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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 novembre 1995

.1110

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, si notre témoin ainsi que mes autres invités y consentent, j'aimerais tout d'abord réglert un point qui permettra de faire avancer les travaux de ce comité. Vous savez sans doute que depuis un certain temps, M. Ménard, mais également d'autres membres du Bloc, ont demandé que nous mettions sur pied un sous-comité chargé d'étudier le secteur de la défense et sa conversion à des fins civiles, en particulier le secteur de l'industrie aérospatiale.

Je me suis entretenu avec le ministre de l'avenir du comité. Il semble généralement convenu que nous poursuivrons notre étude des banques, mais qu'il y aura concurremment, sur une base trimestrielle, une série de séances plus structurées, basées sur les documents négociés avec les banques, et que nos travaux seront orientés avant tout sur les sciences et la technologie, l'industrie du savoir, les domaines où l'innovation fait défaut - bref, le genre de sujets dont M. Schmidt a parlé dans sa lettre, qui date déjà d'avril. Toute cette nouvelle orientation intéresse, je pense, le comité tout entier.

La difficulté devant laquelle nous nous trouvons pour préciser le cadre de nos travaux, c'est que nous ne savons pas à coup sûr quelles propositions seront acceptées par le Cabinet. Nous n'avons pas pris connaissance, par exemple, du document définitif concernant l'examen des sciences et de la technologie; nous ne savons pas de façon sûre s'il y aura un fonds réservé à la technologie ni quelle forme celui-ci prendra. Nous connaissons donc, d'une façon générale, la direction à suivre, mais nous ne saurons pas très bien comment optimaliser notre action tant que certains de ces éléments d'information ne nous auront pas été communiqués.

Ce que nous savons, en revanche, c'est que l'OCDE a fait une série d'études sur les économies des pays membres, et en particulier du Canada. Demain, si je ne me trompe, un texte officiel sera publié sur l'économie canadienne, qui s'attachera tout particulièrement à ce que l'OCDE appelle «les lacunes en matière d'innovation». Comment se fait-il que nous ne nous placions pas au même rang que d'autres pays dans le domaine de la technologie de pointe et de l'industrie du savoir? Le ministre a proposé de nous faire parvenir, à tous, ce document qui pourrait servir de point d'appui au comité, quels que soient les travaux qu'il amorce dans ce domaine.

Je n'ai pas entièrement lu ce document, mais j'ai une idée générale de ce dont il s'agit. À notre retour, en février, il nous permettra de poser les jalons de nos travaux.

Il serait également bon que nous essayions de relier ce vaste sujet que représentent les lacunes en matière d'innovation au secteur spécifique de la défense et de l'industrie aérospatiale, afin que le sous-comité puisse travailler en collaboration étroite avec le comité de manière à bien illustrer le problème plus général qui se pose. Cela nous permettra d'approfondir cette question davantage que nous ne pourrions le faire en tant que comité.

Ce que je suggère donc aujourd'hui, considérant la patience dont a fait preuve M. Ménard depuis qu'il a demandé la création de ce sous-comité, considérant également que sur ce point nous semblons tous être d'accord, c'est que nous formions un sous-comité qui étudiera la conversion des industries de défense et de l'industrie aérospatiale dans le contexte, plus vaste, du défi que l'innovation représente pour le Canada.

Après m'être entretenu avec divers membres, je propose, au poste de président de ce sous-comité, M. Discepola qui m'a donné son consentement. Je sais que Mme Brown aimerait y siéger ainsi que M. Murray et, bien entendu, M. Ménard. Il est loisible au Parti réformiste soit de nommer quelqu'un à ce sous-comité, soit d'avoir tout simplement un représentant au comité plénier, qui examinera le problème de plus haut. Le Parti réformiste peut en décider maintenant ou le faire plus tard.

Avez-vous une réponse à nous donner, monsieur Schmidt ou monsieur Mayfield?

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Non, pas pour le moment.

Le président: Ça ne fait rien.

M. Schmidt: Une simple mise au point: ce comité est composé pour le moment de M. Discepola, de Mme Bonnie Brown et de M. Ménard, n'est-ce pas?

Le président: Et de M. Murray.

M. Schmidt: C'est vrai, de M. Murray.

.1115

Le président: Nous devons maintenant adopter une motion pour établir la composition de ce sous-comité, que nous pourrons élargir par la suite si le Parti réformiste souhaite s'y faire représenter. L'option reste donc ouverte.

M. Schmidt: Je voudrais vous poser une question, monsieur le président. Vous disiez tout à l'heure que le comité étudierait le secteur de la défense et sa conversion à la production de biens pour le secteur civil intérieur, mais également dans le contexte défini par le document de l'OCDE. Je ne comprends pas très bien cette dernière affirmation, car à mon avis, il en découle un chevauchement avec le mandat du comité.

Le président: Ce que je disais, c'est que le comité recevra le document de l'OCDE dès que celui-ci pourra être publié, et qu'il s'en inspirera, je pense, pour ses travaux, tandis que le sous-comité devrait y voir un point de départ pour ses propres travaux. Autrement dit, les travaux du sous-comité et ceux du comité seront imbriqués l'un dans l'autre.

M. Schmidt: Cela semble logique, en effet, mais je ne voudrais pas que les deux comités fassent pratiquement le même travail.

Le président: Non, ils vont plutôt s'inspirer du diagnostic de l'OCDE ainsi que des conclusions d'autres instances qui pourraient suivre dans le cadre du travail du comité, et ils l'appliqueront à ce secteur spécifique pour voir ce que cela donne au niveau du détail.

[Français]

M. Ménard (Hochelaga - Maisonneuve): Je voudrais tout d'abord vous remercier, monsieur le président, de la persévérance que vous avez manifestée.

Je suis sûr que le travail du sous-comité nous apprendra beaucoup sur toute la question de l'aérospatiale et la question du matériel de défense. C'est une industrie qui est en crise depuis la fin de la guerre froide et la redéfinition de la politique internationale. Il est certain que cela concerne beaucoup le Québec et l'Ontario qui ont chacun 10 000 emplois dans ce secteur.

À la suite des consultations régionales et nationales entreprises par le secrétaire d'État aux Sciences, à la Recherche et au Développement, je voudrais vous demander si le comité a l'intention d'étudier, après les Fêtes, le Livre blanc sur la politique scientifique nationale.

Le président: Je voudrais laisser au comité la possibilité de baser ses travaux futurs à la fois sur l'étude que nous devons recevoir bientôt de l'OCDE à propos de la science et de la technologie et sur d'autres choses comme le fonds pour la technologie et l'aérospatiale, si on décide de le créer. En effet, nous désirons inclure ce dernier sujet dans nos délibérations, aussi bien au niveau du sous-comité qu'à celui de tout le comité.

M. Ménard: Il est certain que nous allons entrer dans une période où le comité va travailler moins à la question des banques et beaucoup plus à celle de la science et de la technologie.

Le président: Je crois que oui. D'ailleurs, on continue avec les banques, mais sur une base réduite et régulière, tous les trois mois.

M. Ménard: Merci.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur le président, je voudrais être sûr d'avoir bien compris. Le travail du sous-comité ne sera pas de se pencher sur la question de la science et de la technologie en tant que telle, n'est-ce-pas? C'est bien un travail réservé au comité?

Le président: Je voudrais tout simplement que le sous-comité travaille dans le contexte du travail du comité.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): C'est déjà assez vaste.

Le président: Oui, c'est beaucoup.

[Traduction]

Êtes-vous d'accord pour nommer un sous-comité chargé d'étudier ce que je viens d'exposer - voilà une jolie petite phrase - qui sera composé de M. Discepola comme président, de Mme Brown, de M. Murray et de M. Ménard, en laissant ouverte la possibilité d'y ajouter ultérieurement un membre du Parti réformiste?

La motion est adoptée

Le président: Nous allons maintenant commencer la réunion proprement dite.

[Français]

M. Ménard: J'ai une dernière question avant de quitter. Pour la suite des événements, c'est bien au nouveau président, M. Discepola, qu'il appartiendra de s'occuper des questions d'intendance?

Le président: Il n'a pas encore reçu la bonne nouvelle parce qu'il est avec le Comité des Finances.

M. Ménard: Je compte sur vous, monsieur le président.

.1120

Le président: On va communiquer avec lui directement. Je laisse cette tâche à mes collègues.

[Traduction]

Bon, nous allons donc faire une nouvelle tentative pour bien prononcer votre nom.

M. André Dimitrijevic (directeur général, Secrétariat du commerce intérieur): Monsieur le président, quand je suis arrivé au Canada il y a bien des années, j'ai fréquenté une école secondaire. Un élève qui occupait le pupitre derrière le mien est venu me demander, au bout de deux ou trois mois, pourquoi l'enseignant s'adressait toujours à moi pour dire: «Gimme three of each». Mon nom se prononce Dimitrijevic.

Le président: Votre nom se prononce donc Dimitri-j'ai-vich. Eh bien, je vous souhaite la bienvenue, monsieur Dimitrijevic.

Vous avez peut-être écouté le témoin qui vous a précédé. Nous sommes particulièrement heureux de vous entendre, parce que vous avez été en plein dans la mêlée ces derniers jours et que vous pouvez donc nous apporter des nouvelles toutes fraîches du front pour nous dire où en sont ces négociations. Les journaux nous communiquent bien quelques bribes, mais où en sommes-nous vraiment?

M. Dimitrijevic: Il y a deux points à signaler. J'ai un petit exposé que je vais vous présenter.

Le président: Allez-y.

M. Dimitrijevic: Vous savez sans doute que l'accord est entré en vigueur le 1er juillet de cette année, et que j'ai été moi-même nommé au Secrétariat le 8 août, de sorte que tout cela est encore très récent.

Vous avez toutefois raison, monsieur le président: hier a eu lieu à Toronto une réunion ministérielle du Comité sur le commerce intérieur, et ce fut ma première rencontre avec les ministres.

Le président: D'après votre curriculum vitae, je constate que vous avez été coordonnateur de mesures d'urgence et de services d'aide à des sinistrés. Y a-t-il là matière à encouragement ou à préoccupation? Est-ce là notre sphère de compétences, et comment... Enfin, passons.

Des voix: Oh, oh!

M. Dimitrijevic: Certains m'ont dit que cela venait fort à propos, mais moi-même je n'en suis pas si sûr.

La réunion d'hier m'a paru très fructueuse. Il reste certainement des questions difficiles à résoudre, mais j'avais néanmoins l'impression que toutes les parties sont disposées à persévérer avec ardeur. Les représentants des diverses parties et le Secrétariat ont été mandatés pour continuer à examiner certaines questions, dont l'inclusion, dans le secteur des marchés publics, des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux, en simplifiant les règles dans tout le pays pour faciliter l'accès et l'inscription des entreprises. Des directives ont également été données aux fins de continuer à oeuvrer pour la mise en application de l'accord.

Mais ce que je voulais brièvement évoquer, ce matin, monsieur le président, ce sont deux ou trois questions: comment le Secrétariat a été mis sur pied, comment il est organisé ainsi que quelques détails sur le rôle et la fonction du Secrétariat au commerce intérieur.

Le 18 juillet 1994, les premiers ministres ont signé un accord sur le commerce intérieur dans le but d'éliminer, au Canada, les barrières au commerce, aux investissements et à la mobilité; cet accord est entré en vigueur le 1er juillet 1995. Le chapitre 16 de cet accord porte sur les dispositions institutionnelles et prévoit ce qui suit: «Le Comité» - il s'agit, bien entendu, du Comité des ministres du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et des territoires responsables du commerce intérieur aux termes du chapitre seize - «établit un Secrétariat» et «nomme le secrétaire chargé de diriger le Secrétariat». Le Secrétariat est financé au moyen de contributions versées par les parties selon la formule suivante: 50 p. 100 du budget total provient du gouvernement fédéral, 50 p. 100 des provinces et territoires, la part respective de chaque province étant établie en proportion de sa population par rapport à la population totale du Canada.

Afin d'orienter davantage l'action du Secrétariat, les 13 parties, ont conclu à l'automne de 1995 un accord sur l'établissement du Secrétariat du commerce intérieur. Elles y conviennent d'exploiter le Secrétariat comme une association - c'est là notre statut - et de mettre sur pied un conseil de gestion composé de représentants des 13 juridictions, ce qui revient à dire que ces porte-parole sont des représentants du commerce intérieur de chacun des gouvernements, fédéral, provinciaux et territoriaux. Le conseil est responsable de la gestion de l'Accord sur le commerce intérieur, en transmettant au Secrétariat les directives qui émanent des ministres.

.1125

Cet accord énonce également l'obligation qu'a le directeur général de présenter les états financiers exigés aux termes de l'accord.

Vous savez probablement tous que le Secrétariat a son siège à Winnipeg et que je m'occupe en ce moment d'en doter les postes et de rendre l'organisme fonctionnel. Le Secrétariat consiste actuellement en un directeur général, un agent d'administration et un conseiller, tous en détachement. Je ne prévois pas que son effectif, pendant un certain temps du moins, dépasse cinq à sept personnes, le nombre définitif devant être arrêté quand l'expérience nous permettra d'en décider.

Pendant la période transitoire, c'est-à-dire depuis que j'ai été nommé à cette fonction et jusqu'à ce que le Secrétariat soit entièrement doté, les fonctionnaires d'Industrie Canada nous ont beaucoup aidés - ce sont eux, en fait, qui s'occupent des préparatifs - et leur collaboration nous a été très précieuse.

Comme le précise l'Accord, le rôle du Secrétariat est de fournir un soutien administratif et opérationnel au Comité, ainsi qu'au groupe de travail et aux autres comités, en plus de fournir toutes autres mesures d'appui demandées par le Comité, soit les ministres essentiellement.

Je prévois plus spécifiquement, selon que le Comité des ministres en décidera ainsi, que les activités du Secrétariat porteront principalement sur trois domaines: l'un est ce que j'appelle «le concours opérationnel», c'est-à-dire que le Secrétariat prendra les dispositions nécessaires pour permettre les réunions, la préparation des ordres du jour, la distribution des documents contenant les décisions et le travail de suivi qui lui sera demandé, le suivi des groupes de travail. Le Secrétariat aidera également, dans leur travail, les groupes de règlement des différends quand ceux-ci seront constitués et tout autre comité établi aux termes de l'Accord.

Deuxièmement, le Secrétariat devra faire rapport. L'Accord sur le commerce intérieur contient à ce chapitre diverses prescriptions qui sont censées être respectées, notamment en ce qui concerne les rapports annuels et un suivi des progrès réalisés pour l'application générale de l'Accord ainsi que pour celle d'un certain nombre de chapitres. Le Secrétariat est chargé, plus spécifiquement, de réunir et d'analyser l'information et de préparer des rapports à soumettre au Comité et au conseil d'administration.

Quant au troisième domaine, que j'appellerai, faute de mieux, l'information du public, le Secrétariat diffuse des renseignements sur l'accord et en recueille auprès du secteur privé, à savoir des groupes de gens d'affaires, des associations industrielles et le public, en général.

Je voulais vous donner une idée générale de la structure et des attributions du Secrétariat et j'espère y être parvenu. La nature du Secrétariat évoluera probablement avec le temps, parallèlement d'ailleurs à l'Accord lui-même et aux changements qui susciteront les discussions et des négociations futures.

Je serai heureux maintenant de vous donner toute information complémentaire que vous me demanderez. Je vous remercie.

Le président: Merci de cet exposé, concis et instructif.

[Français]

Monsieur Rocheleau, est-ce que vous avez des questions à poser?

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Bienvenue, monsieur Dimitrijevic.

J'aimerais que vous me disiez si vous avez eu le temps d'élaborer un plan d'action quelconque en ce qui concerne vos relations avec tous les intervenants, avec toutes les parties prenantes à l'accord qui sont concernées par le projet de loi C-88.

M. Dimitrijevic: C'est à peine une ébauche. Franchement, j'ai été très occupé, jusqu'à présent, à trouver des bureaux, des gens pour travailler et, en même temps, à faire le travail concernant la mise en place de l'entente. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'une ébauche de plan opérationnel pour le Secrétariat soit produite avant le début de l'année prochaine. D'ailleurs, le comité de gestion, avec lequel j'ai des rapports, va se réunir d'ici le mois de février pour revoir un plan que j'aurai préparé.

Naturellement, j'ai eu des discussions avec un bon nombres des parties, des provinces et des territoires sur ces sujets-là, mais d'une façon générale, je n'ai vraiment pas encore de plan opérationnel.

M. Rocheleau: Selon votre conception du rôle du Secrétariat et d'après ce que l'on vous a dit jusqu'à maintenant, pensez-vous que le Secrétariat va être impliqué d'une façon quelconque dans le mécanisme du règlement des conflits?

M. Dimitrijevic: Du fait que le Secrétariat va soutenir le règlement des conflits, nous allons naturellement aider les groupes qui seront constitués selon le chapitre 17 de l'entente et nous allons essayer de leur faciliter la tâche.

.1130

Du point de vue des politiques ou des dépenses, cela dépend plutôt des parties concernées par l'entente que du Secrétariat. Néanmoins, nous aurons pour rôle de faciliter l'établissement des groupes qui vont rendre un jugement sur la résolution des disputes, de faciliter la présentation et la préparation de leurs réunions et de nous assurer que les décisions prises seront communiquées à quiconque en aura besoin. Dans ce sens-là, nous serons prêts à accorder notre appui à tout le chapitre 17.

M. Rocheleau: Est-ce qu'on peut imaginer, selon la vision qu'on s'en fait, que le gouvernement fédéral pourra, peut-être en toute légitimité, avoir une influence plus marquée que d'autres intervenants canadiens sur le fonctionnement, l'évolution et la perception de son rôle à l'intérieur même du Secrétariat, compte tenu de la puissance bien connue du gouvernement fédéral dans ce pays?

M. Dimitrijevic: De la façon dont je conçois le Secrétariat, c'est un tout. Pour ma part, je rends compte aux 13 juridictions, aux ministres des provinces, des territoires et du gouvernement fédéral. Je considère qu'ils font partie d'un groupe de 13 et non pas d'un groupe de 12 plus 1.

M. Rocheleau: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Je suis heureux de vous rencontrer, monsieur Dimitrijevic, et de savoir que vous êtes au conseil de gestion du Secrétariat. Je voudrais vous poser quelques questions sur la façon dont vous envisagez votre fonction.

Je vous ai entendu dire que vous alliez «faciliter» tous ces comités, ces panels, ces groupes de résolution des différends, etc. Qu'entendez-vous exactement par «faciliter», à part le fait de présenter des documents, de veiller à ce que chacun ait l'ordre du jour, et ainsi de suite?

Je pense particulièrement à certains problèmes qui se posent. Prenons par exemple le groupe des comptables généraux agréés, dont les représentants ont comparu devant nous et ont évoqué le conflit qui existe entre eux et les comptables agréés, conflit comme il en existe beaucoup d'autres entre les associations professionnelles des diverses provinces, et qui porte essentiellement sur les conditions de délivrance des licences nécessaires à la mobilité.

En quoi consiste, d'après vous, cette facilitation de l'échange d'informations? Et comment déterminer où sont les différences les plus marquées et comment résoudre les problèmes qui en découlent?

M. Dimitrijevic: Je vais essayer de répondre, par plusieurs biais, à vos questions. Tout d'abord, le rôle du Secrétariat, qui vient d'être créé, où tout reste donc à faire, va évoluer. Il commence à peine à fonctionner.

M. Schmidt: Oui, je comprends cela, mais je voudrais savoir comment vous entrevoyez l'avenir.

M. Dimitrijevic: Je ne demande pas mieux que de vous le dire, mais encore faut-il placer des choses dans le contexte.

Il existe un précédent, à savoir un Secrétariat mis sur pied il y a des années, le Secrétariat du Conseil des ministres de l'Environnement, dont les conditions s'apparentent aux nôtres, encore que son champ d'activité est tout différent. Là encore, il est intéressant de constater qu'au début, ses attributions étaient plutôt d'ordre administratif, mais qu'il est arrivé au point où il rédige des politiques qui sont soumises à l'étude de tierces parties. Pour en arriver là, il faut que tous les participants connaissent bien la nature du groupe avec lequel ils ont à traiter.

En ce qui me concerne - bien entendu, mes activités seront guidées par les directives que je recevrai des ministres et, par leur intermédiaire, du conseil de gestion - notre tâche consistera à nous entretenir avec ces gens pour connaître les problèmes en jeu et les différends qui existent.

Si j'ai bonne mémoire, l'un des problèmes des comptables généraux agréés tient au fait qu'ils ne peuvent accomplir certaines fonctions dans certaines provinces, alors qu'ils le peuvent dans d'autres. Ils craignent que cela n'entrave la capacité de leurs membres d'offrir des services semblables dans tout le pays. Je crois que c'est là une des questions qui les inquiètent.

Le Secrétariat pourrait intervenir au nom des parties. Il pourrait en fait consulter les divers groupes, y compris les parties intéressées et les provinces, et fournir ensuite une évaluation indépendante de la situation qu'il présenterait au conseil de gestion et, finalement, au ministre.

M. Schmidt: Je trouve vraiment intéressante votre observation sur la question d'une évaluation indépendante. Vous considérez que vous seriez en mesure d'évaluer de façon objective les partis pris d'un groupe par rapport à un autre, de les éliminer ou tout au moins de les cerner.

.1135

M. Dimitrijevic: Il s'agit d'une évaluation indépendante en ce sens que, comme je l'ai dit, je dois faire rapport aux 13 parties. Je ne fais pas rapport à une partie en particulier. Je pense que c'est là la nature du Secrétariat. En ce sens, je devrais pouvoir évaluer la situation le plus objectivement possible, sans oublier que le Secrétariat est là pour mettre en oeuvre l'Accord sur le commerce intérieur.

M. Schmidt: Je comprends cela. J'aimerais laisser cela de côté et aborder brièvement deux questions différentes. Je vais vous donner un exemple pour la première question, puis je passerai à la deuxième partie.

Je ne suis pas un expert en matière de transport...

M. Dimitrijevic: Moi non plus.

M. Schmidt: ...mais j'ai certaines connaissances dans le domaine. Je sais que c'est sans doute l'une des questions les plus litigieuses à laquelle nous serons confrontés, d'autant plus que la réglementation et les mesures législatives varient selon la province. Or, nous tentons d'uniformiser tout cela au Canada, mais la législation est vraiment horrible. Je commence tout juste à connaître les divers écarts de la législation d'une province à l'autre.

De combien d'employés pensez-vous avoir besoin pour seulement comprendre ce qui se passe, et je ne parle même pas de faire l'analyse dont vous venez de parler?

M. Dimitrijevic: Je ne pourrais le dire. J'avais pensé que le Secrétariat serait un assez petit groupe formé de gens très compétents, capables de s'attaquer aux points saillants d'un problème et de travailler avec les fonctionnaires fédéraux et provinciaux, mais également avec les représentants des parties. Je ne peux faire d'autre supposition pour le moment. J'envisage toujours le Secrétariat comme réunissant une assez petite équipe.

M. Schmidt: Très bien. C'est fort encourageant. Mais vous aurez besoin de nombreux experts. Cela veut-il dire que vous ne retiendrez leurs services que pour des tâches ponctuelles?

M. Dimitrijevic: C'est certainement une option qui pourrait être envisagée.

M. Schmidt: Est-ce l'option que vous préférez? C'est ce que je veux savoir en réalité. Vous pouvez embaucher des experts comme employés permanents. C'est une option. L'autre option consiste à aller chercher de vrais experts qui travaillent dans le domaine. Vous n'en avez pas besoin constamment.

M. Dimitrijevic: Non. Je pense que ce que nous voulons, c'est avoir un noyau de gens qui peuvent diriger le travail.

M. Schmidt: Oui.

M. Dimitrijevic: Il faudra que quelqu'un soit responsable du travail à effectuer. Ensuite, il sera peut-être nécessaire d'embaucher des experts pour s'attaquer à des problèmes bien précis... ou de recourir aux experts que les gouvernements d'autres parties ont à leur disposition. Mais il faudrait toujours avoir un noyau d'employés.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir une grosse équipe. Il est très logique de faire appel à des groupes spécifiques pour s'attaquer à des tâches spécifiques. Lorsque la tâche est terminée, il suffit de...

M. Schmidt: J'espère que c'est ce que vous ferez, car à mon avis, ce sera beaucoup plus efficace et beaucoup plus rentable.

Ma dernière question concerne la recherche. Lorsque vous nous avez expliqué vos fonctions tout à l'heure, vous n'avez pas fait allusion à la recherche que vous serez peut-être appelé à faire. Si vous devez élaborer des politiques, naturellement, il vous faudra du personnel de recherche. Qu'envisagez-vous à l'heure actuelle à cet égard?

M. Dimitrijevic: La recherche à cette étape-ci... en fait, l'élaboration des politiques à cette étape est un travail que je ne pourrais entreprendre qu'à la demande des parties. Je l'ai dit plus tôt. Encore une fois, je ne pense pas embaucher de personnel de recherche comme tel. Je préférerais recruter des gens d'un certain calibre qui pourront entreprendre des recherches au besoin et qui seront en mesure de gérer le processus s'il y a lieu. Le Secrétariat aurait avantage à avoir une équipe qui a une certaine polyvalence.

Le président: Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur le président, je voudrais simplement féliciter M. Rocheleau pour sa subtilité et sa capacité de nous faire sortir de nos gonds. Il a encore réussi à le faire en insinuant que le fédéral aurait une plus grande voix au chapitre que les provinces. J'aimerais lui faire remarquer que le fédéral, si je ne m'abuse, d'après l'entente signée, contribue pour 50 p. 100 des dépenses du Secrétariat. Il est naturel que celui qui paie la plus grosse part de la note ait une voix prépondérante au chapitre. Nonobstant les objections de M. Rocheleau, je pense que c'est complètement normal.

D'ailleurs, que je sache, les provinces n'ont pas rouspété à ce sujet. Il faut le souligner.

.1140

Deuxièmement, j'aimerais que notre témoin nous dise quelle est l'ampleur du budget du Secrétariat en ce moment.

M. Dimitrijevic: Pour la première année, le budget est de 750 000$.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Ai-je raison de dire que 50 p. 100 vient du fédéral et 50 p. 100 des provinces?

M. Dimitrijevic: Absolument.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Comment fonctionne le mécanisme des paiements en réalité? Comment obtenez-vous l'argent qui vous permet de faire marcher votre Secrétariat?

M. Dimitrijevic: On calcule le montant de la contribution des différentes parties, des provinces et des territoires.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): À un moment précis de l'année?

M. Dimitrijevic: Cette fois-ci, nous n'avons commencé que le 8 août. Cela a pris un peu de temps, évidemment. Pour l'année financière 1996-1997, nous avons l'intention de faire la demande de contribution le 1er avril. Ainsi, les contributions arriveront aussitôt que possible.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Pour l'année financière en cours, comment cela se passe-t-il?

M. Dimitrijevic: Pour l'année financière en cours, j'ai reçu des chèques de toutes les parties. Dans le cas du gouvernement fédéral, c'est une contribution qui se fait tous les trois mois.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): À cette date, tout le monde a payé?

M. Dimitrijevic: Oui, tout le monde a payé sauf l'Île-du-Prince-Édouard dont je n'ai pas encore reçu le chèque.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Merci. Le Secrétariat compte occuper combien de personnes?

M. Dimitrijevic: Quand on sera au complet, je pense que nous serons entre cinq et huit personnes au maximum.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Est-ce que ces gens seront employés à contrat ou pour une durée indéterminée?

M. Dimitrijevic: Il n'y a pas de résolution sur le sujet. Ce seront des gens employés par le Secrétariat. Ce ne seront pas nécessairement des emplois à contrat, mais c'est une question qui devra être déterminée au fur et à mesure que nous recevrons les candidats aux postes que l'on cherche à pourvoir.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Comment le site a-t-il été choisi?

M. Dimitrijevic: Winnipeg? Cela s'est passé avant mon arrivée, mais je pense que le premier ministre du Manitoba a eu une discussion avec les autres premiers ministres provinciaux, et c'est la solution qui a été adoptée.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Merci.

[Traduction]

Mme Kraft Sloan (York - Simcoe): Je siège au comité aujourd'hui, alors votre Secrétariat m'intéresse beaucoup.

L'élimination de ces obstacles au commerce intérieur permettra au Canada d'améliorer dans une grande mesure son potentiel de développement économique, mais j'ai certaines préoccupations concernant le virage vers la durabilité et la responsabilité écologique.

J'ai remarqué dans votre préambule que les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, sont résolus à promouvoir le développement durable et de bonnes pratiques environnementales.

Je crois comprendre en outre que vous occupez ce poste depuis peu et je vous félicite de votre nomination. Je suis certaine que vous devez vous pencher sur bien des questions et que vous aurez beaucoup de choses à apprendre, mais je me demandais si vous saviez comment le Secrétariat ou comment le Comité sur le commerce intérieur allait assurer de saines pratiques environnementales - de façon générale - si vous en avez une idée.

M. Dimitrijevic: Je vais vous donner mon impression. Je ne pourrai sans doute même pas retrouver le bon article dans l'accord.

Deux choses me viennent à l'esprit. Naturellement, un chapitre traite des questions environnementales. En fait, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement a un rôle à jouer en ce qui a trait à la mise en oeuvre de l'accord. Il y a donc un aspect lié aux questions du développement durable et des saines pratiques environnementales.

Mme Kraft Sloan: Ils ont donc un rôle à jouer dans cet accord également.

M. Dimitrijevic: Oui.

Deuxièmement, j'hésite un peu à y faire allusion puisque je ne l'ai pas devant moi, mais une disposition prévoit que les parties ne peuvent utiliser de réduction des normes environnementales comme incitatif. On parle donc de développement durable dans l'accord et on dit que c'est le Conseil canadien des ministres de l'Environnement qui doit les aider dans ces délibérations.

.1145

Mme Kraft Sloan: Il est intéressant que vous mentionniez cet article. Il s'agit de l'article 610 à la page 87. Cet article a attiré mon attention également. Si le président me le permet, j'aimerais le lire aux fins du compte rendu.

Les normes environnementales varient d'une province à l'autre et chaque province a son propre régime de réglementation et sa propre façon d'appliquer ses normes de protection environnementale.

Je crois qu'en Ontario, à l'heure actuelle, on est en train d'assister à un virage important dans le domaine de l'environnement. On est certainement en train de perdre énormément sur le plan de la protection environnementale. Est-ce que l'on considère cela comme le retrait d'un incitatif ou est-ce une tendance si répandue qu'il s'agit en fait d'une toute nouvelle façon de voir les choses? Avez-vous une idée de la façon dont vous pourriez aborder un problème comme celui-là?

M. Dimitrijevic: J'hésite un peu à m'avancer dans ce domaine, surtout parce que c'est peut-être une question d'interprétation entre les parties plutôt qu'un dossier sur lequel le Secrétariat se prononcerait.

Mme Kraft Sloan: Très bien.

M. Dimitrijevic: L'intention générale du chapitre six sur l'investissement concerne de toute évidence ce qui s'appliquerait à n'importe quelle unité en particulier.

Mme Kraft Sloan: Il s'agit d'une situation spécifique, j'en conviens.

M. Dimitrijevic: C'est ce que je pense, mais pour une réponse plus complète, il faudrait sans doute demander un avis juridique.

Mme Kraft Sloan: Oui, je sais. Si j'ai bien compris cet article, il porte sur une transaction particulière en vertu de laquelle une province ou une partie peut dire qu'elle renoncera à telle ou telle mesure pour inciter quelqu'un à établir une entreprise sur son territoire. Mais lorsqu'il s'agit d'un changement aussi généralisé que celui qui est en train de s'opérer dans le secteur environnemental en Ontario, cela pose un autre dilemme intéressant. Je vous remercie.

Le président: Il y a également le chapitre quinze, qui traite spécifiquement de la protection environnementale, n'est-ce pas?

M. Dimitrijevic: Oui, c'est le chapitre sur l'environnement.

Le président: Je suppose que la partie du chapitre quatre qui traite des normes à titre de catégorie aurait, elle aussi, une incidence, n'est-ce pas? En d'autres termes, l'appendice 405.1 traite uniquement des normes de façon générale, mais je suppose que cela aurait certains... En fait, au chapitre quinze, on fait allusion à l'appendice 405.1.

M. Dimitrijevic: Tout l'accord encourage l'harmonisation des règles et des règlements ene vue d'une base commune au pays.

Le président: Oui, et il y est également question du Conseil canadien des ministres de l'Environnement à l'article 1509.

M. Murray (Lanark - Carleton): J'aimerais mieux comprendre en quoi consiste votre rôle. Si je saisis bien le Secrétariat offre un appui opérationnel et administratif au comité, mais quelle marge de manoeuvre devriez-vous avoir avec le temps pour que vous vous fassiez le champion de la libéralisation des échanges au Canada? Vous allez mettre sur pied un groupe de gens qui ont des connaissances et des compétences. Au fil des ans, on sait que les ministres membres de ce comité changeront, et vous serez dépositaire de ces connaissances.

À votre avis, le Secrétariat pourrait-il promouvoir le commerce intérieur plus activement qu'il ne le fait à l'heure actuelle?

M. Dimitrijevic: Je pense que cette possibilité existe et que cela dépendra de la direction des ministres. Je peux même vous parler de mon expérience hier à la réunion ministérielle, au cours de laquelle on a demandé spécifiquement au Secrétariat d'obtenir le point de vue de toutes les parties ainsi que du secteur privé sur des questions qui pourraient surgir au sujet de l'accord.

.1150

Déjà, il me semble que les ministres considèrent le Secrétariat comme un centre d'information ou un centre de connaissances sur la question, de sorte que nous pourrions recueillir l'opinion des diverses parties pour en informer les ministres.

Nous devons présenter un rapport annuel sur les progrès accomplis dans la mise en oeuvre de l'accord. Naturellement, pour ce faire, il faudrait effectuer toutes sortes de recherches sur l'incidence et sur ce qui est ressorti des entretiens avec un certain nombre de groupes au pays.

M. Murray: On nous a dit que les obstacles qui existent coûtent à l'économie canadienne et aux consommateurs canadiens des centaines de millions de dollars et peut-être même des milliards de dollars en perte de rentabilité.

Il y aura certainement des intervenants qui seront plus durement touchés que d'autres. Certains d'entre eux perdront sans doute beaucoup, je suppose.

J'imagine que la plus grande partie de la recherche se fait toujours au ministère fédéral de l'Industrie et dans les ministères provinciaux. Vous ne vous êtes peut-être pas encore attaqué au problème, mais je me demandais tout simplement si vous n'allez pas vous apercevoir que certaines sociétés ou certains secteurs pourraient être durement touchés s'ils doivent respecter cet accord. Est-ce qu'il vous saute déjà aux yeux que certaines sociétés ou certaines industries pourraient poser de graves problèmes?

M. Dimitrijevic: Je ne peux penser à aucune en particulier. Naturellement, un certain nombre de secteurs se préoccupent de façon générale de l'incidence de l'accord sur leur façon de faire des affaires.

Je pense que l'intention des signataires de l'accord était de simplifier les choses plutôt que de les compliquer. C'est ce que j'ai compris lorsque j'ai parlé aux fonctionnaires et après avoir assisté à la réunion ministérielle.

Naturellement, des questions spécifiques surgiront et nous obligeront à discuter de l'incidence de l'accord et de la façon de s'attaquer à un problème particulier. Je pense que les parties et l'accord prévoient un certain degré de souplesse à cet égard, mais il est difficile pour moi d'évaluer à cette étape-ci le degré de préoccupations potentielles.

M. Murray: J'ai une toute dernière question encore une fois sur le rôle que jouera votre Secrétariat. À votre avis, les parties intéressées pourront-elles faire du lobbying auprès de votre Secrétariat, ou est-ce que votre mandat évite une telle chose? Vont-elles frapper à votre porte ou va-t-on toujours leur demander de s'adresser aux ministres?

M. Dimitrijevic: Elles pourront frapper à ma porte, mais j'imagine qu'elles préféreront parler aux ministres plutôt que de s'adresser au Secrétariat.

M. Murray: Très bien. Merci beaucoup.

Le président: Je surveille la situation, alors ne soyez pas timides.

Je donne la parole à M. Mayfield et à Mme Brown.

M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Merci beaucoup.

Je tiens à vous remercier d'être ici ce matin, monsieur Dimitrijevic. J'essaie toujours de m'imaginer ce à quoi ressemblera le Secrétariat.

Je comprends que vous êtes ultimement responsable auprès des ministres de chaque province et, je présume, auprès du gouvernement fédéral également. Comment cette imputabilité devant un pareil éventail de ministres sera-t-elle coordonnée? Y a-t-il un intermédiaire? Devez-vous rendre des comptes à chacun d'entre eux?

Par exemple, qui vérifiera vos livres? L'une des provinces ou le gouvernement fédéral?

M. Dimitrijevic: Toutes les parties ont signé l'accord créant le Secrétariat. Cet accord prévoit des exigences précises en matière de publication d'information financière, notamment le fait que les livres devront être vérifiés par un vérificateur approuvé. Cet accord prévoit même que...

M. Mayfield: Qui approuvera le vérificateur?

M. Dimitrijevic: Un comité de ministres. Je ne relève pas des ministres individuellement; je relève du Comité sur le commerce intérieur, qui est composé des ministres et qui a un conseil de gestion composé de hauts fonctionnaires. Il y a le Comité des ministres, le conseil de gestion et le Secrétariat.

Voilà pour les exigences en matière de reddition de comptes. Les règles concernant la satisfaction des besoins financiers de même que le fonctionnement ont également été arrêtées. stipulés.

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M. Mayfield: Avez-vous un mandat dans ce poste particulier? M. Schmidt a demandé à connaître votre vision, mais lorsque vous avez accepté ce poste, vous a-t-on proposé un mandat que vous pourriez peut-être utiliser comme une plate-forme pour définir votre vision?

M. Dimitrijevic: Ma vision s'inspire de l'accord même et des dispositions se rapportant au Secrétariat et au directeur général, et de l'accord prévoyant la création d'un Secrétariat, qui précise un peu plus en détail quelle sera notre orientation. À partir de ces deux documents, je prépare un plan de fonctionnement que je présente tous les ans aux ministres. C'est ainsi que je mettrai en oeuvre ce qu'on m'a demandé de faire. Le conseil de gestion, qui est dirigé par les ministres, approuve ce plan et le budget. Mais c'est un plan. C'est un plan opérationnel qui définit ce que le Secrétariat fera.

M. Mayfield: Au cours des questions qui ont été posées ce matin, on a parlé également de règlement des différends, de l'élimination des obstacles. Ce sont des choses qu'on vous a mentionnées.

À votre avis, allez-vous essayer d'éliminer les obstacles et de résoudre ou de tenter de résoudre les différends? Entrevoyez-vous même le jour où peut-être il y aura un accord de libre-échange entre les provinces, comme il en existe entre le Canada et d'autres pays?

M. Dimitrijevic: J'estime que l'accord représente un progrès appréciable pour le règlement de cette question. Il nous a fallu beaucoup de temps pour en arriver au point où nous nous trouvons maintenant. L'accord n'est entré en vigueur que le 1er juillet, mais cela m'apparaît être un grand progrès que d'avoir vu les 13 gouvernements conclure cet accord et commencer à en mettre en oeuvre un bon nombre de dispositions. La partie sur les marchés publics est appliquée depuis quelque temps.

J'estime aussi que l'accord contient diverses obligations qui devront être respectées au cours des deux ou trois prochaines années.

Il y a donc l'accord même, qui représente un travail substantiel; il y a les obligations prévues par l'accord de mener d'autres négociations; et l'accord contient, au chapitre dix-huit, une disposition sur l'examen annuel de ce que nous devons faire d'autre. Les ministres sont parfaitement au courant.

Si je peux me reporter à cet article... À la page 200, c'est l'article 1810, paragraphe 4:

En fait, je vais entreprendre de consolider les parties sur ce qu'il nous faudrait examiner d'autre. On réfléchira davantage à cette question. Ce n'est donc pas un document définitif, mais plutôt un document en évolution.

M. Mayfield: Vous verriez-vous dans le rôle de facilitateur de l'intensification des activités commerciales entre les provinces?

M. Dimitrijevic: Dans la mesure seulement où le Secrétariat s'efforcera de soutenir les parties pour la mise en oeuvre. La responsabilité du commerce incombe aux parties individuelles. Notre rôle est de faciliter la mise en oeuvre de cet accord. Si nous nous acquittons de notre mandat, je suppose que les répercussions éventuelles devraient témoigner de notre contribution à l'intensification du commerce, mais il n'y a pas de participation directe de la part du Secrétariat.

M. Mayfield: La question de M. Murray m'intéresse. Ma conception diffère peut-être un peu de la vôtre, monsieur Murray. À un gérant de magasin situé à une intersection où se trouvent trois assez grosses épiceries on a demandé comment elles arrivaient à s'en tirer. Il a répondu qu'en réalité, c'était la meilleure manière de faire des affaires, en raison de l'achalandage accru, et que c'était mieux pour tous.

.1200

Il ne s'agirait pas tant d'égorger un boeuf comme le laissait entendre M. Murray, que d'offrir de meilleures possibilités. Je cherche toujours à aller un peu plus loin et c'est pourquoi, je suppose, je posais cette question.

Merci de vos réponses.

Le président: Madame Brown.

Mme Brown (Oakville - Milton): Monsieur Dimitrijevic, soyez le bienvenu. J'ose espérer qu'au cours de vos années de formation vous avez appris les rudiments du maniement de la baguette ou de la danse à claquettes, car d'après la description que vous donnez, je vois que l'exercice de votre pouvoir sera quelque peu limité par ces 13 maîtres, ou ces deux conseils ou comités que vous devrez servir.

Voici ce que j'essaie de savoir; d'après vous, dans quelle mesure vous et votre personnel d'environ six personnes qui constitueront le noyau des connaissances les plus à jour sur l'état du commerce intérieur au Canada...quel pouvoir pensez-vous que vous aurez, et dans quelle mesure l'accord vous permettra-t-il d'agir de façon proactive?

Je vais vous donner un exemple. Vous venez tout juste de dire que la première rencontre des ministres a eu lieu hier. Puis-je vous demander qui en a dressé l'ordre du jour? Qui a proposé les points à cet ordre du jour, eux ou vous?

M. Dimitrijevic: La première réunion est peut-être un peu difficile, parce que je suis nouveau. Mais, concrètement, l'ordre du jour a été établi à une réunion que j'ai présidée et à laquelle assistaient tous les représentants du commerce intérieur, qui sont les cadres supérieurs de toutes les parties. Certaines questions étaient en suspens. Il a été bien simple de les soumettre. D'autres points ont été proposés autour de la table. Nous avons ainsi dressé l'ordre du jour approprié.

Mme Brown: Donc, les représentants au conseil de gestion ont dressé l'ordre du jour que les ministres ont examiné hier.

M. Dimitrijevic: Oui, c'est juste.

Mme Brown: Bien.

Maintenant, supposons qu'un certain secteur industriel présente des plaintes, un secteur qui est censé être inclus ici, non pas un de ceux qui sont exclus, et supposons que les membres de ce secteur de la province du Nouveau-Brunswick vous écrivent pour vous dire que cela semble aller à l'encontre de l'accord. Inscririez-vous cette question à l'ordre du jour et la soumettriez-vous au conseil de gestion, ou forceriez-vous la personne qui vous soumet cette question à faire officiellement parvenir un... pour que vous ayez à faire appel à ce mécanisme de règlement des différends?

M. Dimitrijevic: D'abord, en ce qui a trait au règlement des différends, l'accord incite vraiment les parties, quelles qu'elles soient, qu'il s'agisse du gouvernement ou du secteur privé, à se parler. Avant qu'on se présente effectivement devant un groupe spécial pour qu'il tranche un différend, l'accord propose maintes autres solutions: amener les parties à se parler, faire en sorte qu'un autre groupe, un comité, voie s'il peut les aider. Le processus s'achève au niveau du groupe spécial. C'est vraiment le dernier recours.

Mme Brown: Le dernier recours.

M. Dimitrijevic: Exactement. De ce point de vue, il doit y avoir d'autres moyens plus avantageux ou d'autres moyens qui ne supposent pas la participation d'un groupe spécial au règlement de différends.

D'un point de vue bien pratique, si une entreprise du secteur privé d'une province a un problème avec une autre province, il n'est que raisonnable qu'elle s'adresse à sa propre province pour voir si... parce que c'est là que se trouve l'intérêt. Encore là, nous agirons comme facilitateur, mais pour reprendre votre exemple d'une entreprise du Nouveau-Brunswick qui peut avoir du mal à fournir du matériel à une autre province, il vaudrait beaucoup mieux pour elle qu'elle traite avec le Nouveau-Brunswick parce que ce sont les autorités de cette province qui vont défendre sa cause, au fond.

Comme vous le savez, si l'entreprise visée n'est pas satisfaite ou que la province hôte ne soit pas en mesure de défendre sa cause, il existe des dispositions au chapitre dix-sept de l'accord qui permettent d'invoquer les dispositions concernant le règlement des différends. Néanmoins, il est raisonnable de faire appel à sa province pour défendre sa cause.

Mme Brown: Cela me préoccupe, parce qu'il me semble qu'il peut être dans l'intérêt de la province hôte, pour des raisons politiques, de ne rien changer au statu quo. Je considère votre entité comme un endroit où l'on peut s'adresser quand on n'obtient pas satisfaction.

Prenez par exemple mon principal sujet d'inquiétude, bien avant la question de la mobilité des biens et des marchandises, et je parle de la mobilité des personnes et de la reconnaissance des compétences professionnelles, comme dans le cas dont a parlé M. Schmidt, les comptables agréés et les comptables généraux agréés. Je suis sûre qu'il y en a d'autres: le rôle des sages-femmes et ce qu'elles peuvent faire; toutes ces questions qui, jusqu'à maintenant, sont de compétence provinciale. Il me semble que les comptables généraux agréés de l'Ontario pourraient s'adresser à leur gouvernement, mais celui-ci pourrait ne pas vouloir intervenir dans cette question; ils n'auront donc pas satisfaction, et ils pourraient par conséquent s'adresser à vous.

.1205

Je vois que vous devez donc jongler avec tout cela. Sans compter les intérêts en jeu, représentés par les 13 composantes du conseil et du comité. Alors, comment pouvons-nous faire ressortir le fait que c'est à vous que doit s'adresser la personne qui n'est pas servie par les intérêts provinciaux?

M. Dimitrijevic: Le Secrétariat n'est pas un organisme d'élaboration de politiques. L'accord est clair. Il existe pour offrir un soutien opérationnel et administratif et le Secrétariat s'en tient aux orientations données par le ministre quant aux tâches qu'il peut remplir.

Mme Brown: Je le comprends, mais vous avez dit que c'était un document en évolution. Nous savons tous que ce n'est qu'un début. Vous allez donc en fait soumettre des questions au conseil de gestion et dire: «Écoutez, je reçois des plaintes de trois régions du pays sur cette question et je pense que nous devrions commencer à y travailler». Jusqu'à quel point allez-vous insister?

M. Dimitrijevic: Je pense qu'il m'incombe de saisir le conseil de gestion et les ministres de questions que je relève dans l'exercice de mes fonctions qui ont trait à la mise en oeuvre de l'accord. Cela inclut toute question qui peut surgir. Je pense que cela fait à juste titre partie de mes attributions.

Mme Brown: Qu'en est-il de la portée de l'accord, des cas où vous voyez des possibilités de...

M. Dimitrijevic: Encore là, c'est la même chose. Comme je l'ai dit, le Secrétariat doit soumettre un rapport annuel sur l'avancement des travaux en matière de mise en oeuvre de l'accord. Il m'apparaît naturel que si l'on doit examiner comment évolue la mise en oeuvre de l'accord, on va sans doute sélectionner des secteurs qui n'ont pas encore été examinés. À nouveau, je pense que ma responsabilité serait de soumettre ces questions au conseil de gestion en vue de leur examen par les ministres. Cela m'apparaît très clair. Cela fait partie de mes tâches.

Mme Brown: Merci beaucoup.

Merci, monsieur le président..

Le président: Mes deux ou trois dernières questions recoupent ce que disait Mme Brown.

Le témoin précédent, M. Schwanen de l'Institut C.D. Howe, a dit que... Nous lui demandions comment tout cela pouvait être accéléré, comment nous pouvions donner un certain élan, insuffler un certain dynamisme de changement, et si le Secrétariat pouvait jouer le rôle d'agent de changement. Il a dit que déjà le libellé de l'accord vous donnait beaucoup de latitude à vous et à votre groupe pour vraiment mener à bien ce processus tout en ne vous occupant apparemment que de fournir un soutien opérationnel, de faire état des exigences et d'informer le public.

C'est-à-dire que, si vous choisissez ce rôle d'entrepreneur - et j'emploie ce mot délibérément - simplement en travaillant étroitement avec le groupe de gestion, simplement en choisissant de mettre en lumière certaines questions à soumettre au conseil et simplement en déjouant les ministres qui disent vouloir qu'on fasse quelque chose à propos de quelque chose sans rien dire de bien précis, vous pourriez avoir une énorme influence.

Le modèle dont parlait M. Schwanen était la Commission européenne. Je vois bien que c'est une véritable question piège, puisque si vous planifiiez de faire cela, vous ne voudriez pas qu'ils soient au courant, bien sûr. Mais pensez-vous qu'il soit possible pour quelqu'un dans votre position de jouer ce rôle d'entrepreneur?

M. Dimitrijevic: Je pense qu'on peut entreprendre toute activité visant à promouvoir l'accord et sa mise en oeuvre. Je pense que c'est tout à fait dans l'ordre des possibilités, mais dans mon cas encore, c'est sous réserve de la direction donnée par les ministres.

Ce que je retiens de la réunion d'hier, c'est qu'essentiellement, on m'a demandé de consulter différents groupes, non pas simplement des groupes gouvernementaux, mais des groupes de tous les milieux, et c'est ce que j'ai l'intention de faire. Je compte aussi présenter un rapport aux ministres sur ce que j'ai entendu et que j'ai pu constater. En ce sens donc, j'estime que le champ est tout à fait libre. Je peux m'entretenir avec divers groupes, qu'il s'agisse d'associations professionnelles comme celles des comptables généraux agréés ou d'associations commerciales ou de groupes du secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux, leur demander leur opinion, puis en rendre compte aux ministres.

Le président: Je suppose donc qu'étant donné la grande diversité de questions dont vous êtes au courant, vous pourriez dire, tout en travaillant avec des individus compréhensifs du conseil de gestion et en saisissant bien les points forts du comité des ministres: «D'accord, fixons-nous de trois à cinq objectifs cette année et essayons de les atteindre», plutôt que de simplement attendre qu'il se passe quelque chose et d'y réagir.

Cela correspondrait au mandat et au pouvoir du Secrétariat. Vous pourriez apporter certains éclaircissements et contribuer à établir des priorités tout en interprétant les volontés du comité.

.1210

Mr. Dimitrijevic: Cela me semble relever de mon travail de préparation d'un plan opérationnel pour le prochain exercice financier. Il serait établi en fonction de la connaissance que j'aurais alors des activités sur lesquelles le Secrétariat devrait se concentrer au cours de l'année à venir.

À nouveau, et vous avez bien raison, cela doit être approuvé par le comité des ministres, de qui je reçois mes ordres.

Le président: Ma dernière question a simplement trait au compte rendu de la presse. Ces discussions d'hier ont-elle eu lieu à huis clos ou publiquement? Est-ce que le grand public pouvait y assister?

Il y a un compte rendu de la presse selon lequel, et reprenez-moi si je fais erreur, le Québec s'est montré plus insistant sur la question de l'abaissement des barrières commerciales interprovinciales. Je ne dis pas qu'il a insisté plus que d'autres, mais la presse semblait penser que c'était digne de mention. Est-ce exact? Était-ce une réunion publique et comment savoir?

M. Dimitrijevic: La rencontre a eu lieu entre ministres et hauts fonctionnaires seulement. Sur certaines questions, des parties avaient des points de vue différents. La grande question a été l'incorporation du secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux au chapitre des marchés publics, et il y avait certaines divergences de vues.

La majorité des provinces appuient ce qu'on appelle les règles générales - des règles très spécifiques sur la façon d'envisager l'inclusion du secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux au chapitre des marchés publics. D'autres provinces appuient un ensemble de principes, qui sont un peu plus généraux - voici certains principes auxquels on adhérera.

Rapprocher les deux groupes, c'est évidemment ce que tout le monde recherche, mais cela prendra du temps. En fait, cela prend plus de temps que prévu. De ce point de vue donc, dans le cas de la province de Québec, celle-ci est très en faveur de l'adoption de règles le plus rapidement possible. Peut-être y a-t-on fait référence.

Par ailleurs, tout le monde à la réunion d'hier a reconnu qu'il existait entre les diverses provinces canadiennes des mesures inutiles et compliquées en matière d'enregistrement. Je pense qu'un des exemples était le cas hypothétique d'une entreprise qui se constitue en société au Nouveau-Brunswick, puis qui va faire de même dans cinq autres provinces; il y a si peu d'harmonisation à ce chapitre que la situation devient inutilement compliquée.

Tous se sont entendus pour examiner leurs exigences et les simplifier autant que possible afin que tout au moins les dates de rapport pour les entreprises soient les mêmes par exemple. Elles ne varieront pas d'une province à l'autre. Ils se sont aussi entendus pour examiner une barrière tarifaire afin de ne pas imposer de charges indues à des entreprises en formation. On s'est donc entendu de façon générale pour agir sur ce front.

Pour ce qui est du secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux, certaines différences doivent être aplanies. J'ai l'impression que cette question se posera tout le temps avec l'accord. Certaines questions seront facilement réglées et d'autres demanderont plus de temps.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier d'avoir comparu. Je pense que cela nous est très utile pour mettre en perspective ce que nous avons déjà entendu. Nous avons pu évaluer diverses hypothèses que d'autres nous avaient présentées.

Je pense que nous sommes - je parle en mon nom - très encouragés par ce que nous entendons. Je pourrais même répondre à ma propre question et dire qu'à mon avis, nous avons entendu un entrepreneur en matière de politique. J'ose croire que c'est le cas, et j'espère que cela vous plaît bien et continuera de vous plaire.

Nous serons impatients d'avoir d'autres nouvelles sur le déroulement de la mise en oeuvre. Bonne chance.

M. Dimitrijevic: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

M. Beaudet va maintenant nous faire une présentation. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Pierre Beaudet (conseiller juridique, Association nationale des camionneurs artisans inc.): Merci.

.1215

Le président: Nous avons le texte dans les deux langues officielles.

M. Beaudet: Monsieur le président, distingués membres du comité, au nom des membres de notre association, au nom du président de l'ANCAI, M. Clément Bélanger, et du vice-président exécutif, M. Jean-Pierre Garand, qui m'accompagnent, et en mon nom personnel, je vous remercie sincèrement de nous offrir l'occasion de témoigner devant ce comité.

Permettez-moi de vous dire d'abord que le Règlement sur le camionnage en vrac est une mesure sociale d'intérêt public. Ce règlement a été adopté en 1973 par le gouvernement de M. Robert Bourassa.

À la fin de 1987, pour atteindre les objectifs fixés par le gouvernement fédéral en matière de transports, l'Assemblée nationale du Québec excluait le camionnage général de la Loi sur les transports du Québec. C'est alors que la Loi sur le camionnage fut élaborée et adoptée.

En revanche, la Loi sur les transports et la réglementation qui s'y rattache furent maintenues pour des motifs d'intérêt public.

Lors de la signature de l'Accord sur le commerce intérieur, en 1994, le gouvernement québécois décida de mettre le Règlement sur le camionnage en vrac à l'abri de cet accord.

Au mois de juin 1995, le ministre des transports du Québec, M. Jacques Léonard, avisa son homologue fédéral, l'honorable Douglas Young, qu'il était nécessaire de maintenir le Règlement sur le camionnage en vrac au Québec.

Les lois et les règlements provinciaux de même que les compétences provinciales en matière de transports sont actuellement protégés par la partie III de la Loi fédérale de 1987 sur les transports routiers, laquelle vise le transport effectué par des entreprises extraprovinciales.

Si la partie III de la Loi sur les transports routiers est abrogée par l'adoption et l'entrée en vigueur de l'article 19 du projet de loi C-88, les lois et les règlements que les provinces désirent maintenir deviendront inopérants dans les faits.

Notre association appuie la libéralisation des services de transport entre deux ou plusieurs provinces lorsqu'il s'agit de matières prévues à la Loi sur le camionnage et même lorsqu'il s'agit d'une matière prévue au Règlement sur le camionnage en vrac.

Notre association appuie également la possibilité de permettre à une entreprise de camionnage extraprovinciale qui agit sous l'empire de la Loi sur le camionnage de transporter les matières prévues à cette loi même lorsque le mouvement de transport s'effectue à l'intérieur d'une province.

Cependant, notre association s'oppose catégoriquement à ce qu'une entreprise extraprovinciale effectue un mouvement de transport de matières prévu au Règlement sur le camionnage en vrac lorsque le chargement et le déchargement sont effectués à l'intérieur de la province de Québec sans que cette entreprise ne détienne un permis l'autorisant à faire ces opérations. Cela détruirait tous les objectifs visés par le Règlement sur le camionnage en vrac.

Rappelons à cet effet que le gouvernement québécois a fondé le Règlement sur le camionnage en vrac sur les quatre principes suivants: un permis par camion, le courtage confié à des corporations sans but lucratif, une tarification fixée par la Commission des transports du Québec et la régionalisation des permis.

Pour sa part, la Loi sur le camionnage est basée sur des principes opposés. Ainsi, par l'émission d'un seul permis, une entreprise peut multiplier son nombre de camions à l'infini. Plus encore, le courtage dans le camionnage général est à but lucratif et la tarification n'existe pas.

Le Règlement sur le camionnage en vrac prévoit que toute compagnie qui a une place d'affaires au Québec peut obtenir un permis de camionnage en vrac. Si une entreprise québécoise extraprovinciale n'est pas assujettie aux différentes lois du Québec régissant le transport des matières en vrac, elle pourra assurer ses services de camionnage dans le cadre de ses opérations courantes extraprovinciales, mais pourra parallèlement se bâtir une flotte de camions pour effectuer du camionnage en vrac au Québec, près de sa place d'affaires.

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Le camionneur spécialisé dans le transport des matières en vrac est ni plus ni moins qu'un salarié sans convention collective et sans avantages sociaux. Le camionneur détenteur d'un permis de camionnage en vrac transporte des matières en vrac sur un chantier de construction, des produits forestiers du lieu de coupe à l'usine ou encore de la neige et du sel pendant la période hivernale. Les retours d'une livraison se font généralement et naturellement avec la boîte vide.

C'est pour toutes ces raisons, relevant à la fois des caractéristiques propres à l'industrie et du profil socioéconomique du camionneur artisan, que le législateur québécois a décidé à plusieurs reprises de maintenir le Règlement sur le camionnage en vrac.

Ce ne sont pas les entreprises extraprovinciales des autres provinces qui vont mettre en péril ce règlement car elles se spécialisent à 99,9 p. 100 dans le transport des matières prévues dans la Loi sur le camionnage. D'ailleurs, je ne comprendrais pas qu'un transporteur d'une autre province puisse, à l'occasion d'une livraison au Québec, arrêter et participer au déneigement d'une ville ou encore transporter des matériaux de construction, des matériaux de base comme le sable, la terre ou le gravier. Il n'a pas l'équipement requis pour effectuer ce travail.

L'abrogation de la partie III de la Loi fédérale sur les transports routiers aura des effets néfastes en créant deux classes de camionneurs résidents: l'une soumise à la réglementation québécoise sur le camionnage en vrac, l'autre complètement libre de toute règle dans l'exercice de ses opérations.

L'article 19 du projet de loi C-88 constitue-t-il une épée de Damoclès suspendue au-dessus des compétences des provinces, qui souhaitent maintenir leur position selon laquelle il faudrait mettre certaines lois ou règlements à l'abri à la fin des négociations futures prévues dans l'Accord sur le commerce intérieur? Je soumets respectueusement à votre attention que le Parlement du Canada ne peut prévoir dans le projet de loi C-88, actuellement à l'étude, des articles qui pourraient rendre inefficaces les lois et règlements appliqués par les provinces et protégés lors de la signature de l'Accord sur le commerce intérieur sans obtenir au préalable le consentement des provinces concernées à ce sujet.

Nous sommes convaincus que l'objectif des signataires de cet accord est de favoriser la libre circulation des matières prévues dans la Loi sur le camionnage. En effet, le but recherché est d'amoindrir les coûts de transport des entreprises et, par conséquent, du consommateur, en prévoyant des retours partiels pour les camions, même à l'intérieur d'une province. En somme, les objectifs visés par l'Accord sur le commerce intérieur ne sont aucunement diminués par le maintien au Québec du Règlement sur le camionnage en vrac. Nous pensons sincèrement que la position que nous défendons aujourd'hui n'est pas seulement celle de nos membres, mais aussi et surtout celle adoptée et appuyée par les divers gouvernements qui se sont succédé au Québec, c'est-à-dire de maintenir la réglementation québécoise sur le camionnage en vrac.

Merci de votre aimable attention.

Le président: Merci bien, monsieur Beaudet. Je me tourne maintenant vers M. Rocheleau, à qui j'accorde une quinzaine de minutes.

M. Rocheleau: Je partagerai ces 15 minutes avec mon collègue M. Guimond, qui est critique en matière de transports.

Je voudrais d'abord vous remercier de votre présence et vous féliciter pour le rôle que vous jouez auprès de vos membres. J'ai pu constater, comme porte-parole en matière d'industrie, combien vous avez l'intérêt de vos membres à coeur et combien vous êtes déterminés à défendre ces intérêts.

J'aimerais être certain de bien comprendre la problématique que vous nous présentez ce matin. J'essaierai de la résumer et vous pourrez me dire, peut-être en élaborant davantage, si je la comprends bien.

Si je comprends bien la partie III de la Loi fédérale sur les transports routiers, un transporteur extraprovincial, qui fait donc du transport d'une province à l'autre, doit se soumettre à la réglementation ou à la loi d'une province, si elle existe, qui traite du transport intraprovincial.

Ce que vous appréhendez, avec l'article 19 du projet de loi qui ferait disparaître cette partie III, c'est que dans une province, notamment au Québec où il existe une réglementation, des gens pourraient dorénavant détenir un permis extraprovincial et agir dans le même domaine d'activités que des gens qui ont un permis provincial, et faire du transport intérieur sans avoir à respecter les règles du jeu auxquelles vous vous soumettez.

.1225

Est-ce bien ça?

M. Beaudet: C'est exact, monsieur Rocheleau, d'autant plus que le camionnage en vrac au Québec, comme je le déclarais précédemment, se limite au transport de sable, terre, gravier et béton bitumineux sur des chantiers de construction et au transport forestier à partir du lieu de coupe dans la forêt jusqu'à l'usine, ainsi qu'au déneigement des villes.

Le transporteur d'une autre province qui vient au Québec faire une livraison fait, dans 99 p. 100 des cas, la livraison d'un produit fini ou transformé en usine et retourne dans l'autre province.

Nous sommes absolument d'accord sur l'effort canadien visant à permettre ce transport interprovincial. Ces gens-là viennent au Québec avec leur équipement, qui est probablement une boîte fermée ou un autre équipement spécialisé, et ils peuvent par exemple se rendre à Jonquière et déposer leur marchandise à l'Alcan, puis prendre un autre chargement, l'amener à Trois-Rivières, puis aller de Trois-Rivières à Sherbrooke et finalement rentrer chez eux. Ça va réduire les coûts, et je pense que c'est l'objectif visé par la Loi sur le camionnage aussi bien que par le Parlement canadien.

Mais, en adoptant l'article 19 et en abrogeant la partie III, vous rendez inefficaces les relations entre deux résidents, l'un qui a une entreprise extraprovinciale et l'autre qui doit se conformer au Règlement sur le camionnage en vrac.

Ce ne sont pas les personnes de Toronto ou de l'extérieur qui nous dérangent, car elles ont le droit de venir au Québec, comme les Québécois ont le droit d'aller ailleurs. La libre circulation constitue certainement une amélioration pour tout le monde. Cependant, comme on a une loi particulière au Québec, ce citoyen d'une autre province, qui peut avoir une place d'affaires au Québec, devra suivre les mêmes règles du jeu que le transporteur québécois de matières en vrac qui est limité à ce que je vous ai dit.

Nous acceptons ces retours de camions dans le but de réduire les coûts, parce que nous comprenons que c'est dans l'esprit du camionnage général. Cependant, en ce qui concerne les droits en matière constitutionnelle, et je ne voudrais pas aller plus loin car vous êtes plus expérimentés que moi à ce sujet, la compétence québécoise en matière de transport est protégée par la partie III parce qu'elle place l'entreprise extraprovinciale au-dessus des lois québécoises. La Loi sur le camionnage prévoit un régime qui est adopté partout au Canada, tandis que le camionnage en vrac dépend des relations d'employeur à employé.

Je voudrais terminer par un exemple, si vous me le permettez. Un camionneur qui fait du transport en forêt, du lieu de coupe à l'usine, le fait avec un camion appartenant à la compagnie qui l'emploie pendant quatre ou cinq mois par an. Cet employé n'a pas de convention collective et n'a pas le droit de changer d'employeur parce que la compagnie va le pénaliser en lui enlevant son ancienneté. Et évidemment, il ne peut repartir de l'usine avec un chargement, car il retourne dans le bois. Ce n'est pas du tout comme le camionneur général qui peut changer d'expéditeur ou d'employeur tous les jours parce qu'il est, en fait, un commerçant.

Dans le camionnage en vrac, au Québec, nous retrouvons des camionneurs artisans, et j'irais même jusqu'à vous dire que 7 000 individus possèdent 10 000 permis de camionnage en vrac, ce qui fait une moyenne approximative de 1,6 permis par détenteur de permis. Ce sont donc des employeurs actifs. Merci.

.1230

M. Rocheleau: J'essaie d'évaluer le résultat que vous souhaitez atteindre à la suite de vos représentations. Dans le premier paragraphe de la page 2 du document en français, on dit que si la partie III de la Loi sur les transports routiers est abrogée par l'adoption et l'entrée en vigueur de l'article 19 du projet de loi C-98, les lois et règlements que les provinces désirent maintenir deviendront inopérants dans les faits. Je pense que vous souhaitez que l'article 19 disparaisse du projet de loi actuel ou bien qu'un amendement vienne l'adoucir, tout au moins en ce qui concerne les activités québécoises.

M. Beaudet: On ne connaît pas nécessairement tous les domaines touchés par cet article, et on aimerait au moins que vous protégiez la juridiction des provinces, sans évidemment abandonner les objectifs que vous visez. Vous voulez abroger la partie III. Il vaudrait mieux l'améliorer de manière à atteindre vos objectifs.

Ce pourrait être fait au moyen du retrait de l'article 19. Il faudrait d'abord, avant d'adopter l'article 19, qu'il y ait cette ronde de négociations de deux ans. Si une province décidait de conserver tel règlement, le gouvernement fédéral pourrait utiliser l'article 19 comme une arme. En effet, si une province voulait absolument conserver une loi provinciale, le gouvernement pourrait invoquer l'article 19 et rendre cette loi sans effet.

Et il n'y a pas que le Québec qui puisse se trouver dans cette situation. Il y a certainement d'autres provinces. J'ai vu la liste d'exceptions: il y en a au Nouveau-Brunswick, en Ontario et partout. C'est la raison pour laquelle nous aimerions... Actuellement, vous visez au-delà de l'objectif de l'accord.

Le président: Monsieur Guimond.

M. Guimond (Beauport - Montmorency - Orléans): Combien de membres représentez-vous au Québec?

M. Beaudet: L'Association nationale des camionneurs artisans, qui est devant vous, et ses organismes affiliés représentent, comme nous n'avons pas la formule Rand, plus de 4 300 détenteurs de permis sur les 7 500 détenteurs de permis de camionnage en vrac du Québec, soit plus de la moitié.

M. Guimond: Je ne sais pas si cela existe dans les autres provinces, car je n'ai pas fait de recherche sur la question, mais je voudrais savoir pourquoi il a été si important pour le Québec de se donner une réglementation sur le transport en vrac. Pourquoi?

M. Beaudet: Il y a eu une enquête en 1966 parce qu'il y avait un grand désordre social. Il y avait une exploitation à outrance. Ces gens ne pouvaient pas changer d'employeur. Ils étaient à la merci d'un requérant de services qui pouvait obtenir le moindre coût. Je suis d'accord sur ce principe, mais il y a tout de même une limite. Le gouvernement québécois a décidé d'adopter ce règlement pour des raisons d'intérêt public et pour maintenir une flotte, parce qu'il n'est pas toujours vrai que le moindre coût est la meilleure solution, notamment si cela conduit les détenteurs de permis à la faillite. Le gouvernement québécois a donc adopté une loi sous le gouvernement de M. Bourassa, alors que le ministre était M. Bernard Pinard. Elle a été maintenue en 1988 par M. Marc-Yvan Côté. Elle a été réévaluée sous le gouvernement de M. Johnson qui l'a aussi maintenue. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'on l'a protégée dans l'accord.

Quand nous avons lu le projet de loi, nous nous sommes dit que si l'article 19 était adopté, le «petit débrouillard» québécois, comme on pourrait l'appeler, se considérerait comme une entreprise extraprovinciale et penserait qu'il pourrait se permettre de faire n'importe quoi: s'acheter le nombre de camions qu'il veut et aller travailler à la baie James et partout ailleurs, tandis que l'autre, à côté, serait prisonnier du règlement dans sa région.

Ce sont les principes dont nous avons débattu dans le document.

M. Guimond: À la page 2 de votre document, vers le milieu, vous dites que lors de la signature de l'Accord sur le commerce intérieur, en 1994, le gouvernement québécois a décidé de mettre le Règlement sur le camionnage en vrac à l'abri de cet accord.

Je voudrais essayer de comprendre ce qui s'est passé à ce moment-là, afin d'éclairer mes collègues et leur assurer que ce n'est pas le gouvernement du méchant Parti québécois qui a signé cet Accord sur le commerce intérieur, car il a été signé bien avant les élections de septembre 1994. Cet Accord sur le commerce intérieur a été signé par le gouvernement libéral du Québec de M. Daniel Johnson vers le mois de juin 1994.

.1235

M. Beaudet: Oui, c'était M. Cherry qui était ministre des Transports à l'époque et on l'avait rencontré. M. Cherry, ainsi que les instances politiques du Québec, avaient convenu de le maintenir pour des raisons d'ordre social.

M. Guimond: En juin 1994, le nouveau gouvernement du Québec, par l'entremise du ministre Jacques Léonard, a avisé l'honorable Doug Young qu'il était nécessaire de maintenir ce règlement.

Comment cela s'est-il fait? Y a-t-il eu un échange de correspondance, un téléphone? Et s'il y a eu un échange de correspondance, peut-être pourriez-vous le déposer au bénéfice du comité.

M. Beaudet: Cela nous fera plaisir de le déposer si M. le président l'accepte. Nous avons un échange de correspondance en notre possession, même si nous n'en sommes pas les signataires. Il s'agit d'une lettre de M. Jacques Léonard à M. Doug Young et d'une lettre de M. Young à M. Léonard lui assurant des négociations. Mais la lettre de M. Léonard reprenait ce que le gouvernement de M. Johnson avait adopté avec motifs à l'appui.

Si vous nous permettez de déposer ces lettres, cela nous fera plaisir.

Le président: Vous pouvez nous les remettre et nous en ferons la distribution dès qu'elles seront photocopiées.

[Traduction]

Nous allons maintenant entendre M. Schmidt ou M. Mayfield.

Avez-vous des observations ou des questions?

M. Schmidt: Monsieur le président, je suis frappé par l'exposé qui vient d'être fait ainsi que par le mémoire qui, je pense, a été présenté il y a quelque temps par le Overland Group de la Colombie-Britannique.

Je crois que ce qu'on a montré ici, c'est la complexité de la réglementation d'une province à l'autre. La réglementation n'est pas uniforme entre les provinces. Bien que d'une part, il puisse sembler que cet amendement proposé constitue presque une intrusion dans un domaine de compétence provinciale, je me demande si les barrières qui existent entre les provinces en matière de transport ne constituent pas précisément l'explication de la différence de réglementation entre les provinces.

Ce sur quoi il faudrait se pencher, ce n'est peut-être pas tellement l'élimination de cette disposition que la normalisation de la réglementation, à défaut de quoi on pourrait éliminer cet article. Les provinces seraient ainsi obligées de normaliser leur réglementation jusqu'à un certain point. Vous avez parlé du problème qui se pose relativement au transport interprovincial, et plus particulièrement du transport au Québec, et c'est un problème très réel, mais je ne suis pas sûr que la proposition que nous avons ici... Je crois en fait que vous êtes conscient du problème et que vous avez sans doute une solution concrète à proposer.

J'aimerais bien que vous nous en fassiez part. Il me semble que le problème a été bien défini. Il faut maintenant savoir comment nous y prendre pour le régler.

[Français]

M. Beaudet: Je pense qu'il faut absolument modifier la partie III de la Loi sur les transports routiers avant d'adopter l'article 19 pour clarifier le droit des provinces, ou le retirer et attendre la fin des négociations dans deux ans. Je ne vois pas comment on pourrait faire autrement.

[Traduction]

M. Schmidt: D'accord.

Cela m'amène à poser la question suivante, monsieur le président: le secteur du camionnage pourrait-il s'entendre sur les mesures qu'il conviendrait de prendre pour régler son problème? Quel genre de rapports entretenez-vous, par exemple, avec les camionneurs du Manitoba, de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique?

[Français]

M. Beaudet: Il y a eu, par des subventions fédérales, dans le temps de M. le ministre Corbeil, la création d'une coopérative canadienne de camionnage. Par le biais de cette coopérative, nous avons pu rencontrer les transporteurs, lors de réunions en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick.

.1240

Il y a de grandes différences, même dans la façon dont l'équipement est bâti. Certaines provinces assurent elles-mêmes la protection du camionnage. Pour ce qui est de la réglementation du camionnage en vrac, je n'en connais pas d'autre au Canada qui s'y apparente et qui corresponde aux matières dont on vous a parlé tout à l'heure.

Mais, encore une fois, nous sentons, au moins de la part des camionneurs québécois et des autres associations de camionneurs québécois, une volonté d'appuyer la politique de l'Accord sur le commerce intérieur quand il s'agit de transport interprovincial.

Je ne sais pas comment les autres provinces réagissent à cela, mais on ne voudrait pas qu'elles se servent de leurs entreprises extraprovinciales pour déstabiliser une industrie typiquement locale qui est le camionnage en vrac limité à un permis par camion. Merci.

[Traduction]

M. Schmidt: Je comprends très bien le problème, mais nous ne sommes vraiment pas plus avancés.

Il me semble que l'existence de la réglementation provinciale tient notamment au fait que le nombre de permis, pour le camionnage en vrac par exemple, est limité. L'effet du régime existant est ni plus ni moins le même que celui du contingentement imposé par les offices de commercialisation. Dans les faits, pour obtenir un permis de camionnage interprovincial, il faut acheter le permis à quelqu'un qui veut bien vendre le sien. Par conséquent, quant on achète un nouveau camion ou un nouvel appareil, il faut inclure dans le prix le montant exigé pour le permis.

Tout le monde n'est pas sur un pied d'égalité, loin de là. La situation est très inéquitable.

Cela n'est pas sans avoir des répercussions sur les institutions bancaires qui doivent financer ces transactions. Les banques se trouvent en quelque sorte à inclure dans la valeur de l'entreprise de camionnage qu'on tente de mettre sur pied le prix d'achat effectif du permis, de sorte qu'il s'agit d'incorporer aux calculs un coût artificiel. Voilà qui complique énormément la situation.

Qu'en pensez-vous?

[Français]

M. Beaudet: D'abord, je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement du Québec. Il a ses propres porte-parole qui se font entendre assez régulièrement.

Je pense cependant que c'est une question qui devrait être discutée entre les parlementaires, tant du Québec que du fédéral et des autres provinces. Je vous ai expliqué le sens de la loi québécoise, mais je ne veux surtout pas prendre la place de tous ces grands ténors qu'on entend ces temps-ci.

[Traduction]

M. Schmidt: Oui, mais vous êtes les premiers à bénéficier de leur démarche. N'allez pas nous faire croire que votre association ou vos membres n'ont pas eu leur mot à dire dans la législation existante qui vise à protéger les acquis. Il en est manifestement ainsi en Colombie-Britannique et je sais qu'il en est ainsi en Alberta; vous n'arriverez pas à me faire croire que la situation est différente au Québec.

[Français]

M. Beaudet: Monsieur Schmidt, il est vrai que ça nous protège et que nous sommes ici pour défendre nos intérêts, comme chaque député défend les siens, sauf que jusqu'à maintenant, le Règlement sur le camionnage en vrac ne fait pas que défendre nos intérêts. C'est aussi une mesure d'intérêt public que le gouvernement québécois et plusieurs autres gouvernements ont décidé de maintenir. Ce qu'on ne veut pas, c'est que le fédéral s'approprie un pouvoir qu'une province est en droit d'avoir.

.1245

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'aimerais savoir, monsieur Beaudet, si vous avez une copie de l'accord en question.

M. Beaudet: Oui, nous en avons une ici.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'aimerais qu'on s'entende sur certains points.

M. Beaudet: D'accord.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Je vais lire ce qu'on trouve à la page 156, si vous me le permettez, monsieur le président:

J'aimerais vous référer maintenant à la page 167, qui est l'annexe 1411 en question. Si on continue, on arrive à la fin de cette annexe, à la page 168, et on trouve sous «Canada», au bas de la page:

M. Beaudet: Oui, c'est écrit.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Donc, l'entente dit qu'en 1998, cette partie de la loi sera supprimée. Par qui est signée cette entente? Par chacune des provinces et par le gouvernement fédéral. D'accord?

M. Beaudet: Oui.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Ceci est une entente légale, signée par des parties, des grandes personnes qui savaient ce qu'elles faisaient. Vous nous demandez, à nous du comité, de passer outre à cette entente et de supprimer l'article du projet de loi qui aurait pour effet de ne plus permettre au gouvernement fédéral de faire ce à quoi il s'est engagé. C'est ce que vous nous demandez.

M. Beaudet: Non. Lorsque la mesure a été adoptée et humblement soumise, on ne visait pas à enlever totalement aux provinces leur compétence. D'ailleurs, c'est bien indiqué dans le préambule de l'accord:

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Ce qui crée deux classes de camionneurs, c'est la loi provinciale.

M. Beaudet: Le Règlement sur le camionnage en vrac.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Mais nous ne touchons aucunement au Règlement sur le camionnage en vrac. Si le projet de loi est adopté et si la partie à laquelle vous faites allusion est adoptée, en janvier 1998, selon l'entente signée par toutes les parties, dont le gouvernement du Québec, on va éliminer cette partie de la Loi fédérale sur les transports routiers. Alors, on ne touche pas au Règlement sur le camionnage en vrac au Québec.

M. Jean-Pierre Garand (vice-président exécutif, Association nationale des camionneurs artisans inc.): C'est là qu'est la subtilité. En vertu de l'article 1410, les gouvernements qui faisaient partie de l'accord se sont entendus, en ce qui concerne le Québec, pour protéger ou mettre en suspens le Règlement sur le camionnage en vrac.

Le gouvernement du Québec était également d'accord sur toutes les autres ouvertures face au camionnage extraprovincial. Je crois même que depuis 1988, c'est le gouvernement qui a permis la libéralisation sur le camionnage extraprovincial.

Cependant, en ce qui a trait à l'article 1411, qui serait supprimé le 1er janvier 1998, il y a cette subtilité disant que le Règlement sur le camionnage en vrac va perdre son effet à cause de la disparition de la partie III. Il perdra sa justification parce qu'il y aura possibilité, à l'intérieur de la province de Québec, que coexistent deux types de résidents, un groupe soumis au Règlement sur le camionnage en vrac étant donné qu'il ne fait que du transport intraprovincial ou dans sa région, et un deuxième groupe qui, lui, détiendra un permis extraprovincial pour faire du transport à la grandeur du Canada.

.1250

À titre d'exemple, supposons que demain matin, un mégaprojet est annoncé. Un transporteur du deuxième groupe n'aura qu'à se dire qu'il porte le chapeau d'un transporteur extraprovincial et qu'il n'est pas assujetti au Règlement sur le camionnage en vrac.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Je reprends l'expression utilisée par M. Beaudet. C'était «le petit débrouillard», n'est-ce pas?

M. Beaudet: Oui.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Le problème que j'entrevois, c'est qu'on va vouloir écraser le petit débrouillard qui veut foncer sous prétexte qu'on veut protéger celui qui veut faire affaire seulement en région. Je ne comprends pas du tout. Ce n'est pas du ressort fédéral.

M. Rocheleau: Ce n'est pas la même chose.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Le Règlement sur le camionnage en vrac est du ressort provincial. Ce je ne comprends pas - et encore une fois, monsieur Beaudet, permettez-moi de reprendre vos paroles - c'est que celui ou celle qui va venir de l'extérieur de la province faire du camionnage dans les boîtes fermées n'aura pas l'équipement pour le faire, comme vous l'avez dit vous-même. Cela ne vous inquiète pas?

M. Rocheleau: Non.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Alors, c'est la compétition dans la province du Québec qui vous inquiète. C'est ça?

M. Rocheleau: Oui.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): À ce moment-là, ce sera à la province de Québec de régler ce problème.

M. Rocheleau: Il va avoir une licence fédérale.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Le transport à l'intérieur d'une province est du ressort de la province. Si on nous demande d'abolir une loi fédérale, d'après une entente qui a été signée par le gouvernement du Québec, je vous demanderai de vous référer au gouvernement du Québec. Nous ne faisons que respecter la volonté du gouvernement du Québec.

M. Beaudet: Monsieur Bélanger, quand j'ai parlé du petit débrouillard au Québec, je voulais dire que vous auriez d'une part une entreprise extraprovinciale qui est légitime et qui a droit à tout ce qui est dans l'accord, et que, d'autre part, vous auriez ce petit débrouillard qui, devant un beau contrat pas loin de chez lui, se dirait: «Je ne suis soumis à aucun règlement et je vais m'acheter ou me louer deux camions à benne basculante. J'ai le droit de le faire n'importe quand, sans permis.» Si on suit votre raisonnement, que je respecte, cela veut dire que la juridiction provinciale en matière de transport est éliminée.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Allons donc! La juridiction intérieure n'est pas éliminée.

M. Clément Bélanger (président-directeur général, Association nationale des camionneurs artisans inc.): Monsieur Bélanger, si je peux me permettre, je suis camionneur. Si jamais vous faisiez cela, vous nous déréglementeriez au Québec. Dès qu'il va y avoir deux camionneurs, un qui doit respecter notre réglementation et l'autre qui ne le fait pas... M. Beaudet appelle cela un petit débrouillard. Moi, je ne l'appelle pas un petit débrouillard; je l'appelle un aventurier. Ce sont des gens qui seront capables d'acheter de l'équipement à n'importe quel prix pour essayer de faire du transport dans une concurrence déloyale. On est établis à la grandeur du Québec, monsieur, et on a des infrastructures partout, et actuellement nous avons des prix compétitifs. Nos taux sont fixés par la Commission des transports du Québec, et nous sommes tous des petits camionneurs. Si vous appliquiez cette loi demain matin, cela voudrait dire, pour nous, une déréglementation totale.

En terminant, je voudrais dire une petite chose. Ceux qui ont examiné l'entente, et on a parlé plus tôt de M. Johnson qui l'a signée, ne l'ont probablement pas regardée d'assez près pour savoir où il pourrait y avoir des problèmes.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): C'est une question d'interprétation. Si je comprends bien la déréglementation, si quelqu'un de ce côté-ci de la rivière veut faire du camionnage en vrac au Québec, il doit avoir une adresse au Québec. C'est ça?

M. Beaudet: Oui.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Et vous dites que cette exigence pourrait tomber?

M. Beaudet: Non, elle ne pourrait pas tomber et on n'y voit, du reste, aucune objection. Mais permettez-moi de vous donner un exemple. M.J. Robinson est une compagnie d'Ottawa qui a 15 permis de camionnage en vrac au Québec et qui y travaille régulièrement. Nous n'avons rien contre cela. Cette compagnie a le droit comme tout le monde d'avoir des permis. Elle a un bureau au Québec et un bureau en Ontario; c'est son droit.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Est-ce que vous savez, monsieur Beaudet, si le camionneur en vrac du Québec peut venir en Ontario sans y avoir de bureau? Est-ce qu'il peut y faire des affaires sans permis?

.1255

M. Beaudet: S'il a un permis extraprovincial, que n'importe qui peut avoir, il peut faire du transport et au Québec et en Ontario. Le problème, c'est l'équipement. Je regardais vos camions qui déneigeaient à Ottawa. Au Québec, nous n'avons pas le droit d'avoir ce genre de camions. Ils ne peuvent pas circuler au Québec. Et ceux du Québec ne peuvent pas circuler en Ontario. Ce sont des problèmes d'essieu.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Étant donné que l'objectif de cet accord est de libéraliser le commerce au Canada, je ne pourrai pas vous appuyer dans votre démarche. Je m'en excuse.

M. Beaudet: Monsieur Bélanger, nous respectons votre opinion, mais vous venez de démolir les petits camionneurs. Vous les plongez systématiquement dans la déréglementation.

En terminant, je voudrais vous dire qu'on est tous pour la déréglementation quand il s'agit des autres. Mais le jour où vous ferez disparaître toutes les conventions collectives, toutes les mesures protectionnistes, nous serons prêts, nous aussi, à aller vers le libre marché où vous envoyez le petit travailleur. Les petits camionneurs artisans n'ont pas une flotte de camions, mais 1,7 camion par camionneur au Québec. Et ces petits camionneurs n'ont pas la santé pour aller vers le libre marché à n'importe quel prix; ils ne peuvent bénéficier d'une clientèle variée. Ce n'est pas le même type de camionneur.

Vous avez le droit d'exprimer votre opinion, mais vous venez de replonger le camionneur artisan dans le marasme où il était avant, même si tous les gouvernements du Québec ont voulu maintenir le Règlement. D'ailleurs, quand le gouvernement du Québec a signé ce document, je suis convaincu qu'il ne voulait pas renoncer totalement à sa juridiction en matière de transports. C'est par des interprétations du texte de loi que l'on semble arriver aujourd'hui à dégager un consensus pour dire que le transport nous appartient. Voici notre opinion et nous respectons la vôtre.

Le président: Monsieur Rocheleau, une dernière petite question.

M. Rocheleau: Est-ce qu'il serait juste de dire que ce que vous appréhendez, c'est l'application, en 1998, de l'entente qui a été signée? Et avec l'article 19 que l'on voit ici, ce qui est prévu pour 1998 va s'appliquer immédiatement, tel que formulé ici.

M. Beaudet: Non.

M. Rocheleau: C'est ce que vous craignez.

M. Beaudet: Non, nous n'appréhendons pas cela parce que nous avons la garantie écrite de l'honorable Doug Young que cet article n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 1998, même si ce n'est pas indiqué dans le projet de loi. Nous avons confiance dans cette lettre qui a une valeur, une crédibilité. Il a écrit qu'il ne le ferait pas plus tôt et il s'est déclaré prêt à négocier avec les provinces. Je ne comprends pas ce que cela donnerait que de négocier avec les provinces si, d'avance, on a transféré toute la juridiction en matière de transport provincial à cet accord.

M. Rocheleau: Selon la connaissance que vous avez des milieux canadien et québécois du transport, qu'est-ce qui amène le gouvernement fédéral à proposer cet article de loi aujourd'hui?

M. Beaudet: Nous respectons le but du gouvernement canadien, car nous sommes tous des citoyens canadiens et notre association ne fait pas de politique. Mais les principes qui ont incité le gouvernement canadien à proposer cet article sont la libre circulation des biens entre les provinces et le fait que n'importe quel transporteur, peu importe sa province d'origine, a les mêmes droits que le transporteur de la province en question.

En ce qui concerne le Règlement sur le camionnage en vrac, pour maintenir ce même droit mais ne pas en donner plus, et surtout ne pas en donner plus aux Québécois qui sont le type même de l'extraprovincial, il faut maintenir ce Règlement sur le camionnage en vrac. Pour cela, il ne suffit que de maintenir la juridiction provinciale, ce que nous avons perdu par la signature de l'accord, si on l'interprète de la même façon que M. Bélanger.

Le président: Je vous remercie pour cet exposé fort intéressant.

La séance est levée.

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