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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

.1530

[Français]

Le président: La séance est ouverte.

Nous reprenons l'étude du projet de loi C-68 concernant les armes à feu et certaines autres armes. Nous recevons cet après-midi

[Traduction]

M. Mark Dorricott, président de l'Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport et un représentant du groupe, M. John Williams.

Nous recevrons aussi Allan Taylor, président de Lakefield Arms et Ernie Barriage, directeur des ventes de cette entreprise. Nous accueillerons ensuite Thanos Polvzos Para-Ordnance Mfg. Inc.

Je crois que vous nous avez tous fait parvenir des mémoires. Si vous pouvez les lire en moins de 15 minutes, vous êtes invités à le faire, autrement, nous vous demandons de présenter les principaux arguments ou les points fondamentaux de vos mémoires. Si vous pouvez les lire en entier, fort bien, mais les membres du comité ont reçu les mémoires plus longs et ils pourront s'y reporter et les lire eux-mêmes.

Nous donnerons d'abord la parole au représentant de l'Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport, puis à Lakefield Arms et enfin à Para-Ordnance Mfg.

M. Mark Dorricott (président, Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport): Est-ce que M. Williams peut prendre la parole d'abord?

Le président: D'accord.

M. John Williams (membre et porte-parole de l'Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport): Je suis propriétaire d'un petit magasin de vente d'armes à feu au détail à Port Perry en Ontario. Je m'adresse donc à vous à ce titre et mon point de vue est celui d'un détaillant.

Si le projet de loi C-68 est adopté tel qu'il est proposé, l'impact financier sera considérable pour les entreprises, les utilisateurs d'armes à feu et les contribuables.

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Confiscation: Depuis la présentation de ce projet de loi, j'ai constaté que les acheteurs sont de plus en plus inquiets. De nombreux propriétaires d'armes à feu considèrent que l'enregistrement de toutes les armes d'épaule signifie qu'elles seront éventuellement confisquées. Lors d'un rassemblement à Ottawa en septembre, M. Rock a déclaré que l'enregistrement ne signifiait pas du tout la confiscation, mais son propre projet de loi renferme des dispositions qui mèneront à la confiscation de plus de 550 000 armes à feu enregistrées à l'heure actuelle. La confiscation aura lieu uniquement au moment du décès du propriétaire actuel mais elle aura lieu tout de même. Les armes seront confisquées et aucun dédommagement ne sera versé.

Baisse de valeur des collections: Un nombre croissant de collectionneurs essaient de vendre leurs armes à feu afin de réaliser en partie du moins, la valeur de leurs collections. Certains collectionnent des armes depuis des années en prévision de leur retraite, en espérant que ce sera un investissement valable, mais les prix du marché pour les armes à feu modernes et de collection ont chuté. Cette baisse de valeur touche aussi les commerçants puisque la valeur de leur stock d'armes à feu usagées a diminué énormément.

Coût de l'enregistrement: Les coûts de l'enregistrement sont aussi une source d'inquiétude. On nous avait affirmé que le système coûterait environ 85 millions de dollars. J'ai reçu, la semaine dernière, un document intitulé «Cadre financier du projet de loi C-68», qui renferme une ventilation des coûts. Le total a grimpé de 85 millions de dollars à 118,9 millions de dollars. En outre, il semble que cette somme approximative s'ajoute aux 65 millions de dollars que coûte déjà l'exploitation du système actuel. Le coût supplémentaire prévu de la mise en application du projet de loi C-68 équivaut donc à près du double du coût du système actuel.

Dans le rapport de l'Institut Fraser, le professeur Gary Mauser prévoit que le coût de l'enregistrement atteindra de 410 millions de dollars à 500 millions de dollars au minimum. Il a obtenu ces chiffres en effectuant des calculs à partir des coûts du système d'enregistrement actuel fournis par le ministère de la Justice. En prenant sa prévision la plus faible, on peut supposer que les coûts supplémentaires s'élèveront à 410 millions de dollars et que le déficit sera de 293 millions de dollars et non de 2,2 millions de dollars. Et ce déficit s'ajoute à celui de 27 millions de dollars déjà accumulé en vertu du système en place.

Il est évident que la personne responsable de ce tableau des coûts et revenus n'a jamais eu à rendre de comptes des données qu'elle présentait. Par exemple, les revenus indiqués sont pour le moins trompeurs. Selon le contrôleur provincial des armes à feu, le nombre de marchands d'armes à feu en Ontario a baissé de 200 depuis l'année dernière. Les prévisions quant aux recettes ont été calculées en fonction de 8 000 entreprises titulaires de permis environ. Or, ce chiffre ne s'est pas avéré exact l'année dernière et sera encore plus erroné à l'avenir puisque le nombre de marchands diminuera.

En ma qualité d'homme d'affaires, je n'accepterais jamais des états financiers fondés sur des suppositions et des peut-être. J'exigerais certainement qu'on me rende des comptes. Mon député a demandé que le document d'établissement des coûts soit transmis au vérificateur général en vue d'une analyse et ceci n'a pas été fait.

Le coût total de l'enregistrement, renouvelable tous les cinq ans, constituera un fardeau financier trop lourd pour certains et notre sport risquera d'être réservé uniquement aux riches...

Le président: Excusez-moi. Mais vous parlez un peu trop rapidement et l'interprète qui traduit votre témoignage vers le français a du mal à suivre. Pourriez-vous ralentir le rythme un peu...

M. Williams: Je vais ralentir mon débit et me calmer aussi un peu.

Le coût total de l'enregistrement, renouvelable tous les cinq ans, constituera un fardeau financier trop lourd pour certains et notre sport risquera d'être réservé uniquement aux riches ou aux criminels, qui ne paieront pas les frais d'enregistrement de toute façon.

Impact du projet de loi sur les ventes d'armes à feu: Mon chiffre d'affaires révèle que les ventes d'armes à feu ont diminué considérablement depuis la présentation de ce projet de loi. Les autres marchands d'armes à feu du pays à qui j'ai parlé, connaissent aussi la même décroissance: moins de ventes, diminution du chiffre d'affaires, moins de taxes, moins d'emplois et plus de chômage.

Directeur de l'enregistrement: Personne ne m'a demandé si j'acceptais de jouer le rôle de directeur de l'enregistrement pour le gouvernement. Je devrais alors assumer toutes les responsabilités sans avoir les pouvoirs des fonctionnaires qui jouent ce rôle à l'heure actuelle. Si le détaillant doit enregistrer les armes à feu, qui paiera les ordinateurs et le temps que les employés devront consacrer à cette tâche?

Puisque le ministre a déclaré que le système d'enregistrement n'entraînerait aucun coût, en ma qualité de détaillant, je devrai transmettre ces coûts au consommateur, ce qui nuira aussi aux ventes. Je suis convaincu que certains d'entre vous désirent justement voir les ventes d'armes à feu diminué jusqu'à leur disparition complète. Cependant, vous aboliriez alors le gagne-pain de bon nombre de personnes et une tradition sportive qui existe depuis toujours au Canada. L'impact financier serait grave et les pertes considérables pour les détaillants, les grossistes, les pourvoiries, l'industrie du tourisme, les divers ministères des Ressources naturelles, etc.

Armes «couramment utilisées» et «utilisation déraisonnable»: La proposition visant à modifier le libellé du projet de loi de sorte que le gouverneur en conseil aurait le pouvoir de prohiber certaines armes à feu si, selon lui, il est «déraisonnable» de les utiliser pour la chasse et d'autres sports, a déjà produit un impact négatif sur les ventes de divers genres de fusils de chasse semi-automatiques. Ce remplacement de «couramment utilisé» par «déraisonnable» signifie qu'une arme à feu en particulier pourrait être ou sera prohibée sans que les associations de chasseurs ou de tireurs sportifs soient informés ou puissent donner leur avis et cette prohibition sera laissée à l'entière discrétion d'un bureaucrate et de son interprétation de ce qui est «raisonnable».

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Ce projet de loi touchera aussi les nouveaux chasseurs ou tireurs sur cible. Il empêchera les jeunes ou les débutants de participer à ce sport. Le coût du cours menant à l'obtention d'un permis de chasse, du permis lui-même, du cours et de l'examen donnant droit à une autorisation d'acquisition d'armes à feu, du permis de possession et de la photo requise représente à lui seul une dépense de 200 à 370$ au minimum et le tireur sportif n'a pas encore acheté son arme à feu.

Je voudrais proposer plusieurs solutions. D'abord, il faudrait diviser le projet de loi en deux parties distinctes. Ainsi, on pourrait traiter dès maintenant la partie portant sur la criminalité et faire des études plus approfondies avant d'aborder la question de l'enregistrement des armes à feu. La population vous demande de lutter contre la criminalité et de contrôler l'utilisation des armes à feu dans la perpétration de crimes et vous devez le faire dès maintenant. La contrebande d'armes à feu et les autres activités criminelles liées à la possession ou à l'utilisation d'armes à feu devrait être la priorité de tous.

Vous devez mettre en oeuvre les recommandations formulées dans l'étude réalisée en 1993 par le vérificateur général, et notamment l'évaluation du programme actuel de contrôle des armes à feu afin d'assurer la population canadienne et ses députés que ce programme atteint bien ses objectifs.

Vous devez aussi préparer un sommaire réaliste et logique de l'établissement des coûts de l'enregistrement et le présenter au vérificateur général afin qu'il procède à une analyse coût-efficacité.

Un élément important à été omis dans ce projet de loi, le permis de possession en double. Le projet de loi doit autoriser un particulier à détenir un double de son permis de possession afin qu'il puisse transmettre l'original aux marchands lorsqu'il commande une arme à feu ou des munitions par le courrier. Sans ce double du permis de possession, le particulier n'aura aucun permis en main lorsqu'il voudra transporter ses autres armes à feu. Ce permis en double doit être offert à un coût raisonnable.

Il faudra aussi informer la population des règlements existants relativement aux armes à feu. Le gouvernement fédéral, a fait bien peu pour informer la population au sujet des lois en vigueur dans divers domaines comme les règles régissant l'acquisition le rangement et le transport des armes à feu, les critères déterminant les armes prohibées ou à autorisation restreinte, les droits acquis, les véritables pièces de collection, etc. Le projet de loi, tel qu'il est rédigé maintenant, ne fera qu'ajouter à la confusion.

En ma qualité de détaillant, j'ai du mal à obtenir une réponse de la part du contrôleur provincial des armes à feu lorsque je demande si tous ces éléments ont été pris en compte dans l'établissement des coûts. Ce n'est pas que le bureau du contrôleur des armes à feu refuse de répondre, c'est que le personnel est trop peu nombreux pour satisfaire à toutes nos demandes. Si les questions des marchands demeurent sans réponse, comment les gens en général parviendront-ils à obtenir les informations nécessaires pour que d'innocents citoyens ne se transforment pas en criminels à leur insu?

Vous devez, pour une fois, travailler de concert avec les chasseurs et les tireurs sportifs. Nous voulons, comme tout le monde, une société sans danger. Au lieu d'adopter un projet de loi qui de toute évidence ne dissuadera pas les criminels et ne disciplinera pas les personnes instables, nous devons chercher les véritables solutions aux problèmes qui menacent notre mode de vie canadien. Il faut éradiquer la pauvreté et le chômage, donner des objectifs à la population et lui inspirer la fierté de la contribution à la société. Je crois que la majorité des Canadiens conviendrait qu'au lieu de gaspiller les dollars de leurs impôts en augmentant les règlements imposés aux citoyens respectueux des lois, il faudrait mieux consacrer cet argent à la lutte contre la violence urbaine.

Je voudrais ajouter un dernier commentaire. Certains de vos pairs ont mené et facilement gagné un bataille contre la réforme de leur pension de retraite parce qu'ils croyaient avoir mérité cette pension grâce à leur travail acharné. Ils y avaient bien droit. Certains d'entre eux sont prêts maintenant à supprimer le gagne-pain de travailleurs comme moi-même. Ils veulent, par le biais de la dévaluation et de la confiscation, abolir des biens personnels et des droits valant plusieurs millions de dollars. Ils vont ainsi faire grimper le chômage dans un Canada principalement rural aux prises avec la récession. Ils fermeront des entreprises, et détruiront une industrie de plus d'un milliard de dollars par année et anéantiront tout un secteur des sports.

Le contenu de ce projet de loi et les déclarations des ministres dans les médias nuisent à la réputation de mon entreprise, de mon sport et de mes loisirs en insinuant qu'il pourrait exister des liens entre les tireurs sportifs, les criminels, les ivrognes batteurs de femmes et maintenant les terroristes.

Nous devons unir nos efforts pour le bien de tous les Canadiens, sans discrimination aucune et en utilisant nos ressources de façon à atteindre les meilleurs objectifs possible.

Merci beaucoup.

Le président: Merci.

Monsieur Dorricott, désirez-vous ajouter des commentaires?

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M. Dorricott: Oui, je tiens à parler essentiellement de la deuxième partie du mémoire de l'industrie, si vous le permettez.

Le président: D'accord. Je n'avais pas réalisé que le mémoire comportait deux parties.

M. Dorricott: L'Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport est un groupe industriel formé d'importateurs, de fabricants, de grossistes, de bureaux de ventes et de détaillants de produits utilisés dans l'industrie du tir sportif au Canada. Nos membres représentent une industrie qui distribue une gamme considérable de produits et de services variés grâce auxquels des millions de Canadiens pratiquent une activité sans danger et enrichissante.

Certains articles du projet de loi C-68, si ils sont adoptés dans leur état actuel, auront de graves répercussions sur notre industrie et sur nos membres. Le présent mémoire présente les principaux éléments qui nous inquiètent et veut attirer l'attention du Comité sur les ramifications précises du projet de loi qui réduiront sérieusement la capacité de nos membres à demeurer actifs au sein de notre industrie.

Nous sommes en faveur de toute initiative visant à régler les problèmes liés à la violence et à l'utilisation criminelle des armes à feu, mais nous croyons que le projet de loi C-68 tel qu'il est rédigé maintenant contribuera fort peu à régler ces problèmes. En fait, certaines dispositions du projet de loi C-68 créeront plus de problèmes qu'elles n'en résoudront.

Notre première préoccupation concerne les conséquences financières de ce projet de loi sur notre industrie. On présente souvent l'industrie des sports de tir comme l'une des principales composantes de ce que le gouvernement appelle le lobby des armes à feu au Canada. En réalité, notre industrie regroupe surtout des petites entreprises qui emploient moins de 20 personnes et font l'importation et la distribution de fusils, de munitions, de matériel de tir à l'arc, de vêtements, d'accessoires de chasse et d'activités de plein air ainsi que de divers autres produits connexes.

À l'heure actuelle, il n'existe au Canada qu'un seul fabricant d'armes à feu et son représentant témoignera un peu plus tard. La grande majorité des revenus de notre industrie proviennent de la chasse et des activités périphériques de la chasse.

Selon un sondage effectué par Statistique Canada en 1992 auprès de 72 000 Canadiens ayant décrit en détails les activités liées à la chasse qu'ils avaient pratiquée au cours de 1991, les dépenses totales consacrées à la chasse s'élevaient à 1,2 milliard de dollars. Ce chiffre est fondé sur un marché d'environ 1,5 million de chasseurs actifs. Il est important de réaliser que des dépenses totales de 1,2 milliard, moins de 50 p. 100 vont profiter directement à l'industrie des sports de tir. Toutefois, les autres industries profitant de la chasse et notamment le tourisme, le camionnage, les vendeurs de véhicules tous terrains de même que d'innombrables petites entreprises vont vraisemblablement souffrir de toute compression du marché de la chasse.

Comme nous l'avons constaté depuis la présentation du projet de loi C-17, le contrôle des armes à feu a tendance à affaiblir le marché de la chasse de plusieurs façons.

D'abord, les clients éventuels sont écartés de ce marché à cause des coûts sans cesse croissants des fusils et du matériel requis pour pratiquer la chasse.

Deuxièmement, l'éventualité des interdictions et restrictions plus sévères à l'égard des armes à feu incitera les chasseurs actuels à délaisser ce sport à cause, encore une fois, du coût du système proposé d'enregistrement mais aussi en raison de leurs craintes et de leur méfiance à l'égard de ce système. Cette inquiétude est particulièrement fondée lorsqu'on considère que l'une des dispositions du projet de loi C-68 autorisera à l'avenir le gouvernement à considérer comme arme à feu prohibée toute arme qu'il juge déraisonnable d'utiliser pour la chasse.

Il semble peu probable qu'une personne intéressée à la chasse ou au tir sportif investisse son temps et son argent pour assister aux divers cours obligatoires sur la sécurité et le rangement des armes à feu, obtenir les permis de possession et se conformer aux exigences d'enregistrement alors qu'il est fort possible que le gouvernement lui confisque un jour sa carabine ou son fusil de chasse simplement parce qu'un fonctionnaire aura jugé qu'il était déraisonnable d'utiliser cette arme en particulier pour la chasse.

La diminution du nombre de chasseurs actuels et éventuels aura certainement des répercussions néfastes sur notre industrie et les commerces connexes. Certains détaillants nous ont affirmé que depuis l'adoption du projet de loi C-17 et encore récemment après la présentation du projet de loi C-68, les ventes d'armes à feu ont connu une baisse atteignant 50 p. 100 dans certaines régions. Rien ne nous permet de croire que cette diminution du chiffre d'affaires ne va pas se poursuivre et même s'amplifier si le projet de loi C-68 est adopté tel quel.

Est-il raisonnable de supposer que si l'industrie de l'automobile par exemple devait voir ses ventes chuter de 50 p. 100 à cause d'une mesure législative gouvernementale, le gouvernement en tiendrait compte? Pourquoi nous comparer à ce secteur géant de la fabrication? M. Rock lui-même a employé cette analogie en comparant l'immatriculation des automobiles à l'enregistrement des armes à feu. Évidemment, celui qui ne fait pas immatriculer son automobile ne risque pas d'être emprisonné et d'avoir un casier judiciaire.

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Quoi qu'il en soit, notre industrie ne peut tout simplement pas subsister sans clients, un scénario que le projet de loi C-68 pourrait probablement engendrer.

L'examen du cadre financier pour l'application du projet de loi C-68, rendu public le 24 avril 1995, révèle que ce sont les utilisateurs légitimes d'armes à feu qui seront la principale source de financement de ce programme. Le document prévoit que, sur une période de cinq ans, des recettes de près de 117 millions de dollars seront générées grâce à de nouvelles taxes ou à des droits perçus auprès des propriétaires actuels ou éventuels d'armes à feu. Autrement dit, 117 millions de dollars seront soustraits au revenu disponible des tireurs et des chasseurs alors que cet argent aurait très bien pu être dépensé en nouvel équipement ou en sorties de chasse ou de tir. Nous avons de sérieux doutes quant à la validité du cadre financier, car il me semble fondé sur une série d'hypothèses de la part du ministère de la Justice.

Par exemple, le ministère suppose que le nombre des détaillants d'armes à feu demeurera constant ou augmentera au cours de cette période de cinq ans. Un appel au chef provincial des préposés aux armes à feu de l'Ontario nous a récemment fait découvrir que le nombre des permis d'entreprises émis en 1994 avait diminué de plus de 200 par rapport à l'année précédente. Ce fait, associé à la diminution inévitable du nombre des chasseurs et des tireurs actuels et éventuels à la suite de la mise en application du projet de loi C-68, met sérieusement en doute la fiabilité du cadre financier. Nous recommandons au comité de soumettre cette analyse à une évaluation subjective afin d'établir la validité des prévisions avant d'approuver les dispositions relatives au système d'enregistrement.

À propos de l'enregistrement des armes à feu détenues légalement, notre industrie, et les milliers de personnes dont dépend le gagne-pain, est toujours demeurée dans une relative obscurité, relative par rapport aux industries notoires et qui ont les moyens financiers et politiques d'obtenir l'attention du gouvernement.

Nous sommes heureux d'avoir ainsi l'occasion de nous faire entendre et de pouvoir exprimer les graves inquiétudes que nous inspire cette tentative trompeuse de la part du ministre de la Justice pour convaincre les Canadiens que le projet de loi C-68 aura quelque incidence que ce soit sur la prolifération des crimes et des actes de violence commis au moyen d'armes à feu.

Non seulement le ministre propose-t-il d'assujettir les propriétaires actuels d'armes à feu de même que les entreprises à un nouveau système d'enregistrement énorme et lourd, dont les avantages restent encore à établir, mais ce système d'enregistrement va certainement avoir pour résultat de faire diminuer considérablement la clientèle de notre industrie.

Vous venez d'entendre M. Williams, un simple détaillant, parler des répercussions négatives que le projet de loi C-68 aura sur son entreprise. Quand on songe qu'il y a plus de 7 500 de ces détaillants au Canada, il devient évident que cette mesure aura un impact économique important non seulement sur notre industrie mais aussi sur le Canada lui-même.

L'enregistrement constituera selon nous un immense gaspillage de temps, de ressources humaines et d'argent. Nous ne croyons absolument pas que l'enregistrement des armes à feu détenues légalement aura quelque incidence que ce soit sur l'acquisition et l'utilisation criminelles d'armes à feu.

Nous demandons au comité de se donner tout au moins le temps d'évaluer l'efficacité des dispositions de la loi C-17, concernant notamment l'entreposage et la formation, avant qu'on n'implante un système d'enregistrement extrêmement onéreux.

C'est ce que le vérificateur général avait d'ailleurs recommandé de faire dans son rapport annuel de 1993. Le gouvernement actuel n'a pas tenu compte de cette recommandation jusqu'à présent. Dans le but d'accélérer l'adoption du projet de loi C-68, M. Rock n'a cessé de répéter aux Canadiens que l'enregistrement des armes à feu leur assurera une sécurité accrue. Si c'était le cas, nous nous demandons pourquoi l'enregistrement des armes de poing, obligatoire depuis 1934, n'a pas freiné l'incidence de l'utilisation des armes de poings dans la perpétration d'actes criminels.

La réponse, bien sûr, c'est que ceux qui commettent des crimes au moyen d'armes à feu, qu'il s'agisse d'armes de poing ou d'armes d'épaule, ne figureront jamais sur aucun registre, car ils ne vont tout simplement pas s'inscrire eux-mêmes ou enregistrer leurs armes pour commencer.

Le gouvernement semble vouloir rejeter la responsabilité de l'utilisation criminelle des armes à feu sur les groupes et les particuliers qui n'ont vraiment rien à voir avec le problème.

Nous craignons beaucoup par ailleurs qu'un élément criminel puisse avoir accès à une base de données où figurent tous les propriétaires d'armes à feu et les armes à feu leur appartenant. Il est devenu évident que, dans la culture informatique d'aujourd'hui, aucune base de données n'est absolument sûre.

En ce qui a trait à la contrebande des armes à feu, le projet de loi C-68 dépeint implicitement notre industrie comme une source d'approvisionnement pour les auteurs de crimes perpétrés au moyen d'armes à feu. Rien n'est plus éloigné de la vérité.

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Les criminels n'achètent ni leurs armes ni leurs munitions en passant par les voies commerciales légitimes. S'ils le faisaient, ils laisseraient des traces dans les systèmes actuels d'enregistrement et d'immatriculation déjà en place.

Notre industrie est en mesure de repérer les acheteurs et les vendeurs d'armes à feu et de munitions conformément aux nombreux réglements. Le projet de loi C-68 créera encore davantage de mesures de contrôle sur l'importation, l'exportation et l'acquisition de stocks par nos membres. Ces mesures supplémentaires laissent entendre que nos membres sont impliqués dans la contrebande d'armes et leur distribution illégale par la suite. De plus, l'ajout d'autres formalités administratives dues à l'obligation d'obtenir plus de permis d'importation ou d'exportation et à celle de numéroter et d'immatriculer les armes à feu entraînera des coûts financiers et administratifs accrus pour beaucoup de nos membres qui ne peuvent tout simplement pas se les permettre.

Dans sa perception du projet de loi, le public a un peu perdu de vue le problème de la contrebande des armes à feu, facteur important de la criminalité et des actes de violence commis au moyen d'armes à feu. La stratégie du ministère de la Justice et les dispositions du projet de loi C-68 concernant la contrebande des armes à feu tentent de lier notre industrie au problème de la contrebande. Les membres de notre industrie n'acceptent pas d'être liés ainsi, implicitement ou explicitement, au commerce illégal de la contrebande d'armes à feu.

Il est impossible de garantir que chacun des membres de notre industrie se conforme à chacune des dispositions des lois et règlements, mais nous suggérons vivement au comité de recommander au ministre de la Justice de s'attaquer aux véritables problèmes du commerce illégal des armes à feu. Les ressources financières qui serviront probablement à mettre en oeuvre des programmes comme l'enregistrement seraient utilisées à bien meilleur escient si elles servaient à accroître les moyens dont disposent les agences existantes pour faire respecter les lois actuelles, en servant peut-être même à former un groupe de travail permanent chargé précisément de lutter contre le trafic illégal des armes à feu.

Nous croyons que des dispositions strictes en matière de peine obligatoire pour les personnes convaincues de contrebande d'armes à feu, jointe à une application rigoureuse, permettrait de dissuader vraiment ceux qui voudraient se livrer à une telle activité.

Nous recommandons au ministre de la Justice de se concentrer sur les dispositions du projet de loi qui s'attaquent à la criminalité et aux criminels, pour qu'on traite en toute objectivité les dispositions touchant les entreprises légitimes et les personnes respectueuses des lois. Autrement dit, ce n'est pas notre industrie ni nos clients qui font problème. Le projet de loi C-68 devrait focaliser davantage sur les criminels et moins sur les Canadiens respectueux des lois.

En résumé, certaines dispositions du projet de loi C-68 auront de graves répercussions économiques sur l'industrie canadienne des sports liés au tir et sur les entreprises connexes de tout le Canada. Le cadre financier du ministère de la Justice laisse à désirer dans la mesure où il est fondé sur des hypothèses dont on ne peut prouver la justesse. L'enregistrement des armes à feu, des propriétaires et de leurs biens personnels réduira le nombre des clients actuels et éventuels de nos membres. On n'a pas laissé assez de temps à la loi précédente sur le contrôle des armes à feu pour fournir de l'information établissant son efficacité. De même, la contrebande des armes à feu illégales n'est pas un problème lié à notre industrie; pourtant, la réglementation additionnelle concernant l'importation et l'exportation pénalisera nos membres et accroîtra nos coûts d'exploitation.

L'Association de l'industrie canadienne des munitions et armes de sport remercie le comité de lui avoir permis de faire part de ses inquiétudes à l'égard de cette très importante mesure législative.

Le président: J'inviterais maintenant M. TAylor ou M. Barriage, de la société Lakefield Arms, à nous faire leur exposé préliminaire.

M. Allan H. Taylor (président, Lakefield Arms): La société Lakefield Arms a été fondée en 1969. Elle est établie dans le village de Lakefield. L'entreprise fabrique des carabines sportives de calibre .22 utilisant des cartouches à percussion annulaire. En 1989, trois autres associés et moi avons acheté la Lakefield Arms parce que nous estimions qu'il existait un important marché d'exportation non encore exploité.

À cause du climat d'incertitude sur le marché canadien attribuable aux lois restrictives sur les armes à feu et à cause de l'attitude politiquement correcte des banques qui estimaient que la fabrication d'armes à feu ne constituait pas une entreprise à appuyer, les propriétaires ont jugé qu'il était temps de vendre. En novembre 1994, l'entreprise a donc été vendue à Challenger Industries, un société américaine de portefeuille, dont la principale composante est la société Savage Arms, de Westfield, au Massachusetts.

De 3 millions de dollars qu'il était en 1993, le chiffre d'affaires annuel avait baissé à2,9 millions de dollars en 1994. Le chiffre d'affaires dépassera facilement les 5 millions de dollars en 1995.

Nous comptons à l'heure actuelle 70 employés, et nos effectifs devraient atteindre 85 personnes en août prochain. Il s'agit d'une hausse de 100 p. 100 du nombre des emplois depuis novembre 1994.

En 1989, nous exportions 35 p. 100 de notre production; en 1994, cette proportion était passée à 75 p. 100 et devrait s'établir entre 87 et 90 p. 100 en 1995. Nous expédions nos produits dans 30 pays et avons 35 clients à l'extérieur de l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, nous expédions nos produits à 70 distributeurs.

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Notre première inquiétude à propos du projet de loi sur le contrôle des armes à feu nous a été inspirée par le Plan d'action du gouvernement sur le contrôle des armes à feu, page 12, à la section III, concernant les mesures de contrôle à la frontière, 5e ligne:

Il faut lire cette déclaration conjointement avec les articles 42 et 48 du projet de loi sur le contrôle des armes à feu, présenté en première lecture le 13 février 1995;

On peut voir que si nous devons obtenir un permis d'exportation pour chaque commande, cela constituera un cauchemar administratif qui fera augmenter les coûts aussi bien pour Lakefield Arms que pour le gouvernement du Canada. Par exemple, en mars 1995, nous avons expédié50 commandes aux États-Unis et neuf en Europe et en Amérique du Sud. À Lakefield Arms, une commande reçue aujourd'hui pour les États-Unis y sera très probablement expédiée un ou deux jours plus tard. Dans certains cas, nous pouvons expédier une commande en Europe dans un délai d'une semaine. Si Lakefield Arms devait obtenir un permis pour chaque expédition, elle ne pourrait plus soutenir la concurrence en matière de livraison.

Vous connaissez sûrement tous le coût élevé des stocks, de la gestion au moment adéquat et des mouvements de l'encaisse. Nos clients subissent ces contraintes, tout comme n'importe quelle autre entreprise. Lakefield Arms doit être axée sur le service si elle veut rester dans le commerce de l'exportation. Étant donné que nos voisins du Sud représentent notre marché le plus important, si le gouvernement impose des contraintes à notre industrie, les propriétaires étrangers chercheront d'autres solutions.

Il y a des moyens plus économiques et plus efficaces de suivre la trace des exportations. Que je sache, il n'y a que 10 ou 12 entreprises dans tout le Canada qui exportent des armes à feu. Si les fonctionnaires ont besoin de savoir combien d'armes sont expédiées à l'étranger, ils n'ont qu'à demander à ces entreprises de produire un rapport mensuel, trimestriel ou annuel où elles auront consigné le nombre des armes exportées, les pays de destination et le nom des entreprises acheteuses. On pourrait prévoir une amende appropriée en cas de non-respect de cette exigence.

Cela ne répondrait-il pas à toutes les préoccupations que le gouvernement peut avoir à cet égard?

À propos de l'enregistrement, en affaires, il faut obtenir le rendement optimal en contrepartie de l'argent dépensé. Dans le cas de l'enregistrement des armes à feu, je ne puis voir comment cela fonctionnera sans un coût important pour tous les Canadiens et un coût beaucoup plus élevé pour le chasseur et l'adepte du tir à la cible.

Examinons tout d'abord ce que nous avons à l'heure actuelle. Quand une arme à feu est fabriquée, un numéro de série lui est attribué. Quand le fabricant vend l'arme à feu, il inscrit dans un registre le numéro de série de l'arme et le nom de l'acheteur. Ce processus se poursuit au niveau du distributeur, du détaillant et de la grande surface. Tous ces commerces doivent avoir une licence pour vendre des armes à feu et tenir un registre de toutes leurs ventes avec le nom et l'adresse des acheteurs. Nous avons donc en place un système efficace qui peut permettre de repérer les armes à feu.

Le gouvernement devrait se poser deux questions à l'égard de ce processus.

D'abord, qu'arrive-t-il quand un particulier vend une arme à un autre particulier? L'acheteur a-t-il une autorisation d'acquisition d'armes à feu valide? Le vendeur garde-t-il l'adresse de l'acheteur?

La solution, c'est que lorsqu'un particulier désire vendre une arme à feu, il doive le faire par l'intermédiaire d'un établissement détenteur d'une licence et payer un droit pour cela. Si l'on constate que l'arme a été utilisée pour commettre un crime, il est possible de remonter jusqu'au dernier détenteur légal. On devrait également prévoir une lourde amende ou la prison en cas de non-respect du processus.

Deuxièmement, que faire à propos des millions d'armes à feu qui ne portent pas de numéro de série?

Il faudrait savoir de quels types d'armes il s'agit. Les armes de poing, les carabines utilisant des cartouches à percussion centrale et les fusils semi-automatiques et automatiques portent des numéros de série depuis les années 1930. Restent les fusils de chasse et les carabines utilisant des cartouches à percussion annulaire. Est-il vraiment nécessaire d'attribuer un numéro de série à ces types d'armes à feu? Je crois que le coût en serait prohibitif.

Il existe probablement trois à quatre millions d'armes à feu qui ne portent pas de numéro de série. Prenons par exemple la société Cooey Firearms qui a commencé à produire des armes à feu à Cobourg en 1908. Ce n'est qu'au cours des années 1960 qu'elle a commencé à leur attribuer un numéro de série. Elle a produit des carabines de calibre .22 pour l'armée pendant la Seconde Guerre mondiale pour fins d'entraînement. Après la guerre, la sociétét Cooey les a rachetées pour les remettre à neuf et les vendre au public. Si vous prenez ces armes, plus celles que Lakefield Arms a vendues entre 1969 et 1978 sans numéro de série, plus toutes les armes à feu importées des États-Unis et d'autres régions du monde et qui n'avaient pas besoin de numéro de série à l'époque, il est bien possible que cela fasse trois à quatre millions d'armes à feu.

.1605

Le gouvernement a déjà dit qu'il en coûte maintenant 60$ pour enregistrer une arme à feu. Attribuer des numéros de série à ces armes à feu, plus les coûts afférents à la programmation informatique, au personnel et aux locaux, pourrait faire grimper ce coût à plus de 100$ par arme à feu. Cela représenterait 400 millions de dollars uniquement pour les armes à feu qui n'ont pas de numéro de série.

Le gouvernement évalue à sept millions le nombre d'armes à feu existant au Canada. L'industrie pense que ce chiffre se rapproche davantage de 21 millions. En divisant la différence en deux, cela donne 14 millions. En supposant qu'il en coûterait 80$ par arme à feu, cela ferait plus d'un milliard de dollars. De l'avis de plusieurs dans mon industrie, ce chiffre est conservateur. Il faut aussi bien sûr se demander combien se conformeront aux règles.

Quelles répercussions le contrôle des armes à feu a-t-il eues sur l'industrie de la chasse et du tir depuis 1991? M. Rock se plaît à répéter que le gouvernement ne s'en prend pas aux chasseurs et aux tireurs respectueux des lois, mais ce sont eux qui ont été visés jusqu'à présent par toutes les lois en la matière. Les chasseurs et les adeptes du tir à la cible qui pratiquent leur sport favori depuis 20, 30 ou 40 ans doivent maintenant payer entre 125$ et 175$ pour obtenir un certificat d'acquisition d'arme à feu afin de continuer à s'adonner à leur sport favori. Les chasseurs, eux, doivent en outre obtenir un permis particulier pour chaque type de gibier qu'ils veulent chasser, par exemple le canard, le chevreuil, l'orignal et ainsi de suite.

Or voici qu'avec la nouvelle loi sur le contrôle des armes à feu, il leur faudra en outre payer pour faire enregistrer leur arme à feu. Il faut tenir compte du fait que la plupart des chasseurs et des tireurs vivent dans des régions rurales où les revenus sont habituellement moins élevés, et tenir compte également du fait que beaucoup de chasseurs sont à la retraite et pourraient soudainement constater qu'ils n'ont plus les moyens de pratiquer leur sport.

Depuis 1991, les ventes de Lakefield Arms ont diminué de 48 p. 100 au Canada. Au cours de l'année dernière, trois distributeurs ont fermé leurs portes, et ce nombre est maintenant passé à quatre. La plupart des distributeurs ont mis des employés à pied.

Le gouvernement ne se rend-il donc pas compte des répercussions économiques en chaîne que cela produit dans tout le pays? Les secteurs touchés incluent l'industrie du vêtement, les champs de tir, les centres de villégiature, les camps de chasse, les motels, les restaurants, les stations d'essence, les quincailleries, les magasins Canadian Tire et autres commerces similaires, les guides de chasse et la liste continue.

L'industrie touristique du Nord compte sur la chasse en octobre et en novembre. En 1989, les Canadiens ont dépensé 2 milliards de dollars pour la chasse, le tir à la cible et autres activités liées à la faune. Comment M. Rock peut-il dire que cette mesure ne touchera pas le chasseur et l'adepte du tir à la cible?

Quels en sont donc les avantages?

Je voudrais signaler des chiffres concernant les décès attribuables aux armes à feu et d'autres chiffres connexes. Vous avez tous vu cette information, car j'en ai fait parvenir une copie à tous les députés au Canada le mois dernier. Prenons les suicides, par exemple. D'après Statistique Canada et le Centre canadien d'information sur la santé, la majorité de tous les décès attribuables aux armes à feu au Canada sont des suicides. Entre 1970 et 1991, 75 p. 100 des décès ont été des suicides, 15 p. 100 ont été des homicides, 6 p. 100 ont été des accidents, 3 p. 100 sont de nature indéterminée et 1 p. 100 a résulté d'interventions légitimes de la police.

Si vous consultez l'annexe 1, intitulée «Suicides au Canada», vous verrez qu'il s'est produit en moyenne 3 500 suicides par année entre 1980 et 1990. Environ 70 p. 100 de ces suicides sont commis par d'autres moyens, comme le poison, la pendaison et ainsi de suite.

Et si une arme à feu n'avait pas été disponible, est-ce que les 1 050 personnes qui se sont suicidées par ce moyen auraient trouvé une autre façon de le faire?

Il y a d'autres statistiques intéressantes à considérer. Par exemple, entre 1977 et 1991, le taux canadien de suicide a été supérieur de 40 p. 100 à ce qu'il était pendant la grande crise économique, la Seconde Guerre mondiale et la Guerre de Corée. Il s'agissait pourtant de périodes de graves bouleversements sociaux typiquement associés à des taux élevés de suicide et d'homicide. Notons que malgré des mesures de contrôle des armes à feu beaucoup plus restrictives, le taux de suicide au Canada pour la période de 1979 à 1990 a été supérieur de 17 p. 100 en moyenne à ce qu'il était aux États-Unis. Les taux de suicide chez les jeunes Canadiens de 15 à 19 ans et de 20 à 24 ans ont été en 1990 supérieurs de 10 p. 100 et de 19 p. 100 respectivement à ce qu'ils étaient pour les mêmes groupes d'âges aux États-Unis.

Comme l'écrivait Kleck, dans son ouvrage Point Blank:

Voici quelques faits encore touchant l'affirmation du gouvernement selon laquelle une réglementation plus sévère des armes à feu fera diminuer la violence. De 1988 à 1991, les armes ayant causé des blessures ou la mort chez les victimes de vol ont été des armes à feu dans 5,4 p. 100 des cas seulement, contre 94,6 p. 100 des cas où des armes à feu n'étaient pas en cause. Homicides commis au Canada de 1961 à 1990 avec les armes à autorisation restreinte, total des homicides 15 097: homicides commis par d'autres moyens que les armes à feu 62,8 p. 100, homicides par carabine à autorisation non restreinte 15,2 p. 100, homicides commis commis par arme à autorisation restreinte et détenue illégalement 13,1 p. 100, homicides commis par fusil de chasse à autorisation non restreinte 5,8 p. 100, homicides commis par arme à feu inconnue 2,4 p. 100 et homicides commis par arme enregistrée et à autorisation restreinte ,07 p. 100.

.1610

Maintenant, répartissons cela et établissons une moyenne sur 30 ans, ce qui nous donne donc 503 homicides par année. Si notre pays adoptait un système d'enregistrement généralisé, les homicides commis par des moyens autres que les armes à feu et par des armes détenues illégalement et à autorisation restreinte atteindraient quand même 75,9 p. 100, soit 11 449 des homicides recensés.

Maintenant nous en sommes à 24,1 p. 100, soit 3 638 homicides échelonnés sur une période de trente ans. Cela donne 121 homicides par année. Et bien, un système d'enregistrement national va-t-il sauver ces 121 citoyens? L'agresseur ne trouverait-il tout simplement pas un autre moyen? Combien nous en coûterait-il d'essayer de sauver ces 121 personnes?

L'une de mes plus grandes inquiétudes face à l'enregistrement et qui me paraît d'ailleurs comme une entrave à ma liberté est la possibilité d'atteinte à la confidentialité des données relatives à mes armes à feu. Si vous avez regardé l'émission 60 minutes du 25 février dernier, vous avez pu y voir où en sont les pirates de l'informatique. En effet, l'autoroute de l'information a donné à ces derniers accès à tous les renseignements des gouvernements, des entreprises et d'autres organisations. Les organismes en question disposent bien d'un système de sécurité très évolué mais les pirates réussissent quand même à les déjouer et à avoir accès aux données.

Dès qu'un ou une propriétaire enregistre son arme à feu, il ou elle doit se sentir assez vulnérable du fait de savoir que quelqu'un a effectivement accès à ces données. Or, comment pouvez-vous justifier que l'on soumette ces citoyens à de tels risques pour des raisons politiques?

Ainsi que le montrent bien les statistiques, le contrôle des armes à feu ne diminue pas la criminalité; il donne plutôt aux criminels la possibilité de s'en prendre plus facilement à la population non armée.

Or, ce que veulent les Canadiens, c'est qu'on endigue la criminalité. Ils veulent qu'on modifie notre système de justice afin que les criminels ne soient pas en liberté. En conséquence, arrêtez de réduire les effectifs des corps policiers. Notre gouvernement n'a pas besoin d'un autre fief de fonctionnaires. Prenez l'argent destiné au contrôle des armes à feu et affectez-le à la lutte contre le crime.

Le gouvernement n'a même pas pris la peine de voir si les mesures législatives de 1992-1993 ont donné quoi que ce soit. Donnez-leur le temps de produire des résultats, dans un sens ou dans l'autre.

Le gouvernement sait fort bien que s'il scinde le projet de loi de sorte qu'il y ait un projet de loi distinct sur le contrôle des armes à feu, ce dernier ne serait jamais adopté. Toutefois, la lutte contre la criminalité recueillerait tous les suffrages car tout comme la vertu, tout le monde la prônent.

En revanche, le contrôle des armes à feu retire aux citoyens canadiens le droit qu'il a de posséder un bien personnel et par la même occasion, celui de se protéger d'agressions, quelle que soit leur nature.

Le président: Monsieur Barriage n'a pas de déclaration à nous présenter.

Je vais donc donner la parole à M. Polyzos de la compagnie Para-Ordnance Mfg. Inc.

M. Thanos Polyzos (vice-président, Para-Ordnance Mfg. Inc.): Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du Comité, je vous remercie de me recevoir. Monsieur le président, je dois d'abord vous prier de m'excuser mais en raison d'une erreur de traitement de texte, on a mal épelé mon nom. De plus, cette faute se trouve dans une lettre envoyée par mon bureau, ce qui m'embarasse fort. Mon nom de famille est donc Polyzos.

Je suis vice-président et cofondateur de l'entreprise appelée Para-Ordnance Mfg. Inc. établie en 1985 et dûment homologuée, elle fabrique des pistolets. À l'heure actuelle, nous comptons80 employés dans nos installations de Scarborough et 30 de plus dans notre entreprise de moulage à cire perdue de Montréal, au Québec.

Notre clientèle est très diverse. Les armes à feu que nous produisons sont achetées à des fins tout à fait légitimes par des corps policiers et des militaires ainsi que par des grossistes titulaires d'une licence qui desservent le marché des loisirs dans le monde entier.

À titre d'exemple, l'un des services les plus réputés du FBI, l'équipe de libération des otages a décidé d'adopter les pistolets de la Para-Ordnance. D'ici la fin de cette année ou au début de 1996, nos armes de poing deviendront l'arme réglementaire de tous les membres de ce groupe et seront remises à chacun d'entre eux. Ce contrat d'approvisionnement du FBI a eu beaucoup de retentissement dans les marchés internationaux desservant les corps policiers et les militaires, et cela ne pourra que rehausser la réputation de nos produits.

La Para-Ordnance tire près de 100 p. 100 de ses recettes, qui atteignent maintenant des dizaines de millions de dollars de ses ventes à l'exportation.

.1615

Lorsque ce Comité a tenu des audiences sur le projet de loi C-17, nous sommes venus témoigner. Nous avons alors présenté un mémoire au sujet de certaines dispositions de cette mesure législative qui auraient entraîné la fermeture de notre entreprise. Heureusement, au dernier moment, le Comité a proposé des amendements et leur adoption nous a permis de tenir jusqu'à ce jour, bien que nous soyons assujettis à des fardeaux et des contraintes supplémentaires. Aujourd'hui, à l'occasion de votre étude du projet de loi C-68, nous refaisons la même démarche et vous demandons encore une fois de tenir compte des réalités commerciales influant sur notre viabilité, nos emplois et la valeur d'exportation de nos produits.

Dans son libellé actuel, le projet de loi C-68 nous acculerait probablement à la fermeture ou nous forcerait à quitter le Canada, si toutefois nous pouvions nous le permettre. En effet, le projet de loi compte un certain nombre de dispositions qui empêcherait de façon quasi certaine de maintenir nos activités.

De façon précise, le paragraphe 3 de l'article 9 stipule que chacun de nos employés qui doit manipuler une arme à feu dans l'exercice de ses fonctions devra obtenir un permis de port d'arme à autorisation restreinte. Ainsi par exemple, l'affût usiné mais non fini et non encore monté d'un pistolet correspond à la définition d'une arme à feu. Dans un cas semblable, le projet de loi C-17 lui exigeait des mêmes employés qu'ils obtiennent des certificats d'acquisition des armes à feu, les CAAF.

Je vais donc renouveler les instances que j'ai déjà faites devant votre Comité à l'époque du projet de loi C-17. Notre compagnie compte de grands spécialistes de la fabrication d'outils moulés et de matrices, les opérateurs de machines, les inspecteurs de la qualité et autres gestionnaires. Si ces employés sont en mesure de travailler pour nous, c'est en raison de leur titre de compétence et de leur expérience dans le domaine du travail des métaux et de la fabrication assistée par ordinateur. Au fond, ils n'ont aucun goût pour les armes à feu et n'auront donc normalement ni le besoin ni le désir d'obtenir un permis de port d'arme à autorisation restreinte. À leurs yeux, la fabrication des pièces d'armes à feu ne diffère en rien de pièces d'aéronefs.

Nous ne faisons pas directement affaire avec le public, ni ne vendons d'armes à feu sur nos lieux de travail. Ces installations sont d'ailleurs autorisées et font l'objet d'une inspection, dans le cas de l'Ontario, par le Bureau du Chef provincial des préposés aux armes à feu. Chacune des armes à feu que nous produisons porte un numéro de série qui figure dans un registre et est entreposée de la façon réglementaire. Au moment de la vente, cette transaction et toutes les autres sont également consignées et le registre indique le numéro de série de l'arme et à qui elle a été vendue.

Compte tenu de cela, et malgré tout le respect que nous vous portons, nous sommes fermement convaincus qu'il n'y a aucun avantage pour la sécurité du public à imposer à nos employés qui devront manipuler des pièces d'arme à feu au cours du processus de fabrication, l'obligation d'obtenir un permis de port d'arme à autorisation restreinte.

Vous n'ignorez pas que pour acquérir un tel permis, l'employé sera tenu de (a) fournir des recommandations personnelles et verra peut-être ses voisins interrogés; (b) suivre un cours de manutention d'armes à feu à autorisation restreinte et réussir l'examen qui le sanctionne; (c) d'accepter l'inspection de son domicile afin qu'on établisse l'endroit où il serait autorisé à entreposer les armes à autorisation restreinte dont il pourrait maintenant se porter acquéreur.

Le paragraphe (1) de l'article 95 prévoit des cas où l'on est dispensé de cette exigence, mais le pouvoir de l'accorder est délégué en totalité aux autorités provinciales qui administrent la loi actuelle sur les armes à feu. Une dispense semblable avait été conçue pour échapper au certificat d'acquisition des armes à feu exigé par le projet de loi C-17.

Malheureusement, cela ne nous a pas été d'un grand secours puisqu'en dépit de l'intention clairement exprimée par la loi dans la dispense en question, les autorités provinciales ont refusé de nous exempter de quoi que ce soit. En revanche, elles ont accordé ce que nous demandions à au moins deux autres entreprises de l'Ontario, plus précisément des entreprises ayant des contrats avec le ministère des Approvisionnements et services, du fait que les employés de ces compagnies font l'objet d'une enquête de la part dudit ministère.

Le Bureau du Chef provincial des préposés aux armes à feu de l'Ontario a estimé que la cote de sécurité accordée par le ministère des Approvisionnements et services était une solution de rechange acceptable à la condition que l'on obtienne des certificats d'acquisition des armes à feu, et puisque nous n'avons pas encore obtenu de contrats auprès du même ministère, le Bureau nous a refusé la dispense.

Je dois préciser que telle ne semblait pas être la position du Comité lorsqu'il a recommandé qu'une dispense fasse partie du projet de loi C-17. Je pense plutôt qu'après avoir entendu nos idées et celles d'autres entreprises de l'industrie, le comité avait proposé cette dérogation parce qu'il était persuadé que les autorités provinciales étaient les mieux placées pour établir si l'entreprise se consacrait vraiment à la fabrication des armes à feu à autorisation restreinte et avaient donc droit à la dispense prévue dans ce cas.

.1620

L'article 95(1) du projet de loi actuel donne aux provinces les mêmes pouvoirs discrétionnaires en matière de dispense. Nous nous attendons donc à ce que toutes les demandes de dérogation découlant de ce projet de loi-ci soient traitées comme avant. Nous vous prions d'ailleurs instamment de tirer la disposition au clair et de faire en sorte que l'exemption soit accordée de façon concrète à une authentique entreprise de fabrication comme la nôtre.

Les articles 10 et 71 du projet de loi réglementent les activités des transporteurs, tel qu'on entend ce terme dans la section des définitions. Ils prévoient un système de délivrance de permis dans le cas des transporteurs d'armes à feu. Par le passé, n'importe quel transporteur courant était autorisé à le faire. Or, bien que nous n'ayons jamais perdu un seul pistolet en transit entre le Canada et les États-Unis ou au Canada, et nous en avons d'ailleurs expédié des dizaines de milliers aux États-Unis et à l'étranger. Désormais nous courons le risque de ne pas trouver de transporteur autorisé à prendre nos produits.

Il est difficile d'imaginer pourquoi un transporteur international se donnerait la peine d'obtenir un permis de ce genre uniquement pour s'occuper des produits que Para-Ordnance expédie à l'étranger. En effet, le transport des armes à feu ne doit représenter qu'un pourcentage très minime des recettes de transport de quelque compagnie de transport que ce soit, au Canada et à l'étranger. L'imposition de l'exigence d'un permis sans qu'on ait préalablement vérifié l'existence de transporteurs disponibles et ayant déjà un permis pourrait nous empêcher d'expédier notre produit.

On trouve un autre obstacle de taille dans les articles 42 à 44 ainsi qu'à l'article 48 comme l'a souligné M. Taylor car ils exigent l'obtention de permis d'exportation, quelle que soit la destination du produit.

A l'heure actuelle, nous sommes tenus d'obtenir des permis d'exportation pour toutes les expéditions destinées ailleurs à l'étranger qu'aux États-Unis. Les États-Unis exigent d'ailleurs la même chose de ces exportateurs sauf lorsqu'ils destinents leurs biens au Canada. Toutefois, le Canada et les États-Unis s'expédient réciproquement des produits sans exiger des permis d'exportation l'un de l'autre, mais dans les deux cas, il faut que les autorisations d'importation soient fournies aux douanes de leur pays pour qu'on laisse entrer le bien expédié. Le permis d'exportation ne serait donc d'aucune utilité, et, en outre, il déferait en partie une entente réciproque de longue date couvrant une vaste gamme de biens et services faisant l'objet de commerce entre les deux nations.

L'une des raisons précises pour lesquelles le permis d'exportation nous cause des difficultés lorsque nous expédions des biens aux États-Unis c'est que nous envoyons des produits là-bas au moins une fois par semaine. Il nous est extrêmement difficile d'essayer de prévoir le modèle qu'on nous demandera une semaine donnée et le nombre d'unités qu'il faudra expédier, puis de faire une demande de permis correspondante. Cela mènerait à un grand bouleversement de nos usages et nous défavoriserait sur le plan de la concurrence. On se trouverait ainsi à laisser les fonctionnaires, tout en étant à la merci des procédures, décider de la date de nos expéditions, c'est-à-dire que nous ne serions plus les maîtres d'oeuvre.

Est-ce qu'il ne serait pas tout aussi conforme à l'esprit de l'enregistrement de continuer à communiquer officiellement les données comme on le fait à l'heure actuelle, plutôt que de devoir faire une demande de permis et d'attendre son émission?

Notre entreprise tient des registres informatisés, d'ailleurs approuvés par le Chef provincial et préposé aux armes à feu, de tous les articles qu'elle fabrique et vend. Les autorités compétentes effectuent des inspections de conformité de ces fichiers, et ils font aussi l'objet de vérifications périodiques de la part du Bureau du chef provincial des préposés aux armes à feu et/ou de la part de la Police provinciale de l'Ontario.

Le moins qu'on puisse dire est que l'avantage de l'utilité des permis d'exportation dans les cas d'expédition aux États-Unis est douteux. Cette mesure risque non seulement de bouleverser des ententes réciproques et fort satisfaisantes existant entre le Canada et les États-Unis, mais aussi de retarder les dates du transport. Or, cela entraînerait des frais administratifs supplémentaires, qui se répercuteraient sur notre entreprise et n'apporteraient aucun avantage tangible, que ce soit au système d'enregistrement ou à l'ensemble des Canadiens.

.1625

Nous sommes respectueusement d'avis que les dispositions dont il a été question plus haut doivent faire l'objet d'un réexamen et être amendées ainsi proposées afin qu'elles se conforment aux principes suivants: la réduction pour l'entreprise des coûts liés à une réglementation alourdie; l'intégrité du système d'enregistrement proposé; la reconnaissance du droit pour les véritables compagnies de fabrication d'armes à feu de compter sur des mécanismes réels d'exemption; enfin, la possibilité de survie commerciale et de compétitivité pour les véritables fabricants d'armes à feu.

Je vous remercie d'avoir écouté mes propos. Bien entendu, nous demeurons ici à votre disposition pour répondre à toute question que vous voudrez bien nous poser.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Monsieur le président, lorsque j'ai commencé l'étude du projet de loi C-68, je l'ai fait sans préjugé, c'est-à-dire en en me basant uniquement sur ma formation de citoyen et les valeurs qui m'ont été transmises par ma famille et par le milieu dans lequel j'ai vécu.

Je me suis dit que les témoignages que nous recevrions en comité me permettraient de me faire une idée plus approfondie des divers aspects du projet de loi C-68.

Plus nous entendons de témoins, plus la chose se dessine. C'est un peu comme un casse-tête de 1 500 morceaux. Il n'est pas nécessaire de poser le 1 500e morceau pour savoir si votre casse-tête représente un paysage des Rocheuses ou le Grand Canyon.

Pour moi, il y a déjà une image qui se dessine: dans le projet de loi C-68, je vois deux projets de loi. Le premier a trait à la commission de crimes et à des sentences plus sévères pour les personnes qui commettent des crimes avec des armes. Je n'ai pas de difficulté à partager ce point de vue.

Le deuxième est celui sur l'enregistrement des armes. Je suis député d'une circonscription rurale où beaucoup d'agriculteurs, de forestiers et de chasseurs, tout comme des prospecteurs d'autres circonscriptions, sont inquiets face à l'enregistrement, à tort ou à raison.

Je vais poser ma question à M. Williams. Comment les agriculteurs, les forestiers, les prospecteurs et les chasseurs pourraient-ils être exemptés de l'enregistrement des armes sans mettre en péril un processus national d'enregistrement?

[Traduction]

M. Williams: Vous me demandez en somme s'il y a moyen pour les chasseurs et les...

[Français]

M. Langlois: Les chasseurs et les agriculteurs. J'ai mentionné, dans l'ordre, les agriculteurs, les forestiers, les prospecteurs et les chasseurs. Est-ce qu'il y a moyen d'exempter ces personnes-là de l'enregistrement sans mettre en péril un régime national d'enregistrement des armes à feu tel que celui prévu dans le projet de loi C-68?

[Traduction]

M. Williams: Non, très franchement, je ne vois pas comment nous pourrions distinguer encore plus de groupes que nous ne l'avons déjà fait.

.1630

Je ne pense pas qu'un système de registre national sera à l'avantage de la population dans son ensemble. De nombreux citoyens, tout au moins bon nombre de mes clients ne ressemblent en rien au portrait que vous peignez d'eux; il s'agit simplement de citoyens normaux, comme par exemple un ouvrier d'usine, qui se sentirait certainement froissé de voir que la dérogation est accordée à quelqu'un d'autre. Je ne vois tout simplement pas comment on peut concevoir un autre système, c'est-à-dire un système à deux ou trois vitesses.

[Français]

M. Langlois: L'enregistrement obligatoire et universel. C'est un peu l'effet pervers qu'avait eu, aux États-Unis, le Volstead Act sur la prohibition. S'il fut une période où il s'est vendu de l'alcool aux États-Unis, c'est bien pendant la prohibition, par des voies détournées. La contrebande n'a jamais été aussi prospère qu'entre 1919 et 1933, alors que le Volstead Act était en vigueur.

Au Canada, on a eu des taxes extrêmement élevées sur le tabac pour restreindre le tabagisme, mais on a assisté à l'apparition d'un marché parallèle et les gens fumaient autant, sinon plus qu'avant. On a dû diminuer les taxes pour essayer de reprendre les choses en main.

C'est une question que je me pose et que je formule à voix haute.

D'autre part, il y a une disposition du projet de loi C-68 qui me fatigue beaucoup et sur laquelle je ne peux pas être d'accord. C'est la disposition qui fait un criminel potentiel d'une personne qui omettrait de déclarer une arme à feu, puisque la personne commettrait un acte punissable d'une peine de cinq ans d'emprisonnement.

Comme le disait mon collègue M. de Savoye l'autre jour, quand on crée de nouveaux crimes, on crée de nouveaux criminels. Je vous parlais tout à l'heure des agriculteurs qui ont besoin d'une carabine pour tuer une mouffette qui joue dans les ordures près de la maison ou pour aller tuer une perdrix ou un lièvre qui sera leur repas du lendemain, des forestiers qui ont besoin d'une arme en forêt pour se défendre contre les attaques de loups, qui peuvent être particulièrement féroces, de coyottes et même d'ours noirs, et des chasseurs qui, par tradition presque séculaire, se transmettent des armes de père en fils ou de mère en fille. Ces gens se sentent attaqués et assimilés aux criminels de droit commun qu'on vise, du moins en théorie, dans ce projet de loi.

[Traduction]

M. Williams: Vous avez raison de dire que beaucoup de gens, les citoyens honnêtes se sentiront pris à partie si l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu est mis en vigueur. La simple adoption du projet de loi transformera des citoyens normalement étrangers à toute criminalité en criminels.

Un agriculteur ou quelqu'un d'autre conclura alors peut-être qu'on porte atteinte à son droit de propriété, et qu'il ou elle doit donc s'abstenir d'enregistrer son arme à feu. Il s'agira peut-être de l'agriculteur dont vous parliez qui possède une carabine depuis 20 ans. Cette arme ne vaut peut-être que 20$, et à ses yeux, l'enregistrement et l'obtention de son permis de port d'arme, ne vaut tout simplement pas la peine. Il faudra qu'il décide s'il veut courir le risque de se transformer instantanément en criminel du fait de son omission d'enregistrer l'arme.

Mes clients ont l'impression d'être mis dans le même sac que celui du monde du crime. Or, par le passé nous n'avons pas fait cet amalgame, et ni mes clients, ni moi-même n'avons certainement fait partie de ces milieux.

.1635

M. Taylor: J'aimerais ajouter quelques mots. Les réserves que suscitent les lois restrictives qui existent déjà - concernant par exemple, les cigarettes et l'alcool, dont vous avez parlé - peuvent tout aussi bien être exprimées au sujet des armes à feu. Si celles-ci sont plus difficile à acquérir au Canada, il y aura plus de contrebande. Ce sera inévitable.

[Français]

M. Langlois: Est-ce qu'une contrebande pourrait survenir à la suite de la mise en vigueur du projet de loi tel quel? Est-ce qu'elle pourrait mettre sérieusement en danger une entreprise comme Lakefield Arms ou comme celle dont M. Polyzos nous parlait tout à l'heure? Est-ce qu'un marché légal serait, comme les dépanneurs l'ont été pendant la guerre du tabac, la première victime d'un marché noir des armes à feu?

[Traduction]

M. Taylor: Je ne pense pas que cela puisse toucher notre secteur. Malgré les restrictions qui seront imposées par cette loi, je prévois qu'il y aura plus d'armes à feu, surtout des armes de poing. Ce seront des armes qui proviendront de l'autre côté de la frontière et pour lesquelles il n'y aura pas d'enregistrement, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui. On va perdre ce mécanisme de contrôle, mais je ne pense pas que cela risque de toucher un secteur comme le mien, c'est-à-dire celui des carabines .22 millimètres.

M. Williams: Le Toronto Star a publié tout un article sur la contrebande des armes à feu, notamment des armes à autorisation restreinte, qu'il s'agisse des armes de poing ou des carabines. Je ne sais pas si vous l'avez lu. Selon l'auteur de l'article, un négociant américant d'armes à feu ayant des contacts au Canada était responsable de la présence de 800 à 900 armes à feu illégales en territoire canadien.

À mon avis, la contrebande est le problème le plus grave, et j'estime que nous pouvons nous y attaquer. Il y a d'ailleurs des dispositions à ce sujet dans le projet de loi C-17. Cela dit, je ne pense pas que l'on ait fait assez à cet égard, et j'ai la conviction que nous constaterions une baisse notable du nombre d'armes à feu illégales en circulation au Canada si nous décidions de nous attaquer sérieusement au problème de la contrebande. À mon sens, c'est tout ce dont nous devrions nous occuper.

M. Ramsay (Crowfoot): Notre Comité a déjà entendu les représentants de nombreux groupes d'intérêt canadiens, notamment le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest, des représentants des agriculteurs et des éleveurs, des représentants des guides et des pourvoyeurs, des représentants des musées et, bien sûr, des représentants des collectionneurs d'armes à feu. Tous ces groupes, comme vous-mêmes ont demandé d'être exemptés de certaines dispositions du projet de loi.

Mon collègue nous a dit que le texte comprend en fait deux parties bien distinctes, la première concernant les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi, et la deuxième, évidemment, les détenteurs illégaux d'armes à feu, notamment les contrebandiers. Il ne fait aucun doute à mes yeux que la deuxième partie du projet de loi, concernant les détenteurs illégaux d'armes à feu, obtiendrait l'appui de notre caucus si elle était séparée de la première. Certes, nous aurions sans doute des modifications à proposer, car la deuxième partie ne nous semble pas assez rigoureuse, mais il est incontestable qu'elle va dans le bon sens.

De fait, nous avions précisément proposé un amendement visant à scinder le projet de loi en deux. Cela aurait nécessité le retrait du projet de loi afin d'en présenter à nouveau les deux parties séparément.

.1640

La première partie concernerait les personnes utilisant les armes à feu à des fins criminelles, ainsi que ceux qui font de la contrebande. De cette manière, ces dispositions du projet de loi C-17 pourraient être adoptées et appliquées pendant quelques années après quoi, comme l'a recommandé le vérificateur général, nous pourrions entreprendre un examen complet de la situation pour voir si les buts ont été atteints, avant d'adopter d'autres dispositions législatives.

Vous le savez, cette proposition n'a pas été retenue. Notre projet d'amendement a été rejeté. De fait, le débat n'a pas pu se poursuivre. Nous avions encore 8 ou 10 membres de notre parti qui voulaient exprimer la position de leur électorat sur cet amendement, mais nous n'avons jamais eu la possibilité de débattre sérieusement de la teneur du projet de loi C-68 car le débat portait sur l'amendement. Cela dit, je voudrais faire une remarque puis vous poser une question.

Si le projet de loi est adopté, les détenteurs d'armes à feu devront obtenir un permis, en vertu de l'article 5. Ce sera un peu comme pour un permis de conduire. Toutefois, pour obtenir ce permis, le candidat devra faire l'objet de certaines vérifications, dans le cadre du Code criminel, pour s'assurer qu'il n'a pas commis d'infractions reliées à des menaces ou à des actes de violence. Il y aura aussi des vérifications en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de la Loi sur les stupéfiants. En outre, en vertu de l'alinéa 5.2b), on devra s'assurer que le candidat n'a jamais été traité pour une maladie mentale. Autrement dit, si je veux obtenir un permis, je devrais être prêt à ce que le responsable provincial du contrôle des armes à feu ait accès à mon dossier médical pour qu'il puisse vérifier que je n'ai jamais souffert de maladie mentale ou que je n'ai jamais été hospitalisé pour cette raison.

Après avoir fait examiner le projet de loi par un procureur de la Couronne d'une province, celui-ci m'a dit que, pour obtenir un permis, je devrais consentir à ce que les pouvoirs publics aient accès à mon dossier médical. Sinon, je n'obtiendrai pas de permis. La question se pose alors de savoir s'il s'agit là d'un consentement réel ou plutôt d'une infraction aux droits à la protection de mes renseignements personnels, protégé par la Charte des droits et libertés.

Et ce n'est d'ailleurs pas tout. Les vérifications devront porter non seulement sur le Code criminel et sur le maladies mentales, mais elles devront également inclure une vérification auprès des habitants de mon quartier pour obtenir l'assurance que je n'ai jamais eu de comportement violent ou proféré des menaces.

Selon mes informations, l'obtention d'une AAAF à Toronto, exigeant des vérifications de même nature - pas exactement les mêmes mais semblables - coûte à la municipalité de Toronto 185$ par demande. Si ce chiffre est exact, et si l'on considère qu'il y a environ 3 millions de possesseurs d'armes à feu au Canada, on arrive au chiffre de 555 millions de dollars. Je précise toutefois que, selon certaines estimations, il y a environ 6 millions de détenteurs d'armes à feu au Canada, ce qui nous amènerait à 1,11 milliard de dollars pour l'enregistrement des armes à feu. Il est donc évident que le coût est énorme.

Les vérifications envisagées pourront porter sur les cinq années précédentes, en tout cas en ce qui concerne le Code criminel et les maladies mentales. Je ne sais pas si cela pourra être la même chose pour les vérifications auprès des habitants du quartier.

.1645

Si un candidat présente une demande qui est refusée, cela veut dire qu'il ne peut obtenir de permis et qu'il n'a donc pas le droit de posséder une arme à feu. À moins que je ne me trompe, cela veut dire aussi que l'arme qu'il possédait lui sera immédiatement confisquée.

En ce qui vous concerne, monsieur Polyzos, vous devez comprendre aussi que même vos employés devraient eux aussi obtenir un permis, même s'ils ne possèdent pas d'armes à feu et ne souhaitent absolument pas en posséder. Je ne parle pas ici d'une AAAF mais d'un permis de possession. Que pensez-vous de cela?

Le président: Monsieur Ramsay, vous avez utilisé neuf de vos dix minutes. Cela dit, tous les témoins peuvent vous répondre.

M. Polyzos: Ma réponse à votre question, monsieur Ramsay, est que nous n'envisagerions pas ce problème d'un point de vue financier. La conséquence la plus importante est que nous serions obligés de refuser un emploi aux personnes qui ne seraient pas prêtes à obtenir un permis de possession d'une arme à feu. Comme je le dis dans mon mémoire, ce sont des personnes qui ont reçu une formation très poussée et qui pourraient aller travailler pour toute autre entreprise pouvant profiter de leur expérience, comme De Havilland ou Bombardier.

Il nous paraît un peu étonnant que des gens ayant une telle expérience risquent d'être obligés de dire un soir à leur famille qu'ils devront demander un permis de possession d'une arme à feu et, par conséquent, faire l'objet des vérifications dont vous avez parlé, notamment auprès de leurs voisins, même s'ils n'ont absolument pas envie de posséder une arme à feu. Beaucoup risquent par ailleurs de constater un certain changement dans l'opinion de leurs voisins à leur égard. De ce fait, je soupçonne qu'ils se mettraient à chercher du travail ailleurs car ils n'auraient certainement pas envie de faire l'objet du moindre soupçon.

M. Taylor: Je partage votre inquiétude. Soixante p. 100 de nos employés sont des femmes, dont deux avaient déjà une AAAF lorsque nous les avons recrutées. Les autres ont demandé l'autorisation et certaines ne l'ont pas obtenue parce qu'elles n'avaient pas fait assez d'études. L'une a échoué deux fois dans sa tentative. Aujourd'hui, elle se trouve dans une situation extrêmement difficile car elle craint de perdre son emploi et risque de ne pas en trouver un autre car elle n'a pas un niveau de scolarité suffisant. Comme la situation de l'emploi dans notre région n'est certainement pas idéale, vous pouvez constater que cela place notre personnel, et pas seulement la femme dont je viens de vous parler, dans une situation très pénible.

L'autre problème est que mes employés sont censés avoir une AAAF lorsqu'ils commencent à travailler chez nous. À l'heure actuelle, nous recrutons deux personnes par semaine, mais le processus d'obtention d'une AAAF prend trois mois. Normalement, cela doit prendre 28 jours mais, en réalité, c'est trois mois. Sur le plan strictement légal, nous commettons donc une infraction en leur donnant du travail. Nous faisons notre possible en donnant à notre personnel la formation dont il a besoin, mais obliger une personne à dépenser 125$ ou 150$ pour obtenir un emploi, ne nous paraît très juste.

M. Williams: Je voudrais apporter une précision à ce que vient de dire Allan Taylor. En effet, c'est moi qui ai fait échouer la femme dont il vient de parler, lorsqu'elle a passé l'examen pour la deuxième fois. En effet, c'est moi qui ai fait passer l'examen de la AAAF. Jusqu'à ce qu'elle suive le cours, cette femme ne s'était jamais occupée de la manutention d'une arme à feu complète. En effet, si je ne me trompe, son travail consistait uniquement à assembler des chargeurs, elle n'avait aucun désir de faire quoique ce soit d'autre avec des armes à feu. Vous comprendrez donc que la situation est très embarrassante pour elle, et je dois vous dire qu'elle l'était tout autant pour moi, très sincèrement.

.1650

M. Lee (Scarborough - Rouge River): Je voudrais m'adresser aux représentants de Lakefield Arms et Para-Ordnance.

Vous nous avez tous deux dit que vous aviez un chiffre d'affaires de plus de 20 millions de dollars par an, n'est-ce pas?

M. Taylor: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Notre chiffre d'affaires sera de 5 millions de dollars cette année, contre 2,9 millions de dollars l'an dernier.

M. Lee: Et qu'en est-il de Para-Ordnance, M. Polyzos?

M. Polyzos: Oui, c'est ce que j'ai dit.

M. Lee: Pour Lakefield Arms, les exportations représentant bien environ 75 p. 100 du chiffre d'affaires?

M. Taylor: C'était environ cela l'an dernier; cette année, le pourcentage se situera entre 87 p. 100 et 90 p. 100.

M. Lee: Et pour Para-Ordnance.

M. Polyzos: Nos ventes au Canada ne constituent qu'une part très minime de notre chiffre d'affaires. Elles ne dépassent pas 30 000 à 40 000$ par an.

M. Lee: Soit 1 p. 100 ou 2 p. 100?

M. Polyzos: Non, c'est plutôt 0,1 p. 100.

M. Lee: Quelles sont les mesures de sécurité mises en oeuvre dans les locaux de Para-Ordnance? Y en a-t-il?

M. Polyzos: Oui, et elles sont très rigoureuses. Comme je l'ai dit plus tôt, elles sont régulièrement soumises à l'approbation du contrôleur des armes à feu. Tout d'abord, le périmètre de notre établissement est contrôlé par des détecteurs de mouvement et par d'autres systèmes d'alarme contact. En outre, un détecteur de métal semblable à ceux des aéroports se trouvent à la sortie qu'utilise le personnel, pour garantir qu'aucun employé ne parte par inadvertance avec quelque chose d'interdit. Finalement, nous avons le système d'inventaire le plus exhaustif possible pour pouvoir suivre constamment les produits que nous devons avoir en stock.

Je dois dire que nous n'avons jamais eu de problèmes d'entrée par effraction, et que notre système de sécurité permettrait d'alerter rapidement la police.

M. Lee: Faites-vous des essais de tir avec les armes à feu que vous expédiez?

M. Polyzos: Oui, toutes nos armes à feu doivent être vérifiées de cette manière. Cela veut dire que nous effectuons des tirs avec au moins un chargeur sous pression excessive, de façon à garantir que l'utilisateur n'aura aucun problème.

M. Lee: Cela se fait dans vos locaux?

M. Polyzos: Oui, dans notre champ de tir, qui a lui aussi été approuvé par le contrôleur des armes à feu et qui fait régulièrement l'objet d'inspections. Nous devons également obtenir l'approbation de la municipalité de Scarborough pour que le contrôleur des armes à feu puisse nous délivrer son permis.

M. Lee: Sur les 120 employés que vous avez à Montréal et à Scarborough, combien ont actuellement une AAAF?

M. Polyzos: Je dois d'abord préciser, en ce qui concerne les employés qui n'ont pas de AAAF, que nous ne leur confions généralement que des tâches ne les plaçant pas en conflit avec la loi. Comme je le disais tout à l'heure, il suffirait qu'un de ces employés manipule la carcasse d'un pistolet, même non assemblé, pour que cela constitue une infraction. Or, la carcasse ne serait alors rien d'autre qu'un morceau de métal. Quoiqu'il en soit, pour répondre directement à votre question, nous n'avons que deux employés qui sont autorisés à faire des essais de tir avec les armes à feu qui sortent de notre usine.

M. Lee: Je voudrais revenir au fardeau administratif et financier des AAAF. Combien de vos employés peuvent être amenés à manipuler la carcasse ou le chargeur d'une arme à feu, ou une pièce quelconque faisant l'objet d'une autorisation restreinte?

.1655

M. Polyzos: La proportion peut être aussi élevée que 60 p. 100 ou 70 p. 100 à n'importe quel moment, pour que nous puissions gérer notre usine de manière efficace.

Par exemple, si l'un de nos centres d'usinage contôlé par ordinateur produit une pièce imparfaite, notamment une carcasse, un fabricant de moules va devoir examiner l'appareillage pour trouver l'origine du problème, puisque c'est lui qui devra le corriger. De ce fait, il sera obligé de manutentionner la carcasse, considérée alors comme une arme à feu, ce qui l'obligera à avoir un permis de port d'arme à autorisation restreinte.

M. Lee: Je voudrais revenir au problème de l'exportation, puisque cela constitue une partie tellement importante de vos activités. J'ai l'impression que vous n'avez peut-être pas saisi toute l'importance de l'article 43 de la loi, dont un élément paraît tout à fait absurde.

En effet, selon cet article, si vous voulez obtenir un permis d'exportation d'une arme à feu, il faut que celle-ci soit enregistrée, ce qui semble très bizarre. Aujourd'hui, il faut déjà que vos employés aient des AAAF et que votre entreprise ait un permis d'exploitation. Avec le nouveau projet de loi, si vous voulez exporter une arme à feu, vous devrez d'abord l'enregistrer, puisqu'on indique à l'alinéa 43(a) que vous devrez être titulaire du certificat d'enregistrement de l'arme à feu pour laquelle vous voudrez obtenir un permis d'exportation. Ensuite, vous devrez trouver un transporteur ayant lui aussi un permis approprié, ce qui risque de vous causer beaucoup de difficultés puisqu'il n'y en a pas encore aujourd'hui...

M. Taylor: Absolument.

M. Lee: Ensuite, vous devrez envoyer l'arme à feu que vous voulez exporter à un point d'exportation désigné, car on ne vous autorisera pas à l'envoyer n'importe où.

Croyez-vous que vous allez pouvoir continuer à exporter avec un tel excès de réglementation et de paparasserie? Quelque chose me dit que cela vous sera très difficile.

M. Taylor: Comme je l'ai dit dans mon mémoire, notre entreprise devra obligatoirement déménager aux États-Unis. Avec toute cette réglementation, elle ne pourra pas rester au Canada. Si rien ne change, ce sera inévitable.

M. Lee: Vos deux entreprises semblent obtenir d'excellents résultats, notamment à l'exportation. Je crois comprendre par ailleurs que Para-Ordnance vend certaines de ses armes à feu au FBI, ce dont, ses employés doivent être fiers.

M. Polyzos: En effet, nous sommes très fiers de nos accomplissements.

M. Lee: Qu'allez-vous faire au sujet des coûts supplémentairse que vous devrez assumer?

M. Polyzos: Il ne s'agit pas seulement d'une question financière. La perturbation de nos activités causés par les dispositions du projet de loi, lesquelles ne nous permettront plus de fabriquer et de commercialiser efficacement nos produits, constitueront des entraves considérables. De fait, nous serons inévitablement obligés d'envisager la cessation de nos activités au Canada.

M. Lee: J'ai oublié de préciser que vous serez obligés d'annuler également l'enregistrement des armes à feu lorsque vous les aurez exportées. Autrement dit, vous devrez les enregistrer pour obtenir le droit de les exporter, après quoi vous devrez annuler l'enregistrement.

Quelles sont vos relations professionnelles avec le contrôleur des armes à feu de la province? Sont-elles correctes? Sinon, que pourrions-nous faire pour les améliorer?

M. Taylor: Nous n'avons aucun problème à cet égard. De toute façon, les contrôleurs sont tellement occupés que nous les voyons rarement.

M. Polyzos: Quant à nous, nous contacts sont peut-être un peu plus fréquents, et je dois dire que nous avons d'excellentes relations avec le Bureau du contrôleur des armes à feu de Toronto. Certes, il peut y avoir des exceptions à la règle, mais cela ne nuit pas aux relations générales. Par exemple, nous avions demandé une exemption parce que nous avions été désignés en vertu d'autres dispositions du projet de loi C-17, comme le comité l'avait envisagé, mais nous n'avons pas réussi à l'obtenir.

.1700

J'imagine que cela s'explique entre autres par le fait qu'ils ont eu l'impression d'avoir le pouvoir discrétionnaire de le faire ou non. Ils n'ont reçu aucune directive pour savoir s'ils devaient intervenir ou non et ils ont jugé peut-être plus sûr de ne pas le faire.

[Français]

M. Langlois: Monsieur Williams, si les dispositions relatives à l'enregistrement universel étaient adoptées, on reviendrait au problème des pénalités: des peines devraient ou pourraient être imposées aux personnes qui omettraient d'enregistrer leurs armes.

Si on adoptait un système d'enregistrement, croyez-vous qu'il serait acceptable, non pas de créer une infraction criminelle pour les personnes qui n'enregistreraient pas leurs armes, mais tout simplement de créer une infraction statutaire qui ne donnerait pas de casier judiciaire et qui permettrait l'imposition d'une amende, comme dans le cas de la personne qui conduit alors que son permis est suspendu, mais qui ne commet pas d'infraction criminelle de ce fait?

[Traduction]

Mr. Williams: Je pense que c'est certainement préférable à l'imposition d'un casier judiciaire dans un cas comme ça. Je ne sais vraiment pas si le gouvernement serait prêt à adopter des lois n'imposant aux gens qu'une amende dans des cas comme ça. Il s'y ajouterait peut-être l'interdiction de posséder à l'avenir des armes à feu ou la confiscation de toute arme à feu que cette personne possède, qu'elle soit enregistrée ou non.

Je suis bien évidemment d'accord pour dire qu'il ne faut pas faire de cette personne un criminel. Je pense toutefois qu'avant d'en dire d'avantage j'aimerais savoir quelles sont les solutions de rechange. Je continue à estimer que la meilleure solution n'est pas à l'heure actuelle l'enregistrement universel des armes d'épaule tant que nous n'aurons pas examiné le système qui existe déjà, tant que nous n'en aurons pas étudié les conséquences pour voir s'ils donnent bien les résultats que nous attendons.

[Français]

M. Langlois: Évidemment, je procède par élimination. La première hypothèse était qu'il n'y avait pas d'enregistrement. S'il y avait un enregistrement, est-ce qu'une infraction statutaire ne serait pas préférable à une infraction criminelle?

Je vais poursuivre mon raisonnement parce que vous parlez d'autres possibilités. Si on maintenait l'infraction criminelle, est-ce que vous seriez d'accord qu'on ajoute une condition supplémentaire? Je viens d'écrire un texte, mais ce n'est pas une version juridique. On pourrait ajouter à l'infraction une condition supplémentaire qui pourrait être à peu près la suivante: qu'aucun juge ou jury ne puisse déclarer l'accusé coupable à moins qu'il ne soit convaincu qu'au moment de la commission de l'infraction, celui-ci constituait une menace ou un danger réel pour la vie ou la sécurité de toute autre personne.

Un agriculteur, un forestier ou un prospecteur pourrait utiliser le moyen de défense suivant: «Je ne constituais pas une menace pour qui que ce soit; j'étais dans la forêt tout seul en train de couper des arbres et je voulais me protéger contre des animaux.» Il incomberait à la Couronne de prouver que cette personne constituait une menace pour la société ou pour une autre personne. Ce serait un moyen de défense assez exceptionnel, mais qui permettrait de contourner la possibilité de faire des catégories de citoyens exemptés, de dire que telle ou telle personne est exemptée parce qu'elle exerce telle profession, comme vous le mentionniez tout à l'heure et comme M. Taylor l'a aussi mentionné, et que telle autre personne ne l'est pas. On établirait un critère de «dangerosité», si vous me permettez ce mot, et il incomberait à la Couronne de fournir la preuve.

[Traduction]

M. Williams: Ce serait certainement très préférable à l'imposition d'un casier judiciaire. Si c'était rédigé de la manière dont vous le proposez, ce serait certainement très préférable à ce que l'on trouve dans le projet de loi actuel.

.1705

Je continue à penser que ce sera un cauchemar administratif. Ca coûterait énormément d'argent au gouvernement et ça coûterait énormément d'argent à la personne qui doit s'efforcer d'apporter la preuve qu'elle ne constitue pas une menace pour la société. Tout dépendrait de l'administrateur qui se trouverait de l'autre côté et qui devrait décider si le chasseur constitue une menace pour la société, si l'agriculteur qui n'a pas enregistré son fusil constitue une menace, comparativement à la même personne qui fait la même chose alors qu'elle habite en ville.

Le président: Je rappelle aux membres du comité que nous avons un vote à 17h30, les cloches se mettront à sonner à 17h15 et nous devrons être partis à 17h25. La séance est prévue jusqu'à 17h30 et nous devrons donc partir cinq minutes à l'avance, je n'ai pas l'autorisation du whip de rester ce soir. Je crois qu'il y a deux votes.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Monsieur Williams, vous nous avez parlé des collections dévaluées. Je pense que nous sommes tous très sensibles à la question, aux gens qui consacrent de l'argent à ce genre de chose et qui vont le perdre. D'un autre côté, pourquoi pensez-vous qu'il y a des gens qui achètent des armes et qui en font la collection? Est-ce parce qu'ils aiment les armes à feu ou est-ce un investissement en vue de leur retraite?

M. Williams: Il y a des gens, c'est indéniable, qui en font un investissement pour leur retraite. Il y a plusieurs dizaines d'années que la valeur de certaines armes à feu augmente plus rapidement, par exemple, que celle des pièces de monnaie de collection. Les gens sont prêts à payer davantage pour acheter ces armes lorsqu'elles prennent de l'âge et deviennent plus rares. Il y a bien des gens qui ont acheté des armes à feu par le passé pour cette raison. Ils estiment que dans leur vieillesse, ils pourront...

Laissez-moi vous donner un exemple. Il y a trois semaines, un de mes clients m'a appelé. On venait de lui annoncer qu'il souffrait d'une maladie en phase terminale. Il voulait se départir de ses armes à feu. C'est un homme qui a à peu près 65 ans. Il collectionne les armes depuis qu'il a 20 ans. Il a constitué sa collection en échangeant, en achetant et en vendant des armes jusqu'à avoir de bons spécimens. Bien entendu, il voulait vendre le tout. Je suis allé chez lui pour voir ses armes. Entre l'année dernière et cette année, la valeur des 32 armes à feu qu'il possède - ce sont toutes des armes d'épaule - a baissé d'au moins 10 000$ dollars parce que les gens ne veulent plus payer.

Je connais aussi des collectionneurs qui conservent, par exemple, des lugers allemands. Il y a des centaines de variantes de cette arme à feu qui est très recherchée par les collectionneurs. Ces armes à feu ne valent rien parce que la plupart d'entre elles ont des canons de quatre pouces.

M. Gallaway: Ne pensez-vous pas qu'il arriverait la même chose à quelqu'un qui voudrait investir son argent dans des oeuvres d'art canadiennes ou toute autre chose de ce genre?

M. Williams: C'est possible, mais pour ce qui est des oeuvres d'art canadiennes, notamment, ce serait le marché qui entraînerait une baisse de la valeur et non pas le gouvernement.

M. Gallaway: Et que pourrait-on dire du marché boursier?

M. Williams: Le marché boursier?

M. Gallaway: Il suffit que Bill Clinton prenne froid et perde tout du jour au lendemain.

M. Williams: Disons que je n'ai pas grand-chose à perdre sur le marché boursier, mais je comprends ce que vous voulez dire.

M. Gallaway: De nombreux événements dans le monde, de nature politique ou non, viennent influer sur la valeur des investissements des gens.

M. Williams: Oui, sauf que ce projet de loi particulier va toucher bien des gens. Il en a déjà touché beaucoup alors qu'il n'a pas encore été mis en application et que les résultats qu'on vise à obtenir ne semblent pas justifiés aux yeux de nombre d'entre nous.

M. Gallaway: Pour ce qui est de la justification, il est indéniable que la réglementation, que ce soit ici ou au niveau des provinces ou des municipalités, est susceptible de modifier la valeur des biens. Je pense aux conseils municipaux, qui ont un effet direct sur la valeur des propriétés environnantes. On peut voir la valeur des propriétés s'effondrer à court terme. Pensez-vous que ce soit en partie une spéculation injustifiée de la part des investisseurs? Est-ce là l'expression de la peur ou une analyse basée sur la réalité?

M. Williams: De la part des propriétaires d'armes à feu?

M. Gallaway: Oui.

M. Williams: Non, c'est la réalité.

M. Gallaway: Très bien.

M. Williams: J'ajouterais une chose. La dévaluation d'une propriété, par exemple, ne fait pas passer son prix de 2 000$ dollars l'acre à zéro.

M. Gallaway: Et l'exportation?

M. Williams: Des armes à feu?

M. Gallaway: De collections.

M. Williams: C'est pratiquement impossible.

M. Gallaway: Pourquoi?

.1710

M. Williams: Il nous faut un permis d'exploitation. Par exemple, en tant que négociant, j'ai eu à traiter avec un Canadien qui se trouvait au Zimbabwe. Il travaille pour le gouvernement de ce pays et il voulait que je lui procure deux armes à feu. J'ai demandé des permis d'exportation. Le premier, il m'a fallu un peu plus d'un an pour l'obtenir alors qu'il avait lui-même son permis de son côté. Le deuxième, je l'ai obtenu en quatre mois environ. Avec ce genre de délai, il n'y a rien à gagner. Je ne me redonnerais plus la peine de faire de l'exportation. Je laisserais ce soin au monsieur qui se trouve à l'autre bout de la table.

Le président: Votre temps est écoulé, mais M. Williams peut finir de répondre à la question. Avez-vous terminé, monsieur Williams?

M. Williams: Lorsqu'un simple citoyen veut faire de l'exportation, il n'a aucune idée des moyens à employer. S'il doit téléphoner dans le pays vers lequel il veut exporter, il le lui est très difficile de trouver le service compétent. J'ai essayé. Il est difficile aussi de joindre le service qui au Canada est responsable de ce genre de chose. D'ailleurs, pour obtenir le permis pour lequel il m'a fallu attendre un an et demi, j'ai correspondu avec le responsable à Ottawa par télécopieur. Il n'a jamais répondu à mes appels téléphoniques. C'est un gros problème.

M. Thompson: J'ai une question importante à vous poser. Si vous pouviez me répondre rapidement, je pourrais alors vous en poser d'autres.

Nous avons ici un projet de loi C-68 qui fait 124 pages. D'après ce que l'on peut estimer, quelque 117 pages s'adressent aux citoyens respectueux des lois dans notre pays et six pages aux criminels. Je viens d'apprendre qu'il y a eu d'autres difficultés dans le centre commercial d'Edmonton ouest. Je crois que quelqu'un a été tué, mais je ne connais pas les détails. Tous les jours, un grand nombre de victimes vient s'ajouter à la liste des membres de victimes de violence et d'autres organisations.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous passons beaucoup de temps à discuter de ce genre de choses alors que nous avons apparemment de nombreux règlements qui s'appliquent à vos entreprises et qui régissent les activités de tous les propriétaires d'armes à feu. Il semble que les crimes dont j'ai entendu parler aujourd'hui ont été commis avec des armes de poing. Les armes de poing sont enregistrées. Elles le sont depuis 1934.

Je suis scandalisé parce que voilà un an et demi que nous sommes ici sans avoir abordé la question des tueurs que nous laissons libres d'agir dans notre pays. Je vois que rien ne se fait et que l'on se contente de parler de ce merveilleux document de 117 pages qui s'adresse aux citoyens respectueux des lois. Après l'avoir analysé, je considère que ce document enfreint les libertés civiles des citoyens de notre pays.

Je me demande si vous l'avez analysé de cette manière. Si oui, comment réagissez-vous? Je vous demande une réponse courte, parce que nous avons une autre question à vous poser.

M. Taylor: Pour l'essentiel, le nombre d'homicides au Canada n'a pas changé depuis 1978. Il n'y a pas d'augmentation du nombre d'homicides causés par des armes à feu. Il y avait une législation sur les armes de poing à l'époque. Qu'est-ce qui a changé? On ne fait que s'en prendre aux gens respectueux des lois. On ne fait rien pour lutter contre les criminels.

M. Thompson: Quelqu'un d'autre veut-il répondre?

Le président: Je ne crois pas que la GRC soit d'accord pour que l'on dise que l'on n'a rien fait pour lutter contre les criminels.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): J'ai constaté que l'une de vos entreprises existait depuis environ 25 ans. Je ne suis pas sûre du nombre d'années pendant lesquelles vous avez été en activité - 12 - vous êtes en activité depuis 15 ans. Avez-vous l'impression que la question des vols pose un véritable problème, vos armes étant transférées illégalement ailleurs.?

Vous avez indiqué, monsieur Williams, que c'était un marchand d'armes américain qui avait fait entrer des milliers d'armes de poing non enregistrées dans notre pays. Pensez-vous que cette nouvelle loi va changer tout cela?

M. Williams: C'était un marchand d'armes qui en avait fait entrer des centaines, je le dis en passant, et non pas des milliers, mais je ne parle que d'un marchand d'armes seulement.

.1715

Nous avons chez nous des dispositions qui traitent de la contrebande. Nous avons des règlements contre la contrebande dans le projet de loi C-17 qui, s'ils étaient mis en application et entérinés par les tribunaux, seraient certainement suffisamment sévères.

Mme Meredith: Êtes-vous au courant des dispositions qui figurent au sujet de la contrebande ou de la possession illégale d'une arme à feu - il ne s'agit pas exclusivement de la contrebande - et que l'on peut recourir aussi bien à la procédure sommaire qu'à une déclaration de culpabilité par voie d'acte criminel? Avez-vous l'impression que ce sera dissuasif?

M. Williams: Oui, il serait utile que ce soit dissuasif. Il serait bon, pour changer, que celui qui commet un crime subisse une peine d'emprisonnement. C'est une chose qui peut se faire.

Il y a des gens qui viennent au magasin en ayant lu dans les journaux que l'on pouvait acheter des armes de poing à tel endroit dans la rue. Si quelqu'un où il est possible d'acheter ces armes dans la rue, pour quelle raison la GRC ne va pas en acheter et mettre à l'ombre une fois pour toute les trafiquants?

Mme Meredith: C'est parce que ça ne figure pas dans la loi.

M. Williams: Je le sais bien.

Mme Meredith: Il est dit dans la loi que la déclaration de culpabilité peut être faite par voie sommaire, ce qui revient à l'imposition d'une amende et non pas d'une peine d'emprisonnement.

M. Williams: C'est exact. C'était la situation jusqu'à présent.

Mme Meredith: C'est pourquoi je vous pose la question. Avez-vous le sentiment que la loi aborde comme il se doit la question de l'utilisation des armes à feu à des fins criminelles?

M. Williams: Nous avons une loi qui peut remédier au problème. Je ne suis pas avocat; je ne comprends pas toutes les incidences de ce projet de loi. Je ne peux pas le passer en revue en détail parce qu'il y a certaines dispositions qui me dépassent. Toutefois, ce sont les sanctions qui en constituent l'essentiel.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Messieurs, je vous remercie de votre témoignage d'aujourd'hui. C'est toujours intéressant.

Je tiens simplement à vous dire que je suis bien évidemment d'accord avec vous sur un certain nombre des points que vous avez soulevés, et je vous remercie de l'avoir fait. Cela ne va pas pour autant m'empêcher de vous poser des questions qui vont peut-être donner l'impression que je ne suis pas d'accord avec vous.

Avant de le faire, je tiens notamment à féliciter M. Polysos de son exposé. Comme tout le monde le sait au sein de ce Comité, j'aime qu'un exposé soit court, mentionne précisément les articles qui font problème et fasse des propositions constructives. Donc, je vous en remercie.

Je voudrais aborder la question de l'enregistrement du point de vue du simple contribuable et non pas en évaluant le coût global du système, qui relève de la pure spéculation dans une fourchette qui va de 85 millions de dollars à 1,2 milliards de dollars.

J'ai une carabine de calibre .22. J'avais un peu plus de vingt ans lorsque je suis entré en possession de cette arme. Voilà 15 à 18 ans que je ne l'utilise plus. Si je comprends bien le système, il me faudra m'enregistrer en tant que propriétaire de cette arme d'épaule. Disons que ça va me coûter 10$. Pendant combien cet enregistrement va-t-il être valide? Cinq ans? Si je comprends bien, il va m'en coûter 10$ pour enregistrer cette arme pendant cinq ans. C'est bien ça?

M. Taylor: Ça va vous coûter 60$. Il vous faudra d'abord obtenir une AAAF.

M. Wappel: Non, j'en ai déjà une.

M. Taylor: Vous avez une AAAF?

M. Wappel: Je parle de moi, ici. Précisément, lorsque ce projet de loi va entrer en vigueur, qu'est-ce qu'il va me falloir faire? C'est de cela que je veux vous parler. J'ai une vieille .22 dans mon sous-sol que je n'utilise plus depuis 18 ans. Combien est-ce que cela va me coûter? Je vais aller au bureau de poste. Je vais remplir une formule pour déclarer aux autorités que je possède une arme d'épaule. C'est le premier point. C'est la première partie du système d'enregistrement, d'après ce que je peux voir.

M. Taylor: Vous irez au bureau de poste pour vous faire enregistrer votre arme.

M. Wappel: Et demander une formule, que j'enverrai.

M. Taylor: Que vous allez envoyer? Vous allez pouvoir mettre n'importe quel chiffre, selon votre bon vouloir?

M. Wappel: Non, je vais faire ce que je suis tenu de faire. Là où je veux en venir...

M. Taylor: Tout le monde ne fait ce qu'il est tenu de faire.

M. Wappel: Ce n'est ce qui m'intéresse. Je parle de ma situation personnelle. C'est le point de vue que j'adopte ici. Il va m'en coûter 10$ pour enregistrer mon arme. C'est bien ça?

M. Taylor: La première année, ce sera 10$; 60$ en l'an 2000.

M. Wappel: Comment le savez-vous?

M. Taylor: Parce que ça figure ici dans les documents. C'est ce que l'on dit.

M. Wappel: Le coût effectif ne figure pas ici. Il sera déterminé plus tard, n'est-ce pas?

M. Taylor: Il l'est déjà. Il y figure déjà.

M. Wappel: Je ne parle pas de l'arme à feu; je parle de moi.

M. Taylor: Je parle aussi de vous. La première année, ce sera 10$, puis en l'an 2000, ce sera 60$. Ce sont les chiffres qui figurent ici aujourd'hui, qu'ils se révèlent exacts ou non.

M. Wappel: Bon, très bien. C'est bon à savoir.

J'ai d'autre part une chienne. Je dois l'enregistrer dans la ville de Scarborough. Il m'en coût 23$ par an pour obtenir un permis pour ma chienne. Je peux obtenir pour ma .22 un permis de cinq ans qui me coûtera 10$. Je ne vois pas en quoi le coût est un fardeau si terrible pour les simples citoyens.

.1720

Vous avez fait état des conséquences sur un nouveau chasseur ou sur un tireur à la cible. Mon Dieu, ça va lui coûter entre 205$ et 370$. Je paie aujourd'hui 699$ pour les cours de conduite de mon fils. Lorsqu'il devra passer son permis, ça va lui coûter 135$. S'il veut conduire un véhicule il va me falloir payer 2 000$ d'assurance. Je viens juste de faire un chèque pour le permis de ma fille. Bien sûr, c'est pour cinq ans, mais ça se monte à 65$.

Si je veux skier, rien que pour acheter le matériel et prendre des cours, ça va me coûter 370$. Lorsqu'une personne veut faire du sport, quel qu'il soit, il lui faut payer une certaine somme. Si vous voulez aller à la pêche de manière assez régulière, il vous faut acheter une canne à pêche de qualité raisonnable. Il vous faut ensuite obtenir un permis de pêche. Il vous faut ensuite payer pour conserver le quota qui s'applique à telle ou telle espèce de poisson que vous voulez rapporter. Si vous voulez aller dans le Nord pour pêcher, il va vous falloir payer le déplacement.

Si l'on considère la chose bien simplement, 370$ voilà qui ne me paraît pas excessivement onéreux. Je pense que ça doit coûter davantage pour acheter les armes. Mais, bien entendu, il vous faudra aussi débourser de grosses sommes pour acheter une paire de skis ou tout autre article en fonction du sport que vous pratiquez.

Je ne vois pas de grosses objections sur ces deux points, en tant que simple citoyen. Je ne parle pas de collectionneurs. Je ne parle pas des gens qui ont 15 armes à feu. Je parle d'une personne qui possède une .22. Je ne vois pas en quoi ce projet de loi pourrait vous inquiéter. Qu'en pensez-vous?

M. Taylor: Il y a deux ans, on a adopté une loi imposant aux gens d'enregistrer certaines de leurs armes à feu. Puis on a adopté une autre loi indiquant qu'on allait les leur confisquer. Ça va continuer.

M. Wappel: La question est tout à fait différente.

M. Taylor: C'est dans cette voie que vous vous engagez.

M. Wappel: La confiscation n'a rien à voir avec le coût. Ce sont deux problèmes tout à fait différents.

M. Taylor: C'est le problème qui nous intéresse.

M. Wappel: Je le comprends bien.

M. Taylor: Le problème, pour nous, c'est que vous essayez de nous prendre quelque chose qui fait partie de nos biens personnels.

M. Wappel: Je le comprends bien.

Le président: Tom, je vais vous demander de ne pas interrompre le témoin.

M. Wappel: Excusez-moi.

Le président: Quelqu'un d'autre veut-il répondre à la question posée par M. Wappel?

M. Williams: J'aimerais ajouter une chose. Je suppose que d'après les statistiques recueillies par le gouvernement, la plupart des foyers canadiens ont déclaré posséder plusieurs armes. Je crois que la moyenne mentionnée est de 2,7 ou quelque chose comme ça. À l'heure actuelle, lorsqu'on ne possède qu'une arme, le coût est insignifiant. Mais n'oubliez pas que lorsqu'il faudra obtenir un permis fédéral, ce qui sera nécessaire un jour, ce sera 60$.

Si, par exemple, votre fils veut faire du tir au pistolet sur une cible, il va lui en coûter 60$ pour chaque nouvelle arme enregistrée. Je crois que c'est assez prohibitif.

Nous n'avons pas parlé des collectionneurs. Il y a des collectionneurs qui possèdent un grand nombre d'armes à feu qui vont leur coûter cher. d'argent.

Le président: J'aurais aimé moi-même poser quelques questions, mais c'est impossible parce qu'il me faut aller voter à la Chambre.

De toute façon, nous avons pu discuter de manière très approfondie de vos mémoires. Je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui.

Mesdames et messieurs les membres du Comité, nous poursuivrons nos travaux demain dans l'après-midi et dans la soirée puis à nouveau, jeudi matin et jeudi après-midi.

La séance est levée.

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