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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 septembre 1995

.1106

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous abordons le projet de loi C-240, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire déposé par Mme Val Meredith, députée de Surrey - White Rock - South Langley. Mme Meredith va nous expliquer aujourd'hui son projet de loi.

Mme Val Meredith, députée (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, monsieur le président. Puis-je vous féliciter d'avoir été nommé président?

Le président: Je vous en remercie.

M. Ramsey (Crowfoot): Il a été élu, et non pas nommé.

Mme Meredith: Pardon, vous avez raison.

Le président: C'est M. Ramsay qui a proposé ma candidature.

Mme Meredith: C'est un honneur pour moi de comparaître devant votre Comité à titre de témoin, même si je dois admettre qu'il est très différent d'être assise à cette extrémité-ci de la table.

Je suis heureuse d'avoir réussi à saisir votre Comité de ce projet de loi-ci, étant donné l'urgence de régler le problème des délinquants dangereux avant que d'autres innoncentes victimes ne meurent.

Marilyn Pilon retrace en détail avec précision l'historique du projet de loi C-240 dans son sommaire législatif, et j'aimerais profiter de l'occasion pour la remercier.

Comme en fait foi le sommaire, ce projet de loi était à l'origine un avant-projet de loi préparé par le précédent gouvernement conservateur. L'essentiel de ces mesures législatives ont été reprises dans le projet de loi C-45 déposé par le solliciteur général en juin 1994. Toutefois, pour des raisons que j'ignore, le gouvernement libéral n'a pas jugé bon de retenir les articles portant sur la détention postpénale des délinquants dangereux. À mon avis, le gouvernement a eu tort d'éliminer cet article, et c'est pourquoi j'ai décidé de le présenter sous la forme d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Bien sûr, le projet de loi C-240 risque de susciter la controverse et d'être contesté en vertu de la Charte, mais pas plus que le projet de loi C-68. Le projet de loi C-72 fera lui aussi l'objet de contestations en vertu de la Charte. Il ne faut pas oublier que le Parlement est là pour légiférer de façon à protéger les droits de tous les Canadiens et non pas seulement de ceux qui ont contrevenu à la loi.

Le solliciteur général et le ministre de la Justice reconnaissent tous les deux la nécessité d'adopter de nouvelles dispositions législatives en ce qui concerne les délinquants dangereux. Les ministres ont confié à un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants dangereux le mandat de «chercher des moyens de modifier les lois, les politiques et les pratiques des secteurs de la justice pénale et de la santé mentale afin de gérer plus efficacement les criminels à risque élevé».

En réponse aux questions répétées du Parti réformiste, au cours des 18 derniers mois, au sujet de la possibilité d'adopter de nouvelles dispositions législatives sur les délinquants dangereux, le solliciteur général s'est habituellement contenté d'évoquer les propositions de changements aux lois provinciales en matière de santé mentale. Au cours des derniers mois, cette solution a toutefois été mise en veilleuse. En effet, les spécialistes en santé mentale ont fait valoir avec raison que les maigres ressources affectées au traitement de personnes souffrant de troubles mentaux ne devaient pas être utilisés pour des questions d'ordre pénal.

Le ministre de la Justice a aussi proposé comme solution de déclarer les délinquants dangereux «délinquants à long terme» et de les assujettir ensuite à de longues périodes de surveillance à leur sortie de prison. Même si la surveillance communautaire fait partie des trois solutions proposées dans le projet de loi C-240, la validité de toute ordonnance subséquente de mise en liberté surveillée risque elle aussi d'être contestée.

En outre, il est ridicule de prétendre qu'un délinquant qui présente un trop grand risque pour la sécurité du public pour avoir droit à une libération conditionnelle ou à une libération d'office puisse tout à coup ne pas présenter de risque pour la collectivité, s'il est mis en liberté surveillée à titre de «délinquant à long terme».

Si vous vous rappelez bien, Fernand Auger, l'homme qui a enlevé, agressé sexuellement puis assassiné Mélanie Carpenter faisait l'objet d'une surveillance stricte à Calgary; cela ne l'a toutefois pas empêché de se rendre jusqu'à Surrey en voiture pour commettre son crime odieux.

.1110

À mon humble avis, il n'existe qu'une seule solution valable, et elle réside dans l'adoption du projet de loi C-240. Nos législateurs ne devraient pas se sentir obligés de s'excuser pour l'adoption d'un projet de loi qui nous met à l'abri d'individus condamnés pour des crimes graves et violents et dont les chances de récidive sont considérées comme très grandes. Nous devrions plutôt nous excuser auprès des Canadiens de tolérer la situation actuelle qui permet à des délinquants dangereux de réintégrer la population, malgré l'avis des spécialistes qui savent pertinemment que ceux-ci ont toutes les chances au monde de récidiver.

Certains font valoir qu'il est impossible de prédire ou de prévoir la criminalité future, mais le fait est que la science fournit aux intervenants des moyens pour mesurer avec exactitude le degré de dangerosité. J'aimerais faire part aux membres du Comité des conclusions de deux professeurs de psychologie de la Colombie-Britannique. Le professeur Robert Hare de l'Université de Colombie-Britannique est l'un des grands spécialistes de l'identification et du traitement des psychopathes. Il a mis au point des méthodes d'identification des psychopathes qui donnent des résultats exacts dans 80 à 85 p. 100 des cas. En outre, le professeur Stephen Hart de l'Université Simon Fraser, qui a collaboré aux recherches du professeur Hare à ce sujet et à d'autres travaux, est une de nos sommités en matière de délinquants dangereux.

Je crois aussi qu'il est absolument essentiel que les membres du Comité entendent le témoignage des familles de certaines des victimes de délinquants dangereux remis en liberté. Ces familles seront en mesure de leur expliquer où mène la remise en liberté de délinquants dangereux dans la société.

Je me suis moi-même entretenue avec Jim et Anna Stephenson, dont le fils de 11 ans, Christopher, a été assassiné par Joseph Fredericks en juin 1988. Même s'il n'avait que 45 ans au moment du meurtre du jeune Stephenson, Fredericks avait déjà un passé de 34 ans d'agressions sexuelles. Lorsque Fredericks a été mis en liberté surveillée en 1988, les quatre membres de l'équipe de gestion de son cas étaient d'avis qu'il y avait de fortes chances qu'il commette d'autres crimes graves et violents. Pourtant, la loi disait qu'il fallait le libérer. Fredericks s'est donc retrouvé au sein d'une population peu méfiante, à Brampton en Ontario. Dans les trois mois qui ont suivi sa libération, Fredericks a enlevé Christopher et, pendant 24 heures l'a torturé et violé avant de finalement l'étrangler jusqu'à ce qu'il perde conscience et le poignarde à mort.

C'est la mort de Christopher Stephenson et l'enquête subséquente du coroner qui ont amené le gouvernement précédent à rédiger le projet de loi C-240. Dans l'intervalle, la loi a été modifiée pour autoriser le Service correctionnel et la Commission des libérations conditionnelles à refuser une libération d'office à quiconque est considéré comme grandement susceptible de commettre une infraction causant des sévices personnels graves. Toutefois, plutôt que de régler le problème, cette modification a causé un grave dilemme à la Commission des libérations conditionnelles. Lorsque vous gardez un délinquant en prison jusqu'à la date d'expiration de son mandat, à partir de ce jour-là, vous n'avez plus aucun contrôle sur lui.

C'est ce qui s'est produit dans le cas de Mitchell Owen. Délinquant sexuel ayant bénéficié d'une libération d'office, réincarcéré après avoir été reconnu coupable d'introduction par effraction, il a été remis en liberté d'office une nouvelle fois. En février 1993, sa libération d'office est suspendue parce qu'il refuse de s'inscrire à un programme pour délinquance sexuelle. Ayant à décider si elle devait maintenir Owen en détention jusqu'à l'expiration de sa peine ou le libérer sous surveillance communautaire, la Commission des libérations conditionnelles choisit de lui accorder une libération assortie de conditions sévères et ce, même si elle le considère comme un délinquant dangereux.

Or, à l'expiration de ces conditions en mars 1995, Owen décide de quitter la région de Toronto et de s'installer chez son frère à White Rock, en Colombie-Britannique. Le 4 octobre 1994, Pamela Cameron, âgée de 16 ans, se rend dans un restaurant après l'école. À sa sortie, elle emprunte une rue achalandée d'un quartier sud de Surrey (ironiquement, à moins de deux pâtés de mon bureau de circonscription). En cours de route, à quatre heures de l'après-midi, elle se fait prendre et entraîner dans un terrain boisé. Pamela s'est débattue de toutes ses forces. Elle a été agressée sexuellement et est morte étranglée.

Ce ne sont-là que deux cas parmi d'autres qu'un projet de loi comme le C-240 aurait pu prévenir. Le Comité devrait absolument entendre le témoignage de Jim et Anna Stephenson, qui ont perdu leur fils Christopher, et celui de Paul et Marilyn Cameron, dont la vie a été bouleversée par la mort de Pamela.

.1115

Voilà l'élément essentiel du projet de loi C-240. Il vise à mettre en équilibre des droits antagonistes, c'est-à-dire les droits des condamnés et ceux des victimes innocentes et de leur famille. Comme l'indique le résumé législatif, le projet de loi C-240 pourrait empiéter sur le droit des condamnés. Toutefois, j'estime que cet empiètement est raisonnable.

La Cour suprême du Canada a statué dans l'affaire La R. c. Lyons, qui fait jurisprudence, que la Loi actuelle sur les délinquants dangereux empiètait sur les droits des délinquants qualifiés de dangereux. Toutefois, elle a également déclaré que cet empiètement était raisonnable. Il n'y a aucune raison de croire que ce même jugement ne serait pas rendu dans le cas du C-240.

Sous certains rapports, le projet de loi C-240 se veut plus juste à l'égard du condamné. Pour qu'un délinquant soit déclaré dangereux, le juge doit déterminer qu'un délinquant présentera un danger pour la société, peu importe le traitement suivi. Un tel jugement n'est pas requis en vertu du projet C-240. Le juge devra décider uniquement que, peu importe le traitemnt subi par le délinquant, ce dernier présente toujours un danger.

Comme le précise le sommaire législatif, le C-240 contient de nombreuses mesures de sauvegarde. Avant qu'un délinquant ne puisse être déclaré dangereux en vertu du C-40, il faut qu'il y ait consentement unanime à cet égard entre le Service correctionnel du Canada, la Commission nationale des délibérations conditionnelles, le procureur général compétent et le juge. Si toutes ces personnes estiment que le délinquant présente un danger, ce dernier doit alors être déclaré dangereux.

Mais assez parler des délinquants. N'oublions pas les droits des victimes ou des victimes potentielles. La Charte des droits et libertés accorde à tous le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Christopher Stephenson a été privé de ses droits, tout comme Pamela Cameron, Melanie Carpenter, Sarah Kelly, Mindy Tran et Melissa Deley. Pourquoi? Parce que pendant des années, les gouvernements et les tribunaux se sont tellement attardés à protéger les droits des délinquants qu'ils en sont venus à oublier ceux de la société en général.

Une société ne devrait-elle pas avoir le droit de garder en détention un délinquant condamné qui, conformément à l'application régulière de la loi, constitue une menace grave pour la société? Il s'agit là d'une préoccupation tout à fait légitime. Ce qui est répréhensible c'est d'avoir des lois qui nous obligent à remettre en liberté ces individus, jusqu'à ce qu'ils s'en prennent à une autre victime innocente.

Monsieur le président, il est question dans le projet de loi C-240 de droits antagonistes. D'un côté, nous avons les droits des condamnés, et de l'autre, le droit qu'a la société de se protéger. À mon avis, dans un tel débat, ce sont les droits de la société qui doivent primer en tout temps.

Merci. Je répondrai avec plaisir, ou tenterai de le faire, à vos questions.

Le président: Merci, madame Meredith.

Commençons par un premier tour de dix minutes.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Tout d'abord, j'aimerais dire à tout le Comité et à Mme Meredith qu'on a voté sur ce projet de loi au moment même où nous apprenions à la Chambre que M. Bouchard était amputé d'une jambe. Par conséquent, il n'y avait pratiquement pas de députés pour voter sur ce projet de loi et, si je me rappelle bien, il n'y avait aucun député du Bloc québécois. Quant à moi, je suis convaincue que si cette situation-là n'avait pas existé, ce projet de loi n'aurait pas franchi l'étape de la deuxième lecture.

Comme nous l'avons présentement devant nous, discutons-en.

Madame Meredith, à l'article 26 de votre projet de loi, vous introduisez un nouvel article, qui serait l'article 753.1 du Code criminel, et j'aimerais vous demander si ce n'est pas là nous proposer ni plus ni moins qu'un nouveau procès soit instruit, qu'une nouvelle preuve soit entendue et qu'une nouvelle sentence soit imposée. Est-ce là le but de cet article 26?

.1120

[Traduction]

Mme Meredith: Je serai franche. Puisque ce n'est pas moi qui ait rédigé ce document, je propose que le comité invite des fonctionnaires du ministère de la Justice, ainsi que des représentants du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles à témoigner sur les objectifs précis du projet de loi.

Quant à moi, de nouveaux éléments de preuve justifieraient une révision du dossier d'un contrevenant dangereux un an avant la date prévue de sa libération. Il serait donc possible de demander la nouvelle étude d'un dossier si celle-ci s'accompagne d'éléments de preuve dont on ignorait l'existence au moment où la cause est passée devant le tribunal.

[Français]

Mme Venne: Comme vous ne pouvez pas répondre spécifiquement à ma question, je vais vous poser une question d'ordre général.

J'aimerais vous demander ce que vous pensez de l'alinéa 11h) de la Charte canadienne des droits et libertés qui dit que tout inculpé a le droit «de ne pas être jugé ni puni de nouveau pour une infraction dont il a été définitivement déclaré coupable et puni». Ne trouvez-vous pas que votre projet de loi frappe de plein fouet ce principe depuis longtemps établi?

[Traduction]

Mme Meredith: Non, pas du tout, car le projet de loi permettra aux décideurs en question d'examiner le contexte dans lequel s'est déroulé l'infraction. Il est grand temps que le droit pénal du Canada prenne en compte le contexte d'un crime.

À mon avis, on ne doit pas juger une personne uniquement sur l'infraction qu'elle a commise. L'infraction ne représente qu'une partie d'un jugement. Il faut également composer avec la personnalité de son auteur, ses caractéristiques et ses tendances violentes, s'il refuse de se faire aider, etc.. Donc, il existe plusieurs facteurs en plus de la commission de l'infraction elle-même. Le crime n'a pas été perpétré en vase clos. Il y a donc plusieurs facteurs en cause; et non pas uniquement celui qui a abouti au jugement et à l'inculpation.

[Français]

Mme Venne: J'aimerais vous demander si vous avez des statistiques précises qui justifieraient une détention postpénale, parce que c'est ce que vous demandez.

[Traduction]

Mme Meredith: Oui, si vous voulez avoir des statistiques précises sur le taux de récidivisme...

[Français]

Mme Venne: Je vais vous dire exactement les statistiques que je veux. Il s'agit des statistiques sur le taux de récidive des individus à qui on a accordé une libération conditionnelle.

[Traduction]

Mme Meredith: Je répète que ce projet de loi ne s'applique pas aux individus à qui on a accordé une libération conditionnelle. Il ne vise que les prisonniers - soit 1 p. 100 de la population carcérale - à qui on a refusé la libération conditionnelle et la libération d'office. Il s'agit de personnes que l'on a déjà jugées comme étant trop dangereuses pour être admises à la libération conditionnelle ou d'office.

Voilà donc les chiffres. Je ne crois pas que l'on en ait déjà fait la ventilation. Les chiffres s'appliquent aux individus qui sont en libération conditionnelle ou d'office.

[Français]

Mme Venne: Est-ce que vous pouvez répondre à ma question sur le taux de récidive?

[Traduction]

Mme Meredith: Je peux vous fournir des statistiques obtenues par le biais d'études faites sur le taux de récidive des psychopates, de personnes jugées extrêmement dangereuses. Ce taux est de...

[Français]

Mme Venne: Non, ce n'est pas ce que je vous demande.

[Traduction]

Mme Meredith: Ce n'est pas ce que vous voulez savoir? Soixante dix-sept pour cent des psychopates commettent des crimes violents. Mais ce chiffre s'applique plutôt aux contrevenants violents qui ne sont pas en libération conditionnelle ou d'office. Le taux de récidive que j'ai est de 77 p. 100; 77 p. 100 des crimes violents sont commis par ces personnes.

[Français]

Mme Venne: Bon. Vous n'avez pas les statistiques que je vous demande. Alors, je vais passer à une autre question.

L'article 15 de votre projet de loi reprend à peu de choses près les articles 42 à 45 du projet de loi C-45 de l'actuel gouvernement.

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Il s'agit du même régime et des mêmes critères de détention pour les délinquants réputés susceptibles de commettre une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'enfants. Vous vous souvenez, j'imagine bien, de ce concept de votre projet de loi. J'aimerais donc vous demander si vous avez l'intention de retirer votre projet de loi ou, tout au moins, cette partie-là qui devient redondante puisque le projet de loi C-45 traite exactement de la même chose de la même façon.

[Traduction]

Mme Meredith: Oui, si c'est possible, je retirerai ces éléments du projet de loi C-240, qu'on retrouve également dans le projet de loi C-45.

[Français]

Mme Venne: Merci. Ce sera tout, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'appuie les objectifs de ce projet de loi, et je le fais pour des considérations et des sentiments fondamentaux. Je crois tout simplement que lorsque quelqu'un commet un acte violent contre une autre personne innocente, il perd ses droits. Il perd tous ses droits, particulièrement si son agression est fatale. Quels droits a-t-il pendant qu'il commet un meurtre? D'après moi, aucun.

Je tire cette idée du fait qu'à mon avis, si un policier avait été sur les lieux lorsque Marc Lépine a tué 14 étudiantes à l'École Polytechnique, il aurait tout à fait été en droit de... En fait, il aurait été de son devoir de prendre la vie de M. Lépine, si c'était la seule façon de l'arrêter. Si c'est vrai, alors le meurtrier perd tous ses droits, y compris le droit à la vie.

Voilà donc la question que j'ai posée à de nombreux témoins. Si quelqu'un perd ses droits parce qu'il a commis une agression fatale, à quel moment les retrouve-t-il? Bien entendu, certaines lois adoptées par les parlements les lui ont rendus au cours des dernières années.

Il est peut-être temps que notre système pense aux victimes de ces actes, particulièrement dans le cas de Melanie Carpenter, où le principal suspect est M. Auger... Bien entendu, il est maintenant décédé. Je pense que si le système a permis que cet homme réintègre la société, alors que l'on savait très bien, d'après les preuves données, qu'il pourrait, je dis bien qu'il pourrait, commettre une autre infraction violente, quelqu'un dans ce système doit en être tenu responsable. Il est temps que le gouvernement du Canada soit tenu responsable de la libération d'office de délinquants qui, d'après les experts, pourraient commettre une autre infraction violente.

Dans la mesure où ce projet de loi est destiné à ce que vous appelez le 1 p. 100 des détenus à qui on a refusé la libération conditionnelle mais pas la libération d'office, et qui d'après nos experts, sont susceptibles de commettre une autre infraction, je suis en faveur de ce projet de loi, précisément parce qu'il est destiné à ce groupe de détenus.

J'aimerais que vous commentiez ces observations: les droits de la personne au Canada, dont nous jouissons, nous obligent en tant que citoyens à respecter les règles. Lorsque nous enfreignons les règles, nous perdons nos droits. En tant que membre du Comité, si je viole une règle, je perds le droit de faire partie du Comité. Il y a une responsabilité assortie à mes droits. Si je ne respecte pas vos droits, que j'y porte atteinte, pourquoi gouvernement continue-t-il à insister pour que je conserve les miens, même si par mes actes j'ai montré que je n'en suis pas digne et qu'on ne peut me faire confiance lorsqu'il s'agit d'exercer mes droits et privilèges de citoyens canadiens?

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

.1130

Mme Meredith: L'un des droits que nous garantissent les lois, et auquel je ne voudrais rien changer, est celui qui donne à chacun le droit de défendre ses actions comme il se doit, au cours d'un procès juste. Il faut espérer que personne ne soit privée de cette possibilité.

Les Canadiens sont préoccupés du fait que l'on favorise depuis longtemps les droits de ceux qui ont été reconnus coupables d'avoir enfreint la loi; ils estiment que lorsque ces droits sont en conflit avec ceux de la victime ou de la société, traditionnellement, on a toujours penché pour les droits du délinquant. Je pense que les Canadiens sont en général contre ce principe et voudraient que les droits de la société et de la victime aient priorité en cas de conflit.

C'est ce que je crois aussi et c'est ce que je propose dans le projet de loi C-240: Quand il y a conflit entre les droits du délinquant et ceux de la société, le gouvernement a l'obligation et la responsabilité de favoriser ceux de la société.

M. Ramsay: J'aimerais ajouter, comme je l'ai déjà fait lorsque cette question a été soulevée en comité, qu'à mon avis, lorsque quelqu'un agresse fatalement une autre personne, il n'a plus droit qu'à un procès juste et à un traitement décent s'il est incarcéré.

Pensez-vous que ce projet de loi s'appliquerait à Karla Homolka?

Mme Meredith: Oui, il pourrait s'appliquer à Karla Homolka. Les médias ont posé cette question à notre bureau et nous avons envisagé cette application. Comme elle a reçu une peine supérieure à deux années de détention, elle pourrait faire l'objet d'une évaluation en vertu de cette loi. Si l'on considère que le risque est trop grand, que la menace est trop grave, et qu'on lui enlève le droit à la libération conditionnelle et à la libération d'office, on pourrait faire une requête si l'on croit qu'elle représente un risque de récidive trop grave pour la société.

M. Ramsay: Pensez-vous que ce projet de loi comble une lacune lorsqu'il s'agit des délinquants violents dont la réhabilitation a échoue? Nous avons entendu parlé des sommes considérables qui sont consacrées à la réhabilitation de tous les délinquants et particulièrement des délinquants violents. Lorsque le processus de réhabilitation échoue, la seule possibilité, de nos jours, est de libérer le délinquant violent tout en étant bien conscient de l'échec des programmes de réhabilitation. Est-ce que le projet de loi C-240 règlerait le problème, dans le cas où la réhabilitation a échoué?

Mme Meredith: Ce n'est peut-être pas ainsi que je décrirais les choses, puisque ce que l'on veut, c'est corriger les situations où la désignation n'a pas été faite avant la détermination de la peine.

Le problème vient en partie du fait que les gens ne sont pas nécessairement condamnés en fonction des accusations portées. Dans bien des cas, il y a eu négociation de plaidoyers ou autre procédé pour réduire la peine. Si quelqu'un est accusé d'agression sexuelle, il peut être condamné pour agression, ce qui enlève beaucoup par rapport à l'accusation initiale.

Avec ce projet de loi, lorsqu'on dispose d'informations supplémentaires, ou lorsque, le détenu étant incarcéré, il est possible d'observer son comportement et sa personnalité... Des renseignements qui n'étaient pas évidents au moment de la détermination de la peine peuvent être révélés aux personnes qui travaillent avec le détenu. On pourrait donc faire une évaluation en fonction de divers facteurs, et pas seulement des motifs de condamnation, qui ne suffisent pas à bien rendre compte du problème. Grâce à ce projet de loi, on peut recueillir tous ces renseignements et les traiter.

Pour l'instant, si on ne s'est aperçu de rien au moment de l'imposition de la peine, il est trop tard. Si cette personne prouve qu'elle est dangereuse, en attaquant ses co-détenus, ou des gardiens, en refusant un traitement ou en suivant un traitement qui ne donne pas de résultats, aucune disposition de la loi ne nous permet de changer la façon dont on traite cette personne.

.1135

Le projet de loi C-240 le permet. Grâce à une surveillance plus étroite, vous pouvez identifier le comportement de quelqu'un et prendre les mesures qui s'imposent.

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Tout d'abord, j'aimerais dire, madame Meredith, que je suis très impressionnée par la préparation et le travail que vous avez faits. Très franchement, que je sois ou non d'accord avec vous en dernière analyse, vous avez réussi à élever le niveau du débat. Nous allons certes passer une heure ou une heure et demie des plus intéressantes.

D'entrée de jeu, j'aimerais vous reprocher quelque chose. À mon avis, le projet de loi, dans son libellé actuel, et c'est peut-être le cas de toute législation semblable, ne pourrait pas remédier aux lacunes de l'entente conclue avec Karla Homolka. Je ne cherche pas la bagarre, je veux simplement aborder la question de la rétroactivité. L'une des hypothèses fondamentales, comme il se doit, de notre système de justice pénale, c'est que vous ne pouvez être condamné ou puni après coup. On ne saurait donc établir des sanctions rétroactivement, et je dirais que, quels que soient les autres aspects de ce projet de loi, il s'agit d'une loi de punition. On ne saurait punir quelqu'un après coup alors que ce n'était pas à prévoir lorsque l'infraction a été commise. Sans me prononcer sur cette situation, je dirais qu'en fait, c'est ce que vous tentez de faire ici.

Cela crée des complications dans le projet de loi, car outre ma préoccupation très réelle en ce qui concerne l'application de la règle relative à l'autorité de la chose jugée, je crains que les dipositions transitoires, l'article 31, ne survivent pas à une contestation devant les tribunaux.

Mme Meredith: Il est dit à l'article 31 dont vous parlez:

Ce genre de décision intervient déjà en ce qui concerne la santé mentale, au niveau provincial, par l'application de la Loi sur la santé mentale. Je propose une disposition semblable qui s'appliquerait aux délinquants dangereux plutôt qu'à ceux qui souffrent d'une maladie mentale car comme gouvernement, comme Parlement du Canada, nous avons l'obligation de nous assurer que nous disposons de lois qui permettent aux administrateurs de la loi de faire face à leurs problèmes courants, c'est-à-dire lorsqu'ils savent qu'à la fin de sa peine, le délinquant que l'on relâche va immédiatement récidiver sans que l'on puisse faire quoi que ce soit pour l'en empêcher. Voilà le problème auquel nous nous attaquons ici.

Mme Cohen: Je le comprends. À mon avis, la seule façon de le faire légitimement c'est en invoquant les pouvoirs que confère le droit pénal. Il s'agit de savoir si ce que vous tentez de faire relève ou non de ce pouvoir.

Revenons à mon commentaire original. Je pense qu'il faut trancher trois questions, mais celle qui m'intéresse pour l'instant, c'est de savoir si nous pouvons punir quelqu'un après le fait ou si nous pouvons ajouter à sa peine après coup, en supposant pour un instant que cette loi soit considérée constitutionnelle, alors qu'elle n'était pas en vigueur lorsque par exemple on a reconnu coupable Karla Homolka.

.1140

Deuxièmement, en passant, je ne pense pas que tous les problèmes ni en fait aucun des problèmes liés à cette entente avec Karla Homolka... Je pense qu'il faudrait vous adresser au procureur général de l'Ontario si vous y voyez des problèmes. Il me semble qu'en ce qui concerne le droit fédéral, il est problématique de tenter d'imposer une peine rétroactivement à quelqu'un alors qu'il n'y avait aucune loi qui l'interdisait à l'époque.

Mme Meredith: Nous le faisons dans d'autres circonstances. Il y a des lois adoptées ici au Parlement qui ont un effet rétroactif. Je ne vois aucune raison de ne pas...

Mme Cohen: En droit pénal?

Mme Meredith: Pas en vertu du Code criminel, en effet.

Mme Cohen: Vous avez mentionné queque chose dans l'une de vos réponses. Vous avez dit que chacun a droit à un procès équitable - ce que vous appuyez et à la possibilité de se défendre. Je dirais que comme Canadien, comme héritier de la jurisprudence britannique et française fondamentale il y a présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire - nous ne disposons pas du droit de nous défendre, mais bien de celui de voir notre culpabilité prouvée par quelqu'un. Je pense que cela constitue une différence fondamentale. Ce que vous proposez me préoccupe donc pour cette raison.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on interprète mes propos comme signifiant que je ne suis pas en faveur des droits des victimes. Au contraire. Mais je me préoccupe également des droits démocratiques fondamentaux qui incluent celui de la présomption d'innocence. Ne pensez-vous pas, comme moi, que ce que vous proposez va à l'encontre de ce principe, ou à tout le moins se situe à la limite?

Mme Meredith: Pas du tout puisque les coupables ont joui du droit à la présomption d'innocence et qu'ils ont suivi les diverses étapes du processus, y compris un procès, et dans les cas visés ici, probablement plus d'un procès afin de déterminer s'ils étaient ou non coupables du crime dont ils étaient accusés. Ce droit leur a été accordé. À mon avis, ce qui est proposé dans le projet de loi ne porte pas du tout sur ce processus.

Mme Cohen: La dernière de mes questions porte sur la règle relative à l'autorité de la chose jugée qui, à mon avis, est liée à la question de la présomption d'innocence. J'ai suivi - je ne vais pas prétendre que je l'ai fait très étroitement - l'affaire de la Loi de l'État de Washington et la controverse qui l'entoure. J'ai eu l'occasion de lire une décision qui a rejeté cette loi parce qu'elle portait atteinte au droit fondamental américain de ne pas être pénalisé deux fois pour le même délit.

J'ai l'impression que votre projet de loi s'inspire de cette loi. Essentiellement, c'est la même chose. Nos tribunaux ne se prononceront pas nécessairement comme le tribunal américain et nous ne sommes certes pas liés par la jurisprudence américaine, mais à mon avis, les arguments invoqués dans cette affaire, avec succès, seraient quoi que vous en pensiez, assez convaincants ici aussi.

Mme Meredith: Je le répète, la procédure présentée dans ce projet de loi, qui prévoit que c'est le tribunal qui décide en dernier... devant le tribunal, l'accusé a le droit de se défendre. Pour faire déclarer un accusé délinquant dangereux par le tribunal, la poursuite doit faire la preuve de ce qu'elle avance.

Mme Cohen: Hors d'un doute raisonnable?

Mme Meredith: Oui.

Mme Cohen: Est-ce que c'est précisé?

Mme Meredith: Je pense que c'est déjà prévu dans la loi actuelle, la Loi sur les délinquants dangereux. C'est la même procédure que celle de l'imposition de la peine. La seule différence, c'est le moment où la procédure intervient.

Il y a donc procédure équitable. Ce n'est qu'ensuite que le coupable est jugé dangereux. Je ne pense pas que l'on empiète sur les droits de la personne du point de vue de ses droits.

Mme Cohen: Je vais devoir examiner cela de plus près. Mes instincts juridiques me disent que vous avez tort.

Mme Meredith: J'exhorte les membres du Comité à prendre cette affaire au sérieux et à convoquer des témoins de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles qui traitent ce genre de questions quotidiennement et qui appuient le concept mis de l'avant par le ministère de la Justice et le solliciteur général et les rédacteurs du projet de loi original afin qu'ils vous expliquent pourquoi on a retenu le libellé actuel.

.1145

Je pense que cela mérite d'être examiné, mais je ne pense pas que le ministère soit en train de le faire. Je pense que ce dernier tente d'éviter toute contestation en vertu de la Charte. Il nous faut vraiment faire très attention à cet égard. La Cour suprême en a été saisie dans le cadre de l'affaire Lyons et a appuyé la cause.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Je me suis joins à ce comité hier seulement et je n'ai donc pas eu le temps d'étudier la question. Je vous demande donc votre indulgence.

Prenons le délinquant sexuel typique. En exemple, vous avez parlé d'un délinquant dont chacun sait qu'il est dangereux et qui doit être relâché. Nous nous inquiétons de le voir sortir de prison car nous savons tous qu'il va récidiver. Pouvez-vous simplement m'expliquer pourquoi en vertu des lois sur la santé mentale, nous ne pouvons pas...? Je suppose que «accusation» n'est pas le terme juste, mais pourquoi ne pourrait-on pas tenir une audience et enfermer de telles personnes dans des institutions de santé mentale?

Mme Meredith: Si je comprends bien, les responsables de la santé mentale hésitent à accepter les délinquants criminels car la Loi sur la santé mentale prévoit qu'une personne ne doit avoir aucune connaissance ni idée de ce qu'elle fait, qu'elle ne sait pas qu'elle enfreint la loi. On évalue différemment les problèmes de santé mentale et les problèmes criminels.

Le psychopate véritable sait que ce qu'il fait est mal. Il sait qu'il enfreint la loi, ce qui en soi, empêche les responsables de la santé mentale d'y voir un problème qui relève d'eux.

Il y a aussi le fait que ce secteur ne dispose pas de budgets suffisants pour accueillir des criminels de ce genre...

M. Knutson: Les provinces n'ont pas d'argent?

Mme Meredith: ... non - et les installations provinciales ne protégeraient pas la société de cet élément criminel. Nous ne parlons pas de malades mentaux. Nous parlons de personnes qui sont en pleine possession de leur pensée. Toutefois, ces personnes ont un comportement qui sort de la norme, de ce qui est accepté...

M. Knutson: En ce qui concerne les installations, j'habite presque à côté du centre médico-légal à St. Thomas et du point de vue de la sécurité, il est aussi sécuritaire que tout établissement pénitentiaire fédéral. Il en va de même pour Penetang.

Mme Meredith: Ces établissements font sans doute partie du réseau fédéral ou provincial...

M. Knutson: Non, il s'agit d'un hôpital psychiatrique qui comporte un centre médico-légal ce qui signifie que les personnes qui s'y trouvent auraient été qualifiées de malades mentaux criminels, expression que l'on n'utilise plus.

Mme Meredith: Dans mes entretiens avec les responsables d'installations médicales ou de travailleurs de ce secteur, et certainement avec ceux qui traitent les délinquants violents, j'ai constaté une différence très marquée de points de vue au sujet de leurs responsabilités.

Il me semble que les dispositions de la Loi sur la santé mantale prévoit que lorsqu'on décide de libérer un détenu, cette personne est libre, un point c'est tout. Il y a de nombreux problèmes associés au fait de tenter d'utiliser ce genre d'établissement pour résoudre des problèmes de ce genre, et ce secteur n'est pas disposé à prendre en charge ce problème.

M. Ramsay: J'aimerais aborder la question de la règle relative à l'autorité de la chose jugée. Cela me préoccupe beaucoup, car c'est un excellent principe qu'il ne faudrait pas remettre en question. Toutefois, cela ne se produirait pas à mon avis. En effet, la personne a été reconnue coupable une fois. Il revient alors à l'État de s'assurer qu'à l'avenir, la société soit protégée. Tout tourne autour de la durée de la peine d'emprisonnement. On peut parler de peine, mais au fond il s'agit de savoir si on peut relâcher le détenu sans risque pour la société.

C'est la question à laquelle s'attache ce projet de loi. Il n'y a aucun doute en ce qui concerne la possibilité de dualité des poursuites pour les peines d'emprisonnement à perpétuité, ce que peuvent signifier finalement les peines d'emprisonnement d'une durée indéterminée.

.1150

La question de la dualité des poursuites intervient, si j'ai bien compris ma collègue, pour ce qui est du moment de la détermination de la peine. Selon elle, comme la décision de prolonger la période d'incarcération ne survient pas au moment de la détermination de la peine mais plus tard, il y a possibilité de dualité des poursuites. Je ne pense pas que l'argument tienne. Je ne pense pas qu'il puisse être retenu lors d'une contestation judiciaire.

La question de la possibilité d'une dualité des poursuites ne m'inquiète donc pas tellement - du moins pas autant que Mme Cohen.

Comme je l'ai dit, en mettant de l'avant ce principe, le gouvernement n'essaie pas tant d'éviter les contestations en vertu de la Charte que de continuer à faire valoir les droits du délinquant. Selon moi, c'est la position qu'adopte le gouvernement en ne s'assurant pas que mes enfants et la société soient protégés contre quelqu'un qui fait partie du 1 p. 100 qui présente de forts risques de rédicive aux dires des experts. Les membres de la société risquent de payer fort cher pour cette erreur et ses suites.

Voilà donc ma position. Les droits de la société, je le crains, sont diminués au point où un grand nombre de personnes au pays - du moins, si j'en juge par les lettres et les autres communications que je reçois - estiment que les droits du délinquant priment maintenant sur ceux des victimes, des familles des victimes et des membres de la société. Il est temps que nous examinions de près le principe sous-jacent à ce projet de loi. Si le gouvernement n'y souscrit pas, il doit assumer la responsabilité des morts, des blessures et des agressions qui risquent de se produire, et ce, malgré les indications claires des agents du système de libération conditionnelle portant que tel ou tel mandat doit prendre fin et que le délinquant doit être remis en liberté, avec la possibilité qu'une innoncente victime écope.

En tant que députés, nous devons nous pencher sur ce problème, dans le cadre de ce projet de loi ou, s'il est mauvais, dans le cadre d'une mesure appropriée.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Je veux également revenir sur l'article qui prévoit qu'une personne peut être déclaré délinquant dangereux à l'expiration de sa peine.

La partie XXIII du Code criminel prévoit déjà qu'une personne peut être déclarée délinquant dangereux au moment de la détermination de sa peine. L'application de cette disposition a déjà laissé à désirer par le passé. À la suite de la rencontre du ministre fédéral de la Justice et des ministres provinciaux le printemps dernier, les mesures semblent être appliquées d'une façon plus avisée. Nous pouvons le constater dans l'affaire Bernardo. Une requête a déjà été présentée en vue de le faire déclarer délinquant dangereux.

Je comprendrais s'il y avait de nouveaux éléments de preuve à la suite d'actes qu'une personne aurait posés au cours de sa détention ou d'un changement de comportement qui permettraient de croire que le public a des raisons de craindre la libération de la personne. Ce que je crains, avec la possibilité de décider qu'une personne est un délinquant dangereux 25 ou 15 ans après la détermination de la peine, compte tenu de l'influence que la télévision a actuellement, c'est qu'un ou deux actes insolites commis en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde reçoivent tellement de publicité pendant deux mois ou deux ans que l'opinion publique en vienne à être complètement faussée.

Quelqu'un pourrait être admissible à la libération après 25 ans alors que l'opinion publique justement à ce moment-là serait orientée d'une certaine façon. La personne serait donc déclarée délinquant dangereux tandis qu'elle ne l'aurait pas été cinq ou 15 ans auparavant. Du fait que le public pense de telle ou telle façon à un moment donné, en raison d'événements particuliers, la personne devient soudain un délinquant dangereux. C'est quelque chose qui m'inquiète.

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Mme Meredith: Je répliquerai à votre argument en soulignant le fait que la loi ou le Code criminel contient déjà une disposition prévoyant que même si quelqu'un a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans et que la décision a été prise à l'époque où l'infraction a été commise - Cette décision ou peine peut être modifiée par la suite, en faveur du délinquant. Il peut demander la libération conditionnelle après 15 ans.

Comment pouvons-nous accepter que la possibilité existe dans un sens et pas dans l'autre? Pourquoi ne pouvons-nous pas dire que même si la personne a été condamnée à une peine déterminée, de nouveaux éléments de preuve et son comportement indiquent - que son profil et son comportement, maintenant qu'elle se trouve dans un pénitencier fédéral, nous inquiètent et nous amènent à vouloir la surveiller de plus près? Au cours de sa détention, elle a fait preuve d'un comportement violent, elle a attaqué des gardiens, d'autres détenus; elle présente un risque élevé de récidive. Pourquoi ne pouvons-nous pas modifier la peine en faveur de la société cette fois?

Mme Phinney: Vous n'avez pas répondu à ma question. J'ai déjà convenu que la peine peut être modifiée si le comportement de la personne changeait au cours de sa détention. Je parle de cas où l'opinion publique est influencée par un cas particulier, comme nous l'avons vu récemment au Canada. Si depuis deux ans, l'opinion publique est conditionnée d'une certaine façon, la personne qui, elle, a été condamnée 25 ou 15 ans auparavant - se voit soudain déclarée délinquant dangereux parce que l'opinion publique va dans tel sens - alors qu'elle était très différente au moment où il a subi son procès.

Mme Meredith: Ce facteur ne risque pas d'intervenir. Le processus en est garant. Le processus prévoit que le Service correctionnel du Canada doit juger que la personne présente un risque pour la société. Ensuite, la Commission des libérations conditionnelles doit également refuser de libérer la personne. Intervient ensuite le procureur général de la province où la dernière infraction grave a été commise pour s'assurer que la proposition est appuyée par compétence concernée. Ensuite, la cause est entendue par un tribunal - le processus judiciaire intervient. Ce processus empêche que l'opinion publique influence les décisions.

J'insiste sur le fait que nous pouvons également aller dans l'autre sens. Nous le faisons déjà. Je ne veux pas empiéter sur le domaine qu'abordera mon collègue cet après-midi, mais nous sommes prêts à dire qu'une décision qui a été prise, qui a retenu l'attention du public il y a 15 ou 20 ans, ne compte plus. La personne a droit à une autre chance, elle peut se faire entendre de nouveau à un moment où le public peut avoir tout oublié des événements horribles survenus auparavant.

Prenez l'exemple de Clifford Olson. Il pourra demander sa libération conditionnelle l'an prochain. Les gens ont-ils le même souvenir des événements, le même sentiment qu'il y a 15 ans? Sont-ils touchés de la même façon. J'en doute beaucoup. Nous allons quand même changer la décision 15 ans après coup, alors que les gens n'auront plus qu'un lointain souvenir des crimes haineux qui ont été commis?

S'il est possible de modifier la peine dans un sens, pourquoi pas dans l'autre?

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Il me semble que la difficulté que nous avons actuellement pour ce qui est de la possibilité de dualité des poursuites ou pour ce qui est de la rétroactivité est que d'une certaine façon nous discutons de deux choses différentes. Il y a d'abord ce que la personne a fait; il y a ensuite ce qu'elle est devenue. La personne a été condamnée à la suite de certains actes. À ce moment-là, le fardeau de la preuve reposait sur la Couronne - celle-ci devait prouver qu'il y avait eu crime pour obtenir la condamnation.

De la façon dont le système est conçu actuellement, les nouveaux éléments de preuve ne peuvent servir qu'à acquitter l'accusé. Si le ministère n'avait pas à ce moment-là les preuves nécessaires pour les déclarer coupables d'un crime un peu plus grave ou pour obtenir une peine plus lourde, tant pis.

.1200

Voilà le problème à mon avis. Je cherche un instrument pour redresser la situation. Celui-ci est-il le bon?

L'aspect constitutionnel me préoccupe de même que les contestations éventuelles. En effet, il me semble qu'avec l'accord unanime de Service correctionnel Canada, de la Commission des libérations conditionnelles, du procureur général et du juge, qui reconnaissent tous qu'une personne ne peut pas être relâchée, nous avons besoin de l'instrument approprié pour garantir que jamais elle ne le sera. Il faut y voir.

Manifestement, du moins en ce moment, il existe une façon de procéder, à savoir que les provinces décident d'avoir recours aux dispositions concernant les criminels dangereux, dispositions qui existent déjà, heureusement. Je m'inquiète toutefois des cas où les provinces n'y ont pas eu recours. Prenez le cas de quelqu'un qui aurait été déclaré coupable il y a quelques années et qui maintenant est sur le point de demander une libération conditionnelle ou une mise en liberté inconditionnelle alors que tout le monde sait que cette personne, une fois libérée, tuera quelqu'un.

Il faut trouver une solution pour ces cas-là. Je ne sais pas si mon projet de loi constitue une solution ou non car il pourrait donner lieu à des contestations en vertu de la Constitution. Faudrait-il alors envisager de modifier la Charte des droits... Je viens d'arriver et je commencer à m'initier à cette question. Je voudrais y réfléchir encore bien davantage mais je vous fais part de ma première réaction.

Mme Meredith: Je vous répondrai que c'est la raison pour laquelle je crois que ce projet de loi d'initiative parlementaire mérite qu'on invite des témoins pour en parler, témoins qui pourront répondre à certaines de vos questions concernant les contestations éventuelles. Le projet de loi pourra-t-il contrer ces contestations? Je pense qu'il vous faudrait entendre les représentants de Service correctionnel Canada pour qu'ils vous disent de quels outils ils disposent ou non et pour qu'ils se prononcent sur l'opportunité de cet outil. Je pense qu'il vous faudrait entendre les témoignages d'experts qui, recherches scientifiques à l'appui, vous diront que l'on peut repérer et déterminer à l'avance les détenus qui risquent 80 à 85 p. 100 de récidiver. Voilà ce que le comité devrait faire à mon avis: inviter ces gens qui peuvent répondre à votre question et vous donner de meilleures explications qui vous permettraient de déterminer si nous avons là la solution ou non. À moins que vous n'interviewez des gens qui peuvent vous donner un témoignage fondé sur des preuves scientifiques et sur leurs connaissances d'experts, vous ne saurez jamais si vous avez là la solution ou non.

M. Regan: Quand vous avez dit qu'un psychiatre ou un expert pouvaient déterminer dans 85 p. 100 des cas quels détenus allaient sans doute récidiver, j'ai eu l'impression... Quand vous avez dit 85 p. 100, j'ai eu l'impression...

Mme Meredith: J'ai parlé de 80 p. 100 à 85 p. 100.

M. Regan: ...qu'ils pouvaient se prononcer dans 85 p. 100 des cas. Autrement dit, il y a 15 p. 100 des cas qui leur échappent. Cela constitue un tout autre problème car des gens qui ne sont pas étiquetés psychopates le sont manifestement dans certains cas et cela nous échappe. Toutefois, c'est une autre question, je suppose, n'est-ce pas?

Mme Meredith: Mais il n'en demeure pas moins que depuis 10 ans environ, on prétend que l'on ne peut pas prévoir avec la moindre précision qui va récidiver. Je dis tout simplement qu'il y a des gens dans la collectivité qui s'intéressent à cette question et qui contestent cela en disant en effet que le résultat de recherches récentes et que des données récentes permettent de déterminer, avec précision, avec une meilleure précision qu'autrefois, quelle personne sera victime d'une attaque cardiaque ou mourra d'un cancer du poumon parce qu'elle fait usage du tabac. Il y a des données qui permettent de conclure que l'on peut prévoir avec précision qui récidivera. Voilà le genre de renseignements que les membres du Comité devraient obtenir.

M. Regan: Je suppose que je suis un peu tatillon. Je pense que c'est parce que vous avez dit que l'on pouvait être à 85 p. 100 sûr qu'une personne allait récidiver. Ce n'est pas tout à fait la même chose que de dire que l'on peut, dans 85 p. 100 des cas déterminer avec précision qui le fera ou non. Voilà ce que je voulais éclaircir.

Mme Meredith: Je comprends.

M. Regan: Ce n'est pas une question majeure.

Mme Meredith: C'est peut-être la façon dont j'ai dit les choses qui vous a dérouté.

Le président: Monsieur Ramsay, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Ramsay: Je voudrais faire une remarque qui fait suite à ce que M. Regan disait. Il apporte du sang neuf au comité et j'espère qu'il restera avec nous.

M. Regan: Je commence à me demander si je le ferai.

M. Ramsay: Le régime de libération conditionnelle... et ce n'est qu'une remarque que je tiens à faire. Nous sommes allés voir les responsables de Service correctionnel Canada et pour ma part j'ai rendu visite à bien des gardiens et des directeurs de prison. Le régime de libération conditionnelle est vertement critiqué à cause de quelques échecs. Je n'ai pas besoin de les rappeler. Mme Meredith, dans sa déclaration devant les membres du comité a fait allusion à certains de ces échecs.

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Si l'on donnait aux responsables les pouvoirs contenus dans les dispositions du projet de loi C-240 leur permettant de détenir quelqu'un même une fois sa peine purgée afin de protéger la société, ce que nous souhaitons tous, bien entendu le régime de libération conditionnelle lui-même s'en trouverait renforcé car les intéressés ne demanderaient pas leur libération conditionnelle et ne pourraient pas passer entre les gouttes pas plus du reste qu'il ne serait possible d'obtenir une mise en liberté d'office parce que l'on a les main liées.

À mon avis, le principe qui fonde cette disposition législative est tout à fait valable et le régime de libération conditionnelle s'en trouverait renforcé car actuellement, on ne cesse de nous dire qu'il faudrait peut-être prévoir des peines fixes, sans possibilité de libération conditionnelle aucune dans le cas de certains crimes. Pourquoi? Tout simplement parce que la libération conditionnelle a échoué dans certains cas et pour un faible pourcentage de détenus. Les responsables du régime de libération conditionnelle disent quant à eux que ce serait commettre une grave erreur que de renoncer à la libération conditionnelle et d'imposer des peines fixes.

Puisque c'est la protection de la société qui doit être au coeur de nos préoccupations, les principes que contient ce projet de loi doivent être considérés par le gouvernement.

Mme Meredith: Je vous remercie de ces remarques et je suis d'accord avec vous. J'ai parlé aux représentants de la Commission des libérations conditionnelles et de Service correctionnel Canada et j'ai appris qu'il y avait eu des problèmes dans les cas où on avait accordé une libération conditionnelle parce qu'on estimait que l'on n'avait pas le choix de ne pas le faire. En effet, en gardant derrière les barreaux un détenu jusqu'à la fin de sa peine, on perd toute possibilité d'exercer une surveillance, un dépistage et de garantir le respect de certaines conditions. Ainsi, on préfère accorder une libération conditionnelle afin de pouvoir vérifier que la réinsertition au sein de la société se fait de façon satisfaisante.

Étant donné le régime actuel, si l'on continue de détenir quelqu'un jusqu'à expiration du mandat, tout recours juridique est impossible - car il n'y a plus de recours en droit - et il devient impossible de surveiller l'ancien détenu même si l'on a raison de croire qu'il est dangereux.

Cela fait l'objet d'une autre disposition de la loi. Si l'on a gardé derrière les barreaux une personne jusqu'à la fin de sa peine, jusqu'à l'expiration du mandat et que l'on estime qu'elle est dangereuse, elle peut être surveillée. Que la peine soit pour une durée déterminée ou non, une période de surveillance est prévue. Cette disposition offre donc plus de souplesse à la Commission des libérations conditionnelles ou à Service correctionnel Canada dans le cas de ce genre de détenus.

Actuellement, la Commission des libérations conditionnelles se fait taper sur les doigts alors qu'elle n'a pas le contrôle de la situation.

Le président: Madame Meredith, j'aurais une remarque à faire. Il est tout à fait louable que des gens veuillent protéger la société contre des criminels dangereux mais ne pensez-vous pas que les dispositions de votre projet de loi vont un peu trop loin?

Permettez-moi de vous donner une illustration. Les dispositions de votre projet de loi citent une «infraction ayant causé des sévices graves». Si vous vous reportez au Code criminel, vous constaterez que ce genre d'infraction inclut les voies de fait ayant causé des lésions corporelles. Ce n'est ni la force des coups ni l'intention qui marque la distinction entre voies de fait et voies de fait ayant causé des lésions corporelles. La distinction se fait plutôt suivant l'endroit où la victime a été frappée. Si la victime reçoit un coup non pas sur la mâchoire mais sur l'os de la joue et que cet os s'affaisse, à partir de ce moment-là le criminel a commis des voies de fait causant des lésions corporelles. Cette personne devient dès lors passible de cette disposition car il se peut que son attitude en prison laisse à désirer si bien qu'on ne recommande pas qu'il soit libéré sous condition, etc., et il doit purger la totalité de sa peine.

Avec les meilleures intentions pour régler le cas de certains détenus, le champ de votre projet de loi ne risque-t-il pas d'être si large que certains détenus incarcérés pour une infraction relativement mineure se trouveraient quand même soumis à cette procédure - c'est-à-dire sans être incarcérés indéfiniment, il pourraient être obligés de passer par cette procédure et risquer d'être incarcérés à tout jamais?

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Mme Meredith: Monsieur le président, je suppose que le processus m'inspire plus de confiance qu'à vous car j'estime qu'un problème de comportement mineur en prison pourrait amener les responsables de Services correctionnels Canada à surveiller de plus près un détenu mais la Commission des libérations conditionnelles, étant donné son mandat, ne serait pas dupe. Assurément, le procureur général de la province ne s'attardera pas à un problème de comportement au pénitencier et je peux vous assurer qu'un tribunal où ce détenu serait représenté par un avocat n'accepterait pas qu'un problème de comportement en prison constitue le facteur unique qui emporterait sa décision.

Je pense que la loi offre assez de protection pour éviter ce genre d'abus et que l'on devra avoir des raisons très sérieuses de le faire quand on décidera d'appliquer les dispositions de cette loi. À mon avis, le projet de loi contient les dispositions nécessaires pour éviter qu'une personne tout à fait innocente et démunie qui ressent une animosité envers un gardien - ou inversement - ne soit pas traitée de la sorte.

Le président: Merci, madame Meredith d'être venue présenter votre projet de loi devant le Comité.

M. Regan: Monsieur le président, je voudrais aborder une autre question. Je propose que le Comité achète le nouveau code criminel.

Le président: D'accord.

Merci, madame Meredith.

Mme Meredith: Permettez-moi de faire une dernière remarque, s'il vous plaît. Monsieur le président, je voudrais exhorter les membres du Comité à inviter des témoins qui pourront donner un appui, les renseigner sur la détention postpénale des criminels dangereux. Il serait aussi souhaitable que ces renseignements soient diffusés.

Le président: Je suis sûr que si vous avez déjà retenu le nom de témoins qu'il conviendrait d'inviter, vous en donnerez la liste aux membres du comité directeur, n'est-ce pas?

Mme Meredith: C'est déjà fait.

Le président: Merci.

Monsieur Regan, vous avez demandé que l'on fournisse aux membres du Comité des exemplaires du Code criminel, n'est-ce pas?

M. Regan: C'est cela, monsieur le président. Je crois savoir qu'une nouvelle version du Code criminel vient de paraître.

Le président: Avez-vous des remarques à faire sur cette proposition?

Des voix: D'accord.

Le président: Il n'y a pas d'autres questions à traiter ce matin. Nous nous rencontrerons de nouveau à 15h30.

La séance est levée.

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