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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 8 mai 1995

.0931

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nous sommes heureux de recevoir ce matin un groupe formé, tout d'abord, des représentants de la Responsible Firearms Owners of Alberta, soit David Nelson, président, Terry Ursacki, membre de la délégation et George Duffy, membre de la délégation lui aussi. De plus, nous avons également parmi nous les représentants de la Saskatchewan Responsible Firearms Owners Inc., c'est-à-dire Zena Putnam, directrice des communications et John Hardy, conseiller juridique, ainsi que les représentants du Council for Responsible Firearms Ownership Manitoba Inc., soit Larry Tardiff, président et Larry Schultz, directeur.

Mesdames et messieurs, nous allons vous demander de vous adresser au Comité chacun votre tour, en commençant par les représentants de l'Alberta, suivis de ceux de la Saskatchewan puis de ceux du Manitoba. Nous avons vos mémoires et si vous pouviez lire votre mémoire en 15 minutes ou moins, ce serait parfait. Dans la négative, vous voudrez peut-être alors souligner les principaux points et nous veillerons à ce que le mémoire soit imprimé en totalité. Cependant, j'ai regardé vos mémoires et constaté qu'ils ne sont pas si longs que cela; vous pouvez donc probablement les lire.

Une fois que vous en aurez terminé la lecture, membres du Comité nous poseront des questions de la façon habituelle.

Monsieur Nelson, en tant que président du groupe de l'Alberta, je vais vous demander de commencer.

M. Ramsay (Crowfoot): Avons-nous des exemplaires des mémoires? Je ne les ai pas reçus.

Le président: Je les ai reçus.

M. Thompson (Wild Rose): J'ai reçu le mien ce matin. Il vient de me parvenir.

Le président: J'ai en main les mémoires du groupe de l'Alberta, du groupe de la Saskatchewan, du groupe du Manitoba et celui du groupe de la Colombie-Britannique... qui doit intervenir plus tard, du groupe du Yukon et de celui de la Nouvelle-Écosse.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je voudrais en obtenir des copies également.

Le président: Il semble que le service des messagers n'a pas distribué tous ces mémoires. Je vais demander au greffier du Comité de distribuer les mémoires aux membres du Comité qui ne les ont pas reçus.

Monsieur Ursacki, je vous demande de me pardonner. On a mal orthographié votre nom sur ma liste. On a inscrit «Ursack» au lieu de «Ursacki».

M. Terry Ursacki (membre, Responsible Firearms Owners of Alberta): Oui, merci. Je vous l'aurais signalé.

Le président: Quoiqu'il en soit, veuillez m'excuser.

La parole est à M. Nelson.

M. Dave Nelson (président, Responsible Firearms Owners of Alberta): Merci, monsieur le président. Nous allons commencer par notre porte-parole, George Duffy, qui va commencer à vous présenter notre mémoire.

M. George Duffy (porte-parole, Responsible Firearms Owners of Alberta): Bonjour, monsieur le président, honorables membres du Comité, éminents invités, mesdames et messieurs. Je suis le porte-parole de la Responsible Firearms Owners of Alberta.

Je voudrais vous parler brièvement de moi, et vous préciser comment nous avons commencé. Je suis né dans la péninsule de Port-au-Port à Terre-Neuve. Je viens d'une famille très nombreuse. J'ai été élevé et je suis allé à l'école dans cette région. Ma mère était d'origine acadienne et mon père d'origine irlandaise. Ces deux peuples ont connu l'oppression.

En 1969, j'ai décidé que je ne voulais plus pêcher et je me suis joint aux Forces armées canadiennes. Je me suis retrouvé dans le 1er Bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry, dans lequel j'ai servi jusqu'en 1980. À ce moment-là, je me suis joint au Corps de logistique. Je sers toujours dans les Forces armées canadiennes. Je suis sergent.

À ce stade-ci, je voudrais préciser une chose. Je ne représente en aucune façon les Forces canadiennes ou leur point de vue. Je suis le porte-parole de la Responsible Firearms Owners of Alberta.

J'utilise des armes à feu pour nourrir ma famille, je les collectionne et je m'en sers pour participer à des concours de tir. Je voudrais tout d'abord rappeler que notre organisation veut que le projet de loi C-68 soit tout simplement supprimé. Si le gouvernement donne suite à notre demande, nous serons alors disposés à travailler avec lui pour améliorer le système de justice pénale en ce qui concerne l'utilisation de n'importe quelle arme pour perpétrer un crime.

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En mars dernier, après avoir étudié notre législation sur le contrôle des armes à feu au cours des vingt dernières années environ, et m'être opposé au projet de loi C-51, à la loi de 1978, au projet de loi C-17, à la loi de 1990 et maintenant au projet de loi C-68, la loi de 1995, j'ai décidé que, cette fois-ci, je m'opposerais à cette mesure législative de façon beaucoup plus active. Ainsi, on a prévu un rassemblement pour le 28 mars 1994, à Wainwright, en Alberta. Il a si bien réussi à unir les gens qui utilisent des armes à feu à des fins récréatives au Canada qu'il a aidé à établir le modèle et la procédure à suivre pour tous les autres rassemblements au Canada.

Nous nous opposons complètement au projet de loi C-68 à cause de l'enregistrement, des dispositions sur la perquisition et la saisie, des décrets, de la confiscation sans dédommagement et de la distinction qu'on fera à l'avenir entre les bonnes et les mauvaises armes.

Nous croyons que ce projet de loi va totalement détruire une culture, une tradition et un mode de vie pour une grande partie de la population de l'Alberta. Ces traditions sont le reflet d'un mode de vie original, qui remonte à très longtemps et qui est bien réel, un mode de vie pour lequel on s'est battu et qui est protégé par des documents comme la Grande Charte, les commentaires de Blackstone et l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique. Nous croyons que ce projet de loi est une attaque directe contre ce mode de vie.

Pourquoi le gouvernement veut-il qu'à part six dispositions, ce projet de loi touche les propriétaires d'armes à feu responsables, respectueux des lois? Selon nous, il a un objectif caché. Nous voudrions qu'il discute avec les représentants de ceux qui utilisent des armes à feu à des fins récréatives et avec d'autres organisations, et nous l'aiderions alors à élaborer un projet de loi sur le contrôle des armes à feu qui ferait l'envie de tous les pays du monde.

À ce stade-ci, je voudrais profiter de l'occasion pour parler du Jour de la victoire en Europe. Nous marquons cette année son 50e anniversaire et nous voudrions féliciter nos anciens combattants, les hommes et les femmes qui ont combattu et qui sont morts précisement pour protéger les libertés dont nous profitons aujourd'hui.

M. Nelson: Je suis le président de l'organisation Responsible Firearms Owners of Alberta. Je suis un agriculteur, un éleveur et un chasseur de la quatrième génération. Je vis dans la région de Metiskow.

Nous craignons beaucoup les répercussions du projet de loi C-68 sur la faune et l'environnement de l'Alberta. Du fait des impôts plus élevés et des contrôles plus stricts relatifs au projet de loi C-17, nous avons perdu l'année dernière, en Alberta, 9 000 chasseurs. Les chasseurs de l'Alberta, les organisations de protection de la faune, les associations de propriétaires d'armes à feu, les agriculteurs et les éleveurs sont devenus d'excellents gestionnaires de la faune. À la suite de la disparition de chasseurs, il y aura surabondance d'animaux sauvages comme les coyotes, les loups, les chevreuils, les antilopes, les élans et les rongeurs, particulièrement les rats des sables. La croissance de ces populations entraînera des problèmes liés à des maladies comme la gale et le strongle pulmonaire. Cela coûtera également très cher aux agriculteurs comme votre serviteur, car les oies et les canards vont s'attaquer à notre grain, les chevreuils les élans, etc. à nos réserves de foin, les coyotes et les loups à notre bétail - j'ai moi-même perdu quelques bêtes - et les rats des sables, à nos pâturages. Si on retire aux agriculteurs et aux chasseurs leurs armes par règlement à l'avenir, les contribuables canadiens devront financer les campagnes gouvernementales d'élimination sélective de ces animaux.

M. Ursacki: Je suis professeur agrégé de l'Université de Calgary, et si je porte un intérêt aux armes à feu, c'est surtout à titre de collectionneur et de tireur à la cible à l'arme de poing. Particulièrement, je participe à des concours de tir à la cible avec une arme de poing de l'IPSC, l'International Practical Shooting Confederation. Je voudrais souligner, cependant, que je suis ici en tant que simple citoyen et que je ne représente en aucune façon la position officielle de mon employeur.

Vous avez sans aucun doute entendu parler beaucoup des répercussions négatives de ce projet de loi sur les propriétaires d'armes à feu. Cependant, il y a également d'excellentes raisons pour lesquelles ceux qui ne possèdent pas d'armes à feu devraient également s'opposer à cette mesure. En plus d'entraîner une érosion grave des droits civils fondamentaux, cette mesure législative sera non seulement inefficace et coûteuse, mais ira également à l'encontre du but recherché et pourrait bien, en fait, nuire à la sécurité de la population.

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Les coûts du système d'enregistrement prévu dans ce projet de loi vont, sans aucun doute, être nettement supérieurs aux avantages qu'on pourrait en tirer. Même une base de données complète et fiable sur les armes à feu possédées par des Canadiens respectueux des lois n'aura aucun impact appréciable sur le crime. En effet, on ne retirera pas leurs armes à ceux qui s'en servent contre leurs conjoints ou conjointes, car ces gens ne les enregistreront pas. Quatre-vingt-dix p. 100 des gens qui abattent leur conjoint ou conjointe ont un casier judiciaire, abusent des substances toxiques ou souffrent de troubles psychologiques. Pensez-vous qu'ils vont s'empresser d'enregistrer leurs armes?

On n'empêchera pas la contrebande non plus, car la plupart des armes entrées illégalement au Canada ne seront jamais enregistrées.

Ce projet de loi ne favorisera pas non plus l'entreposage sécuritaire des armes, car il est trop improbable qu'on retrace le propriétaire initial d'une arme qui a été volée et qui a servi à commettre un crime pour que cela dissuade les gens de se comporter de façon irresponsable.

Le système d'enregistrement ne permettra pas de résoudre de nombreux crimes en permettant de retracer les propriétaires, étant donné que très peu de criminels laissent traîner leurs armes à feu pour que la police les trouve, même s'ils sont assez stupides au départ pour utiliser une arme enregistrée à leur nom. Il n'est pas nécessaire non plus pour retourner les armes récupérées à leurs propriétaires; ces derniers peuvent conserver leurs propres dossiers à cette fin.

Quoi qu'il en soit, il y a des raisons irréfutables pour conclure que la base de données ne sera ni complète ni fiable. Personne ne peut douter sérieusement que beaucoup de propriétaires n'enregistreront pas leurs armes. Même si les propriétaires d'armes à feu, à l'instar de tous les Canadiens, ont tendance à respecter la loi, et même si la majorité feront tout en leur pouvoir pour se plier à ses exigences, un grand nombre n'en fera rien.

Les gens qui ne se plient pas à la loi seront concentrés dans les groupes suivants. Premièrement, ceux qui jugent qu'il est probable que l'enregistrement de leurs armes conduise à leur confiscation dans leur cas personnel, parce qu'on n'aurait jamais dû leur permettre de posséder une arme au départ. Ce groupe comprend ceux qui se livrent à des activités criminelles, qui abusent d'intoxicants, qui sont coupables de violence conjugale, etc.

Deuxièmement, il y a ceux qui pensent, à juste titre, qu'il est probable qu'à la suite de l'enregistrement de leurs armes, on finisse par les confisquer dans leur cas particulier, du fait de la nature des armes à feu qu'ils possèdent, comme des fusils semi-automatiques.

Troisièmement, il y a les gens qui n'entendent tout simplement pas parler de ce projet de loi. C'est peut-être difficile à croire à Ottawa, mais beaucoup de Canadiens ne lisent tout simplement pas les journaux ou regardent rarement les nouvelles, sinon jamais. Il arrive encore fréquemment que je sois approché par des gens qui ne comprennent même pas qu'ils violent la loi actuelle, même si elle a été promulguée il y a trois ans environ.

Quatrièmement, il y a ceux qui craignent que les coûts ne montent en flèche, étant donné que les droits vont, en fin de compte, être imposés chaque année, pour chaque arme, afin de couvrir les coûts, d'une part, et de réduire de façon délibérée le nombre de propriétaires d'armes à feu, d'autre part.

Cinquièmement, il y a ceux qui s'opposent à une intrusion de ce genre dans leur vie personnelle par principe, qui considèrent que ne pas respecter cette loi est comme refuser de porter la ceinture de sécurité, ce qui est illégal au point de vue technique, mais n'est pas vraiment un crime, car personne n'est blessé et les règlements touchent une chose qui ne devrait pas être du ressort du gouvernement de toute façon.

Sixièmement, il y a ceux qui croient, à juste titre ou non, qu'un système d'enregistrement est tout simplement la première étape vers une confiscation généralisée; cette crainte n'est pas tout à fait irrationnelle, étant donné que le gouvernement actuel et le gouvernement précédent ont déjà utilisé cela exactement à cette fin.

Dans le passé, les appels en faveur d'un enregistrement sélectif ont été suivis dans une proportion de 10 à 25 p. 100. Même si ce taux est nettement supérieur en cas d'appel général à tous à s'enregistrer, il est difficile d'imaginer que plus de 50 à 75 p. 100, au maximum, de gens enregistrent leurs armes. La plupart des gens intéressés croient que la proportion sera nettement inférieure à cela.

Il est improbable que même les dossiers sur les armes enregistrées soient exacts. La seule façon de réduire les prévisions de coûts à 85 millions de dollars consistait à proposer un processus d'enregistrement par la poste, et même dans le cadre du système actuel d'enregistrement des armes de poing, qui prévoit un examen individuel par des préposés aux armes à feu bien entraînés, il y a beaucoup de confusion dans les dossiers, parce qu'il est difficile de bien identifier les armes à feu.

Je pourrais mentionner qu'encore en janvier dernier, j'ai acheté une réplique d'un pistolet à pierre à chargement par la bouche. Or, il était enregistré à quatre endroits dans le système actuel, mais dans chaque cas les données différaient et dans aucun cas elles n'étaient exactes.

Lorsque des millions de propriétaires d'armes à feu essaient de faire cette classification, la possibilité d'erreur sera bien des fois supérieure. On confondra les numéros de modèles et les dates avec les numéros de série et les armes composées de pièces venant de divers fabricants seront inscrites sous diverses marques, etc. Étant donné qu'il y aura tout un fouillis dans les dossiers, il sera impossible de déterminer si oui ou non une arme est légale, dans bien des cas, même si elle est censée être dans le registre. Ce manque de fiabilité nuira beaucoup à la possibilité d'obtenir des condamnations pour des infractions reliées à des armes à feu.

Quand les lacunes de ce système deviendront apparentes, le gouvernement n'aura d'autre choix que d'avoir recours à une procédure plus coûteuse et plus longue dans le cadre d'une vaine tentative pour améliorer la précision des données. Il est donc clair que le projet de loi sera beaucoup plus coûteux que ce que laissent entendre les prévisions présentées jusqu'à maintenant et qu'on n'en retirera aucun des avantages escomptés. J'irai plus loin, cependant. Ce projet de loi aura plusieurs effets pernicieux en augmentant le nombre d'armes à feu qui entrent sur le marché illégal et en encourageant fortement les criminels à utiliser des armes plus dangereuses.

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Ce projet de loi va accroître d'au moins deux façons le nombre d'armes à feu qui tombent entre les mains de ceux qui ne devraient pas en avoir. Ces individus pourront compter sur les armes provenant de propriétaires qui ne respectent pas la loi et sur une augmentation des vols d'armes découlant des fuites relatives au système d'enregistrement, fuites attribuables à des pirates informatiques ou d'autres personnes.

Le non-respect de la loi aura d'énormes répercussions sur le marché illégal des armes à feu. Même si la plupart des propriétaires d'armes à feu les enregistrent, beaucoup, surtout ceux qui ont un grand nombre d'armes à feu, ne les enregistreront pas toutes. Il y aura ainsi d'énormes quantités d'armes à feu qu'on devrait cacher et dont on ne pourra déclarer la perte ou le vol. Chose encore plus importante, il sera impossible de vendre ces armes par les voies légales. Même si les propriétaires, en toute bonne conscience, essayaient de s'en débarrasser de façon prudente, le fait qu'il n'y a pas de permis dans des transactions sans pièces justificatives comme celles-là ouvre la porte à des erreurs de jugement de bonne foi.

Quelle est l'ampleur du problème? Je vous laisse le soin d'en juger. S'il y a 10 millions d'armes d'épaule non enregistrées à l'heure actuelle, et beaucoup de gens croient que ce chiffre n'est pas exagéré, même si deux tiers de ces armes sont enregistrées, il y aura encore plus de 3 millions d'armes qui ne le seront pas. Au cours d'une année moyenne, au Canada, environ 3 000 armes sont déclarées perdues ou volées et ne sont pas retrouvées. Ainsi, si même 0,1 p. 100 ou 1 sur 1 000 de ces armes non enregistrées tombent entre de mauvaises mains cette année, cela va doubler le nombre d'armes entrant sur le marché criminel à la suite de vols. Ce pourcentage pourrait être beaucoup plus élevé, étant donné que les propriétaires d'armes à feu de faible valeur seront fortement encouragés à ne pas les enregistrer à cause des droits de permis qui pourraient excéder leur valeur, par exemple. Les armes vaudront beaucoup plus pour les gens qui ne devraient pas en posséder que ce qu'elles valent sur le marché légal, où leur valeur sera nettement réduite par le coût d'enregistrement.

On est presque assuré que ce projet de loi entraînera une augmentation des armes entrant sur le marché illégal à la suite de vols. Les données contenues dans le système d'enregistrement constitueront un défi irrésistible pour les pirates informatiques qui cherchent à vendre des listes d'approvisionnement aux voleurs professionnels. Il n'est pas difficile à imaginer qu'une seule fuite entraîne de 20 à 30 vols importants impliquant chacun de 50 à 100 armes à feu. Une seule fuite pourrait ainsi facilement doubler le nombre d'armes à feu qui parviennent sur le marché criminel à la suite de vols.

Êtes-vous prêts à parier que des fuites de ce genre ne se produiront pas? Êtes-vous disposés à risquer la vie des propriétaires dont la maison sera cambriolée sans parler des gens qui seront, ensuite, victimes de vol à main armée ou pire?

Dans la mesure où ce projet de loi atteint son objectif de restreindre la disponibilité des armes de poing qu'interdit, il va aussi encourager les criminels à utiliser plutôt des armes plus puissantes, ayant une plus grande capacité. Beaucoup des armes de poing que ce projet de loi vise à interdire en vertu du paragraphe 84(1) du Code criminel comptent parmi les armes les moins puissantes et celles ayant la plus faible capacité en ce qui concerne le nombre de balles. Tout ce qui limite la disponibilité des armes de poing de calibre .25 et .32 ne fera qu'encourager les criminels à utiliser un magnum .44, un semi-automatique 9 millimètres ou un fusil de chasse encore plus puissant non enregistré.

De plus, puisque les interdictions sont basées sur la longueur du canon plutôt que sur les dimensions globales, elles inciteront les criminels à passer des revolvers à cinq ou six coups à des semi-automatiques à plus grande capacité. Ainsi, les trois dimensions d'un Browning 9 millimètres semi-automatique sont inférieures à celles d'un revolver Smith & Wesson à grande carcasse, et pourtant le premier sera légal et le second interdit.

Un exemple encore plus extrême réside dans l'interdiction proposée pour les répliques. J'aimerais beaucoup mieux qu'une personne me vole avec une réplique qu'avec une véritable arme à feu, mais ce projet de loi incite fortement les voleurs à se servir d'une véritable arme. En effet, non seulement la sanction sera la même, qu'on utilise une arme véritable ou une imitation en vertu du nouveau paragraphe 85(2) du Code criminel, mais les vraies armes seront plus faciles à se procurer, si on ne peut plus importer de répliques.

Mesdames et messieurs, je pourrais poursuivre ainsi bien longtemps, mais je préférerais que nous consacrions notre temps à vos questions précises. En conclusion, permettez-moi simplement de répéter que le projet de loi C-68 doit être abandonné, non seulement dans l'intérêt des propriétaires d'armes à feu, mais également pour des raisons de sécurité publique. Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant entendre les représentants de l'association Saskatchewan Responsible Firearms Owners Inc.. Je laisse le soin à Mme Putnam ou M. Hardy de décider qui parlera en premier.

Mme Zena Putnam (directrice des communications, Saskatchewan Responsible Firearms Owners Inc.): Je vais commencer et mon collègue suivra.

Le président: Très bien.

Mme Putnam: Membres du comité, je suis directrice des communications de l'association SRFO, Saskatchewan Responsible Firearms Owners. Je suis un chasseur de la Saskatchewan et j'enseigne l'utilisation sûre des armes à feu. Je participe à des concours de tir et je suis chasseur.

Notre organisme représente non seulement tout l'éventail des propriétaires d'armes à feu, mais également les gens de la Saskatchewan qui ne possèdent pas d'armes à feu, mais qui sont extrêmement inquiets. Nous, citoyens de la Saskatchewan, sommes insultés par la législation proposée sous la forme du projet de loi C-68, Loi sur les armes à feu.

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Aujourd'hui, le 8 mai 1995, nous célébrons le 50e anniversaire de la victoire contre la tyrannie en Europe, une victoire à laquelle ont contribué des centaines de milliers de Canadiens, des hommes et des femmes qui ont combattu, ont donné leur sang, leurs membres et leur vie pour que leurs enfants et tous les Canadiens à venir puissent vivre dans une société libre et démocratique. Le dépôt et l'adoption en deuxième lecture du projet de loi C-68 nous coûtent à nous, citoyens honnêtes et responsables, contribuables qui possèdent des armes à feu et d'autres types d'armes, des milliers de dollars de notre propre argent, ainsi que des milliers de dollars de l'argent des contribuables, pour que vous puissiez vous poser en juges et nous convoquer ici à Ottawa pour que nous venions défendre notre droit de conserver cette liberté si chèrement acquise. Aucun autre groupe de Canadiens ne se fait dire aussi souvent que, malgré les tests et les enquêtes policières, à cause des activités récréatives qu'ils pratiquent, ils seront traités comme s'ils étaient stupides et irresponsables et que, parce qu'ils ne sont pas dignes de confiance, il faut adopter des lois pénales régissant leurs activités pour les forcer à bien se comporter.

La partie III du Code criminel prévoit déjà des dispositions très sévères qui font des citoyens honnêtes et responsables des criminels s'ils ne se conforment pas aux exigences concernant les demandes, les permis, l'achat, le soin, le maniement, l'utilisation, l'entreposage et le transport de biens personnels et privés très dispendieux. Pourtant, lorsque les criminels enfreignent ces mêmes lois, les accusations portées contre eux font presque toujours réduites à la suite de marchandages, et les peines sont minimales. Nous avons bien assez de lois. Ce qui nous manque, dans ce pays, c'est un système judiciaire efficace pour faire respecter ces lois. Ce qui nous manque, c'est un système judiciaire qui utilise de façon cohérente les outils qu'il possède déjà.

Vous, qui êtes membres de ce comité, vous êtes députés. Vous avez obtenu ces emplois grâce aux promesses que vous avez faites à vos électeurs. La première et la plus importante de ces promesses, c'est celle où vous vous engagez à représenter vos électeurs et à respecter leurs volontés pour les questions touchant leurs intérêts personnels. Vous êtes nos employés. Pourtant, en tant que groupe, vous restez sourds à nos volontés et à nos besoins. L'employé donne des ordres à l'employeur. Le chef de votre groupe, M. Chrétien, a nettement montré son mépris à l'égard de son employeur. Vous êtes nos employés, vous pouvez être renvoyés.

En Saskatchewan, nous, vos employeurs, avons décidé que le projet C-68, la Loi sur les armes à feu, était inacceptable et intolérable, et nous sommes très irrités, monsieur Lee. Cette législation fait fi du processus démocratique et constitue pour le Canada le premier pas sur le chemin de l'État policier, malheureusement sans l'appui de la police, dans la plupart des disciplines.

Cette législation mal pensée, impossible à appliquer, coûteuse et nocive doit disparaître. Nous, vos employeurs de la Saskatchewan, vous demandons de traiter ce projet de loi comme il le mérite - c'est-à-dire de le mettre aux ordures.

M. John Hardy, mon collègue, va maintenant vous exposer la raison précise de notre opposition à la Loi sur les armes à feu.

M. John Hardy (conseiller juridique, Saskatchewan Responsible Firearms Owners): Mesdames et messieurs, membres du comité, je suis le conseiller juridique de la Saskatchewan Responsible Firearms Owners. Je suis moi-même propriétaire d'armes à feu. Je suis un collectionneur, je pratique le tir sur cible et j'ai des intérêts financiers dans une boutique d'armes. Je suis donc bien conscient de toutes les lois et de tous les règlements se rapportant à l'utilisation commerciale et privée des armes à feu au Canada, ainsi qu'à ceux qui s'appliquent aux transactions portant sur des armes à feu.

Ma collègue Zena Putnam a exposé, en termes clairs et précis, l'opinion générale de nos membres au sujet de ce projet de loi. La SRFO considère qu'il s'agit d'un exercice inutile qui ne fait que monopoliser du temps et de l'argent qu'on pourrait investir plus judicieusement ailleurs, et qu'en outre le projet de loi constitue une offense envers les propriétaires légitimes d'armes à feu. En fait, à notre avis, tous les citoyens canadiens devraient être troublés par les conséquences de cette législation.

Je vais maintenant vous indiquer quelles dispositions nous semblent particulièrement inopportunes.

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Nous avons présenté un mémoire qui contient la plupart des arguments que je veux soulever. Je ne suivrai pas le texte de ce mémoire, mais les membres du comité peuvent le consulter.

Nos collègues de l'Alberta et du Manitoba ont aussi présenté des mémoires, et M. Ursacki a décrit ce matin, de façon détaillée et irréprochable, à l'intention des membres du comité, les raisons de notre opposition au système d'enregistrement et il a expliqué pourquoi toute la législation proposée n'aura sans doute pas pour effet d'améliorer la sécurité de la population. La SRFO appuie sans réserve ces commentaires. Je n'ai pas l'intention de les reprendre ici.

Le projet de loi C-68 comprend quelques dispositions qui prévoient des peines sévères applicables aux crimes violents et à la contrebande. Ces dispositions ont au moins le mérite de cibler une violence réelle exercée avec des armes à feu. Toutefois, nous ne sommes pas du tout convaincus que le projet de loi dans son ensemble soit nécessaire ni même souhaitable pour que le gouvernement fédéral atteigne ses buts.

Pour justifier l'existence du projet de loi C-68, on a bien sûr fait valoir que les mesures qu'il prévoit sont nécessaires pour répondre à un certain nombre de préoccupations relatives à la sécurité publique et qu'il s'attaque à l'utilisation des armes à feu dans les cas de crimes avec violence, de violence familiale, de suicides et d'accidents mortels. La législation doit aussi réprimer la contrebande des armes à feu.

Pourtant, à nos yeux, le projet de loi semble entièrement fondé sur un concept essentiellement boîteux. Le projet de loi repose sur les prémisses que les armes à feu sont des objets horriblement dangereux, mortels, et qu'aucune personne sensée ne peut vouloir en posséder ou en utiliser. Quiconque souhaite posséder ou utiliser des armes à feu souffre donc d'aberration mentale et doit être surveillé avec grand soin. C'est vraiment ce que signifie cette législation. Elle vise les propriétaires légitimes d'armes à feu.

Les propriétaires légitimes d'armes à feu doivent obtenir auprès du service de police local un certificat établissant qu'ils peuvent posséder des armes à feu au Canada. Il y a seulement trois catégories de personnes ayant le droit de posséder des armes à feu au Canada pour l'instant: les militaires, les policiers et les particuliers qui sont autorisés par la police à posséder des armes à feu.

Pour être un propriétaire légitime d'armes à feu, comme le sont nos membres, il avoir un casier judiciaire vierge, suivre des cours de sécurité, réussir des examens, demander des permis, respecter des règles strictes qui concernent l'utilisation, la protection, le soin, etc, de leurs armes à feu. Néamoins, le gouvernement est à l'évidence convaincu que ces citoyens, parce qu'ils désirent posséder des armes à feu, sont indignes de confiance. Il veut les surveiller étroitement pour s'assurer qu'ils respectent la loi.

Malheureusement, le gouvernement ne peut pas surveiller aussi étroitement des gens sans fouler aux pieds leurs libertés individuelles. A notre avis, c'est précisément ce que le projet de loi C-68 vise dans les cas des propriétaires légitimes d'armes à feu. En outre, s'il est adopté, il permettra de créer des précédents pour pouvoir prendre des mesures similaires à l'endroit d'autres groupes de citoyens canadiens.

Les dispositions de ce projet de loi qui nous semblent particulièrement inacceptables, c'est-à-dire celles auxquelles nous nous objectons pour des raisons spécifiques qui dépassent nos inquiétudes globales au sujet du concept de l'enregistrement dans son ensemble - sont d'abord les dispositions 98, 99 et 101, qui portent sur les inspections policières, pour reprendre la terminologie du projet de loi, chez les propriétaires d'armes à feu.

Essentiellement, cette législation est conçue pour forcer les propriétaires légitimes d'armes à assumer le fardeau de la preuve. Les propriétaires d'armes à feu doivent prouver qu'ils sont innocents et qu'ils n'enfreignent aucune loi, en permettant aux policiers d'entrer dans leur domicile et de procéder à des perquisitions sans mandat ou pratiquement sans mandat.

Dans un pays libre, un citoyen peut faire ce qui lui plaît à moins que cela ne soit spécifiquement interdit. On peut donc supposer qu'à moins de mener des activités spécifiquement interdites, les citoyens devraient être laissés à eux-mêmes et mener leur vie comme bon leur semble, sans ingérence gouvernementale.

.1000

La pierre de touche de cette liberté individuelle est le droit à la vie privée. Même en Angleterre, où il n'y a pas de Charte des droits et libertés comme la nôtre et où la Common Law anglaise s'applique, la Chambre des lords considère qu'il s'agit-là d'un droit fondamental.

Déjà en 1605, dans l'affaire baptisée Affaire Semayne, la Chambre des lords d'Angleterre a déclaré que tout anglais était maître dans sa maison en ajoutant que celle-ci représentait non seulement une forteresse où l'on peut se défendre, mais aussi un refuge.

Le foyer et le caractère sacré du foyer sont un élément fondamental du droit à la vie privée. Le foyer est un lieu personnel. C'est l'endroit où on peut oublier les soucis du monde, y compris les vélléités de surveillance de l'État.

Pour citer un ancien politicien libéral de renom, «L'État n'a pas sa place dans les chambres à coucher de la nation». M. Trudeau aurait pu ajouter «Les agents de l'État n'ont rien à faire dans les foyers de la nation».

Aujourd'hui, en 1995, M. Rock, ministre de la Justice, ajouterait «À moins que ces citoyens ne soient des propriétaires légitimes d'armes à feu, auquel cas les policiers ont le droit de faire irruption chez eux et de mettre la maison à sac si le coeur leur en dit». Parce que c'est ce que prévoient les dispositions 98, 99 et 101 de ce projet de loi. Apparemment, les personnes soupçonnées d'être d'honnêtes propriétaires légitimes d'armes à feu n'ont plus aucun droit à leur vie privée dans leur propre foyer, aucun droit à la protection contre les perquisitions et les saisies non justifiées.

L'article 101 précise bien que, si les policiers peuvent entrer partout n'importe quand et passer les lieux au peigne fin, en vertu des articles 98 et 99, sans mandat, ils ne peuvent pénétrer dans un local d'habitation sans consentement. Par contre, le paragraphe 101(2) stipule que les policiers peuvent obtenir un mandat pour fouiller un local d'habitation s'ils démontrent à un juge de paix qu'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'il y a dans ce local d'habitation des armes à feu, des munitions ou un dossier relatif à des armes à feu ou à des munitions et qu'ils désirent procéder à une inspection pour cette raison, malgré les objections du propriétaire. Les policiers doivent en effet se munir d'un mandat pour perquisitionner chez vous en vertu de ce projet de loi, mais pour obtenir ce mandat il leur suffit de démontrer que vous êtes un propriétaire légitime d'armes à feu.

La règle fondamentale qui s'applique au Canada pour l'instant a été énoncée par la Cour suprême en 1984, dans l'affaire Hunter et Southam. En tout état de cause, une perquisition sans mandat de tout endroit est, à première vue, non justifiée, à moins de circonstances atténuantes, et le simple désir de la police d'inspecter afin de vérifier si les lois sont respectées ne constitue pas des circonstances atténuantes au Canada.

Pour toute perquisition, il faut se fonder sur des preuves solides permettant de croire qu'un crime a été commis pour que les préoccupations de l'État en matière de sécurité publique priment sur les droit des personnes à la vie privée. Il ne suffit pas d'invoquer la possibilité qu'un crime ait été commis pour que la police obtienne un mandat de perquisition d'une résidence à l'heure actuelle, et la simple curiosité n'est pas un motif valable.

En vertu de ce projet de loi, les policiers peuvent perquisitionner n'importe quand, simplement pour vérifier si la loi est respectée.

En vertu de l'article 100, un autre droit fondamental de la personne est aboli; je veux parler du droit au silence, le droit de ne rien dire qui puisse servir contre soi. C'est un droit de longue date dans les pays où la Common Law s'applique. Il remonte au 17 et au 18e siècle. Le droit au silence est reconnu de crainte que des agents de l'État ne recourrent à la torture contre les citoyens. Si un accusé n'a pas le droit de garder le silence, le droit de refuser assistance à la police pour qu'on lui passe - et je parle par méthaphore - la corde au cou, les policiers et les tribunaux ne peuvent de toute façon pas obliger cette personne à parler ou à témoigner. Sinon, la tentation est très forte, vraiment très forte, d'obtenir des confessions en les obtenant par la force.

.1005

La valeur de ce droit accordé à la population du Canada ne fait pas l'unanimité, même si ce droit est maintenant inscrit à la Charte canadienne des droits et libertés.

La question me paraît fort intéressante. Il y a environ un an, j'ai lu un article du Globe and Mail consacré à la réunion annuelle de l'Association canadienne des chefs de police. Le sous-commissaire de la GRC a pris la parole lors de cette réunion. Il a traité des effets de la Charte sur l'application de la loi au Canada. Il a signalé que, de nombreuses façons, les droits consacrés par la Charte, notamment le droit de ne pas s'incriminer et le droit au silence, compliquaient beaucoup le travail de la police. À son avis, si le droit au silence était aboli, le travail de la police s'en trouverait facilité d'autant.

Évidemment, il a tout à fait raison. Par contre, dans une démocratie, on ne peut se soucier uniquement de la facilité et de la simplicité avec lesquelles les policiers peuvent effectuer leur travail. Les droits et libertés fondamentaux des citoyens et la protection de ces droits comptent parmi les préoccupations dominantes.

En vertu de cette législation, de l'article 100, lorsque la police procède à des perquisitions et examine les fonds de tiroir dans les maisons des citoyens, toute personne sur place est tenue de lui prêter toute l'assistance possible. Un refus ou la non assistance est passible de deux ans de prison en vertu de l'article 107.

Supposons que je suis soupçonné de me livrer au trafic de drogue. La police, lorsqu'elle se présente chez moi pour perquisitionner, me demande où se trouve l'héroine. Je réponds que je veux d'abord téléphoner à mon avocat, que je n'ai vraiment pas le goût de leur parler ce jour-là. Ils n'ont rien à redire.

Par contre, si ces mêmes agents de police veulent, en vertu d'un de ces mandats d'inspection, fouiller ma maison, ils me demandent où se trouve ma carabine de calibre .22. Je leur réponds que je n'ai pas vraiment le goût de leur parler ce jour-là, que j'aimerais peut-être téléphoner à mon avocat et vérifier d'abord quels sont mes droits. De la façon dont le projet de loi est formulé, je viens juste de commettre une autre infraction pénale si je refuse de leur prêter assistance. Personnellement, cet aspect me trouble fort.

Il convient aussi de signaler qu'en vertu des dispositions relatives à la perquisition et à la saisie, les policiers peuvent ouvrir n'importe quel contenant où pourraient se trouver des munitions ou des dossiers relatifs aux armes à feu. Une boîte d'allumettes peut contenir une balle de calibre .22, une munition. Cela revient à dire que tout contenant plus gros qu'une boîte d'allumettes peut être examiné et fouillé.

Outre les préoccupations concernant les perquisitions et les saisies, outre la perte du droit à ne pas s'incriminer, la législation prévoit aussi quelques variantes très intéressantes des ordonnances d'interdiction. En vertu de la législation actuellement à l'étude, les policiers, s'ils ont des raisons de croire qu'une personne présente un danger pour la sécurité publique, peuvent se présenter devant les tribunaux pour demander une ordonnance d'interdiction afin de confisquer les armes à feu de cette personne ou de lui retirer son droit de posséder des armes à feu. La SRFO appuie sans réserve ce point de vue de la législation. Nous croyons que c'est une disposition très valable.

En outre, en vertu de la législation actuelle, une personne reconnue coupable d'une infraction avec violence s'expose à faire l'objet d'une ordonnance d'interdiction et il en sera ainsi si l'infraction est assez grave. La nouvelle législation pousse cette mesure plus loin encore. En vertu des articles se rapportant aux ordonnances d'interdiction, le concept d'une ordonnance d'interdiction proactive est maintenant avancé. Aux termes de cette nouvelle disposition, les policiers peuvent aussi demander une ordonnance d'interdiction visant non pas simplement la personne qui a commis un crime, mais aussi quiconque habite avec cette personne ou est «associée» avec elle d'une façon quelconque.

Qu'est-ce qu'une personne «associée»? C'est essentiellement quelqu'un que vous connaissez. Disons que j'ai une entreprise de blanchissage. Si mon partenaire se querelle avec son épouse la bat et est reconnu coupable de voie de fait, il pourrait faire l'objet d'une ordonnance d'interdiction. En vertu de cette législation, puisque je suis en affaires avec lui, que je suis son associé, ou peut-être simplement que je suis un de ses amis, je pourrais aussi faire l'objet d'une ordonnance d'interdiction. Un honnête citoyen propriétaire d'armes à feu dont le casier judiciaire est tout à fait vierge peut perdre ainsi ses biens simplement parce qu'il a un parent, un associé ou simplement un ami qui a été reconnu coupable d'une offense pénale.

.1010

Dans les régions rurales de la Saskatchewan, si quelqu'un était reconnu coupable d'une infraction avec violence, en vertu de cette législation, toute la ville pourrait se voir interdire la possession d'armes à feu.

On peut alors parler de culpabilité par association. Ce n'est en général pas considéré comme une façon appropriée de contrôler les citoyens dans une société libre et démocratique.

Pour ne pas excéder dans le temps, je vais donc simplement aborder une dernière préoccupation, le fait qu'en vertu des ordonnances d'interdiction proactives et en règle générale, le projet de loi prévoit aussi la confiscation pure et simple de biens privés. Un des exemples les plus criants de cette possibilité est le changement apporté à la partie touchant les ordonnances d'interdiction. D'après la loi actuelle, si quelqu'un se voit interdire la possession d'armes à feu, le tribunal doit lui laisser un délai raisonnable pour lui permettre de remettre les armes à feu ou d'en disposer légalement d'une autre façon. Même si je perds mon droit de posséder des armes à feu, je peux encore les vendre et garder l'argent.

En vertu de l'article 115 proposé dans la nouvelle législation, une personne qui se voit interdire le droit de posséder des armes à feu, à moins de pouvoir convaincre le tribunal, doit céder automatiquement toutes ses armes à feu et autres biens connexes à la Couronne. Si j'ai une collection d'armes à feu vallant 50 000$ et si une ordonnance d'interdiction est prononcée contre moi, par association, parce que je connais un criminel, la Couronne s'empare de tout.

Cette mesure va de pair avec l'abolition d'autres droits à la propriété découlant du décret par lequel des armes légères ont été prohibées le 14 février. Cela équivaut à retirer des biens sans verser de dédommagement.

L'hypothèse qui sous-tend cette législation semble être que les propriétaires légitimes d'armes à feu sont coupables jusqu'à ce qu'ils aient prouvé leur innocence à maintes reprises. Le projet de loi crée deux catégories de citoyens au pays: les propriétaires légitimes d'armes à feu - c'est-à-dire les personnes qui à la connaissance du gouvernement, possèdent des armes à feu - qui se sont pliés à toute sorte de formalités pour acquérir ces armes à feu, et les personnes qui, à la connaissance du gouvernement, ne possèdent pas d'armes à feu. Les membres du deuxième groupe conservent toute la gamme des droits dont nous jouissons tous actuellement, et les membres du premier, les propriétaires légitimes d'armes à feu, se verront amputés d'une partie notable de ces droits.

Les personnes qui ne possèdent pas d'armes à feu peuvent certainement se préoccuper du fait que toutes ces mesures sont prises au nom de la sécurité publique, mais en l'absence de toute urgence nationale grave qui pourrait justifier ces abrogations de droits. Le projet de loi crée un précédent dangereux. Si le gouvernement fédéral peut restreindre aujourd'hui les droits des propriétaires légitimes d'armes à feu au nom de la sécurité publique, il pourra demain en faire autant pour un autre groupe, toujours au nom de la sécurité publique.

Merci beaucoup.

Le président: Merci. Nous entendrons maintenant l'Association du Manitoba. M. Tardiff.

M. Larry Tardiff (président, Council of Responsible Firearms Owners of Manitoba Inc.): Contrairement aux autres membres de notre panel, comme je suis un travailleur indépendant, j'imagine que j'intervien aussi en tant qu'employeur.

Nous nous présentons aujourd'hui devant vous parce que, à titre de citoyens responsables et de propriétaires d'armes à feu du Manitoba, nous attachons sincèrement une grande importance à la nécessité de réprimer les crimes avec violence au pays, notamment les crimes commis avec des armes à feu. En réponse à cela, le gouvernement propose un système d'enregistrement universel et une réduction des droits civils des propriétaires légitimes d'armes à feu.

Les propriétaires d'armes à feu veulent la même chose que les Canadiens qui ne possèdent pas d'armes à feu. Nous nous inquiétons de la criminalité. Nous voulons chasser de nos rues les criminels violents. Mais nous refusons absolument la proposition du gouvernement, qui empiète sur nos droits civils et ne s'attaque en rien au problème. Nous voyons bien que les atteintes législatives et administratives contre nos libertés visent à servir les intérêts du gouvernement plutôt qu'à prévenir ou à réprimer les crimes avec violence.

.1015

La plupart des partisans de l'interdiction des armes à feu, dont l'honorable Allan Rock, estiment qu'il existe une corrélation très claire entre le contrôle des armes à feu et le nombre de crimes perpétrés de façon violente - moins il y a d'armes, moins il y a de violence. Cette opinion n'est pas seulement d'un optimisme exagéré, elle est totalement incorrecte. Le contrôle des armes à feu s'est avéré un échec total. Une méthode utilisée pour désarmer des citoyens honnêtes sans limiter la puissance de feu dont disposent ceux qui font leur proie du public respectueux des lois et toute tentative d'utilisation du système légal pour punir l'arme elle-même plutôt que la personne qui l'utilise à mauvais escient, sont manifestement condamnées à l'échec.

Les politiciens anti-armes à feu se refusent à écouter ces avertissements et exacerbent le problème en dépensant l'argent de l'état pour instaurer des mesures de contrôle qui n'ont aucun sens. Une loi sur les armes à feu, leur interdiction, leur enregistrement, des taxes sur les armes à feu et sur les munitions, et tout le cortège de mesures restrictives qui les accompagnent servent uniquement à détourner l'attention des Canadiens de la recherche de véritables solutions au crime. Force est de reconnaître que les criminels n'obéissent pas aux lois; ils peuplent les rues à cause d'un régime judiciaire qui a échoué.

Les efforts, l'énergie et les ressources qui ont été consacrés dans le passé à essayer d'imposer un contrôle des armes à feu ne sont qu'un tragique gaspillage aux yeux des victimes du crime, les victimes des décisions des commissions de libération conditionnelle, les victimes de la libération anticipée et les victimes du désordre du régime de justice criminelle actuel. Les criminels ne respectent pas le régime de justice criminelle du Canada. Ils n'ont pas peur des représailles de la société. Rien ne les incite donc à respecter la loi. Les coupables de crimes de violence sont particulièrement insolents. Bref, les citoyens ont peur, mais non pas les criminels.

Et quelque part en cours de route, le gouvernement libéral a perdu de vue que sa tâche la plus importante est de protéger la vie, la liberté et les biens de ses citoyens. Aujourd'hui, la protection des amis de l'ordre et des innocents ne compte guère dans les Palais de justice où l'on semble se préoccuper beaucoup plus de la protection des accusés. Non pas que ces mesures de protection soient sans importance - en fait, la protection contre un gouvernement abusif est indispensable au bien-être d'un peuple libre - mais le déséquilibre actuel entre les droits des amis de l'ordre et ceux des accusés et des condamnés est énorme.

Ce déséquilibre n'est nulle part plus fragrant que dans les dispositions du projet de loi C-68 qui prévoit une peine de prison maximum de 10 ans pour un honnête homme qui a omis d'enregistrer une arme à feu, et quatre de plus seulement pour celui qui a commis un délit grave avec une arme à feu volée - et comble d'ironie, le criminel peut négocier pour obtenir la suppression de ces quatre années supplémentaires.

La loi est censée être équitable. Nous avons suffisamment de criminels dans ce pays pour que le gouvernement ne transforme pas à son tour les citoyens en criminels. Pourtant, c'est précisément ce que fait le projet de loi C-68. Pour commencer, le Parti libéral criminalise tous les propriétaires d'armes à feu dans ce pays, après quoi, il leur vend un permis pour commettre le crime.

Les Canadiens attendent de leurs leaders politique qu'ils adhèrent à des critères moraux élevés dans leur vie personnelle et professionnelle et qu'ils soient donc de bons modèles pour eux. En adoptant une loi qui criminalise un pourcentage élevé de la population et qui vend ensuite à ces redoutables criminels un permis qui les autorise à demeurer propriétaires de leur arme, un délit oh combien affreux, nos chefs trahissent cette confiance.

Les statistiques sur les crimes présentés par les partisans du contrôle des armes à feu sont superficielles. Le contrôle des armes à feu ne doit pas être confondu avec la lutte contre la criminalité. Il ne sert qu'à contrôler les personnes respectueuses de l'ordre. Ces gens-là oublient que les crimes sont commis par des criminels et qu'ils ne découlent pas simplement de la possession d'une arme à feu. Qu'une arme soit à canon long ou court, d'un calibre particulier, à un coup ou à répétition, sa capacité de faire le bien ou le mal est uniquement déterminée par la personne qui l'utilise. Aucune interdiction n'a jamais empêché les armes de se retrouver aux mains des criminels. Lutter contre le crime en adoptant une loi contre une arme à feu en fonction des caractéristiques mentionnées ci-dessus est un faux problème. Penser qu'une arme puisse être bonne ou mauvaise est non seulement totalement contraire à la raison mais détourne aussi les efforts de la recherche d'une solution au véritable problème: mettre fin au crime.

Ceux qui n'ont jamais utilisé d'armes à feu et qui craignent leur utilisation par l'élément criminel de notre société croient que la méthode la plus directe de prévention des crimes de violence consiste à imposer des règlements rigoureux en matière d'enregistrement de toutes les armes à feu, prohibées ou non. Cela montre seulement qu'ils veulent qu'on prenne des mesures contre les crimes, n'importe quelles mesures. La vérité, cependant, c'est que les propositions de contrôle des armes à feu qu'étudie actuellement la Chambre des communes sont une cruelle supercherie, une diversion et une menace contre les libertés civiles.

Le gouvernement recherche une solution politique, mais il essaie de donner l'impression qu'il maîtrise le problème des crimes de violence. Dans notre exposé, nous avons clairement montré que c'était faux et que la communauté internationale approuve notre recommandation. Les quelques membres de l'élite qui rabâchent leurs histoires de contrôle des armes à feu sont étouffés par les cris de colère des électeurs qui se rebellent contre cette politique inacceptable du gouvernement libéral. Les politiciens devraient écouter ce que les gens leur disent et prendre note des récents événements survenus lors des élections manitobaines.

.1020

Un contrôle des armes à feu marqué par un zèle excessif est inefficace. C'est pour cette raison que notre conseil, ses 38 organisations affiliées et ses 16 000 membres considèrent que le projet de loi C-68 a tant de défauts qu'il faudrait le retirer. Pour réduire le nombre des crimes de violence, c'est au problème lui-même qu'il faut s'attaquer. Le contrôle de la propriété des armes à feu et de la disponibilité de ces armes en dehors du système est manifestement un moyen efficace de gérer les crimes de violence.

Offrez donc aux Canadiens une solution honnête contre ces crimes, et non une solution inspirée par l'opportunité politique. Attaquez-vous à la source du problème et pas seulement à l'instrument utilisé pour commettre les délits. La prévention des suicides, des accidents et des crimes de violence nécessite une approche équilibrée, celle que nous recommandons dans notre mémoire au comité de la justice.

Je vous remercie.

Mon collègue souhaiterait résumer notre proposition.

Le président: Très bien.

Monsieur Schultz, je vous en prie.

M. Larry Schultz (directeur général, Council for Responsible Firearms Ownership Manitoba Inc.): Je vous remercie.

Les abolitionnistes canadiens affirment que le contrôle des armes a permis de réduire le pourcentage des meurtres par balles mais les statistiques relatives à la criminalité montrent clairement que le taux global d'homicides n'a pas diminué.

Une société dans laquelle les gens se font tuer à coups de couteaux, de gourdins ou d'autres armes est-elle meilleure qu'une société dans laquelle un nombre égal de personnes sont tuées par des armes à feu? Le sauvage assassinat d'un couple de Montréal à coups de gourdins par des adolescents, il y a quelque semaines, est bien la preuve que, pour réduire les crimes de violence, il faut s'occuper des gens qui les commettent, et non des armes à feu.

L'élément fondamental est le respect de la loi, et le ministre de la Justice n'est pas parvenu à l'imposer.

Un contrôle plus strict des armes à feu au Canada n'est pas fondé sur la réduction du crime. Il est clair que ce sont des groupes d'intérêt qui s'efforcent de faire imposer l'enregistrement complet de toutes les armes à feu canadiennes. La position adoptée par ces groupes montre aussi clairement qu'ils considèrent l'usage d'une arme à feu dans notre société comme inacceptable.

M. H.T. Buckner, professeur à l'université Concordia à Montréal, a clairement montré que c'est le contrôle du crime et non celui des armes à feu qui est important pour les gens. Lorsque un sondage demande, habituellement après un crime spectaculaire commis avec une arme à feu, si on devrait adopter des lois plus strictes, il est bien évident que la majorité des gens répondront par l'affirmative. Mais ce que ces personnes veulent dire par là, c'est qu'elles ont le sentiment qu'il faudrait faire quelque chose pour réfréner les crimes de violence, sans avoir d'idées très précises sur la manière d'y parvenir.

Lorsque M. Buckner a fait un sondage auprès des étudiants de l'université Concordia en 1994, il a découvert qu'ils étaient à peu près totalement ignorants des lois régissant les armes à feu. Il a en fait constaté qu'ils étaient prêts à signer une pétition demandant au Parlement d'adopter des lois qui existaient déjà.

En dépit de la profonde différence entre les méthodes de contrôle des armes à feu employées aux États-Unis et au Canada, le Federal Bureau of Investigation et le Centre canadien de la statistique juridique montrent que le taux de crimes de violence entre 1962 et 1992 était plus élevé au Canada. Étant donné les ressources financières considérables consacrées à la lutte contre le crime au cours de ces 30 dernières années et la plus grande sévérité de nos lois concernant les armes à feu, pourquoi ce taux n'est-il pas chez nous inférieur à celui des États-Unis?

La réponse est claire. Actuellement, il n'existe aucun moyen de dissuasion efficace qui empêche les criminels de notre société de commettre des actes de violence. Les infractions aux lois existantes concernant les armes à feu ne donnent pratiquement jamais lieu à des poursuites judiciaires et celles-ci n'ont donc pas un effet de dissuasion sur le comportement criminel. C'est pourquoi les crimes de violence au Canada ont augmenté de 359 p. 100 entre 1962 et 1990. Au cours de la même période, les crimes contre la propriété ont augmenté de 209 p. 100. Dans l'ensemble, le public canadien l'ignore, et il n'y a personne, dans notre système judiciaire ou pénal, qui essaie d'y apporter remède. Après tout, cette ignorance de la situation réelle évite aux responsables d'être mis sur la sellette.

En 1976, l'Association canadienne des chefs de police a établi que le remède aux crimes de violence consisterait à imposer des sanctions automatiquement et plus rapidement. Le gouvernement de l'époque a refusé d'écouter, et c'est pourquoi, près de 20 ans plus tard, nous nous retrouvons avec un taux de crimes de violence qui augmente de manière incontrôlée.

La solution tient manifestement en partie à l'application des lois existantes. Il faudrait mettre fin aux libérations anticipées des criminels violents. Il faut rendre à la sanction son pouvoir de dissuasion.

Le document soumis au comité de la justice contient une stratégie exhaustive de réduction des crimes liés à des armes à feu qui a fait ses preuves. Cette stratégie repose sur les méthodes efficaces de prévention des crimes utilisées en Nouvelle-Zélande et en Suisse, ainsi que sur les mesures législatives proposées par des Canadiens qui ont une vaste expérience du maintien de l'ordre. L'expérience de l'étranger montre clairement que le contrôle doit s'exercer sur les personnes et non sur les armes.

.1025

L'enregistrement des propriétaires d'armes à feu et non des armes elles-mêmes a permis de réduire les crimes de violence en Nouvelle-Zélande. A.G. McCallum, coordonnateur des armes à feu pour la Nouvelle-Zélande, vous dira que c'est le contrôle du propriétaire et non de l'arme, qui donne de bons résultats. Dix ans après avoir aboli une loi presque identique à celle que nous étudions actuellement, ce pays en a maintenant une qui s'est avérée efficace contre les crimes de violence.

Pour réduire le nombre des morts causées par les armes à feu, les Suisses préfèrent recourir à l'éducation et à la formation plutôt que de faire semblant de résoudre le problème en adoptant le programme politique du lobby anti-armes à feu.

Dans sa lettre du 1er août 1994 à Allan Rock, M. Buckner montre clairement que le problème auquel il faut s'attaquer est celui de l'existence d'armes à feu en dehors du système. Le propriétaire détenteur d'une AAAF est loin d'être le principal responsable des crimes de violence. Pour en réduire le nombre, c'est à la possession illégale d'armes à feu qu'il faut s'attaquer.

Le professeur Buckner, qui est un ancien agent de police, a relevé deux ajouts au Code pénal qui décourageraient l'usage criminel des armes à feu. Le premier consisterait à imposer des peines de brève durée mais obligatoires pour vol ou contrebande d'une arme à feu. Cela encouragera tous les membres du système de justice criminelle à appliquer cette loi et à améliorer ainsi la sécurité du public tout en décourageant la possession criminelle d'armes à feu.

Le second ajout consisterait à exiger que le propriétaire signale le vol ou la disparition d'armes qui ne sont pas à utilisation restreinte, comme doivent le faire actuellement les propriétaires d'armes à utilisation restreinte. Le taux d'observation d'une telle loi serait voisin de 100 p. 100, car le propriétaire serait obligé de signaler la perte pour pouvoir être remboursé par son assurance et récupérer son arme. Grâce à cette méthode, des données concernant quelques milliers d'armes à feu éventuellement problématiques figureraient dans les ordinateurs de la police au lieu de celles qui se rapportent à 6 à 20 millions d'armes non problématiques.

La mise en oeuvre de ces deux dispositions ainsi que l'enregistrement de tous les propriétaires d'armes à feu constituerait une véritable solution permettant de réduire le nombre des crimes de violence, à un coût minime pour le public.

Bien que M. Rock prétende que l'enregistrement des armes à feu ne coûtera pas un sou aux contribuables, un rapport du ministère de la Justice indique que l'établissement d'un certificat d'enregistrement d'une arme à autorisation restreinte coûte actuellement entre 50$ et 85$. Le rapport Wade, publié par le gouvernement, indique lui-même que l'enregistrement de 6 à 20 millions d'armes à feu ne peut pas se faire de manière économique avec la technologie existante.

La seule façon d'améliorer le système pour assurer un enregistrement universel des armes est d'utiliser une formule générale de recouvrement des coûts auprès des utilisateurs sous une forme qui resterait à déterminer. Les propriétaires d'armes qui ont le sens des responsabilités devront alors assumer les frais de la transformation d'un système peu fiable en un système qui n'a pas encore fait ses preuves.

Selon M. Rock, on trouvera des formulaires d'enregistrement dans les bureaux de poste, ce qui facilitera l'opération. Cela ne servira qu'à aggraver les problèmes actuels. Presque tous les jours, des propriétaires d'armes à feu signalent des inexactitudes dans le système d'enregistrement actuel, et cela malgré le fait qu'il y a près de 60 ans que les armes de poing sont enregistrées au CAnada. Si la police commet de nombreuses erreurs d'enregistrement, pourquoi M. Rock s'attend-il à ce que les propriétaires d'armes fassent mieux?

Le projet de loi du gouvernement libéral fait de l'erreur humaine un acte passible de poursuites. Les mêmes erreurs administratives que la police commet depuis 60 ans dans le cas de l'enregistrement des armes de poing seront maintenant suffisantes pour faire incarcérer le propriétaire d'une arme à feu. De quel droit le gouvernement menace-t-il de charger le casier judiciaire de Canadiens qui inscrivent par erreur un nombre ou une lettre incorrecte pour le numéro de série d'une arme qu'ils seront tenus d'enregistrer?

Afin d'encourager l'enregistrement, les frais initiaux que le propriétaire d'une arme à feu devra acquitter seront faibles. Par la suite, il y aura des frais supplémentaires de transfert, de ré-enregistrement ou de possession de ces armes à feu. Il est probable qu'il y aura également des frais à payer pour les munitions.

La situation au Canada ne tardera pas à devenir similaire à celle qui existe depuis 1988 en Grande-Bretagne, où on a pu constater une augmentation de la bureaucratie qui s'occupe des armes à feu ainsi que l'imposition de frais annuels pour la possession d'armes à feu de tout type.

Je le répète, un contrôle exagérément tatillon des armes à feu ne marche pas. C'est la raison pour laquelle notre conseil et les 38 organisations qui lui sont associées estiment que le projet de loi C-68 contient tant de défauts qu'il devrait être retiré.

Pour trouver une solution aux crimes de violence, c'est à leur racine même qu'il faut s'attaquer. Les Canadiens veulent qu'on utilise une solution honnête et efficace et non un simple expédient politique. Il faut nous attaquer à la source du problème, et non aux instruments du crime.

La prévention des suicides, des accidents, du crime et de la violence exige une approche équilibrée, et c'est précisément ce que nous proposons dans notre mémoire.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

.1030

Nous allons maintenant passer aux questions. Conformément aux règles que nous avons établies, ces trois partis politiques représentés au comité auront d'abord droit à dix minutes chacun, après quoi, nous aurons des séries de questions de cinq minutes accordées alternativement au gouvernement et à l'opposition.

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Bonjour mesdames et messieurs.

Ma première question s'adresse à Mme Zena Putnam. Lors d'une entrevue que vous avez faite à la radio, en décembre dernier, lors de l'émission Cross Country Checkup à la CBC , vous avez fait la déclaration suivante:

[Traduction]

[Français]

Avec une telle déclaration, j'aimerais savoir si vous suggérez à la population en général, et à toutes les personnes en particulier, de s'armer pour se défendre.

[Traduction]

Mme Putnam: Au cours de cette entrevue, on m'a demandé en fait à quoi mon arme de poing pourrait me servir. Aux termes de la loi actuelle, il s'agit du règlement concernant l'entreposage sécuritaire. L'utilisation de toutes les armes à autorisation restreinte, c'est-à-dire les armes de poing, doit être limitée de trois façons, ce qui signifie que mon arme doit être équipée d'un dispositif de blocage de la détente. Elle doit être mise hors service. Elle doit être placée dans une boîte fermée à clef, dans une pièce fermée à clef, et les munitions doivent être gardées dans un autre endroit.

Au cours de cette entrevue, on m'a demandé à quoi me servait mon arme. Pour que je puisse m'en servir pour me défendre, il faudrait tout d'abord que j'entre dans la pièce fermée à clef, que j'ouvre la boîte fermée à clef, que j'enlève le dispositif de blocage de la détente, que j'aille ensuite récupérer les munitions dans une autre pièce et que je charge mon arme. Il ne s'agissait pas de m'armer; ce n'était pas du tout là la question posée.

Le président: Ce que Mme Venne vous demande c'est si vous êtes d'accord, ou non, avec ce principe, car certaines personnes le sont. Je ne sais pas si vous voulez répondre. Vous n'êtes pas obligée de le faire. Elle vous demandait si vous croyez que les gens devraient être armés pour assurer leur auto-défense.

Mme Putnam: Cela me paraît sortir du contexte de cette citation. Ce que je crois ne concerne que moi. Je ne dirai jamais à quelqu'un comment remplir sa déclaration d'impôt ni, d'ailleurs, comment élever ses enfants.

Le président: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Je comprends que madame ne veuille pas répondre à la question, donc nous pouvons en déduire ce que nous voulons.

Je vais passer à M. Terry Ursacki.

Le 26 septembre 1991, lors des audiences sur le projet de loi C-17, vous aviez dit que vous faisiez de la compétition avec des armes et, à l'époque, vous aviez dit fully automatic, entièrement automatiques.

M. Ursacki: Oui.

Mme Venne: Donc, j'aimerais savoir de quel genre de compétitions il s'agit? Où cela se pratique-t-il? Est-ce une compétition qui est reconnue sur le plan olympique? J'aimerais savoir, par curiosité, si vous en faites encore?

M. Ursacki: Maintenant je ne pratique plus, parce que les chargeurs sont limités à cinq cartouches et cela ne suffit pas.

[Traduction]

À l'époque, ce concours consistait essentiellement à abattre des cibles métalliques. Il existe des concours de tir au pistolet dans lesquels on dispose d'un temps déterminé pour abattre des disques métalliques placés à une certaine distance. Il s'agissait d'un concours de type analogue, pour lequel on utilisait des armes automatiques. Il s'agissait également d'essayer d'abattre des cibles métalliques en un certain laps de temps.

.1035

[Français]

Mme Venne: Dans votre mémoire, vous vous appelez «Propriétaires responsables des armes à feu de l'Alberta». Vous dites que vous représentez un demi-million d'Albertains. Cependant, le nombre de vos membres s'élève à 4 000. Pouvez-vous m'expliquer comment vous pouvez représenter un demi-million d'Albertains avec seulement 4 000 membres?

M. Ursacki: Monsieur Duffy m'a dit, hier, qu'il préférait répondre à votre question.

Mme Venne: D'accord.

Le président: Monsieur Duffy.

[Traduction]

M. Duffy: Trente-neuf à 40 p. 100 des Albertains sont propriétaires d'armes à feu. La population de la province est de 2,2 à 2,5 millions de personnes. Autrement dit, il y a environ 550 000 Albertains qui sont propriétaires d'armes. C'est le pourcentage le plus élevé au Canada.

Nous avons 4 000 membres cotisants mais nous représentons tous les propriétaires d'armes à feu de la province de l'Alberta. Qu'ils soient membres de notre organisation ou non, nous les représentons. Nous sommes le seul organisme provincial de la province qui représente les propriétaires d'armes à feu - uniquement d'armes à feu. L'Alberta Fishing Game Association représente nos chasseurs, mais nous représentons seulement les propriétaires d'armes à feu. Nous ne nous intéressons qu'à la loi concernant les armes à feu.

Donc nous représentons les intérêts de tous ces gens-là, qu'ils soient membres cotisants ou non.

[Français]

Mme Venne: Merci. Ce sera tout pour cette ronde. Malheureusement, je suis arrivée en retard. Je me reprendrai au deuxième tour de table.

Le président: Très bien.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président.

Je tiens à remercier nos invités de leurs exposés.

Je voudrais parler brièvement de l'article 19 du projet de loi C-68. Cet article précise, à propos des armes à autorisation restreinte, qu'un particulier:

Cet article m'intéresse particulièrement à cause de certaines déclarations attribuées au ministre de la Justice qui a dit que la protection de la vie n'est pas une raison valable de posséder une arme à feu. Je voudrais, aux fins du compte rendu, que l'on note que même si ces remarques ont été attribuées au ministre de la Justice, le projet de loi rédigé par son ministère prévoit cela à l'article 19.

Il y a en fait trois points sur lesquels je voudrais interroger nos invités et témoins. Il faudra peut-être que je m'y prenne deux fois à cause du temps dont nous disposons, mais j'aimerais examiner le coût de l'enregistrement; je voudrais examiner ce que M. Ursacki a appelé son inefficacité; et bien entendu, je voudrais que l'on discute de la contrebande. On n'en a pas beaucoup parlé jusqu'à présent.

Peut-être pourrions-nous commencer par l'inefficacité du processus. J'ai rendu visite à quatre des laboratoires judiciaires de la GRC bien avant le début des audiences du comité. Je voulais demander aux scientifiques qui y travaillaient et qui comparaissent souvent comme témoins devant les tribunaux si ce projet de loi était susceptible de créer des problèmes techniques.

À l'époque, le ministre de la Justice avait également déclaré qu'il y aurait un système d'enregistrement par correspondance. Au cours de mes entretiens avec ces scientifiques, je les ai interrogés sur l'efficacité ou l'inefficacité d'un tel système, compte tenu du fait que Terence Wade avait soumis un rapport dans lequel il révélait les problèmes soulevés par l'enregistrement des armes de poing: il était probable qu'une recherche sur trois dans le système était inutile parce que celui-ci contenait des données incorrectes.

Deux experts médico-légaux ont comparu comme témoins. Le premier était le sergent Veitch, du laboratoire de la GRC de Régina, et l'autre, M. Finn Nielsen, un expert de l'Ontario. Lorsqu'on leur a demandé s'ils étaient prêts à délivrer un certificat d'enregistrement pour une arme en s'appuyant uniquement sur l'information écrite fournie par correspondance, sans inspection de l'arme elle-même, ils ont tous deux déclaré qu'ils hésiteraient à le faire.

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Compte tenu de cela, et de ce que vous savez de votre côté, je souhaiterais, monsieur Ursacki, que vous nous parliez un peu plus en détail de ce que vous considérez comme l'inefficacité du système d'enregistrement par correspondance.

M. Ursacki: Cette question soulève un certain nombre de points importants qui ont été traités dans des audiences antérieures que j'ai eu l'occasion de suivre à la télévision. Je crois qu'on en a déjà parlé.

Premièrement, il y a naturellement beaucoup d'armes à feu qui n'ont pas de numéro de série, en particulier les vieilles armes de chasse pour lesquelles il est très difficile de fournir des renseignements corrects. Certaines d'entre elles n'ont même pas de numéro de modèle.

Je crois cependant qu'un meilleur exemple serait celui des nombreuses armes à feu importées qui, à l'origine, étaient des armes militaires. Je parle plus précisément des carabines à répétition du type utilisé jusqu'à la seconde guerre mondiale. Ces armes portent fréquemment de nombreux numéros de série, ce qui peut créer des problèmes.

Prenons le cas de la personne qui trouve le numéro de série qui est le plus en évidence. Il est fréquent que quelqu'un possède deux ou trois carabines du même type. Cette personne enlève le verrou d'une arme pour la rendre inutilisable et l'installe sur une autre carabine. Peut-être a-t-elle indiqué le numéro de série du verrou lorsqu'elle a envoyé sa formule d'enregistrement. Elle se retrouve donc avec une carabine et une série de permis qui correspondent en fait à une arme totalement différente.

La lecture des numéros de série soulève d'ailleurs beaucoup de problèmes. Je peux vous en donner un exemple personnel. Il y a deux ans environ, j'ai acheté un revolver Nagant russe modèle 1895. Je m'intéresse beaucoup aux armes russes. Le numéro de série avait été mal enregistré par le registraire lui-même parce que le premier caractère de ce numéro était un «D» russe qui, lorsqu'il a été mal gravé, ressemble à un «4». Le chiffre 4 avait donc été inscrit pour le numéro de série au lieu d'un «D» russe. Pour toutes ces raisons, il sera très difficile d'obtenir des numéros de série exacts, sans compter le fait que le même numéro peut figurer sur de nombreuses armes. Les gens utiliseront des dates, par exemple, comme numéro de série.

Un registraire m'a en fait dit qu'il avait effectué un contrôle du système d'enregistrement et qu'il avait constaté qu'un grand nombre d'armes étaient actuellement enregistrées sous le numéro de modèle d'une arme de chasse particulièrement répandue. Leur nombre était très supérieur à celui des armes qui auraient en fait pu être enregistrées sous numéro.

Étant donné que le système actuel crée bien des difficultés, le problème des armes sans numéro de série ou avec un numéro de série facile à interpréter de façon erronée, est incontestablement très sérieux.

M. Ramsay: D'après les renseignements que m'ont fourni les experts judiciaires auxquels j'ai parlé et qui ont été en partie confirmés par nos deux témoins, il faudrait que l'arme soit inspectée afin de s'assurer que l'information entrée dans le système est correcte.

En outre, il m'ont dit que tout le monde n'est pas capable de le faire, à cause de certains des problèmes mentionnés par vous. Il faut donc une personne compétente, ayant reçu une formation en identification des armes à feu, pour s'assurer que les détails identificateurs relevés au cours de l'inspection sont bien entrés dans le système.

Avez-vous des remarques à faire à ce sujet?

M. Ursacki: Certainement.

Lorsque la dernière loi a été adoptée, un certain nombre d'armes qu'il n'était pas nécessaire d'enregistrer jusque là, ont dû l'être parce qu'elles étaient devenues des armes à autorisation restreinte. À l'époque, j'ai présenté une carabine semi-automatique dont l'enregistrement n'était pas nécessaire auparavant et quatre armes automatiques transformées. Ce n'est qu'un an après avoir apporté ces armes automatiques transformées pour les faire enregistrer que je les ai récupérées parce qu'il avait fallu les envoyer à Edmonton, où un expert du même genre que ceux dont vous parlez avait pu les examiner et décider qu'elles avaient été correctement transformées avant de les renvoyer.

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Cela se passait dans une province où la coopération entre les autorités responsables des armes à feu est relativement bonne et où les armes automatiques modifiées formaient une très petite catégorie. Malgré cela, ces armes, quelques milliers tout au plus, ont créé un goulot d'étranglement qui n'a pu être dégagé qu'au bout d'un an. Il a donc fallu que je me passe de ces armes pendant un an. Si donc nous adoptions maintenant un système dans lequel un ou plusieurs millions d'armes devraient être présentées aux mêmes autorités pour que le même genre de décisions soient prises... je suis jeune, mais je ne suis pas certain que je vais pouvoir vivre assez vieux pour revoir un jour ces armes.

M. Ramsay: Lorsqu'ils ont témoigné devant le Comité, le sous-commissaire Bergman et le sergent Veitch ont déclaré que leur programme informatisé amélioré leur permettra de repérer les erreurs dans un système d'enregistrement par correspondance. Je le reconnais, mais je reconnais également le fait que si l'on remplace un «7» par un «9» dans un numéro de série, ce sera impossible à repérer. En fait, lorsque j'ai demandé des renseignements de cette nature - je leur ai présenté cinq demandes - je voulais savoir si leur système permettait de retrouver les armes portant le même numéro de série. C'est un des domaines dans lequel ils n'ont pas pu fournir de renseignements à cause de la difficulté.

Le sergent Veitch a dit que si deux armes portant le même numéro de série se retrouvaient dans le système, il leur serait possible de les repérer. Mais ils n'ont pas été capables de le faire jusqu'à présent, puisque j'attends toujours des renseignements à ce sujet.

Pourriez-vous donc également me donner votre avis sur ce point?

M. Ursacki: Je crois que vous risqueriez de vous trouver avec un nombre assez important de cas semblables, en particulier dans le cas des armes de guerre. Par exemple, il se peut qu'une arme ait été fabriquée dans plusieurs pays. Lorsqu'une arme est soumise à une inspection dans une armurerie pour la rénover ou la moderniser, il est fréquent qu'elle soit frappée d'un nouveau numéro de série.

Prenons l'exemple suivant: des carabines fabriquées en Allemagne sont ensuite expédiées au Paraguay et au Brésil. Chacun de ces pays les frappera d'un nouveau numéro chaque fois qu'elles seront inspectées dans leurs armureries.

Vous pourriez vous retrouver avec un grand nombre d'armes portant des numéros semblables. Le problème serait que...

Je suis certain qu'il serait probablement possible de finir par tirer la question au clair en faisant rappeler ces armes et en les soumettant à des inspections, mais cela augmenterait considérablement le coût et les retards du système.

Le coût est naturellement un élément très clair, mais avec ce genre de retards et un nombre élevé de données incorrectes, cela va retarder le processus d'enregistrement et créer les mêmes retards que ceux que j'ai connus pour mes automatiques transformées.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bodnar, vous avez dix minutes.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.

En écoutant vos commentaires et en particulier ceux qui concernaient le jour de la victoire, et en me drapant dans mes droits démocratiques, je tiens à vous informer que, pas plus tard qu'hier, j'ai parlé à des anciens combattants. Cela s'est passé à Saskatoon, au salon aérien de la Saskatchewan Place, où d'anciens combattants défendaient ce projet de loi. Ils sont de notre côté. On ne peut certainement pas prétendre qu'ils y sont opposés. Ils ne sont peut-être pas tous de cet avis, mais il y a des anciens combattants qui sont favorables à notre projet de loi.

En ce qui concerne la question du marchandage de plaidoyers et des problèmes portés devant les tribunaux, ce n'est pas au bon groupe que vous vous adressez. En particulier, le groupe de la Saskatchewan devrait parler de l'abandon des chefs d'accusation à M. Mitchell, pas à ce groupe-ci. C'est M. Mitchell qui est responsable de l'administration de la justice en Saskatchewan, pas le ministre fédéral de la Justice.

Lorsque nous entendons dire que des erreurs involontaires peuvent vous valoir une inscription à votre casier judiciaire, c'est totalement faux. Selon l'article 102 de la législation proposée, il faut que la chose soit faite sciemment, et non pas par inadvertance, comme on l'a laissé entendre aujourd'hui. Il faut que cela soit fait sciemment.

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À ce sujet, monsieur Hardy, je dois vous dire que j'admire la logique avec laquelle vous avez traité de divers aspects de la législation. Je m'incline devant votre aptitude à analyser les articles du projet de loi.

J'imagine que certaines de mes questions peuvent s'adresser à vous, et je vous les poserai peut-être directement. Mais premièrement, je voudrais demander si les lois sur les armes... Je sais que vous soutenez tous, en général, que les lois sur les armes n'ont aucun effet sur la protection de la vie. Supposons pourtant que l'on puisse démontrer que quelques vies seraient épargnées grâce à la législation sur les armes à feu. Contentons-nous de le supposer. Appuieriez-vous alors la législation? Si nous pouvons prouver que cette législation sur les armes protégera et sauvera des vies, l'appuierez-vous? Monsieur Duffy?

M. Duffy: Donnez-nous des preuves.

M. Bodnar: Ma question est hypothétique. Supposons simplement que la chose est démontrée. Appuieriez-vous la législation?

M. Duffy: Eh bien, la chose n'a jamais été démontrée auparavant. Il n'y a jamais eu aucune preuve que la législation sur le contrôle des armes avait permis d'épargner des vies. Pourquoi devrions-nous croire que cette fois-ci, elle le fera?

M. Bodnar: Je répète que je vous demande de supposer qu'on puisse le prouver, que la chose est démontrée. Appuieriez-vous la législation si nous pouvions prouver qu'elle permettra d'épargner des vies?

M. Duffy: Monsieur Bonder...

M. Bodnar: Bodnar. Bonder, c'est l'astronaute.

M. Duffy: Mes excuses. Parfois, mon accent terre-neuvien se manifeste un peu.

J'ai ici une étude réalisée par le Centre canadien de la statistique juridique. De 1988 à 1991, il établit que 94,9 p. 100 de tous les crimes de violence commis au Canada ont été perpétrés sans armes à feu. Est-ce à dire qu'il sera plus acceptable dans notre société de tuer avec des bâtons de baseball et des couteaux qu'avec des fusils?

Nous voulons que toutes les formes de violence disparaissent au Canada...

M. Bodnar: Je suis d'accord.

M. Duffy: ...non pas seulement les actes de violence perpétrés avec des armes à feu, la violence sous toutes ses formes.

M. Bodnar: Très bien.

Parlons maintenant de la SRFO. Je viens de la Saskatchewan, je lis divers journaux. Dans une annonce publiée dans le journal rural The Western Producer, la SRFO affirme premièrement que le projet de loi C-68 habilitera les policiers à entrer n'importe où au Canada sans mandat de perquisition. On dit bien partout. La même information a été publiée dans Outloook, que j'ai également ici. L'annonce était identique. Pourquoi la SRFO mentionnerait-elle que le projet de loi autorise les policiers à entrer partout, alors que M. Hardy a indiqué aujourd'hui qu'il fallait un mandat pour pénétrer dans une résidence ou un local d'habitation?

M. Hardy: Premièrement, l'article 99 prévoit que les policiers peuvent entrer partout aux fins d'inspection. L'article 101, lui, interdit aux policiers de pénétrer dans les locaux d'habitation sans consentement. En l'absence de consentement, il leur faut un mandat. Toutefois, ce n'est pas... Au Canada, un mandat a toujours... Par exemple, quelque part dans les 400 articles, un mandat...

M. Bodnar: Mais ce n'est pas ce que cet article affirme.

M. Hardy: C'est exact. Les faits sont déformés dans une certaine mesure.

Il y a toutefois une façon d'établir une corrélation entre les articles de ce projet de loi pour permettre aux policiers de pénétrer dans un foyer sans mandat. Je fais encore une fois allusion aux articles 100 et 107, interprétés à la lumière de l'article 301.

En vertu de l'article 101, les policiers n'ont pas le droit de pénétrer sans consentement dans un local d'habitation. Toutefois, en vertu de l'article 100, le propriétaire ou une personne responsable de l'endroit qui doit être inspecté... Cet article prévoit que quiconque se trouve en cet endroit est tenu d'accorder toute l'assistance possible aux policiers.

En vertu de l'article 107, le refus d'assistance est une infraction criminelle. Compte tenu de ce qui s'est déjà produit à de nombreuses reprises, je n'ai pas de difficultés à envisager que les agents de police et des procureurs ingénieux rapprocheront diverses dispositions pour soutenir que le refus de consentir à une perquisition constitue un déni d'assistance en vertu de l'article 100 proposé.

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Par conséquent, en effet, les policiers peuvent devoir obtenir un mandat pour entrer dans votre demeure si vous n'y consentez pas, mais si vous refusez ce consentement, vous pourriez être accusé de déni d'assistance.

M. Bodnar: Très bien. Je reprendrai avec vous, monsieur Hardy, la discussion au sujet des mandats.

Pour l'instant, j'aimerais revenir à la SRFO, et ma question s'adresse à tous. Le journal Outlook a publié le 10 avril 1995 un article dans lequel la SRFO expose prétendument les détails du projet de loi sur les armes à feu. Dans cet article, on indique que - et je suis expressément nommé - j'aurais déclaré publiquement que, suite aux pressions exercées par M. Chrétien et le grand public, je voterai en faveur du projet de loi. J'aimerais savoir d'où la SRFO tient cette information, car elle est absolument fausse; je n'ai jamais déclaré que M. Chrétien, M. Rock ou un membre quelconque du Parti libéral exerçait des pression sur moi.

Mme Putnam: Nous n'avons pas rédigé cet article. L'information nous a été communiquée par M. Darrell Yousay, qui nous a dit que vous lui aviez parlé.

M. Bodnar: Et qui est Darrell Yousay?

Mme Putnam: Il n'y a évidemment pas lieu d'en discuter ici.

M. Bodnar: Je tiens à régler cette question, car il s'agit d'une fausse déclaration.

M. Hardy: Très bien. Je vais vous fournir les précisions voulues, monsieur Bodnar. Darrell Yousay est un des administrateurs de la SRFO. Il habite dans votre circonscription et il a eu une conversation avec vous.

M. Bodnar: Très bien.

M. Hardy: Il nous a par la suite informé que vous lui aviez indiqué subir de fortes pressions pour voter en faveur du projet de loi.

M. Bodnar: J'en parlerai donc avec lui.

Pour terminer, monsieur Hardy, passons aux perquisitions. Vous inquiétez-vous, par hasard, de ce que les articles proposés puissent permettre aux policiers d'abuser de leurs pouvoirs? Supposons, par exemple, qu'un agent de police veut procéder à une perquisition chez vous pour chercher de l'héroïne, mais qu'il ne possède aucun indice lui permettant de demander un mandat de perquisition pour chercher de l'héroïne. Il songera alors que vous collectionnez les armes à feu et, sous prétexte de vérifier les armes, il fouillera votre demeure à la recherche de tout ce qu'il peut trouver et, en vertu de la loi, pourra même faire des recherches dans vos bases de données si vous avez un ordinateur et vérifier vos déclarations de revenus, etc. Craignez-vous qu'un policier trop zélé puisse abuser de ses pouvoirs?

M. Hardy: Oui. Je crains certainement que dans certains cas l'inspecteur des armes à feu ne se fasse, comme par hasard, aider d'un policier qui n'est pas de service ou d'un agent de la section anti-drogue, par exemple. C'est, je le répète, une pratique dont j'ai eu récemment un exemple, dans un cas où des policiers enquêtaient au sujet d'un cambriolage alors que la question portait véritablement sur l'entreposage sécuritaire. Ils ont trouvé dans la maison un ou deux fusils dont la détente n'était pas verrouillée, et comme ces armes étaient bien visibles, ils ont évoqué le principe de la saisie des choses bien en vue pour confisquer ces armes à titre de preuves et ils ont porté des accusations en conséquence.

Il n'est certainement pas difficile d'imaginer que des policiers, découvrant qu'une personne soupçonnée de se livrer au trafic des drogues, par exemple, possède des armes à feu, fouillent la maison de fond en comble en vertu de la Loi sur les armes à feu et, comme par hasard, découvrent de l'héroïne. Par chance, il y a justement dans le groupe un agent de la brigade anti-drogues, qui est en mesure d'identifier l'héroïne et connaît la procédure à suivre.

J'ai déjà vu un cas analogue d'application abusive des dispositions relatives à l'inspection auxquelles doivent déjà se soumettre les collectionneurs d'armes, en vertu du règlement. Tout comme la réglementation actuelle, cette législation précise à quelle heure du jour un agent peut procéder à une inspection, mais elle n'indique pas avec quelle fréquence. Un de mes clients s'était mis à dos le détachement local de la GRC à un autre propos, et tout à coup les policiers se sont mis à effectuer des inspections régulières pour vérifier les conditions d'entreposage des armes qu'il collectionnait véritablement. Il a finalement réglé le problème et n'a pas fait l'objet de poursuites. Je crois qu'il a porté l'affaire à l'attention de son député et que les choses se sont tassées.

M. Bodnar: Merci beaucoup.

.1100

[Français]

Le président: Madame Venne, vous avez droit à cinq minutes cette fois.

Mme Venne: Monsieur le président, j'aimerais poser ma question aux représentants de l'association du Manitoba, puisque c'est dans leur mémoire qu'on retrouve la phrase suivante: «Les abolitionnistes canadiens affirment que le contrôle des armes a permis de réduire le pourcentage des meurtres par balles, mais les statistiques relatives à la criminalité montrent clairement que le taux global d'homicides n'a pas diminué», et la phrase continue comme ça. C'est à la page 2 de votre mémoire.

J'aimerais savoir comment vous procédez pour faire un énoncé semblable quand les statistiques les plus récentes, publiées dans Juristat, démontrent le contraire. En 1993, le taux d'homicides a diminué de 14 p. 100 par rapport à 1992.

Alors, j'aimerais savoir comment vous procédez pour faire des affirmations semblables et si vous avez l'intention de vous rétracter chaque fois qu'il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait conforme à la vérité et que vous publiez.

[Traduction]

Le président: Un membre de la délégation du Manitoba veut-il répondre à la question?

M. Tardiff: Je suis désolé, je ne comprends pas bien la question de Mme Venne. Nous demandez-vous d'expliquer pourquoi nos statistiques s'écartent des vôtres? Nous demandez-vous d'expliquer pourquoi nous nous sommes trompés ou voulez-vous savoir si nous allons continuer à faire tout notre possible?

Dans le cas de la troisième question, la réponse est affirmative.

Quant à savoir pourquoi nos chiffres diffèrent des vôtres, c'est de toute évidence que nous utilisons des informations différentes. Au moment de la rédaction de notre mémoire, les statistiques de 1993 n'étaient pas encore disponibles. Nous avons utilisé celles de 1992 et des années antérieures. Le projet de loi C-17 est entré en vigueur en 1991, et nous avions donc des statistiques pour une année complète. Ce sont les chiffres que nous avons utilisés.

[Français]

Mme Venne: Tout le monde a pourtant accès aux mêmes statistiques et Juristat est publié fréquemment. Si vous voulez, on peut vous donner l'adresse pour vous abonner. Je pense que cela serait intéressant pour vous, parce qu'à l'avenir, quand vous allez publier des statistiques, elles pourront être complètes.

C'est tout pour l'instant, monsieur le président. Je reviendrai plus tard.

[Traduction]

Le président: Très bien.

Monsieur Gallaway, vous avez cinq minutes.

M. Gallaway: Merci, monsieur le président.

Nous sommes lundi matin, et c'est toujours un peu pénible. Je sais que vous avez fait un long voyage, et je vous remercie d'être venus.

Monsieur Duffy, vous avez évoqué la vie de votre famille à Terre-Neuve, l'oppression dont vous avez été victime. Vous avez parlé de la Magna Carta, de l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique, et vous avez aussi mentionné des intentions cachées. Croyez-vous avoir besoin d'armes pour vous protéger contre l'oppression, l'oppression des gouvernements ou celle de vos concitoyens?

M. Duffy: Je fais confiance au processus politique et au processus démocratique que nous avons au Canada. J'y crois et je défends cela depuis 26 ans. Tout petit, au sein de ma famille, j'ai appris que le processus démocratique était ce que notre pays a de plus important. J'y crois entièrement; c'est la seule chose à laquelle je crois.

M. Gallaway: Très bien. Vous êtes le porte-parole de la Responsible Gun Owners of Alberta. Il y a dans l'Ouest du Canada, un groupe - je ne suis pas certain, mais je crois qu'il s'appelle Albertans Aiming for Truth. Votre groupe, la Responsible Firearms Owners of Alberta, a appuyé ces publicités.

Je vais vous lire un passage du premier paragraphe d'une de ces annonces. Le voici:

On nous dit aussi:

Croyez-vous que ce projet de loi vise vraiment certains groupes ethniques ou certaines minorités dans notre pays?

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M. Duffy: Monsieur Gallaway, des choses semblables se sont passées au Canada - même dans notre propre pays. Ma mère était acadienne. Nous savons ce qu'on a fait aux Acadiens. Mon père était d'origine irlandaise et nous savons tous ce qu'on a fait aux Irlandais.

À ce propos, je veux me reporter à une de mes notes. Le 7 décembre 1941, la Marine impériale japonaise a attaqué la flotte américaine du Pacifique dans le port de Pearl Harbour. La GRC a immédiatement saisi 1 200 bateaux de pêche qui appartenaient à des citoyens canadiens d'origine japonaise. Au début de 1942, le gouvernement a ordonné la confiscation d'environ 1 500 véhicules automobiles appartenant à des Canadiens d'origine japonaise. On les a vendus aux enchères avec les 1 200 bateaux de pêche.

En 1919, pendant la grève qui a eu lieu à Winnipeg, au Manitoba, les autorités ont tiré sur des citoyens canadiens, monsieur Gallaway.

Est-ce que cela s'est passé au Canada? Oui, et aussi dans d'autres pays - même aux États-Unis. Avez-vous oublié Kent State?

Est-ce que nous nous préoccupons de savoir à quoi ce projet de loi va mener? Oui, certainement. Ce à quoi ce projet de loi va mener nous préoccupe vraiment parce que c'est une attaque contre des propriétaires d'armes à feu qui ont le sens des responsabilités et qui respectent la loi. À part quelque six dispositions que l'on trouve dans ce document, dites-moi à quoi le reste des prescriptions de cette mesure va aboutir.

Je vais devenir un criminel si je n'enregistre pas mes armes à feu. Je ne suis pas d'accord sur ce qu'on a dit ici aujourd'hui au sujet de la police qui ne nous arrêtera pas si nous faisons une erreur sur le formulaire d'enregistrement. C'est faux; elle nous arrêtera. Ne vous faites aucune illusion, elle le fera.

J'habite Wainwright, en Alberta. Je chasse dans les forêts nordiques de Whitecourt. C'est à peu près à quatre heures de route. Si l'on m'arrête et si j'ai fait, sans le vouloir, une erreur sur mon formulaire d'enregistrement, - tous ceux qui possèdent une arme à feu nous diront, que s'ils ont fait une erreur, c'est involontairement - , devinez ce qui va se passer? On va saisir mon camion, tout mon équipement, et on va me jeter en prison jusqu'à ce qu'on ait déterminé si mon erreur était bien involontaire. Pensez-vous que c'est une façon de traiter un citoyen canadien qui paie ses impôts et qui respecte la loi? Je ne le pense pas.

M. Gallaway: Croyez-vous que la police...

Le président: Dernière question.

M. Gallaway: Très bien, dans ce cas, je ne poserai pas cette question.

Permettez-moi de rappeler la disposition du Code de sécurité de l'Alberta qui donne à un agent de sécurité incendie le droit de pénétrer dans un bâtiment et de l'inspecter. Si quelqu'un lui refuse l'entrée, il est passible, si c'est la première infraction qu'il commet, d'une amende qui peut aller jusqu'à 15 000$ ou d'une peine d'emprisonnement de six mois ou des deux à la fois. Est-ce que votre groupe va exercer des pressions pour faire révoquer cette loi?

M. Duffy: Vous parlez du préposé provincial aux armes à feu.

M. Gallaway: Non, il s'agit de sécurité incendie.

M. Duffy: De sécurité incendie.

M. Gallaway: Je parle d'un code de sécurité, d'un code du bâtiment. Allez-vous exercer des pressions sur M. Klein pour qu'il abroge cette loi?

M. Duffy: Je ne sais pas de quoi il s'agit.

M. Gallaway: C'est curieux qu'un groupe qui se préoccupe tant des droits civiques ne soit pas au courant de cela. Ces dispositions sont en vigueur en Alberta depuis de nombreuses années.

M. Duffy: Sans aucun doute. Monsieur Gallaway, il y a d'autres dispositions qui sont aussi en vigueur au Canada et dont nous ne savons rien. Nous n'allons pas reprendre toutes les dispositions pour voir si elles ont un lien ou non avec ce que nous faisons. En ce moment-ci, c'est la législation sur les armes à feu qui nous inquiète.

Le président: M. Thompson.

M. Thompson: Dans le document déposé par le Manitoba, on rappelle un mémoire écrit en 1976 par l'Association canadienne des chefs de police qui ne se déclarait pas du tout en faveur de l'enregistrement ni de quelque loi que ce soit comme mesure dissuasive pour lutter contre ce genre de crimes violents. C'était la position de l'Association en 1976.

La semaine dernière, nous avons entendu l'Association canadienne des chefs de police ainsi que les commissaires de la GRC: ces deux organismes sont en faveur du présent projet de loi. Comme je l'ai dit, j'ai parlé à un certain nombre de policiers dans tout le Canada, car je voulais avoir une conversation personnelle avec des policiers sur le terrain - et pas seulement dans le comté de Wild Rose - et je n'en ai toujours pas trouvé un qui fût en faveur du projet de loi.

Je vois que dans votre mémoire, vous dites ceci:

J'ai entendu la même chose: je vais vous dire ce que j'en pense, mais ne divulguez pas mon nom.

.1110

Comment se fait-il, et est-il vrai dans toutes les provinces, que les policiers qui patrouillent à pied ou en voiture, veulent rester anonymes? En est-il ainsi dans votre province, autant que vous le sachiez, ou bien est-ce que c'est moi qui me fais des idées et qui invente cette histoire pour que mes amis libéraux puissent me sauter dessus?

M. Tardiff: Je ne peux rien dire en ce qui concerne les autres provinces, mais la veille de mon départ pour Ottawa, j'ai reçu un appel téléphonique d'un policier. Il s'agissait d'un agent de la police locale et non d'un gendarme de la GRC. Il habite une petite ville du sud du Manitoba. Je ne veux même pas vous en donner le nom parce qu'il m'a demandé d'être très discret et la ville est si petite qu'il ne serait pas difficile de découvrir de qui il s'agit.

Il m'a dit que lui-même ainsi que trois autres membres du corps policier et leur chef, se posaient un certain nombre de questions à propos du projet de loi de M. Rock et que cela les préoccupait quelque peu de dire quoi que ce soit à ce sujet, car les édiles ne voyaient pas d'un très bon oeil la position qu'ils avaient adoptée en la matière. Ils ont toutefois offert de nous aider dans la mesure du possible et nous leur avons demandé de faire un sondage officieux auprès de leurs compagnons d'armes. Nous n'avons pas encore eu les résultats.

M. Thompson: Est-ce que les représentants d'autres provinces souhaitent intervenir?

M. Nelson: Il y a environ six mois, j'ai parlé à un policier d'Edmonton. Il est venu à une exposition à laquelle nous participions. Nous avions mis sur la table une pétition et des formulaires d'adhésion. Il n'a pas voulu signer la pétition ni adhérer à notre association, mais il a fait un don en disant: «Vous avez notre appui, mais je ne veux pas que l'on sache en haut lieu que je suis membre de votre organisme».

M. Duffy: Monsieur Thompson, j'ai parlé à un gendarme de la GRC - d'un grade assez élevé - et il m'a dit que le commissaire de la GRC appuie ce projet de loi, mais qu'on n'a jamais demandé aux employés subalternes de la GRC ce qu'ils en pensaient. Il m'a dit: «Nous avons des réserves à faire à propos du projet de loi parce que sa mise en oeuvre requiert notre participation et que nous n'avons pas été consultés». Il a ajouté que lui, personnellement, ainsi que bon nombre de ses collègues n'étaient pas en faveur du projet de loi parce qu'on leur a dit que l'enregistrement se ferait par la poste sans intervention de la part de la police. Il m'a dit que l'on ne pouvait pas enregistrer au Canada un objet dont la possession illégale constitue une infraction en vertu du Code criminel sans qu'un corps policier fasse les vérifications nécessaires. C'est impossible.

Mme Putnam: En Saskatchewan, les services de police de Saskatoon, de Regina, de Prince Albert, d'Estevan, de Moose Jaw et de tous les grands centres ont participé à un sondage et se sont déclarés à 99,6 p. 100 contre le projet de loi C-68. Nos préposés à la conservation ont organisé un sondage dont les résultats montrent qu'ils sont à 100 p. 100 contre le projet de loi C-68. Les gardiens qui travaillent dans nos établissements de détention ont eux aussi fait un sondage et ils sont tous contre le projet de loi en question.

Les subalternes de la GRC nous ont dit que, suite aux ordres qu'ils avaient reçus de leurs supérieurs, ils ne feraient aucun commentaire. Les chefs de police sont nommés pour des raisons politiques. Ils reçoivent leurs chèques de paie du gouvernement. Ils vont donc bien évidemment se prononcer en faveur du projet de loi C-68.

M. Thompson: Voici ma dernière question. Je pense que vous pourrez y répondre par «oui» ou par «non».

Lorsque vous entendez des commentaires comme ceux que vous avez rapportés, lorsqu'on vous dit que ce genre de choses se produisent et que vous voyez que le gouvernement en place punit ceux qui votent conformément aux voeux de leurs électeurs, lorsque vous rapprochez tous ces faits, qu'est-ce qui fait l'objet des plus grandes inquiétudes exprimées dans vos provinces à propos de cette mesure: les libertés civiles?

Mme Putnam: Oui.

Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il répondre à cette question?

Des témoins: Oui.

M. Thompson: Merci.

Le président: Mme Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Une des raisons pour lesquelles je siège au comité, c'est qu'étant donné que je ne suis pas avocate, je tiens à m'assurer que les projets de loi émanant du ministère de la Justice peuvent être compris par le Canadien moyen.

.1115

Si l'on se reporte au projet d'article 111 qui porte sur l'interdiction, je pense que l'on peut se rendre compte à quel point quelque chose peut être mal interprété si on ne le dit pas en termes clairs. Je pense que c'est M. Hardy qui a parlé de l'interdiction et qui a dit que, si quelqu'un dans une petite ville de la Saskatchewan était reconnu coupable d'une infraction avec violence, on interdirait à tous les habitants de posséder des armes à feu. À mon avis, cela montre à quel point on peut mal interpréter ce qui se trouve dans le projet de loi.

Le projet d'alinéa 111(1)b), c'est-à-dire la partie pertinente en l'occurrence, me pose également un problème. On n'a pas défini suffisamment de termes dans ce projet de loi. Que veut-on dire lorsqu'on parle d'une personne qui «a des rapports avec» quelqu'un? Je pense que c'est une des expressions qui devraient être définies très clairement pour que l'on ne puisse pas interpréter le projet de loi comme vous l'avez fait.

Monsieur le président, étant donné que je ne suis pas experte en la matière, pouvons-nous demander à notre personnel de recherche d'expliquer le projet d'alinéa 111(1)b) et de dire exactement quel est son objet?

Monsieur Bartlett, pouvez-vous expliquer cela?

Le président: On parle des personnes qui ont des rapports avec quelqu'un, un point soulevé par M. Hardy.

M. William Bartlett (recherchiste du comité): On ne définit pas ce que signifie «avoir des rapports avec» quelqu'un dans le cadre de cet article, mais la partie la plus importante est la suivante:

Pour quelqu'un qui cohabite ou qui a des rapports avec une personne qui possède des armes à feu, ce qui compte, c'est d'établir si le particulier qui est déjà sous le coup d'une ordonnance d'interdiction peut avoir accès aux armes à feu détenues par la personne avec qui il cohabite ou avec qui il a des rapports.

Le président: Lorsque nous ferons l'étude article par article, nous aurons l'occasion de poser des questions à nos experts. J'autorise cette façon de faire avec d'autres témoins uniquement pour éclaircir certains points.

Mme Phinney: Je voulais simplement préciser qu'à mon avis, les témoins ont donné une interprétation tout à fait fausse de cet article. Peut-être ont-ils une bonne raison de le faire; peut-être parce que cela n'est pas clair.

Je passe à ma première question. En parlant avec des propriétaires d'armes à feu dans ma circonscription, j'ai pu constater que l'article 112 les préoccupait. Je pense qu'il en va également de même pour vous; il s'agit des pouvoirs détenus par le ministre de la Justice. Quels changements voudriez-vous que l'on apporte à cet article? Comment le modifieriez-vous? Seriez-vous prêts à n'accorder absolument aucun pouvoir au ministre, ou préféreriez-vous, s'il apporte des modifications, qu'il soit tenu de les présenter au Cabinet dans les trois jours, ou bien faudrait-il qu'il les dépose au Parlement, ou encore...?

M. Duffy: Madame Phinney, en ce qui nous concerne, - et nous l'avons déjà dit - , ce projet de loi est inacceptable.

Mme Phinney: Oui, mais pourriez-vous simplement répondre à cette question?

M. Duffy: Non, nous ne sommes pas prêts à le faire.

Mme Phinney: Bon.

Nous aimerions que vous nous aidiez à modifier le projet de loi afin qu'il vous convienne mieux, à vous. C'est la raison pour laquelle vous êtes ici.

M. Duffy: Oui, mais...

Mme Putnam: Ce document est inacceptable.

Mme Phinney: Bon, merci.

Vous avez déclaré que la définition des armes de poing prohibées où l'on précise uniquement qu'il s'agit d'armes dont le canon mesure moins de 105 millimètres et d'armes de poing de calibre .32 et .25, est trop large. Comment allez-vous modifier la définition pour que, par exemple, cela n'inclue pas les armes utilisées pour le tir à la cible tout en comprenant cependant les pistolets de poche et les armes du samedi soir?

M. Ursacki: Je pourrais vous en dire long sur le fait que ce n'est pas la bonne façon de procéder; bref, je pense que nous sommes tous absolument d'accord pour dire qu'aucun type d'armes de poing ne devrait être prohibé. Nous rejetons résolument et catégoriquement - complètement, totalement, absolument - toute notion qui permettrait de conclure qu'il y a de bonnes armes et de mauvaises armes.

Pour ce qui est de cette définition et de la raison pour laquelle elle nous semble trop large, comme l'ont mentionné des témoins qui nous ont précédés, je crois, il y a de nombreux types différents d'armes de calibre .25 et .32; c'est vrai en particulier des armes de calibre .32. Par exemple, il y a des années, lorsque j'étais enfant, mon père possédait une série de pistolets commémoratifs très ouvragés et incrustés d'argent. C'était des armes de calibre .32 à percussion annulaire, certainement pas le genre de choses que l'on utiliserait couramment pour commettre un hold-up.

Je pense donc que cela pose un problème et que, notamment, cela aura des effets négatifs parce que...

Une voix: [Inaudible]

M. Ursacki: J'espère bien que personne ne me tirera jamais dessus, mais advenant le cas, je préférerais de loin que ce soit avec une arme de calibre .25 ou .32 qu'avec quoi que ce soit d'autre. De façon générale, ce sont les armes les moins puissantes que l'on puisse trouver. Les calibres varient un peu mais, pour la plupart, la puissance de feu est très faible. Si les criminels ont des armes à feu, je préfèrerais que ce soit celle-ci plutôt que n'importe quoi d'autre.

.1120

En ce qui concerne la taille, comme on l'a dit plus tôt, étant donné que vous fondez l'interdiction sur la longueur du canon, vous finirez par pousser les gens à utiliser d'autres types d'armes dont vous préfèreriez peut-être qu'ils ne se servent pas. Cette mesure est particulièrement sévère pour les revolvers dont on mesure la longueur du canon sans compter la chambre.

Par conséquent, il s'agit de problèmes particuliers.

Le président: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: J'aimerais demander à chacun des représentants des groupes de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba de me dire ce qu'ils vont faire pour aider leurs membres à se conformer à la loi, une fois qu'elle sera adoptée.

Si l'on en juge par le nom de votre association, qui est formée de personnes responsables quant à l'utilisation des armes à feu, vous avez certainement le devoir de renseigner vos membres pour qu'ils restent des citoyens responsables, une fois que le projet de loi sera adopté. Qu'est-ce que chacun de vos groupes va faire pour s'assurer que la loi sera bien mise en application?

[Traduction]

M. Duffy: Madame Venne, j'ai suivi avec succès les cours sur la sécurité destinés aux chasseurs, donnés à Terre-Neuve et en Alberta et cela fait 26 ans que je manie des armes à feu provenant de presque partout dans le monde. J'ai subi toutes les épreuves que mon gouvernement a semées sur ma route. J'ai eu une seule contravention pour excès de vitesse dans toute ma vie. Je ne vais pas me soumettre à une autre épreuve.

Comme vous le savez, je ne peux pas directement dire à mes membres de ne pas se conformer à une loi. Ils vont probablement agir comme bon leur semble. Ils sont libres de le faire.

La plupart de nos membres se retrouvent dans la même situation que moi. Ils en ont assez des épreuves, je crois.

[Français]

Mme Venne: D'après ce que vous dites, vous n'avez pas l'intention de renseigner vos membres. C'est quand même un de vos devoirs.

M. Ursacki: Si je peux répondre à cette question, je voudrais dire que nous faisons face à une crise. Dans une telle conjoncture, on n'a pas le temps de planifier à long terme. Il faut absolument que ce projet de loi soit abandonné et j'espère que nous ne rencontrerons jamais le problème que vous mentionnez maintenant.

Mme Venne: Vous devez sûrement y penser. Il y a de fortes chances que le projet de loi soit adopté et vous aurez alors le devoir d'informer vos membres. C'est pour cela que je demandais à chacun des groupes ce qu'il allait faire. Vous m'avez répondu. Est-ce que les deux autres groupes veulent me dire ce qu'ils ont l'intention de faire pour faire respecter la loi lorsqu'elle sera mise en application?

[Traduction]

M. Tardiff: Premièrement pour répondre partiellement à la question que vous avez posée sur les statistiques, nous nous sommes fondés sur trois études. Je serai heureux de vous en donner le nom après la réunion puisque nous ne parlons plus de cela.

En ce qui concerne l'autre question, celle qui porte sur le respect de la loi, le conseil n'est pas un organisme policier. Il ne nous incombe pas d'assurer que nos membres respectent la loi. C'est à la police et au gouvernement de le faire.

[Français]

Mme Venne: Non, non! Les renseigner.

[Traduction]

M. Tardiff: À titre de propriétaires d'armes à feu responsables et de Canadiens responsables, nous avons l'intention de respecter toutes les lois qui seront adoptées. Tel est l'avis que les membres du conseil donneront à leurs membres. Mais ce n'est pas à nous de les obliger à se conformer à la loi. C'est le rôle du gouvernement et de la police.

.1125

[Français]

Mme Venne: Je ne vous demande pas de faire respecter la loi par vos membres. Je vous demande simplement ce que vous avez l'intention de faire pour les renseigner. Vous allez être des gens bien informés, car vous connaissez déjà le projet de loi. Vous savez comment il va passer.

[Traduction]

M. Tardiff: Désolé, madame Venne, je ne suis pas d'accord avec vous. Ce genre d'information est à la disposition de tous les contribuables canadiens, et c'est au gouvernement de renseigner les gens sur les lois et sur ce qu'ils doivent respecter. Ce n'est pas à moi de le faire.

[Français]

Mme Venne: Vous leur dites que le projet de loi n'est pas bon et, lorsqu'il sera passé, vous ne les informerez plus. C'est votre choix.

[Traduction]

M. Tardiff: Ce n'est pas ce que j'ai dit, madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Vous dites que ce n'est pas votre devoir de renseigner vos membres.

[Traduction]

M. Tardiff: Ce que j'ai dit, c'est que je n'allais pas assumer les responsabilités du gouvernement et faire son travail à sa place. C'est le rôle du gouvernement de diffuser cette information.

Je travaille dans le secteur des investissements. Si je donne de mauvais renseignements et de mauvais conseils à mes clients, cela peut me causer de gros problèmes. Les investissements sont un domaine sur lequel j'ai beaucoup de connaissances spécialisées. Je ne suis pas un spécialiste du droit et ce n'est pas à moi de donner des conseils d'ordre juridique.

M. Hardy: Pour ce qui est de la Saskatchewan, premièrement, nous n'apprécions pas le fait que l'on parle de ce document en disant «quand la loi sera adoptée». Autant que nous sachions, le projet de loi sera encore examiné par le comité avant de faire l'objet d'un autre vote et ensuite, il y aura les audiences du Sénat. Toutefois, s'il passe à travers toutes ces étapes et devient loi, nous estimons, comme le Manitoba, que c'est avant tout au gouvernement qu'il revient d'informer les Canadiens des changements apportés à la loi.

Cela dit, étant donné que nous voulons protéger nos membres, nous les informons chaque fois que cela est possible des dispositions législatives en vigueur et des changements que l'on se propose d'y apporter. C'est une des raisons pour lesquelles, à l'origine, nous avons constitué notre association. Au cours de la dernière année, lorsque nous avons participé à des rassemblements ou à des expositions d'armes à feu en Saskatchewan, nous avons emporté avec nous la législation en vigueur actuellement et, lorsque les gens nous posaient des questions précises, nous avons pu leur montrer quels règlements s'appliquaient en l'occurrence et ils ont pu vérifier et voir comment cela était énoncé.

Par exemple, il y a beaucoup de gens qui ne savent toujours pas quelles sont les armes qui ont été prohibées ou dont l'autorisation a été restreinte la dernière fois, ni si l'arme qu'ils utilisent est légale ou non. Je m'attends à ce que nous continuions d'éduquer nos membres de cette façon. Mais ce n'est pas un de nos premiers devoirs. C'est celui du gouvernement. En réalité, ce que nous faisons, c'est combler les trous lorsque le gouvernement n'a pas fourni au public des renseignements suffisants.

Le président: Monsieur Lee.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): Je pense que c'est M. Nelson, dans le cadre des exposés présentés plus tôt... un ou deux d'entre vous ont, du moins indirectement, laissé entendre que les dispositions relatives à l'enregistrement que l'on se propose d'appliquer menacent un certain mode de vie. Si j'ai tort, dites-le moi, mais je pense que c'est M. Nelson qui a le plus directement abordé ces questions.

Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce propos. Pour moi, l'enregistrement veut dire uniquement ceci: l'arme est enregistrée et elle reste enregistrée tant et aussi longtemps qu'elle existe. Mais je ne vois pas en quoi ce système peut avoir un impact sur un certain mode de vie.

Par ailleurs, vous avez indiqué que le nombre de rats des sables, de coyotes et de cerfs ainsi que d'autres animaux pourraient augmenter. Comment l'enregistrement des armes peut-il être la cause de cette prolifération?

M. Nelson: Peut-être n'avez-vous pas entendu tout ce que j'ai dit. L'an dernier, en Alberta, le nombre des chasseurs a diminué de 9 000. Cela signifie qu'il y a 9 000 personnes de moins qui tuent du gibier. Le gouvernement m'a versé de l'argent pour compenser les ravages dans mes stocks fourragers dûs à une surpopulation de cerfs. Le gouvernement m'a payé les veaux que m'ont tués des coyotes.

Pour revenir à la raison pour laquelle cela va toucher la génération suivante, cette génération-là ne pourra pa se permettre de chasser. Je peux à peine me le permettre moi-même. Il faut que je paie des cours sur la sécurité et que j'achète un cadenas pour mettre mes armes sous clé. Il va falloir que je paie 60$ pour obtenir un permis de port d'armes. Il va probablement falloir que je débourse 100$ dans cinq ans pour faire enregistrer mon arme. Comment les Nelson qui viendront après moi pourront-ils se permettre de chasser? Ils ne le pourront pas. Mon jeune frère ne peut pas se permettre de chasser.

.1130

M. Lee: J'espérais que vous m'expliqueriez pourquoi l'enregistrement en serait la cause.

Pour être juste, les raisons que vous venez de mentionner existaient avant l'enregistrement. Le nombre des chasseurs a déjà diminué l'an dernier et non l'année prochaine. L'enregistrement d'une arme à feu ne se fait qu'une seule fois. Les permis sont délivrés aux propriétaires d'arme à feu tous les cinq ans.

Je voudrais me concentrer sur le système d'enregistrement des armes à feu. En quoi l'enregistrement de ces armes va-t-il entraîner 9 000 autres...? On constate déjà un changement dans le nombre des chasseurs.

M. Nelson: L'enregistrement va me coûter de l'argent que je n'ai pas. Je ne peux pas me permettre d'être à Ottawa en ce moment. J'ai consacré la dernière année et demie à me battre contre ce projet de loi. Je suis un agriculteur et nous ne pouvons pas nous permettre de nouvelles taxes gouvernementales.

M. Lee: On prévoit que les coûts d'enregistrement seront de 10, 30 ou 40$. Vous n'allez pas nous faire croire que vous ne pouvez pas vous permettre cette somme.

M. Nelson: Combien en coûte-t-il pour enregistrer une arme de poing au Canada en ce moment, monsieur Lee?

M. Lee: Elles sont déjà enregistrées.

M. Nelson: Combien en coûte-t-il pour enregistrer un arme de poing au Canada en ce moment?

M. Lee: Je ne sais pas.

M. Nelson: Cela coûte 83,50$.

Combien l'enregistrement d'une arme de poing coûte-t-il au Québec? Il coûte 103,50$.

J'ai enregistré des armes de poing. J'ai 11 armes de poing et je les ai enregistrées lorsque je les ai achetées. Vous me dites maintenant que je ne peux transmettre neuf de ces armes à quiconque. Je peux les vendre à quelqu'un d'autre qui peut posséder une arme semblable ou qui fonctionne de la même façon, mais je ne peux pas les transmettre à la génération suivante.

M. Lee: Ma question portait sur le système d'enregistrement.

Je veux que vous sachiez que je pars du fait que les coûts d'enregistrement prévus, à l'adoption du projet de loi, seront inférieurs à 50$ et non les 83$ auxquels vous tenez. Vous souhaitez peut-être répondre à cette information. Mais en tant que législateur, ce n'est pas ce que j'examine, pas plus que ne le font mes collègues de la Chambre des communes. Autour de cette table, nous devons nous en tenir uniquement aux réalités et je vous signale que la vérité, dans ce cas, c'est que le coût d'enregistrement est inférieur à 50$. En fait, pendant les premières étapes de l'enregistrement, le coût sera de 10$ et de 20$.

M. Ursacki: Pourrais-je répondre brièvement à cette question? Je pense que cela nous ramène à ce dont nous parlions avec M. Ramsay. Il semble évident que beaucoup de problèmes surgiront du fait de l'enregistrement par la poste. Si cet enregistrement ne donne pas les résultats voulus et que nous ayons à recourir à un système axé sur les inspections, les coûts seront beaucoup plus élevés. Comme vous le savez tous, c'est une loi d'airain que les coûts gouvernementaux sont toujours plus élevés.

Vous pouvez être d'accord ou non, mais je pense que la raison pour laquelle cela aurait un effet négatif sur le nombre des participants à des sports de tir à la cible c'est que les coûts vont dépasser les chiffres que vous donnez, car nous allons devoir passer à un système axé sur les inspections.

Pour y faire face, puisqu'il y aura de moins en moins de gens entre qui les répartir, les frais finiront par augmenter. On exigera des frais annuels que l'on utilisera comme une mesure dissuasive afin de réduire le nombre de propriétaires d'armes à feu, puisque le gouvernement, en particulierM. Rock, a déjà dit que moins il y aurait d'armes, mieux ce serait.

M. Lee: Je vous entends bien et je prends notre de vos prédictions.

Le président: Monsieur Breitkreuz.

M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): Merci beaucoup monsieur le président.

Je trouve intéressant de siéger ici et d'observer ce processus. Je croyais qu'il serait franc et ouvert, mais je constate aujourd'hui que nous n'avons pas un comité impartial interrogeant des témoins pour découvrir ce qu'ils pensent de ces questions. Bon nombre des questions posées ne sont pas pertinentes.

Le président: Monsieur Breitkreuz, tous ceux qui siègent à ce comité ont un point de vue politique et c'est leur droit.

Veuillez continuer. Vous pouvez être aussi partial que vous voulez.

M. Breitkreuz: Ce que je veux dire, monsieur le président, c'est que nous devrions parler de la philosophie et de l'esprit de ce projet de loi. Nous posons des questions qui sont hypothétiques: et si ceci arrivait ou bien cela, que feriez-vous dans telle situation et ce genre de choses.

.1135

Je pense qu'il nous incombe de parler des effets réels que ce projet de loi aura au Canada, sur les Canadiens, et ce que ces derniers en pensent. Certains des renseignements qu'ils reçoivent les préoccupent énormément. Je ne crois pas que cela se limite aux provinces de l'Ouest, il y a beaucoup de gens dans l'Est du Canada qui ont les mêmes préoccupations.

Je voudrais vous poser à tous une question, vous demander de me dire brièvement... Compte tenu de l'information qui a été fournie aux provinces de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba...nous avons entendu dire souvent que les femmes appuient ce projet de loi. Est-ce exact?

Mme Putnam: Non.

M. Breitkreuz: Toutes les femmes du Manitoba appuient-elles ce projet de loi?

Mme Putnam: Absolument pas.

Je suis également éducatrice pour adultes. J'informe les gens au sujet de l'assistance sociale et du chômage. La plupart d'entre eux sont des femmes. Tous mes étudiants, en particulier les femmes, sont terrifiés des effets que ce projet de loi pourrait avoir sur nos droits et nos libertés personnelles. Nous ne pouvons absolument pas nous défendre de quelque façon que ce soit. Nous avons très peu de droits.

Les femmes à qui j'enseigne n'ont pas les compétences voulues parce que ce sont des femmes. On va maintenant nous enlever nos droits de propriété personnelle. Il va y avoir des perquisitions et des saisies illégales d'une portée sans précédent dans un pays démocratique.

Les femmes avec lesquelles je fais du tir et celles avec lesquelles je chasse ne sont pas d'accord sur le projet de loi C-68. Je ne peux pas parler pour toutes les femmes, mais celles que je fréquente sont contre le projet de loi. Plus elles sont informées, - étant donné que le gouvernement a choisi de ne pas informer le public et que nous devons créer ces groupes pour supplier à cette carence - , et plus elles en savent, plus mécontentes elles deviennent.

M. Breitkreuz: Merci.

Qu'en est-il des autres provinces?

M. Duffy: En Alberta, d'après nos rassemblement, nos forums politiques et nos conférences éducatives, au cours desquels nous informons les gens au sujet du projet de loi et de sa mise en oeuvre, nous réunissons un bon nombre de femmes. Nous leur disons - car c'est ce que prétendM. Rock - que le projet de loi va leur sauver la vie. Elles trouvent cela très drôle. Elles nous disent que cela ne va les aider d'aucune façon.

Là encore, je ne parle pas pour toutes les femmes de l'Alberta. Nous parlons pour celles qui se rendent à nos forums politiques, celles qui sont membres de notre organisation et toutes les femmes, qu'elles soient membres ou non, qui possèdent une arme à feu dans la province de l'Alberta.

M. Breitkreuz: Merci.

M. Ursacki: J'aimerais parler d'un autre groupe qui se préoccupe énormément de cette question... Les femmes vivent souvent plus longtemps que les hommes, en particulier leurs maris. Bon nombre de ces maris ont collectionné des armes à feu et ont fini par avoir des collections très importantes et très précieuses qui valent des dizaines et parfois des centaines de milliers de dollars. Je connais un certain nombre de femmes qui sont très préoccupées, - soit parce que leur mari va mourir bientôt, soit parce qu'il est récemment décédé - , par les effets de ce projet de loi, c'est-à-dire qu'il réduit à néant la valeur de l'investissement de toute une vie. Elles espéraient que cela leur servirait de petit coussin qu'elles pourraient liquider au moyen d'une vente aux enchères au moment du décès de leur mari.

M. Schultz: Nous avons organisé une pétition et environ 2 000 femmes s'opposant au projet de loi ont apposé leur signature.

Ma femme participe également à des concours de tir, ou la faisait jusqu'à récemment. Si elle était en faveur de ce projet de loi, je suis sûr qu'elle ne m'aurait pas laissé venir ici. Elle s'y oppose tout à fait.

M. Breitkreuz: Merci beaucoup. Je crois qu'il y a bien de fausses idées concernant ceux qui appuient et ceux qui n'appuient pas le projet de loi C-68.

Pensez-vous que les gens qui ne possèdent pas d'armes à feu devraient s'inquiéter de ce projet de loi et de certains effets qu'il aura?

M. Nelson: Absolument.

Mme Putnam: Les gens qui ne possèdent pas d'armes à feu dans notre province sont déjà très préoccupés. En tant que propriétaires d'armes à feu, nous sommes tous enregistrés. La police sait où nous sommes. Elle sait quel genre d'armes nous possédons.

Si quelqu'un décide de quitter son conjoint et qu'il veuille lui causer des ennuis, il peut téléphoner au poste de police et dire que ce conjoint possède une arme à feu. La police peut se rendre à la maison et fouiller partout. En fait, il ne possède même pas d'arme à feu. Tout cela est très inquiétant.

.1140

M. Duffy: En Alberta, lorsque l'organisation a été mise sur pied, la plupart des appels et de notre documentation étaient échangés entre les propriétaires d'armes à feu. Mais actuellement, nous constatons qu'un grand nombre des appels qui arrivent à notre bureau et une bonne partie de la panoplis qui s'échangé ont trait à des gens qui ne possèdent même pas d'armes à feu. Ils sont très inquiets. Ce qui les préoccupe, ce sont les dispositions dont nous vous avons parlé, comme les perquisitions et les saisies, les confiscations sans compensation, les décrets en conseil. Ce genre de choses dérange beaucoup les gens qui ne sont pas propriétaires d'armes à feu.

M. Thompson: J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'aimerais simplement faire savoir au comité que j'ai l'honneur de présenter la pétition qui a été commencée au Manitoba.

Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Thompson: C'est un renseignement.

Le président: Oui. Ce n'est généralement pas permis, mais cela figure maintenant au compte rendu.

M. Iftody.

M. Iftody (Provencher): Merci.

J'aimerais poser un grand nombre de questions, mais comme je n'ai que cinq minutes, je voudrais que vous me répondiez brièvement pour pouvoir poser le plus grand nombre de questions possibles.

Je me préoccupe beaucoup du débat sur les libertés civiles et les tentatives de l'État, comme vous le dites, d'empiéter là-dessus. Je voudrais aborder cette question. Je m'inquiète également du fait que cet organisme fait des représentations qui pourraient, d'une certaine façon, refléter l'opinion des anciens combattants de ce pays. Êtes-vous en train de nous dire que votre position aujourd'hui reflète celle des légions et des anciens combattants du Canada?

M. Duffy: J'aimerais dire ceci. J'ai des parents qui ont combattu dans les deux guerres mondiales et en Corée, et d'autres qui ont servi dans les opérations de maintien de la paix des Nations unies. Aucun d'entre eux, y compris ceux qui sont enterrés aujourd'hui en Europe, ne soutiendrait ce projet de loi d'aucune façon.

Monsieur Iftody: Merci.

Ma prochaine question porte sur l'un des aspects qui me déconcertent, c'est-à-dire les sondages nationaux, les résultats des sondages. J'ai une copie ici d'un certain nombre de sondages qui semblent tous démontrer que la grande majorité des Canadiens soutiennent une forme ou une autre d'enregistrement. Je m'attendrais, d'après ma connaissance des habitants de l'Alberta, et en particulier ceux de Calgary - j'ai visité cette ville de nombreuses fois et les gens y sont remarquables et aimables - que dans ce centre, dans cette ville, je trouverais l'opposition la plus forte à ce genre de mesures et le plus grand empressement à protéger les libertés civiles des Canadiens.

Et pourtant, je suis stupéfait par les sondages nationaux, celui commandé par M. Klein, et plus récemment celui du député de Calgary, Stephen Harper, qui l'a poussé à dire à la Chambre - après que je me suis moi-même démarqué de mon gouvernement - qu'il soutenait les dispositions deM. Rock sur l'enregistrement au nom des gens de Calgary qu'il représente. Bien franchement, j'ai été choqué par cette intervention et je suis encore sous le choc. Je me demandais si quelqu'un de Calgary pouvait m'expliquer ce qui se passe.

M. Ursacki: J'aimerais dire d'abord que je ne suis pas seulement de Calgary, je viens de la circonscription de M. Harper, et je peux affirmer que j'ai été également choqué, mais non surpris par son vote. Sur la question générale des sondages, je pense qu'il est très clair que la plupart des Canadiens ne savent absolument rien de nos lois actuelles sur les armes à feu ni sur ce projet de loi. Il compte 124 pages et il faut être particulièrement persévérant pour passer au travers.

M. Iftody: Prétendez-vous que M. Harper n'a pas informé...ou a induit ses commettants en erreur?

M. Ursacki: Non. Si vous voulez bien me laisser poursuivre, je pense que la plupart des gens n'en savent rien, mais de prime abord, cela leur semble une bonne idée et c'est pourquoi ils se disent favorables au projet de loi. C'est la raison pour laquelle on fait des sondages, qui ne donnent aucune information au public, ce qui donne des résultats favorables au projet de loi.

En ce qui concerne M. Harper plus particulièrement, je le connais depuis de nombreuses années et je peux vous dire qu'il a toujours été contre les armes à feu. Je lui ai précisément parlé de cette question à de nombreuses reprises. Il est contre les armes à feu et c'est pourquoi il a organisé un sondage qui donnerait les résultats qu'il voulait obtenir.

.1145

M. Iftody: Vous prétendez donc que M. Harper a induit ses commettants en erreur par ce sondage tendancieux?

M. Ursacki: Il est sans doute exagéré de dire qu'il les a délibérément induits en erreur. Je pense que le fait qu'il est contre les armes à feu...

M. Iftody: Et vous dites qu'il...

Le président: Monsieur Iftody, nous aimerions que les questions et les réponses figurent au compte rendu officiel. Quand vous posez une question, permettez au témoin de répondre complètement. J'espérerais aussi que le témoin vous permette de formuler complètement...

M. Iftody: Merci.

Le président: Monsieur Ursacki, veuillez terminer votre réponse à M. Iftody, et s'il a une autre question, il peut la poser.

M. Ursacki: Je ne tiens pas à critiquer M. Harper. Il est contre les armes à feu, c'est pourquoi il n'est pas surprenant, s'il organise un sondage, qu'il pose la question de telle façon à obtenir un résultat qui lui permettrait de voter conformément à ses propres préférences.

M. Iftody: Je m'inquiète également des libertés civiles. Je suis né et j'ai été élevé dans une région rurale, comme ce monsieur de Terre-Neuve et celui de Calgary. J'habite dans une région rurale, dans une région éloignée, comme M. Tardiff le sait, à Bird River. C'est une région très isolée. Je m'inquiète également de certaines des dispositions du projet de loi.

Je crois que vous avez mentionné que vous êtes très préoccupé et très mécontent qu'un agent de police puisse saisir votre camion et le confisquer sous prétexte d'une information erronée sur l'un des renseignements figurant dans l'enregistrement. Cela me préoccupe également beaucoup. Je pense que c'est une mesure très sévère et plutôt inhabituelle.

J'aimerais dire ceci. J'ai rencontré quelques propriétaires d'armes à feu dans ma circonscription vendredi qui m'ont dit que si j'allais chasser et pêcher dans ma cour vendredi sans un permis de pêche, le ministère des Ressources naturelles du Manitoba saisirait mon camion, ma canne à pêche et tout ce qui se trouve dans mon camion. S'il y avait une motoneige ou une moto dans mon camion, il les prendrait aussi.

Personne ne vient cogner à ma porte, dans ma circonscription, pour se plaindre des permis de pêche et de ce que le ministère des Ressources naturelles pourrait faire. Comment pouvez-vous expliquer ce genre de dissonance entre vos objections et ce qui se produit actuellement au Manitoba en vertu de ces lois?

M. Duffy: Le problème que nous pose ce projet de loi... Si je vais chasser en Alberta sans un permis de chasse et que je tue un cerf, je vais être accusé en vertu de la loi provinciale, mais ce n'est pas une infraction criminelle. Mais si je suis pris avec une arme à feu qui n'est pas enregistrée, je suis accusé en vertu du Code criminel du Canada. Il y a une grande différence.

M. Iftody: S'il vous plaît, monsieur le président, simplement une petite... et je promets de m'arrêter là.

Le président: Vous vous arrêterez de toute façon. Vous avez dépassé le temps qui vous est alloué. Soyez très bref, monsieur Iftody, car ce que je fais pour vous, je dois le faire pour tout le monde et j'ai tendance à être ferme avec tout le monde. Je ne peux pas faire d'exception ici et là, et vous avez dépassé le temps qui vous est attribué.

Nous allons permettre aux témoins de répondre à votre question, mais je vous demanderais de ne pas poursuivre. Si c'est simplement pour donner une explication pour qu'ils puissent répondre plus précisément...

M. Iftody: C'est une réponse par oui ou par non.

Le président: D'accord.

M. Iftody: Je voulais demander ceci à M. Tardiff. Vous m'avez dit un jour lors d'un déjeuner, que vous feriez campagne pour moi si nous réussissions à retirer cette disposition du Code criminel. Est-ce là votre principal objectif, retirer cette disposition du Code criminel? L'un ou l'autre d'entre vous pouvez répondre.

M. Tardiff: Ce que j'ai vraiment dit lors de ce déjeuner, c'est que je serais heureux d'aider quelqu'un qui m'aiderait et que j'avais de très importantes réserves au sujet de ce projet de loi. Au moment où nous avons reçu le projet de loi et que nous avons déjeuné ensemble, je n'avais pas encore eu le temps de l'étudier dans son ensemble. Cela s'est produit avant même ma rencontre avecM. Gallaway. Après réflexion, je n'y vois rien de positif et je préférerais qu'il soit rejeté. Prenons une feuille de papier et recommençons tout. Nous pouvons faire beaucoup mieux.

[Français]

Le président: Madame Venne.

Mme Venne: Je passe mon tour, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Pour commencer, il y a déjà eu des suggestions, dans une réponse à des questions de M. Ramsay ou de M. Thompson, sur la position de la police. Nous avons eu ici l'autre jour les représentants de l'Association canadienne des policiers et de l'Association canadienne des chefs de police.

.1150

En réponse à une question posée ici ce matin, quelqu'un - je ne me rappelle plus qui - a dit que les chefs de police faisaient l'objet de nominations politiques là-bas dans leurs diverses villes; par conséquent, nous ne pourrions pas accepter ce qu'ils ont dit car ils seraient d'une certaine manière surveillés.

Les représentants de l'Association canadienne des policiers a comparu devant nous. L'Association canadienne des policiers représente les policiers de première ligne. Elle a tenu un congrès ici et ses membres ont débattu de la question. Par une majorité d'environ 80 p. 100, les policiers de première ligne ont soutenu le projet de loi. Il est vrai que 20 p. 100, plus ou moins, ont voté contre.

Bien que vous ayez tous ce matin dit connaître des policiers ici et là qui s'opposaient au projet de loi, prétendez-vous que l'Association canadienne des policiers - d'ailleurs, les policiers se sont opposés au projet de loi parce qu'ils ont eu le courage de leurs convictions à ce congrès et ont perdu le vote. Vous avez ici une association de police nationale et démocratique. Prétendez-vous que les policiers qui ont voté à ce congrès faisaient preuve de malhonnêteté intellectuelle et qu'ils étaient manipulés ou qu'on leur faisait des courbettes? Prétendez-vous que leur vote n'était pas un vrai vote démocratique de policiers de première ligne de tout le pays? Nous ne parlons pas des chefs nommés ici. M. Jessop nous a dit comment il avait été élu année après année par ses constables des patrouilles.

M. Ursacki: Si vous me permettez de répondre brièvement à cette question, je dirais que je ne sais pas exactement comment les participants à ce congrès ont été choisis. Mais je doute fort que tous les agents de police du Canada étaient présents. Je suppose qu'ils étaient des délégués.

Le président: Les personnes présentes avaient été élues par les agents de police de tout le pays.

M. Ursacki: C'est ce que je voulais dire. Il s'agissait de délégués choisis par...

Le président: Ils n'ont pas été choisis, si je comprends bien, par la haute direction. Il s'agissait de personnes élues.

M. Ursacki: Désolé, nous sommes en train de couper les cheveux en quatre.

Le président: Non non, c'est très important, car vous avez suggéré que les chefs étaient nommés d'en haut. Je crois comprendre que ces gens étaient élus par la base.

M. Ursacki: Je ne voulais pas dire qu'ils avaient été choisis par la haute direction. Je voulais dire, pour utiliser votre terminologie, qu'ils avaient été élus. Je doute fort cependant qu'ils aient été élus en fonction de leur opinion sur le contrôle des armes à feu. Par conséquent, je ne pense pas que l'on puisse nécessairement conclure que, parce que les délégués ont voté à 80 p. 100 en faveur du projet de loi, 80 p. 100 des agents de police subalternes voteraient également dans ce sens.

Le président: C'est ce que l'on pourrait dire, monsieur, de n'importe quoi. Très peu d'entre nous ont été élus sur une seule question.

M. Ursacki: C'est vrai.

Le président: Nous pouvons fort bien être battus à une autre élection. Si le police, dans une région donnée, a de très fortes convictions au sujet du contrôle des armes à feu et que leurs représentants les trahissent à Ottawa, lors d'un congrès, ils peuvent tout simplement les remplacer la fois suivante, tout comme vous pouvez remplacer votre député local.

M. Ursacki: C'est tout à fait vrai, et dans les deux cas, nous devons voir les résultats. Je pense que vous seriez surpris de voir à quel point cette question aura de l'influence.

Le président: Très bien. On a suggéré ici que ce vote très majoritaire de l'Association canadienne des policiers n'était pas représentatif. Je dois vous dire que je suis de Montréal et je n'ai pas encore rencontré d'agents de police - il y en a peut-être - qui étaient opposés au projet de loi.

M. Duffy: Pourrais-je faire une observation?

Le président: Bien sûr, monsieur Duffy, allez-y.

M. Duffy: Lorsqu'il y a eu un vote au service de police d'Edmonton, sur presque 1 200 agents de police, seulement 500 se sont présentés pour voter. Ma question est la suivante: où étaient les autres?

Le président: Peut-être bien. C'est la même chose pour toutes les autres élections.

M. Duffy: Ce n'est pas ce que je dis. M. Jessop, qui a fait cette observation hier - nous le regardions à la télévision, car les audiences ont été présentées toute la semaine à CPAC - a dit qu'il était en faveur des dispositions sur les perquisitions et saisies car cela lui donnerait le droit d'entrer dans une maison et de perquisitionner, je crois d'ailleurs qu'il a utilisé l'expression mettre à sac.

Le président: Nous pourrions également se demander si vous représentez bien vous-même vos membres. Quelqu'un a posé une question à laquelle vous avez répondu que vous aviez 6 000 membres, alors que vous prétendez représenter tous les propriétaires d'armes à feu en Alberta. On pourrait donc vous retourner la question.

.1155

Avez-vous interrogé tous les propriétaires d'armes à feu de l'Alberta? Comment pouvez-vous prétendre que vous les représentez tous? Tous les policiers n'ont peut-être pas participé au scrutin, mais dans la mesure où on peut parler d'associations démocratiques, d'après ce que M. Jessop a dit l'autre jour, l'Association canadienne des policiers est un organisme plutôt démocratique et tous les agents de police ne se sont pas présentés le jour du vote. Il admet, soit dit en passant, que des policiers ont manifesté leur opposition à haute voix et qu'ils s'y sont opposés, tout comme vous, mais ils ont perdu.

Mme Putnam: Monsieur, puisque c'est moi qui ai fait cette observation, j'aimerais pouvoir répondre.

Le président: Allez-y.

Mme Putnam: Vous pouvez m'accuser de médisance, mais je sais ce qui se passe en Saskatchewan.

Le président: Nous savons qu'en Saskatchewan, l'Association des policiers...

Mme Putnam: Exactement.

Le président: Il n'y a pas de problème.

Mme Putnam: Oui, mais ce qu'il y a de malheureux dans tout cela, c'est que lorsque le président est allé à cette réunion des agents de police canadiens, il n'a pas fait ce que ses membres lui avaient demandé. À son retour, on lui a dit ce qu'on en pensait et il a changé d'avis depuis. Maintenant, il représente vraiment ses policiers.

Le président: Mais, madame Putnam, nous savons qu'en Saskatchewan... et vous avez raison lorsque vous dites que certaines associations étaient minoritaires au Congrès national... et que cet homme, s'il n'a pas voté comme on lui avait demandé, doit répondre de ses actes... mais vous semblez laisser entendre ici que, contrairement aux propriétaires d'armes à feu, les policiers sont loin d'être honnêtes, qu'ils sont manipulateurs...

Mme Putnam: Les policiers sont aussi des propriétaires d'armes à feu, monsieur. Nous avons deux administrateurs...

Le président: Pardonnez-moi, mais ils ont voté à plus de 80 p. 100 en faveur de cette mesure législative ici, à Ottawa, lors du congrès qu'ils ont tenu il y a quelques semaines. Je me demande ce qui vous autorise à vous en prendre à leur décision... Je ne penserais pas moi-même à m'en prendre à l'une de vos associations. Lorsque vous venez ici nous dire que vous représentez... Je pourrais vous demander combien de personnes ont assisté à la réunion, combien ont été mises au courant de la situation et ainsi de suite, mais je ne le ferai pas. Je pense que contester la police... La décision prise par une majorité écrasante des membres de l'Association... Je ne parle pas des chefs, qui ont voté en faveur de la mesure législative...

J'ai d'autres questions, mais je dois moi aussi m'en tenir à l'horaire. Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Pour continuer dans le même ordre d'idées que le président, je ne verrai aucun obstacle à ce que les chefs de police ont dit et à ce que les représentants de l'Association canadienne des policiers ont décidé lors de leur convention. Je n'y verrais aucun obstacle si ce n'était du son de cloche différent qui provient des agents de la paix qui représentent la base dans les diverses régions du pays.

J'ai entendu ce qu'avaient à dire bien des représentants de la base. J'étais à une réunion en Ontario il y a une semaine à peine lorsqu'un sergent du Grand Toronto s'est approché de moi et m'a donné sa carte. Il voudrait que ses collègues puissent voter, qu'on tienne un scrutin secret. C'est ce qu'on demande partout.

Je n'ai pas encore rencontré un seul agent de la paix qui soit en faveur du projet de loi C-68. C'est pourquoi j'ai dit qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Chaque fois que c'est le cas, j'aimerais bien en avoir le coeur net... ou il faut à tout le moins qu'on se pose des questions. Sans vouloir médire des chefs de police ou qui que ce soit d'autre, j'ai pensé qu'il serait nécessaire de tirer les choses au clair, de veiller à ce que l'opinion des agents de police qui vont aller frapper à une porte ou vont arrêter une automobile en pleine nuit, ne va pas être laissée de côté pour la simple raison que leurs chefs de police ou leur association ont voté d'une certaine façon à Ottawa.

Je voulais parler de deux ou trois autres choses, couvrir en fait certains des points soulevés par les députés d'en face.

Lorsqu'on parle de rendre la vie dure à quelqu'un... trois jeunes filles de Camrose ont remporté des médailles d'or, d'argent et de bronze en biathlon. Elles ont commencé à un âge tendre et leurs parents ont dépensé beaucoup d'argent pour les équiper et ils se sont toujours efforcés de les intéresser au sport et d'être présents pour elles. Ces jeunes filles et leur entraîneur nous ont dit que si ce projet de loi est adopté, si les mesures deviennent encore plus rigoureuses, comme ce sera apparemment le cas en vertu du projet de loi, les parents vont orienter leurs enfants vers d'autres disciplines. Les gens vont se désintéresser du biathlon, du ski et du tir. Et maintenant, ces jeunes qui connaissent dans ces spécialités une discipline remarquable, vont plutôt choisir de dépenser leur énergie et leur argent ailleurs.

.1200

Aussi, l'enregistrement... M. Bodnar nous a quittés. Mais il ne fait aucun doute que si un certificat d'enregistrement ne correspond pas à une carabine et qu'un agent de la paix fasse une vérification, alors cette arme ne sera pas considérée comme enregistrée. Techniquement parlant ou non, elle n'est pas enregistrée. C'est une infraction aux termes de l'article 99 qui est passible d'une peine maximale de cinq ans. C'est bel et bien une infraction. L'agent de la paix ne peut pas faire autrement qu'intervenir.

J'ai été agent de la paix pendant 14 ans. Lorsqu'il m'arrivait de m'apercevoir de quelque chose du genre, est-ce que je pouvais fermer les yeux? Je ne le pense pas. On attache beaucoup d'importance à cette mesure législative. Durant ce tour de table-ci, je n'aurai pas le temps de parler du coût de la contrebande, question qui m'intéresse, mais que ceux qui auraient quelque chose à répondre à ce que je viens de dire n'hésitent pas à le faire.

M. Ursacki: Il faut reconnaître que même dans les cas où il y a eu une erreur d'enregistrement et qu'une personne trouvée en possession d'une telle arme a fini par être acquittée, le seul fait d'avoir été accusée et d'avoir à aller en cour suffit pour acculer n'importe qui à la faillite.

Je connais quelqu'un qui vient tout juste d'être acquitté. Il avait été accusé surtout parce qu'il est du genre à être un peu énervant pour un service de police. Il n'était pas particulièrement aimé et cela lui a coûté plus de 20 000$. Il a fini par être acquitté, mais même si on finit par être blanchi de telles accusations, on peut courir à sa perte.

M. Duffy: Je fais partie de ceux qui ont soulevé la question du mode de vie. Pour en revenir au biathlon... J'aurais une question à poser, question que M. Lee a posée tout à l'heure, je pense: Comment cela peut-il influer sur le mode de vie? Cela peut avoir une grande incidence sur notre mode de vie, parce que les enfants vont cesser de participer à ce genre d'activité car, sans raison, elle va être trop réglementée. Les enfants vont plutôt opter pour le golf ou le football. Est-ce ce que veut le gouvernement?

C'est la question que nous nous posons. Nous nous disons que c'est ce que le gouvernement veut. Le gouvernement ne veut pas que nos enfants apprennent à utiliser une arme à feu de manière responsable. Il veut que nos enfants y renoncent. Dans 20 ans, personne ne sera plus propriétaire d'une arme à feu au Canada, parce que nos enfants auront renoncé à l'idée.

M. Bodnar: Monsieur le président, j'ai une vraie objection à formuler.

Le président: Je l'espère.

M. Bodnar: Je tiens à préciser à M. Ramsay que je suis ici, que je ne vous ai pas quittés.

Le président: C'est bel et bien une objection.

Monsieur MacLellan, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes.

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Merci, monsieur le président.

Monsieur Ursacki, vous avez dit que vous ne pensez pas que les armes de poing devraient être prohibées. Est-ce exact?

M. Ursacki: C'est exact.

M. MacLellan: Incluez-vous les armes au samedi soir?

M. Ursacki: Je parlais de tous les types d'armes à feu. Je ne vois pas pourquoi un type quelconque d'armes de poing devraient être prohibées. Cela, pour une raison bien simple: je pense que chacun jouit d'un droit inné, inaliénable, de faire ce qu'il veut, dans la mesure où il ne fait de tort à personne. Et il n'y a aucune raison particulière pour laquelle une arme de poing serait plus dangereuse qu'une autre. En fait, ce que vous appelez les «armes du samedi soir» sont souvent moins puissantes et moins dangereuses.

M. MacLellan: Considéreriez-vous comme un compliment ou un privilège le fait d'être abattu par une balle venant d'une arme moins puissante? Est-ce ce que vous appelez être chanceux?

M. Ursacki: Non. Comme j'ai dit, on a mal interprété mes propos.

M. MacLellan: C'est exactement ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. Ursacki: Avant de faire ces commentaires, j'ai bien dit que comme propriétaire d'armes à feu qui connaît bien les capacités de tous les types d'armes à feu - sans vouloir me vanter, je dirais que je connais bien les dangers que peuvent comporter les blessures causées par une arme à feu - je prie pour que cela ne m'arrive jamais. Mais si quelqu'un tirait sur moi, je préférerais que ce soit avec une arme de calibre .25 qu'avec une arme de calibre .44 Magnum.

MacLellan: Vous êtes beau joueur.

M. Ursacki: Préféreriez-vous qu'il en soit autrement, monsieur?

M. MacLellan: Non. Ce que j'espère, c'est qu'on ne tire jamais plus sur des Canadiens. Je suis peut-être de l'ancienne école...

M. Ursacki: C'est ce que j'espère moi aussi. Je pense qu'il n'y a pas personne ici qui ne serait pas d'accord avec vous.

M. MacLellan: J'aimerais aussi savoir ce que des propriétaires d'armes à feu légitimes pourraient bien faire avec des armes du samedi soir?

Mme Putnam: Pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par armes du samedi soir?

M. MacLellan: Non, à vous de me le dire. Vous savez bien de quoi je veux parler.

Mme Putnam: Non, je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

M. MacLellan: Oui, vous le savez.

Mme Putnam: Qu'est-ce qu'une arme du samedi soir?

.1205

M. MacLellan: Alors, je vais vous le dire, il n'y a pas de problème, puisqu'aux États-Unis on peut vous dire exactement ce qu'est une arme du samedi soir et que dans de nombreuses grandes villes elles sont la cause d'entre 50 et 60 p. 100 des décès par armes à feu.

Mme Putnam: Il y a aussi, monsieur, une prohibition depuis 1970 contre toute arme de poing à New York et dans l'État de Washington; et pourtant les armes de poing sont la cause de la plupart des décès. Au Montana, où tout le monde a le droit de s'armer, il y a moins de décès. Le problème se trouve là où les lois sur les armes à feu sont nombreuses et où le contrôle des armes à feu est très fort et là où le gouvernement insiste à désigner les armes que le peuple peut et ne peut pas posséder. Quand le peuple a la liberté et les droits démocratiques qui lui sont dus, il peut faire certaines activités et quand les gens se respectent mutuellement ils sont...

M. MacLellan: Voyons, de grâce. Vous devez vous rendre compte que...

Mme Putnam: C'est quoi une arme du samedi soir?

M. MacLellan: N'oubliez pas que d'autres gens ont des droits aussi.

Mme Putnam: Oui.

M. MacLellan: Je ne parle pas juste des gens qui possèdent des armes à feu; d'autres gens ont des droits aussi.

Mme Putnam: Tout le monde en a.

M. MacLellan: En fait aux États-Unis, à Washington, on peut se rendre au Maryland ou en Virginie pour s'acheter une arme à feu. C'est très facile à faire.

Je veux juste retourner à ma question originale, si vous me le permettez. Est-ce que cela s'applique aussi, monsieur Ursacki, à la personne qui convertit une arme à plomb en une arme à feu? Cela se fait très souvent. À votre avis, est-ce que ça devrait être légal?

M. Ursacki: Pardon, c'était quoi votre question encore?

M. MacLellan: Pensez-vous qu'un individu qui a une arme à plomb devrait pouvoir la convertir en arme de poing?

M. Ursacki: Si l'individu a un permis pour le faire. Autrement dit...

M. MacLellan: Non, non, on n'est pas...

M. Ursacki: Si l'individu est autorisé à posséder une arme à feu, il m'importe très peu que l'arme à feu soit une carabine, un pistolet, un fusil de chasse, une arme à plomb qui sera convertie en arme à feu ou autre. Si l'individu est autorisé à posséder une arme à feu, s'il a été passé au crible par la police, s'il a suivi des cours sur la sécurité des armes à feu et ainsi de suite, je ne vois pas quelle différence que ça peut faire.

M. MacLellan: Et les munitions de rupture et le viseur à infrarouge, savez-vous ce qu'ils sont, madame Putnam?

Mme Putnam: Ils sont illégaux, et nous respectons la loi.

M. MacLellan: J'espère que oui.

M. Ursacki: Je pense qu'il existe beaucoup d'information trompeuse sur ce qu'on appelle les munitions de rupture etc, mais de telles choses existent. Elles ont été produites pendant la guerre. Il y a très peu de gens qui s'y intéressent, à part les collectionneurs de cartouches. Je connais des gens qui n'ont même pas d'armes, mais qui collectionnent les cartouches en vaste quantité. Ils auraient par exemple une cartouche .30-06 dans leur collection. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un s'en serve pour le tir à la cible ou quelque chose du genre, mais dans une collection de cartouches, je ne vois pas de raison particulière...il n'y a aucune preuve pour démontrer que les collectionneurs de cartouches ont jamais exagéré Et pourtant, la possession est déjà prohibée. Donc, ça n'a pas d'intérêt pratique.

Il y avait une autre partie à votre question, qui était...?

M. MacLellan: Il ne me reste plus de temps.

[Français]

Le président: Madame Venne.

Mme Venne: J'aimerais demander à nos témoins s'ils sont au courant de tous les événements qui se sont produits dernièrement au Québec. J'imagine qu'il y a dû en avoir dans leur province, mais c'est plus frappant quand ça arrive chez nous.

Encore en fin de semaine, à Saint-Irénée, non loin de Québec, il semble qu'un homme ait abattu son fils. En fait, aucune accusation n'a encore été portée, mais de toute façon, l'enfant est mort d'une balle dans la tête.

À Sainte-Marie-de-Beauce, un père a tué sa fille de 10 ans, en la tirant à travers la porte d'une garde-robe dans laquelle elle s'était réfugiée. Il s'est ensuite suicidé par pendaison.

Il s'est produit plein d'événements de ce genre dernièrement. Ne croyez-vous pas que si on avait un peu moins d'armes à feu en circulation, et je parle ici d'armes de chasse, et que les gens étaient davantage conscientisés et admettaient de prime abord, comme vous devez l'admettre, qu'une arme à feu, c'est d'abord fait pour tuer, ne croyez-vous pas que le fait d'enregistrer les armes ferait en sorte que ces personnes seraient alors davantage conscientes des armes qu'elles ont dans les mains et que ça pourrait peut-être éviter, ne serait-ce qu'un événement comme ceux-là?

Ce serait déjà fantastique.

.1210

[Traduction]

M. Duffy: Pour rajuster les statistiques du Canada, 94,9 p. 100 des crimes violents au Canada n'impliquent pas les armes à feu. Même à Montréal l'année dernière, un homme a tué sa femme et ses deux filles avec un bâton de baseball juste avant notre rencontre avec le ministre de la Justice.

[Français]

Mme Venne: [Inaudible]

[Traduction]

M. Duffy: Est-ce qu'on parle de violence ou est-ce qu'on parle juste d'utilisation des armes à feu? Est-ce qu'on parle d'armes? Tout peut servir d'armes.

[Français]

Mme Venne: [Inaudible]

[Traduction]

M. Duffy: On est pour l'utilisation responsable des armes à feu.

Le président: Pardon. Encore une fois, nous nous interrompons. Madame Venne ça ne sert à rien d'avoir deux personnes qui parlent en même temps.

M. Duffy: Je suis d'accord, monsieur le président.

Pour nous, le problème c'est que les groupes d'intérêt particulier, les politiciens et les médias continuent à présenter la position sérieuse des armes à feu et leur utilisation responsable sous une image de violence. Par exemple, l'autre soir Radio-Canada a présenté une réunion sur le contrôle des armes à feu et tout de suite après, on a montré une fusillade au volant d'une voiture qui s'est passée à Montréal l'année dernière. Je me demande pourquoi ne pas montrer Myriam Bédard au moment où elle a reçu ces deux médailles d'or pour le Canada? Voilà une partie de notre problème. Ce sont les gens qui sont assis ici à cette table qui forment une partie du problème.

[Français]

Mme Venne: En terminant, j'aimerais dire que, malheureusement, le témoin banalise énormément les événements quand il compare un bâton de baseball avec une arme à feu. Et, évidemment, je suis contre toute sorte de violence, peu importe la façon dont elle est commise.

Voilà! C'est tout ce que je voulais dire, monsieur le président.

[Traduction]

M. Gallaway: J'ai une petite question pour M. Ursacki. J'aimerais clarifier l'impression que j'ai de ce qu'on a dit. Si je comprends bien, vous vous opposez à toute forme de contrôle des armes à feu. Est-ce bien le cas?

M. Ursacki: Non, absolument pas.

M. Gallaway: Au moment de votre comparution devant ce comité en 1991, vous avez fait allusion à un article que vous avez écrit et qui a paru dans la revue Machine-Gun News qui traitait de l'utilisation des armes automatiques. Pensez-vous, par exemple, qu'on devrait contrôler d'une certaine façon la possession des mitraillettes, ou pensez-vous qu'elles devraient être disponibles sans restrictions à la société?

M. Ursacki: Toute personne qui possède une arme à feu devrait passer des tests de police et devrait suivre des programmes d'information pour bien connaître la sorte d'armes à feu qu'elle projette acheter. Mais je pense qu'il ne sert à rien de prohiber une sorte d'arme à feu en particulier. L'effet de cette prohibition sur la criminalité sera nulle.

M. Gallaway: J'ai une question pour Mme Putnam. Récemment un groupe qui représente des groupes dans le domaine de la santé publique à travers le Canada, les instances de Santé publique du Canada, sont venues comparaître. Ce groupe a appuyé cette législation pourquoi, selon vous, pourquoi l'a-t-il appuyé? À votre avis, est-ce que ce groupe représente un intérêt particulier? Est-il mal informé ou nous induit-il en erreur?

Mme Putnam: Monsieur, vous devrez demander à ce groupe pourquoi il l'appuie. Je sais pourquoi je ne le fais pas. Je ne sais pas ce qu'est ce groupe.

M. Gallaway: C'est juste.

Monsieur Schultz, vous avez parlé des groupes d'intérêt particulier. Pensez-vous que les groupes de la Santé publique - leur organisme cadre - l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police sont en fait des groupes d'intérêts particuliers ou, pour le dire inversement, formez-vous un groupe d'intérêt particulier?

M. Schultz: En fait, les deux sont probablement justes. Nous sommes un groupe d'intérêts communs. On s'intéresse à ce projet de loi au nom de nos membres; c'est pour cela qu'on est venu comparaître ici. Nous représentons donc les membres de notre organisation, comme eux, à leur tour, représentent les membres de leur organisation. Oui, en fait, ils avaient leur propre raison pour venir ici, comme nous en avons aussi.

M. Gallaway: Merci. Votre réponse était tout à fait raisonnable.

M. Breitkreuz: Ce projet de loi est une loi habilitante. Elle prévoit que le ministre pourra recourir à des décrets en conseil. Je ne sais si vous avez étudié le projet de loi en profondeur pour vous rendre compte que cette législation donne beaucoup de pouvoir au ministre.

.1215

Croyez-vous que ce système d'enregistrement qu'on propose ici découragera la possession légale des armes à cause de tout ce qui s'ensuivra probablement? J'ai parlé à un officier supérieur de la GRC, qui m'a dit qu'il a beaucoup plus de préoccupations. Il a dit qu'à cause de cette loi habilitante, tant de choses peuvent passer en coulisse, ce qui découragera la possession des armes à feu légale et créera beaucoup de problèmes. Pensez-vous que ça représente un problème pour la Saskatchewan, l'Alberta et le Manitoba? Les gens là-bas s'en préoccupent beaucoup.

M. Tardiff: Monsieur, la législation semble se baser sur beaucoup de sortes différentes d'expérience internationale. Si on considère que le système AAF, qui est un emprunt des Anglais, et si on considère l'expérience britannique, la réponse à votre question doit être oui. La bureaucratie et la législation sur les armes à feu britanniques ont découragé et presque éliminé les sports de tir en Grande-Bretagne. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais je peux certainement les obtenir. La possession particulière des armes à feu en Grande-Bretagne a baissé de façon dramatique, tandis que le nombre de crimes violents continue à augmenter.

M. Breitkreuz: L'effet sur notre vie dans les Prairies sera énorme.

M. Bodnar: M. Hardy allait commenter là-dessus aussi, je crois.

M. Hardy: La préoccupation en ce qui concerne les décrets en fait un élément très important. Par exemple, nous notons qu'on a changé les dispositions sur ce qui peut être prohibé ou limité. En fin de compte, une fois cette législation adoptée, une arme prohibée peut être tout ce que le Cabinet peut décider être une arme prohibée, et le seul critère de la définition c'est que le Cabinet doit croire qu'il n'est pas raisonnable de se servir d'une arme particulière au Canada pour fin de chasse ou de sport.

Alors si, après quelques années, le Cabinet décide que les armes de poing en général posent un problème au Canada, il n'a qu'à décréter qu'il n'est pas raisonnable de se servir d'une arme de poing pour chasser ou pour le tir au Canada et voilà, toutes les armes de point sont interdites. Le décret prend effet immédiatement: donc, il n'est plus légal de posséder au Canada des armes de poing, des carabines de chasse ou des fusils, ou quoi que ce soit. Aucune disposition n'est prévue pour un examen par la suite, même pas une revue minimale trente jours après le dépôt à la Chambre; ça finit là.

On voit aussi que le projet de loi contient des dispositions sur tout, depuis les foires-expositions d'armes à feu jusqu'à une définition d'un club de tir ou d'une salle de tir, sa construction, ceux qui ont droit d'y faire le tir, quelles activités on peut y consacrer, etc. Une des préoccupations de beaucoup de nos clubs de tir et d'après l'information qu'on a en ce moment, c'est que les seules normes pour les salles de tir vont être celles du ministère de la Défense nationale, qui, à cause de l'usage des armes lourdes, précisent que les champs de tir doivent être entourés d'une zone tampon de quelques kilomètres. Si cette norme doit être appliquée au club de tir civil, nous pourrions essentiellement avoir à cesser nos activités.

M. Ramsay: Il nous reste combien de temps?

Le président: Une minute.

M. Ramsay: Bon, ça ne me laisse pas beaucoup de temps de parler du coût de la contrebande.

J'aimerais juste dire ce qui suit à propos des sondages. On entend parler beaucoup des sondages, et pourtant, en même temps, ceux qui devraient être les plus sensibles aux résultats des sondages sont les politiciens, parce que ces sondages indiquent où les politiciens doivent être pour présenter les gens. Malgré les sondages, le gouvernement de l'Alberta s'oppose à ce projet de loi, le gouvernement de la Saskatchewan s'y oppose, le gouvernement du Manitoba s'y oppose et, tout naturellement, les gouvernements des deux territoires s'y opposent. Je viens de recevoir un message par télécopieur de quelqu'un en Colombie-Britannique, et, paraît-il, le gouvernement de la Colombie-Britannique adopte la même position qu'ont prise huit de leurs députés parlementaires ici, nos collègues du Parti Nouveau Démocratique, qui se sont opposés à ce projet de loi. Je pense qu'il faut traiter des sondages avec beaucoup de soins.

Sur ce qu'on a dit à propos du sondage de Stephen Harper à Calgary, j'étais panelliste avec lui et Don Newman à une émission où il a dit très clairement qu'il avait des préoccupations très sérieuses à l'égard de ce projet de loi. Il n'était pas capable d'exprimer ses préoccupations à ses électeurs dans un sondage. Même les témoins qui ont comparu devant ce comité ne sont pas au courant de tous les effets de ce projet de loi. Quand on leur demande de faire un commentaire, ils disent qu'ils s'intéressent seulement au point qu'ils veulent faire. Je pense qu'il faut faire très attention si l'on va baser notre appui pour ou notre opposition contre ce projet de loi sur ce que les gens savent ou ne savent pas à son sujet.

.1220

Donc, si vous avez une observation à faire à propos des votes qui ont eu lieu jusqu'à maintenant, j'aimerais qu'on en prenne note.

Mme Putnam: J'aurai une précision à apporter pour les fins du compte rendu. L'appui de l'ACP était mitigé, comme elle l'a dit dans son communiqué de presse, monsieur.

Le président: Mais elle a approuvé le système d'enregistrement.

Mme Putnam: À certaines conditions.

Le président: Non, non, elle a répondu aux questions. Elle a approuvé le système d'enregistrement. Elle avait certaines réserves, comme M. Bodnar, sur les dispositions concernant l'inspection et d'autres dispositions, mais elle a approuvé le projet de loi en général.

C'est pourquoi j'étais surpris lorsque M. Lee, je pense vous a demandé si vous souhaitiez qu'un amendement soit apporté. Vous avez dit que vous n'étiez pas intéressé par des amendements. Vous voudriez que le projet de loi soit tout simplement abandonné. Un grand nombre de ces groupes l'ont approuvé, dans l'ensemble.

M. Ramsay: J'invoque le Règlement.

Le président: Je ne faisais que répondre à une question. Nous allons prendre le temps qui nous est alloué.

M. Ramsay: Le fait est que l'ACP a été très claire. J'ai ici son mémoire. Il y a un certain nombre de questions qui la préoccupent beaucoup et elle n'est prête à appuyer le projet de loi que si ces questions sont réglées. Je n'entrerai pas dans les détails, mais c'est ce qui...

Le président: Mais vous admettez, Jack, qu'elle a appuyé le projet de loi.

M. Ramsay: Oui, mais seulement à certaines conditions, à savoir, par exemple, si l'administration du système d'enregistrement va nécessiter l'affectation d'agents de police qui travaillent actuellement sur le terrain.

Le président: Exactement. Elle veut que le système soit entièrement financé par les propriétaires d'armes à feu.

M. Ramsay: Sinon, elle refusera d'appuyer le projet de loi.

Le président: Oui, mais elle a bel et bien appuyé le projet de loi. Lisez son témoignage.

M. Ursacki: Étant donné qu'on a à nouveau parlé du sondage fait par M. Harper, je tiens à préciser, étant donné que le débat était plutôt passionné, que cela ne se voulait en rien une attaque contre M. Harper. En réalité, je suis d'accord avec lui sur bien des points. Je ne suis cependant pas d'accord avec lui sur ce point-ci. Il n'est pas tellement partisan des propriétaires d'armes à feu, et je pense que cela se voit à la façon dont il a effectué son sondage.

M. Duffy: J'aurais une observation à faire moi aussi, monsieur le président. J'ai parlé àM. MacLellan et à M. Harper des sondages qu'ils ont faits, et j'ai dit à M. Harper que j'étais d'accord avec lui sur la façon dont il a voté, parce que si un grand nombre d'autres députés avaient voté selon les instructions de leurs électeurs, le projet de loi n'aurait pas franchi l'étape de la deuxième lecture.

Le président: J'ai une ou deux dernières questions à poser. Je tiens à les poser, parce que même si je ne crois pas que si les votes sont la seule façon de décider du sort de mesures législatives, ils sont quand même un élément important. Certains ont laissé entendre, Mme Putnam, je pense, et aussiM. Schultz, que ceux d'entre nous qui appuient cette loi n'obéissent peut-être pas à leurs employeurs, c'est-à-dire les contribuables et les citoyens. Tout ce que je peux dire, c'est que si je devais voter en fonction uniquement de ce que j'entends dire à Montréal... Mme Venne et moi avons déposé une pétition signée par 500 000 personnes, un demi-million d'électeurs, demandant non seulement que les armes de poing soient complètement prohibées...

J'étais à la Légion hier, ma filiale locale de la région - et tous ces anciens combattants m'ont dit qu'ils m'avaient vu à la télévision et ils m'ont demandé de faire en sorte que ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu soit adopté le plus rapidement possible. Je vous parle là de gens qui étaient dans la marine, dans les forces aériennes et dans l'infanterie. Je n'ai rencontré personne qui m'a dit...

Je ne remets pas en question ce que vous entendez dire dans l'Ouest, parce que je ne suis allé ni dans l'Ouest, ni dans les régions rurales de l'Ontario, ni ailleurs, mais tout ce que je peux vous dire c'est qu'un grand nombre d'entre nous, je pense, font ce que leurs électeurs leur ont demandé. Ce ne devrait pas être bien sûr le seul critère, mais M. Duffy et d'autres personnes... Quelqu'un d'entre vous a dit - c'était peut-être M. Ursacki - que ceux qui se prononcent ainsi sont peut-être mal informés.

Voulez-vous donc dire que les milliers de personnes qui s'opposent au projet de loi sont mieux informées? Autrement dit, les membres, ceux que vous représentez, sont bien informés et que c'est la raison pour laquelle ils s'opposent au projet de loi? Je pense que l'un d'entre vous a cité un homme de ma circonscription, M. Buckner - il vit dans ma circonscription - en disant qu'il est bien informé, mais que ceux qui travaillent à l'université et l'ancien président de l'université sont mal informés. Autrement dit, seuls vos membres sont bien informés et ceux qui nous disent qu'ils veulent que le projet de loi soit adopté sont mal informés?

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M. Ursacki: Si vous prenez le grand public, d'un côté, et les propriétaires d'armes à feu, de l'autre, je pense qu'il ne fait aucun doute, que, dans l'ensemble, les propriétaires d'armes à feu connaissent mieux les lois actuelles et comprennent mieux la loi proposée que le grand public.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas dans le grand public des gens qui sont bien informés ou qui ne se trouvent pas parmi les propriétaires d'armes à feu des gens qui sont mal informés. Pour ne pas se retrouver en prison, le propriétaire d'armes à feu doit avoir une assez bonne connaissance de la loi, du moins telle qu'elle existe, et il y a bien des Canadiens qui ne trouveraient pas grand-chose à redire à la loi s'ils connaissaient parfaitement bien ses dispositions.

Le président: Soit dit en passant, bon nombre de ces sondages ont porté surtout sur le système d'enregistrement. Oui, vous avez probablement raison de dire que les propriétaires d'armes à feu ont une meilleure connaissance de tout ce qui touche aux armes à feu. Mais ne seriez-vous pas aussi prêt à admettre qu'ils ont davantage intérêt à s'opposer à cette mesure législative parce qu'ils sont propriétaires d'armes à feu?

M. Ursacki: Oui, je l'admets. Je pense, cependant, que vous venez de soulever là une question très dangereuse. Il faudrait se garder de rejeter les arguments d'une personne pour la simple raison qu'ils vont dans le sens de ses intérêts. Il faut examiner les faits, il faut examiner les statistiques, il faut aussi examiner la logique des arguments avancés au lieu de porter des jugements en jugeant: «Oh, ces gens-là sont des propriétaires d'armes à feu; sont une bande de fanatiques et de fous; c'est dans leur intérêt de dénoncer le projet de loi, c'est pourquoi ils le font et nous ne devrions pas tenir compte de ce qu'ils disent.» Je ne veux pas dire que c'est ce que vous faites personnellement, monsieur, mais je pense que c'est un piège dans lequel bien des gens tombent et qu'il faut essayer d'éviter.

Le président: Je suis d'accord avec vous là-dessus. C'est pourquoi je n'ai pas tellement aimé qu'on s'accuse mutuellement ce matin, qu'on reproche à ceux qui s'opposent au projet de loi de ne pas savoir de quoi ils parlent et qu'on reproche à ceux qui l'appuient de ne pas savoir non plus de quoi ils parlent. On ne devrait pas se servir de tels arguments. Il y a des gens intelligents et bien informés dans les deux camps. Ils ont des philosophies différentes, disons, ou des modes de vie différents.

M. Ursacki: Je dois toutefois vous avouer, moi qui travaille dans une université, que ce n'est pas un milieu très réceptif pour un propriétaire d'armes à feu. Il y a bien des gens à l'université qui ne savent même pas que j'en possède et qui trouvent cela plutôt étrange, lorsqu'ils l'apprennent. Parmi mes amis, ce n'est pas chose très courante. Mais malgré que le milieu ne soit pas très réceptif, tous ceux avec qui j'ai discuté de la question, sans exception, tous ceux à qui j'ai montré le projet de loi en leur demandant ce qui en pensaient sur la foi du texte ou de ce que le gouvernement en a dit, tous ces gens-là m'ont répondu qu'ils n'aiment pas les armes à feu, mais qu'ils ont aussi beaucoup de réserves à faire à propos du projet de loi également.

Le président: Je n'ai entendu personne dire au comité que les propriétaires d'armes à feu - et j'ai pris en note ce que vous avez dit - sont des fous. Personne n'a dit cela devant le comité, mais cela s'est peut-être dit ailleurs. Je pense que tous s'entendent pour dire que les gens respectent les propriétaires d'armes à feu légitimes et ne tiennent pas à ce qu'on leur enlève toutes leurs armes.

M. Ursacki: Cela fait plaisir à entendre, monsieur, mais on a souvent l'impression, à voir les membres de ce comité et du comité devant lesquels j'ai comparu en 1991, qu'ils rient de nous.

Le président: Je pense que personne n'a ri de vous ce matin.

Mme Putnam: Monsieur, puis-je faire une dernière observation?

Le président: Oui.

Mme Putnam: Bien des Canadiens pensent que n'importe qui peut, comme aux États-Unis, aller au coin de la rue, s'acheter une arme à feu et la transporter sur lui. M. Rock a fait allusion à cela, et c'est ce à quoi ont fait allusion certains membres du comité.

Au Canada, la loi est très précise quant à l'acquisition, au transport, à l'entreposage et au port d'une arme à feu. Qu'il y a des directeurs de tir dans tous les champs de tir où je suis déjà allée. Je donne moi-même des cours sur les règles de sécurité relatives aux armes à feu et je sais ce que chaque propriétaire doit faire. La grande majorité des Canadiens ne le savent pas. Oui, illégalement, il est possible de se procurer n'importe quelle arme dans la rue en moins de 15 minutes. Mais un propriétaire d'armes à feu légitime, respectueux des lois et responsable doit franchir plusieurs étapes pour acquérir une arme à feu; cela, la majorité des Canadiens ne le savent pas. Ils pensent que nous obéissons aux mêmes règles que les Américains. Ça vaudrait la peine que le gouvernement dépense du temps, de l'argent et des énergies - et je serais très heureuse qu'une partie de mes impôts servent à cela - pour informer le public canadien des lois qui existent actuellement, qui sont plus adéquates et qui devraient être appliquées.

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Le président: Vous me permettrez de ne pas être tout à fait d'accord avec vous. Je pense que bien des gens connaissent les lois. Ils n'en connaissent pas tous les détails, mais ils savent qu'on peut aller à la quincaillerie du coin et acheter une arme à feu avec une AAAF. Ils savent qu'il se fait une certaine sélection. La plupart des gens connaissent la loi dans ses grandes lignes.

M. Nelson: J'aurais quelque chose à ajouter à ce sujet.

Jeudi dernier, j'ai téléphoné au ministère de la Justice et j'ai reçu par télécopieur un aperçu du projet de loi. Tout le monde peut l'obtenir. Mais rien n'est dit à propos du fait que le gouvernement peut faire une perquisition chez nous sans mandat. Il peut confisquer vos biens sans vous indemniser, vous considérer comme coupable, jusqu'à ce que vous ayez prouvé votre innocence, vous déclarer coupable par association, vous forcer à collaborer avec la police et vous priver du droit de garder le silence.

Je pense que le gouvernement dissimule bien des renseignements du fait qu'il ne mentionne rien de tout cela dans le document qu'il met à la disposition de tout le monde par télécopieur.

Le président: Je vous remercie d'avoir attiré notre attention là-dessus. Nous allons examiner la question. Je me suis aperçu qu'on était mal renseigné de part et d'autre.

C'est maintenant l'heure de lever la séance. Vous avez eu une longue matinée, de 9h30 à 12h30.

M. Duffy: Puis-je dire quelque chose très rapidement?

Le président: Allez-y.

M. Duffy: C'est moi qui ai parlé des anciens combattants. Je parlais de membres de ma famille et pas des anciens combattants en général. Les anciens combattants en général sont un échantillon représentatif de la population canadienne. Comme tout le monde, ils ont leur opinion.

Le président: Je pense que c'est vrai.

Je vous remercie tous d'avoir été des nôtres ce matin et de nous avoir exposé vos vues. Nous essayons d'avoir le plus d'opinions possible. Nous consacrons la journée à des organisations comme la vôtre. Nous allons poursuivre nos travaux tout l'après-midi.

La séance est levée.

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