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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 1er mai 1995

.1934

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Nous reprenons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nous recevons ce soir l'Association des musées canadiens, représentée par M. John McAvity, directeur général, et Brenda Brownlee, du Musée militaire de Hamilton.

Nous accueillons aussi ce soir, du Musée de l'armée de la Citadelle de Halifax, M. Bruce F. Ellis, conservateur et administrateur du Musée et expert-vérificateur des objets militaires du comité d'examen des biens culturels canadiens.

.1935

Nous avons également la British North America Living History Association, représentée par Richard Feltoe, services de liaison, et David Webb, représentant des Lieux historiques.

Mesdames et messieurs, nous allons procéder dans l'ordre dans lequel je vous ai appelés.

Nous avons reçu vos mémoires et c'est à vous de voir si vous voulez les lire ou non, mais je vous demanderai d'être brefs car nous voudrions tous rentrer chez nous avant minuit. Si donc votre mémoire est assez court, vous pouvez peut-être le lire mais s'il est trop long, vous pouvez considérer que nous l'avons lu et ne revenir que sur les points essentiels.

Lorsque les trois associations auront fait leurs observations, nous passerons à la période de questions habituelle. Tout d'abord l'Association des musées canadiens.

M. John G. McAvity (directeur général, Association des musées canadiens): Merci, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord vous donner deux bonnes nouvelles. Premièrement, nous n'allons pas lire notre mémoire. Nous vous l'avons soumis et nous en avons d'autres exemplaires ici. Deuxièmement, j'aimerais vous dire quelque chose que l'on ne vous dit probablement pas très souvent au cours de ces audiences, c'est que nous ne nous opposons pas à ce projet de loi. Au contraire, nous sommes ici pour vous signaler quelques-unes des inquiétudes que nous avons au sujet des répercussions qu'il pourrait avoir sur les musées au Canada.

Avant de commencer, je me présente, John McAvity. Je suis le directeur général de l'Association des musées canadiens et je voudrais prendre un instant pour vous parler un peu de mes antécédents, après quoi je vous présenterai ma collègue.

Je travaille dans le secteur des musées depuis 1968 et j'ai tenu tout un éventail de postes, à commencer par conservateur-adjoint du Village historique de Kings Landing, à la sortie de Fredericton... Puis conseiller des musées provinciaux du Nouveau-Brunswick. J'ai été le premier directeur général de l'Association des musées de l'Ontario. Depuis 1981, je suis directeur général de l'Association des musées canadiens.

Ma collègue, Brenda Brownlee est en fait la spécialiste du sujet qui nous occupe aujourd'hui et je lui laisserai le soin de se présenter elle-même.

Mme Brenda Brownlee (conservatrice, Musée militaire de Hamilton): Je suis actuellement conservatrice du Musée militaire de Hamilton, à Hamilton en Ontario. Je travaille dans les musées militaires depuis 1972. J'ai un diplôme de l'Université Trent et une maîtrise en muséologie de l'Université de Toronto avec spécialisation en administration des musées. J'ai reçu la médaille du 125e anniversaire du Canada il y a deux ans pour mes 20 ans de travail dans les musées militaires.

Je suis très heureuse d'être ici ce soir.

M. McAvity: Permettez-moi de vous dire maintenant quelques mots sur l'organisation que nous représentons.

L'Association des musées canadiens a été fondée en 1947. Nous sommes l'association mationale qui représente les musées au Canada. Il y a environ 2 000 musées à but non lucratif au Canada. Cela va des grands musées de nos métropoles tels que le Musée des beaux-arts à Montréal aux petits musées spécialisés de campagne tels que le Village historique de Kings Landing au Nouveau-Brunswick. Ces musées atttirent 60 millions de visiteurs par an et ce sont des chiffres qui ont été bien confirmés par Statistique Canada.

L'association compte 2 000 membres. Nous sommes un organisme de services. Nous sommes voués au perfectionnement professionnel des gens qui travaillent dans les musées et nous défendons d'autre part la cause des musées.

Je sais qu'il arrive souvent que lorsque des groupes d'intérêt tels que le nôtre comparaissent devant les comités parlementaires, les députés leur demandent dans quelle mesure ils peuvent prétendre être le porte-parole du groupe qu'ils déclarent représenter et je pense qu'il est normal de poser une telle question.

.1940

Je prendrai une seconde pour vous expliquer comment nous en sommes arrivés à la position que nous avons énoncée.

Malheureusement, lorsque le ministre de la Justice a tenu ses audiences dans tout le pays en 1994, les musées n'en ont pas été avisés et n'ont participé à aucune de ces consultations. Ainsi, ce projet de loi ne tient pas compte de nos préoccupations particulières.

À partir de janvier, nous avons envoyé un avis à tous nos membres pour demander ce qu'ils en pensaient. J'ai compilé les commentaires et lettres reçus de tous nos membres. C'est annexé à ce document et je vous demanderais de considérer cela comme un élément de notre exposé.

Le président: Est-ce le document intitulé «Les musées canadiens et le projet de loi C-68»?

M. McAvity: Non, c'est intitulé «Les musées et la nouvelle Loi sur le contrôle des armes à feu: Réponses et commentaires». J'en ai remis un certain nombre d'exemplaires au greffier. Malheureusement, nous n'en avons pas apporté suffisamment pour les distribuer.

Le président: Nous les photocopierons et les distribuerons aux membres du comité.

M. McAvity: Notre position est donc fondée sur les commentaires que nous avons reçus de nos membres et nous avons organisé une réunion nationale le 26 janvier ici à Ottawa à laquelle ont participé beaucoup d'entre eux. Nous avons alors eu une rencontre avec les fonctionnaires du ministère de la Justice juste avant qu'ils ne finalisent le projet de loi. Malheureusement, à notre avis, nous sommes arrivés trop tard pour influer réellement sur le texte.

Depuis lors, nous avons également tenu nos membres au courant en leur envoyant un certain nombre d'alertes, comme nous disons. Je crois donc que l'on peut considérer que nous avons beaucoup consulté nos membres et que nous pouvons prétendre présenter leurs points de vue.

Nous ne pensons pas que ce projet de loi doive léser les musées sérieux du Canada, mais c'est malheureusement le cas. Je pourrais dire en passant que beaucoup de gens, beaucoup de mes amis et voisins, et même ma mère, disent: «Pourquoi donc vas-tu comparaître devant le comité parlementaire à ce sujet? Qu'est-ce que ce projet de loi peut bien avoir affaire avec les musées? Est-ce que ce projet de loi en fait ne s'adresse pas aux collectionneurs et à ceux qui ont des armes à feu en leur possession?» Malheureusement, c'est bien cela qui nous préoccupe. Ce projet de loi touche aussi les musées.

Les musées ne sont pas des institutions qui posent un risque pour la société. En fait, et bien au contraire, les musées sont des établissements éducatifs qui servent l'intérêt public. Nos musées sont tous des organismes à but non lucratif, tous des organismes philantropiques reconnus qui se font les gardiens de notre passé. Les musées du Canada respectent les normes professionnelles les plus élevées du monde, surtout en ce qui concerne les installations, les pratiques de conservation et les méthodes de gestion des collections, notamment la base de données informatiques nationale pour les artefacts enregistrés. Nous avons le personnel parmi le mieux formé et spécialisé du monde des musées.

Ainsi, ce projet de loi nous semble faire double emploi et être totalement inutile en ce qui concerne les musées. Ce qui nous préoccupe, ce sont les coûts et le fardeau administratif qu'il va nous imposer.

Le projet de loi vise en fait beaucoup des objectifs qu'ont déjà atteints les musées. Par exemple, nous croyons qu'il est nécessaire que nos collections soient entièrement cataloguées. Nous pensons que nos artefacts doivent être protégés de façon tout à fait sûre, qu'il s'agisse de tableaux précieux ou d'armes à feu. Nous croyons à la formation professionnelle de notre personnel pour ce qui est de l'entretien et de la manutention de nos collections. Nous croyons à l'éducation publique; en fait, les musées pourraient jouer un rôle dans l'éducation du grand public pour ce qui est de comprendre la façon d'entretenir et d'utiliser les armes à feu en toute sécurité. Nous croyons d'autre part à la nécessité de coordonner les informations lorsque des artefacts comme des armes à feu sont perdues ou volées.

Notre proposition à propos du projet de loi C-68 n'est pas que les musées doivent se soustraire à la loi, mais que les objectifs du projet de loi sont parallèles au rôle même du musée. Nous avons devancé la loi de par la nature même de nos normes professionnelles, mais cela n'a toutefois pas été reconnu dans le projet de loi. D'autre part, nous estimons que les musées du Canada peuvent jouer un rôle éducatif en ce qui concerne la manutention, l'entreposage et la documentation nécessaires pour les armes à feu.

Nos musées reconnus comme tels détiennent les trésors du Canada et nous voulons maintenir cette tradition. Notre rôle est la conservation et la protection de nos collections à perpétuité. Lorsqu'un article entre dans un musée, il est retiré de la circulation publique et gardé au musée pour toujours.

.1945

Si les musées ne sont pas exclus de l'application de ce projet de loi, ou du moins ne bénéficient pas d'un traitement plus spécial que ce qui est prévu dans le texte actuel, nous savons qu'un certain nombre de musées seront obligés de détruire leurs collections ou d'en retirer l'accès. Ce sera une perte pour les générations futures de Canadiens et c'est une perte que nous vous implorons d'éviter en examinant nos recommandations.

Maintenant que je vous ai expliqué pourquoi nous pensons que les musés devraient être exclus de l'application de la loi, je voudrais vous dire un mot de mise en garde. J'ai parlé de ce que j'appelle les véritables musées, comme le Musée du Nouveau-Brunswick, le Musée de la Civilisation, le Royal Ontario Museum et le Musée des Plaines de Regina. Il s'agit d'institutions dirigées par des professionnels, d'organismes philantropiques enregistrés et administrés dans l'intérêt public.

Il y a certains autres organismes, toutefois, qui se font appeler musées mais qui, si on les regarde de plus près, sont simplement la propriété de collectionneurs privés. Ils peuvent être ou ne pas être de véritables musées et c'est la raison pour laquelle nous continuons à estimer que les procureurs généraux des provinces ou des territoires doivent conserver la responsabilité d'inspecter tous les musées pour en déterminer le rôle et les normes et pour décider s'ils peuvent ou non être soustraits à l'application de certaines mesures prévues au projet de loi.

Je passerai maintenant la parole à ma collègue Brenda Brownlee.

Mme Brownlee: Comme l'a indiqué John, nous demandons initialement une exemption pour nos musées autorisés. Il y a certains musées au Canada qui bénéficient déjà complètement de ce privilège; il y en a d'autres qui peuvent profiter de dispositions contenues dans la loi actuelle et dans le projet de loi afin d'être du moins partiellement exemptés; et il y en a des tas qui doivent au contraire se conformer à l'ensemble des dispositions de la loi. Cela crée donc trois catégories différentes de musées.

Nous estimons que les musées qui pourraient être exemptés devraient continuer à devoir se conformer à toutes les exigences de la loi en ce qui concerne l'entreposage et la manutention des armes à feu, notamment des antiquités; signaler tout vol ou perte immédiatement, conformément à la loi; tenir à jour et prêt pour inspection un fichier complet, ce qui est plus que ce que demande le projet de loi dans la plupart des musées; et ne pas utiliser de munitions actives.

Si ce n'est pas possible, nous aimerions tout de même offrir certaines suggestions afin de faciliter les choses aux musées. Il y a trois domaines qui inquiètent particulièrement la plupart des musées et il ne s'agit pas simplement des grandes collections d'armes à feu. Il peut s'agir d'une maison historique où une arme à feu se trouve au-dessus de la cheminée, comme on l'y aurait placée autrefois. Ce peut être un petit musée de campagne qui possède cinq ou six armes utilisées par les soldats locaux au cours de la Première Guerre et de la Seconde Guerre mondiales ou alors de collections militaires plus importantes.

L'autorisation d'acquisition d'armes à feu actuelle ou ce qui deviendra l'autorisation de possession d'armes à feu est, dans certains cas, difficile à obtenir. Pratiquement tout le personnel qui travaille à l'heure actuelle avec des armes à autorisation restreinte ou prohibée ainsi qu'avec des armes plus générales a dû en obtenir une. Cela inclut les préposés au ménage qui doivent aller épousseter à l'intérieur de la vitrine; les guides touristiques qui peuvent avoir à prendre en main une reproduction de fusils à silex pour montrer à une classe comment fonctionnait une arme de la Guerre de 1812, et ceci sans utiliser de munitions; le responsable des inscriptions qui doit prendre l'arme en main pour pouvoir lire le numéro de série - et la liste des employés de musée n'en finit plus. À 200$ par AAAF, plus s'il faut payer jusqu'à 400$ de temps de travail d'employés, cela peut coûter très cher pour les petits et les grands musées.

Une deuxième préoccupation porte sur la définition actuelle d'«historique», qui a été resserrée dans la loi de 1992. Nous suggérons que cette définition inclue «toutes les armes à un coup nécessitant de la poudre noire et fabriquées avant 1898 ainsi que toutes les reproductions d'armes anciennes». Nous ne voyons en effet pas la différence entre une arme fabriquée il y a 100 ans et une qui aurait été fabriquée hier s'il s'agit de la même arme sans amélioration et simplement d'une version 1990.

À l'heure actuelle, la police dit qu'elle ne sait pas ce que veut dire la définition de «munitions habituellement obtenues» au Canada. Si on peut trouver ces munitions n'importe où au pays, la police dit que cette arme doit être enregistrée et n'est pas considérée comme historique.

.1950

Cela pose quelques problèmes, en particulier pour les reconstitutions historiques qui sont souvent des activités saisonnières, et il peut être difficile d'obtenir une AAAF pour un garde qui ne travaillera que pendant l'été, des étudiants qui sont embauchés pour travailler à un musée particulier pendant l'été afin d'animer les collections. Ils ne peuvent pas suivre la formation ni se soumettre aux vérifications nécessaires pour pouvoir travailler l'été et gagner ainsi de l'argent pour l'université. Ils travaillent avec des armes qui, ne serait-ce de leur date de fabrication, seraient probablement considérées comme des armes historiques et pour lesquelles ils n'utilisent pas de munitions actives.

Notre dernière préoccupation concerne, de façon générale, les frais. À l'heure actuelle, les musées bénéficient de l'exemption des frais annuels requis pour le permis d'armes à feu et de munitions, ce qui représente environ 200$. Maintenant, ceci sera élargi pour ne plus simplement couvrir les armes à autorisation limitée et prohibées; en fait, tout musée ayant une arme à feu devra obtenir un permis d'entreprise. On prévoit des frais. Il y a évidemment les frais liés à l'autorisation d'acquisition d'armes à feu, les frais de formation, les frais d'enregistrement. Si une arme est donnée à un musée, il y aura des frais de transfert. Nous ne savons pas si c'est le donateur qui devra les payer ou le musée.

Cela représente des montants importants. Nous essayons de calculer cela, mais ce n'est pas facile car les frais n'ont pas encore été fixés dans certains cas. Cela pourrait représenter 3 millions de dollars ou plus qui sortiraient ainsi du secteur culturel, qui ne roule déjà pas sur l'or en ce moment, si l'on considère le nombre de musées et le nombre de gens qui les visitent, ainsi que le nombre d'armes pour lesquelles il faudrait payer ces frais.

Il y a certaines autres considérations mineures dans notre document qui ne s'appliquent pas à tous les musées. Certains ont en effet des collections médiévales et s'inquiètent des arbalètes et d'autres armes. Vous pourrez lire ces considérations et en faire ce que vous pourrez.

Comme l'a dit John, nous voudrions pouvoir collaborer au système, à l'application de la loi. Nous voulons pouvoir continuer à présenter le patrimoine canadien, à offrir une certaine animation, à intéresser le grand public et ne pas simplement dire: «Non, non, non, c'est impossible, nous ne le pouvons pas», ou «Non, non, non, nous ne voulons pas de ce projet de loi.» Nous voulons collaborer à la recherche d'une solution à ce problème.

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de nous écouter.

Le président: Nous allons maintenant entendre M. Ellis du Musée de l'armée de la citadèle de Halifax.

M. Bruce F. Ellis (conservateur et administrateur, spécialiste des objets militaires destinés à la commission d'examen des biens culturels, Musée de l'armée de la Citadelle de Halifax): Monsieur le président, membres du comité, merci de cette occasion que vous me donnez de prendre la parole ce soir.

Je ne lirai pas tout mon rapport. Je vous demanderais toutefois d'essayer d'en tenir compte dans toute la mesure du possible. Je répéterai tout d'abord ce qu'ont dit mes collègues de l'Association des musées canadiens.

Le Musée de l'armée est membre de cette association. Nous sommes également membres à charte de l'Organisation des musées militaires du Canada. Je représente donc non seulement mon petit musée, mais également un certain nombre de mes partenaires dans ce domaine.

Ce qui m'a le plus inquiété à propos de ce projet de loi, lorsque j'ai pu en lire le texte, c'est que l'on y considère les musées comme une entreprise. Mes collègues ont déjà bien expliqué ce que nous en pensions. Nous me sommes pas une entreprise. En fait, ces établissements en Nouvelle-Écosse sont financés directement par le ministère de l'Éducation. Nous sommes en fait des institutions officielles à but non lucratif, financées presque entièrement par le ministère de l'Éducation de ma province.

Les inquétudes que j'ai à propos de certaines définitions et termes contenus dans ce projet de loi peuvent vous sembler mineures mais elles ont au contraire une grande importance pour nous.

Mme Brownlee a parlé des reproductions. L'institution associée à la Citadelle, Parcs Canada, utilise dans ses animations des mousquets originaux. Beaucoup ont nettement plus de 100 ans et bien qu'ils satisfassent aux exigences prévues dans ce projet de loi, l'utilisation régulière d'une arme qui a plus de 100 ans, qui est usée et qui a subi les effets de la corrosion normale mais également des tirs à blanc inquiète quelque peu les animateurs. Évidemment, ces armes sont inspectées régulièrement.

.1955

Je demanderais en tout cas au comité de considérer favorablement les reproductions d'armes à feu historiques qui seraient ainsi moins dangereuses pour la sécurité publique.

Autre préoccupation des musées, le terme «réplique». Il peut s'agir d'une maquette ou de tout autre élément ne fonctionnant pas et ressemblant à une arme à feu. C'est un peu gênant puisque le gouvernement reconnaît qu'une arme à feu peut être considérée comme inopérante après certaines modifications, notamment en sciant certains éléments, en en soudant d'autres et en y insérant d'autres pièces.

Si l'on peut prendre une arme à feu et, techniquement, en la modifiant, la soustraire à l'application du projet de loi, il est évident que si nous avons un article qui ressemble à une arme à feu mais qui n'a jamais été fait pour tirer, mais seulement pour ressembler à une arme à feu, on devrait ne pas le considérer plus sévèrement.

Je reconnais bien sûr que tout objet, si on l'utilise pour intimider ou commettre un crime, est en fait une arme aux termes de la loi, d'après ce que je crois savoir, et c'est certainement couvert dans ce projet de loi et dans le Code criminel.

Dans mon musée, nous avons un certain nombre de répliques d'armes à feu que nous ne pouvons nous permettre de posséder ou qui sont trop rares pour qu'on puisse les acheter ou même les trouver. Nous en avons donc fait faire des copies. Je demanderais que l'on en tienne compte puisqu'il s'agit là de notre mandat historique.

Mes collègues parleront d'autres questions liées à l'utilisation d'armes à feu d'époque et de reproductions à des fins d'animation, c'est-à-dire, comme outil d'apprentissage de notre patrimoine militiaire.

Je ferai encore une remarque. Un certain nombre d'entre vous ont vu un mousquet à grande sécurité. «Guide national des armes à feu», annexe 4-1, page 1, fusil à poudre noire: le canon doit être bloqué immédiatement avant le trou de détonation par une goupille d'acier durci forcée dans le canon et la carcasse afin d'éviter qu'une munition puisse se trouver dans la chambre. Ce doit être soudé.

Si l'on considère un type d'armes à feu plus ancien, comme celles qui ont été utilisées durant les raids fenians, elles doivent être bloquées par des goupilles d'acier durci, sur toute la longueur du canon, et s'il s'agit d'une arme de poing, également sur le cylindre, le tout soudé, toutes les pièces du système de mise à feu soudées les unes aux autres.

Je trouve que la possibilité que ce projet de loi soit appliqué ainsi lorsqu'il s'agit de présenter notre histoire est assez alarmante. Lorsque j'en ai parlé au ministre de la Justice à l'automne dernier à Halifax, il n'était pas question que la loi réduise la qualité, le soin ou la préservation du patrimoine de notre pays. Et je ne crois d'ailleurs pas que ce soit l'intention du ministre.

Si l'on peut parler de péché dans ce cas, c'est un péché d'omission, nous semble-t-il. Devant tous les autres problèmes urgents que posait ce projet de loi, on semble avoir oublié les musées. Je demanderais au comité d'essayer de remédier à ce problème en considérant nos recommandations.

.2000

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie.

Le président: C'est nous qui vous remercions, monsieur Ellis.

Nous entendrons maintenant les représentants de la British North America Living History Association: messieurs Feltoe et Webb.

M. Richard Feltoe (coordonnateur, British North America Living History Association): Bonsoir, mesdames et messieurs. Je m'appelle Richard Feltoe. Je m'adonne à la reconstitution historique depuis une quinzaine d'années.

Récemment, à l'occasion du dépôt de ce projet de loi, un certain nombre d'associations vouées aux reconstitutions historiques se sont fédérées sous l'appellation de British North America Living History Association. Son but est de vous faire part de ses préoccupations vis-à-vis ce projet de loi. J'agis en tant que coordonnateur du groupe.

Je suis accompagné de M. David Webb, représentant des lieux historiques, qui ont recours au service des groupes de reconstitution. De fait, M. Webb est le chef des activités des visiteurs aux Parcs historiques nationaux du Niagara; il donne également des cours sur les armes historiques à Parcs Canada. Il a été l'animateur d'un grand nombre de manifestations de ce genre.

Nous parlerons d'une seule voix, la mienne. M. Webb pourra répondre aux questions concernant les lieux historiques et les reconstitutions et il vous donnera certains chiffres sur les conséquences financières que pourrait entraîner la disparation de ce passe-temps. Comme je parlerai en notre nom à nous deux, je vous prierai d'être indulgent et de me laisser faire la lecture de mon mémoire.

Les Canadiens d'il y a une génération à peine ne pouvaient pour la plupart, s'ils voulaient comprendre l'histoire de leur pays, que lire un roman historique, écouter un documentaire à la télévision ou visiter un musée rempli d'artefacts. Ces dernières années, ils ont pu admirer des expositions de costumes, des villages de pionniers ou des fortifications et ainsi en apprendre un peu plus sur le mode de vie de leurs ancêtres.

Un petit nombre d'entre eux, pourtant, savent que l'histoire ne tient pas seulement en un livre, une émission de télévision ou une exposition. Pour eux, l'histoire n'est pas une matière inerte mais bien un patrimoine où notre société moderne peut trouver son inspiration et aller puiser dans les arts et métiers, le folklore et le mode de vie d'antan. Il se trouve parmi eux des passionnés qui se servent à fond de ces connaissances pour reconstituer fidèlement ce mode de vie pour le public d'aujourd'hui.

C'est au nom de ces historiens amateurs dévoués que je m'adresse à vous ce soir pour vous mettre en garde du danger que pose le projet de loi C-68 dans sa forme actuelle pour ce type de reconstitution historique.

Pour comprendre la nature de cette activité et sa contribution à la propagation des connaissances ainsi qu'à l'apport de revenus pour les musées et les collectivités, il faut tenir compte des éléments suivants. J'aimerais maintenant que les photographies et les illustrations que nous avons apportées vous soient remises pour que vous ayez une idée de ce que nous faisons.

Pour commencer les reconstitutions historiques sont un phénomène international. Dans de nombreux pays, il s'agit d'un instrument d'information culturelle précieux qui bénéficie d'exemptions fiscales, de subventions et de prix. Ce n'est pas le cas au Canada, même si des milliers de citoyens font don de leur temps et de leur énergie aux lieux historiques, aux musées, aux écoles et aux villes et villages de partout au pays.

Notre association est composée d'un grand nombre de sociétés indépendantes de reconstitution, elles-mêmes composées de passionnés de recherche historique, d'interprétation et de représentation de périodes précises de notre histoire.

Deuxièmement, dans le cadre de ces reconstitutions, nous nous servons d'armes d'époque qui font partie intégrante du spectacle.

.2005

Nous attachons beaucoup d'importance aux normes de sécurité et au bon usage des armes. Nous respectons non seulement les règles fédérales, provinciales et locales, mais nous nous sommes aussi dotés d'un code de sécurité beaucoup plus rigoureux que l'exigent les pouvoirs publics.

Vous êtes invités à consulter les exemplaires que j'ai ici et qui expliquent ce qui est permis et ce qui est interdit lors des reconstitutions.

Par exemple, notre code stipule que seules des cartouches à blanc peuvent être utilisées. Les munitions chargées ne peuvent même pas faire partie de l'équipement. Sachez également qu'en Europe, les groupes canadiens de reconstitution historique servent de modèles en raison de la fidélité exceptionnelle de leur travail et de leur attachement aux règles de sécurité.

Nous l'avons bien constaté en 1990, lorsqu'environ 250 Canadiens se sont rendus à Waterloo en Belgique pour participer avec 5 000 autres amateurs de Belgique, d'Allemagne, de France, d'Italie et de ce qu'était l'Union soviétique à l'époque, ainsi que de nombreux autres pays à la reconstitution sur les lieux mêmes du champ de bataille de cet affrontement historique. Je vous assure que cela a été un moment inoubliable.

Troisièmement, à chaque année chaque amateur investit une somme importante à l'acquisition de techniques historiques qui servent à la fabrication d'objets, de matériel et de vêtements.

Par exemple, incarner un simple soldat peut coûter jusqu'à 2 200$ pour se munir des vêtements, de l'équipement et du mousquet à poudre noire. Il faut ajouter à cela le coût des vêtements historiques que portent également les membres de la famille du soldat. Incarner un officier peut coûter plus de 4 000$ - uniquement pour pouvoir paraître en public.

Celui qui veut participer à plusieurs reconstitutions doit en plus se procurer des tentes, du matériel de campement, des articles de cuisine et autres articles d'époque.

À ces coûts directs s'ajoutent des dépenses de plus de 2 600$ par année dans les villes situées au voisinage des lieux de reconstitution pour la nourriture, le logement, l'essence, etc. Comme l'on sait qu'il y a au moins 3 500 fervants de reconstitutions historiques en Ontario, on peut deviner quel est l'apport économique de cette activité à la grandeur du pays.

Celui-ci est encore plus important si l'on inclut le grand nombre de citoyens américains qui partagent cette passion et qui viennent plusieurs fois par année au Canada participer à nos reconstitutions et qui investissent dans notre économie grâce à leurs achats.

Quatrièmement, nos membres représentent pour les lieux historiques et les musées qui s'adressent à eux un noyau d'acteurs expérimentés qui peuvent faire partie du programme d'animation. Les reconstitutions leur permettent aussi, à eux ainsi qu'aux villes environnantes, d'augmenter leurs recettes en raison du nombre accru de visiteurs.

M. Webb pourra vous donner les chiffres de cette année pour Louisbourg.

Compte tenu de ces éléments et de la menace que représente le projet de loi, il faut néanmoins savoir que les partisans de la reconstitution historique souscrivent aux principes du projet de loi C-68. Nous craignons toutefois que ce passe-temps éducatif ne disparaisse si le projet de loi n'est pas modifié.

L'étude préliminaire du projet de loi et les entretiens avec les autorités révèlent que l'objectif louable du texte est de réduire l'usage des armes à feu dans la perpétration de crimes. Toutefois, ce sont les armes modernes qui sont visées. Autrement dit, les armes historiques et périmées comme des mousquets à poudre noire n'ont jamais été censées faire l'objet du projet de loi.

.2010

Ce n'est pas étonnant, car il est bien évident qu'un criminel ne se servira pas d'une arme à chargement par la bouche, à un coup, à poudre noire, à platine à mèche ou à platine à rouet ou à percussion pour perpétrer un crime alors qu'il existe des armes beaucoup plus perfectionnées.

Pour ces armes historiques et désuètes, il n'y a pas de méthode d'examen toute faite. Elles utilisent une poudre propulsive difficile à obtenir et qui se détériore au point de devenir inerte lorsqu'elle est exposée à l'humidité. Leur système d'allumage se détraque souvent et l'arme fait long feu en l'absence de conditions atmosphériques idéales. De plus, il faut entre 15 et 20 secondes à un expert pour recharger.

Le cours pour l'obtention d'une AAAF, cours dont on vient de réviser le contenu, est un autre argument en faveur de l'exclusion des armes à poudre noire. Le programme du cours ne parle presque pas de la poudre noire. Un grand nombre d'instructeurs ne connaissent pas mieux les armes à poudre noire que nos membres. Pour cette raison, il est arrivé que des participants aux reconstitutions historiques, qui paient pour le cours, soient appelés à former l'instructeur.

C'est donc dire que les autorités n'avaient pas cru à l'origine qu'il fallait assujettir les armes historiques et désuètes au règlement relatif aux AAAF. Comme l'un des agents me l'a dit, ce n'est pas cela que nous essayons de réprimer, ce n'est pas là-dessus que porte la loi.

Voici que maintenant les autorités décident de les y assujettir. Or, au lieu de rédiger de nouveaux articles, on fait tomber ces armes sous le coup de dispositions qui ne devaient jamais s'appliquer à elles et on les traite comme s'il s'agissait d'armes modernes. Si vous me passez l'expression, c'est comme si la loi tirait sur tout ce qui bouge dans l'espoir de toucher l'objectif voulu. Malheureusement, ce genre de tir fait des victimes innocentes.

Faute d'amendements, c'est le sort qui sera réservé aux reconstitutions historiques à cause des coûts supplémentaires et des restrictions qui seront imposées. Les lieux historiques, les musées, les écoles et diverses localités ne feront plus de reconstitutions historiques. Nous succomberons sous une avalanche de règlements et de coûts qui dissuaderont les intéressés de s'adonner à leur passe-temps légitime et légal.

Pour reprendre mon analogie de tout à l'heure, la loi doit être comme une carabine de tir olympique, c'est-à-dire bien calibrée, équipée d'une lunette puissante et ajustée sur un objectif précis. C'est pourquoi la British North American Living History Association présente les propositions d'amendements suivantes.

Premièrement, vous ferez beaucoup d'heureux si vous acceptez la recommandation de l'Association des musées canadiens, c'est-à-dire l'exclusion de toutes les armes antérieures à 1898. Sans cela, nous recommandons d'exclure de la définition d'arme à feu et des formalités connexes, toutes les armes historiques ou les reproductions de ces armes. De cette façon, il ne serait plus nécessaire d'obtenir un permis, une AAAF ou une APAF, de suivre un cours, d'enregistrer l'arme ou de l'enregistrer à chaque point de transbordement. Il s'agirait des armes à canon conçues pour ne tirer qu'un seul coup sans que l'on puisse y ajouter un chargeur, à chargement par la bouche, à poudre noire et à mèche, à rouet ou à percussion dont le canon est d'au moins 18 pouces.

.2015

Toutefois, par égard aux préoccupations des auteurs du projet de loi et au cas où il ne serait pas possible d'accorder une exemption comme celle qui est demandée, nous proposons la solution suivante. Toutes les armes historiques ou reproductions de celles-ci devraient être placées dans la catégorie des armes historiques et assujetties aux conditions suivantes: exemptes du cours pour l'AAAF-APAF, de l'enregistrement de l'arme ou de l'enregistrement au point de transbordement. Il devrait plutôt y avoir un système distinct de formation, d'examen et d'attestation sous forme d'attestation de possession d'armes historiques conçue en collaboration avec la police et appliquée par des lieux historiques désignés et des comités formés de représentants expérimentés des groupes de reconstitution. Chaque propriétaire serait tenu de se conformer à toutes les règles d'entretien, d'entreposage et de sécurité des armes et de tenir un carnet de possession pour chaque arme. Autrement dit, l'auto-enregistrement. Ce carnet et les armes pourraient être inspectés par les autorités pour s'assurer du respect des normes; le propriétaire serait passible d'amendes en cas de manquement. Il serait également nécessaire de signaler aux autorités toute perte, vol, modification ou vente.

Tout club, groupe ou musée désireux d'avoir ces armes dans sa collection recevrait son attestation au moyen d'une approbation unique. L'attestation reposerait sur la politique de chaque groupe et les documents voulus indiquant à quelle fin la collection est détenue.

Le club, groupe ou musée aurait l'obligation d'observer les normes appropriées d'entretien, d'entreposage, de sécurité et de tenue du carnet d'utilisation en produisant un auto-enregistrement aux autorités qui en feraient la demande.

Des dispositions seraient prises pour le transport des armes historiques ou des reproductions dans le but de participer à une reconstitution historique au Canada ou aux États-Unis, avec des dispositions particulières pour les Américains qui détiennent une attestation d'armes historiques obtenue des autorités appropriées et accompagnée des documents indiquant à quelle reconstitution ils se rendent au Canada.

J'insiste à nouveau sur le fait que nous ne nous opposons pas à la loi. Nous avons nos inquiétudes. Nous vous sommes fort reconnaissants de nous avoir donné l'occasion de faire valoir notre point de vue. Nous savons que vous ferez ce qu'il faut faire. Nous espérons que vous allez tenir compte de nos arguments.

Au nom de M. Webb et en mon nom personnel, je tiens à vous remercier.

Le président: Merci, monsieur Feltoe. Nous allons maintenant passer aux questions. Comme nous avons trois groupes de témoins, je demanderais aux députés de préciser à quel groupe leurs questions s'adressent. Peut-être voulez-vous que tous les groupes répondent à la question. Si c'est le cas, précisez-le.

[Français]

On débute avec M. de Savoye du Bloc québécois.

.2020

M. de Savoye (Portneuf): D'abord, je veux vous féliciter et vous remercier pour des présentations fort bien calibrées, livrées avec beaucoup d'aplomb, certainement de manière à faire mouche. Je ne sais pas comment sonne l'interprétation anglaise, mais en français, cela a un certain sens.

Pour le Bloc québécois, le projet de loi C-68 vise à réduire la violence due aux armes à feu, à réduire les accidents, à réduire les décès et à réduire les crimes perpétrés avec des armes à feu. Pour le Bloc québécois, ce projet de loi doit éviter des effets pervers, entre autres, éviter de causer des préjudices aux honnêtes citoyens tels que les chasseurs, les agriculteurs et les travailleurs forestiers et, bien sûr, éviter de restreindre ou d'abîmer le patrimoine canadien.

Vous le savez, le Bloc québécois a appuyé en deuxième lecture ce projet de loi parce que nous en partageons les objectifs. Ils sont louables et importants. En même temps, le Bloc québécois s'attend à ce qu'un certain nombre d'amendements soient apportés au projet de loi pour éviter les effets pervers dont je faisais mention plus tôt. C'est pourquoi je suis très content, ce soir, que vous nous ayez sensibilisés aux effets néfastes qu'aurait le projet de loi C-68 sur divers aspects relatifs aux armes à feu antiques.

Vous nous avez parlé des armes à feu conservées dans des réserves ou des vitrines. Vous nous avez parlé aussi de répliques inopérantes. Vous nous avez entretenus de reconstitution historique et d'animation. L'Association des musées canadiens nous a aussi parlé de la définition de «munition». C'est sur ce dernier point que portera l'essentiel de ma question.

On parle de munitions habituellement obtenues versus des munitions commercialement disponibles. Or, dans vos mémoires, vous nous faites des recommandations précises sur des améliorations à apporter au projet de loi. Dans le cas de munitions, vous ne faites que mentionner la difficulté sans indiquer l'amélioration souhaitable. Est-ce que vous pourriez élaborer sur ce sujet?

[Traduction]

Mme Brownlee: Nous proposons que la définition d'arme historique ne renferme aucune indication sur le type de munitions utilisé. Nous proposons que la définition parle d'une arme à poudre noire, à un coup et antérieure à 1898, sans préciser le type de munition. Cela s'appliquerait évidemment aux reproductions de ce genre, de manière à éviter le problème des munitions habituellement obtenues ou commercialement disponibles, selon le sens qu'on leur donnerait.

M. McAvity: Il y a une autre solution. Il s'agirait d'accepter notre première recommandation qui est de soustraire à la loi les collections d'armes qui se trouvent dans les musées. C'est une solution plus facile pour vous, je crois.

M. Ellis: Mais en plus de cela, en tant que professionnel, je trouve qu'une des omissions du règlement actuel tient au fait que, pour acheter des munitions, il n'est pas nécessaire d'avoir une AAAF. Je sais que c'est un peu ipso facto, mais lorsque quelqu'un va dans un Canadian Tire pour acheter une boîte de cartouches de 12, on s'attend un peu à ce que l'acheteur possède ou connaisse quelqu'un qui possède un fusil de calibre 12.

Dans les passages de la nouvelle loi qui modifie le Code criminel, la réglementation relative aux munitions me semble être un grand pas en faveur de la sécurité publique.

.2025

En ce qui concerne les munitions d'époque, c'est-à-dire celles qui intéressent la communauté du patrimoine - cela touche un groupe très large. Il y a des collectionneurs tout à fait légitimes, passionnés de divers types de munitions militaires et commerciales. Cela remonte à la création de l'industrie des cartouches au Canada par le capitaine Howard.

Cependant, pour ce qui est des répercussions sur la communauté du patrimoine, en ce qui concerne les munitions et les autres engins, aux États-Unis, la taxe ATF - alcohol, tobacco and firearms - c'est-à-dire la taxe sur l'alcool, le tabac et les armes à feu vise les «engins destructeurs». Ces articles portent bien leur nom. Ce ne sont pas des armes à feu, mais fondamentalement, il ne fait vraiment pas bon être autour d'eux au mauvais moment. Cependant, au Royaume-Uni et aux États-Unis, on donne la permission à des institutions d'acquérir, sous réserve de conditions bien précises, ces engins destructeurs. Il s'agit par exemple d'obus d'artillerie et de grenades à main.

Aussi inquiétant que cela puisse paraître, dans mon propre établissement, lorsqu'on les reçoit, ces engins sont amorcés et actifs. Ils proviennent de la cantine d'un soldat. Malheureusement, il m'incombe alors de les transporter avec précaution jusqu'au dépôt de neutralisation des armes et armements, ce que je fais avec beaucoup d'inquiétude sans être payé plus pour autant.

C'est donc un sujet de préoccupation pour nous également. Cependant, en général, les munitions au sein de la communauté historique sont, je le répète, extrêmement bien réglementées par les intéressés et les exigences, ne serait-ce que pour l'assurance de nos locaux, sont très strictes.

[Français]

M. de Savoye: Monsieur McAvity et madame Brownlee, vous m'avez donné deux solutions, mais, dans l'une, je vois un inconvénient et, dans l'autre, je vois un autre inconvénient. Je voudrais partager l'interrogation que j'ai avec vous.

Si toutes les armes utilisant de la poudre noire sont exemptées, est-ce que cela veut dire que, pour tous les possesseurs d'armes utilisant de la poudre noire, que ces armes soient entre les mains d'un musée ou d'un particulier, sont automatiquement exemptées? D'autre part, si on exempte exclusivement les musées, qu'est-ce qui se passe pour les reconstitutions historiques? On a un problème. Est-ce que vous pouvez essayer de clarifier pour moi cette dualité?

[Traduction]

Mme Brownlee: Vos deux réponses conviennent dans le cas des musées. Ainsi, tout dépend de ce que vous souhaitez faire du projet de loi. Si vous reveniez sur la définition précédente d'arme ancienne, qui était contenue dans la loi de 1977, où il est précisé que ce type d'armes n'accepte pas les munitions à percussion centrale ou à amorce périphérique commercialement disponibles au Canada, nous aurions alors une définition plus claire.

À l'heure actuelle, de nombreuses armes qui ont été fabriquées à partir de 1860, même s'il est question de 1898 dans la définition...sont en fait classées comme des armes à feu plutôt que comme armes anciennes, parce qu'on peut peut-être se procurer ces munitions dans les expositions d'armes anciennes ou auprès de collectionneurs, comme M. Ellis l'a déclaré. Cependant, les munitions ne peuvent pas être facilement obtenues par un citoyen ou un musée. Il faudrait déployer beaucoup d'efforts pour trouver les munitions nécessaires à l'utilisation de cette arme et il serait donc difficile de causer beaucoup de dommages avec cette arme.

On tombe ensuite dans le problème des gardes historiques, car ces gardes d'établissements comme Fort Henry et la Citadelle de Halifax utilisent ces armes des années 1860, et qu'il s'agisse d'originaux ou de reproductions, étant donné qu'elles acceptent les munitions à percussion centrale ou à amorce périphérique habituellement disponibles au Canada, en vertu de cette définition vague, elles sont en fait considérées comme des armes à feu, ce qui pose un problème.

Je suppose qu'il s'agit de savoir si une arme à un coup nécessitant de la poudre noire, qui a été fabriquée, dans la seconde moitié du XIXe siècle, bien qu'à chargement par la culasse, pose un danger pour la population au point que vous jugiez nécessaire de la faire enregistrer.

.2030

Ce n'est pas une question à laquelle nous pouvons répondre pour vous. Nous n'avions pas le sentiment que ce projet de loi voulait toucher les armes de ce type qui ne sont pas le premier choix des criminels pour leurs activités. Cependant, il est vrai que toutes les armes posent un certain danger. Il peut y avoir des accidents, etc. Cela s'applique également aux armes vraiment anciennes.

M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie de votre exposé.

Je voulais vous demander si oui ou non - cette question s'adresse à la communauté muséale - on a déjà volé une arme dans votre musée ou dans d'autres musées que vous connaissez et si quelqu'un a déjà été blessé par une arme à feu dans votre musée ou dans d'autres musées.

Mme Brownlee: Oui, on a déjà volé des armes anciennes en de rares occasions, pour leur valeur. Des armes très rares ont disparu du musée du Collège militaire royal, et je crois qu'elles sont toujours sur la liste d'INTERPOL des armes manquantes. À notre connaissance, aucune arme à feu volée dans un musée n'a servi à des fins criminelles et personne n'a été tué de façon accidentelle par une arme de ce genre. J'hésiterais à affirmer catégoriquement que cela ne s'est jamais produit au Canada. Il est difficile de faire des recherches là-dessus. Il est rare que les musées soient victimes de vols, mais lorsque cela se produit, cela touche aussi bien les collections de toiles, ou d'objets en or que les armes à feu.

M. Ellis: Il y a trois ans, nous avons perdu un pistolet-signaleur. Avant d'exposer n'importe quel type d'arme à feu, on en enlève les pièces internes. Ce pistolet signaleur était en laiton, très brillant, très attrayant. On l'a pris, mais je pourrais ajouter qu'il y avait pourtant dans la même salle des armes à feu beaucoup plus efficaces et dangereuses qu'on a laissé là. Quelqu'un a tout simplement été séduit par ce pistolet en laiton. Cependant, étant donné qu'il manquait les pièces internes, le voleur n'avait plus qu'un très beau presse-papier en laiton.

Il s'est retrouvé deux ans plus tard dans la salle de conservation des biens saisis. Grâce au numéro de série et aux inscriptions qu'il portait, on a établi qu'il nous appartenait. Il était en très bon état et on ne l'avait pas réassemblé pour s'en servir à des fins criminelles. On a mis cela sur le compte d'un voleur impulsif, si on peut dire, mais aucun endroit n'est sûr si un voleur veut s'y introduire.

M. Ramsay: Est-ce que toutes les armes à feu et tous les autres artefacts sont inscrits sur une liste, enregistrés et identifiés au sein de votre organisation?

Des voix: Oui.

M. Ramsay: Dans ce cas-là, quel rôle le projet de loi C-68 peut-il jouer dans le cas des musées, si ce n'est de servir à essayer de régler un problème qui ne se pose pas?

M. McAvity: Monsieur Ramsay, nous avons du mal, en fait, à répondre à cette question. C'est d'ailleurs pourquoi nous cherchons à obtenir une exemption. Comme nous l'avons dit, nos collections sont entièrement cataloguées. En fait, nous avons des renseignements beaucoup plus complets que ceux qu'on exige dans le cas du système d'enregistrement proposé.

De plus, la plupart de nos collections figurent soit dans une base de données nationale, le Réseau canadien d'information sur le patrimoine, réseau soutenu par le ministère du Patrimoine canadien, ou dans des bases de données provinciales. En outre, les artefacts qui ne sont pas dans ces bases de données sont bien catalogués et photographiés. On connait l'historique de l'arme en question, on sait à qui elle a appartenu, etc.

Lorsqu'un objet est volé - et heureusement, cela se produit très rarement - dans les 2 000 musées du pays, il existe une procédure en vertu de laquelle on fait alors rapport à la GRC et à INTERPOL. Surtout du fait que le commerce d'objets d'art volés est très lucratif, certains tableaux pouvant rapporter beaucoup, ces corps policiers ont une base de données internationale grâce à laquelle les autorités policières de tous les pays peuvent savoir ce qui a été volé et chercher à retrouver ces objets à des ventes aux enchères ou à d'autres endroits. Ici, nous avons déjà un instrument nous permettant d'aviser les autorités du vol d'objets.

.2035

M. Ramsay: Pouvez-vous dire au comité pourquoi, selon vous, on ne vous a pas fait participer aux consultations que le ministère de la Justice a menées l'été dernier? Pour quelles raisons la communauté muséale n'a-t-elle pas participé à la conception de ce processus de consultation?

M. McAvity: Je ne pense pas que cela cache de sinistres desseins. Je crois qu'on nous a tout simplement oubliés. On a considéré que beaucoup des autres témoins que vous avez entendus et auxquels vous avez demandé de comparaître étaient les ténors. Nous avons tout simplement été laissés de côté, comme dans le cas du projet de loi C-17, en 1992.

Avec l'aide du ministère de la Justice, nous avons été en mesure à la toute dernière minute d'obtenir certaines modifications à la réglementation afférente à cette loi. On a reconnu les musées à ce moment-là et on nous a exemptés de l'obligation de payer 200$ pour un permis d'entreprise. Les musées devaient encore faire l'objet d'inspections et être approuvés, mais ils n'avaient plus à payer de droits.

Nous prétendons qu'on nous a tout simplement oubliés. Je suppose que nous devrions reconnaître que nous avons une part de responsabilité dans tout cela, car nous avons lu les journaux et entendu parler de l'adoption de ce projet de loi. Cependant, lorsque nous nous sommes enfin décidés à agir, après avoir consulté nos membres, il était déjà trop tard.

M. Ramsay: Je vais passer à un autre domaine. Monsieur Ellis, dans votre mémoire, au premier paragraphe de la première page, on retrouve une très longue phrase dans laquelle vous dites:

Considérez-vous que tous les aspects de ce projet de loi rendent honneur au service et au sacrifice des hommes et des femmes qui ont protégé notre pays et ses idéaux de liberté?

M. Ellis: Je dois m'écarter de mon rôle initial de représentant de la communauté du patrimoine pour répondre à cela, monsieur.

À titre de soldat qui a dû, malheureusement, servir dans le cadre de quatre conflits et porter plusieurs uniformes, en tant qu'immigrant fier et citoyen canadien, je suis troublé non seulement par ce projet de loi, mais également par les divisions qu'il semble engendrer au Canada. Je demande au président et aux membres du comité de m'excuser pour cette observation personnelle.

Si vous le permettez... Quand le président a présenté, il y a un certain nombre d'années, un projet de loi relatif à la sécurité de notre pays par le contrôle des armes à feu, je ne me rappelle pas que le débat à ce sujet ait été si véhément. Je ne prétends pas être expert en matière législative. Je crois, cependant, que certains aspects de cette mesure législative font fi de la common law britannique, en ce qui concerne les privilèges des membres de l'empire, c'est-à-dire le Royaume-Uni, de posséder des armes à feu.

.2040

La législation évolue en même temps que la société et cette dernière peut influencer les changements et réagir. Si je me fie à la réaction à ce projet de loi, je crois qu'on ne prend pas les bonnes mesures pour réaliser l'objectif initial du ministre de la Justice qui était, même si je ne veux pas présumer de ses intentions, d'accroître la paix et la sécurité au Canada.

Une fois de plus, je demande au comité de bien vouloir m'excuser de parler en mon nom personnel là-dessus.

M. Ramsay: Je ne pense pas que vous ayez à vous excuser.

Je vais vous demander ceci. Dans ce projet de loi, on prévoit la confiscation de biens sans compensation. En fait, cela se fait déjà en vertu du projet de loi C-17 de Kim Campbell.

On semble annuler le droit fondamental de garder le silence face à une accusation criminelle.

De plus, le pouvoir que ce projet de loi confère à l'État de perquisitionner sans mandat, partout au Canada, à n'importe quel lieu, sauf une maison d'habitation, d'ouvrir tout contenant ou récipient, semble aller tout à fait à l'encontre des choses mêmes pour lesquelles nous avons combattu et dont on nous parle dans les reconstitutions historiques. Ce sont les principes et les libertés pour lesquels nous nous sommes battus, ce projet de loi annule ou du moins mine ces libertés et ces droits tout à fait fondamentaux pour lesquels nos ancêtres sont morts.

M. Ellis: D'un point de vue personnel, en tant qu'ancien officier des Forces canadiennes, je pense que ce n'est pas la façon canadienne de procéder.

Le président: Avant de donner la parole à M. Lee, je voudrais répondre. En 1976-1977, les dispositions sur le contrôle des armes à feu faisaient partie d'un projet de loi d'ensemble qui renfermait tout un éventail de mesures touchant la prévention du crime et la lutte contre la criminalité, comme des modifications à Loi sur les libérations conditionnelles et d'autres modifications au Code criminel. Ainsi, le projet de loi n'avait pas un seul objetif; il abordait la prévention et la répression du crime sous de nombreux fronts. C'est peut-être la raison pour laquelle il n'a pas été soumis aux mêmes attaques.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): Je m'adresse à M. Ellis. Je crois comprendre que les musées militaires, ceux approuvés par les Forces armées, sont exemptés de l'application de la législation actuelle. Cela s'applique-t-il au Musée de la citadelle de Halifax?

M. Ellis: Non, monsieur. Malgré son nom, le Musée de l'armée de la citadelle de Halifax ne fait pas partie du ministère de la Défense nationale. C'est en 1953, littéralement le jour où le ministère de la Défense désaffectait la forteresse de la citadelle de Halifax, qu'on a créé ce musée militaire non régimentaire avec l'appui du premier ministre de la Nouvelle-Écosse de l'époque, afin de préserver et de promouvoir le patrimoine militaire de la région de l'Atlantique.

Cela nous a évité - et je le dis avec bienveillance - les querelles incroyablement mesquines qui opposent de temps à autre les régiments, surtout les autres régiments que le mien, je pourrais ajouter. En fait, nous sommes agents libres en ce qui concerne notre mandat, et nous n'avons pas à nous en tenir au West Nova Scotia Regiment ni au Princess Louise Fusiliers.

M. Lee: Ainsi, il n'y a pas de représentants des musées militaires parmi nous ce soir? Non?

Une voix: Je m'excuse.

M. Lee: Il y en a peut-être un, mais on nous dit que non à ce stade-ci.

M. Ellis: Pardonnez-moi, monsieur. Je suis membre de l'Organisation des musées militaires du Canada.

M. Lee: Je comprends cela.

Deux phases sont prévues dans ce projet de loi. Premièrement, l'enregistrement des armes à feu et deuxièmement, la délivrance de permis aux propriétaires d'armes à feu.

.2045

Pourquoi pas, une fois pour toutes, enregistrer toutes les armes à feu possédées par tous les musées? Pourquoi ne pas régler ainsi la question? Quelqu'un peut-il me répondre? Vous avez des dossiers à ne savoir que faire, pourquoi donc ne pas enregistrer...?

M. McAvity: Nous les avons effectivement. Ce qui nous inquiète surtout, c'est le coût d'enregistrement et la charge que représentera ce transfert pour le personnel.

Ce n'est pas une question de vie ou de mort. Nous pourrions aisément fournir ces dossiers et demander au ministère de la Justice de les entrer dans son propre système, mais nous craignons beaucoup les coûts. S'il fallait le faire, nous demanderions que cela ne coûte rien aux musées.

D'autre part, comme les collections ont été complètement cataloguées, ne serait-il pas beaucoup plus efficace que nous nous contentions d'enregistrer les armes à feu qui sortent de nos collections, c'est-à-dire celles qui sont volées et mises en circulation?

Lorsqu'elles font partie de nos collections, elles ne sont pas en circulation dans le public; elles en ont été retirées. Elles ne sont pas comme des livres de bibliothèque qu'il est possible d'emprunter et de sortir des locaux; les armes sont enfermées sous clé et conervées selon les normes professionnelles les plus rigoureuses que nous puissions appliquer.

M. Lee: Vous écrivez des pages et des pages là-dessus. Pourquoi ne pas remettre la disquette au ministère de la Justice et lui faire une offre qu'il ne saurait refuser, «Voici les 378 armes à feu qui sont dans notre collection?» Faites-lui donc une offre qu'il ne pourra pas rejeter à cause de son coût.

À mon avis, cela permettrait de régler la question de l'enregistrement des armes à feu.

Venons-en maintenant aux utilisateurs, aux personnes qui viennent assez près de ces armes pour que leur souffle les atteigne ou à celles qui les touchent lorsqu'elles font le nettoyage. C'est un problème. Vous l'avez dit.

Vous avez calculé que le coût d'enregistrement ou d'octroi d'un permis aux personnes chargées du nettoyage, aux balayeurs, aux examinateurs, à toutes les personnes qui ont accès à ces armes serait de l'ordre de 3 millions de dollars pour l'ensemble du pays. J'imagine que c'est un calcul très approximatif de votre part.

Mme Brownlee: Non, il s'agissait de l'impact possible total de toute la loi, qui inclurait l'obtention de permis d'affaires pour tous les musées, etc.

En nous fondant sur notre expérience personnelle, nous estimons que le coût sera voisin de 600$ par employé. Le prix du cours varie un peu d'une province à l'autre, mais il représente trois jours de salaire plus 200$ pour le cours, l'examen et l'AAAF.

M. Lee: Parmi les musées que vous connaissez, certains conservent-ils des munitions avec les armes à feu?

M. McAvity: Quelques-uns le font, mais c'est assez rare. Les munitions sont toujours enfermées séparément, et à une certaine distance des armes. Dans ces musées, on ne tire jamais avec ces armes.

M. Lee: Peut-on vraiment dire qu'on ne tire jamais avec une arme à feu conservée dans un musée?

M. McAvity: C'est exact.

M. Lee: Pourtant, dans certains cas, il peut y avoir des munitions à côté.

M. McAvity: Ces munitions ne sont conservées que pour leur valeur historique et scientifique. Non, on ne s'en sert jamais.

M. Lee: Pourrais-je maintenant poser une question à ceux qui nous ont donné des informations sur les reconstitutions historiques: ne pensez-vous pas qu'il serait bon que tous ceux qui utilisent un de ces mousquets aient reçu une certaine formation? Si la réponse est oui, pourquoi ne suivraient-ils pas la formation nécessaire pour obtenir leur AAAF?

M. Feltoe: À titre individuel, Richard Feltoe... le problème auquel nous nous heurtons actuellement est que le système de formation pour l'obtention de l'AAAF est totalement inapplicable aux armes utilisant de la poudre noire. Les instructeurs n'y connaissent rien et sont obligés de demander aux autres de leur expliquer comment cela fonctionne.

J'ajouterais que nous exigeons absolument que toutes les personnes qui participent à des reconstitutions historiques reçoivent la formation appropriée. C'est à ce niveau-là que jouent nos codes. Nous recherchons un système qui pourrait être coordonné par la police. Mais laissons chacun s'en occuper. M. Webb assure la formation des gens de Parcs Canada dans ce domaine.

.2050

M. David Webb (représentant des sites historiques, British North America Living History Association): À mon avis, le cours sur les armes à feu que vous pouvez suivre aujourd'hui ne vous qualifierait absolument pas pour un travail dans un site historique; il est en tout cas certain que nous ne vous mettrions pas un mousquet à rouet entre les mains, car cette formation ne vous préparerait pas pour les risques possibles dus notamment au bruit, qui est le plus gros problème.

Notre problème est que nous accueillons des visiteurs. Nous tirons uniquement à blanc. L'objet, pour ceux qui suivent une formation, ou pour les chasseurs, etc.. En général, les chasseurs n'emmènent pas un public dans la forêt avec eux. Mais nous, nous avons un public. Ce sont donc deux mondes tout à fait différents.

M. Lee: Vous voulez dire par là que vous vous montrez extrêmement prudents dans la manière dont vous formez votre personnel et organisez les reconstitutions historiques, mais les hommes et les femmes qui participent à celles-ci doivent, eux aussi, apprendre ce qu'est une arme à feu, ce qu'elle fait, et tout le reste. C'est inévitable, et vous estimez donc qu'il devrait y avoir un chapitre supplémentaire ou deux sur le mousquet, sur la poudre noire ou sur la nature de ces armes à feu antiques qu'ils utilisent. C'est bien cela?

M. Webb: Ou un autre type de programme, ou encore un système gradué à l'intention de ceux qui s'intéressent uniquement aux armes anciennes, aux armes du patrimoine et à ces types d'activités. On pourrait peut-être avoir un type de permis différent, comme cela se fait pour la conduite automobile. Je ne peux pas conduire de camion chez moi et de la même manière, quelqu'un qui porte des vêtements de laine en juillet et qui tire à blanc avec un mousquet n'a pas besoin de tout le reste.

M. Lee: Pour terminer, pensez-vous, l'un ou l'autre d'entre vous, que l'on devrait faire une distinction entre un musée public - je ne sais d'ailleurs pas exactement ce que j'entends par cela - c'est-à-dire un musée sans but lucratif appartenant au secteur public ou dont les activités sont sanctionnées par celui-ci, et d'autres établissements purement privés, où l'on paie, et qui se sont donnés le nom de musées? Pensez-vous qu'une telle distinction devrait être faite dans le domaine qui nous concerne?

M. McAvity: Absolument, car il y a deux types de musées; il y a ce que j'appelle les établissements sans but lucratif, qui sont également des oeuvres de charité accréditées - autre facteur de contrôle très important - et qui fonctionnent dans l'intérêt du public. Ce sont des établissements publics. Ils reçoivent des fonds su gouvernement - fonds qui diminuent considérablement, je dois l'ajouter. Mais de plus, ils fonctionnent dans l'intérêt public. Ils sont dépositaires et responsables de leurs collections.

Le second groupe est celui dont j'ai parlé au début, celui des établissements qui se sont baptisés musées. Je commence à remarquer qu'un certain nombre de groupes demandent à s'inscrire à l'Association des musées du Canada. Un examen plus attentif montre qu'il s'agit en fait de collections privées installées dans un sous-sol dont le propriétaire a décidé de se parer du titre de musée afin de bénéficier des dégrèvements fiscaux, qu'il s'agisse de payer le permis d'affaires ou de bénéficier de certaines des recommandations que nous faisons aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous continuons à être favorables à une inspection, par les procureurs généraux des provinces, de tous ceux qui se sont donnés ce titre afin d'autoriser ceux qui sont des vrais musées et satisfont aux normes. Je crois que c'est la meilleure forme de contrôle possible.

M. de Savoye: Je vois que vous êtes un examinateur expert d'objets militaires pour la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels. C'est exact?

M. Ellis: Oui, monsieur.

M. de Savoye: Dans votre mémoire, vous déclarez que le nombre de personnes exigé pour cataloguer et attribuer des numéros de contrôle aux collections d'établissements tels que le Musée canadien de la guerre, Parcs Canada, la Commission des parcs de l'Ontario, etc., coûtera des millions de dollars qu'il faudra prélever sur des budgets déjà bien serrés. Des millions de dollars divisés, disons, par 10$ l'heure, cela représente des centaines de milliers d'heures de travail, si je ne me trompe.

.2055

Dites-moi - vous êtes un spécialiste - est-il si difficile d'identifier correctement une arme à feu... qu'il faille y mettre autant de temps dans tous les musées?

M. Ellis: Il suffit de voir le Flayderman's Guide to Antique American Firearms and Their Value, volume 6, F-127

Dans le domaine des armes d'époque, il existe des numéros de code. Ces numéros permettent de consulter la référence dont je viens de faire mention. Cet ouvrage peut être consulté en Grande-Bretagne, je peux consulter mon exemplaire ici ou par conférence téléphonique avec la Smithsonian Institution. Mon interlocuteur consulte son exemplaire, et nous pouvons tous nous exclamer: «Ah oui! C'est un...» ...et savoir de quoi il s'agit. La chose peut donc se faire de façon très simple.

Toutefois, dans le meilleur des mondes - et j'insiste là-dessus - nous remettons nos disquettes au ministère de la Justice - nombre d'entre nous ont déjà remis des disquettes aux services de police locaux et aux compagnies d'assurance, je le précise.

Nous parlons d'armes à feu, mais mon établissement reçoit plus de 1 000 artefacts par année, dont 2 ou 3 p. 100 peut-être sont des armes à feu. Nous traitons donc un grand nombre d'objets qui, tous, doivent être identifiés. Grâce à l'informatique, il est peut-être déjà possible d'extraire très rapidement de nos disquettes l'information spécifique aux armes à feu, selon ce que demandera le Comité de la justice.

Si le ministère de la Justice veut de l'information que nous n'avons pas en main dans un format dont nous ne disposons pas, nous devrons procéder à la saisie. D'après ce que je sais, chaque arme à feu portera un code à barres aux fins du contrôle de l'inventaire, c'est du moins ce que j'ai compris des discussions avec le responsable local des armes à feu pour la province et d'autres représentants du ministère de la Justice. Ce code à barres est inscrit sur l'arme. Dans le cadre des inspections régulières, le responsable des armes à feu de la province ou son représentant visitera mon établissement et demandera à voir telle et telle arme. Il relèvera le code à barres pour vérifier de quelle arme il s'agit et si le dossier est en ordre, le conservateur n'aura pas d'ennuis. Si le numéro ne correspond pas...

M. de Savoye: Je vois que l'identification précise d'une arme à feu n'est pas chose facile. Vous devez consulter un document de référence quelconque ou des disquettes pour vérifier les caractéristiques.

À votre avis - vous êtes le spécialiste - dans quelle mesure pourrait-on se fier aux enregistrements effectués par des particuliers? Supposons que le citoyen moyen désire enregistrer son arme à feu par la poste. Serait-il capable de le faire? Sinon, combien d'heures-personnes un groupe de travail spécial du gouvernement devrait-il prévoir pour enregistrer toutes les armes à feu, quels qu'en soient les propriétaires, au Canada.

M. Ellis: À cet égard, monsieur, comme les estimations du nombre des armes à feu varient de plusieurs millions par rapport à une moyenne et compte tenu des salaires des membres d'un groupe de travail fédéral et des frais afférents, je ne pourrais avancer de chiffre. Lorsque nous recevons une arme à feu - et j'utilise l'exemple de mon propre établissement - cette opération nécessite deux personnes, l'une pour consulter l'information provisoire et l'autre pour l'entrer dans le système. Si tout va bien, nous pouvons le faire en 15 minutes. Nous produisons une copie sur disquette, une copie sur papier et un reçu destiné au propriétaire. Nous disons donc deux personnes et 15 minutes. Cela suppose que j'ouvre la boîte et que je reconnais immédiatement de quoi il s'agit.

Dans bon nombre de cas, les armes à feu que nous recevons proviennent du milieu des collectionneurs, et ma connaissance dans ce domaine est extrêmement spécialisée. Il ne suffit donc pas de consulter le catalogue Winchester ou Colt des armes actuellement disponibles. Il faut connaître les particularités des conceptions et les numéros de série de différentes époques.

.2100

Je ne veux pas laisser entendre que le processus est extrêmement complexe, mais il faut quand même l'appliquer avec un certain soin.

M. Wood (Nipissing): Si vous le permettez, j'aimerais partager avec mon collègue, M. Galloway, les cinq minutes qui me sont allouées, car je crois qu'il a aussi quelques questions à vous poser.

Monsieur McAvity, vous avez demandé la création d'une catégorie spéciale d'autorisations d'acquisition d'armes à feu, j'imagine en fonction des besoins des musées et des reconstitutions historiques.

Tous conviendront sans doute que d'obliger un étudiant à se obtenir une autorisation pour utiliser une arme qui ne sera jamais chargée dans le cadre de son emploi d'été est probablement ridicule, mais j'hésite à consentir des exceptions à ce règlement. Je crains sans doute que si les musées en sont exemptés, d'autres groupes ne présentent des demandes similaires, les autochtones, par exemple, ou les pourvoyeurs dans les régions éloignées, qui ont comparu devant nous cet après-midi, etc.

Pourriez-vous concevoir ou même recommander une autre façon de régler ce problème sans créer de sous-catégories de réglementation?

M. McAvity: Je ne peux vraiment parler que pour défendre les intérêts de notre groupe, c'est-à-dire les musées. Dans les autres domaines, je n'ai pas compétence.

On pourrait songer à maintenir l'enregistrement obligatoire, pour que les musées inscrivent tous les objets pertinents dans la base de données centrale du ministère de la Justice; toutefois, il faudrait lever l'obligation de payer les droits de licence nécessaire et prévoir des programmes de formation spécialisée à l'intention des professionnels et du personnel des musées, pour qu'ils puissent suivre cette formation qu'ils sont actuellement dans l'incapacité d'obtenir.

Cette stratégie s'harmonise avec la deuxième partie de nos recommandations, si vous n'êtes pas disposés à envisager une exemption globale pour les musées. Ce serait certainement ce que nous préférerions. On reconnaîtrait ainsi que les musées - contrairement, par exemple, aux pourvoyeurs et à d'autres organisations - servent l'intérêt public. Nous assumons une responsabilité de gérance lorsque nous conservons ces objets au bénéfice des générations à venir. Pratiquemment tous ces objets sont donnés aux musées ou remis gratuitement par les gens. Les musées n'ont pas les moyens d'acheter ces collections. Le musée lui-même est donc exploité dans l'intérêt public.

Je crois que le musée et son rôle pourraient utilement être mis à profit pour compléter cette législation, car de bien des façons, nous servons de modèle à la population et aux collectionneurs, en matière de sécurité, d'entretien et de manipulation des artefacts. Je crois que cet aspect pourrait être mieux mis en valeur.

M. Feltoe: Nous examinons à nouveau des exceptions profitant à des groupes précis. Je ne suis pas disposé à accepter que les musées et les organismes produisant des reconstitutions historiques s'intéressent, comme nous l'avons dit, à un type de technologie très différent. Les armes qu'utilisent les autres groupes sont des armes modernes. Les musées et les organismes produisant des reconstitutions, par la nature même de leur activité, utilisent des armes désuètes, anciennes, sans utilité pour quiconque sauf eux. Par conséquent, en toute honnêteté, je ne peux croire que le fait d'accorder une exemption à ce groupe crée des obligations similaires à l'endroit d'autres groupes. On peut définir assez précisément la mesure pour indiquer que l'utilisation particulière que font les musées des armes justifie cette forme de reconnaissance.

Comme l'a mentionné M. Webb au cours de nos discussions, cette façon de faire permet d'excuser et de reconnaître les gens. Pourquoi les musées n'ont-ils pas droit à cette reconnaissance de leurs besoins en matière de réglementation alors que d'autres groupes y ont droit? On nous oublie. La législation ne nous était pas destinée. Personne n'a pensé à nous. Et soudainement, il faut nous y intégrer.

M. Thompson (Wild Rose): J'aimerais revenir sur une remarque que j'ai entendue ici il y a quelque temps au sujet des règles s'appliquant aux musées en matière d'enregistrement.

.2105

Cela me paraît curieux. Vous avez un système dans lequel tous ces objets sont parfaitement étiquetés. Nous savons exactement ce qu'ils sont. S'il en manque un, vous pouvez le signaler à la police immédiatement. Il me paraît absurde de vous demander d'enregistrer ces armes quand même. D'être aimables et de vous conformer à la règle. Cela n'entraîne que double emploi, gaspillage, tracasseries.

Je sais que notre groupe considère, sans l'ombre d'un doute, que vous l'avez convaincu que vous devriez faire l'objet d'une exemption. Nous voulons que vous le sachiez. J'ai entendu d'autres groupes énoncer eux aussi de très bonnes raisons justifiant l'exemption. Je crois que cette question des exemptions deviendra de plus en plus complexe à mesure que nous progresserons dans nos travaux.

Si vous examinez ce projet de loi, ce document de 124 pages s'opposant en principe au crime mais dont 117 pages visent l'honnête citoyen et six pages le criminel - et je suppose que vous avez lu tout le document - j'aimerais savoir si vous avez pu vous faire une opinion, personnellement ou en tant que groupe, quant à l'efficacité de ce projet de loi pour la répression du crime? Avez-vous réfléchi à cet aspect? Quelqu'un a-t-il des commentaires à faire?

Mme Brownlee: Je ne peux que parler en mon nom personnel, parce que j'ai lu, annoté, appris et absorbé ce document dans la mesure de mes moyens. Je ne l'ai pas examiné du point de vue de la personne. Comme nous l'avons dit au cours de notre exposé, nous ne sommes pas, en tant que groupe de musées, opposés par principe à la législation.

Oui, il serait possible de collaborer en matière d'enregistrement, etc. Mais sur certaines questions de détail, nous croyons que l'effet du projet de loi sur les musées pourrait être grandement atténué. Nous appuyons certainement une législation qui, par exemple, a interdit l'utilisation publique d'une certaine catégorie d'armes cette année.

Dans la mesure où les musées sont concernés - et c'est ce point de vue que nous exprimons - la mesure législative n'est pas exagérée. Je ne peux que donner mon opinion, parce que j'ai lu le projet de loi. Je ne peux pas parler au nom des quatre autres personnes qui sont ici présentes.

M. Thompson: Y a-t-il d'autres commentaires?

M. Feltoe: J'aimerais dire que 99,99 p. 100 de ceux qui oeuvrent dans le domaine des reconstitutions historiques s'intéressent aux périodes antérieures aux années 1900. Toutes les préoccupations que nous avons exprimées se rapportaient à nos activités. Tout ce qui touche à la criminalité dans le projet de loi a été admis sans réserve - il faut aborder le problème et s'y attaquer au moyen de la législation. Dans le cadre des discussions que nous avons eues au sujet de ce projet de loi, nous n'avons pas tenté de déterminer si les dispositions proposées étaient opportunes. Par conséquent, nous ne pouvons nous prononcer à ce sujet.

M. Thompson: Êtes-vous conscients que, pour la première fois de notre histoire, nous proposons une législation qui vous déclare coupables tant que vous n'avez pas prouvé votre innocence? Ce projet de loi envisage des perquisitions sans mandat. Il traite de dédommagement, alors qu'il n'y en aura aucun. Il prévoit des décrets qui, une fois le projet de loi adopté, seront prononcés par un petit groupe de personnes habilitées à modifier le règlement.

Avez-vous pris connaissance des dispositions sur les décrets dans ce projet de loi? La chose ne vous inquiète-t-elle pas?

M. McAvity: Je crois que nous avons tous lu le projet de loi. En toute honnêteté, je représente ici les musées. La majorité de nos préoccupations relèvent essentiellement de domaines financiers et administratifs. Il y a de nombreux aspects mineurs du projet de loi qui nous inquiètent, mais je crois qu'il ne nous appartient pas d'en traiter. Mon devoir est de représenter la communauté muséale et je dois m'en tenir à cela.

J'aimerais revenir sur un des points que vous avez soulevés, monsieur Thompson, qui portait sur les coûts à prévoir. Les musées du Canada ont d'énormes difficultés financières. Nous avons perdu environ 1 000 employés à temps plein dans nos établissements à la suite des compressions massives imposées aux niveaux fédéral, provincial et municipal. En outre, les entreprises et les donateurs ont aussi réduit leur appui aux musées. Les musées doivent se démener pour survivre dans les circonstances actuelles.

.2110

Je vous donne un exemple. Le budget du principal programme d'aide fédéral, qui s'appelait le Programme d'appui aux musées, vient d'être à nouveau réduit. Il devait s'élever à 18 millions de dollars cette année, mais il a été ramené à 10,17 millions de dollars. Nous devons faire face à une telle réduction des fonds qui sont mis à notre disposition.

Nous ne pouvons tout simplement pas assumer de nouvelles responsabilités administratives et financières pour nous conformer à de nouveaux règlements.

Dans tous les domaines, il semble qu'il y ait de plus en plus de règlements appliqués à des communautés comme la nôtre. Ce projet de loi en est un exemple. Une nouvelle législation a été adoptée en matière de droits d'auteur, et je pourrais citer de nombreux autres exemples, comme les obligations touchant les rapports que doivent présenter les organismes de charité et les organismes sans but lucratif.

M. Bryden propose cette semaine le projet de loi C-224, qui vise à rendre publics tous nos salaires. Notre communauté est fort transparente et n'a rien à cacher.

Ces règlements nous détournent de ce que nous devons faire. Notre rôle est d'offrir des expositions à la population à des fins d'éducation et de divertissement, et non pas de remplir des formules et de produire des rapports.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je ne vais pas demander à ces messieurs ce qu'ils pensent de l'effet qu'aura sur la chasse à l'orignal dans l'île de Baffin ni leur poser de questions ineptes de ce genre. Mais j'aimerais demander à M. McAvity ou à Mme Brownlee... Je vais procéder par analogie. Prenons l'exemple des hôpitaux et des services de santé publique, qui doivent se prêter à un processus d'accréditation. Appliquez-vous un tel processus d'accréditation? Vous avez mentionné qu'il existait des musées de dimensions et de types divers, et je vous pose la question parce que chaque musée, indépendamment de sa taille, pourrait être approuvé de façon à certifier qu'il fonctionne suivant certains principes pouvant être acceptés par les membres du comité.

M. McAvity: J'aimerais bien pouvoir vous répondre par l'affirmative. Malheureusement, il n'existe à l'heure actuelle aucun régime d'accréditation, si ce n'est le fait que les procureurs généraux des provinces font inspecter les établissements et qu'aux fins de certains dons de biens culturels, les établissements sont accrédités, mais c'est dans un autre domaine.

M. Gallaway: Vous parlez d'inspections provinciales; je ne sais pas sur quoi portent ces inspections. Pourriez-vous nous le préciser?

M. McAvity: Eh bien, Brenda, votre établissement a fait l'objet d'une inspection, et vous pouvez sans doute mieux répondre que moi à cette question.

Mme Brownlee: À moins qu'il n'y ait eu de changements récents, le musée reçoit du ministère du Solliciteur général... C'est simplement pour indiquer que le musée est un établissement approuvé en vertu des dispositions du Code criminel. Cela a été fait dans les années 1970, avant l'adoption de la loi de 1977, qui permettait à mon établissement de faire collection d'armes à feu à autorisation restreinte ou d'armes prohibées. Cette attestation était valable à l'époque. Le ministère a décidé qu'il ne s'agissait pas d'une collection personnelle, privée, mais bien d'une collection de musée aux fins de l'acquisition d'armes à autorisation restreinte et d'armes prohibées.

Le système de licences accordées aux entreprises et aux musées englobe en principe des inspections. En vertu de la loi actuellement en vigueur, cela ne s'applique qu'aux entreprises et musées qui font collection d'armes prohibées ou d'armes à autorisation restreinte, et les services policiers sont censés procéder aux inspections. Ils m'ont fait parvenir mon certificat, ma licence, le mois dernier, en s'excusant de n'avoir pas eu le temps ou le personnel nécessaire à l'inspection. Le système s'étendra, bien sûr, à tous les musées qui possèdent des armes à feu quelconques, en vertu de la nouvelle loi.

M. Gallaway: La province perçoit-elle des droits pour délivrer le certificat ou l'attesation que vous recevez? Est-ce là ce que vous me dites?

Mme Brownlee: Il n'y a aucun frais à payer au ministère de la Justice ni au Solliciteur général. Nous avons présenté une demande et nous avons été exemptés des dispositions du Code criminel aux fins de la collection de certains types d'armes.

Quant aux permis de possession d'armes à feu que les entreprises et les musées doivent posséder, en vertu de la loi de 1992, M. McAvity, grâce à un exposé présenté à un comité semblable au vôtre, a réussi à obtenir que les musées soient exemptés des droits annuels de 200$ perçus actuellement auprès des entreprises qui reçoivent cette licence. C'est un montant que nous n'avons pas besoin de payer.

Le projet de loi à l'étude contient des dispositions prévoyant à nouveau des droits de licence annuels.

.2115

M. Gallaway: Peut-on comparer votre établissement au musée Elvis Presley, à Niagara Falls, ou...

Mme Brownlee: J'espère bien qu'il ne possède pas d'armes à feu. Il s'intéresse plus aux guitares électriques et il n'a pas besoin d'armes.

M. Gallaway: Je suis déçu. Je n'ai jamais visité ce musée.

Merci. Je n'ai pas d'autres questions.

Le président: J'attire l'attention du comité sur le fait qu'il est près de 21h20. Nous devions terminer la séance à 21h30. Il y a encore deux membres inscrits qui n'ont pas posé de questions. Si je donne à l'Opposition le droit d'intervenir, cela fait quatre personnes, et il y a en outre deux personnes qui ne sont pas membres du comité qui souhaitent poser des questions. Nous n'y arriverons pas. Nous sommes ici depuis le début de la matinée et nous avons siégé toute la journée, même pendant la période des questions. Je propose donc que les deux membres qui n'ont pas encore posé de questions le fassent, puis que nous levions la séance, à moins que quelqu'un ne veuille soulever un point essentiel dont personne n'a parlé jusqu'à maintenant. Il me semble toutefois que nous avons fort bien examiné la question.

Je dois partir à 21h30. Quelqu'un me remplacera à la présidence, et vous pourrez continuer aussi longtemps que vous le voudrez.

[Français]

M. de Savoye: J'aurais une question pour M. McAvity. Est-il possible que dans un musée, on retrouve des armes de technologie plus récente? Je pense, par exemple, à un vieux «Colt» ou à une vieille «Winchester»? Est-ce possible?

[Traduction]

M. McAvity: Oui. Les musées sont en mesure de constituer des collections, même d'objets à autorisation restreinte, comme le propose ce projet de loi. En fait, j'ai dirigé un musée qui s'appelait le Carleton Martello Tower, un ouvrage de défense érigé en 1812 et qui a été utilisé sans interruption jusqu'en 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a par la suite été transformé en musée, pour exposer et collectionner des objets représentatifs de toute cette période.

Mme Torsney: Je voudrais vous demander une précision, monsieur McAvity. Vous pouvez fournir les disquettes et de l'information, mais vous vous inquiétez des coûts. Vous seriez opposé à un droit de licence de 200$ ou à des frais similaires, ou à toute forme de droits d'enregistrement liés à la possession de ces armes.

M. McAvity: En effet.

Mme Torsney: J'ai visité West Point, où est installé un musée extraordinaire, et je suis allée à la tour de Londres, en Angleterre, par exemple. Certains de ces pays et États ont sans doute adopté des règlements très stricts en matière d'enregistrement des armes. De quelle façon les États-Unis, l'Angleterre et l'Australie, où des systèmes d'enregistrement sont en place, abordent-ils ces questions se rapportant aux musées? Que fait-on dans les autres pays?

M. McAvity: Je dois être honnête. Je ne peux répondre à votre question. Je ne m'y connais pas assez. Si vous me demandiez ce qu'il en est des politiques de l'IRS et des politiques fiscales ou des lois sur le droit d'auteur, je pourrais répondre, mais je ne connais pas suffisamment bien la législation à laquelle vous faites allusion.

Je sais qu'un certain nombre de pays, notamment les pays d'Europe, accordent des exemptions aux antiquités selon la définition des armes à feu, par opposition à des critères se ramenant à une date ou à une chronologie.

M. Feltoe: C'est ce que font la plupart des pays scandinaves. Ils se fondent pratiquement sur la seule technologie. Si vous demandez une licence, vous êtes évalué en fonction d'un système progressif, où les armes à chargement par la bouche font partie de la catégorie AB et les armes à chargement par la culasse, de la catégorie BC. Viennent ensuite les modèles à chargeur, les semi-automatiques et les automatiques, et vous demandez une licence pour chaque catégorie. Ce système s'applique à la communauté muséale et aux particuliers.

Mme Torsney: Y a-t-il quelque chose à ajouter au sujet des systèmes à l'étranger? Il serait peut-être bon de savoir si dans certaines parties du monde, on a réussi à mettre en oeuvre un système d'enregistrement des armes sans nuire aux musées, comme c'est certainement le cas de West Point et de la tour de Londres.

.2120

M. Ellis: L'Angleterre a récemment adopté une loi fondée sur le type de munitions qu'utilise l'arme à feu. Et ce, sans compter les mécanismes de la platine à mèches, de la platine à silex ou de la platine à percussion. Il existe certaines classes d'une catégorie d'armes à feu utilisant des cartouches peu courantes, comme on le dirait au Canada, de telle sorte que les cartouches sont plus chères que les armes elles-mêmes. Je ne fais pas d'ironie. Récemment, j'ai fait une offre pour acheter cinq cartouches ayant été utilisées à titre expérimental par l'armée britannique, et lorsque les offres ont dépassé les 400$ dollars U.S., je me suis rendu compte que je n'étais pas dans mon élément.

Le gouvernement britannique a reconnu ce fait et avait dressé une liste d'environ 70 cartouches et des armes dotées de chambres sans avenir commercial et inefficaces par rapport à leur destination première, dans les domaines sportifs et militaires.

Mme Torsney: Éclairez-moi, s'il vous plaît. Possédez-vous de l'information précisément au sujet de ce que les systèmes d'enregistrement prévoient à l'égard des musées ou en matière d'exemptions et qui soit susceptible de toucher le reste de la population? Je crois que cette information nous serait utile. Sinon, j'imagine que nous ne devrions pas imposer de frais par article, comme vous l'avez suggéré, mais que nous devrions obtenir la liste de façon à compléter nos dossiers.

Le président: Puisque vous soulevez ce point, je crois que nous allons demander à nos documentalistes de s'informer auprès des ambassades de certains pays clés du traitement réservé aux musées et aux reconstitutions historiques. Il n'appartient pas à nos témoins de fournir cette information. Nous allons l'obtenir autrement.

En passant, nous avons fait circuler aujourd'hui un nouveau document que vous trouverez dans vos bureaux ce soir, une étude comparative entre certains pays choisis. On y traite de tout, sauf des musées. Ils ont été oubliés à l'échelle internationale aussi. Nous allons donc tenter d'obtenir cette information, et je crois que la chose est faisable.

M. Webb: J'aimerais dire une mot du caractère international du nombre des manifestations que nous organisons. Même si cela nous éloigne un peu de notre sujet, des reconstitutions historiques sont représentées au Canada et aux États-Unis et parfois dans les deux pays le même jour. J'ai coordonné des manifestations pour lesquelles il fallait emmener des autobus complets de figurants du Canada aux États-Unis, pour livrer une bataille tactique, avant de rentrer pour présenter un autre spectacle au public.

Malheureusement, les questions du passage frontalier et la situation actuelle, qui ajoutent encore à la difficulté, risquent de sonner le glas de cette activité. Il nous devient tout à fait impossible d'organiser ces manifestations.

À nouveau, la forteresse de Louisbourg offre un bon exemple. Depuis à peu près trois ans, on planifie une grande manifestation internationale à laquelle participeraient Parcs Canada, le Musée canadien de la guerre et de nombreux membres de la collectivité. Vendredi, on comptait quelque 1 500 figurants inscrits à cette manifestation, dont 1 200 et 1 300 Américains. Il y aura des douaniers très malheureux à la frontière du Maine et du Nouveau-Brunswick pour une période d'environ quatre heures, lorsque tous les mousquets et les canons et les armes diverses arriveront au Canada. C'est un grave problème s'il faut enregistrer toutes ces armes et, enfin, s'il faut payer des droits de 50 $ ou peut-être même plus pour simplement participer bénévolement à une manifestation dans un de nos lieux historiques. C'est véritablement un problème à résoudre, étant donné la nature de la technologie.

Cela se produit. À la frontière de la péninsule du Niagara, où je travaille, il y a six forts remontant à la Guerre de 1812 et seulement quatre ponts. Si vous avez déjà traversé un de ces ponts un samedi du mois de juillet ou du mois d'août, si vous savez que vous allez être mis en attente pour montrer votre mousquet, vous aurez des hésitations.

À l'heure actuelle, armés d'une lettre d'introduction, les figurants américains expliquent simplement qui ils sont. Nous informons à l'avance les douaniers de ce qui se prépare et ceux-ci laissent passer sans encombre pratiquement tous les figurants. Nous aimerions que quelque chose soit fait pour préserver ce type de manifestations dans le pays.

Le président: Mesdames et messieurs du comité, seriez-vous d'accord pour que les deux personnes qui ne sont pas membres du comité et qui sont restées ici toute la soirée, M. Finlay et M. Len Taylor, puissent poser chacun une question?

.2125

Des voix: D'accord.

M. Finlay (Oxford): J'aimerais que les témoins donnent leur avis au sujet de la neutralisation des armes, des armes anciennes et celles du XXe siècle, et nous disent si cette neutralisation réduit la valeur de l'artefact aux yeux des musées?

M. McAvity: La valeur financière n'entre pas en ligne de compte pour un musée. Enfin, nous nous sommes battus - et nous venons d'obtenir l'appui de l'Institut canadien des comptables agréés - pour que les nouvelles normes comptables ne s'appliquent pas aux collections muséales et que celles-ci ne soient pas capitalisées.

Toutefois, parce que la mesure dont vous parlez détruit l'intégrité d'un objet, la valeur historique de cet objet est grandement diminuée, et les musées s'y opposent donc. Certains musées ont envisagé cette solution, et plusieurs personnes nous ont demandé pourquoi, si la mesure législative nous créait de telles difficultés, nous ne neutraliserions pas simplement les armes à feu. C'est que nous détruirions l'intégrité de l'objet si nous le faisions.

J'ai reçu des lettres de la part de conservateurs que cette question inquiète beaucoup, parce qu'il s'agit d'une modification irréversible.

La neutralisation équivaut à placer des feuilles de vignes sur des tableaux ou des structures du XVIe siècle pour cacher certaines parties de l'anatomie des personnages, pour satisfaire à la pudeur. C'est un domaine un peu différent, mais nous sommes d'avis qu'il faut préserver l'authenticité des objets.

M. Feltoe: Dans le secteur privé, pour les collectionneurs, toute neutralisation suivant les techniques préconisées, insérer des goupilles, etc., se trouve concrètement à détruire l'arme comme objet de collection et lui enlève toute sa valeur. Le même raisonnement vaut pour les numéros de série: il ne suffit pas de demander un numéro de série. Bessie, dans ce coin, ne porte aucun numéro de série. La simple idée de graver sur cet objet de 200 ans des marques permanentes, une série de chiffres, me fait dresser les cheveux sur la tête. C'est une pièce d'origine. J'ai tenté de la conserver dans le meilleur état possible. Je ne veux pas qu'elle soit abîmée d'une façon quelconque.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Deux points, il me semble, n'ont pas été soulevés, même si l'un a été effleuré. Je vais donc poser mes questions au comité en deux parties et écouter la réponse.

M. Feltoe a fait une remarque qui, je crois, a été mal comprise. Lorsque nous parlons de l'identification des armes anciennes, l'une pour les musées et l'autre pour les reconstitutions historiques, le processus semble tellement simple qu'il suffit de remettre les disques et les armes sont immédiatement identifiables. Si je ne m'abuse, il ne s'agit pas de numéros de série; l'identification consiste en une série de marques sur le côté de l'arme. Il faut une longue liste des caractéristiques pour identifier une arme à feu donnée. La chose est sans doute un peu plus facile pour les musées que dans le cas de reconstitutions historiques s'il faut enregistrer une arme à feu. Dans le cas des figurants, notamment, je dois dire que de poster une carte identifiant l'arme à feu qu'ils possèdent serait fort difficile.

Deuxièmement, je veux parler de l'Association des musées canadiens, qui représente un certain nombre de musées qui n'ont pas de collections privées. Je crois qu'il y a là un groupe qu'on a oublié et ce groupe est bien représenté dans l'ensemble de la Saskatchewan, d'où je viens. Ce sont des musées locaux, qui ne font pas partie de l'Association des musées canadiens, qui ne sont pas des établissements professionnels au sens large du terme, mais qui veillent très bien à préserver l'état de leurs artefacts. Ils sont appuyés par la collectivité. Leur financement leur vient uniquement de la collectivité. Dans ma région, où la rébellion de 1885 s'est déroulée, tous ces établissements possèdent des armes à feu dans leurs collections historiques.

Pourriez-vous m'expliquer un peu comment votre interprétation s'appliquerait à ces musées locaux pour ce qui est des coûts supplémentaires et des difficultés soulevées?

M. McAvity: Nous avons englobé ces établissements dans notre définition. Ils comptent parmi les 2 000 musées du Canada.

.2130

Nombre des musées du Canada ne pourraient fonctionner sans les bénévoles, ceux que nous appelons les «travailleurs non rémunérés». Ces travailleurs peuvent suivre des programmes de formation. L'Association des musées de la Saskatchewan, en fait, offre toute une série de programmes de formation destinés surtout aux musées locaux.

Concrètement, nous constatons que de nombreux musées exploités par des bénévoles - du personnel non rémunéré - sont aussi bien tenus que les établissements plus importants. Ce n'est pas parce qu'ils sont petits qu'on n'y respecte pas les règles de la profession ou qu'on n'y répond pas aux normes.

M. Taylor: Pourriez-vous dire un mot au sujet de l'identification?

Mme Brownlee: Nous embrouillons un peu les choses ici. Les plus anciennes armes ne sont pas assujetties à la loi. Il s'agit d'antiquités. À ce que je sache, il ne sera pas nécessaire de les enregistrer. Un fusil à silex, vieux de 200 ans, par exemple, est exempté.

Ce qui ne sera pas exempté, c'est une copie de cette arme réalisée en 1995, car ce n'est ni une antiquité ni un objet de musée et il sera tout à fait acceptable d'y apposer un numéro de série ou une marque d'identification quelconque.

D'autres armes du XIXe siècle qui, le plus souvent, ne portent pas de numéro de série, portent un numéro non permanent qui leur est assigné par le musée. Ce numéro est posé de telle façon qu'il est possible de l'enlever, mais il nous permet d'identifier l'arme. Nous saurions quel Snyder-Enfield a disparu de la collection, si la chose se produisait, parce qu'il porte son propre numéro dans ce système. Si la collection est informatisée, il sera identifié de cette façon.

Nous avons parlé avec M. Vanwyk et certains de ses collègues de l'éventuelle nécessité d'assigner des numéros de série aux armes anciennes qui entreront dans la catégorie des armes à feu ne portant aucun numéro de série. De l'avis de ces experts, il est possible de le faire sans que la marque soit permanente - c'est-à-dire gravée - ce pourrait sans doute être un code à barres ou peut-être une étiquette de plastique fixée à l'arme d'une façon quelconque, non permanente. Cette façon de faire permettrait de distinguer les armes les unes des autres aux fins de l'enregistrement.

Le cas des reproductions est différent.

Les armes très anciennes sont exclues. Nous ne toucherons pas à une arme vieille de 200 ans.

Le président: Je tiens à remercier les trois groupes de témoins qui se sont présentés devant nous ce soir, et les représentants de certains de ces groupes. Leur intervention nous a beaucoup aidé.

Nous ne vous avons pas oubliés. Dès le tout début, nous avons cherché à connaître votre avis au sujet de ce projet de loi.

Vous nous avez incité à réfléchir à des amendements possibles, ce que nous ferons. Je sais que vous attendrez avec impatience le fruit de notre réflexion.

La séance est levée.

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