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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Ce matin, nous allons entendre un groupe de témoins. Il s'agit de l'Ontario Arms Collectors Association, représentée par M. William Bateman, membre du conseil d'administration, M. Donald Holmes, membre et porte-parole de l'association et Mme Judith Ross, également porte-parole de l'association; de la Saskatchewan Gun Collectors Association, représentée par son président M. Tom Lewis, et M. Robert Henderson, membre du conseil d'administration et rédacteur.

[Français]

Finalement, de l'Association des collectionneurs d'armes semi-automatiques du Québec, nous recevons M. Stephen Torino, vice-président, et M. George Panagiotidis. Est-ce que je prononce votre nom correctement?

[Traduction]

M. Stephen Torino (vice-président, Association des collectionneurs d'armes semi-automatiques du Québec): C'est cela.

Le président: M. Torino est le vice-président.

Chacune de ces associations nous a fait parvenir un mémoire. Dans toute la mesure du possible je vous demanderais d'être bref lors de vos remarques préliminaires; en effet, les mémoires ont été distribués et nous vous suggérons de mentionner les principaux points qui paraissent dans votre mémoire de façon à ce que chaque association dispose d'environ 10 à 15 minutes. Toutefois, si le lecture de votre mémoire ne prend pas plus de temps que cela, vous pouvez certainement le faire.

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Après avoir entendu les porte-parole des trois associations, les députés pourront poser des questions aux porte-parole et présenter leurs remarques.

Je vous demande maintenant de bien vouloir présenter les exposés dans l'ordre suivant: tout d'abord l'Ontario Arms Collectors, ensuite la Saskatchewan Gun Collectors, et finalement l'Association des collectioneurs d'armes à feu semi-automatiques du Québec.

Monsieur Bateman, vous avez la parole.

M. William Bateman (Directeur, Ontario Arms Collectors Association): Si vous le permettez, Mme Ross sera la première intervenante.

Le président: Parfait.

Mme Judith Ross (porte-parole, Ontario Arms Collectors Association): Vous avez déjà reçu le document que j'ai préparé et qui réfute, en détail, les arguments avancés par ceux qui veulent élargir la portée des lois sur l'enregistrement des armes à feu. Ce document, ainsi que ceux qui vous ont déjà été adressés par des organismes tels que l'Ontario Hand Gun Association, indique clairement qu'en limitant l'accès aux armes à feu pour les personnes respectueuses de la loi on ne fait absolument rien pour réduire la criminalité et pour améliorer la sécurité publique. Cela a été répété maintes et maintes fois depuis le dépôt du projet de loi C-17 il y a quelques années.

En septembre dernier, 23 000 propriétaires d'armes à feu se sont retrouvés sur la colline parlementaire et avaient pour slogan: S'attaquer au crime et non aux armes. Depuis l'été dernier, des collecteurs d'armes à feu et des amateurs de tir récréatif se sont rassemblés lors des nombreuses manifestations qui ont eu lieu partout au pays. Cependant, le ministre de la Justice ne semble pas avoir entendu ce message et a insisté pour que le projet de loi C-68 soit adopté. Comme bien d'autres Canadiens, nous nous demandons pourquoi. Étant donné qu'il a été démontré maintes fois que les mesures de contrôle des armes à feu visant les propriétaires légitimes de ces armes ne contribuent en aucune façon à la réduction de la criminalité ou à l'amélioration de la sécurité du public, pourquoi présenter des mesures supplémentaires de contrôle des armes à feu? Pourquoi le ministre de la Justice veut-il que toutes ces armes soient enregistrées? Il serait absurde de croire qu'il s'agit d'une mesure de lutte contre la criminalité. Les criminels ne vont pas enregistrer leurs armes. Le coût de l'enregistrement sera énorme. Bien des personnes ne vont pas se conformer aux règlements.

Pourquoi donc le ministre de la Justice, compte tenu des arguments importants que l'on oppose à l'enregistrement, persiste-t-il à défendre son programme?

Pourquoi le ministre de la Justice déclare-t-il que l'enregistrement ne va pas entraîner la confiscation, alors qu'il est fort clair que c'est précisément ce qui est arrivé et va continuer à se faire, semble-t-il, aux termes du projet de loi C-68? Bon nombre de carabines et de fusils de chasse sont déjà tombés dans la catégorie des armes interdites, et ceci d'une façon tout à fait arbitraire. Il n'y a absolument aucune raison valable d'invoquer la sécurité du public pour déclarer que ces armes sont interdites, mais c'est pourtant ce qui a déja été fait par décret en conseil.

Nous avons maintenant le projet de loi C-68 qui interdit la possession de deux tiers des pistolets entre les mains de personnes respectueuses de la loi. Il s'agit, dans bien des cas, d'objets qui font partie d'une collection ou encore de pistolets pour le tir à la cible actuellement utilisés lors de compétitions telles que celles des Jeux olympiques et des Jeux du Commonwealth. Certaines de ces armes pourraient bénéficier de droits acquis, mais il s'agit tout simplement de remettre la confiscation à plus tard. Quel est l'objectif exact poursuivi par le ministre de la Justice quand il déclare de telles interdictions? Sans aucun doute, les pertes subies par les collectionneurs d'armes et les amateurs de tir à la cible seront énormes.

Les lois canadiennes portant sur le contrôle des armes à feu sont déjà très strictes et nous avons des preuves irréfutables que les mesures de contrôle des armes à feu visant des collectionneurs et amateurs de tir à la cible respectueux des lois ne contribuent absolument rien à l'amélioration de la sécurité du public, que l'enregistrement universel des armes à feu est inutile et coûteux, que l'interdiction portant sur différentes armes est arbitraire, sans justification et une atteinte grave aux droits de propriété privée; et comme ceci est fort bien documenté, nous devons demander au ministre de la Justice pourquoi il insiste pour que ce projet de loi soit adopté? C'est une question fort grave. C'est aussi une question que les membres de votre Comité devraient poser.

La seule conclusion raisonnable que l'on puisse tirer est que la mesure législative ne vise pas la lutte contre la criminalité, mais poursuit un autre objectif. Quel est cet autre objectif du projet de loi C-68?

Un examen du projet de loi nous amène inévitablement à conclure qu'un élément de cet objectif caché est l'élimination de la propriété privée d'armes à feu au Canada. En effet, le projet de loi permet des interdictions arbitraires, la confiscation et la destruction de n'importe quel type d'arme à feu, ou de leur totalité. Cela peut être fait par décret en conseil.

La Loi sur le mesures de guerre et la Loi sur les mesures d'urgence qui l'a remplacée exigent que le ordonnances et règlements soient soumis au Parlement pour qu'il puisse les approuver après qu'elles aient été débattues dans les deux Chambres; par contre, le projet de loi C-68 donne àM. Rock de nouveaux pouvoirs très étendus en ce sens que le ministre de la Justice n'aurait pas à soumettre ces ordonnances ou règlements à l'approbation du Parlement.

Les Canadiens qui prennent les choses au sérieux, quelles que soient leurs opinions au sujet des armes à feu ou leur appartenance politique doivent se préoccuper des conséquences de ce projet de loi.

D'autres aspects de la mesure proposée nous permettent de mieux connaître ces intentions cachées.

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Le ministre de la Justice s'accorde un pouvoir absolu de réglementation de tous les aspects de l'utilisation des armes à feu et du tir récréatif. La loi lui donnerait le pouvoir de réglementer les activités de tous les clubs de tir et de tous les champs de tir et de décider quelles sont les armes qui peuvent «raisonnablement» être utilisées au Canada pour la chasse et le sport. Il s'agit donc d'une situation où la possession d'armes à feu et leur utilisation sera dictée par le ministre de la Justice, agissant de son propre gré sans avoir à recourir au Parlement.

L'objectif caché prévoit donc clairement l'abolition de la propriété privée d'armes à feu, mais les conséquences vont beaucoup plus loin que cela quand on pense aux libertés civiles et le ministre, comme tout Canadien, quel que soit son point de vue sur les armes à feu, devrait s'en inquiéter. Il n'est pas exagéré de dire que l'élargissement des pouvoirs de police autorisé par le projet de loi C-68 entraîne la perte, pour les particuliers, de la protection dont ils jouissent contre les abus de pouvoir du gouvernement, au point où le Canada pourrait devenir un pays ressemblant à un État policier. L'examen du projet de loi révèle que l'individu n'a plus de protection contre l'auto-incrimination, qu'il perd son droit à la propriété privée et qu'il n'est plus protégé des fouilles et saisies injustifiées.

On peut dire que ces atteintes ne concerneraient que les propriétaires d'armes à feu, mais il faut réaliser que ceux-ci sont respectueux de la loi. De toute façon, on trouverait là un précédent dangereux si ces atteintes aux libertés individuelles étaient permises. En fait, certaines des dispositions du projet de loi peuvent toucher des particuliers autres que les propriétaires d'armes à feu.

Pourquoi M. Rock poursuit-il cet objectif personnel qui implique une perte aussi sérieuse de droits démocratiques fondamentaux pour les propriétaires d'armes à feu? M. Rock a peut-être révélé ses motifs quand il a récemment déclaré que l'enregistrement était nécessaire pour s'assurer que personne n'accumulait d'armes à feu en vue d'organiser une milice.

À quel point une collection devient-elle une accumulation? Quand peut-on parler de groupe de tireurs récréatifs et de chasseurs, et quand a-t-on une milice? M. Rock semble percevoir un aspect sinistre dans des activités légales et innocentes.

Les propriétaires d'armes à feu ne constituent pas de milice au Canada; ils s'associent à de nouveaux partis politiques.

Mesdames et messieurs les membres du comité, quelle que soit votre opinion sur les armes à feu, vous devez vraiment penser aux conséquences de ce projet de loi. Merci.

M. Bateman: Mesdames et messieurs, c'est un plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, non seulement au nom des membres de l'Ontario Arms Collectors Association, mais aussi au nom de tous les autres collectionneurs au Canada.

Notre association, l'OACA, existe en Ontario depuis plus de 40 ans. Nous avons un programme très complet et nous donnons l'occasion à nos membres de présenter leur collection d'armes et autres objets militaires neuf fois par an et, d'autre part, nous organisons quatre compétitions de tir chaque année.

La première conséquence financière du projet de loi, et la plus évidente, et le coût anticipé de l'application d'un certain nombre de dispositions, plus particulièrement celle exigeant l'enregistrement d'armes à feu qui ne sont pas actuellement soumises à cette exigence.

Il ne faut pas oublier que non seulement il y aura un coût exprimé en dollars, mais il y a également le temps qui sera consacré par les employés du gouvernement et par le public en général pour respecter les procédures d'enregistrement. Je crois que partout au pays on estime que, dans certains domaines, les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux ont surchargé les Canadiens de règlements. Les contribuables ont constaté que les déclarations d'impôt comportaient de plus en plus de détails et que chaque contribuable canadien doit consacrer de plus en plus de temps et d'effort pour assembler tous ces renseignements et remplir les formulaires.

L'OACA estime que personne ne sait vraiment quel sera le coût de l'enregistrement, en dollars, qu'il s'agisse de la mise en place du système ou de son administration, et il est certain que personne n'a la moindre idée des inconvénients que ce système va imposer aux Canadiens.

Ce qui intéresse encore plus directement les collectionneurs, c'est que certaines des dispositions du projet de loi touchent directement la valeur des armes faisant actuellement partie des collections. Certains aspects du projet de loi touchent directement la valeur intrinsèque des armes qui deviendraient prohibées. Il est pratiquement impossible de donner une estimation valable reflétant la réduction de la valeur des collections.

Le fait que la longueur minimum du canon ait été fixée à 105 millimètres signifie qu'un nombre important d'armes qui intéressent les collectionneurs plus modernes vont tomber dans la catégorie des armes prohibées.

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À ce sujet, l'Ontario Arms Collectors donnait son appui sans réserve à une modification de la longueur du canon d'une arme prohibée pour la ramener à 97 millimètres et ce qui est le plus important, propose que la catégorie de prohibition soit limitée soit aux armes fabriquées il y a moins de 50 ans ou aux armes qui auraient été effectivement fabriquées après 1946.

J'attire l'attention du comité sur le fait que nous avons déjà un précédent en ce sens dans la Loi sur les armes à feu qui exempte les objets de collection. Quand le gouvernement a créé une exemption pour les chargeurs de grande capacité appartenant à une collection, il a aussi exempté les bandes d'alimentation des mitrailleuses qui avaient été conçues ou fabriquées avant 1946. Si la loi exemptait de la catégorie des armes prohibées celles qui ont plus de 50 ans ou, autrement, celles qui ont été conçues ou fabriquées avant 1946, cela permettrait de conserver des objets classiques appartenant à l'histoire de la Première et de la Seconde Guerres mondiales comme, par exemple, les Lugers, les Walthers, les Colts et les Enfields; cela réduirait considérablement les conséquences subies par les collectionneurs.

L'OACA s'inquiète également de voir les répliques d'armes à feu classées parmi les dispositifs prohibés. Cette mesure fait que, pour la première fois, les collectionneurs qui avaient cherché à éviter les règlements en collectionnant des répliques inutilisables seraient maintenant soumis à la loi. Par voie de conséquence, cette disposition s'appliquerait également aux modèles en plastique et aux objets de mise en montre. Nous estimons que les répliques d'armes à feu ne devraient pas entrer dans la catégorie des dispositifs prohibés.

L'OACA estime que les collectionneurs et les objets qu'ils collectionnent ne constituent pas un élément du problème et que ces personnes se voient dans une situation où les dispositions du projet de loi pourraient leur imposer des dommages économiques très importants.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous présenter ces remarques et je voudrais maintenant vous présenter la major Don Holmes.

Le major Don Holmes (membre et porte-parole, Ontario Arms Collectors Association): Je serai bref, mais j'espère que vous examinerez de près mes remarques et vous pourrez nous interroger à leur sujet.

Je voudrais dire quelques mots au sujet de l'enregistrement universel. C'est une mesure qui existe, en ce qui concerne les armes à feu à autorisation restreinte, depuis 1934, sans interruption. Il s'agit d'armes à feu qui présentent le plus grand risque potentiel pour la société et il n'y a aucune raison de dire que le système d'enregistrement des armes à feu à autorisation restreinte tel qu'il existe actuellement n'est pas satisfaisant. Il existe depuis 60 ans, je le sais fort bien étant donné que j'ai moi aussi 60 ans et appartient donc au même cru.

Le système actuel d'enregistrement universel des armes à feu à autorisation restreinte porte sur 1,2 millions d'armes à feu et le gouvernement a décidé qu'il s'agit des armes pour lesquelles ce genre de traitement est le plus urgent. Nous n'arrivons pas à comprendre pourquoi les carabines de sport et les fusils devraient être traités de la même façon, ce qui entraîne nécessairement certains coûts et dépenses.

D'autre part - et c'est la plus importante des remarques dont je veux vous faire part - l'enregistrement universel existe déjà au Canada en ce sens qu'il est impossible d'acheter légalement une arme à feu quelconque si l'on ne possède pas une autorisation d'acquisition d'armes à feu; il est nécessaire de présenter cette autorisation dont le numéro est inscrit ainsi que le numéro de série de l'arme dans les dossiers que le vendeur a l'obligation de tenir à jour.

Nous estimons que si le gouvernement désire obtenir à tout prix un système d'enregistrement universel, il devrait apprendre ce que tous les citoyens savent déjà: il faut vivre selon ses moyens et mettre au point un système qui tienne compte des mécanisme qui existent déjà.

Pour être plus clair, je signale que l'enregistrement universel s'applique déjà à tous les nouveaux achats. Un million deux cent mille armes de poing à autorisation restreinte sont déjà soumises à un tel système depuis 60 ans. D'autre part, depuis plusieurs années, au Canada, il est nécessaire d'avoir une autorisation d'acquisitions d'armes à feu (AAAF) et le vendeur doit enregistrer cette autorisation avec tous les détails permettant d'identifier l'acheteur ainsi que l'indication du numéro de série de l'arme et tous les détails concernant celle-ci...

Si vous voulez un système complémentaire qui se greffe sur ce que la loi prévoit déjà, n'imposez pas une dépense supérieure de 100 millions de dollars aux contribuables. Je le dis parce que, en toute franchise, les autres armes à feu, c'est-à-dire les carabines et les fusils de chasse ne sont tout simplement pas la cause des crimes violents au Canada. Il n'y a aucune preuve en ce sens.

D'après les curriculum vitae qui apparaissent dans le Guide parlementaire canadien, je constate que la plupart des membres du comité sont des juristes. Vous devez donc normalement pouvoir comprendre ce que je viens de dire. Il n'y a pas de preuve, et d'ailleurs le ministre et son personnel n'en ont pas mentionné indiquant que les carabines et les fusils de chasse contribuent d'une façon notable, d'une façon quelconque, aux problèmes de la violence criminelle au Canada et l'enregistrement de ces armes ne touche pas cette question.

Naturellement, et je suis sûr qu'on vous l'a déjà dit, ceux qui veulent absolument ignorer la loi ne vont pas de toute façon enregistrer leurs armes.

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Donc, l'Ontario Arms Collectors Association vous propose respectueusement qu'étant donné que la loi actuelle prévoit déjà la possibilité d'enregistrement universel et que ce système existe et fonctionne, il n'y a absolument aucune justification d'imposer les dépenses supplémentaires associées à un système qui prévoit un questionnaire à remplir volontairement, système qui entrerait en vigueur au début du siècle prochain et qui est d'ailleurs moins fiable que la présentation d'une AAAF aux vendeurs avec enregistrement des détails de la transaction. Ce projet de loi tend à nous inviter à participer à un système qui coûtera plusieurs centaines de millions de dollars, qui n'entrera en vigueur que dans six ans et sera moins fiable que ceux qui existent déjà et peut être utilisé, à condition que les bureaucrates qui désirent un système d'enregistrement apprennent à vivre dans le cadre de ce qui existe déjà. Notre opinion est très ferme à ce sujet.

Je voudrais ajouter quelques mots au sujet des armes de calibre prohibé.

Le projet de loi C-68 propose la prohibition, sans exception, de toutes les armes de poing de calibre .25 et .32 dont la possession est actuellement illicite. Aucune justification de cette mesure ne vient s'ajouter à ce qui est indiqué dans les documents d'information du ministère de la Justice. Cette mesure, cependant, éliminerait environ 550 000 armes dont la possession est actuellement illicite.

En ciblant d'une façon prétentieuse certains calibres qui seraient prohibés, on reprend l'un des mécanismes avancé par des groupes de lobbyistes aux États-Unis, tel que la Handgun Control Incorporated, système maintenant discrédité, qui n'ont pas donné de résultats et dont les défauts sont connus. Une autre suggestion tout aussi naïve prévoit que, pour chaque arme, on tire une balle qui serait conservée pour servir à des enquêtes portant sur des actes criminels futurs; on suggère également d'ajouter des produits chimiques aux munitions afin d'identifier plus tard les utilisateurs si un crime n'est pas résolu, et encore que certains ingrédients soient ajoutés aux munitions pour les rendre inutilisables après six mois ou un an. Ce sont là des notions farfelues généralement impossibles à réaliser techniquement et qui mettent à nu la naïveté de ceux qui proposent de telles notions.

J'estime que le Comité est suffisamment au courant pour comprendre que le calibre...

Des pays tels que l'Italie, le Portugal, le Mexique... Bon nombre de pays européens permettent aux citoyens de posséder des armes de tir de moindre calibre, comme les .32 et interdisent les calibres plus meurtriers et plus dangereux pour la société, mais ignorés par le projet de loi. C'est de la folie. On ne peut pas dire que seuls les petits calibres sont prohibés.

Le calibre .22 est le plus répandu. On n'y touche pas, et cela est justifié; il s'agit d'un calibre d'arme de tir à la cible. Il aurait été plus judicieux, si les rédacteurs du projet de loi avaient bien compris le problème, de traiter des calibres rendant une arme meurtrière et de ne pas s'inquiéter des calibres pour les armes de tir à la cible de moindre puissance.

Je pense bien que les représentants des organisations olympiques et des associations internationales de tir à la cible vous ont déjà souligné cet aspect. Les limites concernant le calibre ne s'attaquent pas aux problèmes et sont naïves. On aurait pas dû procéder ainsi.

Il appartient donc à des gens comme nous de vous suggérer et recommander des solutions positives et de ne pas se limiter aux plaintes; nous désirons donc vous soumettre des suggestions positives. Dans le mémoire qui vous a été présenté, mais au sujet des munitions et, par exemple des calibres, nous vous demandons d'envisager des restrictions portant sur le calibre .32, ce que l'on appelle le .32 Smith and Wesson court et c'est le calibre de ces «spéciaux du samedi soir» ainsi que le calibre souvent utilisé lors des suicides; il s'agit d'armes petites, faciles à cacher, mais qui ne pardonnent pas. Ces armes pourraient devenir prohibées, mais quand il s'agit de calibre d'armes utilisées lors des compétitions de tir, plus particulièrement le .32 Smith and Wesson long, le .32-20 long, à poudre noire, des cartouches du début du siècle ainsi que le .32 Harrington Richardson magnum, et il s'agit d'une cartouche pour tir sur cible plus longue utilisée dans le sport de tir sur silhouette, comme par exemple les compétitions en champ de tir avec cible en fer blanc, ce genre de munitions ne devraient pas être inclus.

Nous vous demandons donc de définir avec plus de précision les règles concernant le calibre afin de viser ceux qui seraient offensifs, si cela est nécessaire, et conserver les calibres ne présentant pas de danger et qui ne posent pas de problème.

Je vais maintenant ouvrir une parenthèse pour vous signaler que nous avons ici une exposition, jusqu'à midi, de différents objets. Nous pouvons vous montrer des pistolets de tir à hausse micrométrique qui coûtent des centaines de dollars et qui deviendraient des armes prohibées, ce qui n'est absolument pas justifié et ces armes ne devraient pas tomber dans cette catégorie.

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Nous avons également en montre quelques armes de poing qui présentent moins de mérite, mais qui constituent une cible nettement plus logique pour le projet de loi que vous étudiez. Une définition plus précise des règles concernant le calibre ne demande qu'une petite modification; il faut également examiner de plus près les limites concernant la longueur du canon.

Depuis plus d'un siècle - et nous pouvons vous donner des exemples concrets - la longueur normale du canon d'une arme de poing a été de quatre pouces dans pratiquement 90 p. 100 des cas. La poudre noire et la technologie plus ancienne demandaient des canons plus longs. Ce n'est plus le cas. En réduisant la limite imposée pour la longueur du canon de quelques trois misérables huitièmes de pouce, huit millimètres en passant de 105 à 97 millimètres permet de protéger les bons tout en éliminant les méchants. Si vous désirez améliorer la mesure législative, réfléchissez aux avantages résultant d'une réduction de trois huitièmes de pouce de la longueur du canon dans le texte de la loi.

Je voudrais maintenant traiter brièvement deux points qui sont importants. D'autres vous ont dit qu'il fallait exempter de la catégorie prohibée les chargeurs de capacité limitée trouvés dans le commerce permettant de tirer une cartouche à la fois, étant donné qu'il ne s'agit pas d'armes complètement automatiques mais d'équivalents de l'arme militaire pour le tir sur cible.

On trouve partout au Canada, dans toutes les provinces, dans toutes les localités, des carabines AR-15 pour tir sur cible et ses variantes; ce sont des armes que l'on trouve dans le commerce et qui sont utilisées par les civils lors de compétitions qui les opposent aux unités locales de la milice. Cette arme facilite les compétitions entre une unité de la milice et des civils, et ceux-là participent à la formation des jeunes qui apprennent le tir de précision, etc. Ces armes sont déjà dans la catégorie à autorisation restreinte.

Il fut un temps où ce n'était pas le cas. Quand le système des AAAF a été mis en place en 1978-1979, un ministre a pris la parole à la Chambre et a annoncé que le nouveau système faisait que l'enregistrement des AR-15 n'était plus nécessaire et elle a été éliminée de la liste des armes à enregistrer. Tout comme les carabines et les fusils de chasse aujourd'hui, ces armes n'étaient donc plus enregistrées. Ensuite, un autre gouvernement a réexaminé la question et a déclaré qu'il s'agissait d'armes à autorisation restreinte devant être enregistrées, ce qui est le cas actuellement.

Le projet de loi à l'étude ferait que la version civile, pour tir à la cible, de la carabine militaire deviendrait arme prohibée et cela, mesdames et messieurs, fait fi d'un siècle de tir de précision pour les civils et de compétition avec la milice partout au pays. Il n'y a aucune justification pour cela, aucune preuve qu'il y ait eu des abus. Les criminels ne se servent pas des AR-15.

Vous avez peut-être lu dans les journaux, il y a une semaine, qu'un vol avec effraction avait été perpétré à la maison d'un tireur à la cible à Ottawa. Les voleurs ont trouvé une carabine de tir à la cible qu'ils ont dédaigné pour s'emparer plutôt d'un ordinateur et autres petits objets de valeur et facilement transportables. Il n'y a aucun argument sérieux permettant de prohiber ces carabines pour tir à la cible utilisées par les civils en invoquant la sécurité du public ou une atteinte à l'ordre public.

Ma dernière remarque, qui mérite toute votre attention, concerne les droits acquis. Le projet de loi prévoit que les armes à feu prohibées ne peuvent faire l'objet de transactions qu'entre personnes ayant des droits acquis, c'est-à-dire de personnes qui en sont déjà propriétaires. Si vous et moi possédons quelque chose tombant dans cette catégorie, nous pouvons acheter ou vendre entre nous, mais nous ne pouvons pas le faire avec une tierce partie.

Dans le passé, le Canada a adopté des mesures législatives visant à maintenir l'inventaire des armes à un certain niveau. En d'autres termes, on ne voulait pas augmenter le stock existant, mais on ne voulait pas non plus s'ingérer d'une façon aussi brutale dans le commerce portant sur des armes dont la propriété et la possession étaient légitimes et dont l'entreposage se faisait selon les règles. Nous vous prions instamment d'y penser. Si le gouvernement est suffisamment convaincu qu'il faut créer des catégories d'armes prohibées et peut démontrer que les armes en cause méritent ce traitement - et j'ai déjà indiqué que ce n'est pas le cas pour les AR-15 - ayez tout au moins la décence de permettre à ceux qui les utilisent déjà d'en acheter ou de les vendre pour qu'elles ne disparaissent pas de notre histoire.

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Vous pouvez voir ici un certain nombre d'armes à feu qui, si à l'époque elles avaient été interdites en tant qu'armes à feu militaires, par exemple, auraient disparu de la scène canadienne. Peut-être pourrait-on en retrouver une quelque part dans un musée. Ces armes font partie du patrimoine culturel et de l'histoire canadienne, elles représentent une tradition, elles sont esthétiques et comme vous pourrez le constater, elles ont une grande valeur sur le plan technique en raison de leur mécanisme qui est inhabituellement délicat.

Avec l'interdiction, lorsque le dernier grand-père décède, elles sont toutes envoyées à la démolition; et cela, mesdames et messieurs, en plus de constituer un véritable vol de la part de l'État - parce que il s'agit en fait de vol - il s'agit également de vandalisme de la part de l'État, car c'est ce qui serait arrivé à ces armes que vous voyez sur cette table si ce genre de loi avait été en vigueur il y a longtemps.

Je vous remercie de votre temps.

Le président: Merci.

J'aimerais maintenant inviter la Saskatchewan Gun Collectors' Association. M. Henderson présentera le mémoire ou fera l'exposé liminaire.

M. Robert Henderson (directeur et rédacteur, Saskatchewan Gun Collectors' Association): Merci, monsieur le président.

Je suis un ancien agent de la Gendarmerie royale du Canada, ayant pris ma retraite avec le rang de sergent d'état-major après 35 ans de service. Parmi mes affectations, il y a eu l'Ontario, la Saskatchewan et le Yukon et j'ai eu une certaine responsabilité pour la sécurité de la résidence du premier ministre, la Monnaie royale canadienne et les édifices du Parlement.

La Saskatchewan Gun Collectors' Association a été formée il y a 34 ans, soit en 1961. Nous sommes un organisme patriotique, éducatif et sans but lucratif qui s'intéresse aux collections d'armes à feu, d'armes tranchantes, de cartouches, d'objets indiens, d'insignes de police, d'objets militaires et autres objets du genre. Notre association est un lieu de rencontres et d'échanges d'information pour les collectionneurs. Nous publions un bulletin mensuel à l'intention de nos membres, bulletin qui contient des articles historiques ainsi que de l'information sur des événements courants, et chaque année nous organisons deux des principaux salons des armes à feu en Saskatchewan.

En tant que collectionneurs d'armes à feu, nos membres seront sérieusement affectés par la nouvelle loi qui est proposée.

Le problème auquel nous devons tous faire face pour évaluer le projet de loi C-68, c'est le manque d'information solide. Aucune étude n'a été faite pour déterminer l'efficacité du système de contrôle actuel. Notre association est d'avis que tout autre changement à l'enregistrement des armes à feu est prématuré.

L'historique de la collection d'armes à feu.

Après 1945, et certainement avant les années soixante, la population générale au Canada connaissait une position financière plus stable et les travailleurs disposaient d'un peu plus de temps libre. C'est ainsi qu'un grand nombre de gens ont commencé à avoir des passe-temps, un de ces passe-temps était de collectionner des armes à feu de différents types, passe-temps qui à une certaine époque était réservé aux gens très riches.

De façon générale, on reconnaît qu'une collection d'armes à feu consiste de deux armes à feu ou plus de n'importe quel type que le collectionneur garde pour les exposer, les examiner ou les utiliser pour la chasse ou le tir à la cible. La variété et le nombre d'armes à feu contenus dans une collection varient selon les intérêts du collectionneur. Habituellement, c'est le style, la marque, le modèle d'une arme à feu qui pique l'intérêt d'un collectionneur, ou encore le fait qu'une arme ait un intérêt historique ou familial ou encore qu'elle soit spécialement gravée - tous comme les gens s'intéressent à la collection de timbres, de poterie, de pièges à ours, d'antiquités ou d'oeuvres d'art.

Les collectionneurs optiennent des armes à feu et des cartouches en les achetant, ou grâce à un échange ou un don, et dans le cas des armes de poing, elles sont enregistrées conformément au règlement existant. Elles sont nettoyées et réparées à la satisfaction du nouveau propriétaire, et elles font partie de la collection. Elles répondent aux exigences actuelles qui concernent le transport et l'entreposage des armes à feu légitimes.

Dans les années soixante, un nouveau phénomène est apparu. La collection d'armes à feu dont la valeur augmentait rapidement, à titre d'investissement financier. Il y a aujourd'hui au Canada des collections qui sont non seulement très grandes, mais dont la valeur est également très grande, dépassant facilement les 100 000$. Ces collections représentent un fonds possible de retraite pour leurs propriétaires.

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La valeur monétaire d'une arme à feu pour un collectionneur peut varier de zéro à des centaines de milliers de dollars chacune. Par exemple, en 1987 une arme de poing provenant de la région de Swift Current en Saskatchewan s'est vendue pour 114 000$ U.S. dans une vente aux enchères aux États-Unis.

Bon nombre d'armes à feu qui existent au Canada à l'heure actuelle ont une importance historique par rapport à certains particuliers, certains endroits, organismes et événements, tant en période de paix qu'en période de guerre. Ces armes à feu, qu'il s'agisse d'armes d'épaule ou d'armes de poing, peuvent dans certains cas remonter à l'époque de la conception des armes à feu - la couleuvrine à main - ou être de fabrication récente. Inutile de dire qu'on ne les retrouve pas toutes dans des musées.

Nos préoccupations.

Le concept actuel, dans le projet de loi sur les armes à feu, de qualifier d'armes servant au suicide toutes les armes de poing de calibre .32 ou de plus petit calibre ou celles dont le canon a une longueur de 105 millimètres ou moins est considéré comme une tentative intentionnelle d'induire en erreur le public en général et les représentants politiques pour leur faire croire que toutes ces armes de poing sont des armes de choix peu coûteuses et fabriquées en série servant à l'autodestruction individuelle. Au contraire, ces armes servant au suicide sont habituellement des armes de poing qui ont été fabriquées à bas prix dans les années vingt et dont l'utilisation est tout simplement dangereuse.

Bon nombre des armes de poing tombant dans la nouvelle catégorie créée par M. Rock et ses collègues sont en fait des armes qui ont un intérêt personnel ou historique ou les deux pour les collectionneurs, et comprennent notamment des marques aussi connues que Walther, Luger, Mauser, Nambu, Steven, Colt, Smith et Wesson, etc. Le pistolet provenant du Canada est vendu aux États-Unis pour 114 000$ U.S. que j'ai mentionné tout à l'heure tombe dans cette catégorie. Si cette arme avait été vendue au Canada, que serait-il arrivé à cette arme selon le plan initial de M. Rock qui consiste à détruire de telles armes? Quel musée pourrait se permettre d'acheter cette arme, ou voudrait le faire? Les radiations fiscales pour de telles transactions ne constituent certainement pas un incitatif.

Le volume et la variété des armes à feu de collection au Canada sont telles que les musées officiels n'ont pas l'espace d'entreposage ou d'exposition, ni le financement ou le mandat de collection nécessaires pour assurer que de telles armes à feu sont gardées dans des collections variées pour qu'elles puissent être vues par les générations futures de Canadiens. Les collectionneurs constituent donc une véritable réserve d'armes à feu intéressantes et historiques au Canada que les générations futures pourront admirer.

Jusqu'à récemment, les collectionneurs d'armes à feu jouaient un rôle très actif pour ce qui est de trouver, d'acquérir et d'enregistrer les armes de poing qui n'étaient pas enregistrées auparavant, offrant ainsi un service essentiel aux forces policières du Canada. Dans la plupart des régions, les rapports entre les collectionneurs d'armes à feu et la police se sont développés au cours d'un certain nombre d'années et étaient excellents. Cette collaboration constituait en outre une source indépendante d'information pour la police sur diverses autres activités dans une collectivité, élément essentiel aux activités policières.

En conséquence directe de la tentative de M. Rock de faire adopter cette loi sur les armes à feu, on peut s'attendre à ce que cette collaboration entre les collectionneurs et la police diminue de façon draconienne, puisque bon nombre de collectionneurs craignent maintenant d'être accusés d'une infraction de la part d'un policier trop zélé lorsqu'ils voudront faire enregistrer une arme qui ne l'est pas déjà. L'ancienne confiance qui existait entre le collectionneur et la police est en train de diminuer considérablement et risque de ne jamais revenir. Ce projet de loi arrive à un moment où le pays peut difficilement se le permettre. Il creusera un fossé entre un groupe important de la société et la police à un moment où les forces policières estiment qu'une collaboration plus étroite leur est essentielle pour combattre le crime.

Le fait que les particuliers opposent une résistance pour ce qui est d'enregistrer les armes d'épaule - carabines ou fusils de chasse - en raison du coût éventuel que cela représente à l'heure actuelle ou plus tard pour un propriétaire, plus particulièrement pour ce qui est des collectionneurs qui ont plusieurs centaines d'armes à feu. La plupart de ces gens ne font plus confiance à la plupart des hommes et des femmes politiques et craignent une augmentation des coûts futurs, que les types d'armes à feu interdites augmentent et même une confiscation et une destruction future, avec ou sans indemnisation.

Aucune assurance de la part des hommes et des femmes politiques et de ceux qui les appuyent ne pourra dissiper cette préoccupation, car ces gens ont l'impression d'avoir été trahis et induits en erreur par les projets de loi actuels et éventuels contre les armes à feu imposés tant par Mme Campbell que par M. Rock pendant leur mandat.

.1010

Le projet de loi qui est proposé pour contrôler les armes à feu avec une telle vigueur a, semble-t-il, été préparé sans tenir compte du type d'armes que les criminels pourraient utiliser pour leurs activités illégales. Au cours du dernier vol de banque ou du dernier crime relié à la drogue, est-ce que les criminels ont utilisé un revolver à capsule et balle ou une carabine? Qui serait assez fou pour essayer de faire entrer un fusil à silex en contrebande au Canada pour le revendre dans la rue?

Nous avons des échantillons de ces deux armes sur la table. Si vous ne les connaissez pas, nous pouvons vous les montrer.

Certaines armes à feu historiques sont de véritables chefs-d'oeuvre. Insister pour qu'un numéro de série soit gravé lors de l'enregistrement équivaut à écrire un numéro de référence de musée sur la Mona Lisa.

Les législateurs peuvent certainement déterminer une date raisonnable et dire qu'il n'est pas obligatoire d'enregistrer une arme à feu produite avant cette date; par exemple, toute arme qui a plus de 75 ans.

M. Rock et ceux qui l'appuyent devraient tenter d'éliminer l'acquisition et l'utilisation des armes à feu utilisées pour commettre des crimes ou qui sont détenues illégalement par des personnes qui pourraient commettre des crimes, et dans les deux cas, ces armes sont actuellement visées par la loi en vigueur sur les armes de poing et les armes automatiques. Une interdiction de possession d'armes à feu en conséquence de divers crimes plutôt que l'enregistrement des armes à feu contribuerait certainement dans une grande mesure à corriger les problèmes actuels ou futurs tant pour ce qui est des armes de poing que des armes d'épaule, et permettrait d'économiser au moins 85 millions de dollars et peut-être même davantage.

Le règlement qui est proposé est impartial, injuste et (dans une grande mesure) il ne peut être appliqué. Il n'a pas l'appui d'un grand pourcentage des propriétaires légitimes d'armes à feu et du policier moyen dont la responsabilité sera d'appliquer cette loi.

Bon nombre de propriétaires d'armes à feu et de collectionneurs ne croient pas l'Association canadienne des chefs de police lorsqu'elle dit accorder son appui total au projet de loi de M. Rock. Ce groupe estime que si les chefs disent publiquement qu'ils sont en accord avec ce projet de loi, ce n'est que parce que les politiciens contrôlent les cordons de la bourse. Cependant, les forces policières n'ont ni le personnel ni le temps à consacrer au contrôle des citoyens canadiens respectueux de la loi propriétaires d'armes à feu.

S'ils ont un peu de bon sens, les membres du Comité présents ici aujourd'hui devraient condamner le programme qui est proposé. Non seulement ce programme coûte-t-il très cher à notre société alors que nous ne pouvons pas nous le permettre, mais il aura très peu d'impact sur l'utilisation d'armes à feu lors d'activités criminelles, s'il en a.

Les collectionneurs sont alarmés par la perte actuelle et éventuelle de valeur auxquelles ils devront faire face en conséquence directe du nouveau projet de loi qui est proposé sur les armes à feu. Certains collectionneurs risquent de lourdes pertes sur le plan financier. Bon nombre perdront des milliers de dollars à cause de l'effondrement des valeurs des collections en raison de cette mesure prise par le gouvernement qui ne leur offre aucune indemnisation financière.

Le ministre a laissé entendre qu'il pourrait y avoir un recouvrement des coûts d'enregistrement. La somme de 50 à 100$ pour l'enregistrement d'une arme à feu semble être plausible. En outre, on a laissé entendre que les anciens frais augmenteraient selon le volume d'armes à feu enregistrées par une personne. Les collectionneurs individuels pourraient être forcés de payer des milliers de dollars pour enregistrer une arme dont ils sont déjà légalement propriétaires. Cela créera de graves difficultés financières pour bon nombre d'entre eux. Les autres options sont plutôt difficiles à accepter: la confiscation bien valable et licite à la police, la vente de ces biens à des prix de ventes de feu ou des accusations criminelles.

Il est évident que les problèmes identifiés par le gouvernement ne vont pas disparaître avec l'enregistrement des armes à feu. En fait, bon nombre de problèmes additionnels et de coûts découleront de cette expérience très coûteuse en vue de contrôler les armes à feu.

Nous recommandons donc ce qui suit.

Premièrement, les contrôles devraient viser les armes à feu utilisées pour commettre des crimes; les armes à feu qui sont en fait illégalement obtenues et utilisées par des criminels pour des activités illégales.

Deuxièmement, cesser d'identifier toutes les armes de point de calibre .32 ou de plus petit calibre, ou celles dont le canon mesure 105 millimètres ou moins, comme des armes qui servent au suicide.

Troisièmement, déterminer, pour le public, toutes les méthodes qui ont été utilisées dans les cas d'homicide et de suicide au cours des deux dernières années. Dans les cas où des armes à feu ont été utilisées, répartir les armes à feu selon le type - c'est-à-dire, fusil de chasse, carabine ou arme de poing - et le calibre. Lorsque des armes de point ont été utilisées, déterminer si elles étaient enregistrées ou non.

.1015

Quatrièmement, classer dans une catégorie historique à part les armes à feu, les munitions et les articles connexes qui ont 75 ans et plus. Aucun enregistrement ne serait exigé pour les armes faisant partie de cette catégorie.

Cinquièmement, créer une catégorie distincte pour les armes à feu et les armes autres que les armes à feu hors-service - des copies fabriquées commercialement - et pour les répliques qui ne servent qu'à des activités d'exposition, et qui sont enregistrées comme appartenant à certains particuliers. Les articles classés dans cette catégorie pourraient être gardés par leur propriétaire légitime ou vendus, donnés ou échangés à d'autres personnes intéressées, à des fins de collection.

Sixièmement, appuyer les activités légales des salons, foires-expositions et des ventes d'armes à feu comme étant une source d'éducation pour le public en général au sujet des armes à feu. Promouvoir la participation des musées et des forces policières dans ces activités.

Septièmement, s'assurer que la saisie d'armes interdites remises à la police entraîne une rémunération équitable et complète pour ces articles.

Huitièmement, toutes les armes saisies à la suite d'une interdiction de confiscation devraient être signalées à une source indépendante pour déterminer s'il y a lieu de les garder dans un musée autorisé ou dans un laboratoire médico-légal. Veiller à ce que l'on donne aux propriétaires des détails quant à la disposition des armes à feu.

Neuvièmement, insister pour que tous les changements apportés à la Loi sur l'enregistrement et le contrôle des armes à feu soit approuvé par le Parlement, et non pas par décret, comme on l'a fait dans le cas de l'arbalète minipistolet.

Dixièmement, veiller à ce que des dispositions soient prévues en vue de nommer une personne indépendante qui prend des décisions dans des circonstances spéciales. De telles décisions permettraient à un propriétaire de garder des articles d'importance historique ou autre contrairement au règlement sur les armes à feu lorsque cela est justifié. Permettre aux propriétaires de garder une telle arme plutôt que de la saisir et de la détruire équivaudrait à une exemption ministérielle. Ces armes pourraient donc être gardées pour faire partie de l'héritage familial ou vendues à d'autres collectionneurs qui respectent le règlement concernant les armes à feu.

Onzièmement, insister pour qu'un comité d'examen semblable à celui-ci se penche de nouveau sur la question dans cinq ans. Cet examen permettrait de vérifier la situation en ce qui concerne le contrôle des armes à feu et d'évaluer le succès ou l'échec du projet de loi qui sera adopté à la suite du présent examen. S'assurer que les représentants des mêmes groupes auront de nouveau l'occasion de venir présenter leurs points de vue. Insister pour que le comité qui examinera la question à ce moment-là puisse présenter d'autres recommandations au gouvernement fédéral.

Nous sommes d'avis que l'obsession de l'honorable M. Rock pour le contrôle des armes à feu a triomphé de son bon jugement. Il a déjà fait de nombreuses observations tendancieuses. En tant que ministre de la Justice, M. Rock a la responsabilité d'être juste et neutre à l'égard de tous les Canadiens. Avec son extrémisme politique, en tant qu'homme politique il a contaminé le principe canadien d'égalité pour tous. À notre avis, à cause de ce qu'il a fait, il ne devrait plus avoir la responsabilité du projet de loi à l'étude ou de tout projet de loi futur sur les armes à feu.

La Saskatchewan Gun Collectors' Association tient à remercier le Comité de l'occasion qu'il lui a été donnée de présenter les préoccupations de ses membres au sujet du projet de loi C-68. Merci.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant entendre l'Association des collectionneurs d'armes semi-automatiques du Québec, M. Torino ou M. Panagiotidis.

Je vois qu'il y a également M. Caron qui vous accompagne.

M. Torino: Oui, M. Caron est ici également. Monsieur le président, s'est moi qui vous présenterai notre exposé.

Nous, les représentants de l'Association des collectionneurs d'armes semi-automatiques du Québec, aimerions tout d'abord remercier votre Comité de nous avoir invités à venir présenter la position et les préoccupations de nos membres au sujet du projet de loi C-68. Le but de notre présentation est de vous mettre au courant de l'opinion et de la position de nos membres concernant la propriété d'armes à feu ainsi qu'une deuxième demande afin que soit créée une catégorie distincte pour collectionneur, c'est-à-dire une catégorie «véritable collectionneur d'armes à feu» pour tout permis futur pouvant être exigé.

En outre, nous allons parler des catégories d'armes à feu interdites et du fait que nous nous attendions à ce qu'il soit de nouveau permis que la propriété de ces armes à feu soit transférée entre personnes qualifiées. De tels transferts ont été interdits conformément aux divers décrets de novembre 1994. Certains amendements ont été apportés, conformément au communiqué de presse que nous avons reçu en date du 14 février 1995. Cependant, nous n'avons pu obtenir d'éclaircissements à ce sujet jusqu'à présent.

.1020

Le ministre de la Justice Allan Rock a déclaré, selon un article publié dans le Montreal Gazette le 24 avril, que la constitution de réserves d'armes était dangereuse pour la société et qu'on ne pouvait tolérer de milices au Canada. Nous ne voyons pas quel peut être le rapport entre l'une ou l'autre et ni quel est le lien avec le véritable collectionneur d'armes à feu. Cependant, en dépeignant les véritables collectionneurs d'armes à feu de la même façon que les fanatiques dangereux aux États-Unis qui ont fait exploser une bombe à Oklahoma City, il est en train de créer une situation très dangereuse et qui pourrait être fort préjudiciable.

Il est tout à fait incroyable qu'un ministre de la Justice mette les collectionneurs d'armes à feu sur un même pied d'égalité que les terroristes. Cela crée dans l'esprit des gens un problème qui n'existe pas vraiment. Cependant, le ministre de la Justice propose une solution à ce problème qui n'existe pas: l'enregistrement universel, qui, dit-il, empêchera la constitution de réserves d'armes et la création d'une milice. Cette disposition s'appliquerait directement aux armes de feu appartenant légalement à des collectionneurs et à ceux qui pratiquent le tir à la cible, mais plus particulièrement aux collectionneurs à ce moment-ci.

Quelqu'un de rationnel comprendrait que les étapes nécessaires pour empêcher de tels actes de violence ne comprennent pas l'enregistrement volontaire de toutes les armes à feu. Cependant, ce sont des arguments qu'on a fait valoir par le passé, à l'époque où les projets de loi C-80 et C-17 avaient été présentés, avec les résultats prédits.

Il est presque impossible pour nous de croire que votre Comité accepte que l'enregistrement volontaire ou obligatoire d'un nombre inconnu d'armes à feu appartenant à un nombre inconnu de Canadiens sera la solution pour éliminer le crime, la violence familiale ou les actes de terrorisme. Comme d'autres, nos membres estiment qu'il s'agit d'une solution impossible qui n'a pas fonctionné dans d'autres pays où le terrorisme et la violence font malheureusement partie de la vie.

J'aimerais maintenant faire des observations concernant le témoignage récent que votre Comité aurait entendu paraît-il la semaine dernière de la part de fonctionnaires de la Santé publique, soit le 28 avril, concernant les 1 400 décès annuels par accident, suicide et homicide causés par une arme à feu. En se basant sur une étude qui a été faite aux États-Unis de 4 millions de dollars pour chaque décès violent prématuré, on a dit que le coût s'élèverait à environ 6 milliards de dollars au Canada par an. Nous sommes d'accord que cela représente beaucoup d'argent et ce qui est encore plus important, en nombre de vies perdues inutilement. Cependant, dans ces témoignages, on n'a pas parlé des autres 11 600 décès attribuables à ces trois causes au Canada chaque année, c'est-à-dire les suicides, les homicides et les accidents. D'après leurs chiffres, cela ferait grimper le coût à environ 46 milliards de dollars.

Il ne fait aucun doute que les efforts du gouvernement et les fonds publics devraient servir à réduire le nombre de ces décès. On dit qu'il pourrait coûter jusqu'à 500 millions de dollars pour appliquer ce nouveau système d'enregistrement des armes à feu. À notre avis, ce montant devrait plutôt servir à sensibiliser les gens aux valeurs familiales, à la pauvreté, à la violence et pour enseigner aux gens à être responsables de leurs propres actes, ce qui semble être un gros problème dans la société aujourd'hui.

La définition d'un collectionneur d'armes à feu, à notre avis du moins, est la suivante: une personne qui collectionne ou accumule de nombreuses armes à feu pour étudier leurs aspects historique, technique et scientifique. Voilà ce qu'est et ce que fait un collectionneur. À notre connaissance, et d'après les collectionneurs que nous connaissons, ce ne sont pas des gens prédisposés à la violence. Un collectionneur est une personne qui accumule, collectionne le plus grand assortiment possible d'armes à feu du type qui l'intéresse pour les raisons précitées.

On doit dire à ce moment-ci qu'une grande collection d'armes à feu comprend de nombreuses centaines de variétés de différentes armes à feu qui intéressent le collectionneur particulier à un moment particulier à cause de leur caractère individuel, de leur rareté, de leur importance historique, des marques de construction, etc. Il existe également de nombreuses collections plus petites; cependant, la valeur de ces collections varie pour atteindre des centaines de milliers de dollars et le collectionneur individuel y a investi toutes ses économies.

Le collectionneur véritable n'a pas été une menace pour la société ou le gouvernement par le passé, et à notre avis, rien n'indique que le collectionneur véritable ne puisse constituer une menace, à l'heure actuelle ou à l'avenir, à qui que ce soit de quelque façon que ce soit, sauf peut-être pour son propre portefeuille.

Lors d'une assemblée récente de notre association en vue de préparer ce mémoire, les membres et d'autres nous ont donné le mandat d'exiger en leur nom la création de cette catégorie de collectionneur d'armes à feu véritables comme sixième catégorie possible d'autorisation d'acquisition d'armes à feu, tel qu'il a été proposé. Nous croyons que cette proposition, ainsi que les méthodes de mise en oeuvre qui ont été proposées, contribueraient dans une large mesure à éliminer tous les indésirables qui pourraient exister en exigeant qu'une personne demande le statut de collectionneur d'armes à feu véritable et soit acceptée en tant que tel aux termes du règlement qui s'applique à l'heure actuelle. En exigeant en outre que celui qui demande le statut de collectionneur soit membre d'une organisation de collectionneurs et réponde à tous les critères, cela diminuerait effectivement la possibilité que des indésirables demandent le statut de collectionneur.

.1025

Etant donné que les règles s'appliquent actuellement à tous les tirs sur cible et que, au Québec, elles s'appliquent actuellement à quiconque demande un permis de possession d'armes à feu à autorisation restreinte, nous croyons que ça fonctionnerait.

Nos membres ont trois principales préoccupations concernant le projet de loi C-68.

La première, c'est l'élimination de la catégorie de véritables collectionneurs d'armes à feu. Le paragraphe 27d) et l'article 29 de la Loi sur les armes à feu ne font plus aucune mention de cette catégorie. Elles traitent des exigences, mais elle ne prévoit rien de particulier pour cette catégorie distincte de propriétaire d'armes à feu.

Deuxièmement, nos membres craignent de perdre les armes à feu qu'ils possèdent actuellement aux termes des articles 58 et 121 qui portent sur l'expiration du certificat d'enregistrement dans cinq ans.

Les articles 65 et 69 permettent au contrôleur des armes à feu de déterminer si ces armes servent aux fins dont je viens de parler, à savoir la collection et le tir sur cible. Nos membres craignent qu'on leur confisque leurs armes sous prétexte que le directeur de l'enregistrement des armes à feu ou quelqu'un d'autre estime que ces armes ne servent pas aux fins pour lesquelles elles ont été achetées, qu'on révoque leur certificat et qu'on confisque leurs armes à feu.

Les articles 72 et 74 traitent du renvoi d'une demande à la cour; toutefois, le fardeau de la preuve incombe au demandeur. Cela équivaut pour nous à une présomption de culpabilité pour les demandeurs et est contraire aux principes de justice qui prévalent au Canada.

À la lumière de ces trois dispositions, il n'est pas étonnant que la raison pour laquelle bien des collectionneurs et propriétaires d'armes à feu craignent l'adoption du projet de loi C-68 soit la crainte d'une confiscation totale des armes à feu.

Le troisième point est celui de l'inspection, de la fouille et de la saisie sans mandat.

Les articles 99 à 101 prévoient que toute personne désignée peut entrer n'importe où, n'importe quand, pour inspecter les armes à feu, ouvrir des contenants, prendre les échantillons, etc.

Le paragraphe 99(3) stipule que l'inspecteur qui prend une échantillon peut ensuite en disposer de la façon qu'il estime indiquée. Pour notre part, ce paragraphe ouvre la voie aux saisies sans quelque recours que ce soit. Nous craignons que cette procédure ne soit pas équitable ou que les propriétaires d'armes à feu ne soient pas protégés contre l'auto-incrimination.

L'article 100 exige des propriétaires d'armes à feu ou de quiconque présent qu'il aide l'inspecteur. Comme l'a fait remarquer un de nos membres, celui qui est accusé de meurtre n'est pas tenu de témoigner contre lui-même. On ne veut peut-être pas placer qui que ce soit dans cette catégorie, mais nous estimons qu'il s'agit néanmoins d'auto-incrimination.

L'article 101 et l'article 117.04 proposés stipulent que l'inspecteur ne peut entrer dans un logement sans le consentement de l'occupant ou sans mandat, mais l'article 117.04 du Code criminel semble indiquer que si le policier estime avoir des motifs raisonnables de croire que l'occupant ne devrait pas posséder d'arme, il peut effectuer une perquisition et une saisie. Pour notre part, nous estimons que cela constitue une perquisition et une saisie sans mandat et sans règle aucune.

Les articles 110 et 112 permettent au gouverneur en conseil d'adopter des règlements concernant la constitution de collections d'armes à feu et l'oblige à déposer chaque proposition du règlement à chaque Chambre du Parlement. Toutefois, l'article 112 stipule que ces règlements peuvent être adoptés sans avoir été déposés à la Chambre, et le paragraphe 112(6) confère au ministre le droit d'adopter les règlements, à sa discrétion. Un collectionneur ou un tireur sur cible pourrait aussi être reconnu coupable d'une infraction créée par un règlement sans avoir été informé de l'existence de cette nouvelle infraction.

L'article 117.15 du Code criminel modifie la procédure de décret; dorénavant, toute arme à feu pourrait être prohibée si, de l'avis du gouverneur en conseil, il n'est pas raisonnable de l'utiliser au Canada pour la chasse ou le sport. Ce changement provient du libellé du paragraphe 84(1) actuel du Code criminel et est rarement invoqué.

C'est cet aspect du projet de loi C-68 que craignent le plus les collectionneurs, le droit qu'aura le gouvernement de faire ce qu'il veut pour interdire telle ou telle arme, révoquer tel certificat, même pour des armes dûment enregistrées, et révoquer tels permis de possession qu'il souhaite. En outre, ces mesures peuvent être prises par décret ou par règlement qui n'auront pas, de l'avis du ministre de la Justice ou de tout autre organe gouvernemental, à être déposées au Parlement pour examen ou étudiées par les Canadiens intéressés.

.1030

Nos membres nous ont demandé également d'obtenir de votre comité, lorsqu'il aura terminé ses audiences, une garantie selon laquelle les collectionneurs jouiront des droits acquis et pourront échanger entre eux les armes à feu faisant l'objet d'une interdiction. Encore une fois, nous demandons que tous les collectionneurs soient considérés comme de véritables collectionneurs d'armes à feu qui répondent aux critères, et ce, afin de prévenir tout abus possible de l'appartenance à cette catégorie.

Voici nos conclusions et recommandations.

Nous avons tenté de montrer pourquoi nos membres ont de grandes préoccupations concernant le projet de loi C-68 en traitant des dispositions précises du projet de loi et en vous renvoyant à notre mémoire du 4 janvier. Nous avons aussi tenté de faire des suggestions sur un sujet qui semble intéresser le gouvernement, celui des collectionneurs. Ces recommandations ont été formulées par des collectionneurs d'expérience qui sont tout disposés à aider les gouvernements à surmonter les problèmes qui existent à cet égard.

Nous estimons que le projet de loi est, au mieux, défectueux et, même, dangereux pour la démocratie canadienne en ce sens qu'il ne prévoit pas de freins et de contrepoids qui permettent à la population d'examiner toutes les réformes. On ne peut faire fi des droits d'une partie importante de la population canadienne, les mettre en veilleuse ou les oblitérer sans en envisager les conséquences. En outre, dans très peu de temps, le gouvernement sera dans une position difficile puisqu'il lui faudra expliquer aux électeurs canadiens pourquoi le projet de loi C-68 n'a pas donné les résultats escomptés et proposer de nouvelles mesures pour régler les problèmes qui ne l'auront pas été.

Voici nos recommandations.

Premièrement, nous estimons que le gouvernement, ou les porte-parole du gouvernement, devraient cesser de dire de façon désobligeante que la constitution de réserves d'armes à des fins criminelles est reliée aux loisirs que sont la constitution de collection d'armes à feu et le tir à la cible. Il devrait aussi cesser de lier l'activité criminelle à la possession légale d'armes à feu.

Nous croyons aussi que le gouvernement ne devrait pas instaurer l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu sous prétexte de régler les problèmes de violence et de criminalité que connaît actuellement le Canada. Le ministre de la Justice devra tout simplement nous expliquer sous peu pourquoi son projet de loi a échoué.

Il ne faut pas interdire toutes les armes à feu, comme on l'a fait par décret, y compris les quelque 550 000 armes de poing qui avaient déjà été enregistrées et qu'on avait vraiment proposé d'interdire alors qu'elles n'ont été la source d'aucun problème particulier pour notre société au cours des 60 dernières années.

Les articles 110 à 112 et 117 du Code criminel confèrent au gouvernement le pouvoir illimité de légiférer sans qu'il soit nécessaire de présenter ces mesures législatives à la population. On doit se pencher sur cette proposition. D'après nous, elle mine grandement le peu de confiance qu'on a encore à l'égard des politiques gouvernementales.

On devrait permettre le libre-échange de toutes les armes à feu entre les différentes catégories de propriétaires d'armes à feu. Toute mesure contraire ne permettra pas de régler le véritable problème; elle ne fera que créer les difficultés financières et de la colère plutôt que d'accroître le soutien dont pourrait jouir la position du gouvernement.

On devrait créer une catégorie de véritables collectionneurs d'armes à feu afin d'éloigner les indésirables pour ainsi justifier leurs activités; qu'on laisse aux différentes associations le soin d'appliquer le règlement parmi leurs propres membres, en collaboration avec les autorités locales, comme le font actuellement les clubs de propriétaires d'armes à feu.

On devrait prévoir, contrairement à ce qui a été fait en vertu du projet de loi C-17, suffisamment de fonds publics pour assurer, à long terme, la formation des propriétaires d'armes à feu à leur maniement et à leur entreposage sécuritaire. Cette recommandation figurait dans le rapport du coroner rendu public, à Montréal, en novembre 1994.

Enfin, on devrait consacrer les 300 millions à 500 millions de dollars que nécessiteront l'enregistrement universel des armes à feu à enseigner aux jeunes et à d'autres la dignité, l'autonomie et la responsabilité.

Merci beaucoup, monsieur le président, et messieurs et mesdames les membres du comité.

Le président: Merci.

Nous passons maintenant à la période de questions. Je demanderai aux membres du comité d'indiquer à quel témoin leurs questions s'adressent puisqu'il y a plusieurs témoins représentant trois groupes différents. Vous pouvez aussi nous indiquer si vous souhaitez que les trois groupes des témoins répondent à votre question.

.1035

[Français]

Madame Venne, vous avez 10 minutes.

Mme Venne (Saint-Hubert): Bonjour, messieurs et madame.

Ma première question s'adresse aux représentants de l'Association de collectionneurs d'armes de l'Ontario. J'aimerais qu'un de vos membres puisse répondre à mes questions.

Premièrement, j'aimerais savoir ce que signifient les mots «NRA affiliated» qu'on trouve sur votre en-tête de lettre. Je m'en doute un peu, mais je veux que vous me l'expliquiez.

J'aimerais également savoir si vous appuyez les positions de la National Rifle Association. Quels sont vos contacts avec elle? Est-ce que vous utilisez ses ressources, son financement?

[Traduction]

Le président: Qui voudrait répondre à la question?

M. Bateman: Je répondrai à la question.

Ce qui figure à l'en-tête du papier à lettre de notre association indique simplement que notre association est un groupe qui s'intéresse à la conservation des armes à feu et qui entretient des liens avec la National Rifle Association. Nous faisons partie de cette association, mais c'est tout, nous n'avons pas d'autres liens avec la NRA. Nous n'utilisons pas ses ressources, ni ses fonds, ni ses informations.

L'Association des collectionneurs d'armes à feu de l'Ontario est une entité ontarienne et canadienne depuis plus de 40 ans et elle ne dépend de personne pour arrêter ses positions sur les questions qui la touchent.

[Français]

Mme Venne: Vous me dites que vous êtes affiliés à la National Rifle Association et c'est tout. Lorsqu'on est affilié à un groupe, c'est pour une raison. Normalement, c'est que l'on partage son point de vue. Quand on s'associe à quelqu'un, c'est pour cela.

Ce qui m'intrigue aussi, c'est que la National Rifle Association, comme vous le savez, a décidé de nous menacer d'un boycott sur la pêche et la chasse au Canada. Je trouve étonnant que vous disiez que vous soyez affiliés à ce genre de personnes qui veulent boycotter la pêche et la chasse au Canada l'été prochain ou l'été suivant.

[Traduction]

M. Bateman: Je crois qu'il est exagéré de présumer que les membres d'un groupe souscrivent automatiquement à toutes ses positions. La National Rifle Association est un regroupement américain qui a un point de vue particulier fondé sur l'expérience américaine. L'Association des collectionneurs d'armes à feu de l'Ontario a son propre point de vue, fondé sur l'expérience ontarienne et surtout canadienne.

Cette mention sur l'en-tête de notre papier à lettre indique simplement que, dans sa portée, dans ses activités, dans ses intérêts, notre association ne se limite pas à l'Ontario.

Si je peux me le permettre, je vous donne un exemple. Ainsi, un nombre des administrateurs de notre Association ont récemment été invités à participer à une compétition de tir à la poudre sèche en Afrique du Sud. Ils viennent de rentrer au pays et ils se sont très bien classés dans cette compétition. Les intérêts et les activités de notre association ne se limitent pas à l'Ontario; de même, les collectionneurs d'armes à feu ne constituent pas un groupe limité qui exerce ses activités dans une région limitée.

.1040

[Français]

Mme Venne: Je pense que vous vous éloignez un peu du sujet. De toute façon, j'ai eu ma réponse au sujet de votre association, la National Rifle Association.

[Traduction]

Mme Ross: Pourrais-je aussi répondre à cette question, madame Venne? J'aimerais ajouter quelque chose.

[Français]

Mme Venne: On m'a déjà donné la réponse. J'aimerais continuer car notre temps de parole de 10 minutes chacun, pour la première ronde, est limité. Mon collègue aura les 10 prochaines minutes. J'aimerais passer à une autre question.

[Traduction]

Mme Ross: Je voulais mentionner autre chose.

Le président: Les membres du comité ont eu droit de poser des questions aux témoins. Si Mme Venne pose une question aux Collectionneurs de l'Ontario et que M. Bateman répond à la question au nom de cette association, Mme Venne a maintenant le droit de poser une autre question. Son temps de parole est limité et elle peut poser ses questions à n'importe quel témoin.

[Français]

Mme Venne: J'ai une autre question pour l'Association des collectionneurs d'armes de l'Ontario. Au sujet de la lettre que vous avez envoyée à vos membres le 26 mai 1994, dans laquelle vous dites que l'intention du gouvernement fédéral est de... Je vais vous citer:

[Traduction]

[Français]

Ce matin, pouvez-vous me dire sérieusement que c'est ce qu'il y a dans le projet de loi C-68?

[Traduction]

Le président: Et vous pouvez décider entre vous qui répondra à la question.

[Français]

Mme Venne: C'est l'Association des collectionneurs d'armes de l'Ontario.

[Traduction]

M. Ramsay (Crowfoot): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Jusqu'à présent, nous n'avons pas empêché les témoins de répondre aux questions.

Le président: C'est exact, et nous n'avons pas encore commencé à le faire.

M. Ramsay: Pour ma part, j'estime que c'est précisément ce qui se passe ici ce matin. Si les témoins souhaitent répondre de façon plus détaillée aux questions, ils devraient pouvoir le faire.

Le président: J'espère qu'ils auront la possibilité de le faire ce matin, mais Mme Venne peut faire ce qu'elle veut de ses dix minutes, tout comme vous êtes maître de vos dix minutes. Je vous ai déjà entendu, monsieur Ramsay passer rapidement à d'autres questions; c'est votre droit.

M. Ramsay: Je n'ai jamais bâillonné les témoins.

Le président: Mme Venne a posé sa question à l'Association, et non pas à M. Bateman. Elle a permis à l'Association de choisir lequel de ses représentants répondrait à la question et c'estM. Bateman qui a décidé d'y répondre. Elle veut maintenant aborder un autre sujet.

J'espère que pendant notre séance de ce matin, les autres témoins auront l'occasion d'intervenir s'ils le souhaitent et de répondre aux diverses questions qui seront posées. Vous pouvez donner suite à ces questions, si vous le souhaitez, tout comme pourront le faire les autres membres du comité.

M. Ramsay: Je tenais à exprimer ma préoccupation aux fins du compte rendu, monsieur le président. Merci.

Le président: C'est très bien.

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: J'espère que vous n'avez pas pris votre temps de parole sur le mien, monsieur le président.

Le président: Non, pas du tout.

Mme Venne: Merci.

Ma question a été posée. Est-ce qu'un représentant de l'Ontario peut nous répondre?

[Traduction]

M. Bateman: C'est encore moi qui répondrai à la question.

Vous avez un avantage, en ce sens que vous avez sous les yeux une copie de la lettre à laquelle vous faites allusion. Je présume que c'est l'un des bulletins que nous envoyons régulièrement.

N'oubliez pas dans quel contexte ces remarques ont été rédigées. Je ne suis pas certain que nous avions eu l'occasion d'examiner attentivement le projet de loi. J'attirerai d'ailleurs l'attention des membres du comité sur le fait que le texte intégral du projet de loi n'a été disponible que très récemment et que l'Association des collectionneurs d'armes à feu de l'Ontario, comme tout groupe qui ignorait dans quelles mesures il serait touché dans ce projet de loi, avait des appréhensions quant au contenu du projet de loi.

En ce qui a trait à l'extrait de la lettre que vous avez cité, je crois qu'il portait plus précisément sur le coût prévu de l'enregistrement. Pour autant que je sache, on n'a pas encore pu déterminer précisément combien coûtera l'enregistrement des armes à feu, et certains des témoins que vous avez entendus aujourd'hui ont exprimé de grandes inquiétudes à ce sujet.

Dans la lettre en question, on dit craindre que le projet de loi ne prévoie la confiscation de certains articles. Encore une fois, votre comité a entendu aujourd'hui des préoccupations importantes de collectionneurs à ce sujet.

Je serais ravi d'analyser le contenu du bulletin en détails si vous m'en donniez une copie, mais je crois que les points que vous soulevez constituent simplement des préoccupations légitimes que les administrateurs de notre association voulaient communiquer aux membres. Pour autant que je sache, cette lettre n'a été envoyée qu'à nos membres; C'est donc un document interne exprimant nos préoccupations.

.1045

[Français]

Mme Venne: Vous avouez qu'au moment où vous aviez écrit cette lettre, vous ne connaissiez pas le projet de loi, et moi non plus. De toute façon, vous avez envoyé une lettre qui présumait certaines choses qui ne sont pas dans le projet de loi. Je ne vois pas quel était votre intérêt à renseigner vos membres de cette façon.

Mon autre question s'adresse à chacun des groupes. Chacun d'entre vous peut y répondre s'il le veut.

Pensez-vous qu'il devrait y avoir une limite au nombre d'armes à feu que chaque individu peut posséder et garder chez lui, à la maison? Pensez-vous qu'il doit y avoir une limite là-dessus ou si ça doit être illimité? Chacun des groupes peut me répondre.

[Traduction]

Le président: Commençons par le groupe de Québec... puis nous passerons à celui de l'Ontario et à celui de la Saskatchewan. Mme Venne a posé une question. Vous n'êtes pas obligés d'y répondre, mais elle a demandé si vous souhaitez faire des observations.

M. Torino: Oui, monsieur le président, je vais faire quelques observations.

Permettez-moi de revenir à ce que j'ai dit auparavant quand j'ai défini ce qu'est un collectionneur. Un collectionneur accumule autant d'armes à feu, autant de types d'armes à feu, etc., qu'il juge souhaitable d'avoir dans la catégorie qui l'intéresse.

Si quelqu'un répond aux exigences selon l'enquête en vertu du Code criminel, c'est-à-dire si cette personne a franchi sans encombre toutes les étapes de l'enquête - particulièrement au Québec, où les règles sont plus sévères que tout ce que nous avons connu jusqu'ici - et si elle remplit toutes les conditions des règlements sur l'entreposage, je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir une limite. L'on n'impose aucune limite aux collectionneurs de tableaux, de pièces de monnaie ou de timbres.

Vous allez me dire que ce sont des choses qui ne sont pas dangereuses. Je suis d'accord avec vous. Elles ne le sont pas...

[Français]

Mme Venne: Un cadre, ça ne tue pas. La différence, c'est qu'un cadre, des timbres ou des pièces de monnaie, ça ne tue pas. C'est la raison pour laquelle je vous demandais si vous croyiez qu'il devrait y avoir une limite. Vous me dites qu'il ne devrait pas y en avoir. On peut en avoir 100, 200 ou 300; cela n'a pas d'importance. C'est votre réponse. Merci.

Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

[Traduction]

M. George Panagiotidis (vice-président, Association des collectionneurs d'armes à feu semi-automatiques du Québec Inc.): J'aimerais faire quelques observations à ce sujet. Vous avez déclaré qu'essentiellement, chaque fois que quelqu'un meurt, il y a une arme à feu en cause. Permettez-moi de ne pas être d'accord. Vous pourriez tout aussi bien dire que l'automobile est un engin qui tue des milliers de gens chaque année.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir respecter mon point de vue, tout comme je respecte les arguments que vous avancez, madame Venne. Nous sommes ici, je pense, pour discuter sérieusement, et si vous ne voulez pas avoir la politesse de m'écouter, alors, au fond, à quoi cela sert-il que nous soyons ici?

Je voudrais, encore une fois, faire valoir mon argument. Un collectionneur de voitures, quelqu'un qui collectionne les avions... Il s'agit dans tous les cas de collectionner des engins. C'est à ces engins que vous accordez le plus d'importance et non à la personne qui peut être la cause du problème qui nous occupe.

[Français]

Mme Venne: Je ne vous insulte pas. Je vous dis que je ne partage pas votre point de vue.

Y a-t-il d'autres points de vue?

[Traduction]

Le président: L'Ontario et la Saskatchewan? Major Holmes?

M. Holmes: Je dirais que les autorités se montreraient plus perspicaces si elles autorisaient le regroupement de 300 armes à feu dans un seul et même endroit; je n'ai pas 300 mains. Le problème se complique infiniment plus pour la police s'il existe 300 armes à feu dans 300 endroits différents.

En outre, les gens qui possèdent une grande quantité de pièces de collection ont davantage tendance à se doter de systèmes de sécurité, à mettre leur collection sous clé. Certains des objets que vous voyez sur la table, là-bas, ont une valeur assurée, et ma compagnie d'assurance exige que je prenne des mesures parfois plus sévères que celles qui sont fixées par la loi pour m'accorder la couverture dont j'ai besoin pour ce genre d'objet.

Il est préférable qu'il y ait des collections importantes dans un petit nombre d'endroit plutôt que des armes à feu disséminées ça et là dans les collectivités.

[Français]

Mme Venne: Le nombre d'armes à feu qu'on possède à la maison peut être illimité.

[Traduction]

M. Holmes: Il faut une intervention humaine pour décharger une arme à feu. Le nombre de gens qui se trouvent dans l'endroit en question ainsi que leur personnalité sont plus importants que le nombre d'armes à feu.

.1050

[Français]

Mme Venne: Est-ce que vous pourriez répondre directement à ma question? Selon vous, le fait d'être en possession d'un nombre illimité d'armes à feu à la maison devrait-il être traduit dans la loi?

[Traduction]

M. Holmes: Si ce sont des armes que vous possédez légalement et si elles sont entreposées de façon responsable dans les conditions fixées par la loi, je vous répond oui, sans réserve.

Mme Ross: La question de Mme Venne, tout comme le projet de loi C-68, d'ailleurs, montre bien que l'on ne saisit pas quel est le véritable problème. Le problème, ce sont les crimes de violence. Ce n'est pas le fait que les gens possèdent légalement des armes à feu.

Ces armes à feu sont entreposées en toute sécurité. Les gens qui les possèdent ont satisfait à toutes les conditions pour obtenir l'autorisation nécessaire et il n'y pas de problème. Il est évident qu'ils peuvent avoir - et que l'on devrait les autoriser à avoir - autant d'armes à feu qu'ils le souhaitent.

Avec tout le respect que je vous dois, lorsque vous posez une question de ce genre, cela montre, à mon avis, que vous ne savez pas quel est le vrai problème. Le problème qui préoccupe les Canadiens, c'est la violence. Peu importe ce qui est utilisé pour commettre les crimes de violence, des armes à feu ou autres. De mon point de vue, c'est plutôt cela dont nous devrions nous occuper.

Le président: Le temps imparti est écoulé, mais je vais permettre au groupe de la Saskatchewan de répondre s'il le souhaite.

M. Tom Lewis (président, Saskatchewan Gun Collectors Association): De notre point de vue, il ne devrait pas y avoir de limite. Un collectionneur est un collectionneur. Il satisfait déjà à toutes les conditions requises pour l'entreposage. Il a acheté ses armes, ou on lui en a cédé, selon le cas, légalement.

D'après ce que je peux voir, le projet de loi C-68 a été conçu pour contrôler la criminalité, et non, de fait... Selon moi, l'objet principal du projet de loi, c'est le lien entre le crime et les armes à feu, et non le fait d'en avoir chez soi.

M. Ramsay: J'aimerais dire quelques mots sur la correspondance échangée entre divers groupes d'intérêt à l'époque où des ballons d'essai avaient été lancés, il y a de cela plus d'un an. Nous ne pouvons pas, il me semble, prendre à partie des gens qui se sont inquiétés des déclarations faites par le ministre de la Justice, par exemple, que seuls les policiers et les militaires devraient avoir des armes à feu. Nous ne pouvons pas, il me semble, juger irrecevables les préoccupations exprimées à la suite de telles déclarations, y compris celles où le ministre de la Justice a parlé de créer des zones où les armes à feu seraient bannies, et a proposé que l'on procède ainsi dans les villes et que l'on entrepose les armes à feu dans des endroits ou des bâtiments réservés à cette fin. Nous ne pouvons pas, il me semble, blâmer, écarter ou critiquer les organismes qui entendent ce genre de chose avant que le projet de loi ne soit rendu public et qui expriment leurs préoccupations, par écrit ou d'une autre manière.

C'est un simple commentaire.

De fait, lorsqu'il a comparu devant nous, le ministre de la Justice nous a montré une pétition que, d'après lui, je lui avais présentée, même si je n'ai jamais, de ma vie, présenté de pétition au ministre de la Justice. Il y a déclaré, sur la foi du contenu de cette pétition, qu'il était disposé à la signer. Et bien, comment peut-on blâmer les gens de se regrouper et d'exprimer leurs préoccupations lorsqu'on lance de tels ballons d'essai avant de rendre le projet de loi public?

Il est tout à fait normal, quand on voit ce qui s'est passé en ce domaine depuis les années soixante-dix, que graduellement, on cherche à juguler ce que l'on appelle la prolifération des armes à feu au sein de notre société. Les gens qui sont respectueux des lois ont non seulement le droit, mais une propension à exprimer leur point de vue dans les lettres qu'ils adressent à leur député ou qu'ils échangent les uns avec les autres au sein d'une même association.

J'aimerais passer au coût. J'ai de nombreuses questions à vous poser; peut-être pourrions-nous commencer par celle-ci. Je m'adresse à M. Henderson étant donné qu'il est un ancien agent de la GRC.

Le ministre de la Justice a déclaré que les armes de calibre .32 et de calibre .25 ainsi que toutes celles dont le canon mesure moins de 105 mm allaient être prohibées car le canon est trop court pour assurer la précision de ces armes et qu'elles sont tout simplement faites pour tuer. Du temps où je faisais partie de la Gendarmerie royale, j'ai rencontré non seulement des policiers en civils qui faisaient partie de notre propre service, mais également des membres d'autres services de police qui étaient armés de Smith et Wesson de calibre .38 spécial à canon très court; il est certain que le canon de leur arme mesurait moins de 105 millimètres.

.1055

Tout d'abord, savez-vous s'il y a des policiers qui portent des armes de poing dont le canon mesure moins de 105 millimètres? Si le ministre de la Justice a raison, pourquoi diable les gouvernements, à tous les niveaux, armeraient-ils nos agents de la force publique d'une arme à feu qui ne leur assure pas un tir de précision?

M. Henderson: Certains policiers en civil canadiens, notamment les agents de la GRC, sont armés d'un revolver Smith et Wesson de calibre .37 spécial dont le canon mesure deux pouces.

La GRC trouve tout simplement stupéfiantes certaines des politiques proposées par le gouvernement actuellement en place et se demande comment contourner des règlements qui, de fait, éliminent un grand nombre des armes qui font partie de l'équipement et que portent le personnel, notamment les policiers en civil. Je sais que le détachement de la GRC à Régina - l'Académie de formation - a écrit au ministre de la Justice pour lui dire qu'il lui est impossible d'observer ces règlements parce que...

Pour vous donner un bon exemple, je prendrai celui d'une fédération de Régina qui requiert que chaque arme appartenant à l'organisme soit enregistrée par un de ses membres sous son propre nom. Si l'on applique ce principe à la GRC, cela veut dire que toutes les armes de poing utilisées pour la formation des recrues, etc, des revolvers de calibre .22 et .38 spécial, ne pourront pas être collectivement enregistrées par la GRC. Ce sont des règlements qu'on essaie de faire accepter de gré ou de force.

M. Ramsay: Au fur et à mesure que j'examine ce gros document et que je le connais de mieux en mieux - ce que j'ai davantage tendance à faire tous les jours lorsque j'entends des témoins faire état des préoccupations que suscitent ce projet de loi... Naturellement, je n'ai jamais eu un point de vue dogmatique sur l'enregistrement des armes à feu, j'ai plutôt essayé d'appliquer les règles du bon sens. Personne n'a pu m'expliquer comment l'enregistrement de carabines et de fusils de chasse va permettre de limiter l'usage criminel que l'on fait de ces armes. Par conséquent, je mets le gouvernement au défi de me montrer comment cela va arriver.

Si j'ai tort et si c'est le gouvernement qui a raison, alors, je pose la question suivante: Si l'enregistrement des carabines et des fusils de chasse va permettre de limiter le nombre de décès dû à l'usage de ces armes à feu, pourquoi le ministre de la Justice ne rend-t-il pas cela obligatoire avant l'année 2003? Pourquoi n'agissons-nous pas aussi rapidement que possible pour sauver des vies? Et si les 58 p. 100 d'armes de poing qui vont être prohibées sont vraiment dangereuses pour la société, pourquoi ne décide-t-on pas de les faire disparaître?

Pour moi, c'est en cela que cette mesure législative ainsi que le raisonnement sur lequel elle s'appuie sont incohérents.

J'aimerais que chaque groupe commente ces deux points, en commençant peut-être par la délégation du Québec.

M. Jean-Claude Caron (directeur, Association des collectionneurs d'armes à feu semi-automatiques du Québec inc.): Essentiellement, il y a une chose qui n'a aucun sens dans le projet de loi C-68, c'est la classification des armes à feu. Nous nous y connaissons en armes à feu, et toute arme à feu, quelle qu'elle soit, peut servir à commettre un crime lorsqu'elle n'est pas en bonnes mains. Prohiber une certaine catégorie d'armes à feu, c'est dire que, d'un côté, il y a de bonnes armes, et de l'autre, de mauvaises armes, ce qui est totalement absurde. Cela ne tient absolument pas compte du rôle du criminel. Le criminel n'a pas besoin d'une arme à feu sophistiquée qui coûte plusieurs milliers de dollars pour commettre un crime. Il a juste besoin de quelque chose qui servira à ses fins.

L'enregistrement des armes à feu à autorisation restreinte ne s'est jamais révélé très efficace au Canada. Par conséquent, nous ne sommes pas non plus en faveur de l'enregistrement des armes d'épaule.

S'il y a une chose dont le ministre de la Justice a besoin, c'est de la collaboration des gens qui s'occupent d'activités sportives où l'on utilise des armes à feu, ainsi que des collectionneurs. Tant que l'on maintiendra les ordonnances d'interdiction, on aura beaucoup de mal à nous les faire respecter parce qu'à l'heure actuelle, l'avenir est pour nous très incertain.

.1100

M. Ramsay: Le groupe de l'Ontario... si vous voulez répondre à la question.

Mme Ross: Votre question portait en partie sur les dangers présumés de ces engins et vous vous demandiez pourquoi l'on ne s'occupait pas de les enregistrer et, je dirais, de les confisquer, plus rapidement. C'est qu'ils ne sont pas dangereux. Je pense que le ministre le sait. Retirer ces objets de la circulation n'améliorera en rien la sécurité publique. Et il sait que les enregistrer ne fera aucune différence.

Le ministre de la Justice lui-même a déclaré ces derniers jours-et peut-être même que c'était devant ce comité-qu'il sait bien que les criminels ne vont pas enregistrer leurs armes à feu. Par conséquent, il sait qu'il parle uniquement d'armes à feu détenues légalement par leurs propriétaires, il sait qu'elles ne sont pas dangereuses et qu'il n'est pas nécessaire de se presser pour les enregistrer. Il est tout à fait clair que ce que l'on vise au bout du compte, c'est les confisquer et cela peut attendre. Sur le plan politique, ce n'est pas une bonne stratégie d'essayer de faire cela le plus rapidement possible.

Vous vous demandiez pourquoi, si l'idée est de sauver des vies, on ne s'en préoccupe pas davantage. Je vous réponds qu'il est très clair que l'idée n'est pas de sauver des vies. Ce n'est pas cela l'objet de ce projet de loi. Si l'on se préoccupait de sauver des vies, on ne parlerait pas de dépenser-si l'on se fonde sur les prévisions du gouvernement que bien des gens jugent modestes-85 millions de dollars pour mettre en place le système d'enregistrement... ou, d'après d'autres calculs, une somme qui pourrait aller jusqu'à 500 millions de dollars. On utiliserait l'argent pour autre chose.

Si je peux me permettre de mentionner juste une autre façon de dépenser cet argent, prenons les statistiques annuelles sur la mortalité publiées par le gouvernement canadien-j'ai celles de 1992-maintenant celle qui concerne les femmes, les armes à feu-aux mains de criminels, et non détenues légalement-ont été la cause du décès de 69 femmes. La même année, plus de 4 000 femmes sont mortes du cancer du sein. Alors, je vous le demande: si vous voulez sauver des vies, à quoi allez-vous consacrer votre argent?

Le président: Messieurs les délégués de la Saskatchewan, nous avons dépassé les délais impartis, mais, allez-y, répondez.

M. Henderson: Je dirais que nous sommes tout à fait d'accord avec ce qui a été dit et que l'enregistrement de ces armes à feu ne changera en rien l'usage qu'en font les criminels.

M. Gallaway (Sarnia--Lambton): Ce que doivent faire, entre autres, ceux qui sont assis de l'un et de l'autre côté de cette table, c'est essayer de déterminer quelle est l'opinion la plus répandue à propos de ce projet de loi parmi un groupe et également dans quelle mesure cette opinion est objective. C'est difficile, car tout le monde a des préjugés; nous comprenons tous cela.

Je veux poser une question à l'Association des collectionneurs d'armes à feu de l'Ontario, notamment à Mme Ross.

Madame Ross, dans la lettre que vous nous avez adressée le 27 avril, un des arguments que vous avancez c'est que le contrôle des armes à feu n'a rien à voir avec la prévention du suicide. La semaine dernière, nous avons entendu un certain nombre de groupes, par exemple, l'Association canadienne de santé publique, qui nous a transmis un certain nombre d'études indiquant qu'il y avait bel et bien un lien. Nous avons également en dossier une lettre de l'Ontario Council on Suicide Prevention priant instamment ce comité de faire adopter le projet de loi.

À votre avis, ces groupes sont-ils mal informés ou cherchent-ils à nous induire en erreur? Que devons-nous penser?

Mme Ross: Si l'on veut voir les choses sous un bon jour, ils sont mal informés. Mais si l'on veut noircir le tableau, ils cherchent à vous induire en erreur. Je suis convaincu que l'on ne vous a pas fourni des renseignements factuels.

J'ai lu pas mal de choses sur le suicide et les gens qui utilisent des armes à feu pour se suicider entrent dans la catégorie de ceux qui ont définitivement l'intention de mettre fin à leurs jours. Il s'agit généralemen d'hommes et ils choisissent une méthode expéditive. Ce sont des gens qui, s'ils n'ont pas d'arme à feu, vont se jeter sous le métro dans les grandes villes ou sauter d'un pont. Ils ont décidé de se tuer et s'ils n'ont pas un des moyens de le faire, ils vont en utiliser un autre.

.1105

Prenons les différents moyens auxquels les gens ont recours pour se suicider-et l'on trouvera peut-être ce que je veux dire plutôt bizarre-mais si l'on veut abréger les souffrances d'un animal de façon aussi humaine que possible, on lui tire dans la tête. J'ai entendu parler de gens-surtout des jeunes vivant sur les réserves-qui se tuent de façon particulièrement horrible, en buvant des substances toxiques, et qui agonisent pendant des heures avant de mourir. Les gens qui veulent se tuer trouveront un moyen de le faire.

Si l'on cherchait vraiment à prendre des mesures de prévention contre le suicide, on ne penserait pas que le contrôle des armes à feu est une façon d'y arriver. On envisagerait de financer des centres de santé mentale, des programmes de traitement s'adressant aux drogués et aux alcooliques, on chercherait à régler le problème de la pauvreté ainsi que ceux qui existent dans les réserves autochtones. On ne parlerait pas de contrôler les armes à feu.

M. Gallaway: Donc, vous n'êtes pas d'accord pour dire que les armes à feu sont les plus meurtrières lorsqu'on parle du suicide?

Mme Ross: Non. Je pense que le métro est pas mal meurtrier. Je pense que se jeter du haut d'un endroit très élevé, c'est pas mal meurtrier. Les gens qui ont décidé de se suicider utiliseront l'une ou l'autre de ces méthodes.

Il existe un autre groupe de gens qui se suicident en employant d'autres moyens, des moyens plus lents et moins expéditifs, par exemple, des pilules. Généralement, ce sont des femmes et très souvent, ce sont des gens qui espèrent être découverts à temps. Ces gens-là ne vont pas utiliser une arme à feu. Ils vont avoir recours à une autre méthode.

Ceux qui utilisent des armes à feu ont décidé de se tuer d'une façon ou d'une autre; et il y a beaucoup de preuves extrêmement fiables à l'appui de ce que j'avance.

M. Gallaway: Pourquoi, à votre avis, des groupes représentant par exemple les nombreux foyers de transition pour femmes que l'on trouve ici à Ottawa et certainement dans bien d'autres collectivités du Canada sont-ils en faveur du contrôle des armes à feu parce que, selon eux, c'est un moyen de lutter contre la violence dont les femmes sont victimes?

Mme Ross: C'est qu'ils ne comprennent pas vraiment ce dont il est question. Ils n'ont pas vraiment examiné le fond du problème. Prenons la violence familiale, tout d'abord, ceux qui disent que les armes à feu sont les principaux instrument de la violence familiale vous mentent. Ce n'est pas vrai. C'est dénaturer les statistiques.

Dans l'information qui vous est transmise par les gens qui veulent prohiber les armes à feu, on dit sans doute que la cause première des décès dus à la violence familiale, ce sont les armes à feu. Cela ne veut pas dire qu'elles sont la cause du plus grand nombre de décès. On a pu établir que les armes à feu étaient en cause dans 30 p. 100 des cas et que 70 p. 100 des décès étaient dus à d'autres causes. Mais aucun autre moyen n'est utilisé davantage que les armes à feu. En jouant un peu avec les statistiques, on pourrait dire que les armes à feu sont la cause première des décès dus à la violence familiale. De fait, ce n'est pas vrai. D'autres moyens et d'autres instruments, y compris les mains, sont utilisés beaucoup plus souvent.

Il y a une chose que l'on devrait vraiment prendre en compte quand on parle des homicides en général, et particulièrement quand on parle des homicides familiaux, c'est qu'il existe au sein de notre société un groupe qui est particulièrement touché, je veux dire les autochtones. Un plus grand nombre d'homicides familiaux est commis par des autochtones et ce, au moyen d'une arme à feu. Ce groupe est beaucoup plus touché par ce phénomène et l'on devrait vraiment s'attaquer aux causes.

Je ne crois pas que l'on va se précipiter et saisir les fusils de chasse dont se servent généralement les autochtones. Le phénomène a bien évidemment des causes sociales beaucoup plus profondes qui n'ont rien à voir avec le contrôle des armes à feu. Ce qu'il y a de plus dur à accepter dans une mesure comme celle-ci, c'est que certaines personnes qui ne comprennent pas vraiment ce dont il est question pensent que cela va solutionner tous les problèmes. Ce n'est tout simplement pas vrai. Il y aura toujours des problèmes de criminalité, il y aura toujours des problèmes de suicide, il y aura toujours des problèmes de violence familiale, parce que ces problèmes-là, on ne s'en est pas occupés.

M. Gallaway: D'après un article paru en août 1993 dans le Burlington Spectator, vous avez déclaré que les services de police utilisent la coalition pour le contrôle des armes à feu afin de parvenir à leurs propres fins, c'est-à-dire être les seuls à porter des armes. Quelle preuve avez-vous à l'appui de cette déclaration?

Mme Ross: C'est ce que je crois. Je n'ai pas de preuve, même si je sais que la police a toujours voulu-et je pense que c'est compréhensible mais pas souhaitable-détenir tout le pouvoir et toutes les armes à feu. Les services de police estiment que cela leur faciliterait le travail.

.1110

Ce n'est certainement pas l'ensemble de la police qui soutient la coalition. En fait, récemment un groupe de la police - j'en oublie le nom; j'ai le document avec moi et je pourrais vous le donner - a retiré son soutien à la coalition. Je pense qu'un certain nombre de groupes policiers font la même chose. Mais il y a l'Association des chefs de police, qui a été un des premiers groupes à la soutenir. Je n'ai pas de preuve que ce groupe la finance, mais j'ai mes doutes.

M. Gallaway: D'après votre curriculum vitae, vous êtes un tireur pratique. Je crois comprendre que ce type de tireurs visent des cibles ayant une forme humaine. Préconisez-vous le tir comme une forme d'autodéfense?

Mme Ross: Vous m'avez posé là plusieurs questions.

Certaines des cibles utilisées par les militaires sont des dessins de personnes et la police utilise certaines cibles qui sont des silhouettes humaines.

Les tireurs pratiques font partie d'une organisation internationale et la cible est définie selon des normes internationales. Il s'agit d'un morceau de carton beige rectangulaire d'environ 2,5 pieds par environ 18 pouces, avec un carré de six pouces sur la partie supérieure. Je ne dirai pas que c'est une représentation réelle d'une forme humaine, mais je ne nierai pas que c'est quelque chose voulu dans ce sport, qui est une sorte de sport d'imagination. Nous avons des scénarios - c'est fait un sport qui fait appel à l'imagination - et ce sont des scénarios où nous devons nous défendre.

Pour ceux qui s'opposent à la cible, je dirais que si notre cible contient la photographie d'une personne, nous l'utiliserions tout autant. Cela est peut-être de mauvais goût - c'est ce que je trouverais personnellement - mais peut-on adopter des lois simplement parce qu'on trouve quelque chose de mauvais goût ou adopte-t-on des lois pour protéger le public?

Vous m'avez posé une autre question. Ai-je répondu à votre question?

M. Gallaway: J'allais passer à autre chose.

Mme Ross: Je pense que vous m'avez posé une question sur l'autodéfense.

M. Gallaway: Oui en effet.

Mme Ross: Je ne suis pas ici pour préconiser particulièrement l'autodéfense, mais l'autodéfense est un droit dans le droit canadien...

M. Gallaway: Oui.

Mme Ross: ...et le ministre de la Justice a déclaré qu'il souhaite interdire certaines armes à feu dont il pense qu'elles ne sont utilisées que pour l'autodéfense et qui sont en fait des pistolets de cible. Mais il estime que nous devrions avoir le droit d'utiliser des armes à feu pour nous défendre.

Je dis que l'autodéfense est un droit dans le droit canadien, mais ce genre d'affirmation établit une discrimination contre une certaine catégorie de gens dans notre société - les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées - qui, si elles se trouvaient dans une situation où elles auraient besoin de se défendre contre un attaquant, qu'il soit un animal ou humain, qui sera probablement plus plus ou plus fort qu'elles, elles seraient incapables de se défendre à moins d'avoir une arme à feu.

Je pense que lorsqu'on parle des femmes, celles-ci devraient craindre particulièrement de faire l'objet d'une discrimination de cette façon. Je ne préconise pas spécialement cet usage, mais nous devons faire attention lorsque nous parlons de ne pas utiliser les armes à feu pour l'autodéfense alors que l'on pourrait utiliser éventuellement des couteaux ou des bâtons de baseball. Ces derniers peuvent être très violents - il n'y a qu'à penser à Nicole Brown Simpson - mais les femmes sont moins en mesure de les utiliser ou de se défendre à main nue.

Le président: Est-ce un rappel au Règlement?

Mme Torsney (Burlington): Oui. Le témoin a fait une déclaration inexacte au sujet des droits au Canada. Ce n'est pas un droit à l'autodéfense. C'est une défense au criminel, mais ce n'est pas un droit au Canada.

Le président: Ce n'est pas un rappel au Règlement, c'est une question à débattre et nous avons de nombreuses questions qui peuvent faire l'objet d'un débat ou de différence d'opinion, mais ce n'est pas un rappel au Règlement.

Madame Venne

[Français]

Mme Venne: J'aimerais que l'Association des collectionneurs d'armes semi-automatiques du Québec m'explique la différence entre un AK-47 automatique et un AK-47 semi-automatique.

[Traduction]

M. Torino: La différence entre une arme automatique et semi-automatique est qu'une arme automatique va continuer à tirer tant que l'on presse la détente et jusqu'à ce que le chargeur soit vide. Avec un semi-automatique, il faut que la personne qui appuie sur la gâchette veuille vraiment tirer chaque coup car elle doit relâcher la détente et tirer à nouveau.

.1115

[Français]

Mme Venne: Est-ce qu'il n'y aurait pas une différence dans le nombre de secondes nécessaire pour tirer une décharge de 20 cartouches? J'ai cru lire ça quelque part dans un document de l'American Alcohol, Tobacco and Firearms Administration. Ils font, eux, une différence dans le temps.

Dans le cas de l'automatique, il faut 2,4 secondes pour tirer 20 rounds - c'est ce qui est marqué - et dans le cas d'un AK-47 semi-automatique, il faut 4,6 secondes. Ce que je viens de mentionner provient de l'organisme American Alcohol, Tobacco and Firearms qui fait cette différence entre les deux armes. Il y a donc 2 secondes de différence. Par conséquent, j'aimerais vous demander si vous ne croyez pas que ces 2 secondes changent finalement très peu de chose pour la victime, que l'arme soit automatique ou semi-automatique.

[Traduction]

M. Torino: Qu'une arme soit semi-automatique ou automatique ou ait une capacité de 10 cartouches, 5 cartouches ou 20 cartouches... Si l'on prend le cas le plus tragique, celui de Marc Lépine à l'École polytechnique, d'après le rapport du médecin légiste, dont j'ai lu un exemplaire hier soir, et il lui restait 60 cartouches, et en l'espace de 20 minutes, il a délibérément tué 14 personnes et tiré sur bien d'autres. S'il avait eu une capacité de 5 cartouches, avec une arme automatique ou semi-automatique, je ne vois pas où serait la différence. Il a pris son temps. Il a tiré délibérément.

S'il avait pensé à un fusil à verrou, par exemple un fusil de chasse, il n'aurait peut-être pas causé 14 morts. Peut-être en aurait-il causé davantage et peut-être moins suivant quelle était sa cible. Par conséquent, nous ne voyons pas en quoi le nombre de coups ni même le temps qu'il faut pour les tirer entre en ligne de compte.

Un tireur d'expérience, comme j'en ai vu dans de nombreux clubs, peuvent vider un pistolet semi-automatique de calibre 45 en 2 secondes et être en mesure de recharger l'arme pendant la même période de temps ou moins et être prêt à tirer à nouveau. Une personne qui tire avec une arme automatique vide son chargeur en 2,4 secondes à peu près, comme vous l'avez dit. Il doit ensuite recharger son arme. Avec une arme automatique, la précision lorsque l'on vide tout un chargeur à la fois... L'arme tend à se déplacer complètement vers le haut et à manquer la cible. La personne doit alors tirer un ou deux coups ce qui le ramène au même mode qu'un semi-automatique.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

Mme Venne: Voici ce que je voudrais vous entendre dire, dans le fond. Puisqu'on interdit les automatiques au Canada, on devrait également interdire tous les semi-automatiques puisque l'effet est le même. On devrait les prohiber de la même façon puisque l'effet est le même.

M. Caron: Il a été prouvé que la classification des armes est un non-sens parce qu'on peut prendre le plus modeste fusil de chasse à un coup et le tronçonner à une longueur qui va s'apparenter à celle d'une arme de poing. Une arme de chasse à un coup se recharge en moins de deux secondes. Donc, cela ne répond pas encore... On a mentionné dans le rapport de Polytechnique que n'importe quelle arme à feu aurait peut-être fait autant de dégâts.

Ça ne règle pas le problème de la violence de notre société. Si on dit qu'on va prohiber les semi-automatiques, il y a un grand nombre d'armes à répétition ou à un coup qu'on ne contrôlera pas de toute façon parce que ces armes sont sur le marché noir. Le projet de loi C-68 ne touchera le marché noir en aucune façon.

Mme Venne: Ça, c'est tout à fait évident.

.1120

[Traduction]

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci, monsieur le président.

Je pense que c'est Mme Ross qui a dit que le ministre avait des intentions cachées. Je voulais simplement vous faire savoir que j'ai posé la première question le 24 avril, lorsque nous avons commencé tout cela. Je m'inquiétais de quelques articles qui traitent du pouvoir du ministre. Il s'agit en particulier de l'article 112, à la page 50, si vous avez le projet de loi devant vous. J'ai posé des questions précises à ce sujet car bon nombre de gens ont fait des observations comme celles que vous avez faites, à savoir que le ministre avait des intentions cachées. Il a simplement répondu qu'il ne souhaitait pas nécessairement cette disposition et qu'il était tout à fait prêt à la modifier.

Nous avons maintenant eu le temps de l'examiner plus avant et de voir les changements que nous pourrions apporter dans ce domaine, mais j'aimerais simplement dire que tout au moins dans ce cas particulier, il a expliqué qu'il ne souhaitait pas particulièrement cette mesure. Mais nous ne lui avons pas parlé depuis des changements qu'il apporterait.

J'aimerais poser une question sur les véritables.... Vous semblez tous vouloir demander une catégorie pour les collectionneurs d'armes à feu et je me demande ce qui ne va pas ou ce qui manque dans ce que nous avons déjà. A l'article 27, page 16, on dit »le contrôle des armes à feu ne peut autoriser la cession à un particulier d'une arme à feu à autorisation restreinte» puis au paragraphe d) »une collection d'armes à feu par un particulier lorsque les conditions énoncées à l'article 29 sont remplies», ce qui se trouve page 17.

N'est-ce pas suffisant pour établir une catégorie de collectionneurs? Que voulez-vous de plus? Quelqu'un peut-il répondre? Je sais que vous plus particulièrement, du Québec, avez mentionné cette situation.

M. Torino: Je vais essayer de répondre.

Lorsque le projet de loi C-17 est entré en vigueur, la catégorie du véritable collectionneur d'armes à feu a été adoptée et comme vous l'avez mentionné, on a énuméré un certain nombre d'exigences. Nous avons collaboré avec un chef provincial des préposés aux armes à feu au Québec, Pierre Vincent, pour essayer d'établir des directives pratiques à ce sujet. Nous avons réussi à établir de bonnes relations de travail avec la Sûreté du Québec et avec M. Vincent, et nous nous sommes mis d'accord sur les éléments suivants. Un véritable collectionneur d'armes à feu, en plus des paramètres généraux énumérés dans le code criminel, à l'article 84 et qui figure à l'article 29 du projet de loi, nécessitera des modifications supplémentaires, qui sont actuellement mises en oeuvre concrètement au Québec actuellement.

Mme Phinney: S'agit-il des dix éléments dont y figurent dans votre rapport ici?

M. Torino: Non je parle des articles 27 et 29 de la Loi sur les armes à feu et de l'article 84 du Code criminel. Il y a d'autres aspects dont le Chef provincial des préposés aux armes à feu a décidé qu'il serait utile dans son enquête des diverses personnes qui font une demande d'AAF ou d'un permis d'acquisition d'armes à feu à utilisation restreinte.

Mme Phinney: Ceci n'est donc pas inclus dans le nouveau projet de loi - de quoi parlez-vous?

M. Torino: Cela ne fait pas partie du nouveau projet de loi. Celui-ci mentionne simplement les catégories «connaître les caractéristiques historiques, techniques et scientifiques», «consentir à une forme raisonnable de visite périodique», »se conformer aux autres exigences règlementaires». En ajoutant une catégorie distincte comportant certaines exigences, nous croyons que...et M. Vincent estime également qu'il ne peut peut-être pas éliminer mais réduire dans une large mesure le nombre de gens qui essaient de se cacher dans la catégorie des collectionneurs car ils ne peuvent pas se qualifier comme tireurs sur cible ou autre chose. Il part du point de vue qu'une personne qui possède 100, 200 ou 300 armes à feu et sur lequel on enquête chaque année parce qu'il achète 10 ou 20 armes à feu par an.... Il est beaucoup plus satisfait de cette façon car le nom de cette personne apparaît constamment sur l'ordinateur et, fait constamment l'objet d'enquête et son dossier est constamment mis à jour. Il sait qui est cette personne: il sait que cette personne a été acceptée et fait l'objet d'une vérification et est considérée comme ne présentant pas de risque.

.1125

Il préfère de loin avoir 100 armes à feu entre les mains d'un seul collectionneur à 100 armes réparties entre 100 personnes différentes qui sont susceptibles d'être dangereuses. Elles prétendent toutes être des collectionneurs inavoués depuis des années. C'est là sa politique et c'est ce qu'il a mis en oeuvre. Nous sommes tout à fait en accord avec cette mesure.

Mme Phinney: Pourrais-je demander aux autres groupes s'ils sont d'accord avec les dix points mentionnés dans son rapport - je ne sais pas sur quelle page car elles ne sont numérotées -

M. Torino: Oui, c'est à la page 8.

Mme Phinney: Aviez-vous le rapport?

M. Bateman: J'ai bien peur que n'ayons pas d'exemplaire du rapport devant nous.

Mme Phinney: Pourriez-vous le lui passer?

M. Torino: Bien sûr.

M. Bateman: Merci.

Mme Phinney: Pensez-vous que nous avons besoin de critères supplémentaires, en plus de ce qui existe déjà dans le nouveau projet de loi?

M. Bateman: Je pense que nous avons besoin d'un ensemble précis de critères, quels que soient ces critères. La difficulté que posent les articles 27 et 29 du projet de loi - tel que le les lis en tout cas - et que le contrôleur des armes à feu doit être satisfait...par exemple, en vertu des articles 27 et 29, le contrôleur des armes à feu doit prendre une décision subjective pour chaque endroit particulier. S'il doit y avoir une catégorie de collectionneurs véritables, je pense qu'il est très important d'établir des critères précis pour que chacun sache quelles sont les règles et qu'elles vont s'appliquer de la même façon dans tout le pays, pour qu'il n'y ait pas de règles différentes par exemple au Manitoba et en Ontario. En Ontario, je suppose que certains contrôleurs des armes à feu auraient des craintes plus fondées.

Pas conséquent, sans vouloir analyser les dix points de façon exhaustive, je pense que il doit y avoir et il pourrait y avoir des critères. L'important c'est que ces critères soient équitables et qu'ils soient clairement définis pour que tous ceux qui souhaitent devenir des collectionneurs ou ceux qui le sont déjà sachent quelles sont les normes à respecter pour être considérés comme tels. Evidemment, il faudra des dispositions transitoires qui permettront aux personnes qui pourraient ne pas avoir une expertise particulière de l'acquérir.

Par exemple, un de ces critères est d'être membre d'une association de collectionneurs accrédités. Ce qui nous amène à la question de savoir ce qu'est une association de collectionneurs accrédités. Il faut partir de là.

Mme Phinney: Quelqu'un de la Saskatchewan?

M. Lewis: J'aurais une observation à faire. Ce qui me préoccupe au sujet de la catégorie des collectionneurs, c'est comment nous allons définir un collectionneur véritable au sens général? Tout le monde ne va pas aimer une marque ou un style particulier. Cela me gêne que l'on réduise le tout à trois éléments particuliers. Comment détermine-t-on un collecteur véritable simplement sur des critères techniques, scientifiques ou historiques?

Mme Phinney: Comment décideriez-vous?

Le président: Votre temps est écoulé, madame Phinney.

M. Thompson (Wild Rose): J'aimerais faire une déclaration et remercier les témoins d'être venus. Je ne pense pas que la plupart de mes collègues du Parti réformiste voudraient même encourager ou promouvoir la possession d'une arme à feu. En fait, je crois que si l'on n'en a pas un besoin particulier, on ne devrait pas en posséder. Nous pensons que c'est une position logique.

Ce qui m'effraie et ce qui m'inquiète, c'est que nous en sommes arrivés à une situation où un certain nombre de gens pensent qu'ils doivent posséder une arme à feu pour se protéger. Je pense que cette crainte découle du fait que le système judiciaire ne réussit pas à protéger les membres de la société. Je pense que la situation est déplorable.

Ceci dit, je suis effrayé, comme bien d'autres gens, de voir un document qui dit que vous êtes coupable tant que vous n'avez pas prouvé votre innocence - pour la première fois dans notre histoire. On voit des perquisitions sans mandat, si je me souviens bien. Il est vrai qu'il n'y aura pas de compensation pour une confiscation à long terme et que les décrets en conseil seront tels que nous allons être régis dorénavant, avec ce règlement, non pas par la législation, mais par les décisions d'une poignée de personnes. Je pense que ce document est très antidémocratique et je crains pour nos libertés civiles.

.1130

J'aimerais que chaque groupe réponde.

M. Henderson: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous nous préoccupons du fait que les armes à feu soient possédées par des personnes irresponsables ou des personnes qui ne se conforment pas à nos politiques sur l'entreposage des armes à feu ou autre. Mais les tribunaux ont déjà les moyens de remédier à cette situation s'ils appliquaient les règlements. Mais ils ne le font pas.

La police porte constamment des accusations en matière d'armes à feu, mais les magistrats n'assurent pas le suivi et la personne doit payer simplement une amende ou en arrive à un compromis avec un autre moyen de défense.

Les outils existent. Il faut insister pour qu'ils soient utilisés.

M. Holmes: Nous sommes d'accord avec le sergent d'état-major Henderson. Il y a un malaise sociétal et effectivement, il y a des gens qui estiment qu'ils auront besoin d'utiliser une arme à feu. L'autoprotection n'est pas une raison légitime d'acquérir une arme à feu et toute personne qui le prétend reçoit une réplique brève courte et sévère de la police.

D'autre part, la permission d'accorder l'acquisition d'une arme à feu à utilisation restreinte est toujours à la discrétion de la police. Si l'on n'aime pas cela, on peut toujours s'adresser à un magistrat et présenter sa cause, mais peu de gens le font. Les quelques personnes qui font l'objet d'une contestation, sachant à quoi s'en tenir, ne vont pas plus loin.

Nous sommes des collectionneurs. Nous ne pouvons pas imaginer que des Walter Mittys et des Elmer Fudds ou nous-même, qui collectionnons pour notre plaisir, puissions avoir une arme à feu pour nous défendre. Ceux qui le font dans notre société ont tendance à ne posséder qu'une seule arme à feu, et on peut supposer que, très fréquemment, celle-ci n'est pas enregistrées.

Même si les citoyens responsables partagent votre préoccupation sur la généralisation de la violence dans notre société, on ne peut pas dire que les collectionneurs font partie intégrante du problème. Je pense que c'est tout ce que nous avons à dire.

Le système judiciaire - oui, c'est un problème. Ceux qui risquent le plus d'être accusés pour une possession d'armes à feu sont ceux dont les collections sont compromises par n'importe quelle condamnation associée à la possession d'armes à feu. Il peut y avoir un détail d'ordre technique qui en lui-même n'est pas important. S'il s'agit d'une condamnation pour possession d'armes à feu, cela entraîne une interdiction pendant une certaine période et la dépossession forcée de toute la collection. Cette menace est particulièrement apparente pour les collectionneurs qui sont pris dans des circonstances de quasi-infraction.

M. Caron: Je suis d'accord avec M. Myron Thompson et tout ce que vous avez dit. Cette loi va bien au-delà du contrôle des armes à feu. Elle s'attaque aux libertés civiles au Canada.

Je remets cette loi en question par rapport à la Charte des droits du Canada et du projet de loi C-17, qui a été adoptée il y a deux ans. Même le projet de loi C-17 est contestable par rapport à la Charte des droits. Il a été contesté en cour dans l'affaire Zimmerman en Alberta, et cela ira probablement jusqu'à la Cour suprême.

Je ne comprends pas pourquoi un gouvernement adopterait des lois qui vont à l'encontre de la Charte dans l'espoir de convaincre les gens que cela va résoudre la criminalité. Ce ne sera pas le cas. Cela ne fonctionnera pas.

Mme Torsney: J'aimerais d'abord expliquer quelque chose. Madame Ross, vous êtes professeur de psychologie clinique. Êtes-vous un professeur auxiliaire ou êtes-vous titulaire?

Mme Ross: Je suis psychologue clinique. J'assume deux fonctions pour l'Université de Toronto. Je fais partie du personnel du service psychiatrique et j'enseigne au département de psychologie. Je n'ai pas un poste permanent au département de psychologie; j'enseigne à temps partiel.

.1135

Mme Torsney: J'en déduis de ce que vous avez dit à mon collègue, M. Gallaway, que vous êtes un expert en matière de suicide.

Mme Ross: On dirait un procès. Non, je ne suis pas une experte en suicide: je suis psychologue et j'ai fait certaines lectures sur le suicide, mais je ne suis pas experte en la matière.

Mme Torsney: Vous laissez entendre que certains des groupes qui sont en faveur d'un contrôle des armes à feu, qui sont en faveur de cette mesure législative, se moquent des faits, et c'est pourtant ce que vous avez fait vous-mêmes ce matin, lorsque vous vous êtes décrit comme un professeur de psychologie, un expert du suicide, lorsque vous avez fait toutes sortes d'analyses de ce que les gens font et de ce qui se passe, lorsque vous nous avez dit que les chiffres ne sont pas ce qu'ils en ont l'air et j'en passe.

Mme Ross: Je m'excuse, madame Torsney, mais je ne me suis pas moquée de personne. Je viens de vous dire que je ne suis pas une experte en matière de suicide, mais que j'ai lu sur la question.

Vous venez de répéter là ce que la Coalition pour le contrôle des armes a dit lorsqu'elle m'a traité de «soi-disant professeure». Je ne me suis pas présentée sous un faux jour et je pense que vous venez de nous présenter-là des arguments ad hominem.

Le président: Permettez-moi d'intervenir. Vous avez dit ce matin, et cela figure au procès-verbal, à une réponse à une question - je ne me souviens plus de qui - que l'Association canadienne de santé publique était mal informée et avait induit le Comité en erreur. J'ai pris en note ce que vous avez dit.

Mme Ross: Oui, c'est exact et je veux...

Le président: Soit dit en passant, nous avons entendu des experts de l'Association de santé publique nous parler de suicide. Je ne sais si vous avez lu leur témoignage, mais vous venez de le commenter.

Mme Ross: Oui, j'ai des extraits de certains des articles qu'ils ont cités et je sais qu'ils ne font pas tous l'unanimité. Dans le document le plus long que je vous ai présenté, je fais allusion à un autre article, dont j'ai une copie ici: Guns in the Medical Literature, a Failure of Peer Review. Dans cet article, auquel j'ai fait allusion dans mon document, on trouve une excellente analyse très poussée de certains des articles cités par la Coalition pour le contrôle des armes à feu et l'Association canadienne de santé publique, articles qui y sont qualifiés de scandaleux. Tout d'abord, ils font état de l'expérience américaine. Ils ne s'appliquent pas ici et ils sont tellement tendancieux qu'ils ne reflètent même pas exactement l'expérience américaine.

Mme Torsney: Je faisais personnellement allusion à la publication de l'Association médicale canadienne. Voulez-vous dire que ces gens n'en ont pas fait une évaluation impartiale?

Mme Ross: Il faudrait que je sache à quelle publication vous faites allusion parce que vous ne me l'avez pas dit. Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

Mme Torsney: L'Association médicale canadienne, Dr Ross, a publié dans son journal une étude du criminologue suisse Martin Kylius qui fait une corrélation entre l'accès aux armes à feu et le meurtre-suicide dans 14 à 17 pays du monde. Mettez-vous cet article en doute, Dr Ross?

Mme Ross: Il faudrait que je lise l'article en question. De toute évidence, cela m'est impossible pour le moment.

Mme Torsney: Vous pourriez peut-être en reparler au Comité.

Mme Ross: Je sais que j'ai fait allusion à certaines des recherches de Kylius dans mon propre document et je peux dire, en termes généraux, sans citer d'articles en particulier ou critiquer certaines études, que rien ne prouve que le contrôle des armes à feu contribue à réduire le nombre des homicides.

Mme Torsney: Je m'excuse, mais étant donné que nous voulons nous en tenir aux faits et que ne nous voulons induire personne en erreur, c'est entre l'accès aux armes à feu et les suicides et meurtres qu'on a établi un lien, pas avec le contrôle des armes.

Mme Ross: Je comprends, mais si on parle d'accès aux armes à feu, il faut d'abord tenir compte des autres méthodes utilisées pour se suicider ou commettre un meurtre. Bon nombre de ces études ne contiennent même pas de comparaison avec d'autres méthodes. Les armes à feu ne sont pas une cause principale du problème dans ce cas-ci.

Mme Torsney: Je suis désolée, monsieur le président, mais nous avons déjà entendu son témoignage à propos du suicide et je ne crois pas, personnellement, qu'elle soit qualifiée pour en parler. Elle a répondu à ma question et je ne faisais que lui signaler quelque chose. Je ne tiens pas à poursuivre la discussion à ce sujet. J'aimerais...

.1140

Le président: Pardonnez-moi. Il y a une chose que nous ne pouvons pas tolérer ici, et c'est que deux personnes parlent en même temps. Lorsque que quelqu'un a la parole, tout le monde devrait être silencieux et lorsqu'un témoin a la parole, nous devrions l'être aussi. Je vous demanderais donc tous d'en tenir compte. Veuillez ne pas vous interrompre les uns les autres.

Mme Torsney: D'accord.

Ma question s'adresse au groupe du Québec. Saviez-vous que d'après une étude sur les propriétaires d'armes à feu au Québec, le tiers d'entre eux auraient déclaré qu'ils ne rangeaient pas leurs armes à feu comme ils le devraient? Êtes-vous au courant ou non?

M. Caron: Oui, j'ai vu cela dans les journaux. Je n'ai pas l'article en question entre les mains, mais je l'ai lu. C'est l'une des choses que nous tenons à promouvoir et notre association fait des efforts dans le sens de la sensibilisation. La sensibilisation s'est révélée un outil beaucoup plus efficace pour promouvoir la responsabilité que les mesures législatives.

Prenons les dispositions concernant l'entreposage. Elles ont été proposées dans le projet de loi C-17. Elles n'ont ni queue ni tête. Les dispositions concernant l'entreposage devraient être revues et simplifiées, en fonction probablement des recommandations du rapport du coroner, Anne-Marie David, ce qui n'a pas encore été fait.

Mme Torsney: Nous aimerions certainement avoir votre appui en ce sens. Nous serions heureux de tout ce que vous pourriez nous proposer pour mettre de l'ordre là-dedans et modifier la loi.

La dernière observation que j'aurais à vous faire, docteur Ross, c'est qu'à titre de présidente du caucus des femmes, j'ai énormément de difficultés à accepter que des gens comme vous renient l'expérience de femmes qui travaillent dans des refuges au Canada, qui s'occupent de femmes battues tous les jours et qui ont probablement une connaissance de la question que vous n'avez pas. Vous venez ici nous dire aujourd'hui qu'elles sont soit mal instruites soit mal informées. Comment osez-vous dire cela à propos de femmes qui sont très informées et qui savent de quoi elles parlent?

Mme Ross: Était-ce là une observation que vous teniez à faire pour avoir le dernier mot au lieu de...

Le président: Madame, vous avez le droit de répondre, mais en ne prenant pas plus de temps.

Mme Ross: Si vous voulez avoir le dernier mot, je pense...

Le président: Vous m'avez mal compris. Le témoin a toujours le droit de riposter. Vous avez le droit de réagir, mais vous devez vous en tenir aux faits.

Mme Ross: C'est ce que j'essayais de faire.

Mme Torsney: C'était ma dernière observation, oui, mais vous avez le droit d'en faire une vous aussi.

Mme Ross: Je pense que vous déformez ce que j'ai dit. Vous vous érigez en experte dans un secteur où vous ne l'êtes pas. Je ne trouve pas vos arguments très rationnels.

Je l'admets, il faut avoir de la sympathie pour les femmes battues qui sont dans des refuges. Mais si vous pensez que l'une quelconque des dispositions du projet de loi C-68 va venir en aide même à une seule femme qui vit dans une maison de refuge pour femmes battues, vous vous faites des illusions. Merci.

Le président: Nous allons entendre le témoignage d'organisations de femmes et elles nous diront elles-mêmes ce qu'elles en pensent: Les Femmes et le droit, le Comité national d'action et d'autres groupes.

[Français]

Mme Venne: Nos témoins, en tant que collectionneurs, ont certainement tous des armes à feu chez eux. J'aimerais savoir s'ils préconisent que toute personne au Canada ait chez elle une arme à feu pour se défendre contre d'éventuels voleurs. Et si ce n'est pas toute personne, quelles catégories de personnes devraient en avoir chez elles?

On peut commencer par la Saskatchewan qui n'a pas eu souvent l'occasion de répondre en premier.

[Traduction]

M. Lewis: Je ne sais même pas par quoi commencer. C'est une question très discutable. Personnellement, je ne sortirais pas mon arme à feu pour me défendre contre quelqu'un. C'est mon point de vue personnel. toutes mes armes à feu sont sous clé.

Je n'ai pas vraiment compris votre deuxième question. Pourriez-vous répéter?

[Français]

Mme Venne: Je demandais si les Canadiens devraient avoir en leur possession, chez eux, une arme à feu pour se protéger contre d'éventuels voleurs ou étrangers qui les attaqueraient. Si ce ne sont pas toutes les personnes au Canada, quels genres de personnes devraient en avoir?

Certains témoins sont venus nous dire qu'eux devraient peut-être en avoir chez eux, à portée de la main, que les armes devraient leur être plus faciles d'accès qu'à d'autres. J'aimerais savoir si vous favorisez cette position.

.1145

[Traduction]

M. Lewis: La loi ne nous autorise pas l'accès à nos armes pour l'instant; elles doivent être entreposées et munies d'un verrou d'arme. Nous ne pouvons donc pas nous en servir.

[Français]

Mme Venne: Ma question n'était pas vraiment de savoir si les armes étaient à portée de la main ou pas, mais plutôt de savoir s'il y a une certaine catégorie de personnes qui devraient avoir à la maison des armes à feu pour se défendre. Si vous ne voulez pas répondre à cette question, il n'y a pas de problème. On peut passer à un autre groupe.

[Traduction]

M. Lewis: Ce n'est pas là la question. C'est contre la loi. Nous enfreindrions la loi, un point c'est tout.

[Français]

Mme Venne: Avoir une arme à feu à la maison n'est pas contre la loi.

[Traduction]

M. Lewis: Non, mais vous avez parlé d'une arme à feu pour se protéger. La loi nous l'interdit. C'est défendu. Il faut que les munitions soient dans un endroit, sous clef, et l'arme à feu ailleurs, muni d'un verrou d'arme. Il est impossible de l'utiliser.

[Français]

Mme Venne: Eh bien, oui, vous pouvez en avoir une chez vous.

Il n'est pas impossible d'utiliser une arme à feu à la maison même si on l'a rangée correctement. On a juste à la prendre, à mettre des munitions dedans et à la déverrouiller. D'après des témoignages entendus hier, tout le monde de la maison savait où était la clé pour aller chercher l'arme. C'est dans ce sens que je vous pose la question. Si vous trouvez que ce n'est pas approprié, tant mieux.

[Traduction]

M. Henderson: Je ne pense pas que la majorité des foyers canadiens soient prêts à un tel règlement. Il y a bien des Canadiens qui n'ont pas d'armes à feu et qui n'en n'auront jamais.

[Français]

Mme Venne: Dans ce sens, c'est complètement différent des États-Unis.

[Traduction]

M. Henderson: Tout à fait.

[Français]

Mme Venne: Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Caron: J'aimerais répondre au nom de l'Association. Nous sommes des collectionneurs. On n'achète pas des armes pour assurer notre légitime défense; ce n'est pas notre intention. Comme quelqu'un l'a déjà dit, ceux qui achètent des armes pour se protéger n'achètent qu'une seule arme. Ce n'est pas notre cas. De plus, les armes qu'on achète sont parfois des pièces historiques, des armes très anciennes qui, bien souvent, ne fonctionnent même plus. Donc, nous ne sommes pas ici pour discuter de la légitime défense. Nous sommes des collectionneurs d'abord et avant tout.

Mme Venne: Oui, mais il y a des gens qui se prétendent collectionneurs et qui ne le sont pas. Heureusement, ils ne témoignent pas ici aujourd'hui. Merci.

[Traduction]

M. Torino: Il y a bien des gens qui ne devraient tout simplement pas avoir d'armes à feu; c'est bien simple. Notre suggestion, qui heureusement ou malheureusement ne s'applique qu'aux collectionneurs, vaut pour tous ceux qui souhaitent s'acheter une arme à feu, étant donné surtout les nouvelles exigences concernant l'autorisation d'acquisition d'armes à feu qui ont été introduites par le projet de loi C-17. Je dirais que ces exigences permettent d'éliminer bien des gens qui voudraient avoir une arme à feu à la maison au cas où quelqu'un déciderait de s'en prendre à eux. Ces gens ne devraient pas avoir d'armes à feu. Le processus de sélection permet de les éliminer.

Quelqu'un qui possède une arme à feu a des responsabilité envers lui-même ou elle-même, envers sa famille et envers la société. Elle doit prendre soin de son arme à feu. La société a elle aussi des responsabilités en ce sens qu'elle doit veiller à la protection de ses membres. Malheureusement, comme nous le savons tous, les policiers ne peuvent tout simplement pas être partout en même temps de sorte qu'il y a bien des gens qui pensent qu'ils devraient peut-être s'occuper eux-mêmes d'un problème si la police ne peut pas intervenir. Toutefois, nous sommes ici comme collectionneurs et non pas pour promouvoir l'autodéfense.

Je ne suis pas certain d'avoir très bien compris la question, mais j'espère y avoir répondu un peu.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Il y a une chose que je voudrais préciser à propos de la question de la culpabilité jusqu'à ce qu'on ait réussi à prouver son innocence. Notre société, notre Code criminel veulent que, dans le cas de certaines infractions, si la Couronne peut démontrer certains faits, l'accusé doit prouver son innocence. Je suis persuadé que M. Henderson le fait.

Dans le cas d'un propriétaire de véhicule automobile, il y a inversion de la charge de la preuve. Lorsqu'une personne s'introduit par effraction dans une maison, elle doit ensuite prouver qu'elle n'avait pas l'intention de commettre une infraction. La liste est longue et il y a aussi les manoeuvres frauduleuses ou faux-semblant dans le cas des chèques.

.1150

Donc, la charge inversée ne représente rien de nouveau dans notre système de justice pénale.

De toute évidence, l'objet n'est pas d'empiéter sur les droits civils. C'est une question qui nous préoccupe. Ce que nous voulons de vous aujourd'hui, c'est de savoir comment nous pouvons répondre aux besoins des collectionneurs d'armes à feu, et les suggestions et les recommandations que vous pourriez nous faire sont très importantes en ce sens.

Il y a une suggestion que j'ai trouvé extrêmement importante aujourd'hui et c'est celle du Major Holmes selon qui il faudrait s'attarder au gel plutôt qu'aux armes elles-mêmes. C'est une question que nous allons examiner parce que même si cela s'est toujours fait, je trouve cette suggestion très Intrigantes et j'aimerais que nous l'examinions très sérieusement.

Je tiens aussi à indiquer, avant de poser ma question, que je suis aussi d'accord avecM. Anderson lorsqu'il dit qu'il y a eu trop de compromis par le passé dans le cas des infractions. C'est pourquoi il est important que cette mesure législative prévoie des amendes minimales afin que les tribunaux ne traitent pas à la légère les infractions commises à l'aide d'armes à feu, comme l'ont fait les provinces, sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle. Nous n'exerçons aucun contrôle en matière de poursuites.

Le dernier commentaire a trait aux autochtones et à l'utilisation des armes à feu. J'ai de nombreuses années d'expérience du système de justice pénale et je ne suis tout simplement pas d'accord lorsqu'on dit que les armes à feu sont surtout utilisées dans les collectivités autochtones. Il en est peut-être ainsi dans votre province, mais cela ne semble certainement pas être le cas en Saskatchewan où bon nombre des décès sont causés par des couteaux. Ils le sont dans certains cas par des armes à feu. Je déteste que l'on fasse des distinctions en fonction de catégories. Je pense que c'est un problème à l'échelle de toute la société, et pas pour un seul groupe.

Donc, Major Holmes, pour en revenir à votre suggestion, si il y avait gel du nombre actuel d'armes à feu, ces armes devraient-elles être échangées par tous les titulaires d'une autorisation de possession ou devraient-elles être réservées aux collectionneurs? Qu'avez-vous à répondre à cela dans ce cas-ci?

M. Holmes: Si il y avait gel des stocks actuels, le nombre d'armes diminueraient lentement et soit que nous nous retirerions des affaires, soit que les armes finiraient par être tellement désuètes qu'elles ne présenteraient plus aucun danger pour la société.

Quant à savoir qui devrait pouvoir acquérir une arme à feu à l'avenir, il existe déjà un mécanisme pour les armes à autorisation restreinte, qui présentaient un danger pour la société. Il faut y aller avec prudence, cela va de soi. Si la loi ne prime pas, une société civilisée est impossible.

À l'heure actuelle, quiconque veut acquérir une arme à feu qui entre dans la catégorie des armes à autorisation restreinte doit présenter une demande, en plus d'être titulaire d'une AAAF et d'avoir suivi un cours, à son service de police local à qui il revient de faire enquête et d'approuver ou de rejeter la demande. Si la demande est rejetée, le requérant peut se présenter devant un juge pour défendre sa cause. Cela arrive rarement, parce que ceux à qui ont dit non ont tendance à comprendre pourquoi.

Si la police locale n'a rien à reprocher à un individu, alors peu importe qu'il soit autorisé à acheter un revolver de tir à la cible ou une arme qui pourrait être soumise à un contrôle plus strict. L'illogisme dans tout cela, c'est que si nous acceptons qu'il y ait des droits acquis et que ces droits demeurent en vigueur jusqu'à ce que le dernier titulaire soit mort, si cette arme ne posait aucun danger pour la sécurité du public, il va de soi que 40 ans plus tard... Il y a des exemples qui ont été donnés.

Il me semble que les mécanismes qui existent déjà suffisent. Un requérant présente sa demande à son service de police qui l'autorise ou non, après enquête, à acquérir telle ou telle arme et, voilà, la décision a été prise.

.1155

Lorsqu'une tragédie survient, et je pense à Lépine, on s'aperçoit que les mécanismes d'enquête qui existent ne fonctionnent pas toujours, qu'une enquête a été trop courte ou qu'il y en a tout simplement pas eu. On a pas besoin de plus de règles. Ce qu'il faut, c'est que les règles existantes soient appliquées plus soigneusement. Nos ressources policières étant déjà durement mises à l'épreuve, plus d'éléments interviennent, plus le problème s'aggrave.

Je ne veux pas dire pour autant que cela est trop compliqué et que la société ne devrait donc pas... loin de moi l'idée.

Nous parlons de primauté de la loi, mais je pense que les mécanismes susceptibles d'apaiser les craintes légitimes de la société à cet égard sont déjà en place. Donc, comme je l'ai dit il y a longtemps, les armes à feu qui ont une certaine valeur pour des raisons esthétiques ou historiques sont préservées pour les générations à venir.

Il y a là sur la table une arme munie d'un chargeur grande capacité qui remonte à 1776. Elle aurait disparu si le projet de loi C-17 avait été en vigueur à ce moment-là, mais c'est un moyen simple et curieux qu'on a trouvé pour recharger plus rapidement ce fusil à chargement par la bouche.

Je pense que le mécanisme est en place.

Mme Meredith: Je voudrais aborder une ou deux questions. J'aimerais revenir à ce queM. Holmes a dit à plus d'une reprise, à savoir qu'en réalité toutes les armes à feu sont déjà enregistrées, puisque chaque arme à feu fabriquée ou vendue chez nous a un numéro d'enregistrement qui est transféré à la personne qui l'achète. Est-ce vrai?

M. Holmes: Plus ou moins. Selon la loi actuelle, seuls les titulaires d'une autorisation d'acquisition d'armes à feu peuvent se procurer des armes. Ils doivent présenter ce certificat avec photo muni d'une bande magnétique à l'endos. J'aurais même pu donner la date de naissance de ma belle-mère.

L'idée du ministère de la Justice, c'est d'équiper un jour tous les vendeurs autorisés d'espèces de lecteurs de carte de crédit pour qu'ils puissent vérifier si une AAAF est toujours valide ou certaines restrictions s'appliquent, à savoir s'ils ne pourraient pas vendre telle ou telle arme à un titulaire. La méthode du vendeur autorisé et c'est important - ne s'applique pas à une vente privée entre deux particuliers, mais bien uniquement à toutes les ventes légales par des vendeurs autorisés à des titulaires d'AAAF seulement.

Le numéro de série et la description de l'arme à feu vendue sont portés sur un registre et doivent y demeurer, selon la loi. Il est ainsi facile de faire des recoupements.

Mme Meredith: Voulez-vous dire que la personne qui est déjà enregistrée... J'achète une arme à feu dans un magasin. Le magasin prend note du fait que je suis maintenant propriétaire de cette arme à feu, parce que le numéro m'est transféré.

M. Holmes: La loi oblige les vendeurs à tenir ce registre à jour.

Mme Meredith: Ceux qui vendent ou qui changent des armes en privé transfèrent-ils quoi que ce soit aux nouveaux propriétaires?

M. Holmes: Je pense que la méthode est imparfaite pour le moment et que c'est une excellente question.

Mme Meredith: Je ne vous ai pas demandé si elle est parfaite.

M. Holmes: Non, mais elle ne l'est pas.

Mme Meredith: Mais c'est plus ou moins ce qui se passe actuellement.

M. Holmes: Je ne peux pas vous dire si je suis d'accord ou non parce que je ne comprends pas très bien comment cela fonctionne. Un vendeur autorisé est obligé d'obtenir des dossiers et de s'assurer qu'ils sont complets. Il ne peut pas s'en sortir.

Si je vous vendais une arme, je serais obligé à cause de la loi de m'assurer que vous êtes titulaire d'une AAAF et un acheteur légitime. Mais dans le cas des armes autres que celles qui sont actuellement enregistrées, comme les pistolets, il n'y a pas de papiers à remplir ou à transférer.

Laissez-moi pousser le raisonnement plus loin. J'achète quelque chose chez Canadian Tire; cela est inscrit dans le système. Une année plus tard, parce qu'un crime a été commis ou parce que je suis collectionneur et que la police a le droit de m'interroger, on frappe à ma porte pour me demander de montrer cette arme. Je réponds que je l'ai vendue de sorte que je suis responsable devant la loi de prouver que je vous ai transféré cette arme à feu légalement. Ai-je vu la AAF de l'acheteur? Ai-je pris note du numéro? Si je ne l'ai pas fait, je ne suis pas tout à fait assujetti à la charge de la preuve inversée, mais j'ai quelques explications sérieuses à fournir.

.1200

Vous voyez, cette responsabilité reste à ma charge tant que le système n'aura pas changé.

Mme Meredith: C'est précisément là que je voulais en venir: officiellement, cette responsabilité est actuellement à votre charge. Vous avez donc parfaitement raison qu'il y a moyen de mettre en place un système qui fonctionne un peu mieux.

Je vais changer de sujet. J'ai vu un collectionneur qui est très inquiet. Je ne citerai pas de chiffres précis car je ne pense pas que cela puisse aider qui que ce soit. Ce collectionneur possède un pistolet d'une certaine valeur théorique et il craint que cette pièce de collection n'ait plus aucune valeur et d'avoir perdu beaucoup à cause d'une simple signature.

Est-ce un cas isolé ou est-ce celui dans lequel se trouvent la plupart des collectionneurs qui ont fait des investissements considérables dans les pièces qui perdront leur valeur parce qu'elles ne pourront plus être vendues ou échangées en dehors du cercle des collectionneurs? Ces armes n'auront plus aucune valeur parce qu'on ne peut rien en faire quand c'est fini.

M. Holmes: C'est un fait que ces armes seront pour ainsi dire prohibées si on ne peut les vendre qu'à d'autres détenteurs d'une catégorie d'armes à feu analogue. Dans ces conditions, il faut prévoir qu'il ne restera finalement plus personne à qui les vendre.

J'entends répliquer d'ici qu'il suffira de les vendre à l'étranger. Je regrette, la frontière canado-américaine est pratiquement imperméable. Les armes à feu qui peuvent passer cette frontière ne sont pas celles qui sont frappées d'un décret de prohibition, vous comprenez ce que je veux dire. Les Américains ne veulent pas non plus ce dont nous ne voulons pas et ce n'est donc pas une solution de dire qu'il faut les vendre à l'étranger. Techniquement parlant, j'ai toujours le droit de vendre une arme à un tel, mais il n'est pas fou. Il sait qu'il n'arrivera plus à s'en débarrasser par la suite.

C'est regrettable, mais c'est absolument vrai. Si l'on bloquait nos stocks actuels en décrétant qu'aucune nouvelle acquisition ne peut être faite, mais si on pouvait toujours les céder à des personnes qui sont autorisées par la police à les posséder, elles tomberaient peut-être entre les mains d'un jeune âgé de 18 ans quand j'en aurai 93. En plus de préserver la valeur marchande très élevée de ces pièces-là, cela permettrait de conserver pour la prospérité des pièces comme celle que vous voyez sur la table qui ont une valeur esthétique intrinsèque et qui ont une certaine importance culturelle et historique. Ce sont des armes qui ne seront pas victimes d'un acte de vandalisme et qui n'iront pas à la casse. La question de M. Bodnar abordait certains de ces points également.

M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): Merci, monsieur le président.

À l'instar de M. Bodnar, je tiens à remercier les associations qui sont venues témoigner aujourd'hui. De bonnes suggestions ont été faites et nous les apprécions.

Je voudrais approfondir les choses, si je puis dire, et m'adresser une seconde au sergent d'État-major Henderson.

Vous avez dit, et je l'approuve, que le projet de loi devrait viser les armes qui sont en circulation pour essayer d'empêcher les criminels qui les utilisent d'en avoir en leur possession. Je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui ne soit de cet avis.

Par contre, si l'on constate que la source de l'arme de poing ou de l'arme à feu est légale - à un certain moment il s'agissait d'une arme légale qui est devenue illégale parce qu'elle est désormais entre les mains d'un criminel - , est-il bon de faire intervenir certains règlements et certaines restrictions qui existaient au moment où l'arme en question était toujours légale pour essayer d'éviter qu'elle devienne illégale?

M. Henderson: Je suis certain que tout le monde est d'accord sur le fait qu'une arme qui est légale devrait le rester et que tout le monde approuverait les mesures nécessaires pour faire en sorte que ce soit le cas.

M. Mitchell: Donc, les dispositions comme celle du projet de loi C-17 concernant l'entreposage des armes qui visent à assurer la sécurité ont également pour but d'éviter qu'elles ne tombent entre les mains de hors-la-loi. Vous pensez donc que c'était une bonne initiative de la part du gouvernement.

M. Henderson: Absolument. Je crois que les collectionneurs et les tireurs, ainsi que les propriétaires d'armes en général l'approuvent.

Cette règle va imposer une lourde charge financière à certains collectionneurs qui ont été obligés d'acheter un verrou à 38$ ou 40$ pièce pour une trentaine ou une quarantaine d'armes, voire 200.

.1205

M. Mitchell: Sans vouloir prédire si cela arrivera ou non, pensez-vous que si l'enregistrement s'avérait efficace pour empêcher une partie des armes à feu légales de tomber entre les mains de gens qui ont l'intention de s'en servir illégalement, ce serait une solution ou une règle appropriée?

M. Henderson: Personnellement, je ne crois pas que c'est une chose qui soit possible de prouver. Je n'ai pas l'impression que l'enregistrement le prouvera. S'il le fait, j'appuierai cette formule.

M. Mitchell: J'ai une autre question à vous poser, monsieur Henderson. Parlons d'autodéfense et je crois que nous sommes presque tous d'accord sur le fait qu'il y a plus de chance que des gens possèdent une arme strictement dans ce but. Estimez-vous qu'il serait bon qu'on interdise la possession d'un pistolet, à supposer que l'on arrive à prouver que l'unique but est l'autodéfense, autrement dit que l'on ne s'en sert pas pour le tir sur cible et qu'il ne s'agit pas d'une pièce de collection.

M. Henderson: Personnellement, j'estime que c'est déjà contrôlé de façon très stricte et je ne pense pas que quiconque veuille que cela change. Il faut que ce soit difficile et si l'on dit que c'est absolument hors de question, je suis bien d'accord et mes collègues aussi.

M. Mitchell: Vous voulez donc dire qu'il est inutile d'interdire ce genre d'armes parce que la réglementation en la matière est déjà assez stricte.

M. Henderson: Il n'y a que les agents de police ou les gens qui pratiquent ce genre de métier qui ont besoin d'une arme à feu pour leur propre défense.

M. Mitchell: J'ai une dernière question, madame Ross. Je crois que vous avez dit, et je vous prie de rectifier si ce n'est pas juste, que la réglementation des armes à feu ne contribuera pas du tout à la lutte contre la criminalité. Est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Ross: J'ai dit que la réglementation des armes à feu ne contribuera pas du tout à la lutte contre...

M. Mitchell: La criminalité.

Mme Ross: Le crime.

M. Mitchell: À la lutte contre le crime. Est-ce une déclaration catégorique? Voulez-vous dire qu'aucun règlement concernant l'usage des armes à feu n'aura de l'influence?

Mme Ross: Non, je ne serais pas aussi catégorique que cela, mais j'estime que la réglementation qui ne concernera que les détenteurs d'armes à feu légales n'auront aucune incidence dans la lutte contre le crime. Prenez par exemple la question de l'enregistrement. Comme il l'a si bien dit, le ministre lui-même ne s'attend pas à ce que les criminels fassent enregistrer leurs armes à feu.

M. Mitchell: Je poserai rapidement une autre petite question à ce sujet. Si l'on arrive à prouver que l'enregistrement - et je me lancerai pas dans une discussion sur la possibilité ou l'impossibilité de le prouver - permet de mieux exécuter une ordonnance de prohibition prise par un juge, estimez-vous que c'est une mesure utile?

Mme Ross: Je crois que c'est très hypothétique et que ce n'est pas possible.

M. Mitchell: Je reconnais que c'est très hypothétique mais à supposer que l'on arrive à prouver que l'enregistrement permet de mieux exécuter une ordonnance d'interdiction, seriez-vous pour?

Mme Ross: Vous me posez une question à laquelle je devrais apparemment répondre de façon affirmative, mais je n'arrive pas à envisager cette hypothèse. Je me demanderais à la satisfaction de qui cette preuve serait faite? D'après le libellé actuel du projet de loi, tout le monde peut être satisfait. On stipule notamment que quiconque peut être nommé agent de police à ces fins. Qui décidera donc que la preuve est satisfaisante? J'ai beaucoup de réticence d'admettre ce genre d'hypothèse.

Si vous me demandez si l'on pourrait ajouter de nouvelles dispositions législatives susceptibles d'avoir une incidence positive sur le crime, je dirai évidemment que je crois que c'est inutile. Il y a déjà l'article 85 qui prévoit une peine pour l'utilisation d'armes à feu. Je crains que si l'on ajoute d'autres peines, on encourage les gens à avoir recours à d'autres méthodes qui sont aussi...[Inaudible].

M. Mitchell: Vous n'approuvez donc pas la peine minimale de quatre ans d'emprisonnement pour les dix crimes violents énumérés.

Mme Ross: Je ne veux pas dire qu'il ne devrait pas exister de peine pour la violence exercée au cours d'une infraction. J'estime que cela ne devrait pas se limiter à la violence liée à l'utilisation d'une arme à feu. Cela devrait être valable pour n'importe quelle acte de violence, peu importe la façon dont il est perpétré.

.1210

[Français]

Mme Venne: Dans d'autres pays, les collectionneurs sont obligés de rendre leurs armes à feu inopérantes. Je ne me souviens pas des noms de ces pays. M. Bartlett pourrait nous en citer si nécessaire. Je me souviens très bien qu'antérieurement, lorsqu'on a étudié...

Il n'y a pas de pays qui demandent aux collectionneurs de rendre les armes inopérantes?

[Traduction]

M. William C. Bartlett (attaché de recherche du Comité): Je sais qu'il y en a, mais j'ignore lesquels.

[Français]

Mme Venne: Vous ne vous en souvenez pas? Je m'en souviens et je devrais pouvoir les retrouver. De toute façon, j'aimerais savoir si vous ne pensez pas qu'étant donné que vous pouvez collectionner des armes prohibées, il serait intéressant que vous les rendiez inopérantes, de sorte que lors d'un vol, la personne ne pourrait pas les utiliser. Que pensez-vous de cette suggestion?

[Traduction]

M. Bateman: Le Japon est peut-être un des pays auquel vous songez. Si je ne me trompe, la possession d'armes à feu utilisables par des particuliers est extrêmement difficile dans ce pays-là. Je ne sais pas au juste dans quels autres pays cela peut être le cas.

À propos d'armes à feu qui ont été rendues inutilisables, comme j'ai déjà signalé très rapidement, dans le projet de loi les répliques sont considérées comme des armes à feu prohibées. Par conséquent, on prévoit des sanctions graves pour les cas auxquels vous venez précisément de faire allusion, c'est-à-dire pour des répliques ou des armes à feu incapables de fonctionner comme elles sont sensées le faire.

Par conséquent, il est inutile de considérer cela comme une solution pour les collectionneurs. En fait, les collectionneurs de répliques - et il y en a toute une gamme - qui va des répliques passablement élaborées au modèle en plastique que l'on peut probablement acheter à La Baie... Même ce genre de réplique est soumis à certaines interdictions et leur détenteur s'expose à des sanctions.

Mais en ce qui concerne les collectionneurs, pour rendre une pièce de collection inutilisable, il faut l'endommager, il faut modifier sa fonction intrinsèque et ce faisant, on lui fait perdre une bonne partie de sa valeur. C'est exactement la même chose que de rendre par exemple une automobile inutilisable. En l'empêchant de fonctionner comme prévu, on la transforme en un autre objet qui a moins de valeur.

[Français]

Mme Venne: Merci.

[Traduction]

Le président: J'ai des questions à poser avant que la séance ne soit levée. Je voudrais tout d'abord avoir des précisions en ce qui concerne les dispositions du projet de loi relatives aux règlements. D'après les article 111 et 112, le ministre doit déposer tous les projets de règlements à la Chambre. Ceux-ci sont renvoyés à un comité, c'est-à-dire le nôtre pour l'instant. D'après ces articles, nous pourrions interroger les témoins, examiner ces règlements et faire un rapport défavorable ou favorable.

L'article 112 permet également au ministre de décider de ne pas déposer ces projets de règlements à la Chambre quand il estime qu'il s'agit d'un changement mineur ou urgent. Par contre, quand il prend cette décision, il doit faire déposer à la Chambre des communes une déclaration énonçant les raisons pour lesquelles il ne dépose pas les règlements en question et prouver qu'il s'agit de changements mineurs ou urgents.

Je tiens à signaler que ce n'est pas tout. Nous sommes chargés de superviser les déclarations du ministre de la Justice et du solliciteur général. Si l'on estime à la Chambre que la déclaration n'est pas assez convaincante, nous pourrons toujours convoquer nos membres pour examiner les raisons invoquées par le ministre et le faire comparaître.

Vous pourriez dire que la majorité qui représente le gouvernement ne ferait pas cela, mais d'après les règlements concernant les comités, il suffit, en ce qui nous concerne, que quatre de nos membres sur 15 le réclament pour pour nous obliger à tenir une réunion sur un sujet précis, c'est-à-dire en l'occurrence le fait que l'on estime que les raisons invoquées par le ministre pour expliquer sa décision de ne pas déposer les règlements sont injustifiables. Il faudrait donc que le comité tienne une séance spéciale.

Je ne crois donc pas que les dispositions du projet de loi soient en contradiction flagrante avec les précédents ni qu'elles aillent à l'encontre des principes de la démocratie.

.1215

Pour changer de sujet, en ce qui concerne la charge de la preuve, je ne vois rien dans ce projet de loi qui aille à l'encontre de la tradition. Le principe qui consiste à être jugé innocent jusqu'à preuve du contraire s'applique quand on est accusé d'avoir commis une infraction criminelle, mais pas en ce qui concerne les demandes de permis, ni les questions administratives. Comme M. Bodnar l'a signalé, même en cas d'accusations au criminel le fardeau de la preuve est inversé dans certaines circonstances. Par exemple, si l'on trouve de l'héroïne sur moi, c'est évidemment à moi qu'incombe le fardeau. Il existe d'autres exemples analogues.

Quand on demande un AAAF ou un permis d'enregistrement, le fardeau incombe à celui qui fait la demande. Si je vais à la pharmacie demander un certain type de médicaments pour lequel il faut une ordonnance, c'est à moi qu'il incombe de présenter l'ordonnance faite par un médecin autorisé à exercer sa profession. Si je veux conduire une voiture, c'est à moi de réussir les tests pour obtenir le permis, par exemple.

Je veux donc dire que ce projet de loi ne change en rien à mon avis le fardeau de la preuve traditionnel et vous allez avoir l'occasion de me dire ce que vous en pensez.

Enfin, et vous pourrez également faire des commentaires à ce sujet, si je respecte pleinement les droits des témoins qui viennent ici et des membres du comité qui ont des opinions divergentes sur ce sujet très controversé, je dois dire que certaines de vos déclarations me choquent, surtout celles de Mme Ross qui a prétendu que d'autres témoins sont mal renseignés et nous ont même induit en erreur et que nous sommes mal renseignés également. J'ai lu certains passages de documents où l'on dit que nous avons été induits en erreur. Vous insinuez que vous êtes la seule à être bien informée et à ne pas induire les autres en erreur. Je trouve cela plutôt bizarre de la part d'une personne comme vous.

Madame Ross, vous avez reconnu vous-mêmes que vous avez parlé à la légère quand vous avez dit que la police restait dans les jupes dans la Coalition pour le contrôle des armes uniquement pour promouvoir sa cause. Comme l'a dit Madame Venne, vous faites partie d'une association qui a publié un document, une lettre en l'occurrence contenant des faussetés sur les propositions du gouvernement.

Je respecte donc votre droit d'avoir des opinions différentes des nôtres, car c'est cela la démocratie, mais j'estime injuste que d'insinuer que d'autres nous donnent de mauvais renseignements ou nous induisent en erreur. Je crois que nous serions plus avancés dans l'étude de cette question importante si nous respections mutuellement nos opinions sans nous accuser mutuellement d'induire les autres en erreur et de les désinformer.

Je voudrais en venir à la question de la police. Monsieur Henderson, vous avez déclaré que «votre groupe», c'est-à-dire votre groupe de la Saskatchewan, estime que «les chefs sont d'accord en public», c'est-à-dire, les chefs de police canadiens, «uniquement parce que ce sont les politiciens qui tirent les cordons de la bourse».

Je reviens à votre déclaration, madame Ross, à savoir que la police appuyait ce genre de mesures parce qu'elle restait dans les jupes de la Coalition dans le but de promouvoir sa propre cause.

Madame Ross, monsieur Henderson, voulez-vous vraiment dire que la police fait preuve d'une certaine malhonnêteté intellectuelle?

À propos, je signale que je reconnais qu'il existe des opinions minoritaires dans ce genre d'associations comme dans toutes les autres. Certains agents de police ne sont pas d'accord avec l'Association canadienne des policiers, mais la majorité d'entre eux appuie sa position. Parmi les chefs de police, il existe peut-être des opinions minoritaires, mais c'est la majorité qui représente l'opinion du groupe.

Voulez-vous insinuer que les agents de police qui se sont battus pour adopter certaines résolutions de façon démocratique au sein de leur association faisaient preuve d'un manque d'honnêteté intellectuelle, qu'ils n'appuient pas ce genre d'initiative, qu'ils se laissent duper ou qu'ils sont stupides et qu'ils ne comprennent pas vraiment les enjeux? J'ai de la difficulté à admettre ce genre d'attitude et je voudrais que vous changiez d'attitude. La semaine prochaine, quelqu'un viendra peut-être dire la même chose à votre sujet et si l'on se mettait à vous accuser d'être dupe, d'être stupide ou d'être désinformé et de ne pas vraiment savoir ce dont on parle, je lui dirais la même chose.

L'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police vont venir témoigner et je vais leur poser la même question que vous. Je dirai ce que vous avez dit et je leur demanderai de répondre. Croyez-vous vraiment que les chefs de police approuvent cette initiative en public uniquement parce que ce sont les politiciens qui tiennent les cordons de la bourse? Mme Ross, estimez-vous vraiment que la police a adopté cette position uniquement pour promouvoir sa cause et parce qu'elle reste dans les jupes de la Coalition.

Je tiens à ce que vous me répondiez tous les deux parce qui sincèrement, je ne crois pas que ce genre d'insinuation fasse progresser votre cause ni la mienne.

.1220

M. Henderson: Ce sont d'autres propriétaires d'armes à feu qui m'ont fait ce genre de réflexion et pas nécessairement rien que des collectionneurs. Je sais pertinemment pour en avoir parlé avec eux, que bien des agents de police estiment que le système d'enregistrement des armes à feu et tout le reste est une perte de temps total. En fait, ils n'appuient pas leurs chefs.

Le président: Je reconnais que cela peut être ce que certains pensent.

M. Henderson: Les chefs sont non seulement...

Le président: Je vous signale en passant que l'Association canadienne des policiers est une association d'agents de police qui font le travail sur le terrain, et non de chefs.

M. Henderson: Oui, mais ils sont tous élus, par exemple.

L'autre réflexion que j'ai faite, est que ces gens-là sont censés faire preuve d'esprit de corps, du simple fait qu'il s'agit d'agents de police. Une fois que l'opinion de la majorité est arrêtée, on s'attend à ce que le reste lui emboîte le pas. Et c'est ce qui arrive en fait.

Le président: Mettez-vous en doute le fait que la majorité des agents de police qui ont assisté au congrès de l'Association canadienne des policiers ont adopté une résolution à la suite d'un débat? Une opinion minoritaire a été exprimée, mais une résolution a été adoptée. C'est ainsi que cela marche dans un régime démocratique. Vous affirmez que certains n'étaient pas d'accord. C'est bien beau, mais la majorité des participants l'étaient.

M. Henderson: Nous vous rapportons les opinions de collectionneurs et d'autres possesseurs d'armes. Les opinions des civils que rejoignent celles de quelques simples agents de police.

Le président: Vous reconnaissez que ce n'est pas la méthode de sondage la plus scientifique.

M. Henderson: Ah non. Certainement pas. Mais il reste que ce sont des opinions qui ont été exprimées.

Le président: Bon, je les accepte pour ce qu'elles sont.

M. Henderson: Je tiens également à signaler que je crois qu'à Prince Albert et à Saskatoon, on a examiné la politique concernant les armes à feu et que les deux groupes étaient contre, et que...[Inaudible]

Le président: Oui, je sais que le groupe de la Saskatchewan n'est pas de l'avis de la majorité.

M. Henderson: Cela a été bien annoncé et c'est la position que l'on m'a demandé de venir présenter.

Le président: Bon, mais on a insinué ce matin que d'autres témoins comme l'Association canadienne de santé publique qui est composée d'éminents docteurs et scientifiques n'étaient pas très bien informés, par exemple. Par contre, je reconnais - et vous l'admettez et je l'accepte comme tel - que vous avez des preuves - de l'avis de tous les jours mais pas des preuves scientifiques. Par conséquent, j'insiste encore un peu sur le fait qu'il ne faut pas reprocher aux autres de ne pas faire des choses que certains d'entre vous ne font pas non plus.

Madame Ross.

Mme Ross: Je ne me souviens plus si en parlant de l'autre groupe, c'est-à-dire de l'Association canadienne de santé publique, j'ai dit «misinformed» ou «misinformation»...

Le président: Je l'avais noté. Vous avez dit...

Mme Ross: ...je crois que c'est exact. Et je ne suis pas la première à mettre en doute les déclarations d'un autre témoin. D'ailleurs, ma compétence a été mis en doute par une de vos collègues, Mme Torsney. Elle a insinué que je n'avais pas la compétence voulue pour répondre aux questions....[Inaudible]

Le président: Je ne veux pas commencer à discuter de cela. Tout ce que je veux dire, c'est que, si j'ai bien compris, vous n'auriez pas pu lire le témoignage de l'Association canadienne de santé publique parce qu'il n'est pas encore imprimé. Il s'agit seulement d'articles de journaux.

Mme Ross: Je vais vous dire ceci. Premièrement...

Le président: Vous n'avez donc pas suivi une démarche très scientifique dans votre critique.

Mme Ross: ...en ce qui concerne Mme Torsney, il paraît qu'elle l'a critiqué hier et c'est vrai que ce témoignage n'est pas disponible par écrit - la méthodologie suivie par le professeur Gary Mauser et qu'elle a donc mis sa compétence en doute en plus de la mienne. Le professeur Gary Mauser est un homme de bonne réputation et le travail qu'il fait pour l'Institut Fraser est fort bien considéré.

En ce qui concerne le témoignage de l'Association canadienne de santé publique, il est vrai que je n'ai pas eu l'occasion de le lire parce qu'il n'est pas encore disponible, pour moi du moins, mais on m'a donné ce matin des notes concernant plusieurs des exemples qu'elle a cités et je les connais. Je dois dire que cela m'inquiète beaucoup de voir qu'elle ce soit appuyée sur ce genre de renseignements sans aller plus loin. Je me pose vraiment des questions au sujet de la façon dont certaines études sont menées.

Le président: C'est légitime. D'après ce que vous avez dit ce matin et d'après certaines choses que vous avez écrites, on a toutefois l'impression que vous êtes la seule à détenir la vérité et que les autres témoins ne valent pas grand chose, que nous sommes des malinformés, pas très instruits.

.1225

Mais c'est votre droit de critiquer l'approche ou la méthode scientifique adoptée par n'importe quelle organisation et c'est le droit des autres organisations de critiquer la vôtre, mais j'estime que vous y êtes allée un peu fort.

À propos, si Mme Torsney n'avait pas abordé le sujet, je l'aurais fait moi-même parce que vous avez émis certains doutes et que vous avez semblé reprocher à la plupart d'entre nous-j'ai lu ce que vous avez dit-que nous ne sommes pas capables de faire de la recherche scientifique ou de se faire une opinion de notre propre chef. En fait, vous le faites et nous aussi, mais nous avons des démarches et des programmes politiques différents. C'est précisément cela qui fait un régime démocratique.

Mme Ross: Je pense que l'approche et les programmes politiques différents sont des choses importantes, mais on ne devrait pas se baser sur un programme politique pour évaluer la recherche et...

Le président: Êtes-vous sérieuse? Ce matin, j'ai eu l'impression que vous aviez un programme politique. Le mien est la sécurité publique.

Mme Ross: Je suis très en faveur de la sécurité publique et de la lutte contre le crime...

Le président: C'est un programme politique.

Mme Ross: ... et c'est pourquoi ce projet de loi me préoccupe, c'est parce qu'il ne s'attaque pas à ces problèmes...

Le président: C'est une opinion.

Mme Ross: Je ne dis pas qu'aucune recherche n'est bonne, mais il y a certaines normes à appliquer. Bien souvent on imprime des études qui n'y répondent pas. Ensuite, on ne cesse de s'y référer et on finit par croire que cela reflète la réalité.

Le président: Vous avez raison, mais vous devriez faire le même genre de critiques à l'égard de votre propre organisation. Comme l'a dit Mme Venne, la lettre qui a été envoyée et que le président ne connaissait pas jouait avec les faits et reposait sur des renseignements très douteux. Vous avez dit que la police restait dans les jupes... qu'elle n'avait pas un programme propre, mais cette opinion n'est pas fondée sur des recherches très scientifiques. C'est votre opinion personnelle, que l'on accepte comme telle.

Mme Ross: Je crois que c'est ainsi que je l'ai présentée.

Le président: Maintenant oui, mais pas alors.

Mme Ross: Non. Je n'ai jamais dit que j'avais ce document. J'aimerais pouvoir fournir des preuves mais je n'en trouverai probablement pas.

M. Ramsay a dit des choses très pertinentes au sujet de la réflexion que Mme Venne a faite à propos de la lettre en question; il a dit qu'il existait beaucoup de documents, que le ministre avait fait bien des déclarations au sujet de la teneur de ce projet de loi. Je crois qu'il essayait de lancer en fait des sondes sur un certain nombre de sujets.

J'ai eu une réunion avec lui cet été et il a dit certaines choses. Je sais que d'autres personnes l'ont rencontré au printemps et qu'il a dit autre chose. Les organisations concernées ont évidemment fait circuler ces renseignements et y ont réagi, ce qui est parfaitement raisonnable, à mon avis. On ne pouvait pas dire qu'il s'agissait de renseignements concrets. On pouvait seulement dire que c'est ce dont il avait été question.

Le président: En ma qualité de président, toutes les opinions m'intéressent. C'est pourquoi je vous ai invités et c'est pourquoi nous sommes heureux de votre présence. À propos, bon nombre de mes collègues - et notamment M. Mitchell et M. Gallaway - ont dit que certaines de vos recommandations sont très intéressantes et que nous les examinerons soigneusement lorsqu'il s'agira de proposer des amendements au projet de loi. J'accepte donc vos opinions.

En fait, mes observations s'adressent à tous les témoins en général. J'estime qu'il faut faire montre d'un plus grand respect à l'égard des autres témoins et s'abstenir de faire des critiques personnelles ou de mettre en doute leurs capacités de faire de la recherche scientifique ou d'informer. Je ne tiens pas à ce que l'on vous fasse cela ni à d'autres. Sur ce, je vous remercie.

La séance est levée.

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