc du travail à faire sur le plan de la communication à cet égard.

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Au cours des deux derniers mois, l'ICCP a mis en place un service d'information téléphonique à l'intention des consommateurs. Nous tenterons ainsi de répondre à leurs questions. Nous avons fait paraître des annonces dans votre tabloïd The Hill Times. Nous répondrons volontiers à vos questions ou à celles de vos électeurs.

Aujourd'hui, nous terminerons notre exposé en faisant quelques observations. À notre avis, le marché de la vente au détail a toutes les caractéristiques d'un marché compétitif. Notons d'abord la volatilité des prix; les prix changent. Il y a une multitude de marques vendues au détail. Autrement dit, les consommateurs peuvent se procurer des produits de marques différentes. Il y a aussi une multitude de grossistes. Les prix sont clairement affichés. Il existe aussi une facilité d'entrée et de sortie sur ce marché.

Nous espérons qu'à la fin de l'exposé, vous conviendrez de la justesse de certaines, sinon de toutes nos observations.

J'aimerais maintenant céder la parole à mon collègue M. Clapp qui vous décrira la structure de l'industrie ainsi que l'étude que nous avons réalisée sur le cadre de compétitivité sectorielle.

M. Bob Clapp (vice-président, Affaires extérieures, Institut canadien des produits du pétrole): J'aimerais d'abord vous présenter quelques commentaires sur l'étude «Cadre de compétitivité sectorielle» dont vous avez reçu copie. Cette étude a été réalisée conjointement par Industrie Canada et l'ICCP dans le but de présenter un rapport global sur notre secteur. Le group d'étude se composait de représentants de l'Association des consommateurs, d'Environnement Canada, de Ressources naturelles Canada et de certaines de nos sociétés membres.

Ce rapport renferme énomément d'informations sur la structure de l'industrie et sur sa performance, sur sa place dans l'économie, sur des questions liées à l'offre et à la demande de produits, aux marges bénéficiaires du secteur du raffinage et de commercialisation ainsi que sur les défis environnementaux qui sont considérables dans notre secteur. Il expose par ailleurs les grands défis que devra relever l'industrie d'ici la fin de la décennie.

Nous avons l'intention, en collaboration avec Industrie Canada, de tenir cette étude à jour. À notre avis, c'est l'étude la plus complète qui ait été réalisée récemment dans ce secteur. Je vous en recommande la lecture assis au bord d'un quai pendant vos vacances d'été.

L'exposé que nous avons préparé pour aujourd'hui, vous donnera une idée globale de l'industrie. Je ne sais pas si vous connaissez à fond la structure du secteur en aval, mais j'ai cru qu'il serait bon que je vous en fasse une courte description. Je veux parler des approvisionnements d'essence. Les deux intervenants précédents ont déjà évoqué la question. Je vais tenter de compléter ce qu'ils vous ont dit. Je vais d'abord faire quelques courts commentaires au sujet des éléments qui entrent dans l'établissement du prix de l'essence dont Maureen a déjà parlé.

Brendan vous parlera ensuite du marché du détail et plus particulièrement de la commercialisation de l'essence, de la structure de notre secteur et de nos opérations. Il abordera une question qui intéresse tout le monde, à savoir pourquoi les prix baissent et augmentent, ce que nous appelons le cycle des prix. Il tirera ensuite certaines conclusions.

Voilà ce dont nous parlerons aujourd'hui. Je vous inviterai à regarder le tableau projeté à l'écran pendant que je vous ferai un survol de l'industrie.

Le secteur pétrolier comporte deux grandes composantes. Il y a d'abord le secteur en amont qui s'intéresse à la prospection et à la production de pétrole brut et de gaz naturel. Il y a ensuite le secteur en aval qui s'intéresse au raffinage et à la commercialisation des produits pétroliers. L'établissement du prix de l'essence est lié au raffinage et à la commercialisation.

Prenons d'abord l'étape du raffinage où le pétrole brut arrive à la raffinerie pour être transformé en une multitude de produits distribués ensuite sur le marché. C'est ce que j'appelle le premier maillon de la chaîne de commercialisation. Ici, vous voyez le marché du pétrole brut, lequel est un marché international. Les décisions qui s'y prennent ont en bout de ligne une incidence sur le prix de l'essence vendue aux consommateurs.

Les produits raffinés sont expédiés comme on le voit ici par pipeline, par camion, par chemin de fer et par navire-citerne vers les dépôts de stockage intermédiaire. C'est ce qu'il est convenu d'appeler le marché de gros. George y a fait allusion plus tôt et je m'en suis servi comme analogie: c'est là que se situe le marché de gros. Les raffineurs vendent leurs produits sur ce marché, lequel est aussi alimenté par des importations.

Les produits sont ensuite acheminés vers divers segments de l'économie canadienne. Nous en avons illustré quelques uns ici. Nous mettrons aujourd'hui l'accent sur la station-service où se fait la vente au détail de l'essence.

Au Canada, le secteur du raffinage et de la commercialisation emploie près de 300 000 personnes dans 22 raffineries et un peu plus de 16 000 stations-service. Environ 65 p. 100 des produits des raffineries sont vendus au Canada. Ils sont partout. On trouve des produits pétroliers dans presque tous les segments de l'économie canadienne: 30 p. 100 des produits sont vendus aux consommateurs - il s'agit essentiellement d'essence - et 5 p. 100 aux gouvernements. L'une des conclusions de l'étude «Cadre de compétitivité sectorielle» est qu'il s'agit réellement d'une industrie structurée qui touche à peu près tous les aspects de notre vie quotidienne.

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Maureen vous a parlé de la rentabilité de l'industrie. Nous calculons cette rentabilité en termes de cents le litre de bénéfices dégagés sur les produits que nous vendons. En 1994, selon les renseignements que nous fournit l'organisation pour laquelle Maureen travaille, cette rentabilité était de 1c. le litre pour l'ensemble des produits vendus au Canada.

J'aimerais maintenant faire quelques commentaires au sujet de l'essence. Depuis 10 ans environ, la demande pour l'essence a été stagnante et d'après nos projections, elle le restera ou enregistrera au mieux une augmentation d'environ 1 p. 100 par année.

Comme George vous l'a déjà dit, il y a eu une rationalisation importante dans les raffineries et les stations-service. En 1980, nous comptions 36 raffineries au Canada. Aujourd'hui, nous en avons 22. En 1980, nous comptions plus de 24 000 stations-service. Aujourd'hui, nous en avons un peu plus de 16 000. Ainsi, l'industrie a fait des efforts considérables pour aligner l'offre sur la demande.

Le volume moyen de vente au détail est d'environ deux millions de litres par année. Cela représente entre 50 et 75 p. 100 du volume enregistré par les stations-service américaines. George a dit, je crois, qu'il s'agit de 50 p. 100. Les données recueillies récemment par certaines sociétés membres de notre groupe tendent à indiquer que c'est plus près de 75 que de 50 p. 100 et, bien sûr, le volume varie selon que les stations desservent un marché urbain ou rural.

La moitié des points de vente au détail au Canada sont indépendants et fixent eux-mêmes leurs prix et je crois que c'est une caractéristique importante de notre marché. Nous avons indiqué que les marges bénéficiaires ont diminué. Là où elles étaient de 8c. à 10c. le litre, elles se situent maintenant dans une fourchette de 2c. à 4c. le litre et les détaillants ont dû se chercher d'autres sources de revenus dans leurs stations-service.

La plupart d'entre vous savez sans doute que depuis cinq ans nous avons été témoins de l'arrivée des dépanneurs dans les stations-service. Il s'agit en réalité d'une tentative pour améliorer la valeur ajoutée et obtenir des revenus de la vente d'autres produits, qu'il s'agisse de beignets, de guichets bancaires, de maïs soufflé ou que sais-je encore.

J'aimerais maintenant vous parler des approvisionnements et je demanderais à Brendan de pojeter le prochain transparent. Les approvisionnements se font, soit par les raffineries soit par les importations.

Nous avons des raffineries dans tout le pays. Comme je l'ai dit, il y en a 22. Elles sont réparties d'un océan à l'autre. Le raffinage est un secteur à forte consommation de capital caractérisé par des frais fixes très élevés. Les raffineurs ont donc tout intérêt à fonctionner à pleine capacité. En règle générale, les exploitants visent un taux d'utilisation de capacité de raffinage dépassant les 90 p. 100. Aujourd'hui, le taux d'utilisation varie entre 85 et 90 p. 100 de sorte que nous avons dans le secteur de raffinage au Canada, une capacité excédentaire malgré une importante rationalisation qui s'est faite au cours des 10 dernières années.

Le coût du pétrole brut constitue la dépense de fonctionnement la plus importante des raffineurs. Il représente effectivement 70 p. 100 des dépenses d'une raffinerie. D'autres vous ont déjà dit que le prix du pétrole brut est fixé sur les marchés internationaux et non au pays. Les raffineries doivent donc acheter leur principal intrant, le pétrole brut, à un prix fixé par les marchés internationaux.

Les raffineurs signent des contrats fermes avec divers détaillants, membres de leur réseau ou indépendants et avec d'autres grands clients industriels. Ils ont aussi recours à des contrats de vente discrétionnaire avec d'autres acheteurs.

Le prix de gros est donc influencé en partie par les décisions des raffineries canadiennes et par le prix du pétrole brut, mais pas uniquement puisqu'il y a d'autres facteurs qui interviennent au plan des approvisionnements. Parmi ces autres facteurs, notons le niveau des stocks, la demande saisonnière et les fermetures imprévues de raffineries, les interruptions d'expédition par pipeline, l'offre excédentaire ou insuffisante.

Passons maintenant aux importations qui influencent aussi l'approvisionnement. Il y a libre-échange dans le secteur de l'essence depuis 1985, année où a été abandonnée la politique énergitique nationale et le programme d'indemnisation pour les importations. Aujourd'hui, il y a peu d'obstacles à l'importation. Si vous venez de la côte est en navire, il faut peut-être un navire-citerne pour transporter une quantité expédiée par pipeline ou peut-être des camions-citernes qui vont directement des États-Unis aux stations-service du Canada. C'est typiquement le cas de Buffalo à Toronto. Il est très facile d'importer au Canada.

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Le prix de l'essence est international. Il est fixé en fonction des genres de choses dont j'ai parlé qui ont un effet sur l'industrie canadienne, et encore plus sur la scène internationale. Les prix fluctuent fréquemment et on ressent nettement leur effet sur le prix canadien. En fait, les importations effectuées par les grossistes au Canada sont d'une importance capitale pour ce qui est du prix de gros au Canada.

Nous pouvons en tirer deux ou trois conclusions. Il est vrai qu'il y a une surcapacité des raffineries canadiennes et si l'on y ajoute l'option d'importation pour les marchands, le tout permet d'établir un mécanisme de poids et contrepoids pour un marché de gros concurrentiel. Le prix de gros au Canada est le plus bas qui offre l'option d'importation ou la concurrence entre raffineries locales.

Je vais vous parler d'un dernier graphique. Je n'ai que quelques points à soulever car Maureen en a déjà bien parlé. Il y est question de l'analyse du prix de l'essence. Elle a dit que les prix de l'essence avaient diminué en moyenne chaque année depuis 1990. La diminuation a été d'environ 6c. le litre. En même temps, les taxes ont augmenté de 3c. le litre; il y a donc un écart de 9c.

Dans les faits, les frais de raffinage et de commercialisation ainsi que les marges bénéficiaires ont diminué de 7c., c'est-à-dire de la part du lion. C'est ce que disait George par rapport à la restructuration, la rationalisation et les mesures importantes en matière de coûts qui ont été prises dans l'industrie du raffinage et de la commercialisation, et dont le consommateur a généralement profité.

La composante du coût du brut a diminué d'environ 2c. le litre qui sont attribuables aux marchés internationaux. Nous montrons que la marge bénéficiaire au détail a subi une baisse d'environ 0,5c. le litre.

C'est tout ce que j'avais à dire. Je vais maintenant céder la parole à Brendan qui vous parlera des aspects commeciaux.

M. Hawley: Je voudrais simplement vérifier un détail. Je sais que vous avez beaucoup de renseignements, mais avons-nous noté que depuis 1980, le prix de l'essence avant taxes - en tenant compte de l'inflation - a diminué de 15 p. 100 et que les taxes ont augmenté de 255 p. 100?

Une voix: Non.

M. Hawley: La conclusion est que le gouvernement a joué un rôle actif sur le marché, merci beaucoup.

Une voix: Vous le dites de façon positive?

M. Clapp: J'ajouterais une anecdote: le montant total recueilli par notre industrie aux titres des taxes fédérales et provinciales se chiffre à plus de 9 milliards de dollars par année.

M. Hawley: Je vais essayer d'être aussi bref que possible. Nous allons résumer quelques éléments essentiels de l'essence que vous, en tant que consommateurs, pouvez reconnaître; nous parlerons un peu de la structure du marché de détail et, ensuite, on passera à une discussion sur le cycle des prix.

En ce qui a trait à l'essence, c'est premièrement un produit de base qui se transige sur le marché international. Depuis 1985, il y a eu un véritable libre-échange dans le domaine des produits pétroliers, et le Canada est donc ouvert aux importations d'essence venant des autres pays du monde.

Dans l'esprit des consommateurs, la différence entre les produits est assez minime puisque l'essence, c'est de l'essence. La décision d'achat par les consommateurs entre donc relativement peu en ligne de compte. Vous en achetez lorsque vous en avez besoin. Ce n'est pas le genre de produit qu'on va se procurer lorsqu'on reçoit un remboursement d'impôt et qu'on a plus d'argent en poche. L'achat est motivé par le besoin; ce n'est pas un achat discrétionnaire.

Au niveau du détail, comme vous l'avez remarqué, la gamme de l'offre est beaucoup plus complexe. Nous allons davantage vers un marché de dépanneurs plutôt que de détaillants d'essence, si vous songez aux dépanneurs, aux lave-autos, aux guichets automatiques, et autres choses de ce genre. C'est parce que de nos jours le consommateur exige la commodité et l'efficacité en fait de temps.

Les consommateurs sont sensibles aux prix, mais ils veulent aussi du service et des produits de qualité. Soixante-dix pour cent des ventes ont lieu à deux kilomètres du foyer. Dans la plupart des régions urbaines, il y a un grand réseau tissé de marchés, ce qui explique le fait que, dans ces régions, un changement de prix dans un micro-marché se traduit très rapidement par un changement dans d'autres marchés, car les consommateurs peuvent passer devant toute une série de ces micro-marchés en allant au travail et en revenant. Dans les régions rurales, c'est un peu différent. Les marchés de détail sont peut-être plus grands sur le plan géographique, mais ils sont plus isolés et plus indépendants.

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Le fait que les coûts varient entre les stations, qu'il s'agisse d'un petit vendeur indépendant ou d'un complexe commercial dont le propriétaire est une grande entreprise, n'est pas évident pour les consommateurs.

L'essence est le seul produit dont on peut comparer le prix même si l'on se déplace à 40 kilomètres à l'heure. Par conséquent, les consommateurs sont très sensibles aux prix et ils sont bien placés pour faire un choix avisé en se fondant sur les prix, les services ou qui sais-je d'autre.

Les frais généraux liés à l'exploitation d'une station-service sont élevés et il est donc évident que le volume a beaucoup d'importance et que les consommateurs sont attirés par le prix. Par conséquent, les détaillants sont poussés à afficher des prix concurrentiels sur le marché afin de vendre le plus possible et d'amortir leurs dépenses d'exploitation élevées.

Dans la plupart des marchés, les stations service sont trop nombreuses; on le voit bien, car on n'y fait en général jamais la queue - c'est seulement aux lave-autos, semble-t-il, qu'il y en a, là où je me fournis.

C'est le prix et la commodité de l'emplacement qui poussent le consommateur à acheter. Le détaillant qui enregistre la surcapacité la plus importante et affiche le prix le plus bas, a la possibilité de fixer les prix dans tout mini-marché.

Le rôle des dépanneurs est évidemment de permettre aux détaillants d'avoir accès à d'autres sources de revenu que l'essence et d'offir un service qui attire les consommateurs.

Dans les grandes agglomérations urbaines, les prix fluctuent rapidement et subtilement.

En ce qui concerne la structure de la vente au détail dans l'industrie, on trouve trois éléments principaux. Il existe des entreprises qui s'occupent de raffinage et de commercialisation, ainsi que des vendeurs qui sont tout à fait indépendants et qui ne possèdent aucune capacité de raffinage. Les entreprises intégrées sont des sociétés d'envergure nationale et régionale. Elles alimentent en essence non seulement leur propre réseau, mais aussi d'autres détaillants avec qui elles sont liées par contrats.

Les vendeurs indépendants opèrent habituellement plutôt à l'échelle locale, même il existe certains grands réseaux. Les indépendants achètent leur produit sur le marché de gros local ou peuvent se procurer de l'essence importée. En général, ils détiennent entre 20 p. 100 et 25 p. 100 du marché dans la plupart des agglomérations urbaines. Autrement dit, c'est un autre facteur de compétitivité. Ils n'ont aucun lien avec l'industrie du raffinage. Ils peuvent importer leur produit, c'est-à-dire le faire venir par camion ou par citerne ou par quelque moyen que ce soit.

Dans le secteur de la vente au détail, c'est le fait d'être propriétaire du produit ainsi que les contrats de gestion qui déterminent le prix de l'essence. Dans 56 p. 100 des cas, c'est le détaillant lui-même qui achète son essence et en fixe le prix de vente. Autrement dit, c'est lui qui a le titre de propriété du produit. Permettez-moi de répéter ce chiffre: il s'agit bien de 56 p. 100 des cas à l'échelle nationale. Dans les autres cas, soit 44 p. 100, le raffineur-fournisseur est propriétaire de l'essence qui est vendue par un détaillant à titre de consignataire ou d'agent. Autrement dit, c'est l'entreprise qui est propriétaire du produit et qui peut fixer le prix dans le cadre de sa stratégie de commercialisation.

Pour ce qui est de la structure, il y a de nombreux intervenants dans ce marché; dans plus de la moitié des cas, ce sont les détaillants qui fixent les prix en toute indépendance; les détaillants indépendants représentent une part importante du marché, mais ils ont tendance à suivre l'évolution des prix. Celui qui les détermine est le détaillant qui enregistre une surcapacité et dont les coûts sont les plus bas.

Je vais maintenant passer à la vente au détail. Nous avons un petit graphique pour illustrer cela.

Il existe trois modes de vente au détail. Dans chaque cas, les stratégies de commercialisation ainsi que les dépenses d'exploitation sont différentes. Les variables les plus importantes pour tout détaillant quel qu'il soit sont le volume des ventes, les dépenses liées à l'emplacement ainsi que les recettes auxiliaires, c'est-à-dire celles qui proviennent des dépanneurs, des lave-autos, etc..

Ces explications sont très générales.

Les détaillants sont des gens d'affaires à qui les fournisseurs font confiance pour écouler leur production d'essence. Si vous possédez une raffinerie, il faut que vous vous assuriez de pouvoir écouler l'essence que vous produisez; les producteurs ont tendance à penser que, sur le plan commercial, les indépendants dont les ventes sont élevées sont les plus intéressants, et ils s'adressent à eux pour écouler leur produit.

Les consignataires ou les agents sont motivés par les volumes plutôt que par les prix. Si vous recevez une commission sur les ventes, il est évident que ce qui va le plus vous intéresser c'est de vendre le plus possible. Vous allez garder un oeil sur les prix en vous intéressant surtout à leur baisse dans votre marché car, pour maintenir le volume de vos ventes ou même le faire monter au maximum, vous allez pratiquer des prix semblables. Lorsque vos concurrents locaux haussent leurs prix, vous n'aurez aucune objection à pratiquer des prix plus bas car, encore une fois, ce qui vous intéresse avant tout, c'est le volume.

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Une autre part du marché est détenue par des indépendants qui évitent tout superflu. Souvent, ce sont des gens qui sont propriétaires de leurs stations et qui les gèrent en maintenant leurs frais généraux au plus bas. Ils n'offrent aucun service. Fondamentalement, ce qu'ils offrent ce sont des prix intéressants. Ils visent la rentabilité en augmentant le volume de leurs ventes grâce à des prix concurrentiels.

Enfin, il y a des points de vente appartenant aux sociétés pétrolières qui tentent de diversifier leurs sources de revenu en vendant d'autres produits que l'essence. Dans ce cas, la stratégie relative aux prix est de rester compétitifs sur le marché tout en offrant une plus large gamme de produits et de services. La rentabilité dépend alors d'une augmentation du volume, d'une réduction des dépenses et des recettes auxiliaires. Pour un grand ensemble de dépanneurs, les revenus provenant de l'essence constituent une part très importante et même fondamentale de ses opérations. Mais bien évidemment, s'il existe d'autres sources de revenu, ceux qui proviennent de l'essence ne sont pas aussi importants que dans le cas d'un indépendant qui vend uniquement de l'essence.

Par conséquent, il existe un certain nombre de stimulants qui incitent les détaillants à pratiquer les prix les plus bas sur le marché. D'autre part, le comportement des consommateurs peut influer sur le prix. En effet, si vous avez l'occasion de traverser plusieurs mini-marchés, vous avez la possibilité de profiter du prix le plus bas, même si cela est un peu moins commode pour vous.

Il y a une chose que nous voulons souligner. Pour le Canadien moyen, toutes les stations-service se ressemblent - c'est peut-être du moins ce que pensent certains consommateurs, un bon nombre d'entre eux ou peut-être même tous - mais en vérité, étant donné les dépenses d'exploitation et les forces économiques qui entrent en jeu, il existe de grandes différences entre les divers types de points de vente au détail.

En ce qui concerne le cycle des prix, chaque marché possède son propre prix de gros qui influe sur les prix locaux. Ce prix de gros est établi en fonction du prix de la matière première, des dépenses de transport, des frais liés au stockage au terminal et d'autres facteurs externes.

Chaque détaillant a un bilan, des dépenses liées à son emplacement et des frais d'exploitation différents, tout comme d'ailleurs il doit répondre à des exigences distinctes en ce qui concerne les recettes provenant des ventes ainsi que les profits. Les frais généraux des points de vente au détail sont habituellement élevés. Autrement dit, nous avons parlé auparavant des prix du pétrole brut et de l'effet qu'il puisse avoir sur les prix pratiqués à la pompe. De fait, c'est généralement le prix de gros local qui est le baromètre le plus fiable pour déterminer le prix local de vente au détail. Souvent, il peut être affecté par les importations d'essence en gros en provenance des États-Unis, d'Europe ou d'ailleurs.

Lorsque nous parlons de cycles de prix en prenant en compte la possibilité d'importer de l'essence en gros et le fait que chaque point de vente de détail a un bilan, des frais, un volume de ventes, etc. différents, ce que nous voulons dire c'est qu'en général, les prix sont au plus bas lorsque le prix de détail est ramené au prix de gros ou plus bas. C'est alors l'exploitant le plus efficace qui fixe le prix plancher d'un marché. En d'autres mots, dans tout marché, c'est l'exploitant le plus efficace qui peut fort bien fixer le prix plancher ou encore le prix le plus bas possible.

Malheureusement, cela a pour effet que la plupart des détaillants ont une trésorerie déficitaire et que les revenus qu'ils tirent de la vente d'essence ne couvre leurs dépenses d'exploitation. Par conséquent, il est logique que le marché ait tendance à hausser le prix de l'essence à la pompe. Ce prix atteint un sommet lorsqu'un détaillant a pu le faire grimper pour obtenir une trésorerie excédentaire et récupérer ses pertes.

Toutefois, au fur et à mesure que l'on avance dans le cycle des prix, c'est la concurrence entre les détaillants - il faut aussi se rappeler qu'il y a des exploitants plus ou moins efficaces dans tout marché - qui déterminera le prix plafond. Certains détaillants pourront fort bien en prendre l'initiative, mais tous les autres ne suivront pas forcément. Autrement dit, les prix peuvent augmenter et une société peut fort bien prendre la tête du mouvement visant leur rétablissement, mais cela ne signifie pas que tous les autres concurrents sur le marché vont forcément suivre. Il existe des exploitants plus efficaces qui, si l'on veut, ne chercheront pas à rétablir les prix, mais se contenteront de pratiquer un prix qui se situera quelque part entre le plafond et le plancher en espérant que cela leur permettra de vendre davantage. Telle est la dynamique fondamentale.

On peut remarquer que le cycle des prix se répète pratiquement dans tous les marchés. Je pense que la plupart des consommateurs s'en rendent fort bien compte et c'est l'une des caractéristiques d'un marché concurrentiel.

Le comportement des consommateurs peut véritablement influer sur la fréquence et l'ampleur du cycle. En effet, ce sont eux qui contribueront à l'érosion du prix en se fournissant là où les prix pratiqués sont les plus bas.

Je pense que j'arrive au bout du temps qui m'était imparti et par conséquent, je serais heureux de répondre à vos questions.

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Permettez-moi de faire rapidement un résumé et de conclure.

Comme je l'ai dit auparavant, le marché de l'essence possède toutes les caractéristiques d'un marché concurrentiel. L'essence est une matière première. Les consommateurs tiennent compte des prix qui sont pratiqués. Le fait qu'il y a un grand nombre de sources d'approvisionnement et de points de vente au détail assure un système assez contraignant et équilibré pour qu'il existe un marché concurrentiel équitable.

Dans le secteur des produits pétroliers, le libre-échange actuel permet d'avoir accès à des sources d'approvisionnement multiples pour la vente d'essence au détail. Le prix de gros est toujours le plus bas des prix suivants, soit le prix du produit importé ou le prix concurrentiel du raffineur canadien, et il existe un certain nombre de sources d'information sur la vente de l'essence au détail.

Je vous prie de m'excuser de m'être un peu étendu sur le sujet. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le vice-président (M. Arseneault): Merci beaucoup, monsieur Hawley et monsieur Clapp.

Je dois vous rappeler à tous deux, ainsi qu'à M. Lermer, que nous aimerions avoir une copie des diapositives présentées lors des deux exposés. Si vous voulez bien les déposer auprès du greffier, nous nous assurerons que des copies sont faites et qu'elles sont distribuées.

Comme vous le savez, on me rappelle qu'il y a un vote de prévu ce matin. C'est la raison pour laquelle vous entendez la sonnerie. Si je ne m'abuse, c'est la sonnerie de 15 minutes.

Excusez-moi, je me suis trompé. C'est la sonnerie de la demi-heure. Mais le bureau du whip nous a fait savoir que l'on souhaite tenir le vote dès que possible.

Nous allons donc lever la séance, mais nous reviendrons tout de suite après le vote. Nous passerons à la période de questions et de réponses et nous commencerons selon l'ordre établi. Nos témoins vont pouvoir faire une pause et les députés auront aussi l'occasion de mettre de l'ordre dans leurs idées.

Merci beaucoup.

La séance est levée.

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PAUSE

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Le vice-président (M. Arseneault): Mesdames et messieurs, la séance reprend.

Messieurs les témoins, je vous remercie de votre patience. Comme vous le savez, nous nous attendions à ce qu'il y ait un vote mais en fait, il y a en a eu trois. Cela nous a quelque peu retardés.

Nous passons immédiatement à la période de questions et de réponses. Je demanderais à mes collègues d'être aussi directs que possible et aux témoins de répondre également sans détour.

[Français]

On va commencer par l'Opposition officielle. Monsieur Deshaies.

M. Deshaies (Abitibi): Merci, monsieur le vice-président; j'aimerais remercier les témoins d'aujourd'hui pour leurs présentations. Ils nous ont très bien montré par des tableaux de quelle façon peut se faire l'établissement des prix de l'essence au Canada.

Cela me semble maintenant tellement simple qu'on pourrrait dire que tout baigne dans l'huile. Mais disons que, pour le consommateur moyen, il y a parfois des images qui ne sont pas précises. Dans vos tableaux, tout semble bien structuré: pour le brut, pour le raffinage, pour les taxes, pour le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et la marge bénéficiaire pour le revendeur, les postes d'essence. Je ne suis pas encore convaincu. En procédant par petits blocs, on dirait que tout le monde a droit à un petit profit normal.

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Souvent, le brut et le raffinage constituent la plus grosse partie, avec le transport. Parfois, ce sont les mêmes propriétaires ensemble qui peuvent bénéficier d'une meilleure marge, parce qu'ils sont à plusieurs étapes du cheminement. Vu que je viens du monde des affaires et que j'y oeuvre depuis 20 ans, je crois que, normalement, ils veulent obtenir le plus de profit possible.

Je ne sais pas qui pourrait répondre à ma question. Peut-être M. Lermer ou les représentants de l'Institut canadien des produits du pétrole. Pour les consommateurs, on parle de fluctuation lorsqu'il y a une hausse des prix. La hausse est immédiate. Mais il y a un certain délai la plupart du temps. Le délai est toujours plus court pour la hausse que pour la diminution. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un processus plus transparent, sans ingérence du gouvernement, où les consommateurs n'auraient pas l'impression que, quand il y a des hausses, c'est immédiat? Quand il y a des baisses, ce n'est pas évident. Il faut parfois attendre plusieurs mois en raison, dit-on, des stocks qui doivent être diminués. C'est l'image inverse que voit le consommateur.

Est-ce que vous ne pensez pas que le processus pourrait être plus transparent afin que le consommateur, pour qui l'essence est un produit essentiel - on ne peut pas encore dire qu'on peut s'en passer - , croie que les prix sont vraiment un reflet normal de la réalité?

[Traduction]

M. Hawley: Pour ce qui est de la transparence des prix, le défi est de taille. C'est certainement un défi sur le plan de la communication. Comme je pense l'avoir démontré ce matin, les initiatives destinées à faire comprendre aux consommateurs le fonctionnement de l'industrie ont déjà fait l'objet d'une documentation abondante. Il est certain que cela nous a posé un défi. Il faut essayer de réduire à un message très clair et très simple le fonctionnement d'une industrie qui est hautement perfectionnée et complexe.

En ce qui concerne la relation entre le prix du pétrole brut et de l'essence, ce que l'on a souligné ce matin, c'est qu'il y a bel et bien un lien. Toutefois, en toute franchise, ce lien est peut-être plus ténu qu'on a pu le croire auparavant. Si le prix du pétrole brut augmente avec le temps, comme on a pu le voir récemment, cela aura certainement un effet sur le prix de l'essence à la pompe à un moment donné. Mais en réalité, ce que nous voulons souligner, c'est que le prix de l'essence à la pompe est plus directement influencé par le prix de l'essence en tant que matière première, c'est-à-dire le prix de gros de l'essence dans un marché local. C'est probablement le point le plus important à faire valoir.

Si l'on se place du point de vue de l'industrie... il est quelque peu frustrant de se trouver dans une situation où, par exemple, les médias essaient de faire un lien entre ce qui arrive au prix de l'essence à la pompe et la fluctuation du prix du pétrole brut que l'on peut constater le même jour, alors qu'en fait, le marché ne réagit pas aussi directement et aussi rapidement que cela.

M. Lermer: Je suis d'accord avec cette observation sur le lien entre un changement du prix du pétrole brut à une date donnée, ou la fluctuation de ce prix au cours de quelques jours, et ce qui arrive au prix de détail dans un marché donné. La plupart du temps, lorsqu'il y a une guerre des prix, c'est qu'une station-service ou un groupe de stations baissent un peu ces prix et que les autres font les ajustements nécessaires. Cela prend donc du temps et les prix ont tendance à baisser lentement, à moins que l'un des exploitants n'essaie d'agir de façon plus spectaculaire et de baisser encore davantage son prix. Éventuellement, tous les exploitants perdent de l'argent. Lorsqu'on en arrive à ce stade, en général, quelqu'un essaie de faire remonter le prix à son niveau initial ou plus haut, en espérant que d'autres suivront. C'est ce qui domine la fluctuation des prix dans la collectivité en question.

Donc, si l'on en arrive à un point dans la guerre des prix où l'on ne peut plus continuer sur la même lancée, où tout le monde perd de l'argent, et que quelqu'un décide de voir si l'on ne peut pas faire remonter les prix, la hausse n'aura aucun lien avec le prix du pétrole brut à New York ou à Rotterdam ce jour-là. Mais si l'on examine les fluctuations du prix du pétrole brut sur une période donnée, ainsi que les fluctuations du prix de divers produits pétroliers raffinés sur une période donnée, cela se reflète sur le prix de l'essence à la pompe après une période que l'on peut qualifier de raisonnable - d'après les études qui ont été effectuées, dans les deux mois au plus. Entre-temps, il peut y avoir des fluctuations et certains ajustements à la hausse ou à la baisse à cause des stocks, ou de la saison. Mais en général, les deux choses ne sont pas séparées avec, d'un côté, le prix du pétrole brut et de l'autre, le prix de l'essence, sans qu'il y ait un lien entre les deux; il y a un lien. C'est juste que ce lien ne se fait pas le même jour ni la même semaine.

.1145

[Français]

M. Deshaies: Il est une autre observation intéressante qu'on fait sur la différence de prix. On parle de quelques cents le litre et non pas de dizaines de cents le litre et de la rentabilité des postes d'essence. Dans les postes d'essence de la zone métropolitaine de Toronto, le volume peut être le double de celui de certains postes de Montréal.

[Traduction]

M. Lermer: Pardon?

[Français]

M. Deshaies: Je vais répéter pour vous. Vous avez dit qu'un des facteurs essentiels de la différence de prix de deux, trois ou quatre cents le litre venait de la concurrence possible de celui qui était plus rentable, de celui qui avait un volume supplémentaire. Il est évident que, dans la région métropolitaine de Toronto, le volume est peut-être le double de ce qu'il est dans certaines régions. Montréal a un volume inférieur, de même que Québec. Cela peut expliquer, selon vous, qu'il y a de meilleurs prix à Toronto que dans la région de Montréal, et ça peut être vrai dans d'autres régions comme Regina ou Winnipeg. Ces facteurs sont liés à l'importance de la population et aussi au peu de distance à parcourir. La densité de la population est plus élevée. On voit qu'il y a une grosse disparité entre les réseaux urbains. Donc, cela veut dire que les réseaux urbains peuvent bénéficier d'un meilleur taux à la pompe à cause du volume. Les zones rurales étant beaucoup plus éloignées, on se retrouve avec une plus grosse disparité.

Ma question portera plus précisément sur les consommateurs des régions rurales. Étant donné qu'aucune région rurale ne va réussir à atteindre le volume que Toronto, car même si c'était le seul poste d'essence dans le village ou dans la ville, il n'y aurait pas assez de clients pour faire la queue comme aux États-Unis, est-ce qu'il ne pourrait pas exister un mécanisme pour rationaliser le processus afin de donner un bénéfice raisonnable aux petits postes d'essence? Ce pourrait être un mécanisme de taxation. Je donne une idée au gouvernement.

[Traduction]

M. Lermer: Si cette question s'adresse à moi, je ne suis pas prêt à parler de politique fiscale. Je dirais qu'à mon avis, de nombreuses entreprises - je veux parler des raffineries - ont des politiques qui assurent un soutien au détaillant lorsque surgissent des difficultés ou, si les prix tombent trop bas, pour absorber certaines de leurs dépenses d'exploitation.

Dans une certaine mesure, je crois que les conditions économiques font disparaître la différence qui pourrait exister entre une station rurale et une station en milieu urbain. À la campagne, les terrains ainsi que les installations valent probablement moins cher, et les dépenses d'exploitation sont moins élevées. Il peut exister certains facteurs qui compensent un volume de vente moins important et de plus, dans une région rurale, il peut y avoir des occasions de faire du marketing jumelé. En règle générale, une station rurale effectue plus de réparations et assure plus d'entretien alors qu'en milieu urbain, la tendance est davantage au libre-service. Par conséquent, je dirais à première vue que les conditions économiques rééquilibrent les choses et donnent à l'exploitant la possibilité de s'en tirer.

Il reste que de nombreuses petites collectivités sont situées près des autoroutes et que bien des gens voyagent d'une ville à l'autre; le long de ces autoroutes, le prix de l'essence reflétera celui qui est pratiqué dans les centres urbains. Je crois que l'on a pu constater le même phénomène en ce qui concerne les épiceries et bien d'autres commerces, et que c'est une conséquence de l'urbanisation croissante du Canada.

.1150

M. Clapp: On a fait une observation - George a très bien résumé la situation - selon laquelle, dans les marchés ruraux, faire des affaires coûte beaucoup moins cher que dans les grandes régions métropolitaines. Par conséquent, les conditions économiques rééquilibrent bel et bien les choses et permettent aux intéressés de se réserver une marge de profit même si le volume de leurs ventes est moins élevé.

Nous avons également parlé auparavant des marchés qui se recoupent. Dans les communautés les plus importantes, il existe des regroupements entre les marchés. Cette situation peut également exister dans les régions rurales. La situation économique détermine aussi les prix dans les collectivités de moindre importance.

Je pense que le mécanisme existe. À mon avis, le marché fonctionne bien et les prix sont raisonnables du point de vue du consommateur comme du détaillant qui peut faire une marge de profit suffisante pour soutenir son exploitation.

M. Morrison (Swift Current - Maple Creek - Assiniboia): Avant de faire mes observations proprement dites, j'aimerais rapidement une précision. Un des témoins a indiqué que le profit réalisé par les sociétés pétrolières sur les ventes d'essence n'était que de 1c. par litre. Cela veut-il dire 1 c. par litre de pétrole brut? Est-ce à cela que l'on se référait?

M. Clapp: Permettez-moi de préciser. Le profit réalisé sur tous les produits est de 1c. par litre si l'on se fonde sur tous les produits du raffinage, ce qui inclut l'essence, l'essence diesel, l'huile de chauffage et le mazout brut.

M. Morrison: Donc, essentiellement, c'est sur un litre de pétrole brut utilisé?

M. Clapp: C'est sur un litre du produit qui en résulte.

M. Morrison: Très bien.

M. Clapp: C'est sur la production totale.

M. Morrison: Cela m'amène à la question qui me préoccupe le plus. Quelqu'un a employé le mot «oligopole». Au Canada, il existe un petit nombre d'entreprises à intégration verticale qui assurent le raffinage du pétrole et les ventes en gros. Dans toute entreprise à intégration verticale, il est possible de faire un profit à n'importe quelle étape, que ce soit au début du processus ou à la fin, c'est-à-dire au stade de la vente au détail.

J'aimerais savoir si, de l'avis de M. Lermer - mais vous pouvez tous intervenir si vous le souhaitez - on pourrait dire que ces entreprises à intégration verticale retirent la majeure partie de leurs revenus nets au stade de la production et n'en laissent que très peu à celui de la vente au détail. Après tout, au stade de la production, tous les profits leur sont acquis alors qu'au stade de la vente au détail, elles doivent les partager avec les détaillants, les grossistes, les exploitants indépendants, etc.

M. Lermer: Je crois que ce genre de question a pu être soulevé par le passé à propos de l'industrie pétrolière car elle a commencé à se développer avec, en aval, un nombre relativement réduit d'entreprises. Ce n'est que plus tard que les entreprises en amont se sont multipliées. Anthony Sampson et d'autres ont publié un certain nombre d'études qui s'adressent plus ou moins aux non-initiés et qui décrivent la croissance de l'industrie.

Toutefois, à l'heure actuelle, il y a de nombreuses sources d'approvisionnement. Les prix du pétrole brut dépendent en grande partie des politiques de l'OPEP. L'OPEP aurait la possibilité de faire baisser les prix encore plus bas qu'ils ne le sont actuellement.

Je pense ne pas me tromper en disant que toutes les grandes raffineries canadiennes achètent du pétrole brut. Elles ne produisent pas à 100 p. 100 ce qu'elles utilisent. Il faut qu'elles en achètent. De toute façon, elles pourraient mettre le pétrole brut sur le marché. C'est une matière première qu'elles pourraient vendre. Cela ne serait guère logique de le vendre à perte au Canada alors qu'il est possible de le vendre plus cher à Chicago, en Californie, ou quelque part ailleurs.

Je dirais donc qu'aujourd'hui, étant donné que le prix de l'essence est essentiellement déterminé par le prix de gros pratiqué à la frontière des États-Unis et que le marché est libre, le raffineur se trouve dans une situation qui est fort simple. Il accepte le prix qu'on veut bien lui donner. Il n'a aucun pouvoir là-dessus. C'est en fonction du meilleur profit qu'il va décider de vendre le pétrole brut qui est produit, de vendre en gros ou de vendre au détail. Je ne pense donc pas qu'il y ait une grande marge de manoeuvre permettant de cacher certains profits en les réalisant ailleurs.

.1155

M. Morrison: Cela nous amène à une dernière question. Vous nous avez parlé de la susceptibilité des prix de l'essence et du pétrole à ce qui se passe au sud de la frontière. J'aimerais vous parler d'un cas particulier que je connais assez bien et que je me propose d'ailleurs de soumettre à tous les gens assis ici autour de la table.

En Saskatchewan, nous n'avons qu'une raffinerie, celle de la «Federated Co-Operatives Limited». Elle vend une partie de sa production de l'autre côté de la frontière. Le transport se fait par camion, jusque dans les États du Nord des États-Unis.

D'après les renseignements dont je dispose, et vous pourrez me corriger si j'ai tort, il semble qu'il y ait en permanence une différence de 15 à 20c. le litre entre le prix à Regina et celui pratiqué dans les États du Nord des États-Unis. Autrement dit, les Américains viennent acheter des produits au Canada et ils les vendent moins cher que le prix auquel nous le produisons. Je ne peux que m'interroger à propos de l'influence de la proximité des États-Unis sur les prix.

Je me rends compte qu'une grande partie du prix est constituée par des impôts, parce que la Saskatchewan a le régime fiscal le plus vorace au Canada, ou du moins elle se place au deuxième rang sur ce plan. Je m'en rends compte et j'accepte le fait. Mais je ne crois pas que cela puisse expliquer le genre d'écart dont je parle. Y a-t-il quelqu'un ici qui connaisse quoi que ce soit à ce sujet? Pouvez-vous m'aider?

M. Clapp: Permettez-moi d'essayer de parler de cette question de façon tout à fait générale, parce que j'ignore les détails propres à votre marché. Dans ce cas, nous avons affaire à une raffinerie qui est en mesure d'écouler un produit sur plusieurs marchés différents. Elle profite de l'occasion qui lui est donnée d'écouler ses excédents de capacité sur les marchés se trouvant au sud de la frontière. On a affaire à un preneur de prix qui accepte ce que le marché va lui donner. La dynamique de ce marché est très différente de celle du marché de Regina. On se retrouve très certainement dans une situation où les prix sont décidés par ce qui se fait du côté du Golfe du Mexique et par les produits qu'on achemine jusqu'à Chicago. Donc, la dynamique du marché est différente là-bas.

Il semble que la raffinerie écoule son produit au sud de la frontière et qu'elle accepte les prix qu'on veut bien lui donner, autrement dit qu'elle est preneur de prix.

La même chose est vraie dans le cas de Regina. Il y a un marché dans cette région. Là aussi, la raffinerie est preneur de prix parce qu'elle accepte ce que le marché lui donne à cause de la concurrence qu'exercent les autres produits arrivant des raffineries d'Edmonton par pipeline. Comme je n'ai pas plus de détails, c'est à peu près tout ce que je peux vous dire, Lee.

M. Reed (Halton - Peel): Je pense que ma question va s'adresser à Mme Monaghan. À la fin des années 1970, l'Ontario a adopté une loi prévoyant la stabilisation du prix du pétrole pendant90 jours et empêchant la répercussion de toute augmentation sur les prix à la consommation pendant cette période. On était parti du principe qu'il fallait 90 jours pour écouler les stocks. Je ne sais pas comment vous appelez cela, c'est peut-être la méthode du premier entré dernier sorti.

J'aurais aimé savoir, tout d'abord, si cette loi est toujours en vigueur et, par ailleurs, si une loi identique a été adoptée par d'autres provinces.

Mme Monaghan: Il s'agissait en fait d'une loi fédérale rattachée à la réglementation sur les prix du brut. Comme à l'époque les prix du brut étaient fixés, dès qu'une augmentation était approuvée, les compagnies pétrolières devaient attendre 90 jours avant de les répercuter sur les prix à la pompe. Ainsi, quand le marché du brut a été déréglementé en juin 1985, cette exigence est tombée d'elle-même et les marchés ont commencé à réagir spontanément aux fluctuations des prix internationaux, brut et produits pétroliers.

M. Reed: Donc, si je comprends bien, à présent c'est la méthode du dernier entré premier sorti qui prévaut? Est-ce que cela...?

M. Clapp: Je peux répondre à cette question. Sur le plan fiscal, au Canada, nous fonctionnons selon le principe du premier entré premier sorti. Nous sommes un des rares pays à le faire. La plupart des autres pays appliquent la méthode PEPS, autrement dit dernier entré premier sorti. Les marchés internationaux, dont nous dépendons, fonctionnent selon le principe du dernier entré, premier sorti. Donc, les changements sont immédiatement perceptibles sur le marché, parce que c'est ce qui se produit dans le cas de tous les produits internationaux, qu'il s'agisse de brut ou de produits raffinés. À présent, certaines compagnies commencent à faire état d'autres résultats selon la méthode du dernier entré, premier sorti, pour tenir compte de cette réalité, parce que c'est ainsi que le marché fonctionne en fait.

Mais sur le plan fiscal, elles doivent s'en tenir à la méthode PEPS.

.1200

M. Reed: Cela revient-il à dire qu'il y a maintenant un décalage dans la répercussion de ces prix à la pompe ou que la chose se fait instantanément?

M. Clapp: Les prix en gros dépendent de plusieurs facteurs, par exemple des événements au Moyen-Orient. Même si le prix du brut augmente, la différence peut ne pas se répercuter instantanément à la consommation, selon l'importance des stocks et le niveau de la demande. En cas de bouleversement, les prix peuvent augmenter ou diminuer. Il y a donc des forces extérieures qui agissent sur les prix à la hausse ou à la baisse. De plus, le phénomène peut être instantané ou non.

Comme l'a dit George, sur une période de deux ou trois mois, on peut constater l'apparition d'une corrélation entre le prix du brut et, par exemple, le prix de l'essence, mais ce n'est pas toujours instantané. D'autres facteurs entrent en jeu sur le marché.

M. Reed: Je vais limiter mes questions, monsieur le président, à cause du peu de temps qu'il reste.

M. Lermer: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Même si la loi ne l'exigeait pas, ce qui s'est produit lors de la guerre du Golfe illustre bien ce dont vous voulez parler, parce que, pour une raison ou pour une autre, les raffineries canadiennes ont alors décidé de laisser s'écouler une certaine période, si bien que les prix au Canada ont augmenté moins vite qu'aux États-Unis. La chose est donc faisable, mais dès que la crise a été terminée et que les approvisionnements sont revenus à la normale, le prix américain a diminué beaucoup plus rapidement et les raffineurs canadiens ont été contraints d'ajuster immédiatement leurs prix à la baisse en fonction des prix américains.

Les raffineries ont donc subi des pertes quand les prix augmentaient et elles ont dû adapter immédiatement leurs prix quand le marché était à la baisse. J'en conclus donc que ce genre d'amortissement des effets sur les Canadiens, amortissement de nature politique et administrative, n'est pas vraiment réalisable de nos jours.

M. Reed: Il y a un an et demi, on prévoyait que le prix du brut demeurerait inférieur à 15$ U.S. Trois jours après que notre comité eut pris connaissance de cet avis autorisé, le prix a commencé à monter. Le brut du Texas de l'Ouest est passé à plus de 20$ le baril il y a quelques semaines. Il est redescendu un peu depuis, puis il a remonté de quelques cents hier, je crois, ce qui m'amène à me demander si, quand vous faites des prévisions relativement au prix du brut, votre démarche est assez précise ou si elle est purement spéculative.

Si je vous dis cela, c'est qu'à l'occasion, on nous demande de prendre des décisions ou on nous soumet des situations fondées sur des prévisions qui semblent s'avérer fausses. Face à l'industrialisation actuelle de la Chine et de l'Inde, et à l'augmentation considérable de la consommation d'énergie qui se produit dans ces anciens pays du Tiers monde, dans quel sens les prix du brut vont-ils évoluer, selon vous? Ma question ne s'adresse à personne en particulier.

M. Clapp: Je ne vais pas me livrer à une prévision, parce que nous ne sommes probablement pas les mieux placés pour cela. J'ai toujours constaté que si vous voulez obtenir une prévision concernant les prix du brut, vous ne devez pas vous tourner vers quelqu'un de l'industrie parce qu'il est certain qu'il se trompera.

Quand on se livre à une prévision, on cherche en fait à établir une fourchette dans laquelle on pense que les prix vont évoluer et l'essentiel est de comprendre alors quels événements infléchiront sur les prix à la hausse ou la baisse.

Dans ce que vous venez de dire, vous avez simplement réitéré ce que nous affirmions plus tôt, à savoir que le prix du brut est décidé sur les marchés internationaux, et pas au Canada. Le prix ne dépend pas uniquement d'éléments purement techniques. Il y a des éléments d'ordre politique et ils sont sans doute plus importants, dans bien des cas, que les éléments techniques.

Pour ce qui est des prévisions, je vais me tourner vers George. La plupart des gens estiment que les prix demeureront à peu près ce qu'ils sont, mais je ne me risquerai à aucune spéculation.

M. Lermer: C'est très aimable à Bob de me laisser la parole, mais je dois préciser que c'est lui qui a organisé la conférence à laquelle j'ai participé sur ce même sujet, il y a quelques semaines de cela à Toronto et que, par conséquent, c'est certainement moi qui ai le moins de choses à dire autour de cette table.

Les prévisions concernant l'offre et la demande diffèrent sensiblement, même pour le Canada, et l'on ne parle même pas ici du prix du marché mondial. Bien des gens penchent pour une stabilité relative des prix, mais il est évident que ce qui se produit dans l'ex-Union soviétique - en ce qui concerne leur approvisionnement qui est aligné sur l'énergie - , de même que les investissements que pourraient effectuer les pays de l'OPEC, ou encore l'alignement éventuel de l'Iran ou de l'Iraq, pourraient avoir une incidence marquée sur l'offre et il est impossible de savoir si tout cela va effectivement se produire ni quand cela va se produire. Donc, c'est un exercice dangereux.

.1205

Selon moi, ceux qui prévoient des hausses de prix considérables dans l'avenir se leurrent. Même si une telle chose devait se produire, elle serait sans doute temporaire. À l'heure actuelle, l'offre semble abondante. Vous avez fait remarquer que la demande augmentait dans l'Asie du Sud-Est et c'est en fait ce qui permet aux prix de se maintenir. L'économie de l'Amérique du Nord est prospère en ce moment, mais si une autre récession se produit, la demande baissera et les prix recommenceront à descendre. Il est donc impossible de prévoir à coup sûr ce qui arrivera.

M. Solomon (Regina - Lumsden): J'ai un certain nombre de questions à poser, mais je vais commencer par celles qui sont de nature administrative.

D'où provient le financement de l'Institut canadien des produits du pétrole?

M. Clapp: Nous sommes financés par les sociétés qui sont membres de l'Institut, par l'industrie pétrolière.

M. Solomon: Monsieur Lermer, vous êtes professeur à l'Université de Lethbridge en Alberta?

M. Lermer: C'est exact.

M. Solomon: Est-ce qu'en plus de votre enseignement, vous acceptez des contrats d'une industrie ou d'une société en particulier, ou encore d'un certain nombre de compagnies?

M. Lermer: Oui. Une bonne partie des travaux que j'effectue sont pour le compte du Bureau de la politique de concurrence; certains contrats sont avec Industrie Canada, et j'ai aussi travaillé pour l'entreprise privée.

M. Solomon: Dans l'industrie pétrolière?

M. Lermer: Oui.

M. Solomon: Merci.

Je vais donc m'intéresser d'abord aux informations qui nous ont été présentées.Mme Monaghan nous a distribué des diagrammes. Je remarque que celui sur les prix de l'essence au détail dans le monde entier établit une comparaison entre le Canada, les États-Unis, l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne et le Japon. Madame Monaghan, parmi ces pays qui figurent dans le diagramme en bâtons - exception faite du Canada - lesquels sont des producteurs et des exportateurs nets de pétrole?

Mme Monaghan: Le Canada est le seul.

M. Solomon: Si je pose la question, c'est parce que l'on reçoit énormément de renseignements de l'industrie pétrolière et même du gouvernement, mais jamais il n'y a de prix comparés pour les pays producteurs de pétrole ou pour les exportateurs nets.

Ainsi, je crois que le comité devrait avoir une étude comparée des coûts et des prix des pays comme le Mexique, l'Argentine... certains des pays de l'OPEP qui sont des producteurs et des exportateurs nets. On pourrait présenter ces données sous forme d'un diagramme en bâtons avec celles du Canada et des États-Unis. Si un tel diagramme existait, madame Monaghan, que pourrait-on y voir, de manière générale?

Mme Monaghan: Je ne saurais vous le dire parce que je ne possède pas ces renseignements.

M. Solomon: Le gouvernement du Canada connaît-il ces informations?

Mme Monaghan: Je n'en suis pas certaine. Nous obtenons ces renseignements de l'Agence internationale de l'énergie qui, pour des raisons évidentes, s'intéresse uniquement aux pays qui en sont membres, mais je peux certes me renseigner et vous transmettre le résultat de mes recherches.

M. Solomon: Je serais très heureux d'avoir des renseignements sur ces prix. J'ai déjà eu quelques données et l'analyse que j'en ai faite montre clairement que la population des pays exportateurs nets paie bien moins cher que les Canadiens. Des renseignements précis à ce sujet seraient très utiles à notre comité.

Madame Monaghan, vous nous avez aussi donné un graphique indiquant une tendance à la baisse de la moyenne canadienne des prix de l'essence ordinaire. Ce qui manque, c'est un tableau comparatif du cours à terme du «West Texas Intermediate» pendant la même période, en fait depuis 1988 ou 1989. Malheureusement, je n'ai pas ces renseignements à portée de la main. Ils m'ont été fournis par le ministère de l'Énergie de la Saskatchewan qui suit tout cela parce que c'est une province productrice, comme le savent les témoins. Ces comparaisons indiquent très nettement qu'en 1988, le prix moyen du brut était à peine inférieur à 16$ le baril. En 1989, il était d'environ 19,58$ le baril, en moyenne.

En 1989, le prix de l'essence à la pompe au Canada était de 41c. le litres. Le prix moyen du baril en 1994 était d'un peu moins de 19,50$ alors que, dans bien des marchés, les prix à la pompe sont passés de 41c. le litre à 61,5c. Je serais curieux de savoir à quoi ressemblerait ce graphique si l'on comparait les prix de 1989 à ceux de 1994-1995, une fois les taxes déduites, et pourquoi je reçois toutes sortes d'explications différentes pour justifier la hausse des prix.

.1210

Ma question s'adresse à Mme Monaghan ou à n'importe lequel des témoins qui sont ici ce matin.

M. Clapp: Monsieur Solomon, je n'ai pas avec moi les données qui me permettraient de vous répondre. Je propose de faire les recherches et de vous faire parvenir une réponse plus tard. Je préfère vous donner une réponse bien étayée plutôt que tenter de deviner.

Maureen, je ne sais pas si vous avez les données nécessaires.

Mme Monaghan: Non, je ne les ai pas.

M. Clapp: Si vous voulez obtenir ces renseignements, nous vous les ferons parvenir.

M. Solomon: Je vous en serais reconnaissant.

Dans vos exposés devant le comité, vous avez dit que le prix de l'essence à la pompe avait diminué et que les consommateurs en étaient fort heureux. Je reviendrai aux questions de consommation tout à l'heure.

Pourtant, d'après les données sur le cours à terme du West Texas Intermediate à la fermeture du mois d'échéance, le prix du brut en 1989 était en réalité plus bas qu'en 1994, alors que les prix de l'essence sont beaucoup plus élevés même en faisant abstraction des hausses de taxes. Je réfute donc les renseignements que vous nous avez fournis. J'apprécierais vraiment beaucoup que vous nous trouviez ces informations.

M. Hawley: Si vous permettez, j'aurais quelque chose à ajouter. Nous avons tenté de démontrer que plusieurs facteurs agissent sur le prix au détail dans un marché donné. C'est évident que les prix du pétrole brut et leur fluctuation influent sur ceux de l'essence puisque celle-ci est fabriquée à partir du brut. Mais au bout du compte, les forces du marché ont souvent une influence plus grande que le prix du brut.

Je pense qu'en discutant d'un tel sujet, il faut absolument éviter d'établir une corrélation entre les prix du brut et les prix de l'essence dans un marché donné. Il faut plutôt examiner ce marché et déterminer ce qui s'y passe à cause d'autres facteurs tels qu'une rationalisation des stations-service, la courbe de la demande, le régime fiscal municipal, le coût de l'immobilier, etc. Il y a donc tout un éventail de facteurs dont il faut tenir compte dans l'analyse.

M. Solomon: Vous voulez dire que c'est une question vraiment très complexe nécessitant une étude approfondie des répercussions et des coûts, ainsi que de ce qui détermine réellement le prix de l'essence.

M. Hawley: En fait, pour notre part, cela signifie plutôt que nous ne pouvons pas nous prononcer sur un marché en particulier. Nous avons tenté de vous expliquer des considérations générales. Néanmoins, nous pouvons certainement vous fournir les renseignements que vous désirez et nous le ferons avec plaisir.

M. Solomon: J'en suis fort aise. Merci.

M. Lermer: Monsieur Solomon, à ce sujet, j'ai remis certains tableaux au greffier. La figure 4 indique les prix de détail au Canada, hormis les taxes. Je suppose que cela dépend un peu de la façon dont on fait la moyenne sur l'année, parce qu'à la fin de 1989, il y a eu une hausse soudaine du prix sans les taxes au Canada et cette hausse s'est maintenue au début de 1990 et même jusqu'en 1991. C'était au moment de la crise au Moyen-Orient.

Auparavant, les prix étaient un peu inférieurs. Il est certain qu'en 1988, les prix étaient plus bas que ce qu'ils sont depuis quelque temps. C'est à peine visible; la ligne est presque droite. Je crois que vous auriez intérêt à examiner certains de ces graphiques, mais peut-être pas tout de suite... J'en ai d'autres que je vais vous laisser puisque vous avez soulevé cette question. Ils remontent jusqu'en 1986.

Il faut être très prudent avec les données qui représentent des moyennes annuelles parce qu'il survient de temps en temps de petites crises qui font augmenter la moyenne tout d'un coup. Cela n'a généralement rien à voir avec le prix du brut. Il peut aussi y avoir un décalage d'un mois ou deux qui fausse les moyennes. Mais on peut dire que, abstraction faite des données coïncidant avec la crise du Koweït, les prix ont été assez constants pendant toute cette période.

M. Solomon: Merci.

Monsieur Lermer, je crois que vous obtenez vos renseignements de l'Agence de surveillance du secteur pétrolier, n'est-ce pas?

M. Lermer: J'utilise les données que publie l'agence sur la rentabilité et la ventilation du total après la production. L'agence est la seule à faire cette ventilation soigneusement et à s'assurer que chacune des sociétés respecte le même format de présentation. Autrement, on aurait énormément de mal à extraire ces renseignements des rapports annuels et des autres sources publiques.

M. Solomon: Comme l'agence doit fermer en décembre prochain, quel effet cela aura-t-il non seulement sur vous-même, mais sur tous les Canadiens qui reçoivent ces renseignements d'un organisme de réglementation neutre?

.1215

M. Lermer: Comme je suis assez préoccupé par les déficits budgétaires de l'Alberta, je ne veux pas me montrer égoïste. Ce sont néanmoins des renseignements fort utiles pour moi lorsqu'on m'interroge au sujet de la rentabilité de la l'industrie pétrolière en aval. C'est la seule source de données dont je dispose.

Il serait extrêmement difficile pour moi de déchiffrer ou de tirer ces renseignements des divers rapports annuels. Or, la plupart de mes clients n'ont aucun intérêt à me financer pour que je fasse une telle étude et je n'ai pas le temps de le faire de mon propre chef.

Ces informations vont me manquer, mais je suis certain de découvrir d'autres moyens de les obtenir. Peut-être qu'une entreprise privée décidera de s'en charger de son mieux, mais elle aura du mal à faire la collecte des données.

M. Hawley: Notre association fait écho à votre observation. L'agence fait vraiment un excellent travail. C'est un tiers qui a acquis énormément de crédibilité et une expertise dans le domaine de l'interprétation analytique des données. Nous avons toujours encouragé l'utilisation de ces données et, comme elles sont particulièrement complètes, vous savez que presque tout notre rapport cadre sur la compétitivité de notre secteur se fonde sur elles.

M. Clapp: Une dernière remarque, si vous permettez, sur cette question. Nous sommes sur le point d'entreprendre des discussions avec Ressources naturelles Canada pour savoir quelles données le ministère rassemble et ce qu'il a recueilli à deux endroits. Je crois qu'il serait possible de tout regrouper au même endroit et d'obtenir ainsi les informations dont les gens ont besoin. Ce pourrait être un débouché pour une entreprise privée à moins que Ressources naturelles Canada ne se charge lui-même de vendre ces renseignements. Nous cherchons donc des moyens pour continuer à obtenir les informations utiles. L'important, c'est d'établir ce dont les gens ont besoin et ce qu'ils trouvent particulièrement utile.

M. Solomon: Monsieur le président, en toute déférence...

Le vice-président (M. Arseneault): Monsieur Solomon, en avez-vous encore pour longtemps?

M. Solomon: J'ai encore deux ou trois questions.

Le vice-président (M. Arseneault): Il ne reste plus beaucoup de temps et un autre député a demandé la parole.

M. Solomon: J'ai deux questions très importantes à poser, si vous le permettez, monsieur le président. La première concerne mon collègue, M. Nelson Riis, député de Kamloops, qui veut savoir ce qui se passe là-bas. Je veux aussi savoir ce qui se passe dans le marché de Regina ou de la Saskatchewan, la région que je représente.

Vous avez beau dire que les consommateurs sont très satisfaits des prix actuels, j'ai reçu des centaines de commentaires d'électeurs mécontents de la manière dont sont fixés les prix de l'essence.

Comment expliquez-vous la situation dans un marché comme Kamloops et Regina? À Kamloops, il y a environ 75 000 habitants et à Regina, 187 000. Selon vous, comment l'industrie peut-elle justifier une hausse du prix de l'essence dans toutes les stations-service en même temps, à un dixième de cent près, en l'espace d'une heure? Vous êtes certain que c'est un marché concurrentiel, comme vous l'avez affirmé?

Comment expliquer aux consommateurs que c'est dans leur intérêt qu'il en soit ainsi et qu'en fait, ils font une très bonne affaire alors que tous les postes d'essence - la plupart d'entre eux contrôlés par des sociétés à intégration verticale - fixent leurs prix au dixième de cent près presque au même moment, et généralement à la hausse plutôt qu'à la baisse?

M. Hawley: Est-ce que je peux répondre? Dans nos remarques préliminaires, nous avons évidemment signalé la très grande frustration des consommateurs devant la hausse des prix.

Nous sommes très contents d'avoir été invités à vous entretenir de la question et si nous avons accepté de venir le faire, c'est dans l'espoir de fournir certains renseignements permettant d'expliquer la dynamique du marché.

Nous avons exposé la situation dans les zones urbaines où les gens font habituellement leurs courses dans un rayon de deux kilomètres autour de leur résidence et où il existe toute une série de marchés concentriques qui se chevauchent. Cela signifie que toute modification des prix - à la hausse ou à la baisse - se répercute sur le micro-marché voisin. Par conséquent, la modification des prix est signalée par l'affichage très visible du prix à chaque station-service. Les prix sont modifiés assez rapidement parce que la plupart des consommateurs ne surveillent pas d'heure en heure le prix de l'essence. Ce que les consommateurs constatent, c'est que le prix a changé depuis la dernière fois qu'ils sont allés à la station-service ou que le prix affiché à la station devant laquelle ils sont passés le matin pour se rendre au travail n'est plus le même à leur retour l'après-midi.

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Le phénomène des marchés concentrés qui se chevauchent explique la rapidité relative avec laquelle les prix changent.

Quant aux prix presque identiques, nous avons aussi discuté de toute la question des prix qui sont presque au niveau du gros, des frais fixes élevés des détaillants et du déficit de caisse de certaines stations. Pour des raisons commerciales évidentes, certains tentent d'augmenter les prix pour que leur commerce soit viable et rentable.

Leurs concurrents, comme nous l'avons aussi signalé, sont motivés par des facteurs différents: une vaste gamme de produits vendus peut-être en fonction du volume, etc. Donc, certains vont adopter le même prix, d'autres pas.

M. Lermer: Je viens de Lethbridge, une ville un peu plus petite que Kamloops, et même si cela n'a rien de scientifique, je vous assure que quand les prix baissent et qu'il y a une guerre des prix, mon jeune fils me téléphone pour m'avertir de me précipiter du côté nord où les prix sont très bas.

Les nouvelles font vite le tour d'une petite ville. Il y a même beaucoup de camions qui ont deux réservoirs d'essence. Quand une guerre des prix féroce fait rage, les gens en profitent rapidement. Moi, je ne me déplace pas. Mon fils m'appelle, mais je ne vais pas me rendre jusqu'à l'autre bout de la ville pour épargner 3c. le litre alors que mon réservoir ne contient que 40 litres.

Mais d'autres le font et tout se sait très rapidement. La nouvelle circule en un rien de temps et donc, les prix baissent partout presque en même temps puisque le produit est presque identique partout. On ne peut pas faire autrement.

Une hausse marquée du prix reflète une réaction à la situation. Quand les prix baissent, chacun essaie de damer le pion à l'autre. Dans le milieu, on appelle cela un modèle de courbe de demande anormale. Lorsque les prix sont à la hausse, ce n'est pas un avantage d'être juste au-dessus de son concurrent. C'est la pire situation. C'est le signal qu'on ne peut plus continuer à vendre de l'essence en-dessous du prix coûtant.

Dans certains cas, il peut être avantageux de remplir un camion-citerne à la pompe pour alimenter une autre station lorsque les prix sont inférieurs au prix coûtant.

J'espère avoir répondu un peu à votre question.

M. Solomon: Cela n'explique pas comment les prix peuvent augmenter presque simultanément dans une ville de 180 000 ou de 75 000 habitants. Lorsqu'il arrive très rarement que les prix de l'essence tombent... c'est ainsi que vous présentez les choses, mais cela ne s'est produit qu'une fois ou deux, à ma connaissance, à Regina. Je ne suis pas certain que cela soit arrivé à Kamloops.

Voici maintenant mon autre question. Vous avez dit dans votre exposé que la concurrence était extrêmement serrée et que, grâce à cela, les prix restaient bas au Canada. Cette concurrence est due en partie aux accords de libre-échange et à l'ouverture du marché entre les États-Unis et le Canada puisqu'il est possible d'acheter de l'essence importée des États-Unis.

Ma question a deux volets. Le premier, quelle est la quantité de gaz importée des États-Unis dans l'Ouest du Canada? Le second, comme il y a eu six hausses de prix depuis 12 mois seulement à Regina - et comme la ville se situe à 60 milles à peine de la frontière américaine - la compétition a-t-elle entraîné cette hausse de prix? Y a-t-il une autre explication à ces six hausses de prix consécutives qui représentent une hausse de 20 p. 100 pour les consommateurs une fois la taxe de 1,5c. le litre soustraite?

M. Lermer: Je ne connais pas très bien le marché de Regina. C'est vrai que, dans les Prairies, les liens avec les États-Unis sont moins étroits que dans d'autres régions du Canada. Par contre, les principales raffineries de l'Ouest du Canada sont concentrées à Edmonton et, depuis quelques mois, la capacité excédentaire y est moindre parce qu'elles ont expédié une partie de leur produit à Vancouver.

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C'est étonnant, mais la corrélation est maintenant plus étroite entre les prix dans les Prairies et les prix sur le marché de gros de Seattle parce que les raffineries étaient intéressées à vendre moins à Vancouver et plus dans les Prairies du fait qu'elles gagnent davantage que quand elles doivent concurrencer le prix de Seattle à Vancouver.

Dans l'ensemble, la capacité excédentaire était considérable tant dans les raffineries que dans les stations-service à cause de toutes les constructions entreprises en pensant que la croissance du marché se poursuivrait tout au long des années quatre-vingt, ce qui ne s'est pas produit.

Il en résulte une capacité excédentaire à tous les niveaux. Il se peut que cela ait exercé une pression sur les prix à certains endroits. Je sais qu'à Edmonton et à Calgary, il y a des guerres de prix persistantes qu'on n'a pas les moyens de faire.

M. Solomon: Étant donné la production et l'inventaire excédentaires, pourquoi les prix augmenteraient-ils en Saskatchewan?

M. Lermer: Le système s'est débarrassé de ces excédents. C'est ce que je prétends. En ce moment, à Edmonton, la capacité de raffinage est moins sous-utilisée qu'avant.

M. Solomon: Si les raffineries fonctionnent presque à plein rendement, cela signifie une hausse des profits. Les marges de profit sont sûrement supérieures puisque le coût du capital est resté le même alors que la production a augmenté. Quand on fonctionne à 85 p. 100 de sa capacité et qu'on passe à 95 p. 100, cela ne coûte pas plus cher en main-d'oeuvre et en investissement. Ils traitent une plus grande quantité de matière première.

Si l'Ouest du Canada est un producteur et un exportateur net de pétrole brut, cela n'explique pas pourquoi nous avons subi six augmentations en une année. Je ne trouve pas d'explication.

M. Lermer: Rapidement, le marché est moins étendu qu'avant, ce qui ne nuit pas à l'augmentation des prix. Évidemment, il y a un revers à la médaille. Si la capacité excédentaire est considérable, des pressions s'exerceront sur les prix.

M. Solomon: Pourquoi les prix pratiqués en Saskatchewan seraient-ils les plus élevés au Canada? Voilà ce que je ne comprends pas. Le prix est de 61,5c. le litre à Regina et....

M. Lermer: Comme je n'ai pas étudié le marché de la Saskatchewan, je vais céder la parole à mes collègues, mais je serais étonné que le prix sans taxe à Regina.... C'est facile de vérifier parce que cela apparaît dans le rapport par ville. Nous pouvons nous pencher rapidement sur la question.

M. Clapp: Permettez-moi de mentionner deux autres facteurs. Chaque fois que le prix augmente, c'est parce qu'il a baissé à un moment donné. Ce sont donc les cycles de prix dont Brendan a parlé. Cela se produit régulièrement. Personne ne remarque que les prix baissent parce que la diminution a tendance à se faire lentement sur une certaine période. Le prix remonte tout d'un coup puis redescend tranquillement. C'est ainsi que les choses se passent.

Il y a deux autres facteurs qui ont un effet en Saskatchewan. Cette année, il y a eu une hausse de taxe de 1,6c. le litre. Le prix du brut a augmenté d'environ 25 p. 100 depuis le début de l'année à l'échelle internationale. Voilà deux facteurs qui ont certainement influé sur les prix.

M. Solomon: Le prix cette année est presque le même que celui d'il y a sept ans.

Le vice-président (M. Arseneault): Monsieur Solomon, à l'ordre, s'il vous plaît. Cessez d'interrompre le témoin. Il nous reste peu de temps et M. Loney veut poser une question. Vous avez déjà dépassé le temps qui vous était alloué. Vous avez la parole depuis 25 minutes alors que tous les autres députés n'ont eu droit qu'à 10 minutes chacun.

M. Solomon: Je n'ai pas d'autres questions.

Le vice-président (M. Arseneault): Monsieur Loney, c'est à vous.

M. Loney (Edmonton-Nord): Monsieur le président, il en a été vaguement question, mais je voudrais demander aux témoins si, selon eux, la taxe sur l'essence est trop élevée.

M. Hawley: Quel que soit le produit, on arrive éventuellement à un point de saturation au-delà duquel la taxe sur un produit donné devient trop élevée. Le gouvernement de l'Ontario sait pertinemment que des fraudeurs évitent de payer la taxe sur le carburant. Il en a été question dans les journaux et c'est un problème qui nous préoccupe.

Nous avons pris des mesures et nous avons coopéré avec le gouvernement de l'Ontario dans le but de régler le problème. En deux mots, il arrive que des wagons-citernes qui sont censés être à destination des États-Unis pour y vendre leur contenu ne traversent en fait jamais la frontière. Cette essence est vendue hors taxes. C'est ainsi que le contenu de certains wagons-citernes se retrouve sur le marché ontarien où il est vendu sans taxes.

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Cela signifie donc que l'écart entre le produit taxé et le produit sans taxes est assez grand pour inciter certaines gens à la fraude. Pour tenter de restreindre ce marché noir, nous coopérons avec le gouvernement provincial et les corps policiers compétents en facilitant leur recherche.

M. Clapp: Pourtant, dans cette étude cadre que vous avez en main, le sujet y est abordé; on y indique qu'il n'y a pas de preuve, mais que certains indices, dont Brendan vient de parler, vous amènent à vous interroger. Il y aura une étude de suivi sur la charge fiscale afin de déterminer les considérations qu'il faudrait prendre en compte.

M. Lermer: En fait, c'est une question d'éthique et de bien-être qui pose des problèmes environnementaux, etc. Ce n'est pas vraiment un problème de nature économique, ce qui est ma spécialité. Je crois néanomoins qu'il est problématique d'imposer des taxes qui nous donnent des prix pas du tout comparables à ceux pratiqués dans les États américains frontaliers. En ce moment, à Lethbridge, le commerce au détail fait fortune parce que les Américains viennent en masse acheter chez nous plutôt que le contraire. Nous préférons que les choses se passent ainsi.

M. Clapp: Nous sommes évidemment contre toute augmentation des taxes sur nos produits. Il y en a bien assez comme cela.

M. Rideout (Moncton): J'ai une toute petite question. Pour que le marché soit concurrentiel, il faut évidemment que certaines des stations-service indépendantes soient financées d'une façon ou d'une autre, sinon le marché serait trop vulnérable, surtout si les raffineries s'occupent elles-mêmes de la vente au détail.

Dans ma région, il y a eu un certain nombre de guerres des prix qui ont été avantageuses pour les consommateurs. Ce sont les stations-service indépendantes qui ont ouvert le bal. Quel mécanisme faudrait-il mettre en place pour s'assurer que ces stations-service indépendantes et privées survivent? Manifestement, elles sont censées acheter leurs produits de la raffinerie qui dessert leur région.

M. Clapp: D'après nos études, il existe plusieurs sources d'approvisionnement à part la raffinerie locale. Le prix de gros auquel les indépendants achètent l'essence varie selon l'offre intérieure. Mais il y a aussi les produits importés.

Que faut-il faire pour aider les indépendants? Très franchement, je crois que nous n'avons pas à faire quoi que ce soit. Certains d'entre eux se débrouillent extrêmement bien quand ce sont de bons commerçants.

Les règles sont les mêmes pour tous. Les indépendants ont l'embarras du choix. Le plafond international imposé au marché intérieur leur donne le choix entre tout un éventail de prix différents.

M. Rideout: Le choix n'est peut-être pas aussi varié dans les provinces de l'Atlantique qu'en Ontario ou même dans l'Ouest puisque nous n'avons qu'une seule raffinerie. Il n'y a presque pas d'importation.

M. Clapp: Oui, mais la dynamique du marché agit sur le prix de gros. Il y a toujours un risque d'importation. Il serait possible d'importer de l'essence dans l'Est du Canada, et cela se fait. Les produits importés arrivent à Québec, je le sais. Leur effet sur les prix se répercute jusque dans les provinces Maritimes. Scotia Fuels vient de démarrer et ses affaires vont très bien.

Pour le marché, l'important, ce n'est pas qu'on achète des produits importés, mais qu'on puisse le faire.

M. Solomon: Pourriez-vous nous dire combien de litres d'essence peuvent être produits avec un baril de pétrole brut et quels sont les autres produits de la transformation d'un baril de brut?

J'ai fait quelques recherches et je crois qu'on peut fabriquer 6 000 produits différents.

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Ce que je voudrais savoir - et le comité aussi, sans doute - ce n'est pas seulement le nombre de litres d'essence que l'on peut tirer d'un baril de brut, mais ce que fait la raffinerie des résidus ou de ce qui n'entre pas dans la fabrication de l'essence? Avez-vous des pourcentages au baril?

M. Clapp: Je vais risquer une réponse. Je vais vous donner un cours d'introduction au raffinage qui pourrait durer tout l'après-midi. Il y a plusieurs façons de procéder. Je peux vous faire un exposé simplifié ou alors nous pouvons nous rencontrer en privé et je vous explique tout dans le détail.

En moyenne, il y a environ 40 p. 100 d'essence dans un baril de brut. On peut aussi en faire des carburants aviation ou du carburant diesel pour le transport routier ou à d'autres fins. Je parle du haut du baril pour aller vers le fond où le pétrole est de plus en plus lourd.

La plupart des raffineries au Canada ne veulent pas faire de fuel lourd parce que souvent, son prix est inférieur au brut.

Ce sont les marchés internationaux qui mènent, alors on investit dans des usines de transformation et ce n'est pas dans le but de faire des distillats de tête.

Certains font néanmoins un peu de fuel lourd. Certaines raffineries produisent de l'asphalte et quelques-unes encore des lubrifiants.

La gamme des produits d'une raffinerie dépend généralement du marché desservi, de la demande, et pour une large part, de la configuration du matériel à l'intérieur de la raffinerie.

Cela peut dépendre de la vitesse à laquelle on peut battre une molécule d'hydrocarbure et de ce qu'on peut en faire. Certaines raffineries battent littéralement la molécule pour la séparer et la reformer plusieurs fois de suite afin de fabriquer un produit que le marché demande. D'autres procédés sont fort simples.

M. Solomon: Alors, combien de litres d'essence peut-on tirer d'un baril de brut?

M. Clapp: Il faudrait que je fasse des calculs.

M. Solomon: Mais en gros, 130, 180, 200 litres?

M. Clapp: Est-ce que quelqu'un le sait? Je n'ai pas de chiffres à portée de la main.

M. Lermer: Environ 20 gallons.

M. Clapp: Donc, un baril de brut donne de 80 à 90 litres, en gros.

Le vice-président (M. Arseneault): Ces renseignements pourraient être remis au greffier et distribués à tous les membres du comité.

M. Clapp: Certainement. Dans l'étude cadre sur la compétitivité, il y a des documents là-dessus. Nous vous les ferons parvenir.

M. Lermer: Il n'y a pas deux raffineries identiques. Chaque usine a des installations bien particulières. De plus, la production varie selon l'époque. Si nous ne vous donnons pas de réponse précise, ce n'est pas par mauvaise volonté.

Pour en revenir à votre question précédente qui allait dans le même sens, les produits lourds au Canada ont été remplacés par le gaz naturel. C'est pourquoi on ne fait plus autant de fuel lourd qu'avant.

La seule région au Canada où la demande pour le fuel lourd est élevé, c'est dans les Maritimes qui s'en servent pour produire de l'électricité. C'est pourquoi les raffineries produisent énormément de lourd dans l'Est. Les Maritimes en importent même. De plus, les raffineries là-bas sont conçues de manière à produire de l'essence et d'autres produits exportés vers les États-Unis.

Vous avez dit, si je ne m'abuse, que le Canada était un pays exportateur. Nous sommes un pays producteur, mais nous importons habituellement l'essence. Il nous arrive aussi d'en vendre. Nous avons une certaine marge.

Si le Canada augmentait sa capacité de raffinage et donc sa production, il serait obligé de se chercher des débouchés aux États-Unis. On pourrait alors être considéré comme un pays exportateur et les prix devraient baisser un peu. Je ne suis pas en train de vous prédire que cela se produira parce qu'il ne serait pas rentable de faire de tels investissements au Canada plutôt qu'aux États-Unis.

Je vous dis cela parce que vous posez l'hypothèse que le Canada est un pays exportateur de produits énergétiques. C'est vrai, mais nous devons plutôt être considéré comme un pays importateur ou, au mieux, comme un pays qui exporte autant qu'il importe, du moins pour l'essence dans la plupart des régions.

Le vice-président (M. Arseneault): Au nom de mes collègues, je veux remercier les témoins des précieux renseignements qu'ils nous ont fournis.

Si vous avez d'autres documents ou d'autres commentaires que vous désirez transmettre au comité, n'hésitez pas à les faire parvenir au greffier. Nous nous chargerons de les distribuer. Merci beaucoup.

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M. Clapp: Nous vous remercions de nous avoir invités à venir vous faire part de notre opinion sur ce sujet qui nous tient beaucoup à coeur.

M. Hawley: J'ajouterais que si vous avez d'autres questions à nous poser, n'hésitez pas à téléphoner à notre bureau.

Le vice-président (M. Arseneault): La séance est levée.

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