Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 1er mai 1995

.1000

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui la Fédération canadienne de l'agriculture, représentée par M. Jack Wilkinson, son président, Mme Sally Rutherford, la directrice générale et M. Roger George, qui est président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario qui, je présume, fait partie de la Fédération canadienne de l'agriculture.

À propos, nous tenons à vous remercier de votre collaboration et d'avoir accepté de comparaître aussi rapidement après en avoir fait la demande. Nous avons reçu beaucoup de demandes et nous avons eu de la difficulté à caser les témoins dans notre programme. Nous sommes heureux que vous soyez prêts à témoigner ce matin, mais aussi que vous présentiez un mémoire.

Comme vous le savez, nous avons accepté la demande de ce groupe de témoins jeudi dernier seulement et nous n'avons pu les rejoindre que vendredi. Par conséquent, nous n'avons pas eu le temps de faire traduire ce mémoire. Nous avions toutefois prévu que cela se produirait et nous avons adopté une résolution portant que les mémoires peuvent être distribués dans une langue ou l'autre à condition d'être traduits et remis aux membres du comité le plus rapidement possible.

Quoi qu'il en soit, monsieur Wilkinson, vous pouvez faire vos observations préliminaires, qui seront suivies, selon l'habitude, par une série de questions.

M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci beaucoup de nous avoir permis de venir.

Nous avons de nombreuses observations à faire. Comme vous pouvez le constater, étant donné le peu de temps dont nous avons disposé, notre mémoire n'est pas bien long. Nous n'aurons peut-être pas besoin de tout le temps prévu, comme nous l'avons signalé au greffier. Je suppose que cela dépendra des questions et réponses qui suivront.

Je vais résumer très brièvement quelques points abordés dans votre mémoire et signaler des suggestions que nous avons à faire sans passer en revue chaque paragraphe en détail. Je pense qu'il serait ensuite préférable de répondre aux questions que vous auriez peut-être à poser.

Étant donné que nous n'avons pas l'habitude de venir témoigner devant le Comité de la justice, pour ceux qui ne le savent pas, je signale que la Fédération canadienne de l'agriculture regroupe 19 organismes différents du Canada. Dans chaque province, il existe des organismes agricoles qui sont affiliés à la fédération. Un certain nombre de groupements de producteurs spécialisés et quelques grandes coopératives des Prairies et du Québec en font également partie.

Nous nous occupons principalement, cela va de soi, d'agriculture et de questions connexes, mais il nous arrive de recevoir des résolutions nous demandant de participer à des débats portant sur des questions d'ordre plus général qui touchent les agriculteurs en général et nos membres en particulier. Nous représentons en tout environ 200 000 agriculteurs. Par conséquent, nous estimons qu'une partie importante et représentative de la collectivité agricole est affiliée à notre fédération.

Je veux dire que nous ne sommes pas opposés aux restrictions strictes concernant l'acquisition et la possession d'armes de poing et de carabines d'assaut. Je suis au quatrième paragraphe de la page 1 du mémoire, où il en est question. Nous appuyons ces restrictions ainsi que les passages du projet de loi qui renforcent les dispositions du Code criminel concernant les peines imposées pour les crimes commis à l'aide d'armes à feu. Il faut toutefois que le comité fasse une distinction entre ce genre d'armes à feu et les carabines et fusils de chasse utilisés par les agriculteurs pour chasser les prédateurs et protéger les récoltes et le bétail.

.1005

Comme vous le savez tous, j'en suis sûr, le système d'octroi de permis existant est pas mal strict. Depuis l'adoption de la mesure législative concernant l'acquisition d'armes à feu et imposant certaines interdictions, on peut surveiller assez bien les gens qui achètent de nombreux types d'armes. Par contre, quand il est question de renouveler le permis de port d'armes tous les cinq ans, nous commençons à avoir des inquétudes. Nous nous posons également des questions au sujet de la lourdeur de la peine - deux ans - que le projet de loi permet d'imposer à quiconque omet de faire enregistrer une arme.

Je tiens à signaler qu'étant donné l'endroit où leur exploitation se trouve, une bonne partie de nos membres, c'est-à-dire des éleveurs et des cultivateurs, possèdent des armes à feu depuis un certain temps, armes qui sont utilisées essentiellement pour chasser les prédateurs.

Il arrive également que des bêtes se blessent ou tombent malade et dans certains cas, la façon la plus humanitaire de mettre fin aux souffrances de l'animal blessé est de l'abattre au moyen d'une arme à feu. Cela n'arrive pas souvent, mais cela arrive, comme vous pouvez sans doute l'imaginer, compte tenu du type d'entreprises et de la quantité de bétail que nous avons.

Au début, quand la réglementation est entrée en vigueur, elle n'entraînait pas de très grands frais. Si je ne m'abuse, elle visait plutôt à vérifier si la personne demandant l'autorisation avait un casier judiciaire. Cette vérification faite, on lui accordait un permis renouvelable tous les cinq ans. Depuis lors, les règlements ont bien changé. Il faut suivre un cours, avec renouvellement tous les cinq ans. À ce propos, je tiens à signaler que le montant des droits d'inscription n'a cessé d'augmenter depuis le début. C'est une remarque qui est également valable dans d'autres cas dont nous parlerons plus tard.

Dans notre mémoire, il est ensuite question des frais d'obtention du permis et du certificat de maniement. Même si les droits ne sont pas exagérés pour l'instant, compte tenu de la tendance actuelle du gouvernement à vouloir rentrer dans ses frais, j'estime qu'il est très possible que ce genre de frais finisse par augmenter considérablement. Cela inquiète évidemment ceux qui utilisent les armes à feu pour d'autres raisons que la chasse.

En ce qui concerne l'enregistrement - dont il est question à la page 2 du mémoire - , nous tenons à signaler que si le gouvernement décide d'instaurer le genre de système prévu à cet effet, nous allons probablement réclamer un régime spécial pour les agriculteurs. Nous avons indiqué en caractères gras que le strict minimum acceptable consisterait à permettre aux agriculteurs de faire enregistrer leurs armes à feu - fusils de chasse et carabines utilisés pour leurs propres besoins - une seule fois au début et de les dispenser des frais de renouvellement, si le gouvernement adopte le système en question.

Nous précisons clairement que ce régime particulier s'appliquerait aux agriculteurs qui font enregistrer leurs armes et les utilisent sur leur exploitation. Nous faisons une distinction très nette entre les agriculteurs et les collectionneurs et les chasseurs, par exemple, qui peuvent avoir un grand nombre d'armes en leur possession. Nous tenons à le préciser tout de suite.

Il y a deux autres mesures de ce projet de loi que nous jugeons excessives. La première, c'est de considérer comme une infraction criminelle l'omission de faire le renouvellement quinquennal. Comme vous le pouvez l'imaginer aisément, les armes à feu peuvent jouer un rôle plus important dans la vie des gens qui chassent chaque année ou qui sont des collectionneurs passionnés que dans celle des agriculteurs qui les gardent sous clef dans une armoire prévue à cet effet dans le but de pouvoir chasser un éventuel prédateur.

J'étais éleveur d'ovins et je peux attester par expérience personnelle qu'il est arrivé souvent que des loups attaquent les moutons chez nous, dans la grange ou dans la cour. Les moutons sont parqués juste derrière la maison. Je ne fabule donc pas. Nous avons donc absolument besoin d'une arme pour protéger le bétail dans lequel nous avons investi notre argent.

.1010

Ce que nous voulons dire, c'est que les personnes qui n'utilisent pas leurs armes à feu régulièrement ne penseront pas nécessairement à les faire réenregistrer automatiquement tous les cinq ans. Ce ne sont pas des objets qu'ils utilisent tous les jours et ce n'est donc pas la même chose que pour un permis de conduire ou pour d'autres types d'enregistrement.

C'est là une raison supplémentaire qui explique le désir que l'on ne doive faire enregistrer ces armes qu'une fois lorsqu'il s'agit de carabines longues ou de fusils utilisés par les agriculteurs. On serait ainsi dispensé de les faire réenregistrer.

Nous disons aussi clairement que nous approuvons sans réserve les dispositions concernant les armes utilisées dans le cadre d'activités criminelles. Si le projet de loi est adopté, nous estimons que dans ces cas-là, l'application rigoureuse de la loi devrait faire l'affaire. Nos membres sont convaincus que le problème réside dans la manière dont les gens utilisent les armes à feu et non dans les armes proprement dites. La situation est différente dans le cas où on les utilise pour commettre des infractions criminelles.

En ce qui concerne l'achat de munitions, les dispositions prévues dans le projet de loi nous paraissent trop onéreuses pour la catégorie de citoyens et les types d'armes en question. Par exemple, nous avons ici un document qui décrit le système qui existe en Ontario depuis le mois de juillet 1994, si je ne me trompe. Nous pouvons le faire passer, si vous voulez le voir. En fait, un système de contrôle des achats de munitions serait une bonne solution. L'acheteur devrait présenter une pièce d'identité portant sa photo et il devrait avoir l'âge légal, qui est de 18 ans en l'occurrence, si je ne m'abuse. Le vendeur tiendrait une sorte de registre et les renseignements resteraient inscrits pendant deux ans. Par conséquent, on aurait ainsi un système qui permettrait de remonter la filière en cas d'utilisation des munitions dans le cadre d'activités criminelles.

Par exemple, si je suis chez moi le seul à posséder le certificat, ce système me permettrait de demander en cas de besoin - quand un animal n'arrive plus à se relever, par exemple - d'appeler ma femme pour lui demander de ramener une boîte de cartouches ou de balles. Elle pourrait alors le faire en montrant tout simplement une pièce d'identité attestant son âge, sans avoir besoin d'un certificat d'enregistrement. Cela me dispenserait de devoir prendre ma voiture pour aller acheter des munitions moi-même. Je sais que dans les régions rurales du Canada, il y a beaucoup de gens qui habitent à une certaine distance des villes et dans certains cas, cela peut poser un problème de ne pas pouvoir faire acheter des munitions par un autre membre de la famille.

Nous estimons par ailleurs que le ministre a créé un précédent - tacitement, du moins - en matière d'enregistrement. Nous le disons dans le paragraphe qui suit le texte en caractères gras, sous le titre «enregistrement». Dans le discours qu'il a prononcé le 24 avril, il a dit que ceux qui utilisent des armes à feu pour assurer leur subsistance n'auraient pas à payer des droits d'enregistrement.

On pourrait répliquer que c'est le cas de presque tous les agriculteurs, compte tenu de nos revenus nets, mais j'essaie d'éviter les lieux communs. À notre avis, une dispense est prévue pour certains types d'armes dans certains cas. Nous estimons que notre démarche correspond à l'esprit de la recommandation que le ministre a faite pour certaines catégories de gens.

Cela dit, je voudrais que Roger George, le président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, ajoute quelques mots, puis je demanderai à Sally Rutherford si elle a quelques observations à faire pour terminer.

M. Roger George (président, Fédération de l'agriculture de l'Ontario): Merci, Jack.

.1015

Monsieur le président, je tiens à ajouter, au nom des agriculteurs ontariens, que nos membres sont particulièrement fiers de MM. Crawford, Steckle et Serré, députés libéraux de l'arrière-banc, qui ont eu le courage de voter contre le Gouvernement à l'étape de la deuxième lecture. Mon organisation a envoyé des félicitations officielles à ces trois députés parce que nous sommes persuadés qu'ils votaient selon les désirs de leurs électeurs, des habitants de leur circonscription rurale. Leurs déclarations ont sans aucun doute l'approbation des membres de mon organisation ainsi que des agriculteurs de tout le pays qui approuvent la plupart des dispositions du projet de loi, surtout celles qui concernent la prévention du crime, mais que la question de l'enregistrement de ce que l'on peut considérer en quelque sorte comme des outils, préoccupe énormément.

M. Wilkinson a fait allusion au fait que bien des agriculteurs omettront par inadvertance ou par négligence de faire enregistrer des armes longues qu'ils n'utiliseront peut-être qu'une fois ou qu'en de rares occasions et il a dit que la possibilité d'exposer ces gens-là à des poursuites et de les considérer comme des criminels sème une vive inquiétude dans les milieux agricoles. À notre avis, rien ne prouve que le fait de faire enregistrer ces armes à feu fera diminuer la fréquence de leur utilisation à des fins criminelles et il est possible qu'il ne soit pas facile de retrouver facilement les armes volées à des agriculteurs.

Je crois que c'est le caractère draconien de certaines dispositions de ce projet de loi qui nous préoccupe. En fait, certaines organisations de provinces comme l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ont demandé à leur gouvernement de se désolidariser des diverses dispositions de ce projet de loi.

En guise de conclusion, je tiens à confirmer ce qu'a dit M. Wilkinson, principalement en ce qui concerne l'achat de munitions. Comme il l'a si bien fait valoir, nous estimons que la loi qui a été adoptée en 1994 est largement suffisante pour remonter la filière.

Je suis également parfaitement d'accord avec ce qu'il a dit à propos des problèmes énormes qu'éprouveraient les agriculteurs canadiens si leur conjointe ou même leurs enfants adultes ne pouvaient pas acheter de munitions. Il n'est pas toujours possible à l'agriculteur ou au détenteur de l'autorisation d'acquisition ou du certificat de possession d'armes à feu de tout laisser en plan pour aller acheter des munitions en ville. Dans une société consciente de ses responsabilités, il est certainement possible de trouver un meilleur moyen que cette mesure draconienne pour consigner l'achat de munitions.

C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président.

M. Wilkinson: Je crois qu'il est important que les gens qui ne connaissent pas les rouages de la Fédération canadienne de l'agriculture sachent comment les résolutions, qui sont le fondement de notre politique, sont adoptées.

Dans la plupart des cas, cela commence au niveau des comtés ou des districts. Il faut que la résolution soit adoptée par le conseil d'administration. Par exemple, dans le cas de l'Ontario d'où provient la résolution en question, la résolution doit être adoptée dans le cadre d'un congrès de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario auquel participent environ 400 délégués. Elle doit ensuite être présentée à l'assemblée annuelle de la Fédération canadienne de l'agriculture, qui regroupe toutes les organisations membres, où elle doit être adoptée à la majorité des voix.

Ce projet de loi jouit de l'appui de pas mal d'agriculteurs et de nos membres en particulier. Il est bon de signaler que dans les régions rurales, le genre de mesures qui y sont proposées a l'appui d'un grand nombre de personnes.

Merci. Nous sommes disposés à répondre aux questions.

Le président: Avant de passer la parole au Bloc québécois pour la première série de questions, je tiens à signaler qu'en haut de la page 2 de votre mémoire, vous dites que «si le projet de loi C-68 est adopté, les gens qui possédaient des armes avant l'existence de l'AAAF devront suivre un cours sur la sécurité des armes à feu».

.1020

Ce n'est pas vrai. Voyez l'article 7 du projet de loi, qui commence à la page 6 et finit à la page 8. Un certain nombre d'exceptions sont prévues à la page 7, et notamment à l'alinéa 7(4)c) qui dit que quiconque a une ou plusieurs armes à feu et n'a pas besoin d'un permis pour en acquérir d'autres ne doit pas suivre de cours sur la sécurité des armes à feu. Cela se trouve au bas de la page 7 du projet de loi.

M. Wilkinson: Merci beaucoup de nous l'avoir signalé. Il y avait peut-être une certaine confusion dans notre esprit...

Le président: Je ne vous le reproche pas. C'est un projet de loi compliqué et vous n'avez pas eu beaucoup de temps avant de venir témoigner. Nous apprécions votre collaboration. Je tenais seulement à vous le signaler.

M. Wilkinson: Je vous en remercie.

Le président: Par ailleurs, au cours de votre exposé, vous avez parlé du renouvellement des certificats d'enregistrement. Une fois qu'une arme est enregistrée, il n'est pas nécessaire de la faire réenregistrer tant qu'elle est en la possession de la même personne.

M. Wilkinson: Ne faut-il pas faire renouveler le permis? Je m'excuse, mais nous voulions parler de la tenue à jour du registre.

Le président: Il faut effectivement renouveler son permis tous les cinq ans, mais pas l'enregistrement.

Il y aura trois périodes de questions de 10 minutes chacune, une par parti. Puis, des discussions de cinq minutes en commençant par les représentants du gouvernement pour finir par ceux de l'Opposition.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Messieurs, madame, je suis un peu étonnée que M. George félicite ceux qui ont voté contre tout le projet de loi quand, dans le fond, votre union ou votre fédération demande des exemptions au projet de loi et va même jusqu'à dire, dans certains cas, que les articles prohibant certaines armes de poing sont très bons, sont même louables et que, d'un autre côté, on félicite ceux qui votent contre le projet de loi en entier. Je suis un peu étonnée de cet illogisme, et je voulais vous le mentionner.

Je tenais à vous dire également qu'on a un peu l'impression que vous faites partie du syndrome «pas dans ma cour» et ce syndrome se traduit de la façon suivante: c'est-à-dire que oui, on est d'accord pour que la loi s'applique aux autres, mais pas à nous. Et encore là, je donne l'exemple des armes de poing.

À ce que je sache, l'Union des producteurs agricoles du Québec fait aussipartie de votre association. Par contre, vous devez savoir qu'il y a 46 000 membres du Cercle des fermières du Québec qui se battent pour un contrôle plus strict des armes à feu depuis 1991 et que ces femmes - en majorité ce sont des femmes - demandent l'enregistrement universel de toutes les armes et l'interdiction des armes de poing. Nous en avons la preuve dans une lettre que vous avez dû recevoir. Elles ont envoyé copie de la lettre qu'elles ont envoyée au ministre Allan Rock à toutes les personnes intéressées. Je pense que vous représentez certainement une partie du monde rural, mais pas tout le monde rural.

Là-dessus, j'aimerais entendre vos commentaires.

[Traduction]

M. Wilkinson: En ce qui concerne ceux qui ont voté contre le projet de loi, je crois qu'il est juste de dire que si l'on n'y apporte pas les amendements nécessaires pour répondre aux doléances de ses électeurs ou de ses membres, on n'a pas le choix: il faut voter contre l'ensemble du projet de loi. Tout n'est pas nettement délimité dans la vie. Je ne crois pas que nous fassions preuve d'hypocrisie dans nos propos.

En fait, nous parlons des préoccupations de nos membres. Nous estimons qu'il faut régler le problème des carabines ou des fusils d'épaule dont les agriculteurs ont besoin pour les raisons que nous avons données, si le Gouvernement veut adopter ce projet de loi.

.1025

Nous ne demandons pas, par exemple, que les chasseurs bénéficient d'un traitement préférentiel si le projet de loi est adopté. En fait, nous avons très clairement dit que les personnes possédant de nombreuses armes à feu, par exemple parce que ce sont des collectionneurs, relèveraient d'autres dispositions de la loi. L'exemption que nous demandons ne concerne qu'un groupe très limité de personnes.

Je n'accepte pas que vous disiez que c'est le syndrome du «pas dans ma cour». Ce n'est pas du tout le cas et je pensais l'avoir clairement indiqué. Si ce n'était pas assez clair, nous pouvons le répéter.

En ce qui concerne la lettre des femmes de l'UPA, ce que vous dites est peut-être tout à fait vrai. De toute façon, l'UPA est l'une de nos 19 organisations membres. Nous n'avons toutefois jamais prétendu que tous les résidents des régions rurales du Canada appuyaient ce mémoire à l'unanimité. Ce que nous avons dit, c'est qu'il a été adopté à la majorité des membres de la FCA, ce qui nous donne l'obligation de mettre en oeuvre la résolution correspondante. Il y a peut-être fort bien des gens qui n'ont pas voté en faveur de la résolution lors de notre assemblée annuelle, mais lorsque le vote est majoritaire, nous devons en tenir compte.

[Français]

Mme Venne: Je ne parle pas de l'Union des producteurs agricoles du Québec, qui serait en désaccord avec vous. Je parle du Cercle des fermières du Québec qui représente 46 000 membres, dont la majorité, 99,9 p. 100, sont des femmes. C'est de ce groupe-là, qui est directement impliqué dans le milieu rural, dont je parle.

[Traduction]

M. Wilkinson: Je précise toutefois que c'est l'UPA elle-même qui est membre de la FCA, et que bon nombre des organisations provinciales membres de la Fédération sont composés de groupes très différents. Quoi qu'il en soit, c'est l'UPA qui est membre de la FCA.

[Français]

Mme Venne: Je ne parle pas de quelqu'un qui est membre de votre association, je parle d'un groupe qui est à part, qui s'appelle le Cercle des fermières du Québec, qui représente les femmes, qui n'est pas en accord avec votre position et qui représente un milieu rural. On représente tout de même 52 p. 100 de la population! Ce sont de ces personnes-là dont je vous parle, et du milieu rural aussi.

[Traduction]

M. Wilkinson: Je ne saisis pas bien le sens de ce débat. Lorsque nous nous adressons à vous, nous le faisons uniquement au nom de notre groupe.

Comme vous le savez, il n'y a pas unanimité au Canada au sujet de ce projet de loi. Certes, il peut être intéressant de souligner les différences existant dans la population rurale du Canada sur cette question, mais, très franchement, je ne crois pas que cela soit pertinent par rapport au projet de loi.

[Français]

Mme Venne: C'est intéressant de savoir que vous représentez une certaine opinion du milieu rural, mais pas de tout le milieu rural.

Vous savez probablement que le taux de mortalité par arme à feu est beaucoup plus élevé en région rurale que dans les centres urbains. J'aimerais savoir si vous le savez. Quels sont vos commentaires là-dessus?

[Traduction]

M. Wilkinson: Oui, nous le savons. Je crois cependant pouvoir dire que bon nombre de facteurs différents contribuent au taux de mortalité par arme à feu.

Le fait que la chasse au Canada se fasse généralement dans les régions rurales explique pourquoi les accidents de chasse se produisent dans les campagnes plutôt qu'au centre-ville de Toronto. Je ne veux pas traiter à la légère le fait qu'il puisse y avoir un problème de mortalité par arme à feu dans les régions rurales du Canada, mais je crois qu'il est tout à fait déraisonnable de penser que ce problème pourrait être résolu simplement en enregistrant les armes à feu. C'est comme si l'on disait que toute arme à feu qui est enregistrée ne servira plus à commettre des crimes.

À notre avis, ce ne sont pas les armes à feu elles-mêmes qui commettent des crimes, et l'enregistrement servira uniquement à fournir des informations aux agents de police, entre autres. Je le répète, si le Gouvernement décide d'aller de l'avant avec ce projet de loi, nous ne demandons pas d'exemptions. Nous demandons simplement un traitement garantissant que le problème sera traité de manière adéquate.

Roger, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. George: Je suis d'accord quand vous dites que le système d'enregistrement, même le meilleur au monde, n'empêchera jamais un crime passionnel, et qu'aucune loi ne saurait remplacer des cours sur la sécurité à l'intention des chasseurs, par exemple, ce qui se fait déjà, je le précise. L'important est de garantir la sécurité à toutes les personnes des régions rurales qui ont accès à une arme à feu. L'entreposage sécuritaire des armes à feu est à mon sens une obligation primordiale quand on a le privilège de posséder une arme à feu. J'ai cependant peine à voir en quoi l'enregistrement des armes à feu empêchera un seul crime passionnel.

.1030

[Français]

Mme Venne: C'est important aussi. L'enregistrement servira au moins à conscientiser les gens et à faire en sorte qu'ils se rendent compte qu'une arme à feu, c'est fait pour tuer. Si on en a à la maison, il faut en prendre soin et les enregistrer. Je pense qu'en ce sens, le but serait certainement atteint.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay, vous avez dix minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Je remercie les témoins d'être venus devant notre comité.

Avant de poursuivre le débat sur les divers aspects du projet de loi, je voudrais signaler que le ministre de la Justice a tenté d'établir un lien entre l'enregistrement des armes à feu et les événements catastrophiques d'Oklahoma City. Vous avez peut-être des remarques à faire à ce sujet. Je signale toutefois que le procureur général des États-Unis, immédiatement après les événements d'Oklahoma, a promis de réclamer la peine de mort pour les responsables. Dans notre pays, malheureusement, un chef de police a été abattu ces derniers jours mais notre procureur général repousse les demandes de toutes les personnes et des services de police qui réclament le rétablissement de la peine de mort. Au lieu de cela, il ne fait que promettre un système d'enregistrement des armes à feu.

Quoi qu'il en soit, je voudrais vous poser une question en me plaçant du point de vue des agriculteurs et des personnes vivant dans des régions rurales. On ne trouve dans le projet de loi aucune définition de la possession d'une arme à feu. Autrement dit, supposons qu'un agriculteur ayant enregistré son arme à feu et ayant un permis adéquat amène cette arme avec lui dans les champs, pour des raisons légitimes. Supposons par ailleurs que son épouse, qui n'a pas de permis en son nom, rentre chez elle avec la voiture de son mari - peut-être après lui avoir porté son déjeuner dans les champs - et que la police l'arrête. Techniquement, elle est en possession de cette arme à feu et elle pourrait être inculpée puisqu'elle n'a pas de permis. On pourrait considérer qu'elle possède une arme à feu de manière illégale, même si cette arme a été enregistrée. Qu'en pensez-vous?

M. George: C'est en effet une source de préoccupations pour nos membres car il arrive souvent qu'un agriculteur place sa carabine dans sa camionnette mais que celle-ci soit conduite par son épouse ou par un employé. Or, si cette personne se fait arrêter par la police, elle aura, en théorie du moins, enfreint la loi en transportant cette carabine. Je crois qu'il faudra donc revoir cette question.

En ce qui concerne la tragédie d'Oklahoma, je trouve regrettable que le ministre de la Justice ait tenté d'en tirer parti. Si je ne me trompe, on estime aujourd'hui que la bombe a été fabriquée avec des engrais et du carburant diesel. Ce sont des produits auxquels les agriculteurs ont largement accès mais personne, Dieu merci, n'a encore réclamé un système d'enregistrement des engrais et du carburant diesel, au cas où nous commencerions à fabriquer des bombes sur nos fermes.

Cela nous amène d'ailleurs au coeur du problème. Ce qui hérisse profondément les collectivités rurales, c'est qu'on laisse entendre qu'elles peuvent avoir un comportement criminel, alors que la possession d'une arme à feu peut être parfaitement légitime en milieu rural. C'est le fait qu'on risque de nous pointer du doigt et de nous traiter comme de simples criminels parce que nous nous comportons, de manière tout à fait normale, comme nous le faisons depuis 50 ans qui suscite beaucoup d'inquiétude et de colère dans les milieux agricoles.

.1035

M. Ramsay: Cela ne témoigne-t-il pas d'une profonde incompréhension des milieux ruraux et agricoles de la part du ministre de la Justice?

M. George: C'est notre avis. Notre position est que nous comprenons bien pourquoi il peut être nécessaire d'enregistrer les armes de poing, chose que nous ne contestons pas du tout. De fait, nous acceptons la majeure partie du projet de loi. Par contre, lorsqu'on parle de carabines, c'est-à-dire d'armes dont l'agriculteur a besoin pour détruire les prédateurs de ses moutons ou de son bétail, ou pour abattre un animal blessé, la situation n'est plus du tout la même. Qu'allons-nous faire? Laisser l'animal blessé agoniser, pour nous faire ensuite accuser de cruauté par la Société de protection des animaux? À mon avis, cela serait encore moins acceptable que posséder une arme à feu non enregistrée.

M. Ramsay: Je voudrais passer à une autre question.

Le ministre de la Justice a laissé entendre que les propriétaires d'armes à feu n'auront qu'à remplir une petite carte comportant les informations pertinentes sur leurs armes à feu - marque, modèle, numéro de série et autres caractéristiques - en l'envoyant à l'organisme d'enregistrement. J'ai cependant quelques doutes à ce sujet car certains juristes de la police à qui j'ai parlé, qu'ils soient en activité ou à la retraite, m'ont dit qu'il faut avoir reçu une formation très particulière pour identifier correctement les caractéristiques des armes à feu, afin de les intégrer au système d'enregistrement.

Croyez-vous que les gens que vous représentez, les agriculteurs et les éleveurs, aient reçu la formation adéquate pour identifier ces caractéristiques et les reporter de manière adéquate sur un formulaire? N'oublions pas que leur certificat d'enregistrement sera inexact s'ils inscrivent un 9 au lieu d'un 7 dans le numéro de série, ou un 1 au lieu d'un 7, par exemple.

M. George: Je ne pense pas que les agriculteurs soient plus ou moins compétents que les autres catégories de citoyens lorsqu'il s'agit d'enregistrer ce genre d'informations. Si les chiffres sont clairement indiqués sur l'arme, l'agriculteur n'aura aucun mal à en prendre note. Si vous voulez insinuer que les gens des milieux ruraux ou les agriculteurs sont moins intelligents que les autres, je serais très vexé.

M. Ramsay: Ce n'est pas du tout ce que je voulais dire.

Le président: Personne ne donne cela à entendre.

M. Ramsay: Le problème est que les spécialistes de la police m'ont dit que même les personnes ayant une formation adéquate peuvent avoir des difficultés à identifier les caractéristiques d'un revolver. C'est d'ailleurs pour cette raison que, même si les revolvers doivent être présentés à un agent de la paix ayant reçu une formation adéquate en matière d'identification des caractéristiques, beaucoup d'informations erronées sont enregistrées dans le système, lequel est donc loin d'être satisfaisant.

Voici l'exemple que l'on m'a donné: un scientifique de la police ayant reçu une arme à feu, il a vérifié les informations pertinentes dans le système d'enregistrement et a constaté que le propriétaire était un homme de Toronto. Il lui a donc téléphoné en lui disant qu'on venait de lui remettre son revolver, mais l'homme a dit que ce n'était pas possible parce que le sien était toujours dans son coffre de sûreté. On a alors réalisé que les caractéristiques d'identification intégrées au système ne correspondaient pas à la bonne arme, et cela provenait du fait que des informations erronées avaient été inscrites sur une fiche d'enregistrement.

Si nous voulons assurer l'intégrité du système d'enregistrement des armes à feu, ne serait-il pas indispensable de faire effectuer l'enregistrement des caractéristiques par des personnes ayant reçu une formation adéquate? Si l'on vous remet un certificat d'enregistrement comportant un seul chiffre qui soit erroné, le certificat correspondra à une arme tout à fait différente. Croyez-vous que cela risque de poser des problèmes?

.1040

M. Wilkinson: Je voudrais faire une remarque. Si vous connaissez des experts judiciaires qui estiment que cela est un problème, vous devriez les convoquer car ils connaissent mieux la question que nous.

Nous n'avons pas la prétention de savoir tout ce que l'on exigera dans le système d'enregistrement. Toutefois, si l'on parle de numéros de série qui sont gravés dans l'acier du canon d'une carabine, on sait bien que cela peut poser des problèmes. Il ne nous appartient pas cependant de traiter de cette question en détail.

Je comprends bien ce que vous dites, mais je ne pense pas que nous puissions vous répondre.

Le président: Le temps de parole du député est écoulé. Je dois vous dire toutefois que nous avons l'intention de convoquer des experts judiciaires pour examiner ce genre de questions de manière plus détaillée.

Monsieur Bodnar, veuillez poser votre question, je vous prie.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Tout d'abord, en ce qui concerne la possession théorique d'une arme à feu, je dois dire que c'est un concept qui n'existe pas. Ou on possède quelque chose, ou on ne le possède pas. Posséder quelque chose veut dire que l'on sait être en possession de cette chose et qu'on la contrôle. Le fait de simplement voir quelque chose sans le contrôler ne représente pas la possession.

Vous avez dit qu'il est important pour les agriculteurs de pouvoir abattre les animaux blessés, et je suis d'accord avec vous. Il est également important de pouvoir lutter contre les prédateurs. Pourriez-vous cependant me dire en quoi le système d'enregistrement aura une influence quelconque à ce sujet? Pourquoi vous serait-il plus difficile d'abattre un prédateur parce que votre carabine aura été enregistrée?

M. Wilkinson: Mais c'est la même chose que... Revenons à ce qui s'est passé lorsqu'on a mis en place le système d'AAAF. On a rapidement constaté que bien des articles coûtaient plus chers. On sait très bien, quand on met en place un nouveau système comme celui qui est envisagé, que l'on a tendance à fixer les coûts à un bas niveau pour éviter les réactions négatives du public. On nous présente toujours les choses de la manière la plus simple possible, en nous disant qu'il n'y aura pas de problème. Inévitablement, cependant, on constate au bout d'un certain temps que les exigences deviennent de plus en plus onéreuses.

Étant donné que l'on a déjà connu ce genre de processus, je ne pense pas qu'il soit exagéré d'extrapoler pour le nouveau système qui est envisagé. Certes, ce qu'on prévoit ne se produira peut-être pas mais, pour le moment, je crois qu'il est tout à fait légitime de se méfier.

Si vous me le permettez, je vais d'ailleurs vous renvoyer la question. Si l'objectif du législateur est de s'attaquer à la criminalité, pourquoi demande-t-on à quelqu'un qui possède une arme à feu sous clef chez lui d'enregistrer cette arme? Si vous pouviez me prouver que cette personne est à l'origine du problème, je serais prêt à en discuter. En attendant, j'estime que ma réaction est aussi logique que la vôtre.

M. Bodnar: Vous n'avez pas répondu à la question.

Vous dites dans votre mémoire que l'enregistrement de toutes les armes à feu imposera un fardeau administratif inutile et excessif aux agriculteurs. Pourquoi? Il n'en est rien.

M. Wilkinson: Vous dites que le projet envisagé n'imposera pas ce fardeau?

M. Bodnar: Je vous demande pourquoi l'enregistrement imposera un fardeau administratif à l'agriculteur.

M. Wilkinson: Disons, par exemple, une fois que vous aurez recueilli le témoignage de vos experts judiciaires, qui auront une meilleure idée du processus d'enregistrement...

M. Bodnar: Je vous demande pourquoi l'enregistrement imposera un fardeau administratif à l'agriculteur.

M. Wilkinson: Je vous donne un exemple. Si vous préférez ne pas l'entendre, vous en avez le droit.

.1045

Le président: Il est clair qu'il y a des divergences d'opinions sur cette question. Vous avez parfaitement le droit de répondre comme vous voulez aux questions qui vous sont posées.

M. Bodnar: J'aimerais toujours avoir une réponse à ma question mais il est évident que je ne l'aurai pas aujourd'hui.

Revenons à l'idée du minimum acceptable, qui serait d'autoriser les agriculteurs à enregistrer leurs armes une fois, gratuitement. Vous savez que l'enregistrement ne se fera qu'une fois. Il ne sera jamais nécessaire de le renouveler. En outre, les frais seront minimes puisqu'ils seront d'environ 10$ ou 20$ pour toutes les armes du même propriétaire. Est-ce un fardeau financier excessif pour les agriculteurs?

M. Wilkinson: Je ne pense pas qu'il faille parler ici de «fardeau». Tout ce que nous disons, c'est que le gouvernement, s'il va de l'avant avec ce projet de loi, devrait traiter les armes dont nous avons parlé de la manière dont nous l'expliquons dans notre mémoire.

M. Bodnar: Si un agriculteur se fait voler sa carabine et que celle-ci n'ait pas été enregistrée, comment pourra-t-il la récupérer, si la police la retrouve à 100 ou 200 milles de distance ou sur le lieu d'un crime? Comment l'agriculteur pourra-t-il récupérer sa carabine si elle n'est pas enregistrée?

M. Wilkinson: Je n'en ai aucune idée. Qu'est-ce qui peut d'ailleurs vous faire croire que le voleur de cette carabine n'aura pas essayé d'en effacer le numéro de série? Dans ce cas, comment le propriétaire pourra-t-il de toute façon récupérer son arme? Vous savez, il n'est pas difficile d'altérer un numéro de série, cela se fait souvent avec les voitures. Si je ne me trompe, les propriétaires de Porches volées récupèrent rarement leur véhicule, malgré le numéro de série.

M. Bodnar: Voulez-vous dire que tous les numéros de série seront modifiés sur les armes volées?

M. Wilkinson: Je voulais simplement vous donner un exemple. Vous semblez croire que ce système d'enregistrement permettra de retrouver les armes volées. J'en doute sérieusement. Certes, je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais je crois qu'il est très facile de rendre un numéro de série illisible simplement avec un marteau ou une lime.

M. Bodnar: Vous savez que modifier le numéro de série d'une arme à feu deviendrait une infraction dans le cadre de ce projet de loi?

M. Wilkinson: Je ne pense pas que cela inquiète sérieusement le criminel qui aura volé l'arme et qui en aura rendu le numéro de série illisible. Je ne crois vraiment pas que cela le fasse hésiter beaucoup à commettre son crime.

M. Bodnar: Précisément. Les criminels n'auront probablement pas beaucoup d'hésitation à essayer de modifier les numéros de série.

M. Wilkinson: Vous formulez des hypothèses sans aucune preuve.

Mme Torsney (Burlington): Et vous, vous en avez des preuves?

Le président: À l'ordre.

M. Wilkinson: Sur ce qui vient d'être dit? Je demande simplement à voir vos preuves. Vous pourrez les envoyer au bureau de notre fédération, j'aurai beaucoup de plaisir à les lire.

Le président: Nous avons invité la Fédération canadienne de l'agriculture à comparaître devant notre comité et à nous présenter son point de vue, que celui-ci nous plaise ou non. En conséquence, je vous demande d'éviter de faire des remarques désobligeantes lorsque les témoins répondent aux questions.

M. Bodnar: Vous avez dit que les frais d'enregistrement risquent d'augmenter considérablement à l'avenir. Qu'est-ce qui vous le fait penser? Avez-vous des raisons sérieuses de le croire ou s'agit-il simplement de spéculation de votre part?

M. Wilkinson: On constate que les frais d'obtention des plaques d'automobile ont considérablement augmenté. De même, les frais d'obtention d'une AAAF ont beaucoup monté depuis la mise en place du système, au milieu des années 1970. En agriculture, les coûts des services d'inspection et de classement des produits sont substantiels. En outre, tout permet de penser que le gouvernement a l'intention d'obtenir le recouvrement complet des frais du nouveau système. Nous n'avons donc aucune raison de croire qu'il n'y aura pas de hausse des frais.

M. Bodnar: C'est exact, mais seulement si l'on vous oblige à renouveler l'enregistrement chaque année. Or, comme l'enregistrement ne devra être fait qu'une seule fois, comment pourrait-il y avoir une hausse de coûts?

M. Wilkinson: D'après mes informations, les permis de possession ne seront valides que pendant une certaine période, après quoi il faudra les renouveler.

M. Bodnar: C'est comme le système actuel des AAAF, qu'il faut renouveler tous les cinq ans.

M. Wilkinson: Précisément.

M. Bodnar: Mais nous parlons ici d'enregistrement des armes à feu.

M. Wilkinson: Si j'ai une AAAF et que je n'aie absolument pas l'intention d'acheter un autre revolver, je n'ai pas besoin de la renouveler. Par contre, avec le projet de loi dont vous êtes saisis, j'aurais des frais à assumer à l'avenir.

M. Bodnar: On a dit qu'il y a plus de morts violentes par arme à feu dans les collectivités rurales que dans les collectivités urbaines. En outre, si je vous ai bien compris, vous estimez que ce projet de loi ne contribuera nullement à résoudre ce problème. Pourriez-vous donc nous dire ce que le gouvernement pourrait faire pour tenter de réduire le nombre de morts violentes causées par des armes à feu dans des collectivités rurales?

.1050

M. Wilkinson: À moins que Roger ne veuille poursuivre, lorsqu'il a répondu à la question précédente, il a donné un certain nombre d'exemples dont on pourrait s'inspirer pour y parvenir.

M. George: On a dit tout à l'heure que le pourcentage des détenteurs d'armes à feu est probablement plus élevé dans les collectivités rurales étant donné que les armes y sont souvent utilisées pour la chasse et, dans le cas des agriculteurs, pour la protection de leur bétail, etc. Certes, le nombre de blessures par habitant est élevé dans les campagnes, mais je ne vois pas très bien comment on pourrait résoudre le problème à moins d'éliminer complètement toutes ces armes.

Revenons à ce que je disais au sujet de la nécessité de mettre continuellement l'accent sur la sécurité. Notre organisation recommande toujours à ses membres de suivre des cours de sécurité, mais également de garder leurs armes sous clef. Il importe de prévoir des mécanismes qui empêcheront le recours impulsif aux armes. Je crois que nous préférerions une loi qui nous obligerait à attacher ce fusil de chasse avec une chaîne et à le garder sous clef plutôt que d'être assujettis à certains des éléments contenus dans ce projet de loi.

Le président: Nous allons maintenant consacrer les cinq prochaines minutes aux questions. Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Pas pour l'instant. Je reviendrai peut-être vers la fin.

[Traduction]

M. Thompson (Wild Rose): Je viens d'une grande circonscription rurale où il y a beaucoup d'agriculteurs, et bon nombre des personnes qui sont venues me voir ont exprimé exactement les mêmes vues. Elles m'ont également parlé de l'incidence du projet de loi sur les zones rurales et sur les villes. J'ignore si nous disposons vraiment de statistiques qui nous permettent de dire quels sont les pourcentages de détenteurs d'armes par tranche de 100 000 habitants dans les milieux ruraux et dans les villes. J'imagine que les chiffres seraient plus élevés dans les campagnes. Si c'est le cas, c'est peut-être une des raisons pour lesquelles il y a plus d'incidents. Mais de la même façon, il y a plus d'automobiles en ville qu'à la campagne, c'est pourquoi il y a plus d'accidents de la circulation dans les milieux urbains. Pas besoin d'être un génie pour le comprendre, et je crois qu'il ne faut pas accorder trop d'importance à tout cela.

Beaucoup d'habitants de ma circonscription - tous les agriculteurs - sont fermement convaincus que si vous êtes propriétaire d'une arme à feu et que vous négligiez les responsabilités que cela vous impose, vous devriez être sévèrement puni. D'après ce que je vois, vous êtes d'accord avec cela.

Une des choses qui les préoccupent cependant, c'est le risque auquel ils s'exposent face à la loi en cas de vol - ce qui s'est produit fréquemment, et vous en connaissez sans doute vous-mêmes des exemples en zones rurales. L'essence est l'une des cibles favorites des voleurs, le carburant en général ainsi que d'autres biens agricoles. Je connais des agriculteurs qui sont sortis de chez eux et ont tiré deux ou trois coups de fusil en l'air pour faire peur aux voleurs, méthode qui réussit fort bien. Il y a des prédateurs à deux pattes.

Je crois que cette nouvelle loi mettrait cet agriculteur en sérieuses difficultés s'il faisait cela, n'est-ce pas?

M. George: Je ne recommanderais à aucun de nos membres d'utiliser une arme à feu pour faire peur à un voleur d'essence. Je préférerais en perdre 50 gallons plutôt que de prendre un fusil de chasse, ne serait-ce que pour le pointer en l'air. Franchement, je ne suis pas prêt à aller plus loin que cela.

M. Thompson: C'est vrai, sauf dans un cas que je connais personnellement. Ceux qui étaient venus voler de l'essence l'avaient également utilisée pour incendier la grange, entre autres choses. La situation était sérieuse et beaucoup d'agriculteurs estiment qu'ils ne devraient pas être poursuivis s'ils décidaient de protéger leurs biens et même, dans certains cas, leur vie.

Une mère de Wild Rose qui venait d'accompagner ses enfants sur le petit chemin qui menait à l'arrêt d'autobus à quelques centaines de mètres de son domicile, rentrait chez elle lorsqu'elle se trouva face à face avec un grizzly. Comme elle était toujours armée d'un fusil lorsqu'elle marchait avec ses enfants, lorsque l'animal chargea, elle l'abattit alors qu'il n'était plus qu'à 15 pieds d'elle. Cette femme fut inculpée à cause de cet incident et il fallut un long procès et de fortes pressions du public pour que l'affaire soit classée.

.1055

Croyez-vous que ce soit vraiment là un motif d'inculpation légitime et qu'une telle personne doive être traînée devant un tribunal?

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Quel était le chef d'accusation?

M. Thompson: Possession d'une arme non-enregistrée...

Mme Phinney: Ce n'était certainement pas cela puisqu'auparavant, l'enregistrement des armes n'était pas obligatoire.

M. Thompson: Il y avait deux choses. Il y avait le fait qu'elle avait abattu l'ours, il y avait donc une question de faune...

Le président: Était-ce une arme de poing?

M. Thompson: Non, c'était une carabine très puissante.

Le président: Jusqu'à présent, vous pouviez porter ce genre d'armes.

M. Wilkinson: Franchement, je ne me sens pas compétent pour répondre à ce genre de questions au nom de la FCA sans...

M. Thompson: Ce genre d'utilisation vous paraît-il légitime?

M. Wilkinson: Ce que nous avons dit, et assez clairement je crois, c'est que les agriculteurs considèrent que, dans un certain nombre de situations, ils ont besoin de ces armes pour protéger leur bétail ou leurs cultures ou pour abattre un animal blessé.

Honnêtement, si l'objet de ce projet de loi est de contrôler le crime, je ne vois pas en quoi ce que nous proposons sur ce point pourrait compromettre son efficacité. Comme nous l'avons dit, les dispositions de la loi concernant les munitions créent de plus lourdes obligations; quant à l'enregistrement des armes à feu aux fins indiquées par nous, il va au-delà des arguments invoqués par les partisans du projet de loi.

M. Thompson: Votre organisation serait-elle favorable à la régionalisation de l'enregistrement des armes à feu? Par exemple, si la ville de Calgary, ses habitants et les municipalités qui la comprennent voulaient que toutes les armes de la ville soient enregistrées, seriez-vous d'accord?

M. Wilkinson: Pour le moment, notre position ou notre politique - et nous essayons de ne pas trop spéculer à ce sujet aux audiences du Comité - est que nous nous opposons à l'assujettissement des agriculteurs au projet de loi. Nous n'avons pas étudié l'autre question que vous venez d'évoquer.

M. Speller (Haldimand - Norfolk): Merci, monsieur Wilkinson et monsieur George d'être venus représenter ici les agriculteurs aujourd'hui.

J'ai lu votre mémoire avec intérêt. Je suis d'accord avec certains points de celui-ci, mais il y en a d'autres qui ont besoin d'être précisés. Je sais que vous l'avez rédigé assez rapidement, notamment la partie consacrée à l'AAAF et au cours sur la sécurité.

Pour poursuivre la question de M. Bodnar au sujet de l'enregistrement de toutes les armes à feu - une charge administrative bien lourde - j'ai bien compris votre point de vue, mais je crois qu'il faudrait un peu étoffer vos arguments pour montrer à ce comité comment cela constituerait un fardeau pour un agriculteur.

J'ai également noté que vous aviez une proposition à présenter. En avez-vous une copie? Sur quoi porte-t-elle exactement?

M. Wilkinson: Je ne crois pas que nous l'ayons avec nous, mais nous pourrons certainement la faire parvenir au comité; cela ne posera aucun problème.

Cela se ramène au fait que selon certains, le projet de loi et les raisons qui le sous-tendent... Nous avons bien dit - bien que nous ne soyons pas vraiment partisans du projet de loi et que nous ne fassions que le commenter - que certaines parties sont tout à fait acceptables mais que d'autres vont trop loin dans la mesure où l'on essaie de justifier une grande partie des maux de notre société par le fait que les armes à feu ne sont pas enregistrées dans les zones rurales du Canada. C'est une logique qui est difficile à accepter.

Nous n'avons jamais été opposés à la prise de mesures rigoureuses dans le cas de crimes commis avec des arme à feu. Nous ne nous sommes jamais opposés à une foule de points que nous avons déjà passés en revue, monsieur Speller.

Si ce projet de loi est adopté, les gens ne comprennent pas pourquoi quelqu'un qui, pour une raison précise, détient une carabine à canon long qu'il garde sous clef chez lui... Ce n'est pas nécessairement un chasseur ni un collectionneur; c'est peut-être quelqu'un qui utilise cette arme en de très rares occasions. Mais pour diverses raisons, c'est quelqu'un qui - à cause de l'emplacement de sa ferme, de la protection de son bétail contre les prédateurs - tient à être armé. À quoi bon obliger les agriculteurs à enregistrer leurs armes? À leur avis, cela ne changera absolument rien à la portée de ce projet de loi et de son effet sur le nombre des crimes.

.1100

M. Speller: Je vous entends bien, mais en dehors du coût et de la charge administrative que cela représente, j'espère que vous voudrez bien nous fournir des arguments plus étoffés.

M. Wilkinson: Nous pouvons en effet le faire. Je crois que nous nous fondons sur le fait que tout cela a tendance à constituer une charge qui devient de plus en plus lourde. Je peux vous en donner des exemples et en trouver d'autres. Lorsque j'ai obtenu mon AAAF pour l'achat d'une arme à feu, il y a plusieurs années, j'ai dû payer un droit tout à fait mineur. Aujourd'hui, il est beaucoup plus élevé. C'est devenu beaucoup plus compliqué. Les gens s'inspirent de ces exemples pour conclure, par extrapolation - que ce soit juste ou non - qu'il y aura un coût supplémentaire et que les droits d'enregistrement augmenteront. C'est un élément de plus...

M. Speller: Je crois que ce que vous voulez dire, c'est que, ce qui vous préoccupe, ce n'est pas tant le contenu actuel du projet de loi que ses répercussions futures.

M. Wilkinson: Comme je le disais, c'est le fait qu'il n'y pas de logique là dedans.

M. Speller: Malheureusement, je ne dispose pas de beaucoup de temps. Je voudrais poser deux ou trois questions.

Monsieur George, vous avez parlé des Libéraux qui ont voté contre ce texte législatif. Vous avez dit qu'ils représentaient leurs mandants. Je sais pertinemment qu'un certain nombre de sondages effectués dans tout le pays, dans les villes comme dans les campagnes, montrent que les Canadiens sont partisans de ce projet de loi et qu'ils sont en fait favorables à l'enregistrement, tout comme le sont un certain nombre de membres de notre parti ainsi que le Parti réformiste.

Comment faites-vous pour justifier ou établir le nombre de ses opposants? Je crois bien qu'à ces réunions de la Fédération, vous n'obtiendriez pas 50 p. 100 de femmes et 50 p. 100 d'hommes, en dépit du fait que dans le secteur agricole, c'est ainsi que se décompose la population. Lorsque nous examinons les résultats des sondages, nous constatons que, même en Alberta, il existe une différence fondée sur les sexes. L'énorme majorité des femmes est favorable à ce projet de loi, alors que le pourcentage est moins élevé chez les hommes, même s'ils représentent encore une majorité.

Pensez-vous que les vues exprimées par la Fédération canadienne et par celle de l'Ontario sont un peu déformées par le fait que beaucoup plus d'hommes que de femmes assistent à ces réunions?

M. George: Je crois pouvoir vous assurer que Jack et moi-même représentons ici les vues exprimées par les membres de nos organisations respectives.

Au cours de mes déplacements en Ontario, ces deux ou trois derniers mois, je peux vous assurer que quel qu'ait été le sujet dont je vous ai parlé, la question du contrôle des armes à feu a toujours été évoquée. Les agriculteurs ontariens comptent sur moi pour que je répète aujourd'hui ce que j'ai déjà dit devant eux.

En fait, lorsque M. Wilkinson et moi-même nous trouvions en Saskatchewan il y a une quinzaine de jours, on nous a posé de nombreuses questions au sujet du contrôle des armes à feu. Les agriculteurs de cette province tenaient à savoir ce que la Fédération canadienne de l'agriculture allait dire par notre entremise, et nous leur avons bien précisé ce que seraient nos déclarations.

Quant à savoir si ce sondage effectué auprès des membres de la fédération est vraiment scientifique, je peux vous dire qu'il ne l'est pas et que les résultats représentent plutôt une réaction viscérale de nos membres. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'aux prochaines élections, je pourrai déclarer devant mes électeurs avoir fait tout mon possible pour exprimer ce que je considère comme les vues des fermiers de l'Ontario.

M. Speller: Comme toujours, dans ce genre de choses, il faut tenir compte du fait que ces données ne reposent pas sur une base scientifique. Vous pouvez faire un sondage. Il ne reflète pas toujours nécessairement les vues de vos mandants, mais votre tâche consiste à exprimer leurs vues, si diverses soient-elles. Même si les adversaires de ce projet de loi constituent une minorité... Dans les zones rurales, vous avez raison, ils représentent une minorité importante. Je suis heureux que vous soyez venus aujourd'hui nous présenter ce point de vue.

Pour conclure, je voudrais bien comprendre quels sont les points qui leur posent un problème. Lorsque vous êtes venu aujourd'hui, vous avez déclaré qu'en général, ils n'aiment pas le processus d'enregistrement parce qu'ils le considèrent comme une lourde charge administrative. C'est tout à fait défendable. Sur quels autres points précis considèrent-t-ils que le projet de loi portera préjudice aux agriculteurs? Quels en seront les effets sur leur mode de vie ou de travail?

.1105

M. Wilkinson: Lorsque nous avons fait notre exposé, nous avons essayé de résumer la situation. Au passage en caractères gras de la page 2, nous avons indiqué comment nous pensons que l'on devrait traiter les familles agricoles qui possèdent des armes à feu, des carabines à canon long et des fusils de chasse qu'elles utilisent aux fins indiquées. C'est manifestement là une de leurs objections au projet de loi. Elles trouvent également trop sévères les sanctions prévues pour les personnes - laissons de côté l'élément criminel - qui ne réenregistreraient pas leurs armes, si c'est là le terme approprié, à la fin de la période de cinq ans; ils s'opposent également à la proposition concernant l'acquisition de munitions.

Nous avons proposé une option - et nous avons ici une fiche technique que nous pourrons distribuer - grâce à laquelle on pourrait assurer le suivi, pendant deux ans, des munitions acquises par ces personnes. Cela nous paraît une meilleure façon de régler la question des munitions. C'est donc ce que nous avons proposé.

Pour être justes, lorsque l'on parle de sondages et de la position des gens, vous savez aussi bien que moi que cela ne permet pas nécessairement de définir tous les détails, y compris ceux que contient le projet de loi. Vous pouvez donc entrer dans une salle, quelle qu'elle soit, vous planter au coin de la rue, entrer dans un bar et demander s'il y a là des personnes opposées au contrôle des armes à feu et je peux pratiquement vous garantir que la majorité des occupants du bar le sont, car à la radio, ils n'entendent parler que d'armes automatiques - le lien avec tout ce qui se passe et la solution que représente l'enregistrement.

Cependant, je me suis entretenu avec de nombreuses personnes qui, au départ, sont favorables à une loi sur le contrôle des armes à feu. Lorsque je parle des répercussions que cela pourrait avoir dans le secteur agricole et que je demande pourquoi l'enregistrement devrait être généralisé, dans bien des cas, les interlocuteurs finissent par se rallier à notre point de vue. Ils ne parviennent absolument pas à comprendre pourquoi on attend cela d'eux. Une carabine mise sous clé qui me permettrait de défendre mes moutons contre un loup devrait-elle être enregistrée? Pour eux, il y a là un problème de logique.

Je pense donc que beaucoup de questions soulevées par ces sondages sont les mêmes que celles qui se posent à nous lorsqu'il s'agit de déterminer ce que tout cela veut vraiment dire, de savoir si les gens comprennent vraiment toute la situation et si pour eux, 90 p. 100 est acceptable et 10 p. 100 ne l'est pas. À mon avis, la meilleure façon de régler les 10 p. 100 de problèmes est celle que nous proposons dans notre mémoire.

[Français]

Mme Venne: Quant aux perquisitions et aux saisies, certains témoins disent que ce sont vraiment des mesures plus qu'excessives et que cela ne devrait pas exister pour les propriétaires légitimes d'armes à feu.

Je voudrais qu'ils élaborent un peu plus. Si on regarde les articles 117.04(2) et suivants ayant trait à la perquisition et la saisie, on voit bien que s'il y avait perquisition et saisie sans mandat, ce serait vraiment dans les cas d'urgence, comme c'est écrit dans l'article:

Il faut que ce soit motivé.

Dans un autre cas, sans mandat également, il faut que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables de croire à la perpétration d'une effraction avec l'usage d'une arme ou d'une fausse arme. Il pourra, à ce moment-là, perquisitionner dans un véhicule, dans tout lieu, sauf dans une maison d'habitation. Il faut quand même le souligner. On a souvent dit qu'il avait également le droit d'aller perquisitionner chez les gens à toute heure du jour et de la nuit.

Dans ces articles, certains motifs me paraissent raisonnables, s'il n'y a pas de mandat. En général, la règle est d'abord d'obtenir un mandat pour aller perquisitionner, sauf dans une maison d'habitation.

J'aimerais savoir si vous trouvez toujours ces articles-là extravagants.

.1110

[Traduction]

M. Wilkinson: À mon avis, vous n'avez pas toujours besoin d'un mandat de perquisition. Je crois que vous venez de dire qu'il faut toujours un mandat pour pouvoir faire une perquisition dans une maison d'habitation.

[Français]

Mme Venne: L'article stipule qu'on doit d'abord aller chercher un mandat. Si on ne peut obtenir le mandat, à ce moment-là, on pourrait certainement aller perquisitionner. Si l'agent de la paix a tout lieu de croire à la perpétration d'une infraction avec une arme, avec une fausse arme, etc., - cela est bien écrit dans l'article - il va pouvoir perquisitionner, sauf pour une maison d'habitation, selon l'article 117.02.

[Traduction]

M. Wilkinson: Nous réserverons notre avis à ce sujet pour le moment. Avant de vous répondre, il faut que nous étudiions ce point dans le détail.

Lorsque nous avons préparé notre mémoire, nous avions le sentiment qu'un agent de la paix avait beaucoup de latitude - en particulier si ce projet de loi est adopté - pour décider de ce qui constitue un acte criminel. Or, je crois comprendre que le fait d'avoir une arme non enregistrée constituerait un tel acte. Si le projet de loi est voté, à mon avis, il serait facile de dire qu'un acte criminel est en train d'être commis si l'agent de la paix, pour quelque raison que ce soit, croit que l'arme n'a pas été enregistrée.

Je crois qu'il va falloir que nous examinions ce point plus en détail de manière à pouvoir vous donner un avis plus mûrement pensé au sujet de cet article. C'est un projet de loi relativement long et nous ne prétendons pas être des avocats. Nous réserverons donc notre jugement pour le moment et nous vous fournirons plus tard des commentaires plus détaillés. Je vous remercie.

M. Ramsay: J'en appelle au Règlement, monsieur le président. Notre conseillère juridique est présente et je souhaiterais qu'elle donne son avis au comité sur la question soulevée par Mme Venne.

Le président: Si le comité est d'accord, nous pourrions faire cela, mais je vais d'abord laisser Mme Venne finir ses questions. Nous avons en fait ici deux ou trois avocats capables de conseiller le comité. C'est ce que nous allons faire dès que Mme Venne aura épuisé les cinq minutes auxquelles elle a droit.

[Français]

Mme Venne: Non, de toute façon, ma question principale portait vraiment sur les perquisitions et saisies.

Cependant, si nos témoins nous disent que, malheureusement, ils n'ont pas eu le temps de compléter leur recherche parce qu'ils sont venus ici trop rapidement, j'aurais apprécié qu'ils ne fassent pas de commentaires là-dessus puisque ce n'est pas aussi simple que le libellé du mémoire que j'ai devant moi nous porte à croire.

Maintenant, on pourrait certainement passer aux commentaires.

[Traduction]

Le président: Nous pourrions donc maintenant obtenir l'avis des conseillers du comité sur ces questions ou nous pourrions également les consulter comme à l'habitude au moment de l'examen article par article. Je m'en remets au comité. Nous sommes libres de consulter nos conseillers juridiques pour pratiquement toutes les questions soulevées. Nous aurons bientôt l'occasion de le faire. Mais nos témoins aujourd'hui sont les représentants de la Fédération canadienne de l'agriculture, et je crois que nous devrions peut-être les entendre d'abord. Quoi qu'il en soit, je m'en remets totalement à vous.

Madame Phinney, sur le même point.

Mme Phinney: Monsieur le président, s'il est manifeste que les témoins ne comprennent pas certains aspects du projet de loi ou s'ils l'interprètent de manière incorrecte, il me semble qu'il serait bon, après leur témoignage, d'apporter certains éclaircissements, notamment en ce qui concerne l'enregistrement des armes qu'ils croyaient devoir faire tous les cinq ans, alors qu'il n'est prévu qu'une seule fois. Je crois qu'il serait bon de procéder ainsi afin qu'ils comprennent bien, eux et le public qui écoute, ce qu'est la réalité des choses - sans entrer dans de plus longues explications mais pour corriger leurs erreurs d'interprétation.

Le président: Voulez-vous donc entendre nos conseillers juridiques?

M. Ramsay: Oui.

M. Thompson: En ce qui concerne le même rappel au Règlement, ce n'est pas la première fois que nous avons entendu dire qu'un mandat de perquisition n'était pas nécessaire, et que vous pouviez perquisitionner où bon vous semble. Vous ententez souvent affirmer cela. Je crois qu'un éclaircissement s'impose car c'est une déclaration que nous risquons probablement d'entendre à nouveau.

Le président: Avez-vous entendu la question?

Mme Diane McMurray (conseillère juridique du comité): Oui. Il est parfois difficile de savoir qui devrait répondre à une question; je crois que dans le cas qui nous concerne, il conviendrait que ce soit M. Bartlett. Je serais naturellement heureuse de lui céder la place s'il le désire.

Le président: M. Bartlett est aussi un de nos avocats-conseil. Il appartient au service de recherches de la Bibliothèque du Parlement. Notre conseillère législative est également avocate-conseil. Monsieur Bartlett.

.1115

M. William Bartlett (attaché de recherche du Comité): La disposition à laquelle les témoins semblent faire allusion est l'article 117.04 du projet de loi. Ce n'est pas une disposition nouvelle. Elle existe déjà dans la loi en vigueur. Le projet de loi la reprend pratiquement sans aucun changement. Cette disposition prévoit qu'un juge peut délivrer un mandat de perquisition lorsqu'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'il n'est pas souhaitable pour la sécurité du détenteur des armes, ou pour celle d'autrui, de lui laisser ces objets. Il s'agit d'un pouvoir de prévention qui n'a pas encore été mis à l'épreuve devant les tribunaux.

Dans l'affaire Procureur général du Canada c. Pattison, la Cour d'appel de l'Alberta a jugé que c'était là un pouvoir approprié. Le paragraphe 117.04.(2) du projet de loi autorise la perquisition et saisie sans mandat lorsque les conditions pour l'obtention du mandat sont réunies mais que l'urgence de la situation, suscitée par les risques pour la sécurité de cette personne ou pour celle d'autrui, la rend difficilement réalisable. Dans de telles circonstances, l'agent de la paix est autorisé à effectuer des perquisitions et à saisir armes à feu et munitions.

Par conséquent, le projet de loi prévoit d'autoriser un juge de paix à émettre un mandat lorsqu'il est convaincu qu'il existe des risques pour la sécurité, ou d'autoriser un agent de paix à effectuer une perquisition lorsque les mêmes conditions sont réunies, la décision de l'agent de paix étant par la suite examinée par le juge. Toute l'affaire doit donc par la suite être examinée par un juge, tout en reconnaissant qu'en raison des circonstances récentes et du danger immédiat, l'agent de peine n'a pas eu le temps d'obtenir un mandat.

Le président: Très bien. Nous allons poursuivre avec les questions.

Mme Torsney: Je m'adresse aux témoins, mais plus particulièrement à M. George. Vous avez déclaré que les agriculteurs considèrent les armes à feu comme un outil nécessaire à l'exercice de leur métier. Je suppose, d'après votre exemple, que les voitures et autres véhicules sont également des outils de l'exploitation qui peuvent servir aux différents membres de la famille pour aller chercher en ville le matériel dont vous avez besoin à la ferme.

M. George: C'est exact.

Mme Torsney: Dans la plupart des familles d'agriculteurs, pensez-vous qu'il n'existe qu'un permis de conduire au nom du chef de famille et que tous les autres membres de la famille se le partagent?

M. George: Je pense que vous connaissez aussi bien que moi la réponse à cette question. Vous savez très bien qu'il n'y a pas qu'un seul permis de conduire.

Mme Torsney: Vous voyez donc bien que tout le monde peut respecter la loi. Personne n'oublie par exemple de respecter les dispositions de la loi qui nous obligent à suivre des cours et à obtenir un permis de conduire. Pourquoi ferait-on des exceptions dans le cas des armes à feu?

M. Wilkinson: Ce n'est pas ce que nous voulions dire. Notre remarque s'appliquait aux munitions et non pas aux armes à feu.

Monsieur le président, je suis choqué par l'allusion critique de la question. Nous vous avons prévenu d'entrée de jeu que notre groupe intervient généralement sur les questions relatives au milieu agricole mais que, de temps à autre, nous sommes saisis de questions plus générales. Nous avons tenté d'analyser la question de manière raisonnable et j'ai l'impression que l'on essaie de nous piéger sans vraiment tenir compte du point de vue que nous voulons exposer.

Je ne peux pas croire que nous en soyons arrivés au point que les témoins doivent débourser 100 000$ afin de consulter un avocat avant de se présenter devant un comité de la justice afin de commenter de manière très générale un projet de loi, comme nous l'avons fait.

Mme Torsney: Excusez-moi, monsieur Wilkinson, vous représentez...

Le président: Rappel au Règlement. Permettez-moi de faire une parenthèse, madame Torsney.

Monsieur Wilkinson, vous avez tout à fait raison de dire que les témoins qui ont été invités à se présenter devant notre comité ou tout autre comité du Parlement devraient être traités avec respect et que nous devons écouter et accepter leur point de vue. Vous avez promis de nous faire parvenir la résolution sur laquelle se fonde votre mémoire, par conséquent, je pense que nous devons respecter votre point de vue.

En revanche, les membres du comité ont le droit de poser des questions afin de mieux définir le point de vue que vous avancez. Ils ont le droit de faire cela. Bien entendu, ils doivent respecter les normes de politesse et de respect, mais qu'ils appartiennent à l'Opposition ou au parti au pouvoir, ils ont le droit d'intervenir avec fermeté. Il est possible que nous entendions demain un point de vue tout à fait opposé au vôtre et, dans ce cas, nous appliquerons les mêmes règles que pour vous.

.1120

Je prie les membres du comité de faire preuve de respect envers les témoins. En revanche, ils ont le droit de poser des questions. La question de Mme Torsney a été posée à d'autres témoins afin d'essayer de comprendre le point de vue de ceux qui s'opposent au permis ou à l'enregistrement d'armes à feu alors qu'un règlement analogue s'applique pour les automobiles...

M. Wilkinson: Sauf votre respect, monsieur le président, nous avons déjà répondu à cette question. Nous avons répondu à cette question en soulignant les contraintes que cela impose aux gens. Nous pensons que la loi existante et que la loi en vigueur en Ontario constituent un bon moyen de contrôler la vente des munitions. Nous avons proposé comme exemple cette loi existante. Vous faites la comparaison entre les permis accordés pour conduire une automobile ou piloter un avion. À quand un permis pour l'utilisation d'herbicides? Pourquoi les gens des villes peuvent-ils acheter du Round-un sans permis alors que moi je dois en avoir un pour utiliser de l'herbicide dans mon exploitation?

Le président: Les membres du comité peuvent poser toutes sortes de questions concernant le projet de loi. Je leur demande simplement de poser leurs questions de manière respectueuse et je m'attends à ce que les témoins en fassent autant.

Madame Torsney.

Mme Torsney: Je reviens à vous, monsieur George. Je vous posais la question afin de m'informer sur les conditions de travail à la campagne. D'après vous, quel pourcentage des membres de votre association possèdent actuellement une AAAF?

M. George: Je n'en ai pas la moindre idée. Nous n'avons aucune statistique à ce sujet.

Mme Torsney: Mais il est certain que la loi aura une incidence importante sur les membres de votre fédération. Ce ne sera pas si terrible s'ils détiennent déjà des AAAF, mais sinon... Vous dites clairement dans votre mémoire que les personnes qui n'ont pas d'autorisation devront suivre des cours de sécurité et obtenir une AAAF. En fait, vous demandez si tout cela est vraiment nécessaire. Les statistiques concernant les accidents et les décès dans les localités rurales nous prouvent que de telles mesures sont bien nécessaires.

Vous devez bien avoir une certaine idée du nombre de membres de votre fédération qui détiennent des AAAF.

M. George: En faisant une extrapolation quant à l'âge moyen des agriculteurs, qui est probablement supérieur à 50 ans, je crois qu'on peut dire que la majorité de ces agriculteurs ont fait l'acquisition de leurs armes à feu avant l'application de la réglementation.

Mme Torsney: Bon. Je suis satisfaite de voir que nous avons la possibilité de réduire le nombre de décès dans les localités rurales en imposant des cours de sécurité aux détenteurs d'armes à feu.

Vous affirmez qu'il s'agit d'une loi draconienne. Vous avez brossé un tableau intéressant de l'agriculture au Canada. Selon les membres de l'Opposition, vous êtes exposés à toutes sortes de menaces et il y a des gens qui viennent voler de l'essence, des gens qui tirent des coups de feu en l'air à toute heure du jour et de la nuit. J'ai vraiment été étonnée d'entendre certaines...

M. George: Ce n'est sûrement pas un représentant des agriculteurs qui vous a dit cela. J'ai du mal à le croire.

Mme Torsney: Vous avez raison, je vous ai dit que c'était un membre de l'Opposition.

Pouvez-vous nous dire combien de fois par semaine, par mois ou par jour un agriculteur a besoin de prendre son fusil pour se débarrasser des prédateurs?

M. George: Je n'ai aucune arme à feu dans mon exploitation. Mais pour ceux qui en ont, tout dépend des circonstances. À certaines époques de l'année - c'est arrivé chez nous, les prédateurs sont nombreux. Il y a huit ou neuf ans, il arrivait que des loups viennent attaquer nos moutons une dizaine de fois par jour. C'est à ce moment-là que nous avons décidé de faire une grande battue et de nous en débarrasser, en utilisant des armes à répétition enregistrées.

Je ne peux pas vous donner de chiffre précis. Cela peut arriver des dizaines et des dizaines de fois par an, simplement une seule fois, ou pas du tout.

M. Wilkinson: J'ai abandonné l'élevage du mouton, étant donné que dans la région où je me trouve, les loups nous dévoraient chaque année une cinquantaine d'animaux. Tout dépend de l'endroit où se trouve l'exploitation, du relief, de la proximité des territoires des loups, etc.

Mme Torsney: On peut donc dire que chaque semaine environ, un loup visite votre exploitation...

M. Wilkinson: Cela se passe plutôt à certaines périodes, en particulier lorsque les loups apprennent à leurs petits à chasser et lorsqu'ils ont besoin de les nourrir. C'est à ce moment-là que nous perdons le plus de bêtes. À certains moments, je passais toutes les nuits debout pour protéger mon bétail. Nous installons des clôtures électriques et d'autres dispositifs pour protéger nos bêtes. Tout cela se passe à une centaine de mètres de la maison.

Mme Torsney: Très bien. Connaissez-vous les lois qui s'appliquent dans les autres pays?

.1125

Je suis allée récemment dans une exploitation agricole en Angleterre. Là-bas, la réglementation concernant l'entreposage et l'utilisation des armes à feu est très sévère. Il y a des règles très strictes concernant l'enregistrement et les permis d'armes à feu. Pour obtenir un permis, les agriculteurs doivent décrire les prédateurs qui s'attaquent à leur exploitation. Êtes-vous au courant de tout cela? Cette réglementation ne semble pas déranger outre mesure les agriculteurs anglais.

M. George: J'ai quitté l'Angleterre en 1972 pour immigrer au Canada. Quelque temps avant de partir, je crois que c'était en 1971, j'ai rendu mon fusil à la police britannique, justement à cause de l'entrée en vigueur d'une réglementation analogue. Je n'ai pas eu d'armes à feu depuis. La réglementation était très sévère et je n'étais pas prêt à me plier à toutes les conditions pour garder un fusil de calibre 12 que je n'avais utilisé probablement qu'une ou deux fois par an. C'est pourquoi j'ai décidé de rendre mon fusil et d'essayer de me débrouiller sans. De fait, j'ai émigré par la suite.

Mme Torsney: Je crois que je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.

Le président: Monsieur Penson, vous avez cinq minutes.

M. Penson (Peace River): Messieurs - et madame, je vous prie de m'excuser - je vous souhaite la bienvenue.

Je représente une circonscription du nord-ouest de l'Alberta, celle de Peace River qui est à moitié rurale et à moitié composée de petites villes. De manière générale, mes électeurs considèrent le projet de loi comme une formalité supplémentaire coûteuse et exigeante à cause du système d'enregistrement. Ils estiment que cela contribuera à compliquer leur tâche mais ils sont probablement prêts à l'accepter, puisque nous avons déjà toutes sortes de règlements, si cela contribue à faire diminuer la criminalité au Canada. Ils ne pensent pas que ces deux choses soient directement liées et je crois vous avoir entendu dire que c'est également l'opinion des membres de votre fédération.

Je crois que votre organisme est quotidiennement en contact avec le gouvernement, en raison des programmes destinés aux producteurs agricoles...

M. Wilkinson: Il en reste encore quelques-uns.

M. Penson: Oui, il en reste encore quelques-uns. Mais autrefois, vous aviez des liens très étroits avec le gouvernement et lorsque vous dites que ces programmes ont tendance à devenir de plus en plus lourds, je crois que vous y voyez un lien direct.

M. Wilkinson: En effet, mais j'aimerais préciser également que j'ai essayé d'en parler dans mes commentaires... À tort ou à raison, les gens ont l'impression qu'il leur faut consacrer de plus en plus d'énergie pour se conformer à la réglementation. On peut facilement citer plusieurs exemples.

M. Penson: Dans ma circonscription, on me parle du problème des munitions. Je ne sais pas si vous avez constaté la même chose dans votre organisme que moi dans ma circonscription, mais je pense que ce problème n'est pas encore pour demain, puisque les gens ont fait des réserves de munitions pour une dizaine d'années. Ils n'auront donc pas à en acheter pendant quelque temps. Il est impossible de trouver des munitions dans ma circonscription. Les stocks sont carrément épuisés parce que les gens font des réserves. Voilà ce que j'ai pu constater. Avez-vous noté la même chose?

M. Wilkinson: Je n'ai pas de commentaires à faire à ce sujet. C'est purement anecdotique et trop difficile à évaluer.

M. Penson: J'aimerais aborder un autre point que vous traitez dans votre mémoire. Je ne sais pas exactement si ce point fait suite à une résolution adoptée au cours de votre congrès. Vous demandez que les agriculteurs soient autorisés au moins une fois à enregistrer leurs armes à feu gratuitement. Est-ce qu'il s'agit là d'une résolution adoptée à votre congrès?

M. Wilkinson: Cette résolution n'a pas été adoptée au cours du congrès mais au cours du processus de préparation du mémoire que nous avions fait circuler. La participation de la l'FCA à cette question est le résultat de la formule de résolution. Voici comment cela se passe normalement, bien qu'il y ait des différences selon les questions. Nous rédigeons notre point de vue sur la question qui a été discutée, nous faisons circuler ce document afin d'obtenir les commentaires des membres, jusqu'à ce que nous ayons arrêté les derniers détails. Par conséquent, nous avons parfois des résolutions extrêmement précises et d'autres de nature générale. Celle-ci est plutôt générale.

M. Penson: Cela me surprend, car ce n'est pas ce que j'ai entendu. D'après les échos que j'ai eus, les gens sont contre les deux aspects de la réglementation qui leur paraît trop lourde...

M. Wilkinson: Je crois pourtant que nous avons précisé clairement que certaines provinces se sont prononcées tout à fait contre la mesure législative.

.1130

Nous avions d'ailleurs émis quelques réserves. Si le gouvernement adopte ce projet de loi, je crois que nous souhaiterions bénéficier au moins d'une telle disposition. Il ne faut pas s'y méprendre, nous ne sommes pas en faveur de la loi. Nous nous contentons de dire que si le gouvernement majoritaire décide d'adopter le projet de loi, nous souhaitons obtenir des conditions spéciales et nous nommons également les provinces qui s'opposent, de manière générale, au projet de loi.

M. Penson: Il y a un autre point que j'aimerais aborder. Certains membres de ma famille qui pratiquent l'élevage dans l'Ouest du Canada perdent chaque année plusieurs bêtes qui sont dévorées par des loups et des ours. Il y a de grandes régions du pays, ailleurs que dans le Sud-Ouest de l'Ontario, où ce genre de problème n'est pas une véritable préocupation.

M. Speller: Ce n'est pas vrai.

M. Penson: De toute manière, je sais que cela peut arriver et que les fusils sont nécessaires pour protéger le bétail, comme vous venez de nous l'expliquer. Je sais en tout cas que les prédateurs posent problème dans la région de Peace River. Puisqu'on parle des instruments qui sont nécessaires aux agriculteurs, je pense que les fusils leur seront toujours utiles, soit pour abattre des animaux, soit, comme vous l'avez indiqué, pour combattre les prédateurs, que les armes soient enregistrées ou non.

M. Wilkinson: En effet, et nous avons précisé les conditions que nous souhaitons obtenir pour les agriculteurs si le projet de loi est adopté. Cependant, nous aimerions savoir quel est le lien entre cet aspect particulier et l'intention du projet de loi qui s'applique clairement et uniquement à une arme désignée pour un usage précis. Il ne s'applique pas de manière générale à tous les citoyens des régions rurales du Canada. Nous n'avons jamais...

M. Penson: Vous ne cherchez pas à énoncer un point de vue qui n'est pas celui de votre groupe.

M. Wilkinson: Non.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je vous remercie d'être venus ce matin.

Je peux comprendre la confusion qu'entraîne un texte de loi. La formulation peut parfois s'avérer très complexe, surtout si les avocats s'en mêlent.

Il est question, dans votre mémoire, de la prévention du crime. Vous affirmez que la grande majorité des armes à feu utilisées par les criminels sont des armes illégales vendues en contrebande au Canada et que rien ne prouve que l'enregistrement des armes à feu légales contribuerait à diminuer la criminalité.

Et pourtant, j'ai en mains des chiffres provenant du Centre canadien de la statistique juridique qui révèlent que le pourcentage d'homicides à l'aide d'une arme à feu est de 1,28 pour 100 000 dans les régions rurales du Canada, alors que dans les grandes villes de plus de 500 000 habitants, il n'est que de 0,87. Comment expliquez-vous cet écart sur le plan des homicides?

Le président: Il s'agit des homicides commis à l'aide d'une arme à feu.

M. Gallaway: Ah oui, j'ai oublié de le préciser.

M. Wilkinson: Puisque le membre du comité siégeant au bout de la table connaît toutes sortes de statistiques, j'aimerais pour commencer lui demander quel est le nombre total de morts violentes et, deuxièmement, le nombre d'armes à feu et leur répartition entre les zones urbaines par rapport aux zones rurales. Je ne peux pas imaginer que le projet de loi soit proposé sans que ces deux types de statistiques soient disponibles à toute personne qui désire les consulter.

M. Gallaway: Je comprends qu'il puisse être difficile de répondre à quelqu'un qui brandit des statistiques dont vous n'avez jamais entendu parler.

Supposons pour le moment que le taux d'homicides commis à l'aide d'armes à feu - je suppose qu'il s'agit d'armes d'épaule - est plus élevé dans les régions rurales que dans les régions urbaines du Canada. Je vais prendre un exemple concernant les ordonnances d'interdiction.

M. George nous a dit qu'aucune réglementation au monde ne peut empêcher les crimes passionnels. Ne pensez-vous pas qu'une ordonnance d'interdiction serait un bon moyen d'éviter les crimes passionnels, à la ville comme à la campagne, dans la mesure où elle permettrait de confisquer toutes les armes enregistrées?

M. Wilkinson: Est-ce que la loi vise à interdire toutes les armes au Canada?

M. Gallaway: Pas du tout. Je parlais seulement des ordonnances d'interdiction.

M. Wilkinson: Est-ce que vous dites qu'il soit actuellement impossible d'en émettre?

M. Gallaway: Non, je prends tout simplement l'exemple d'une personne qui, à la suite de difficultés conjugales, voyant l'échec de son mariage, ferait preuve d'un comportement violent qui inciterait un juge à émettre une ordonnance d'interdiction afin de confisquer tous les fusils de cette personne.

.1135

M. Wilkinson: Il faudrait peut-être demander l'avis des conseillers juridiques, car j'ai eu l'impression que de telles dispositions sont déjà en vigueur et qu'elles sont tout simplement intégrées au projet de loi.

M. Gallaway: Mais, le problème avec les ordonnances d'interdiction actuelles, c'est qu'il n'y a aucun moyen de savoir s'il y a un ou quinze fusils chez la personne visée. Je pense à un citoyen respectueux de la loi qui a acheté légalement ces armes à feu mais qui, en raison de la détérioration de sa vie de couple, traverse une période difficile. L'amour tout à coup fait place à la haine. Ne pensez-vous pas que la prévention des crimes passionnels serait plus efficace si l'on parvenait à confisquer tous les fusils, plutôt que quelques-uns d'entre eux?

M. Wilkinson: Franchement, si l'agent de la paix obtient un mandat et qu'il fait une perquisition à l'improviste, je pense qu'il trouvera la plupart des armes. Je ne vois pas vraiment quel est le lien entre l'enregistrement, comme vous le proposez, des armes à feu qu'utilisent les agriculteurs pour abattre le bétail et protéger leurs récoltes et le genre de problèmes que vous évoquez.

M. Gallaway: À votre avis, est-ce qu'il arrive aux agriculteurs d'avoir des difficultés conjugales?

M. Wilkinson: Bien sûr.

M. Gallaway: Bon. Reconnaissez-vous aussi que les agriculteurs qui commettent des crimes passionnels se servent de fusils?

M. Wilkinson: Ils peuvent se servir de n'importe quoi, comme l'indiquent les statistiques que vous nous avez données.

M. Gallaway: Savez-vous que le taux d'homicides perpétrés à l'aide d'un fusil est beaucoup plus élevé que les autres?

M. Wilkinson: Je sais simplement que le taux d'homicides est plus élevé en ce qui a trait aux armes à feu, comme l'a précisé le président. Nous avons demandé quel était le nombre d'homicides commis à travers le pays à la ville et à la campagne, et vous nous avez promis - je l'espère tout au moins - de nous faire parvenir ces renseignements.

M. Gallaway: Ce sera fait.

Ma dernière question est destinée à M. George. Je pense que c'est M. Wilkinson qui l'a mentionné, mais je crois qu'en Ontario - je ne peux pas me prononcer pour les autres provinces - le gouvernement provincial a adopté depuis quelques années une loi concernant l'usage des pesticides. Pouvez-vous le confirmer?

M. George: C'est exact.

M. Gallaway: N'est-il pas vrai que, dans régions rurales, il faut suivre un cours de sécurité et s'enregistrer pour pouvoir utiliser des pesticides?

M. George: Permettez-moi de souligner que ce sont les agriculteurs qui sont à l'origine de cette mesure et non pas le gouvernement. C'est vrai en effet qu'un exploitant agricole doit détenir un permis d'utilisation de pesticides pour pouvoir acheter certains produits chimiques.

M. Gallaway: Je vous remercie.

Le président: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Je passe mon tour.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'aimerais consigner au procès-verbal certaines statistiques qui pourraient nous être utiles. Selon le ministère de la Justice, il y a 3 millions de propriétaires d'armes à feu au Canada. D'autres organisations dont j'ai lu les mémoires évaluent plutôt ce chiffre à 6 millions. Si l'on considère qu'il y a 3 millions de propriétaires d'armes à feu au Canada et 1 400 décès résultant de blessures par balle, accidentellement et par volonté criminelle, le pourcentage annuel - ou tout au moins pour l'année en question - d'utilisation d'armes à feu de manière inappropriée se chiffre à 0,046 p. 100. Autrement dit, plus de 99,9 p. 100 de tous les propriétaires d'armes à feu ne sont pas concernés par ces statistiques. Et si le nombre de propriétaires d'armes à feu est de 6 millions, cette statistique chute à 0,023 p. 100.

Par conséquent, quand on parle de la violence et des gens qui meurent par balle, on s'aperçoit que les propriétaires de fusils sont très respectueux de la loi et utilisent leurs armes à feu de manière appropriée. Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet?

.1140

M. Wilkinson: Je crois qu'il est très difficile de dire que tel ou tel chiffre est acceptable ou non. Ce sont des pourcentages très faibles. Je crois qu'en comparant le nombre d'homicides commis dans les régions rurales et dans les régions urbaines, comme nous l'avons dit à maintes et maintes reprises, on invoque un argument pour défendre une cause au lieu d'examiner le problème dans son ensemble - celui du nombre d'homicides - et les solutions qu'il faut y apporter.

Comme nous l'avons dit et répété, ce qui préoccupe nos membres, c'est que personne n'a pu prouver que ces fusils et carabines ont posé un problème. Par conséquent, pourquoi le projet de loi s'appliquerait-il à ces armes? Je n'essaie pas d'éluder la question. J'estime seulement qu'il est impossible de dire ce que l'on peut considérer comme un taux d'accidents mortels acceptable. Je ne sais comment répondre à cette question.

M. Ramsay: Bien. Je vous remercie.

J'ai été agent de la paix pendant 14 ans. Quand on fait une perquisition dans une maison pour essayer de trouver les articles indiqués dans le mandat, on ne laisse rien au hasard. Certaines personnes ont dit devant le comité et ailleurs, pas seulement aujourd'hui mais avant cela, que pour une raison ou une autre, si une ordonnance d'interdiction stipule qu'il faut confisquer toutes les armes qui se trouvent dans la maison de telle ou telle personne, la perquisition ne permettra pas de les trouver toutes parce qu'on ne sait pas combien il y en a si elles ne sont pas enregistrées. Ce raisonnement me dépasse.

Chaque fois que nous faisions une perquisition, nous fouillions la maison de fond en comble, que ce soit pour l'accise ou pour la drogue. Nous faisions une fouille méticuleuse. J'estime qu'il est injuste de dire que la police ne fera pas un travail méticuleux.

En ce qui concerne le coût, l'article 5 précise que lorsqu'une personne demande un permis - il ne s'agit pas de faire enregistrer une arme mais d'obtenir un permis de possession - , le contrôleur des armes à feu de la province doit vérifier si la personne en question n'a pas commis une des infractions au Code criminel qui sont énumérées au paragraphe a). Il doit également vérifier si elle n'a pas été atteinte de maladie mentale et vérifier les dossiers médicaux. Ensuite, il doit questionner les voisins pour vérifier si le demandeur n'a pas tendance à être violent. Cela représente pas mal de travail et c'est une démarche qui ressemble un peu au système prévu pour l'octroi des AAAF. C'est probablement un peu plus poussé qu'on le croit généralement.

D'après des renseignements qui viennent de la commission de police de Toronto, les frais administratifs pour le traitement des AAAF s'élevaient à 185,14$ en 1994, ce qui signifie que s'il y a 3 millions de Canadiens qui possèdent des armes, cela coûtera environ 555 millions de dollars rien que pour les permis, sans compter les frais d'enregistrement des armes.

Si l'on part du principe que 6 millions de Canadiens possèdent des armes, cela fait 1,11 milliard de dollars, rien que pour les permis, sans tenir compte des frais supplémentaires que risquent d'entraîner l'enregistrement des 6 à 20 millions d'armes à feu qui sont censées se trouver au Canada.

Ces frais administratifs qui devront être payés directement par les propriétaires ou en tout cas indirectement, par le biais de la fiscalité, ne vous préoccupent-ils pas?

M. Wilkinson: Si vos chiffres sont exacts, monsieur, cela semble très coûteux et représente un fardeau. C'est d'ailleurs la remarque que nous avons faite, surtout si l'on opte pour le recouvrement intégral des coûts.

Mme Phinney: Merci beaucoup d'être venus. Je suis originaire d'une région agricole et il y a toujours des agriculteurs dans ma famille, du côté de mon père. Aussi, je comprends la plupart des problèmes que vous nous soumettez.

Je tiens seulement à m'assurer que vous comprenez bien que les armes à feu ne seront enregistrées qu'une fois et que pour les dix premières, les droits d'enregistrement seront de moins de 10$ l'unité. Est-ce bien clair, maintenant?

.1145

M. Wilkinson: Oui. Auriez-vous aimé nous rappeler les conditions relatives à l'obtention d'un permis?

Mme Phinney: Je voulais juste m'assurer que cette partie est bien claire, qu'il est évident que l'on n'a à enregistrer une arme qu'une seule fois.

M. Wilkinson: Nous abordons la chose de façon très globale et j'apprécie que vous nous rappeliez que...

Mme Phinney: Mais il n'y a plus de doute dans votre esprit, à présent, l'enregistrement ne se fait qu'une seule fois. Ça va?

Dans le projet de loi, le ministre a prévu que la première infraction serait une infraction criminelle, mais il a donné à penser qu'il était disposé à changer cela. Les associations de police nous ont suggéré que la sanction pour une première infraction consiste à confisquer l'arme jusqu'à ce que celle-ci soit enregistrée. Il a aussi été question d'une amende et nous pourrions également revenir à ce qui avait été recommandé à l'origine, à savoir que le non-enregistrement d'une arme constituerait une infraction criminelle, dès la toute première fois.

Qu'avez-vous à nous recommander à ce sujet?

M. Wilkinson: Comme je le disais, ce n'est pas une mesure législative que nous défendons, c'est un produit du gouvernement. Nous avons indiqué que ce n'était qu'à la condition que le Gouvernement fasse un pas dans ce domaine que nous serions... La peine imposée pour défaut de demande de permis ou d'enregistrement d'une arme dans les délais impartis est plus dure que nécessaire.

Nous n'avons pas formulé de recommandations particulières. Ce que nous avons dit, c'est qu'une peine criminelle de deux ans semble disproportionnée pour une première infraction. Nous avons bien souligné qu'il y a une distinction à faire dans l'utilisation de l'arme, selon qu'il s'agit d'une activité criminelle ou d'une activité non criminelle et nous n'avons jamais sous-entendu qu'en cas d'activités criminelles, la peine devrait être moindre. Comme je le disais, nous n'avons parlé que de peines applicables à des activités non criminelles.

Mme Phinney: Donc, vous ne voulez pas nous dire si vous êtes d'accord avec la police qui recommande la confiscation de l'arme et sa restitution après l'enregistrement ou si vous pensez plutôt qu'il vaudrait mieux permettre à la personne de conserver son arme et de lui imposer une amende?

M. George: Je pense qu'une amende ne convient absolument pas. Nous devons faire face à la réalité et, si M. Ramsay a raison, on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'une bonne proportion des quelque trois millions de Canadiens possédant une arme à feu n'enregistreront pas leur arme pour une raison ou pour une autre. Ils oublieront, ils seront ignorants de la loi, ils ne l'auront pas comprise ou que sais-je encore. On constate régulièrement cela dans le milieu agricole.

On s'en rend compte quand on envoie des paiements de soutien aux producteurs, parce qu'on voit qu'il y en a qui ne comprennent pas, même si tout cela est correctement couché sur papier. Et puis, il y a un bon pourcentage des gens qui, dans les débuts, ne se conforment pas à une nouvelle loi ou à un nouveau règlement, parce qu'ils l'ignorent ou que sais-je encore. Alors, je pense qu'on va un peu trop loin quand on envisage d'inculper ou d'imposer des amendes à un pourcentage quelconque de ces trois millions de Canadiens. En fait, je pense qu'on va beaucoup trop loin.

J'estime que nous avons besoin d'un moratoire et même d'une certaine forme de pardon. Prenons, par exemple, le cas d'un agriculteur qui possède depuis 20 ou 30 ans un fusil qu'il n'utilise qu'en de rares occasions, une ou deux fois par an. Eh bien, il y a de fortes chances que cette personne n'enregistrera pas son arme. Si cette loi est adoptée, je tiens à ce qu'elle prévoie le pardon immédiat de cet agriculteur, suivi par une explication de la procédure. Je ne veux pas qu'on confisque l'arme et je ne veux pas non plus qu'on inculpe cet agriculteur. Il doit bien exister une autre méthode permettant d'inciter les propriétaires d'armes à se conformer à la loi, si c'est ce que l'on veut.

[Français]

Mme Venne: Cela fait deux fois que M. Wilkinson dit que les gens sont passibles de deux ans d'emprisonnement, s'ils n'ont pas de permis de possession d'arme, ou si l'arme n'est pas enregistrée. J'aimerais dire que ce n'est pas ce qui est dans la loi actuellement, mais plutôt un emprisonnement maximal de cinq ans, ou de six mois ou 2 000$ sur déclaration sommaire de culpabilité. Je voulais faire une mise au point. Ce n'est pas deux ans, c'est vraiment un maximum de cinq ans, ou six mois...

[Traduction]

Le président: Ce n'était pas vraiment un rappel au Règlement, mais l'argument a été invoqué pour pouvoir informer le comité.

Mme Venne a raison. Il s'agit d'une peine maximale. Des peines minimales sont prévues en cas d'utilisation d'une arme à feu dans la perpétration de certaines infractions avec violence, pour empêcher les négociations de plaidoyer et ainsi de suite. Mais nous pourrons peut-être ensuite poser la question à nos conseillers juridiques.

.1150

M. Wilkinson: Mais n'ai-je pas parlé au conditionnel? Je crois qu'elle a dit qu'une fois le règlement rédigé, il pourrait tout aussi facilement s'agir de deux ans.

Le président: Certes, mais d'après la loi, le procureur de la Couronne pourrait demander à ce qu'on n'inflige pas de peine d'emprisonnement, ce à quoi le juge pourrait acquiescer ou non.

Mme Phinney: Le ministre aurait déclaré, dites-vous, que les personnes enregistrant des armes leur permettant d'assurer leur subsistance n'auraient rien à payer. Autrement dit, elles n'auraient pas à verser les 10$ exigés pour faire enregistrer toutes leurs armes une foi pour toutes.

Le week-end dernier, j'ai rencontré plusieurs agriculteurs et ils m'ont notamment dit que ce serait le cas pour tous les gens du milieu. Mais je suppose que certains d'entre eux - par exemple les agriculteurs céréaliers - n'ont pas affaire à des prédateurs. Ils n'ont jamais eu besoin de disposer d'armes à feu pour tuer les prédateurs. Est-ce qu'eux aussi seraient exemptés? Envisagiez-vous une exclusion générale pour l'ensemble des agriculteurs, même si plus de la moitié d'entre eux, peut-être - je vous donne cette proportion a priori - peut jamais n'avoir besoin d'une arme à feu? Pourquoi les gens dans ce cas devraient-ils ne pas être tenus d'enregistrer leurs armes à feu? En effet, s'ils en possèdent, c'est qu'ils les utilisent à d'autres fins que pour assurer leur subsistance.

M. Wilkinson: Je crois que nous avons précisé, dans notre exposé, que si les gens possèdent des armes pour d'autres raisons que celles dont nous avons parlé, les autres limites prévues dans le projet de loi devraient s'appliquer, si celui-ci devait être adopté.

Mme Phinney: Pour l'instant, pour enregistrer son arme, il suffit de se rendre au bureau de poste et de remplir un formulaire qu'on envoie en y joignant un paiement de 10$. Cela suppose donc qu'un préposé à l'enregistrement doive décider, pour chaque agriculteur, si celui-ci doit ou non être exempté du droit à vie de 10$.

M. George: Je pense que vous faites erreur si vous supposez que les éleveurs sont les seuls à avoir besoin d'armes à feu. Les producteurs industriels, eux aussi, peuvent en avoir besoin. Les animaux sauvages occasionnent des dégâts à nos propriétés. Nous avons, par exemple, affaire à des volées entières d'oies, à des troupeaux errants de cervidés ou encore à des familles d'ours, qui peuvent tous occasionner des dévastations se chiffrant en milliers de dollars.

Mme Phinney: Mais vous conviendrez également que certains agriculteurs n'ont pas besoin d'armes à feu. Ce week-end, j'en ai rencontré qui n'ont jamais possédé d'armes à feu pour tuer des prédateurs.

M. Wilkinson: Nous ne prétendons pas que tous les agriculteurs doivent acheter un fusil.

Mme Phinney: Non, ce n'est pas non plus ce que je suggère.

M. Wilkinson: Vous venez de dire qu'il y a des gens qui ont décidé de ne pas posséder de fusils. Ce que je dis, c'est que rien, dans notre position, ne concerne ces gens-là. Ils ont décidé de ne pas avoir d'armes à feu, et c'est très bien.

Mme Phinney: Mais comment la décision sera-t-elle prise au stade de l'enregistrement? Ce qui est prévu pour l'instant, c'est que les gens prennent un formulaire, le remplissent et le signent, le postent et inscrivent ensuite eux-mêmes leur numéro d'enregistrement sur leurs armes. Alors, qui va décider quel agriculteur est exempté du droit de 10$ et lequel ne l'est pas?

M. Wilkinson: Eh bien, nous serons très heureux de collaborer aux travaux du Comité de la justice à l'étape de la rédaction du règlement si, en fait, le Gouvernement décide de faire adopter cette loi et que, comme le ministre l'a indiqué, il accorde un traitement différent aux personnes utilisant des armes à feu pour assurer leur subsistance. À l'évidence, il faudra déterminer à un certain moment qui peut bénéficier de ces dispositions. Une fois que la loi sera adoptée, je suppose alors que nous pourrons, à l'étape du règlement, envisager une façon simple de régler le cas des agriculteurs.

Le président: Il est 11h53 et nous avions d'abord prévu de poursuivre jusqu'à midi. Je veux poser plusieurs questions et deux membres du comité m'ont demandé de pouvoir poser une deuxième série de questions de cinq minutes. Il s'agit de M. Speller et de M. Thompson. Mesdames et messieurs, est-ce que cela vous gênerait de rester dix minutes encore, jusqu'à 12h10? Est-ce cela perturberait beaucoup votre programme?

M. Wilkinson: Pas de problème.

Le président: Alors, je vais commencer par vous poser mes questions.

Vous avez parlé des munitions. Je comprends ce que vous dites. Mais si l'on retrouve ici cette disposition, c'est que d'après la police, chaque année près de 3 000 armes à feu sont perdues ou volées. Mais même dans ce cas, et surtout si elles tombent dans les mains de certains individus, elles ne sont pas mortelles à moins que les gens ne disposent de munitions.

Je vous donnerai, à ce propos, l'exemple de ce jeune d'Ottawa qui s'est livré à une fusillade depuis une voiture. En fait, il avait volé l'arme. C'était un mineur qui avait volé l'arme d'un adulte. Je crois que c'était son père, ou du moins un de ses parents. S'il avait simplement volé cette arme et qu'il n'avait pu mettre la main sur des munitions, il n'aurait pas causé les dommages qu'il a causés.

.1155

Il s'agit donc là d'une disposition visant à prévenir le crime. Comme vous le savez, en attendant la mise en oeuvre définitive de la loi, ce sont les permis de conduire avec photo qui serviront de pièces d'identité. Vous avez déclaré être d'accord avec cela. Il m'a semblé que vous étiez d'accord avec le principe d'un certain type de contrôle à l'accès à des munitions pour éviter que des individus pouvant mettre la main sur des armes ne s'en servent à des fins criminelles. Vous avez dit être favorables au programme en vigueur en Ontario. Personnellement, je ne vois pas une grande différence.

À présent, il est question d'obliger les intéressés à produire une autorisation d'acquisition d'armes à feu. Si nous exigions effectivement ce document ou encore un permis de conduire avec photo pour que puissent être achetées les munitions... Le seul problème du permis de conduire avec photo, c'est que rien ne dit que le titulaire a fait l'objet d'une vérification et qu'il ne présente pas de danger pour la société. Ce pourrait fort bien être, comme quelqu'un l'a dit, un dangereux individu.

Vous ne voudrez peut-être pas répondre, mais vous vous êtes demandés à plusieurs reprises quelle était la logique de tout cela. Eh bien, la logique, c'est d'essayer d'éviter que se produisent des incidents traumatisants en faisant en sorte que ceux qui mettent la main sur une arme n'aient pas forcément de munitions, ce qui pourrait leur donner le temps de se calmer.

Dans le projet de loi précédent que nous avait soumis le Gouvernement conservateur et que nous avions appuyé, il était prévu d'imposer une période d'attente de 30 jours à l'obtention d'une AAAF. Cela, c'était pour éviter que des gens, sous l'emprise des émotions du moment, n'aillent commettre un crime le jour même; cinq jours plus tard, ils se seraient calmés et auraient pu régler leurs problèmes autrement.

Je me demande si vous voudrez me répondre, car vous nous avez expliqué pourquoi vous ne vouliez pas que le projet de loi impose des restrictions relativement aux munitions. Mais ici, je vous rappelle simplement les préoccupations que les policiers et d'autres nous ont exprimées relativement à l'accès aux munitions. Pour l'instant, il est plus facile d'acheter des munitions que d'acheter un paquet de cigarettes - pas en Ontario, mais dans certaines provinces.

M. Wilkinson: Eh bien, si l'on estime qu'il est nécessaire de contrôler la vente des munitions, nous recommandons l'application d'une mesure législative en vigueur en Ontario. Je crois que nous avons expliqué les motifs de notre position. Par exemple, si une vache tombe et se blesse - disons qu'elle se soit brisée la colonne - et que je n'aie pas à la maison de munitions de .303, parce que je ne m'en sers qu'une fois par an, je peux toujours appeler ma femme au téléphone pour lui demander de s'arrêter au magasin et d'en acheter parce que j'en aurai besoin pour abattre l'animal. C'est là un cas de figure tout à fait possible qui serait autorisé en vertu de la loi ontarienne, mais pas en vertu de cette loi.

Le président: Ce n'est pas mon rôle de président de me lancer dans un débat avec vous. Je voulais juste vous expliquer la situation.

Vous avez également soulevé à plusieurs reprises aujourd'hui la question de l'enregistrement des armes. Vous nous avez demandé à quoi cela pourrait servir. Je ne veux pas passer trop de temps sur ce sujet non plus, mais sachez que lorsque les représentants de la GRC sont venus témoigner, ils se sont prononcés très fermement en faveur de l'enregistrement. L'Association canadienne des policiers et l'Association des chefs de police sont également très favorables à cette disposition. Mais il peut bien sûr se trouver des membres de ces associations, comme de la vôtre, qui ne soient pas d'accord. Mais comme vous l'avez dit dans le cas de votre fédération, une fois qu'une décision est prise, c'est une décision de l'organisation.

Les policiers sont d'accord avec cette disposition parce qu'elle les aiderait à prévenir le crime, puisqu'ils sauraient, quand ils se rendent dans un domicile, si le résident possède une arme ou s'il en possède 20, et de quel genre d'armes il s'agit. De plus, au moment de la vérification, ils sauraient si la personne en question n'a pas enterré cinq ou six armes dans sa cour arrière, comme certains ont l'intention de le faire si cette loi est adoptée. Si les armes sont enregistrées, vous savez combien chacun en possède. Par ailleurs, la police estime que cette disposition l'aidera à résoudre les crimes.

Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce point de vue. D'ailleurs, si vous le voulez, je vous invite à lire les témoignages de ces gens. Ils ont présenté leur argument beaucoup mieux que je viens de le faire.

Par ailleurs, il y a déjà longtemps, depuis 1934, que l'on exige l'enregistrement des armes de poing au Canada. Grâce à ces mesures très strictes, le pourcentage d'homicides et de crimes commis avec des armes de poing est très faible par rapport à celui enregistré aux États-Unis. La plupart des crimes commis par arme à feu au Canada - contrairement à ce qui se passe aux États-Unis - , impliquent l'utilisation d'armes d'épaule, parce qu'on peut plus facilement se les procurer.

Je ne suis pas le mieux placé pour vous présenter le point de vue de la police, mais je vous invite à lire les témoignages de ces gens.

.1200

Je veux vous poser une question. Dans votre exposé, vous nous avez dit que la plupart des agriculteurs entreposeraient leurs armes conformément aux dispositions de la loi et feraient de même pour leurs munitions. L'autre soir, des représentants des Territoires du Nord-Ouest sont venus nous dire que très peu de résidents des Territoires se conformeraient à cette loi, qu'ils n'entreposeraient pas dans deux endroits séparés leurs armes et leurs munitions, comme le prévoit la loi, parce qu'ils estiment que ce n'est pas pratique.

Alors, voici ce que je voulais vous demander. Vous ne disposerez peut-être pas de ce renseignement et, si tel est le cas, ce n'est pas grave. Savez-vous si les agriculteurs canadiens ou les agriculteurs ontariens se conforment effectivement aux dispositions de la loi actuelle en matière d'entreposage des armes et des munitions? D'après ce que vous nous avez dit, c'est ce qu'ils font. C'est important de le savoir. Personnellement, je ne sais pas si tel est le cas.

M. George: Nous ne disposons pas de données statistiques, mais je puis vous affirmer qu'en tant qu'organisme responsable représentant les agriculteurs, nous avons veillé à faire connaître la loi à tous nos membres, par le truchement d'articles dans la presse agricole et par le biais de nos divers instruments de communication interne. Nous continuerons à le faire d'ailleurs. Et même si cette loi est adoptée, nous continuerons de veiller à ce que les agriculteurs fassent ce qu'il faut pour obéir à la loi. Nous ne voulons pas que nos membres se retrouvent en prison ou aient à payer des amendes parce qu'ils ignorent la loi.

M. Wilkinson: Comment pouvez-vous dire que les gens peuvent enterrer leurs armes mais que si celles-ci étaient enregistrées, on saurait tout de même qu'ils en possèdent? Je ne comprends pas, même en faisant un effort d'imagination. Si, avant que l'enregistrement ne soit oligatoire, une personne décide de ne pas faire enregistrer son arme et de l'enterrer pour que vous ne sachiez pas qu'elle en possédait une, en quoi l'enregistrement va-t-il régler le problème?

On a parlé d'un cas particulier où quelqu'un volerait une arme mais ne pourrait se procurer de munitions. Dans ce cas, on suppose que cet individu ne connaîtrait personne qui posséderait...

Ce raisonnement est fondé sur un grand nombre d'hypothèses. Vous parlez de pourcentages différents selon qu'il s'agit d'armes de poing ou d'armes d'épaule, etc. J'aimerais beaucoup voir une ventilation de ces pourcentages pour pouvoir les analyser, parce que, avec ce genre de déclaration générale, un point de pourcentage peut équivaloir à une différence de 0,001 et on peut toujours prétendre que c'est plus que ça, parce que... Non seulement ce pourcentage est plus élevé, mais vous-même, monsieur le président, avez directement conclu que cela tient au fait qu'on peut se procurer beaucoup plus facilement des armes d'épaule au Canada.

Le président: Mais il y a des statistiques à ce propos, que nous serions heureux de...

M. Wilkinson: J'aimerais beaucoup les voir.

Le président: Oui. S'agissant de la première partie de votre intervention, je n'ai fait que répéter ce que les représentants de la police nous ont déclaré.

L'autre jour, dans leur témoignage, les gens de la GRC nous ont dit que dans un cas, ils avaient dû revenir trois fois sur place. La première fois, ils avaient une ordonnance d'interdiction. Autrement dit, si les dispositions d'enregistrement des armes à feu étaient en vigueur, qu'il n'y ait pas de violence au foyer, le propriétaire de l'arme aurait fait enregistrer celle-ci. Mais voilà que deux ou trois ans plus tard apparaissent des problèmes de violence à la maison, que la femme est battue et que l'émotion est à son comble. Le juge émet une ordonnance d'interdiction. La police se rend sur place pour confisquer les armes et demande au chef du foyer de remettre toutes les armes qu'il possède. Celui-ci en remet trois, je ne me rappelle pas du nombre.

Les gens de la GRC nous ont dit cela il y a à peine quelques jours. À l'époque, l'enregistrement n'était pas obligatoire. Ils avaient entendu dire que la personne possédait plus d'armes qu'elle n'en avait rendu. Ah non, en fait, ils nous on dit que, quand le mari a déclaré qu'il possédait trois armes, sa femme qui se tenait derrière lui a fait signe que c'était faux. Quoi qu'il en soit, le policier est parti avec les armes puis est revenu quelques jours plus tard en disant à l'époux qu'il avait entendu entre les branches que celui-ci possédait plus d'armes qu'il n'en avait remises. La personne en a alors remis une autre. Le policier est revenu une troisième fois pour récupérer une autre arme encore.

Ce que prétend la GRC - et je vous recommande de prendre connnaissance de ce témoignage dans le procès-verbal - c'est que si l'enregistrement avait existé, les policiers auraient su d'avance combien d'armes cette personne possédait. Ainsi, s'il en avait remis deux ou trois seulement, ils auraient pu réclamer les autres en disant que d'après l'enregistrement, il y en avait six ou sept, ou même dix.

Encore une fois, monsieur Wilkinson, je ne fais que vous répéter les propos des représentants de la police, que vous répéter la position adoptée par ces derniers. Mais aujourd'hui, nous sommes là pour vous entendre.

M. Wilkinson: Mais beaucoup de policiers ont indiqué que, selon eux, la méthode proposée n'est pas la bonne pour régler le problème dans les régions rurales.

Le président: Cela nous ramène à la même question.

Vous nous avez dit que votre témoignage est fondé sur les résolutions adoptées lors de votre congrès. Il se peut que des agriculteurs ne soient pas d'accord avec vous. Eh bien, c'est la même chose avec les corps policiers. J'ai estimé que vous aviez soulevé un certain nombre de questions auxquelles je me suis efforcé de répondre, sous la forme de cet échange. Mais ce n'est pas mon rôle de poursuivre ce débat. Je vous recommande de lire le témoignage en question.

.1205

Soit dit en passant, jusqu'ici nous n'avons entendu que la GRC. Nous accueillerons très prochainement l'Association canadienne des policiers ainsi que l'Association des chefs de police qui interviendront sur les mêmes questions.

Monsieur Speller, pour cinq minutes, après quoi ce sera au tour de M. Thompson, avant que nous ne levions la séance.

M. Speller: J'aimerais enchaîner sur cette question. En fin de compte, et je vous pose la question - comme je la pose à mes électeurs - combien d'épouses, selon vous, savent combien d'armes possède leur conjoint? C'est tout le fond de la question, parce qu'il n'y a pas beaucoup d'épouses, dans les régions rurales, qui savent combien d'armes leur mari possède.

M. Wilkinson: Mon épouse, elle, le sait.

M. Speller: Et c'est là tout le problème que soulèvent les ordonnances d'interdiction.

Le président: Laissez M. Speller finir sa question, parce que nous voulons que tout ce qu'il dit soit consigné au procès-verbal.

M. Speller: Eh bien, je n'ai pas eu l'impression, d'après ce que mes électeurs m'ont dit, qu'un grand nombre d'épouses soient au courant et j'estime que c'est là le fond de la question. Pour pouvoir appliquer les ordonnances d'interdiction, il faut savoir - et c'est là je pense ce que soutient le ministre Rock - , combien d'armes se trouvent dans chaque maison, grâce au système d'enregistrement.

M. Wilkinson: Aviez-vous une question?

M. Speller: Non.

M. Wilkinson: Ah bon. Je pensais qu'on avait prolongé la séance pour vous permettre de nous poser des questions. Excusez-moi.

M. Speller: Bon, alors quelle proportion d'épouses, selon vous...

Le président: Je dois préciser une chose. Pour que tout le monde le comprenne bien, dans la période de cinq minutes qui leur est accordée, les députés peuvent faire des commentaires s'ils le désirent ou poser des questions mais nous préférons sonder les témoins qui comparaissent devant nous pour extraire d'eux le meilleur qu'ils ont à nous donner.

M. Speller: Avez-vous l'impression que dans les régions rurales, la plupart des épouses savent combien d'armes se trouvent à la maison?

M. Wilkinson: Je ne peux m'appuyer sur rien pour le prouver, mais je trouve étrange... Ma femme sait combien nous avons d'armes à la maison. Et je pense que celle de Roger, elle aussi, sait combien il a d'armes chez lui. Je ne sais pas s'il existe des données quelconques...

M. George: Elle serait très surprise de trouver une arme chez nous. Si c'était le cas, elle téléphonerait sans doute à la police.

M. Speller: Combien d'armes avez-vous, Jack?

M. Wilkinson: Deux.

M. Speller: Voilà ce que je crois comprendre de ce que vous nous dites. Les agriculteurs ne voient pas pourquoi on devrait dépenser autant d'argent dans un système d'enregistrement des armes alors qu'ils n'établissent aucun lien entre l'enregistrement et la santé et la sécurité des membres de leur communauté. Pour eux, c'est là un problème des villes. Mais monsieur Gallaway, le pourcentage d'homicides par arme à feu est en fait plus élevé dans les régions rurales.

Vous, vous redoutez l'instauration d'un système bureaucratique, et surtout les coûts qui seront associés à ce genre de système dans l'avenir. Nous avons tous eu des exemples de ce genre, dans l'histoire canadienne. Une fois qu'une bureaucratie gouvernementale est en place, il semble que les coûts ne cessent d'augmenter et que les problèmes qu'elle occasionne soient d'une ampleur dépassant les problèmes qu'on avait l'intention de régler à l'origine, par le biais de la loi.

Vous estimez que l'enregistrement ne doit pas être criminalisé parce qu'après tout, il n'y a pas de raison d'ouvrir un casier judiciaire sur une brave dame qui aurait oublié d'enregistrer une arme. D'après ce qu'a dit M. Rock, il aurait, lui aussi, tendance à abonder dans ce sens. Même si cela ne s'est pas concrétisé encore, je pense qu'il a indiqué son désir de régler ce genre de problèmes.

Vous vous inquiétez des pouvoirs dont le ministre disposera en matière d'établissement de règlements par voie de décret, car cela pourrait donner lieu à des problèmes imprévus, qui ne se profilent actuellement pas dans le texte de loi.

Telle semble être votre position, qui est en grande partie valable.

Vous nous avez dit que vous n'étiez pas en mesure de nous dire combien d'agriculteurs entreposent leurs armes de façon sûre, mais le problème est là. Quand un agriculteur a affaire à un prédateur, avant qu'il soit arrivé dans la pièce fermée à clé où il entrepose ses armes, qu'il aille ailleurs prendre des munitions et qu'il ressorte, la bête aura déjà tué une bonne partie de son bétail. J'estime que cette position est valable.

M. Wilkinson: Tout à fait.

M. Speller: Avez-vous eu l'occasion d'établir la chose?

M. Wilkinson: Mes armes et mes munitions sont verrouillées dans une armoire et je porte la clé sur un anneau auquel j'ai seul accès. Je ne m'en sers que pour ouvrir l'armoire métallique dans laquelle munitions et armes sont entreposées à part. Ça ne me prend pas très longtemps. Je sais exactement où se trouve l'armoire. D'habitude, si c'est en plein milieu de la nuit, on entend quand un prédateur rôde autour du bétail et, le jour, on le voit. C'est un cas ou l'autre.

Dans notre mémoire, nous ne réclamons pas le droit de nous promener avec une arme sur nous. Ce n'est pas ce que nous avons recommandé pour régler ce genre de problèmes.

.1210

M. Speller: Non, je comprends, mais le problème demeure. À cause de ces dispositions, vous estimez qu'un grand nombre de bêtes seront tuées, parce que les agriculteurs n'auront pas facilement accès à leurs armes.

M. Wilkinson: Mais vous avez émis l'hypothèse, dans votre avis également, qu'il est impossible d'entreproser armes et munitions à part.

[Français]

Mme Venne: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Vous avez devant vous un règlement qui exempte les agriculteurs, il faudrait le mentionner tout de même cette fois-ci.

[Traduction]

Le président: Tout à fait. Il est dit que l'alinéa 1b), concernant l'entreposage, ne concerne pas les personnes entreposant de façon temporaire une arme à feu qui ne soit pas à autorisation restreinte si cette personne doit, pour des motifs raisonnables, conserver son arme à feu en un lieu où celle-ci peut être déchargée conformément aux lois fédérales et provinciales pertinentes, etc., lorsqu'elle est utilisée pour lutter contre des prédateurs ou d'autres animaux. Autrement dit, s'il y a un problème de prédateurs, il n'est pas nécessaire d'entreposer l'arme, afin de pouvoir y accéder facilement. C'est ce qui existe déjà.

Le problème, c'est que cette loi est très complexe et qu'elle s'assortit de nombreuses règles. Il faudrait être avocat. Et je ne vous blâme pas, nous ne voulons pas seulement entendre des avocats, nous voulons entendre l'opinion de la base du milieu agricole. Mais il y a une exception pour cela.

M. Wilkinson: Je tiens à préciser que nous n'en n'avons pas demandé.

M. Speller: C'est ce que vous avez fait la dernière fois pour le projet de loi C-17.

M. Wilkinson: Ce dont vous venez juste de parler?

M. Speller: Oui.

M. Wilkinson: Dans le mémoire?

M. Speller: Non, je parle de la dernière fois, du projet de loi C-17. C'était le premier projet de loi en la matière.

Le président: C'est le projet de loi antérieur qui visait à régir les armes à feu et qui a été présenté il y a quelques années par le gouvernement précédent.

M. Speller: À l'exception de cette tribune, avez-vous eu des rapports directs avec le ministère de la Justice ou le ministre lui-même, ou êtes-vous intervenus auprès d'eux à propos des problèmes auxquels les agriculteurs sont confrontés avec ce projet de loi? Avez-vous eu des contacts avec le ministre? Je suis surpris que le ministère de la Justice n'ait pas communiqué avec vous.

M. Wilkinson: Non.

Le président: J'ai pu comprendre que le ministre avait essayé de communiquer avec un grand nombre de personnes, mais il ne l'a pas fait dans votre cas peut-être à cause de ce que vous avez dit au début. Généralement, vous ne vous préoccupez pas des questions touchant à la justice. Peut-être pensait-il que vous n'aviez pas d'opinion à cet égard. Quoi qu'il en soit, nous nous réjouissons de vous avoir entendus ce matin.

M. Thompson: Ce sera la dernière question. J'aimerais simplement avoir vos réactions sur certains aspects, histoire de mettre un point final à la conversation. Pour ce qui est des libertés, j'ai distribué environ 300 exemplaires de ces documents dans ma circonscription.

Le président: De quoi parlez-vous?

M. Thompson: Du projet de loi C-68. On m'en réclame plus encore. Les gens qui en ont pris connaissance s'objectent au principe selon lequel on serait reconnu coupable jusqu'à preuve du contraire. Cela va totalement à l'opposé des principes du Code criminel tel que nous le connaissons. Pour ce qui est des perquisitions, il n'est pas question de motifs raisonnables ni de motifs probables, comme c'est le cas dans certains textes de loi.

Les gens n'aiment pas que le gouvernement légifère par voie de règlement. Et ceux qui redoutent le plus la chose sont les immigrants hollandais, allemands, ukrainiens ainsi que tous ceux qui sont venus d'un peu partout en Europe de l'Est pour s'installer en Alberta. Ils se sont tout de suite rendu compte qu'on pouvait confisquer une arme sans compensation. C'est ce qui se produit déjà aujourd'hui et ils le savent.

Ils redoutent que la légifération par voie de règlement ne débouche très rapidement sur une dictature. Une minorité pourrait décider de tout. Rien ne me dit que, d'ici deux ans, il ne pourra pas être décidé par décret de modifier la règle de l'enregistrement unique. Les gens craignent surtout que l'on enfreigne leurs libertés fondamentales. Ces gens, qui appartiennent à de vieilles communautés d'immigrants, disent que cette mesure législative leur rappelle quelque chose de leur passé.

Avez-vous recueilli ce genre de commentaires auprès de vos membres?

M. George: Oui. Vous avez soulevé la question du droit de propriété. Même si l'on oublie le projet de loi C-68, les agriculteurs que je rencontre aujourd'hui un peu partout en Ontario ne parlent pas du prix du soya ou du maïs ou de celui du porc, même s'ils sont plus bas que jamais... ils parlent de droits de propriété. Ils craignent que les bureaucrates ne viennent leur dire ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire sur leur terre, par exemple, qu'ils ne peuvent pas faire paître leurs troupeaux à proximité
des terres humides, qu'ils ne peuvent pas draguer un fossé dont ils auront eux-mêmes payé le creusage, et ils pensent que la même chose va se reproduire ici. Ils estiment que le projet de loi C-68 est une nouvelle érosion de leurs droits et libertés par la société.

.1215

C'est là, je crois, le fond du problème. En soi, ce projet de loi sur les armes à feu peut sembler relativement inoffensif. Mais voilà que vient se greffer tout le reste et c'est cela qui provoque la levée de boucliers du milieu agricole.

M. Speller a parlé de choses qui avaient débuté sur une petite échelle et qui avaient pris de l'ampleur ensuite... le système réglementaire. Regardez ce qui se passe en Ontario, avec le système de photographies au radar. Apparemment, il a été question de lutter contre les accidents de la route. Eh bien, ce n'est plus cela du tout. Ce n'est plus qu'un système destiné à rapporter de l'argent à ce gouvernement et peut-être à celui qui suivra aussi.

C'est un autre aspect qui fait dire aux agriculteurs et aux résidents des régions rurales que ce projet de loi est une autre atteinte à nos droits. Même s'il est toujours possible d'avancer des arguments en faveur de telle position plutôt que de telle autre, à propos de tout ce dont nous avons parlé au cours des deux dernières heures, l'élément fondamental qui ressort est celui sur lequel insiste le milieu agricole, à savoir la question des droits et libertés.

Le président: J'espère que cela ne découragera pas la Fédération canadienne de l'agriculture de se représenter à nouveau devant le Comité de la justice. Il y a sans doute bien des questions pouvant intéresser le milieu agricole et vous voudrez certainement nous faire part de votre point de vue. Nous apprécions que vous vous fassiez entendre, parce que vous dites que vous représentez plusieurs centaines de milliers de personnes.

Comme vous le voyez, les points de vue ne manquent pas, à ce comité, sur ces différents sujets. Ce n'est certainement pas un sujet qui fait l'unanimité. Donc, je tiens à vous remercier.

Je vais rappeler aux membres du comité que nous débuterons notre séance de l'après-midi à 14 heures pour entendre les Outfitters of Canada ainsi que différents pourvoyeurs provinciaux. Nous accueillerons environ cinq ou six pourvoiries provinciales et nous nous réunirons pendant la période de questions, de 14 heures jusqu'à 17h30 ou 18 heures. Ce sera donc une longue après-midi. Ce soir, à 19h30, nous entendrons des gens qui gèrent les collections d'armes dans les musées. Donc, nous avons encore une longue journée devant nous. Si vous ne pouvez assister à toutes ces séances, je vous demanderais de vous y faire remplacer.

Madame Rutherford.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Je voulais juste faire une remarque à propos d'un commentaire que vous avez fait. Cela n'a rien à voir avec le contrôle des armes à feu.

Le président: Parfait.

Mme Rutherford: Vous avez dit que l'on pourrait prendre connaissance des témoignages dans les procès-verbaux. Malheureusement, ce n'est pas possible.

Le président: C'est parce qu'ils n'ont pas été publiés.

Mme Rutherford: Je sais, et je tenais à profiter de cette occasion pour vous faire comprendre à quel point il est important que tout le monde au Canada ait accès aux délibérations des comités sous forme imprimée. Sans ces procès-verbaux, il ne nous est pas possible de savoir en quel sens les autres ont témoigné ni de savoir quelles sont les questions qui préoccupent nos députés. Je crois que c'est un droit fondamental pour les Canadiens que de savoir quel genre de discussions se déroulent au Parlement.

Le président: Vous avez tout à fait raison. Je dois vous préciser que les présidents des comités parlementaires se sont unanimement objectés à l'initiative du Bureau de régie interne... je dis bien tous les présidents. Et il y a quelques autres personnes ici qui président aussi des comités. Donc, nous avons protesté et c'est là que le Bureau a décidé, mais ce n'était pas sa première proposition, de suspendre complètement l'impression des procès-verbaux. Puis, il a songé à une formule plus économique si bien que vous pouvez à présent obtenir les procès-verbaux en vous adressant à n'importe quel député ou à la Division des comités. On vous fera parvenir un imprimé des délibérations d'aujourd'hui ainsi que de toutes autres réunions vous intéressant.

Mais au début, la proposition qui nous a été faite nous a beaucoup inquiétés et je tiens simplement à vous dire que des gens qui travaillent au comité partageaient exactement les mêmes préoccupations que celles que vous venez d'exprimer.

Mme Rutherford: Il y a encore le problème du délai. Avant, on pouvait assez rapidement obtenir les «bleus».

Le président: Effectivement. J'ai fait comprendre qu'à présent, on pouvait les avoir avant deux ou trois jours, mais il faut parfois attendre des semaines avant que nous ne recevions les versions finales, ce que je n'apprécie pas beaucoup. Mais je suis d'accord avec ce que vous dites et je me réjouis que cela puisse être consigné au procès-verbal.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;