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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 novembre 1995

.0935

[Traduction]

Le président: Commençons tout de suite.

Bonjour, madame Baird.

Mme Barbara Baird (témoignage à titre personnel): Bonjour.

Le président: Nous poursuivons ce matin l'étude du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce (garde d'un enfant ou accès auprès d'un enfant par un des grands-parents). Notre témoin d'aujourd'hui est Mme Barbara Baird, qui est avocate à Fredericton.

Nous vous remercions beaucoup, madame Baird, d'être ici aujourd'hui. Veuillez commencer le témoignage que vous désirez présenter. Des membres du comité vous poseront ensuite des questions.

Mme Baird: J'ai pris l'avion aujourd'hui pour venir témoigner devant vous et ajouter mon point de vue à ceux que vous avez déjà entendus sur le projet de loi en question. Avant de commencer toutefois, j'aimerais donner quelques précisions. Je suis au début de ma vingtième année de pratique comme avocate. Je détiens une maîtrise en droit de la famille de l'université de Londres, en Angleterre, et c'est dans ce domaine du droit que j'ai ma pratique. Vous trouverez peut-être intéressant de savoir que j'ai été dirigeante du Parti progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, ce dont vous ne me tiendrez pas rigueur, je l'espère. À cette étape de ma carrière, j'ai examiné la question qui nous intéresse aujourd'hui du point de vue du législateur.

Je suis en outre mère de deux enfants et j'espère être un jour grand-mère.

La question qui nous occupe n'est pas simplement d'ordre juridique. Elle touche à la façon dont nous concevons la famille et la cellule familiale au Canada et je m'interroge sur deux plans. Premièrement, que peut faire le législateur pour atténuer peut-être le problème? Deuxièmement, que pouvons-nous faire en tant que Canadiennes et Canadiens au sein du système judiciaire représenté par les tribunaux et aussi comme législateurs pour reconnaître que la famille élargie devrait peut-être jouer encore un rôle auprès des enfants dont les parents sont séparés ou divorcés?

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Je ne sais pas combien de témoignages vous avez entendus au sujet de la loi canadienne ou de ce qu'ont fait les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais je vais prendre quelques instants pour comparer différentes lois parce que c'est mon domaine.

Il semble qu'aux États-Unis, dans les années 60, un certain nombre d'avocats ont uni leurs efforts pour essayer de faire davantage valoir les droits d'accès des grands-parents auprès de leurs petits-enfants dont les parents étaient séparés ou divorcés. Quand nous avons examiné, en 1993, où en était la situation dans ce domaine aux États-Unis, nous avons découvert que 50 états avaient promulgué, sous une forme ou une autre, des lois en faveur des droits des grands-parents. De toute évidence, ces lois suscitent la controverse, mais il n'en reste pas moins que 50 états ont reconnu qu'il y avait un besoin et ont essayé de remédier à la situation par des mesures législatives.

En Grande-Bretagne, il y a eu en 1979 un mouvement en vue de faire reconnaître, par voie législative également, les droits d'accès des grands-parents auprès d'un enfant. Là encore, le mouvement a porté fruit.

Je suis certaine que vous connaissez l'article 659 du Code civil du Québec. Il y est dit en substance que personne ne doit faire obstacle aux relations entre les grands-parents et les enfants de parents séparés ou divorcés.

Il existe dans les diverses provinces canadiennes des lois qui essaient de réglementer cette question. En Ontario par exemple, un article de la Loi portant réforme du droit de la famille permet à toute personne de s'adresser au tribunal pour obtenir la garde d'un enfant ou le droit d'accès et de visite.

Une disposition similaire se retrouve dans le paragraphe 129(3) de la Loi sur les services à la famille du Nouveau-Brunswick, qui s'inspire de la loi ontarienne. Le paragraphe porte que toute personne peut demander la garde d'un enfant ou le droit d'accès et de visite.

Ces lois provinciales valent pour les cas de séparation mais non de divorce. Disons, par exemple, que M. et Mme Untel décident de se séparer mais qu'ils ne veulent pas nécessairement entamer des procédures de divorce pour l'instant. Ils s'adressent aux tribunaux pour trancher les questions de la garde des enfants, de la pension alimentaire et des biens matrimoniaux. À ce stade, les grands-parents qui désirent présenter une requête afin d'avoir la garde des enfants ou le droit d'accès et de visite peuvent le faire et être entendus du tribunal sans avoir à obtenir une autorisation au préalable.

Avant de me présenter ici, j'ai sorti cette semaine, de nos bases de données de recherche, les causes du Nouveau-Brunswick seulement dans lesquelles les grands-parents n'ont pas eu à obtenir l'autorisation du tribunal pour demander la garde d'un enfant ou le droit d'accès et de visite.

Je parle ici uniquement de la situation au Nouveau-Brunswick, que je connais personnellement. Les juges ont dit que s'ils estimaient qu'il était dans l'intérêt de l'enfant dont les parents étaient séparés de maintenir des relations avec ses grands-parents, ils émettraient une ordonnance en ce sens. Les ordonnances rendues l'ont toujours été d'après le grand critère de l'intérêt de l'enfant.

Les grands-parents peuvent avoir eu avec leurs petits-enfants une relation étroite et empreinte de tendresse, dirions-nous. Dans de nombreux cas, ils peuvent les avoir gardés. Nous savons tous qu'une séparation ou un divorce suscite parfois beaucoup de rancoeur. J'ai connu personnellement, en tant qu'avocate, des situations où un parent coupait carrément les ponts avec les beaux-parents après une séparation. Ces derniers devenaient en pratique des étrangers pour leurs petits-enfants.

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C'est là qu'il faut intervenir pour rétablir l'équilibre. La véritable question est de savoir si le droit de l'enfant de voir les membres de sa famille élargie prime sur les droits des parents, qui en ont la garde, de décider de sa vie quotidienne.

La cour d'appel du Nouveau-Brunswick a statué que le droit d'accès n'est pas destiné aux parents; il est destiné à l'enfant. Si l'on part de ce principe fondamental, à savoir que le droit d'accès est destiné à l'enfant et non aux parents, et que l'on considère la famille dans sa totalité, l'enfant de parents séparés ou divorcés n'a-t-il pas le droit de maintenir des relations avec les membres de sa famille élargie?

Comment cela se répercute-t-il sur le projet de loi C-232? Au Canada, malheureusement, les questions de droit familial sont divisées entre deux paliers juridiques. Il y les lois des provinces, promulguées par les législateurs provinciaux, qui régissent les questions de la garde des enfants, de l'accès auprès d'eux et des visites. Et il y a une loi fédérale, la Loi sur le divorce qui dit: «Vous, les grands-parents ou qui que vous soyez, le tribunal n'entendra pas votre requête si vous n'obtenez pas d'abord son autorisation pour la présenter. Vous ne serez entendu du tribunal que si vous obtenez son autorisation.»

Je crois que c'est fondamentalement inadmissible, parce qu'en général, les grands-parents n'ont absolument aucune idée de ce qu'ils doivent faire dans une telle situation.

Je sais que le président de la sous-section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien a témoigné devant vous. J'ai déjà été présidente de cette sous-section et je peux affirmer que jamais l'association n'a sollicité mon opinion sur cette question au cours de mes vingt années d'exercice du droit. Je ne pense pas que le témoignage de l'Association du Barreau canadien reflétait la position des avocats en exercice et du corps judiciaire. Je ne crois pas non plus que la question ait été correctement examinée au sein de cette organisation.

L'aspect que l'Association du Barreau canadien a fait valoir devant vous était la crainte qu'une multitude de grands-parents ne se précipite devant les tribunaux pour demander le droit d'accès et de visite. Nous n'avons rien vu de tel au Nouveau-Brunswick. J'ai du mal à croire que cela pourrait changer du tout au tout. Si changement il devait y avoir, il toucherait les avocats et les grands-parents qui vivent dans la collectivité. Ils apprendraient que les grands-parents ont certains droits ou qu'ils peuvent, dans une certaine mesure, comparaître devant les tribunaux pour se faire entendre.

Si un couple séparé - qui a peut-être signé un contrat familial ou une entente de séparation - décide d'entreprendre des procédures de divorce, rien ne permet dans la loi actuelle aux grands-parents de comparaître devant le tribunal s'ils n'ont pas obtenu l'autorisation de présenter leur requête. Et c'est une formalité plutôt pesante.

J'ai relu hier soir une des causes que j'ai sorties de la base de données. C'est une cause du Nouveau-Brunswick et elle est récente puisque la décision du juge date de 1995. Les grands- parents d'un enfant dont les parents avaient entamé des procédures de divorce avaient présenté une requête au tribunal. Le tribunal les a entendus puis leur a finalement confié la garde de l'enfant. Il a statué en effet qu'il était dans l'intérêt de cet enfant d'être confié à ses grands-parents à ce moment-là. Sa sécurité et les soins à lui être prodigués étaient en cause dans cette affaire.

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Je crois qu'au fond, la question se résume à ceci: qu'y a-t-il de mal à ce qu'un grand-parent comparaisse devant un tribunal pour expliquer pourquoi il veut avoir accès à ses petits-enfants ou maintenir des relations avec eux après le divorce des parents? Il faut toujours, bien sûr, que cela soit dans l'intérêt de l'enfant, un critère essentiel que les tribunaux utilisent dans tous les cas. Les tribunaux se demandent toujours si le maintien des relations avec les grands-parents est dans l'intérêt de l'enfant.

L'image des grands-parents qui se mêlent de dire aux parents ce qu'ils doivent faire et ne pas faire avec leurs enfants est une question préoccupante et il faut en faire cas. Les tribunaux en ont traité dans certaines décisions qui ont été rendues au Nouveau- Brunswick, toujours dans l'optique de l'intérêt de l'enfant.

Il me déplairait de penser que nous n'avons fait tout ce chemin que pour échouer au dernier moment, car autour de nous, bon nombre d'enfants de parents séparés ou divorcés n'ont pas la possibilité de voir leurs grands-parents.

J'ai eu affaire à une grand-mère, une femme extraordinaire de 65 ans, pleine de santé et de vitalité. Son fils, qui était dans les Forces armées canadiennes, avait divorcé. Sa petite-fille, avec laquelle elle avait toujours été très liée, était partie en Nouvelle-Écosse avec sa mère. Sa belle-fille lui avait dit tout à coup: «Je suis désolée, mais Freddie et moi sommes divorcés. Vous ne verrez plus votre petite-fille. C'est comme ça.» Freddie était à Chypre ou quelque part ailleurs.

Après des poursuites assez longues et coûteuses, nous avons fini par obtenir une ordonnance du tribunal. La grand-mère a maintenant accès à sa petite-fille qui lui rend visite pendant l'été. Les deux parties - la grand-mère et la petite fille - en sont sorties gagnantes.

Pour en revenir au projet de loi, je sais que vous avez probablement des questions à son sujet. Pour ma part, il ne me cause pas trop de problèmes. Je pense qu'il répond à un besoin.

Ce qui me préoccupe dans la Loi sur le divorce, c'est l'obligation d'obtenir l'autorisation du tribunal. Je n'aime pas penser que les lois provinciales et fédérales du pays manquent de cohérence. Si un couple du Nouveau-Brunswick se prévaut de la Loi sur les services à la famille, les grands-parents peuvent présenter leur requête sans avoir à obtenir l'autorisation du tribunal, mais si le même couple se prévaut de la Loi sur le divorce demain, une règle différente s'applique à l'égard de la même question. Je n'aime pas cette incohérence. Je pense que le législateur a l'obligation, envers les familles canadiennes, de faire preuve d'une certaine cohérence dans ces questions.

Je trouve particulièrement difficile d'accepter que la Loi sur le divorce oblige les grands-parents à obtenir l'autorisation du tribunal pour présenter une requête. Je ne comprends pas pourquoi cette obligation a été mise là au départ, et je n'aime pas cette partie de la Loi surtout. À mon avis, une des solutions serait de modifier la Loi sur le divorce afin de permettre à toute personne ayant un droit sur un enfant de présenter au tribunal une requête afin de se faire entendre sur les questions de la garde de l'enfant, de l'accès auprès de lui ou du droit de visite.

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Cela permettrait à une personne de... C'est au juge de décider. Il dispose d'un fond de pouvoir judiciaire discrétionnaire pour décider du bien-fondé de la requête.

La Loi du Nouveau-Brunswick comporte la mesure que j'ai proposée, et cela fonctionne. En fait, cela fonctionne depuis un certain temps. J'ai présenté des requêtes en vertu du paragraphe 129(3) de cette loi. Le tribunal a écouté les présentations de la preuve et s'est réservé le pouvoir discrétionnaire de prononcer ou non une ordonnance d'accès à l'enfant et de visite. Je pense qu'il est possible de réaliser ce que nous essayons de faire ici en incorporant une disposition de cette sorte dans la Loi sur le divorce.

À mon avis, l'obligation d'obtenir l'autorisation du tribunal est une formalité pesante. Elle entraîne des dépenses supplémentaires et elle est inutile. Je dis cela à titre indicatif, en me fiant à l'expérience que j'ai acquise personnellement dans le domaine du droit de la famille au Nouveau-Brunswick.

Voilà qui termine mes observations sur le sujet.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons d'abord laisser la place à un membre du Bloc québécois pendant dix minutes, puis à un membre du Parti réformiste et enfin à un membre du parti au pouvoir. S'il reste du temps après cela, je poserai une question ou deux.

Je ne veux pas poser de question ici, mais signaler que l'on s'est interrogé au sujet de la modification dont vous parlez, c'est-à-dire intégrer dans la Loi sur le divorce la question de la garde de l'enfant par les grands-parents et celle de leur droit d'accès et de visite. Est-ce qu'une mesure de ce genre est constitutionnelle et n'est-elle pas uniquement de compétence provinciale?

Je vais toutefois en rester là pour le moment et laisser dix minutes au membre du Bloc québécois pour poser ses questions.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Bonjour, madame Baird. Je vais reprendre tout de suite la question que M. le président Bodnar vient de laisser de côté.

Jusqu'à un certain point, je suis très sympathique, a priori, au concept du droit d'accès, de visite et d'information des grands-parents. Le problème que je me pose fondamentalement est le suivant.

Eu égard aux dispositions du paragraphe (13) de l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui établit que les lois relatives à la propriété et aux droits civils sont de compétence provinciale, comment voyez-vous une demande en vue de modifier la Loi sur le divorce qui, prima facie, semble être de compétence provinciale?

[Traduction]

Mme Baird: Je ne crois pas que cela soit un problème. Dans les limites actuelles de la Loi sur le divorce, nous reconnaissons qu'en se prévalant du pouvoir discrétionnaire que lui accorde cette loi fédérale, le tribunal a certainement le droit de trancher les questions qui se rapportent à la garde de l'enfant, au droit d'accès et de visite, à la pension alimentaire, au soutien de l'enfant, etc. Ce n'est pas une question constitutionnelle. Voilà mon opinion.

[Français]

M. Langlois: Est-ce que l'intervention des grands-parents, à votre avis, devrait être permise sans autorisation préalable et être effectuée uniquement lorsque l'instance en divorce est instituée ou lors d'une procédure de révision en divorce, même après que 10 années se sont écoulées depuis qu'un divorce a été prononcé? Est-ce que ça devrait être possible à toute étape au cours de la procédure de divorce?

[Traduction]

Mme Baird: Cela fait partie de ce que j'ai essayé de démontrer aujourd'hui. La séparation et le divorce comportent plusieurs étapes, comme vous le reconnaissez. Il se peut qu'un couple qui s'est séparé décide de ne pas divorcer tout de suite. Il peut entamer une procédure selon la loi provinciale et obtenir une ordonnance à ce moment-là au sujet de la garde des enfants et du droit d'accès et de visite.

Dans ma province, les grands-parents ont le droit de demander, sans y être autorisés auparavant par le tribunal, d'être entendus sur leur droit d'accès et de visite. Après un certain temps, le couple peut décider d'entamer des procédures de divorce. Il dépose une requête en ce sens et comparaît devant le tribunal.

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Ce qui me dérange actuellement dans la Loi sur le divorce, c'est qu'à l'étape du divorce, les grands-parents doivent demander une autorisation spéciale au tribunal s'ils veulent se faire entendre. Il n'en va pas de même avec la loi provinciale, celle du Nouveau-Brunswick en particulier. Je ne crois pas que cette incohérence serve l'intérêt de l'enfant.

À l'étape du divorce, le tribunal se réserve le droit de décider s'il entendra les grands-parents, que ceux-ci lui en aient demandé ou non l'autorisation. Le tribunal peut dire: «Non, nous sommes désolés, mais votre requête n'est pas justifiée», ou bien: «Oui, bien sûr, nous désirons entendre votre requête». Je crois qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de maintenir des relations avec ses grands-parents.

Vous savez, je suis mère - j'ai deux enfants - et j'ai des grands-parents, et à mon avis, ce qu'il faut prendre en considération en fin de compte, c'est l'intérêt de l'enfant et son droit de maintenir des relations avec sa famille élargie. C'est encore plus vrai lorsque les deux familles éprouvent beaucoup d'amertume et que l'acrimonie règne. La mère a peut-être eu la garde des enfants et a coupé les ponts avec la belle-famille. Ce n'est pas...

Pour revenir à l'aspect social de la question, n'avons-nous pas la responsabilité, au Canada, de veiller à ce que les enfants restent en relation avec les membres de leur famille élargie?

Le Code civil du Québec reconnaît ce fait dans l'article 659. Je trouve cela très avant-gardiste de la part de cette province, car il est vital à mon avis que les enfants comprennent d'où ils viennent et qui ils sont, qu'ils sachent où sont leurs racines et qu'ils aient des relations avec l'autre moitié de la famille. Si nous continuons à faire obstacle aux efforts des grands-parents, si nous disons qu'ils doivent obtenir l'autorisation du tribunal, nous ne défendons nullement l'intérêt de l'enfant.

[Français]

M. Langlois: Selon l'affirmation que vous faites et la théorie que vous défendez, le droit de visite est primordial et fondamental pour l'enfant lui-même. Est-ce que je vous comprends bien?

La Loi sur le divorce de 1985 prévoit déjà qu'un procureur peut être nommé pour l'enfant. Est-ce qu'il ne serait pas du ressort du procureur de l'enfant de demander que l'enfant ait accès à ses grands-parents, de demander directement à la cour, sans procédure additionnelle, que le jugement prévoie l'accès aux grands-parents, quitte à ce que les grands-parents viennent témoigner? Est-ce qu'on n'éviterait pas des procédures plus compliquées si, au lieu de modifier la loi comme le prévoit le projet de loi C-232, on laissait au procureur de l'enfant le soin de demander une ordonnance en ce sens au tribunal?

[Traduction]

Mme Baird: Dans la pratique, il n'y a pas de procureurs pour les enfants dans les tribunaux de divorce. Ma clientèle et surtout mon expérience ici, au Nouveau-Brunswick, me font dire qu'un procureur n'est retenu pour un enfant qu'en de très rares occasions. Cela arrive très rarement et seulement lorsqu'un enfant de 12, 13 ou 14 ans, qui est au centre d'une querelle à propos de sa garde, veut s'exprimer sur ce point ou sur tout autre sujet de même nature.

Quand il s'agit d'un enfant mineur ou d'un très jeune enfant qui ne peut dire ce qu'il veut, ces décisions se prennent sans qu'il soit représenté par une personne indépendante. Rien ne permet de nommer un procureur pour l'enfant dans les tribunaux de ma province. Cela n'arrive tout simplement pas.

C'est pour cela que je vous demande de vous imaginer dans la salle d'audience. Il y a là le juge, les deux procureurs, le père et la mère qui essaient de prendre des décisions au sujet de la garde de l'enfant et des droits d'accès et de visite des intéressés. Les grands-parents sont là aussi avec leur procureur.

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Les grands-parents sont appelés à la barre. Ils font état des rapports qu'ils ont eus avec leur petit-enfant et des raisons qui leur font penser qu'ils devraient continuer à jouer un rôle dans sa vie. Qu'y a-t-il de si terrible dans cela?

[Français]

M. Langlois: Ce sont des questions que je me pose. Je n'ai pas arrêté ma position finale sur le projet de loi C-232. J'y suis fort sympathique quant aux aspects que cela touche.

Évidemment, vous soulevez le problème de la représentation des enfants par les procureurs, au Nouveau-Brunswick, et je suis content que vous nous mettiez au courant de cette pratique dans votre province.

Je voudrais, dans ma dernière question, vous interroger sur une ordonnance visant à permettre aux grands-parents l'accès à leurs petits-enfants. J'imagine qu'on vise les enfants mineurs. Cependant, si des enfants de 15, 16 et 17 ans refusaient de voir leurs grands-parents une demi-journée par semaine même s'il y avait une ordonnance leur disant qu'ils doivent ou peuvent le faire, ils ne seraient pas punis pour outrage au tribunal. Quelle est la catégorie particulière d'enfants qui va bénéficier de cela, d'après vous?

[Traduction]

Mme Baird: À mon avis, nous parlons ici d'enfants qui font de toute façon l'objet d'une ordonnance de garde. Les juges hésitent à rendre une ordonnance droit d'accès ou de garde à l'égard des enfants de plus de 12 ou 13 ans. Ils tranchent en disant qu'à cet âge, les enfants décident eux-mêmes de ce qu'ils feront. Je vois donc les ordonnances en faveur des grands-parents comme des mesures qui ne s'appliquent qu'à de très jeunes enfants qui, de toute façon, dans l'ordre normal des choses, feraient l'objet d'une ordonnance de garde ou de droit d'accès.

M. Langlois: Merci.

M. Ramsay (Crowfoot): Madame Baird, je veux vous remercier d'apporter dans toute cette affaire un éclairage que nous n'avons pas eu jusqu'à présent. Certaines des objections les plus fortes que nous ayons entendues sont venues d'avocats qui ont prétendu devant nous que ce projet de loi ne ferait que compliquer les instances de divorce. Nous avons maintenant des représentations non seulement de la part de la femme et du mari, mais aussi de la part des grands-parents, et peut-être même de plusieurs grands-parents; les avocats s'opposent à cela.

Comme la représentation des grands-parents n'est pas actuellement prévue dans la loi fédérale, le problème me semblait très hypothétique jusqu'à maintenant puisque personne ne pouvait citer d'exemples. Mais vous nous avez dit ce matin que les tribunaux du Nouveau-Brunswick donnent leur autorisation, que les grands-parents ont ce droit. J'aimerais que vous nous disiez si certaines des inquiétudes exprimées par les autres témoins qui ont comparu devant nous, notamment la complication des instances de divorce, se sont concrétisées au Nouveau-Brunswick où les grands- parents ont le droit de comparaître devant le tribunal.

Mme Baird: Je suis contente que vous me demandiez cela, car lorsque j'ai commencé à m'occuper de cette question en 1991, je me suis aperçue qu'il y avait un problème dans certains cas et j'ai alors commencé à travailler avec l'organisation qui défend les droits des grands-parents. Ce qui m'a frappée avant tout, c'est l'ignorance des avocats en exercice dans ce domaine. De fait, des clients qui sont venus à mon cabinet m'ont dit avoir été informés par des avocats qu'ils n'avaient aucun droit et qu'ils ne pouvaient demander à avoir accès à leurs petits-enfants ni à ce qu'ils leur rendent visite. Nous avons donc entrepris une campagne d'information pour que non seulement nos collègues du barreau mais aussi le corps judiciaire et, bien sûr, d'autres grands-parents sachent que ces droits existent.

Pour répondre à votre question qui était de savoir si ces requêtes alourdissent ou non la procédure ordinaire dans la salle d'audience, je dois dire que non. Ce serait plutôt le contraire. Les grands-parents offrent souvent un point de vue tout particulier sur les questions du rôle des parents, de la garde et de l'accès, et le tribunal en bénéficie au moment de prendre sa décision.

.1010

Je voudrais clarifier une chose que vous avez dite il y a quelques instants. Nous n'avons pas à demander l'autorisation du tribunal au Nouveau-Brunswick. Le paragraphe (3) de l'article 129 dit que toute personne peut demander la garde d'un enfant ou un droit d'accès et de visite. Aucune autorisation n'est donc requise. Les grands-parents présentent simplement leurs documents de requête et ils ont le droit de comparaître devant le tribunal et d'être entendus. Le juge décide alors de ce qui est dans l'intérêt de l'enfant.

Un des reproches que je fais à la Loi sur le divorce est qu'elle oblige à demander une autorisation au tribunal avant de pouvoir être entendu, et je crois que c'est fondamentalement inadmissible. C'est une formalité coûteuse et pesante. Vous parlez de simplifier la procédure, mais si l'on exige d'un grand-parent qu'il demande une autorisation, on complique la procédure. Par contre, si un grand-parent peut être entendu au moment de l'audience de divorce, tout se fait le même jour. Le ou la juge entend les témoins puis exerce son pouvoir discrétionnaire pour prendre sa décision.

M. Ramsay: Merci pour cette précision. Je crois que ce que vous nous dites ce matin, c'est que les craintes et les appréhensions que d'autres témoins ont exprimées devant nous au sujet des problèmes qui seraient créés n'existent pas, en réalité, dans votre province où l'on a mis en pratique cette façon de faire.

Depuis combien d'années procède-t-on ainsi au Nouveau- Brunswick?

Mme Baird: Le paragraphe (3) de l'article 129 existe depuis 1985 si j'ai bonne mémoire, ou peut-être bien depuis 1982. C'est quelque part entre 1982 et 1985.

M. Ramsay: On a aussi parlé devant nous de la possibilité que le coût des procédures augmente si on donne aux grands-parents l'autorisation de comparaître devant le tribunal. Qu'en est-il? Pensez-vous que les coûts seraient plus élevés, moins élevés ou relativement pareils?

Mme Baird: Je ne crois pas du tout que cela augmenterait les coûts de façon déraisonnable.

Ce qui m'inquiète, c'est ceci. Imaginez-vous dans la salle d'audience. La mère veut la garde des enfants, le père la veut aussi et les enfants sont pris au centre d'une querelle âpre et chargée d'émotions. Il n'y a rien de plus âpre qu'un différend pour la garde des enfants dans notre système de tribunal de la famille.

S'il existe une voix qui prêche pour la raison, si le juge peut voir parmi tous ces visages celui d'un grand-parent qui aime l'enfant plus que tout au monde, qui peut lui offrir une certaine stabilité émotionnelle, qui peut entretenir avec lui des rapports qui l'aideront à s'épanouir et à grandir et qui peut lui faire vivre une relation aussi merveilleuse qu'harmonieuse, le juge ne peut que vouloir entendre ce que ce grand-parent a à dire.

Et c'est ce que les juges font. J'ai moi-même entendu des juges dire, au cours de leurs délibérations, à quel point ils étaient heureux de ce que les grands-parents soient là pour s'exprimer dans le gâchis où se retrouvent le mari et la femme. Je ne crois pas que le coût devrait entrer en ligne de compte, indépendamment de tout le reste. Le coût ne devrait pas être un facteur, car l'intérêt de l'enfant n'a pas de prix.

Mais ma réponse à la question est non. Le seul coût qui pourrait peut-être s'ajouter serait occasionné par le temps supplémentaire qu'il faudrait consacrer à l'audition du témoignage. L'audience serait peut-être prolongée d'une demi-journée et le coût de l'instance s'en trouverait augmenté.

M. Ramsay: J'aimerais que vous nous disiez combien de grands-parents se prévalent au Nouveau-Brunswick des droits qui leur sont conférés par la loi provinciale? Car on nous a aussi laissé entrevoir la possibilité que les tribunaux de divorce soient soudainement submergés par les grands-parents. Pouvez-vous nous parler un peu de cet aspect de la question?

.1015

Mme Baird: En réalité, les grands-parents hésitent à intervenir dans ces différends à moins qu'ils ne sentent que c'est absolument nécessaire.

Comme je l'ai dit, j'ai sorti les causes qui ont été publiées au Nouveau-Brunswick ces deux dernières années. Il y en a peut-être eu sept ou huit où les grands-parents sont intervenus et ont réellement dû entamer une poursuite pour obtenir la garde de leurs petits-enfants ou le droit d'accès et de visite.

D'après mon expérience, quand la requête est introduite, les parties s'assoient souvent ensemble pour négocier et parvenir d'elles-mêmes à une entente. Par exemple, j'ai eu une cause l'été dernier dans laquelle les grands-parents ont présenté une requête. En l'espace de trois semaines, nous avons eu une ordonnance par consentement et les grands-parents ont obtenu le droit d'accès et de visite. Tout s'est fait à l'amiable.

À mon avis, cet argument est brandi en ce moment pour faire peur. Je ne peux y souscrire. Vous n'assisterez pas à une folle ruée vers les salles d'audience. Ce que vous verrez, ce sont des grands-parents, qui n'auraient peut-être pas su autrement qu'ils pouvaient obtenir une ordonnance, demander le droit d'accès et de visite. Je crois que c'est la raison qui l'emporte souvent.

M. Ramsay: Si je peux me permettre, je voudrais poser deux questions rapides avant de terminer. Je veux vous demander si vous avez déjà vu plus d'un couple de grands-parents comparaître devant un tribunal au Nouveau-Brunswick. Deuxièmement, quand une instance de divorce débute, la loi exige-t-elle que les grands-parents en soient avisés?

Mme Baird: Non, il n'y a vraiment aucune exigence de notification à l'égard des grands-parents dans la Loi sur le divorce. Il n'existe pas de disposition de ce genre. On présume que les grands-parents seront mis au courant de l'instance de divorce par leurs enfants.

Quelle était votre première question déjà?

M. Ramsay: Avez-vous déjà vu une cause dans laquelle plus d'un couple de grands-parents ont comparu?

Mme Baird: Non.

M. Ramsay: Merci.

Mme Torsney (Burlington): Tout d'abord, permettez-moi de vous dire que certains principes et certaines raisons que vous invoquez à l'appui du projet de loi recoupent entièrement les raisons pour lesquelles je m'intéresse au projet de loi qui est devant nous. J'y vois quand même quelques problèmes dans le sens que, ce que nous essayons de comprendre, c'est si oui ou non il constitue la meilleure solution au problème.

Ainsi, j'ai trouvé intéressant que vous ayez signalé, par exemple, qu'il n'existe pas de mécanisme de notification. Comment alors les grands-parents, dont vous avez dit qu'ils ne savaient pas qu'ils pouvaient demander un droit d'accès à leurs petits-enfants, vont-ils découvrir qu'ils ont ce droit?

Mme Baird: Si on prend le Nouveau-Brunswick comme exemple, il est vrai que nous n'avons pas d'exigence en ce qui concerne la notification. Le paragraphe (3) de l'article 129 dit simplement, en caractères gras, que toute personne peut présenter une requête. Les grands-parents l'apprennent néanmoins, d'une façon ou d'une autre. Mais si nous décidons d'aller dans ce sens, ce pourrait être la première étape.

Je ne sais trop comment, de toute façon, nous pourrions intégrer une disposi-tion sur la notification dans la Loi sur le divorce, car il s'agit d'une loi fédérale. Il peut se présenter des situations où, par exemple, une personne résidant en Colombie- Britannique demande un divorce alors que les grands-parents vivent au Nouveau-Brunswick. Comment l'apprendraient-ils? Cela pourrait donner lieu à des situations difficiles sinon impossibles à traiter du point de vue administratif.

Cela dit, si on modifie la Loi sur le divorce pour mettre cet aspect en contexte, toute personne pourra demander un droit d'accès auprès d'un enfant. Cela laisse supposer que même après le prononcé du jugement de divorce, le grand-parent pourra encore présenter une requête devant un tribunal pour obtenir un droit d'accès et de visite. Et à un moment ou un autre, les grands-parents finiront par le savoir.

Mme Torsney: D'accord, mais cela m'amène justement au point que certaines personnes ont soulevé: la plupart des grands-parents ne se rendent pas compte qu'ils auront un problème d'accès avant un bon six mois; il est donc fort possible que ceux qui ne... Vous avez parlé de l'âpreté des querelles entourant la garde des enfants. Les parents se battent férocement et l'un d'eux finit par perdre. Six mois plus tard, il peut arriver que le perdant se serve de ses parents pour présenter une requête en vue de ravoir ses enfants ou d'obtenir de les voir davantage... les grands-parents le feraient en réalité pour leur fils. Voilà pourquoi ils se serviraient de cette requête.

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Ainsi le parent qui a la garde des enfants - et nous savons tous que ce parent est souvent aux prises avec une situation financière difficile - serait susceptible d'avoir à affronter des beaux-parents qui reviennent régulièrement à la charge. Ce parent sans argent aurait à choisir entre nourrir les enfants et se défendre devant le tribunal. Il n'y a pas d'aide juridique pour ce genre de situation dans la plupart des provinces. Qu'allez-vous dire à cette mère ou à ce père qui demande qu'on tienne ces gens loin d'eux, et qui a un motif légitime de vouloir les tenir éloignés?

Mme Baird: Il n'est pas toujours dans l'intérêt des enfants de maintenir des relations avec leurs grands-parents. Nous savons que ces situations existent. Dans de tels cas, si les grands-parents présentent malgré tout une requête et que la mère seule avec ses enfants doive se défendre - je peux vous citer un exemple qui est arrivé dans ma province, à Saint John, où un juge a ordonné que les frais procureur-client soient imputés aux grands-parents - notre système judiciaire comporte un mécanisme qui pénalise les grands- parents qui perdent leur cause, de façon à ce que la mère n'ait pas à supporter les frais juridiques.

Ensuite, vous avez fait valoir qu'un grand-parent pourrait revenir à la charge six mois plus tard et essayer de se servir du système ou de le manipuler pour obtenir un droit d'accès et permettre ainsi au père de voir ses enfants plus souvent. J'espère bien qu'au mieux ces cas sont rares. Mais même s'il y en avait, j'ose espérer que la sagesse de nos juges l'emporterait, que le système judiciaire prédominerait et que le juge comprendrait exactement la situation. Une fois la preuve présentée et les témoins entendus, le juge est certainement en mesure de voir clairement de quoi il retourne.

Mme Torsney: En attendant, la mère qui est seule, qui vit littéralement au jour le jour, fait face... se dit: je ne sais pas s'ils adjugeront les frais. J'ai dû préparer ma défense et trouver l'argent quelque part pour essayer de les repousser, en économisant parfois même sur l'épicerie - je crois que c'est ce qui pourrait arriver dans certains cas - et pendant tout ce temps, avec tout ce stress, je sais que ces grands-parents ne nous causeront que des ennuis, mais je n'ai pas les moyens de me battre contre eux.

Qu'en est-il d'une mère qui agit dans l'intérêt de ses enfants et qui a d'horribles relations avec sa propre mère ou avec son père? Elle pense qu'ils ont gâché sa vie à un point tel qu'elle ne veut pas que la même chose arrive à ses enfants. Elle agit dans l'intérêt de ses enfants - nous devons croire que c'est ce qu'elle veut faire - et pourtant elle pourrait avoir à se battre contre ses propres parents. Elle pourrait aussi devoir se battre contre ses soeurs et frères, car vous avez dit que n'importe qui peut avoir accès aux enfants. Cela signifie que je pourrais vouloir avoir accès aux enfants de mon frère, à ceux de ma soeur ou aux vôtres. Comment pouvons-nous exercer un contrôle quant à la possibilité que d'autres personnes entreprennent des poursuites pour obtenir un droit d'accès aux enfants, obligeant la mère seule à continuer à se battre contre toutes ces gens, même si chaque fois le juge... Mais si je suis un riche grand-parent ou père qui veut obtenir un droit d'accès auprès d'un enfant... À titre de législateur, nous devons aussi penser au pire scénario pour nous assurer que nous n'empirons pas les choses.

D'après ce que vous me dites, le problème vient de ce que les grands-parents ne connaissent pas les droits qu'ils ont actuelle ment tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial. Ce qu'il nous faut vraiment, ce n'est pas ce projet de loi. C'est une énorme campagne de publicité ou d'information pour faire connaître aux grands-parents et aux autres leurs droits actuels.

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Mme Baird: Je suis complètement d'accord avec vous sur ce point, car du point de vue provincial, c'est parfaitement exact. Je ne crois pas que les procureurs ou les grands-parents, et dans certains cas le corps judiciaire lui-même, se rendent bien compte que ces droits existent actuellement. Mais c'est de la Loi sur le divorce dont nous parlons et je m'oppose tout à fait à cette autorisation qu'il faut demander. Je ne comprends pas pourquoi on a prévu une telle mesure qui est totalement incompatible avec l'approche provinciale.

Pour en revenir à l'autre problème que vous avez soulevé, je comprends ce que vous dites, que des requêtes pourraient émaner d'oncles, de cousins, de nièces, de neveux, etc. mais ce n'est pas ce qui s'est passé dans ma province. Cette loi existe depuis, je crois, un peu plus de dix ans. J'en ai une partie avec moi. Je ne puis vous dire à quelle date précise cet article a été proclamé loi, mais je pense que cela fait juste un peu plus de dix ans, et nous n'avons pas eu l'expérience de ce que vous décrivez dans ma province. Cela ne veut pas dire que ça n'arrivera pas un moment donné. Néanmoins, je crois toujours en la sagesse de l'organisation judiciaire: après avoir entendu tous les témoignages, les juges de notre pays prennent une décision fondée sur ce qu'ils considèrent être dans l'intérêt de l'enfant.

Malheureusement, la manipulation se fait des deux côtés. J'ai vu des parents manipuler la situation pour tenir leurs enfants loin des grands-parents. Dans votre exemple, ce sont les grands-parents qui manipulent le système.

Les seules mesures de protection qu'offre notre système sont celles que constituent les témoignages, la vérité et le jugement. Le corps judiciaire doit fonder ses décisions sur les témoignages qu'il entend. J'espère que nos préoccupations ne pèseront jamais plus lourd que ce que je considère le plus important de tout cela, c'est-à-dire le droit de l'enfant d'avoir des relations avec sa famille élargie - toujours quand c'est dans son intérêt, bien sûr.

Le président: Puis-je soulever un point, madame Baird? Tout d'abord, si la Loi sur le divorce est modifiée pour permettre à toute personne qui le désire de présenter une requête, nous ne pourrons plus nous en servir comme mesure de redressement accessoire dans un divorce et nous verrons ces autres personnes utiliser ce genre de remède qu'est le droit d'accès, etc. Je doute réellement qu'il soit du ressort du gouvernement fédéral de réglementer dans ce domaine qui relève peut-être complètement de la compétence du gouvernement provincial, comme M. Langlois y a fait allusion, je crois, dans ses questions.

Deuxièmement, si tout fonctionne si bien au Nouveau-Brunswick avec la Loi telle qu'elle existe, et il semble que vos règles de procédure indiquent aux grands-parents comment s'y prendre pour présenter une requête avec la documentation nécessaire, la solution réside peut-être dans l'établissement de règles semblables dans les tribunaux de toutes les provinces en vertu de la Loi sur le divorce. Il n'y aurait alors pas de problème. Êtes-vous d'accord?

Mme Baird: Je suis en faveur de la cohérence. Le manque de cohérence du système actuel fait partie des problèmes qu'il m'a posés. J'aimerais beaucoup avoir une discussion philosophique à ce sujet avec vous. On a les pièces détachées que sont les lois provinciales. Elles couvrent d'une façon ou d'une autre l'ensemble du pays. Et puis il y a la Loi sur le divorce qui s'applique «de façon uniforme partout au pays», mais qui ne concorde pas à certains égards avec les lois provinciales.

Oui, ce serait extraordinaire d'avoir des lois uniformes. Il est temps, je crois, de s'éveiller à certaines réalités du droit de la famille: des personnes ont été exclues du processus, et en fin de compte, la victime, ce n'est pas l'adulte; c'est l'enfant pris au centre de la querelle. Tout ce que nous pouvons faire pour améliorer les relations et la communication entre les deux cellules familiales après un divorce ou même après une séparation est constructif à mon avis.

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Le président: Merci beaucoup d'être venue témoigner devant nous. Votre expérience du domaine nous a certainement été d'une grande aide. Merci beaucoup.

Mme Baird: Merci.

Le président: La séance est suspendue jusqu'à 11 heures.

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