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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 4 octobre 1995

.1530

[Traduction]

Le président: Aujourd'hui nous traitons encore une fois du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce. Nous avons parmi nous aujourd'hui maître Myriam Grassby du Comité en droit de la famille.

Vous pourriez peut-être commencer votre exposé. Nous regrettons d'avoir commencé en retard, mais il n'y avait pas de quorum. Vous pourriez peut-être commencer par faire vos observations, et ensuite nous passerons à une période de questions et réponses.

[Français]

Me Myriam Grassby (présidente, Comité permanent sur le droit de la famille, Barreau du Québec): Je suis présidente du Comité permanent sur le droit de la famille du Barreau du Québec. Je ne parle pas en mon nom personnel, mais au nom du Barreau.

Nous avons fait nos commentaires sur vos suggestions d'amendements à la loi. Vous êtes probablement tous au courant que le Barreau du Québec n'appuie pas ces changements, cela pour plusieurs motifs.

Premièrement, la Loi sur le divorce est une loi fédérale, et nous sommes d'avis que c'est aux provinces de légiférer dans ce domaine. Nous avons déjà au Québec, dans notre Code civil, des articles qui prévoient des situations où il y a des problèmes de contact avec les grands-parents. D'ailleurs, nous considérons que nous sommes arrivés à trouver un juste milieu entre les besoins des enfants et des grands-parents et les problèmes de pouvoir qui peuvent se retrouver dans une famille, surtout au moment d'un divorce ou d'une séparation.

Nous sommes très soucieux parce que les amendements à la Loi sur le divorce donneraient aux grands-parents des droits trop importants et trop similaires à ceux des parents, alors que les droits qu'ils doivent exercer ne sont pas du même niveau, de même qualité.

Je vais citer ici un jugement qui a été rendu récemment. Dans cette cause, une grand-mère avait demandé le droit de sortir son petit-fils parce qu'elle voulait l'amener participer, une fois par semaine, à une activité qui était destinée aux grands-parents et aux enfants. Cela s'appelle Bubby and Me, ce qui veut dire «Grand-maman et moi». Il s'agissait de deux heures d'activité.

Le juge devait décider s'il devait accorder cela à la grand-mère, qui avait déjà un certain accès à son petit-fils parce que son fils y avait accès toutes les deux fins de semaine et un mercredi par semaine et que le fils vivait déjà chez la grand-mère. Alors, la grand-mère avait accès à l'enfant au moins huit jours par mois par le biais des visites de son fils.

M. le juge Senécal, qui était d'ailleurs au Québec celui qui écrivait le plus au niveau du droit de la famille - il a récemment été nommé juge - a fait la distinction entre le rôle des parents et celui des grands-parents. D'ailleurs, il mentionne qu'il est assez rare, dans une famille unie, que les grands-parents voient leurs petits-enfants séparément de la famille. Cela peut arriver, mais très souvent, c'est lors de soupers familiaux, etc.

Il précise:

Et il mentionne, parce qu'on examinait l'article pertinent du Code civil:

Ici, on est en train d'examiner un amendement à une loi. Mettons de côté la question de savoir si c'est bel et bien le Parlement fédéral qui devrait toucher ce domaine.

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Il s'agit d'une loi qui vise à mettre sur un même pied les droits des parents et ceux des grands-parents. Le Barreau du Québec considère que cela est inapproprié et ne devrait pas exister. De plus, il faut reconnaître que cela peut être la source de problèmes majeurs. C'est bien beau de dire que tout le monde est pour la vertu et la maternité et les grands-parents, mais la vérité, c'est qu'il peut y avoir des problèmes dans l'exercice de certains droits et que cela peut faire naître des causes contestées devant la cour, entraînant des frais importants, etc. Il y a, lors de la rupture de la famille, des problèmes de dysfonction.

[Traduction]

Je pourrais peut-être vous parler de la dysfonction en anglais.

Vous avez des situations... C'est ce que nous voyons au sein de la profession, et je travaille comme avocate dans le domaine du droit de la famille depuis 20 ans. Si les grands-parents ont de bons rapports avec leurs petits-enfants, très souvent ils penvent les conserver même en cas de séparation ou de divorce. Si le parent qui n'a pas la garde des enfants voit ses enfants... Supposons que le parent qui n'a pas la garde de ses enfants est un homme, pour simplifier les choses, cet après-midi. S'il voit ses enfants régulièrement, tous les deux weekends ou plus, ses parents ont donc l'occasion de voir leurs petits enfants pendant qu'ils sont avec leur père; les grands-parents maternels auront l'occasion de voir leurs petits-enfants pendant qu'ils sont avec leur mère, qui en a la garde.

En fait, le seul moment où il y a de graves problèmes, en dehors de la mort de l'un des parents, ce qui ne serait pas couvert par la Loi sur le divorce, c'est lorsqu'un parent qui n'a pas la garde des enfants ne rend pas visite aux enfants, et ne le fait pas pour une ou deux raisons - eh bien, peut-être trois, pour être aimable. Il habite peut-être loin et ne peut donc pas visiter ses enfants, il peut ne pas s'intéresser à voir ses enfants ou on a pu lui interdire de les voir à cause de quelques problèmes graves.

Voilà les trois cas où les parents du parent qui n'a pas la garde des enfants pourraient estimer qu'ils devraient exercer des droits, ou auraient peut-être besoin de le faire. S'il s'agit d'une famille élargie assez fonctionnelle, souvent cette situation ne cause pas de problèmes, car il y a des liens entre les grands-parents paternels et la belle-fille, et il y a un lien quelconque avec les petits-enfants.

En suggérant que ces droits devraient être sur un pied d'égalité avec ceux des parents, vous ouvrez la porte à beaucoup de conflits, de pressions et de tensions, qui sont inappropriés d'après tous les avocats à qui j'ai posé la question. Il y a déjà assez de tensions et de disputes et assez d'argent dépensé dans les causes devant les tribunaux.

J'ai vu quelques situations très... Il n'y a pas autant de causes que cela. En fait, au Québec, nous avons d'autres droits; c'est-à-dire que les petits-enfants peuvent intenter une action contre leurs grands-parents visant à obtenir un soutien financier, et il y a les parents ayant la garde de leurs enfants qui poursuivent les grands-parents pour obtenir ce soutien.

J'ai regardé les statistiques; Dominique Goubau a écrit un article qui est très intéressant. Il a examiné la description sociologique des cas qui se trouvent devant les tribunaux et, en effet, dans 70 ou 80 p. 100 des cas, des membres de la belle-famille intentent des poursuites contre leur ancienne belle-fille à propos de l'accès. Dans le fond, ce que je dis, c'est que souvent ce sont des familles très perturbées, car si elles se sont rendues là, c'est parce qu'il y a de graves problèmes.

En ajoutant à la loi le principe permettant autant de contacts que possible, je peux vous dire, à titre d'avocate qui représente souvent des parents et des parents ayant la garde des enfants, qu'il y a déjà un article très sévère qui touche le parent ayant la garde des enfants vis-à-vis l'autre parent. Il faut toujours prouver que la personne a agi de façon raisonnable, et c'est difficile de participer à ce genre de débat. Le parent n'ayant pas la garde des enfants dit toujours: elle ne veut pas que je sorte notre enfant le mercredi soir pour telle ou telle raison, et l'autre parent doit prouver qu'elle le veut, mais qu'elle croit que les enfants ont le droit de faire leurs devoirs et de se coucher à l'heure, et que ce n'est pas une bonne soirée parce qu'il y a des matchs de hockey ce soir-là. On entame un débat. Comment prouver qu'on est raisonnable? Comment prouver que vous avez le contact maximum possible?

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Ajouter à cela que vous encouragez le contact maximum possible avec les grands-parents...qu'est-ce qui est approprié comme contact lorsqu'il s'agit de grands-parents? Est-ce que c'est comme au tout début du mariage, lorsque le couple était heureux, une visite peut-être une fois par mois pour dîner? Toutes les deux fins de semaine comme pour le parent qui a la garde de l'enfant? C'est quoi? On ouvre une boîte de Pandore qui va susciter bien des problèmes au parent qui a la garde des enfants.

Les enfants de parents divorcés ne disposent pas d'un temps infini. Il ne s'agit pas de couper une tarte en morceaux: le parent ayant la garde des enfants obtient une telle durée, l'autre une certaine durée aussi et maintenant, puisque les grands-parents sont sur un pied d'égalité avec les parents, ils les auront pour une même durée. À mon avis, et de l'avis du Barreau, ce serait une erreur d'inclure une telle disposition dans la loi.

Les grands-parents ne sont jamais sur un pied d'égalité avec les enfants au sein d'une famille fonctionnelle et intacte. Il n'y a aucune raison pour que cela change au moment d'un divorce.

[Français]

Ce que nous avons au Québec est très intéressant et je vais vous en parler brièvement. Je ne pense pas que vous devez conclure que, si vous n'acceptez pas ces amendements, vous ne pourrez régler le problème des grands-parents de bonne foi qui ont des problèmes à vivre des relations personnelles avec leurs petits-enfants. Nous avons, au Québec, une loi qui prévoit certaines choses. Je vais vous citer l'article parce qu'il est court et qu'on considère qu'il fonctionne très bien. On n'a pas mis sur un pied d'égalité les parents et les grands-parents. Le Code civil prévoit à l'article 611:

Ceci veut dire que les grands-parents ont droit à des relations personnelles avec l'enfant. Ce n'est pas la même chose que de dire qu'ils ont des droits d'accès garantis aux petits-enfants, mais cela peut souvent être un droit d'accès si c'est approprié. Je ne crois pas que le jugement de M. le juge Senécal ait été publié, mais il peut être très intéressant pour vos délibérations parce qu'il permet de voir la distinction entre le rôle des grands-parents et celui des parents. Il permet de voir aussi comment on traite de la question des droits des grands-parents. M. le juge Senécal dit que cet article confère d'abord un droit à l'enfant, mais aussi un droit aux grands-parents dans la mesure où les rapports ne peuvent qu'être mutuels.

Cela doit s'inscrire dans le meilleur intérêt de l'enfant, et le Code pose que le maintien des relations personnelles enfants-grands-parents est la règle. Il n'a pas à être prouvé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant qu'il en soit ainsi.

[Traduction]

On présume que c'est une bonne chose que d'avoir des relations avec ses grands-parents.

[Français]

Cela est présumé, bien qu'une preuve contraire soit possible, mais ce n'est que pour des motifs graves que le principe peut être écarté. Et, comme il le mentionne, les relations personnelles peuvent être maintenues par des lettres, par des appels téléphoniques, par bien des choses. Évidemment, si les gens sont dans la même ville, il est opportun que ce soit par des visites. Cependant, cet article est loin de donner aux grands-parents les droits étendus que les amendements à la Loi sur le divorce semblent vouloir leur donner.

Je vais terminer ma courte présentation en répétant que nous considérons que le Parlement fédéral n'a pas à légiférer dans ce domaine, que c'est bel et bien à l'autorité provinciale de le faire.

Je suis disponible pour répondre à toutes vos questions.

[Traduction]

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur de Savoye, vous avez 10 minutes.

M. de Savoye (Portneuf): J'ai bien apprécié cette présentation qui nous éclaire sur le type de relations qui existent entre les grands-parents et l'enfant et la manière dont on préserve ce type de relations, au Québec, d'abord et avant tout dans l'intérêt de l'enfant.

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J'aimerais vous poser deux questions. D'abord, parlons des grands-parents. Comment définir qui est un grand-parent? Bien sûr, on pourrait présumer a priori que les grands-parents biologiques sont les grands-parents. Mais il y a aussi les grands-parents de droit. Et qu'arrive-t-il si ces grands-parents ont divorcé, se sont remariés et ont développé des relations avec l'enfant? À la limite, un enfant pourrait avoir beaucoup de grands-parents. Ma première question est donc de savoir comment, au Québec, on règle cet aspect des choses.

La deuxième question m'apparaît, au niveau du Québec, préoccupante. On sait qu'il y a au Québec une loi sur les renseignements personnels et on voit dans le projet de loi C-232 un article qui indique que les grands-parents peuvent demander et se faire donner des renseignements relatifs à la santé, à l'éducation et au bien-être de l'enfant. Cela m'apparaît, à première vue, aller à l'encontre de la législation québécoise. Comment réagissez-vous à cela? Est-ce que vous pouvez éclairer un peu notre comité?

Me Grassby: Je vais répondre à la deuxième question avant de répondre à la première.

Je dois dire que je ne peux pas répondre à cette question parce que je n'ai pas la réponse. Je peux cependant vous répondre, non pas comme avocat qui connaît la loi, mais à titre d'avocate faisant du droit familial.

Je n'ai pas pensé à commenter cet aspect-là. Cela, c'est la boîte de Pandore. Il y a déjà beaucoup de conflits entre le parent gardien et le parent non gardien sur ce qui doit être communiqué. Lorsqu'on signe des conventions, même entre parents qui s'entendent, la question est toujours de savoir si, lorsqu'on reçoit un avis de l'école disant qu'il va y avoir un pique-nique dans une semaine, on doit le communiquer à l'autre parent. Évidemment, s'il y a un concert, les deux parents sont invités et, dans ce cas, c'est clair. Mais où est la ligne entre ce qui est un renseignement utile et ce qui ne l'est pas?

Je dois dire que c'est épouvantable. J'ai récemment reçu une requête contre une de mes clientes disant que celle-ci n'avait pas communiqué les résultats scolaires de son enfant. Je lui ai demandé pourquoi elle n'avait pas communiqué ces résultats scolaires et quelle sorte de mère elle était. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas de photocopie quand on les lui a demandés et qu'il lui avait fallu une semaine pour les communiquer. Alors, cela peut créer des conflits.

S'il faut aussi que les grands-parents soient sur la liste d'envoi... Excusez-moi, mais je vois souvent des problèmes du côté du parent gardien. Cela fait un fardeau de plus, ce qui complique les choses. D'ailleurs, les écoles envoient certains renseignements aux deux parents, même s'ils sont séparés. Je ne crois pas que l'on doive ajouter les grands-parents à ces listes; je ne crois pas que cela soit souhaitable. Les grands-parents ont tout de même un rôle très différent dans la vie des petits-enfants et il me semble que les parents peuvent décider de dire ou non aux beaux-parents si les enfants ont bien réussi ou non.

M. de Savoye: Il faut quand même dire que le projet de loi que nous avons devant nous est susceptible de donner aux grands-parents davantage de droits qu'il n'en auraient eu si le couple n'avait pas divorcé.

Me Grassby: C'est absolument ça. Ça met les grands-parents à un autre niveau. On veut régler un problème qui peut exister, mais on leur donne des choses qui n'ont jamais été les leurs, même dans une famille fonctionnelle, et cela dans le contexte beaucoup plus complexe du divorce. On oublie aussi toutes les relations grands-parents-enfants là où il y a des conjoints de fait et où il est question de décès. Beaucoup de nos causes, au Québec, sont relatives à des situations de conjoints de fait où il y a eu décès.

Concernant votre première question, je vais juste dire qu'au Québec, heureusement - et c'est le cas dans reste du Canada aussi, alors que ce n'est pas le cas aux États-Unis où il y a fréquemment trois mariages chez les parents, alors que nous sommes rendus à deux ici - il n'y a pas trop de grands-parents. Je pense qu'il y a peu de cas au Québec où il y a ce genre de problèmes. Il est certain, par contre, qu'il peut y avoir des parents in loco parentis, par exemple un homme marié à une femme qui a des enfants d'un premier mariage et qui, en vivant 15 ans avec eux, développe une relation de parent. D'ailleurs - et c'est reconnu dans la loi - il est tenu de payer une pension alimentaire et il a aussi tous les droits d'accès.

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J'ai l'impression qu'on ne pourra pas nécessairement étendre la définition de «grand-parent» en l'assimilant à celle de in loco parentis et qu'il existe une façon d'aller chercher des droits d'accès à titre de tierce personne proche du petit enfant.

M. de Savoye: Vous avez dit qu'au Québec, les grands-parents étaient susceptibles de devoir assumer une responsabilité financière vis-à-vis de leurs petits-enfants.

Me Grassby: Oui.

M. de Savoye: Dans le contexte du projet de loi qui est devant nous, est-ce que le fait d'accorder des droits aux grands-parents n'entraînerait pas la reconnaissance de devoirs de la part de ces grands-parents? Est-ce que cela ne fait pas partie de la boîte de Pandore?

Me Grassby: Je ne vois pas dans ce texte législatif quoi que ce soit visant à imposer aux grands-parents des obligations de soutien financier. Et d'ailleurs, c'est dans le Code civil qu'on trouve ces obligations chez nous, et je pense qu'elles sont à leur place. Si vous me demandez si on doit donner des droits d'accès sans donner de responsabilités, je pense ne pas avoir besoin de répondre à cette question-là dans ce contexte, mais c'est une question.

Au Québec, il y a eu récemment beaucoup d'articles de presse sur un cas où les grands-parents avaient été poursuivis et ont eu à payer une pension alimentaire, mais il faut aussi comprendre que cela se produit dans des cas très spécifiques. D'habitude, c'est dans un cas où le parent non gardien ne remplit pas ses devoirs, soit par incapacité, soit par mauvaise foi.

M. de Savoye: Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci de votre exposé. D'après ce que vous avez dit, vous semblez croire que tout va bien et qu'on a pas besoin d'accorder de droits supplémentaires aux grands-parents avec cette loi.

Mme Grassby: Un instant. Tout va bien chez nous. Je ne peux pas parler au nom des autres provinces. Je vous dis tout simplement qu'à mon avis il revient aux provinces de résoudre les problèmes qu'elles peuvent avoir et que nous, au Québec, avons trouver une façon satisfaisante de le faire.

M. Ramsay: Donc tout va bien au Québec?

Me Grassby: Il me semble que deux autres provinces ont des lois concernant les droits d'accès pour grands-parents.

M. Ramsay: Donc, ce projet de loi ne règlerait pas de problèmes pour les grands-parents du Québec.

Me Grassby: À notre avis, le projet de loi créerait des problèmes.

M. Ramsay: Donc, en réponse à ma question, vous dites au comité, si je vous ai bien compris, que les grands-parents n'ont aucun problème pour ce qui concerne les droits d'accès et de visite à leurs petits-enfants.

Me Grassby: Je cromprends votre question. Si les grands-parents du Québec ont un problème familial précis, vous me dites que la loi leur donne un moyen de le résoudre.

M. Ramsay: C'est ce que je vous demande.

Me Grassby: Évidemment que les grands-parents ont des problèmes. Il y a certains problèmes qui doivent se régler au sein de chaque famille, mais il y a aussi une façon de les régler en ayant recours à la loi et aux tribunaux. Ils n'ont besoin de rien de plus pour régler ces problèmes.

M. Ramsay: Vous dites que le projet de loi créerait un problème.

Me Grassby: Ce projet de loi-ci? Oui.

M. Ramsay: En lisant ce projet de loi...d'après les lettres et les pétitions que nous envoient les grands-parents sur ce sujet précis et sur ce projet de loi, je puis vous assurer que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, en tout cas, pas dans le reste du Canada en dehors du Québec. Ces gens-là cherchent une solution quelconque.

Ce n'est pas la première fois qu'on nous présente un tel projet de loi. On m'a dit que M. Stan Wilbee l'a parrainé au cours de la législature précédente.

Ce projet de loi vise à régler quelques-uns des problèmes qu'ont les grands-parents sur le plan des droits de visite et d'accès à leurs enfants. Le projet de loi ne fait que préciser, pour les tribunaux, que les grands-parents ont le droit de faire une requête, n'est-ce pas? À mon avis, les tribunaux du Canada, y compris ceux du Québec, ont la sagesse voulue pour prendre une décision lorsqu'ils sont saisis d'une requête des grands-parents à propos de leurs droits d'accès ou de visite. Non? Quel énorme problème sommes-nous en train de créer?

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Nous avons entendu des témoins du ministère de la Justice qui nous ont, eux aussi, présenté des situations hypothétiques. Bien sûr, vous nous avez parlé de cas extrêmes, ou du moins d'un cas qui montre que ces situations extrêmes pourraient exister. Ne seraient-elles pas rares? N'y a-t-il pas des cas extrêmes quelle que soit la mesure législative qui soit présentée?

En quoi serait-ce un problème que de permettre à un tribunal d'évaluer la demande faite par un grand-parent au moment du divorce afin de déterminer s'il est dans l'intérêt de l'enfant que les grands-parents aient des droits de visite et d'accès? Y a-t-il quelque chose dans cet article du projet de loi qui ne va pas?

Me Grassby: Oui.

M. Ramsay: Qu'est-ce qui ne va pas?

Me Grassby: Vous m'avez posé plusieurs questions. Je ne suis pas sûre, mais je vous dirais qu'il existe peut-être un problème qui devrait être réglé, mais que le problème ne doit pas nécessairement être réglé par la mesure proposée. Ce n'est pas la mesure qu'il faut pour le régler.

M. Ramsay: Pour régler quoi?

Me Grassby: Pour régler les problèmes qui existent peut-être dans les faits pour ce qui est de l'exercice de ces droits par les grands-parents.

M. Ramsay: Le problème qu'on veut régler ici concerne simplement les droits d'accès et de visite. Évidemment, la mesure pourrait également être invoquée relativement à la garde des petits-enfants.

Pourriez-vous répondre aux questions relatives au droit d'accès et de visite des grands-parents, ainsi qu'à la possibilité qu'ils aient simplement le droit de présenter une demande en ce sens au tribunal au moment du divorce au lieu de devoir en présenter une par la suite? Ils ont le droit de présenter une demande en ce sens.

Me Grassby: Permettre aux grands-parents de demander un droit d'accès au moment du divorce, c'est sans doute la pire chose qu'on puisse faire. Il faut d'abord permettre aux principaux protagonistes de faire valoir leurs droits. Une fois le calme rétabli, beaucoup de ces problèmes se règlent sans l'intervention du tribunal.

Quand, dans un cas donné, on découvre qu'il y a un problème, on examine la loi ou on essaie de voir comment le régler. Le moment du divorce est le pire moment pour que les grand-parents se présentent devant le tribunal.

M. Ramsay: Pourquoi?

Me Grassby: Parce qu'à ce moment-là les deux principaux intéressés sont souvent dans un état de troubles affectifs et de colère. Ils essaient de faire pour le mieux et ils ne savent peut-être pas ce qui serait le mieux. Ils retiennent les services d'experts qui essaient d'en arriver à un scénario acceptable. Ils essaient de s'entendre sur une formule de vie familiale post-couple. On finit par trouver un modus vivendi et, presque invariablement, les grands-parents y trouvent leur compte. Il est très rare qu'on n'en arrive pas à un modus vivendi.

On ne veut surtout pas, et c'est certainement le cas de la plupart des grands-parents, devoir se présenter devant le tribunal. On ne veut surtout pas qu'au moment du divorce...

Je poursuis parce que vous m'avez posé plusieurs questions et je n'arriverai jamais à y répondre si, chaque fois que je dis quelque chose, vous me posez une autre question. Je vous demanderais de bien vouloir m'accorder une minute ou deux encore.

Je ne nie pas que, dans certains cas, il peut y avoir un problème pour les grands-parents. Je ne nie pas que le problème puisse appeler une intervention du législateur. Je dis simplement qu'il est inadmissible de donner aux grands-parents les mêmes droits qu'aux parents, comme il est proposé dans cette mesure. Les grands-parents peuvent...

M. Ramsay: Ce n'est pas ce qui est proposé. Je suis désolé, mais...

Le président: Monsieur Ramsay, veuillez permettre au témoin de répondre aux trois ou quatre questions que vous avez posées.

M. Ramsay: Mais on ne répond pas aux questions que j'ai posées. Je n'ai que dix minutes pour ce tour de questions.

Le président: Vous lui avez quand même posé plusieurs questions. Il faut lui permettre d'y répondre, puis nous verrons s'il reste encore du temps.

Me Grassby: Les grands-parents peuvent demander la garde de leurs petits-enfants. Ils peuvent invoquer la disposition de la Loi sur le divorce qui leur permet de présenter une demande en ce sens avec l'autorisation du tribunal. Ils peuvent demander ce droit en cas de situation grave. Il n'est pas nécessaire cependant de les mettre sur un pied d'égalité avec les parents, qu'il s'agisse de la garde, du droit d'accès, d'encourager le plus de contact possible ou d'obtenir des renseignements de l'école où au sujet de la santé. Ils ont le droit de présenter une demande de garde.

M. Ramsay: Permettez-moi de revenir à ce que la loi accorderait aux grands-parents. Je suis d'accord pour dire et je ne pense pas être le seul à le penser, que ce ne sont pas tous les grands-parents qui se précipiteraient devant les tribunaux pour demander la garde ou des droits d'accès ou de visite chaque fois qu'il y a un divorce. Si toutefois l'objectif est de prévoir une loi compatible avec l'intérêt propre de l'enfant, pourquoi ne pas permettre aux grands-parents de présenter une demande de garde ou de droit de visite ou que sais-je encore et laisser au juge le soin de décider ce qui est compatible avec l'intérêt de l'enfant, et ce, en tenant compte des demandes dont le tribunal est saisi? Je ne vois pas ce qui fait problème.

.1600

Me Grassby: Je vois bien que vous ne le voyez pas, mais je vous ferai remarquer une chose. Si les avocats s'opposent à cette mesure alors qu'elle pourrait multiplier le nombre de causes qu'ils ont à défendre, ce doit être parce qu'ils sont persuadés que des problèmes pourraient en résulter.

La nature du divorce est telle que la colère se manifeste beaucoup. Souvent, la colère des familles, de parents se répercute sur l'ensemble du processus de divorce. C'est le genre de mesure législative qui peut... Elle pourrait donner lieu à des motions devant les tribunaux. Parfois, les grands-parents règlent leur conduite sur celle du parent qui n'a pas la garde et entreprennent des démarches qui ne sont pas dans l'intérêt des enfants. Le moment du divorce n'est tout simplement pas le moment qui convient et la Loi sur le divorce n'est pas le véhicule qui convient.

M. Ramsay: J'ai une dernière question. Si cette mesure créait un problème aussi énorme, pourquoi pensez-vous qu'il y a tellement de gens qui nous écrivent pour nous demander précisément de légiférer en ce sens?

Me Grassby: Je ne suis pas sûre d'être la mieux placée pour répondre à cette question, mais je pense que c'est sans doute parce qu'ils estiment qu'il faudrait faire quelque chose. Ils savent pas nécessairement quelle serait la meilleure façon de s'y prendre. Ils considèrent peut-être que cette mesure pourrait être utile, mais ils ne comprennent pas nécessairement que la question est du ressort des provinces.

M. Ramsay: Vous recommandez donc de laisser aux provinces le soin de s'en occuper.

Me Grassby: Tout à fait.

M. Ramsay: D'accord.

Me Grassby: Ces gens-là devraient écrire à leur gouvernement provincial.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

M. MacLellan.

[Français]

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Madame, merci pour votre témoignage de cet après-midi. Je pense qu'il nous sera extrêmement utile.

[Traduction]

Hier, on nous a dit - et cela rejoint justement ce que vous nous disiez - qu'il est très rare qu'on se présente devant le tribunal au moment du divorce sans avoir une entente quelconque. Le plus souvent, on s'est déjà entendu. L'entente est alors incorporée à l'ordonnance du tribunal. Or, si les grands-parents avaient le droit d'intervenir, bien souvent, le processus s'en trouverait compliqué et il en résulterait aussi un grand nombre de litiges supplémentaires.

Me Grassby: Cela ne fait aucun doute.

M. MacLellan: Par ailleurs, le parrain du projet de loi part du principe que, comme ils auraient le droit d'intervenir, les grands-parents seraient avisés au même titre que les parties à l'action en divorce, c'est-à-dire au même titre que le requérant et le répondant. Croyez-vous que ce serait effectivement le cas, que les grands-parents auraient le droit d'être avisés eux aussi?

Me Grassby: Si, par exemple, ils intervenaient, ils recevraient copie de...

M. MacLellan: Mais le fait d'être parent ne leur donnerait pas automatiquement le droit d'être avisé de l'action divorce.

Me Grassby: Vous voulez dire à l'heure actuelle, en tant que grands-parents?

M. MacLellan: Oui.

Me Grassby: Bien sûr que non. Tout d'abord, il y a la question de la protection de la vie privée, les enfants ne tenant pas à ce que leurs parents soient au courant de toutes ces choses. Ainsi, je suis constamment en train de dire à ceux qui viennent me voir à mon bureau de laisser leurs parents à l'extérieur. C'est déjà difficile quand il y a deux personnes en cause, mais quand on fait intervenir tout le bagage de la famille élargie... C'est aux deux adultes, aux parents, qu'il appartient vraiment de régler leurs différends. C'est déjà assez difficile comme cela. On n'a pas besoin que les parents soient là pour pousser leur fille ou leur fils dans un sens ou dans l'autre. Si les grands-parents ont eu aussi des droits, la situation deviendra encore plus compliquée.

M. MacLellan: Actuellement aux termes de la Loi sur le divorce, les grands-parents ont le droit d'intervenir avec l'autorisation du tribunal. C'est logique. Je conviens avec vous que la disposition du Code civil du Québec prévoit déjà tout ce qu'il faut prévoir et que les provinces ont le droit de légiférer en ce sens. Je vous demanderais de nous dire si la question relève bien de la compétence provinciale.

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Me Grassby: Je crois que oui, ou plutôt je le sais.

M. MacLellan: En tout cas, les tribunaux reconnaissent que, quand les parents peuvent intervenir avec l'autorisation du tribunal et que la garde et le bien-être des enfants sont une question accessoire découlant de l'action en divorce, si les grands-parents avaient le droit d'intervenir, ils deviendraient alors des parties principales à l'action en divorce, indépendamment de leur droit d'être avisés de l'action.

Il me semble que cela poserait un problème sur le plan constitutionnel. Avoir le droit d'intervenir avec l'autorisation du tribunal, ce n'est pas la même chose que d'avoir carrément le droit d'intervenir, auquel cas on devient une partie principale. Étant donné la Constitution et les limites qu'elle impose à la Loi sur le divorce en ce qui concerne le divorce et les droits accessoires des enfants, il me semble qu'il pourrait y avoir un problème sur le plan constitutionnel. Êtes-vous aussi de cet avis?

Me Grassby: Je suis ici, non pas comme constitutionnaliste, mais comme spécialiste du droit de la famille.

M. MacLellan: Oui, je sais bien. Il est peut-être injuste de vous poser la question.

Me Grassby: Je dois toutefois vous dire que, pendant que vous parliez, je me suis souvenu d'un cas en particulier, qui pourrait être considéré comme une de ces histoires d'horreur auxquelles j'ai fait allusion. Bien souvent, le parent qui n'a pas la garde et qui estime qu'il ou elle n'a pas des droits d'accès ou de visite suffisants n'a pas trop de mal à convaincre ses parents de l'appuyer et de se rallier à sa cause. Les parents présentent alors une motion - je m'éloigne du sujet constitutionnel pour aborder des questions pratiques.

Je me souviens du cas de cette personne qui tentait désespérément d'élever son enfant avec des moyens financiers nettement insuffisants et qui avait dû payer une deuxième fois parce que, la cause étant très contestée, les grands-parents essayaient ni plus ni moins d'obtenir des droits de visite pour assurer au parent qui n'avait pas la garde le temps de visite supplémentaire qu'il n'avait pas pu obtenir lui-même. Le tribunal avait refusé la demande parce qu'il y avait de graves problèmes avec la famille et avec les grands-parents aussi. La situation était telle qu'on n'aurait pas pu simplement dire: Oui, c'est très bien, je voudrais que mon fils voit ses grands-parents. La question est bien plus complexe que cela.

Ainsi, le parent qui a la garde et qui essaie de jongler avec toutes les boules, d'envoyer l'enfant à l'école, de s'en occuper, serait obligé de revenir devant le tribunal et de payer encore une fois. Il lui serait très difficile de faire valoir ses droits sur un pied d'égalité.

M. MacLellan: J'ai une autre question à vous poser en tant qu'avocate spécialisée dans le droit de la famille, et je comprends bien que c'est à ce titre que vous êtes ici. Naturellement, je comprends l'inquiétude des grands-parents, et je sympathise avec ceux qui n'ont plus aucune place dans la vie des enfants. C'est tragique et, dans bien des cas, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, sans parler du chagrin des grands-parents. Je crois que nous en sommes tous conscients.

Un des arguments qu'on invoque concerne le coût. Les grands-parents s'inquiètent de ce qu'il leur en coûterait d'intervenir ultérieurement. Vous avez dit qu'ils ne devraient pas intervenir au moment du divorce. Ce n'est pas le moment opportun et il serait d'autant plus difficile d'en arriver à une entente. Qu'en est-il des frais que devrait assumer le parent, mettons qu'il s'agisse de la mère, si l'entente tombait à l'eau à cause de l'intervention des grands-parents et qu'il faudrait retourner devant le tribunal pour cette action et peut-être aussi pour d'autres actions ultérieures? Combien en coûterait-il aux parents, plus particulièrement aux parents qui auraient la garde et qui auraient le moins élevé des deux revenus, dans un cas comme celui-là?

Me Grassby: Il ne fait aucun doute qu'il faut engager des frais pour se faire représenter devant le tribunal. Cela coûte cher, car la procédure judiciaire prend du temps, et les avocats exigent généralement des honoraires en fonction du nombre d'heures qu'ils consacrent à la cause. Je ne crois pas toutefois qu'on puisse résoudre ce problème en se contentant de dire qu'il vaudrait mieux régler cela au moment du divorce, car on ne fera qu'allonger et peut-être compliquer la procédure pour en arriver à une entente au moment du divorce.

.1610

N'oubliez pas que, en général, au moment du divorce, le couple traverse une crise, puis les choses s'arrangent. Les grands-parents qui ont conservé de bonnes relations avec leur bru se montreront serviables et lui offriront un jour de profiter d'un instant de répit en leur confiant l'enfant pour la journée. La mère qui a la garde répondra souvent aux grands-parents parternels qu'elle est d'accord.

Quand les membres de la famille ont entretenu des liens au fil des ans, les choses s'arrangent d'elles-mêmes. Il est même possible que la mère qui a la garde et qui a dit au moment du divorce qu'elle ne voulait plus voir la mère de son ex-mari recommence à parler à son mari six mois plus tard et que tout rentre alors dans l'ordre.

Pour ce qui est de faire intervenir des tiers, vous devez comprendre pourquoi les avocats font l'impossible pour éviter les audiences sur la garde des enfants. Les gens disent alors des choses qui restent et qu'ils regrettent plus tard, mais qui devaient être dites dans ce contexte. En fait, c'est en séance de médiation ou de counselling familial qu'on doit régler les problèmes liés aux petits-enfants.

Je ne veux pas dire par là qu'on ne devrait pas permettre le recours au tribunal dans les cas très difficiles, mais ça ne devrait pas se faire au moment du divorce.

[Français]

M. de Savoye: Au Québec, on a donc, depuis nombre d'années, une expérience dans le traitement de ces questions grâce à l'article 611. Cette expérience s'avère-t-elle heureuse?

Me Grassby: Je pense que c'est le cas. Il n'y a pas énormément de causes, mais c'est lent. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas énormément de causes qu'on devrait mettre dans la Loi sur le divorce une disposition et dire qu'elle ne va pas s'appliquer souvent. Tel n'est pas l'objectif. Les juges sont là pour régler les causes difficiles et il existe plusieurs causes où on refuse le droit d'accès aux grands-parents pour des motifs valables.

Par exemple, dans un cas où un parent est décédé et où le grand-parent revient demander des droits, si la personne s'est remariée et commence une nouvelle cellule familiale, il se peut que le juge n'accorde pas de droits de visite. S'il y a des problèmes, de très mauvaises relations, énormément de conflits et de tensions, il se peut qu'il refuse parce que les visites ne sont pas bénéfiques pour l'enfant quand le demandeur est en proie à des conflits. Par exemple, si un grand-parent parlait tout le temps contre le parent gardien, ce pourrait être un motif de ne pas accorder de droits.

Ce n'est pas parce qu'on a le droit de faire une demande devant les tribunaux que c'est nécessairement accordé. Mais il est certain qu'il y a une présomption voulant que ce soit une chose valable. Il est vraiment exceptionnel que ce ne soit pas accordé.

M. de Savoye: Si je vous comprends bien, l'exemple du Québec démontre clairement que les autres provinces pourraient s'inspirer de ce qui est fait au Québec et obtenir des résultats heureux qui garantiraient à l'enfant le respect de ses droits et la possibilité de croître.

Me Grassby: J'en suis convaincue, ainsi que le Barreau.

M. de Savoye: Je n'ai pas d'autres questions à poser.

[Traduction]

Le président: Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Vous avez dit que ce n'est pas au moment du divorce qu'on peut régler toutes ces questions. J'en conclus que les parties doivent en arriver à un point où leurs blessures ont commencé à se cicatriser. Que suggérez-vous qu'ils fassent de deux à quatre ans après le divorce?

Me Grassby: Chez nous, les gens s'adressent aux tribunaux s'il y a un problème. Comment découvre-t-on qu'un problème existe? Une fois que la poussière est retombée, vous, le grand-parent, voulez voir votre petit-enfant et vous appelez le parent qui en a la garde. En général, vous verrez votre petit-enfant parce que votre fils et votre fille passe du temps avec lui.

M. Knutson: Prenons l'exemple des cas les plus exceptionnels.

Me Grassby: D'accord. Disons que votre fils ou votre fille est le parent qui n'a pas la garde de l'enfant.

M. Knutson: Peut-être que cela ne l'intéresse pas.

Me Grassby: En effet. Le grand-parent doit donc faire affaire directement avec son ex-bru ou ex-gendre pour voir son petit-enfant. Ce problème n'apparaîtra qu'avec le temps. Tout d'abord, le problème est très rare, mais s'il survient, il y aura des négociations, de la médiation, selon la façon dont les parties veulent régler leurs différends. Si le parent qui a la garde refuse tout compromis, le grand-parent peut intenter des poursuites. Le parent qui a la garde décidera alors s'il ne veut pas faire ce genre de dépenses ou on trouvera une solution quelconque.

.1615

M. Knutson: Ce genre de médiation existe-t-il en Ontario?

Me Grassby: Je ne crois pas, mais je n'en suis pas certaine. Lorsque je dis que je ne crois pas, c'est que je me base sur un excellent article de Dominique Goubau qui est paru aujourd'hui et qui indique que des dispositions semblables à celles du Québec n'existent que dans deux autres provinces. Je ne crois pas qu'il s'agissait de l'Ontario, mais plutôt de l'Alberta et des Territoires du Nord-Ouest.

Excusez-moi... je suis désolée, mais c'est en matière d'obligations financières et non pas en matière d'accès qu'il en est ainsi.

Je ne sais donc pas si l'Ontario a des dispositions de ce genre. Je ne peux répondre à votre question. Je crois savoir que l'ABC comparaîtra devant votre comité demain; et je suis certaine que ses représentants pourront répondre à votre question.

M. Ramsay: J'ai sous les yeux l'article 11 du Code civil du Québec. Je vois quelque chose dont nous avons discuté hier.

Me Grassby: Est-ce bien l'article 611?

M. Ramsay: Oui. Il stipule:

Cette disposition m'apparaît assez stricte et on pourrait bien créer des problèmes entre les parents et les grands-parents. Que pensez-vous de l'article 611? Croyez-vous qu'il soit indiqué qu'il soit inclus au Code civil?

Me Grassby: Cet article me semble tout indiqué. Il a été très efficace car il permet de corriger des problèmes qui ne se régleraient pas autrement. Toutefois, ce n'est peut-être pas évident, mais cet article est très différent de ce qu'on trouve dans la Loi sur le divorce, plus particulièrement en ce qui concerne les amendements proposés.

M. Ramsay: Si vous êtes d'accord avec l'esprit de l'article 611, ne seriez-vous pas d'accord avec un projet de loi fédéral qui conférerait le même genre de droit à tous les grands-parents du pays?

Me Grassby: Je ne crois pas qu'il convienne au palier fédéral d'adopter une mesure législative de ce genre. L'AANB prévoit le partage des compétences et nous devrions le respecter.

M. Ramsay: Faisons abstraction de la constitutionnalité du projet de loi; ne seriez-vous pas d'accord pour que toutes les provinces et tous les grands-parents puissent bénéficier de l'application de l'article 611?

Me Grassby: J'ai remarqué que nous vivons dans un pays où les provinces font parfois les choses différemment l'une de l'autre. C'est l'une des gloires de notre pays. Il est donc possible pour les provinces - et elles ont précisément le droit de faire cela - de ne pas agir exactement comme leurs voisines. En l'occurrence, il me semble tout indiqué pour les provinces de légiférer.

Je crois avoir répondu à votre question.

M. Ramsay: Cela n'était pas ma question. Voici ma question: du point de vue fédéral, appuieriez-vous un projet de loi fédéral qui contiendrait des dispositions relevant du même esprit que celui de l'article 611 du Code civil?

Me Grassby: Premièrement, je ne suis pas ici à titre personnel, mais bien à titre de représentante du Barreau du Québec; je ne suis donc pas en mesure de répondre à ce genre de question, mais je crois que la position du Barreau est assez claire: il estime qu'une loi de ce genre devrait être provinciale.

M. Ramsay: Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: Monsieur Crawford.

M. Crawford (Kent): Merci, monsieur le président.

Maître Grassby, je vous ai écouté faire vos remarques liminaires, mais je n'étais pas d'accord avec vous. Puis, je vous ai entendu répondre aux questions de mes collègues, et je comprends maintenant pourquoi ce projet de loi relève des provinces plutôt que du palier fédéral. Vous êtes la spécialiste en droit, et moi, j'ai mon conseiller constitutionnel.

Me Grassby: Je serai même grand-mère d'ici deux ans, semble-t-il. Cette question m'intéresse, car ma fille a un programme bien établi à ce chapitre.

Le président: Ce sera une grossesse longue.

Des voix: Oh, oh!

Me Grassby: D'abord, on se marie, puis, un an plus tard...

M. Crawford: Je vous poserai ma question à titre d'expert, de petit-fils et de grand-père. Lorsque j'étais enfant, j'ai passé la moitié de mon temps, sinon les trois quarts de mon temps avec mes grands-parents. Ce n'est pas que je n'aime pas mes parents, mais j'ai passé beaucoup de temps avec mes grands-parents, cela me plaisait beaucoup. À Ottawa, je suis loin de mes petits-enfants, mais nous passerons la semaine prochaine ensemble. Mes petits-enfants seront avec nous. Nous voyagerons ensemble.

.1620

Me Grassby: Les parents de vos petits-enfants seront-ils aussi avec vous?

M. Crawford: Non.

Me Grassby: Vous serez seul avec vos petits-enfants?

M. Crawford: Oui.

Me Grassby: D'accord.

M. Crawford: Si, un jour, cela n'était plus possible...

Voilà pourquoi je m'intéresse à une loi qui s'appliquerait à ce genre de situation, qu'elle soit provinciale ou fédérale. J'ai moi-même deux neveux qui n'ont jamais connu leurs grands-parents, même si seulement sept milles séparaient leurs foyers. Je ne voudrais pas que mes petits-enfants se retrouvent dans une telle situation.

Me Grassby: Vous venez de dire quelque chose d'intéressant. Vous ne pouvez légiférer pour forcer les familles à faire une chose qu'elles ne peuvent pas faire. Vous avez parlé de vos neveux qui n'ont jamais connu leurs grands-parents. Je présume qu'ils vivaient dans une famille intacte.

M. Crawford: En effet.

Me Grassby: Or, les membres de la famille ne s'entendaient pas suffisamment bien pour permettre les contacts entre les neveux et leurs grands-parents. Une loi ne peut résoudre...

Cette loi ne vise pas à régler les problèmes de familles intactes. Revenons à votre situation, au fait que vos petits-enfants passeront la semaine avec vous. Au Québec, dans la plupart des cas, il s'agissait de grands-parents qui avaient eu des contacts fréquents avec leurs petits-enfants avant le divorce, et non pas des contacts sporadiques.

Vous devriez vous poser une question très sérieuse. Disons que votre enfant et son conjoint divorcent et que, pendant un certain temps, on est en colère contre vous. Votre fils ou votre fille passera probablement deux ou trois semaines avec ses enfants pendant l'été. Vous pourriez peut-être passer une semaine avec les petits-enfants pendant que votre enfant s'en occupe. Cela ne pose donc pas de problème particulier.

Toutefois, si votre fils ou votre fille ne se préoccupe pas de ses enfants, ce qui est difficile à imaginer de quelqu'un qui a eu un père comme vous...

M. Crawford: Attention.

Me Grassby: ...vous seriez alors forcé de négocier avec votre bru. Si elle refusait de vous parler? Vous devriez alors prendre une décision très importante. Serait-il bon pour vos petits-enfants que vous vous prévaliez de vos droits devant le tribunal? Même si une loi de ce genre était adoptée, vous concluriez peut-être que ce ne serait pas avantageux pour vos petits-enfants.

Vous pourriez aussi en arriver à la conclusion que ce serait préférable pour vos petits-enfants, mais ce n'est pas chose facile pour un grand-parent même si des dispositions législatives existent à ce sujet, parce qu'il y a toute la question du conflit. Ce genre de poursuites peut créer beaucoup d'amertume dans une famille. C'est une situation très délicate. Beaucoup de gens décident de ne pas invoquer la loi parce qu'ils jugent que c'est une très mauvaise façon de régler leurs problèmes.

M. Crawford: Mais si la loi existait, je l'invoquerais certainement.

M. Ramsay: C'est là l'objectif du projet de loi.

Mme Torsney (Burlington): Cela vous serait possible.

M. Crawford: Non, parce que cela se passerait après le divorce.

Me Grassby: Vous pourriez le faire au moment du divorce.

Le président: Monsieur Ramsay, avez-vous d'autres questions?

M. Ramsay: J'aimerais donner suite à ce qui vient d'être dit. J'ignore si M. Crawford est le seul grand-parent ici, mais je comprends ce qu'il dit.

C'est ainsi que je comprends l'objectif du projet de loi. Si un des parents dit qu'il ou elle ne veut pas que les grands-parents voient les enfants même s'ils ont toujours eu une relation étroite et remplie d'amour et d'affection, ne pourrait-on pas contester cette décision?

Ce projet de loi confirmerait aux grands-parents le droit de faire une demande de droits de visite au moment du divorce. Je comprends mal pourquoi on s'oppose au projet de loi, parce que cette autorisation est accordée à moins qu'il ne s'agisse d'une demande déraisonnable... frivole ou vexatoire.

.1625

Pourquoi ne pas l'étudier à ce moment-là? Voilà ce que ce projet de loi permettrait. C'est ce que j'ai entendu dire. Vous avez dit que vous le feriez certainement. Comme grand-parent, je le ferais certainement moi aussi.

Je ne comprends pas l'objection. Je ne comprends pas les objections des témoins du Québec ni des membres du comité qui viennent du Québec puisque leurs propres lois provinciales, et l'article 611, prévoient quelque chose de très semblable.

Je ne sais pas ce qu'il peut y avoir d'autre, parce que je n'en ai vu que cette partie. Le raisonnement me dépasse et, monsieur le président, je crois bien que c'est tout ce que j'ai à dire.

Je voterai en faveur du projet de loi. Nous pourrons étudier les amendements proposés. Je voterai pour accorder aux grands-parents le droit de voir leurs petits-enfants et le droit de faire appel aux tribunaux lors du divorce, pas après. Il s'agit de l'intérêt des petits-enfants. Je crois que les grands-parents ont ce droit.

Me Grassby: Je vous comprends. Ce n'était peut-être pas une question, mais la loi prévoit...

M. Ramsay: Il ne s'agit pas d'une question.

Me Grassby: ...qu'avec la permission du tribunal, vous pouvez présenter ce genre de requête, même s'il s'agit d'accès. Il n'y a aucune raison pour mettre sur un pied d'égalité parents et grands-parents.

M. Ramsay: Ils ne sont pas sur un pied d'égalité. Pas d'après moi. Ce n'est pas ce que je comprends, monsieur le président.

Dans un cas, il s'agit de savoir qui aura la garde et dans l'autre il s'agit de droits d'accès et de visite. Les parents passent d'abord. Les grands-parents ensuite.

Le président: Merci, monsieur Ramsay. Vous avez eu le dernier mot aujourd'hui. Nous devons lever la séance car le témoin a d'autres engagements et doit partir.

Merci beaucoup d'être venue nous voir, maître Grassby. Vous avez jeté un éclairage utile sur la question.

Pourriez-vous nous envoyer ces deux choses dont vous nous avez parlé? Il s'agit de la décision du juge Sénécal et de cet article de Dominique Goubau.

Me Grassby: Je vais vous les laisser.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.

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