Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 novembre 1995

.1109

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Comme entrée en matière, et je parle à titre de nouveau président, je rappelle que, sauf erreur, le comité a décidé d'inviter les banques tous les trimestres pour examiner les progrès accomplis dans leur politique de crédit aux petites entreprises. Toutefois, comme nous l'avons admis dans notre rapport de l'an dernier, Pour financer le succès de la PME, les banques sont loin d'être la seule source d'innovation en matière de financement au Canada, et les fonds de capital de risque parrainés par le mouvement syndical sont une innovation importante et intéressante.

.1110

Le rapport a traité de ces fonds il y a un an, mais certaines observations étaient quelque peu critiques. Il disait par exemple qu'ils n'avaient peut-être pas fait autant d'investissements que nous aurions pu l'espérer. Nous avons donc décidé, à l'occasion de notre examen des institutions financières, d'ajouter une ou deux séances et de réinviter des représentants de votre secteur pour faire le point. Vos premiers exposés ont été intéressants, mais ils ont soulevé toutes sortes de questions. C'est pourquoi nous tenions à ce que vous comparaissiez de nouveau.

Je crois savoir qu'il y a eu un léger malentendu sur ce qu'on attendait de vous ici. Nous songions à une présentation commune de 15 ou 20 minutes, mais certains d'entre vous avaient l'impression que chacun aurait 15 ou 20 minutes. Comme la séance doit durer deux heures, le temps est compté. J'espère que vous avez pu vous réorganiser après vous être aperçus de ce léger malentendu et que, même si vous ne réussissez pas à limiter l'exposé initial à 15 ou 20 minutes, vous ne prendrez pas 15 ou 20 minutes chacun.

Là-dessus, je vous cède la parole. Je vous laisse vous débrouiller entre vous.

[Français]

M. Fernand Daoust (président du conseil d'administration, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ)): Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux aussi remercier chacun des membres de ce comité de nous offrir la possibilité de comparaître devant eux dans le cadre de leur travail sur l'accès des petites et moyennes entreprises canadiennes aux sources de financement.

Nous représentons quatre fonds d'investissement importants parrainés par le mouvement syndical. Je me nomme Fernand Daoust. Je suis le président du conseil d'administration du Fonds de solidarité, le plus vieux et le plus important des fonds d'investissement de cette nature, qui a été créé par la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.

Je suis aujourd'hui en compagnie de plusieurs personnes dont M. Raymond Bachand, premier vice-président et chef des investissements et des opérations du Fonds de solidarité.

Permettez-moi également de vous présenter mes collègues, à savoir David Levi, président et chef de la direction du Working Opportunity Fund de la Colombie-Britannique, Sherman Kreiner, chef de la direction du Crocus Fund du Manitoba, et Ken Delaney, président du First Ontario Fund.

Nous avons sollicité une rencontre avec vous pour deux raisons. En premier lieu, nous voulions nous assurer que les députés fédéraux aient une excellente compréhension des principes et caractéristiques des fonds d'investissement syndicaux qui respectent le concept de ce véhicule financier tel qu'il avait été initialement conçu et enchâssé dans des lois habilitantes, autant sur la scène fédérale que dans la plupart des provinces canadiennes.

La première partie de ma présentation sera fondée sur un consensus fondamental dégagé par les quatre fonds que nous représentons ainsi que par le Fonds d'investissement des travailleurs Nouveau-Brunswick, un tout nouveau fonds d'investissement qui est en train d'être mis sur pied.

Selon nous, les caractéristiques que je présenterai décrivent ce qu'est un véritable fonds d'investissement syndical. Je montrerai ce qui distingue ces fonds des autres institutions de capitaux de risque. Enfin, j'expliquerai comment il permet aux travailleurs canadiens moyens de contribuer véritablement au développement socio-économique dans toutes les régions et provinces du pays.

.1115

En second lieu, nous tenons à ce que les députés puissent mieux connaître nos propres fonds d'investissement que ce n'est le cas présentement. En conséquence, après mes remarques initiales, chacun d'entre nous présentera un aperçu du fonds qu'il représente et soulignera ce qui rend son fonds unique dans un contexte provincial. Enfin, nous pourrons avoir par la suite un échange et des discussions dynamiques.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, veuillez ne pas trop nous en vouloir si notre présentation est un peu plus longue que ce à quoi vous êtes habitués normalement, mais nous croyons sincèrement qu'étant donné l'examen que vous menez présentement des défis liés au financement auxquels font face les petites entreprises, il est essentiel que vous disposiez d'autant d'information factuelle que possible.

Un fonds d'investissement parrainé par le mouvement syndical est une société de capital de risque qui est parrainée par un organisme syndical bien défini. Un tel fonds est créé au moyen d'une loi provinciale ou fédérale, et bénéficie d'incitatifs fiscaux et financiers publics et de divers types de garantie. À l'instar des autres sociétés de capitaux de risque, les fonds d'investissement parrainés par le mouvement syndical prennent l'engagement d'accorder un rendement équitable à leurs investisseurs et d'offrir des capitaux de risque dans un portefeuille diversifié. En plus de cet engagement financier, les véritables fonds d'investissement parrainés par le mouvement syndical ont trois caractéristiques communes qui les différencient des autres institutions offrant des capitaux de risque.

La première de ces caractéristiques a trait au fait que les décisions d'investissement sont prises au moyen d'un processus rigoureux marqué par la prudence qui comporte un engagement à atteindre des objectifs autant sociaux qu'économiques. Ces objectifs incluent habituellement aussi un engagement à protéger les emplois existants et à en créer de nouveaux; un engagement à favoriser le développement économique régional; l'utilisation d'un bilan social dans le cadre de l'analyse financière des entreprises qui pourront être soutenues financièrement; et un engagement à changer les relations patronales-syndicales au sein des compagnies appuyées par les fonds.

La seconde caractéristique maîtresse des fonds d'investissement syndicaux est un engagement à favoriser la participation d'une vaste gamme de travailleurs et de travailleuses moyens. Cela signifie la mise en place de structures distinctes et d'initiatives de commercialisation à l'intention des travailleurs. Cela veut dire aussi que des efforts de promotion sont menés directement auprès des syndiqués. La participation des travailleurs signifie qu'il faut s'engager clairement à offrir une formation en matière économique et financière aux employés des entreprises concernées. Il est essentiel de ne pas sous-estimer l'importance de cette caractéristique.

Nous aidons les travailleurs à comprendre les processus et les concepts associés aux décisions d'investissement et l'impact réel de ces investissements. Nous renseignons les gens sur les responsabilités et les risques liés à leur participation et sur les avantages qu'ils peuvent en retirer.

Il est facile de reconnaître une société de capital de risque parrainée par le mouvement syndical en examinant qui la compose. En effet, une recherche menée par le Centre canadien du marché du travail et de la productivité révèle qu'en 1995, environ 52 p. 100 des investisseurs sont des travailleurs syndiqués. Je me dois aussi de souligner que dans les cas des quatre fonds présents ici aujourd'hui, 63 p. 100 de leurs membres appartiennent à un syndicat.

Les fonds d'investissement syndicaux font surgir sur le marché canadien des capitaux de risque une source encore inutilisée de capitaux d'investissement, à savoir l'argent de milliers de travailleurs canadiens qui, autrement, n'auraient jamais envisagé la possibilité d'investir de cette façon. En fait, dans certaines provinces, les fonds d'investissement syndicaux représentent une proportion importante du sous-marché des capitaux de risque et, dans certains cas, presque la seule source de ces capitaux.

.1120

La troisième caractéristique unique de ces fonds est un engagement à faciliter la coopération entre le patronat et les syndicats. Cela peut prendre bien des formes: une représentation autant patronale que syndicale au sein des comités d'investissement, des investissements institutionnels par des groupes d'affaires, la promotion des concepts de gestion participative dans les entreprises appuyées financièrement et ainsi de suite. Cet engagement philosophique à vouloir changer la nature même des relations patronales-syndicales traduit une réalité importante: le mouvement syndical reconnaît qu'il joue un rôle important en tant qu'agent économique de ce pays et que le monde dans lequel nous vivons et travaillons est en changement.

Les quatre fonds présents ici aujourd'hui partagent un même engagement, c'est-à-dire promouvoir des approches innovatrices dans le domaine des relations de travail. Il existe une corrélation directe entre, d'une part, l'éducation financière et économique des travailleurs et la mise en application de mécanismes de gestion participative et, d'autre part, la productivité et la compétitivité ultimes des entreprises appuyées financièrement par les fonds d'investissements syndicaux.

Les fonds d'investissements syndicaux existent depuis environ 12 ans. Le fonds que je représente, à savoir le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, a été, en juin 1983, le premier à être créé. Il a été fondé par la FTQ, parce que notre centrale syndicale était convaincue de l'à-propos d'une participation plus directe des marchés de capitaux à la suite de la récession de 1981 à 1983. Les dirigeants de la FTQ ont cherché des moyens de favoriser le développement économique au Québec. Leurs efforts ont abouti à la création du Fonds de solidarité, dont le mandat est de créer, maintenir et protéger les emplois dans toutes les régions et communautés du Québec, et de stimuler le développement des PME dans tous les secteurs et régions de l'économie du Québec.

Depuis lors, des syndicats ouvriers dans d'autres provinces et le gouvernement fédéral ont suivi cet exemple. En effet, 17 de ces fonds ont été créés dans toutes les provinces, sauf en Alberta et à Terre-Neuve. Bon nombre de ces fonds, et certainement ceux représentés ici aujourd'hui, ont reproduit le modèle général du Fonds de solidarité, tout en concevant des institutions qui répondent aux caractéristiques et besoins particuliers de leurs propres économies provinciales, de leurs travailleurs et de leurs philosophies.

À ce moment-ci, il est important de souligner le fait que ce ne sont pas toutes les institutions financières qui se décrivent comme étant des fonds d'investissement parrainés par le mouvement syndical et qui partagent dans la même mesure les caractéristiques que je viens de décrire. Nous représentons quatre des fonds d'investissement syndicaux les plus importants qui sont parrainés par des organismes syndicaux majeurs, qui sont présents dans toutes les régions du pays et qui représentent des centaines de milliers de travailleurs dans presque tous les secteurs industriels de notre économie nationale.

Nous croyons que les principales caractéristiques que je viens de décrire définissent ce qu'est un véritable fonds d'investissement parrainé par le mouvement syndical et permettent de veiller à ce que ces fonds respectent l'intégrité de ce véhicule financier innovateur et unique en son genre.

Abordons maintenant la question qui intéresse ce comité, soit le financement des petites et moyennes entreprises au Canada. Il est connu depuis un certain nombre d'années qu'elles contribuent grandement au développement économique et à la création d'emplois dans toutes les régions et provinces du pays. On sait aussi que de nombreuses PME ont de la difficulté à obtenir des capitaux de financement auprès des sources habituelles, y compris les banques.

Pour bien comprendre comment nous pouvons avoir un impact positif sur cette question, jetons maintenant un coup d'oeil au mandat même de nos fonds d'investissement. L'une des principales raisons qui ont incité certains gouvernements à autoriser la création de fonds d'investissement de cette nature consistait à veiller à ce que les institutions du marché des capitaux de risque accordent une plus grande attention aux préoccupations relatives au sous-financement, c'est-à-dire répondent aux besoins des entreprises qui éprouvent de véritables difficultés à obtenir des capitaux de financement. Accorder une plus grande attention à ces préoccupations, cela veut dire offrir des capitaux de lancement, aider les microentreprises, réaliser des projets de petite envergure financière et appuyer les entreprises de haute technologie ou encore fondées sur la connaissance.

.1125

Les représentants des quatre fonds ici présents aujourd'hui croient que tous les fonds devraient être tenus de rendre des comptes à cet égard. Différents fonds d'investissement syndicaux canalisent de diverses façons l'investissement vers la réalisation de projets de petite envergure financière. Par exemple, le Working Opportunity Fund, le Fonds d'investissement syndical de la Colombie-Britannique et le Crocus Fund du Manitoba financent des projets d'une valeur allant de 100 000 $ à 5 millions de dollars. Il convient de mentionner que les investissements de capitaux de risque sont habituellement supérieurs à 100 000 $.

Le fonds que je représente canalise des investissements vers la réalisation de projets de petite envergure plus souvent qu'autrement au moyen de réservoirs distincts de capitaux propres. Notre loi habilitante nous a donné le mandat d'appuyer les PME et le développement économique régional. Même si nous avons toujours été actifs dans ce domaine, nous sommes tout particulièrement emballés par les nouveaux fonds régionaux que nous sommes en train d'établir dans diverses régions du Québec. En tout, 16 de ces fonds régionaux sont en voie d'être créés. Nous avons annoncé en octobre dernier la création du premier de ces fonds régionaux à Sept-Îles. Nous avons déjà mis sur pied au niveau municipal des sociétés locales d'investissement et de développement de l'emploi, ce qu'on appelle les SOLIDE. Ce réseau des fonds régionaux et des fonds locaux, qui couvrira l'ensemble de toutes les municipalités du Québec, sera composé entre autres de 96 SOLIDE éventuellement. Déjà, 25 sont formées et au printemps de 1996, nous devrions en avoir 50. Au moyen de ces véhicules financiers régionaux et locaux, nous réaliserons des investissements allant de 5 000 $ à 500 000 $.

Grâce à ces fonds régionaux et locaux, tous les segments de la population québécoise, toutes les régions, de la plus petite localité jusqu'à la plus grande région métropolitaine, feront partie de ce réseau.

Je tiens à souligner qu'il a fallu de nombreuses années - tout près de 12 ans - au Fonds de solidarité pour perfectionner ce modèle et en assurer la mise en oeuvre. Les fonds plus récents, y compris ceux de mes collègues, en sont encore au stade initial dans leurs efforts pour accroître le nombre de petits projets d'investissement.

Bon nombre des entreprises fondées sur la connaissance et le secteur de la haute technologie comptent très peu d'employés. Et plusieurs d'entre elles éprouvent de grandes difficultés à convaincre les bailleurs de fonds traditionnels, comme les banques, qu'elles vendent un produit commercialement rentable dans lequel il convient d'investir. Et pourtant, la soi-disant «nouvelle économie» est fondée sur la technologie, la connaissance et l'information. Nous devons favoriser, entretenir et développer le secteur de la haute technologie avec plus de dynamisme.

Le capital de risque, de par sa nature même, c'est du capital investi dans une opération ou une entreprise comportant des risques. C'est un capital que l'on pourrait qualifier d'intelligent, entre les mains de gens hautement qualifiés, voire de visionnaires qui analysent la situation d'ensemble d'une entreprise avec rigueur, mais en utilisant aussi des critères qui sont plus sympathiques. Prenez l'exemple de la Banque fédérale de développement. Cette institution financière fédérale a indiqué que plus de la moitié de tous les investissements de capitaux de risque servaient à réaliser des projets commerciaux de nature technologique.

En votre qualité de députés fédéraux, vous savez bien que les compagnies canadiennes en général ont un piètre dossier sur le plan des dépenses au titre de la recherche et du développement. Eh bien, vous devriez savoir que les entreprises qui reçoivent une injection de capitaux de risque augmentent considérablement leurs activités de recherche et de développement et dépensent en moyenne 9 p. 100 de leurs capitaux propres à ce titre. Les dépenses en matière de recherche et de développement dans des entreprises appuyées par des capitaux de risque ont augmenté de 46 p. 100 entre 1987 et 1992.

.1130

En tant qu'intervenants majeurs sur le marché des capitaux de risque, les fonds d'investissement syndicaux jouent un rôle essentiel pour appuyer la recherche et le développement et le secteur de la haute technologie.

Ce type d'appui est souvent une dimension cruciale du mandat des fonds. Le Working Opportunity, par exemple, cible tout particulièrement les PME des secteurs industriels non traditionnels, c'est-à-dire des entreprises dont la présence et l'essor permettront de diversifier l'économie de la Colombie-Britannique et de générer grandement de la valeur ajoutée. Le Fonds de solidarité, pour sa part, a créé un réseau de neuf fonds spécialisés qui ciblent les entreprises innovatrices du secteur de la biotechnologie, de l'aérospatiale, de la fabrication de biens et services environnementaux ainsi que d'autres entreprises de haute technologie. Nous avons aussi mis sur pied un nouveau fonds de transferts technologiques de 2 millions de dollars qui vise à adapter l'innovation internationale à la production québécoise. Le Crocus Fund du Manitoba a pour mandat spécifique d'appuyer l'innovation technologique dans la production et est encouragé à venir en aide aux PME dont la production est de nature intensive en main-d'oeuvre et à haute valeur ajoutée.

Un autre avantage intéressant des investissements de capitaux de risque par le mouvement syndical est la grande capacité d'exportation de bon nombre des entreprises appuyées financièrement. Dans une économie globale, cela permet de renforcer la position concurrentielle à long terme du Canada. Par exemple, en Colombie-Britannique, la plupart des compagnies que le Working Opportunity Fund appuie génèrent plus de 80 p. 100 de leurs revenus en se tournant vers les marchés extérieurs. Dans les provinces où les exportations constituent un élément essentiel du développement commercial et financier, comme en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, les sociétés de capitaux de risque parrainées par le mouvement syndical jouent un rôle de plus en plus important. Évidemment, le secteur de la haute technologie au Canada, l'un des secteurs qui bénéficient le plus de l'appui des fonds d'investissement syndicaux, est très concurrentiel sur le marché international.

L'une des raisons fondamentales de l'appui des gouvernements à l'endroit de ces fonds est que ces mêmes fonds doivent créer, préserver et protéger des emplois. Étant donné la nature de nos institutions, nous prenons à coeur cette dimension de notre mandat. Par exemple, 167 investissements faits par le Fonds de solidarité ont permis de créer ou de protéger 15 400 emplois et de générer tout près de 1 milliard de dollars de valeur ajoutée au Québec. Ces données proviennent d'une étude réalisée par l'Institut national de recherche scientifique.

Avant de conclure ces observations initiales, permettez-moi de faire une brève mention de deux éléments qui devraient sous-tendre toute discussion sur les fonds d'investissements parrainés par le mouvement syndical.

En premier lieu, les quatre fonds représentés ici partagent le même engagement, à savoir rapprocher le patronat et les syndicats. Nous favorisons l'établissement de nouveaux mécanismes permettant des échanges constructifs qui aboutissent souvent à une prise de décisions concertée. L'amélioration du climat des relations patronales-syndicales constitue un objectif fondamental des fonds d'investissement syndicaux et de leurs organismes parrains. Ces fonds favorisent grandement l'innovation en milieu de travail et l'adoption de techniques à haut rendement qui, selon des études récentes, permettent d'améliorer la productivité et l'efficacité dans les entreprises appuyées financièrement.

Cet engagement à poursuivre une approche participative concernant la gestion de l'entreprise, une approche qui permet de regrouper les aptitudes et connaissances, les aspirations et les attentes du syndicat, du patronat et de toute la communauté, est une caractéristique primordiale de ces fonds d'investissement.

En second lieu, je désire souligner le fait que même si nous partageons de nombreuses caractéristiques essentielles et certains principes, chaque fonds est unique en son genre. Chaque fonds est le produit de son propre environnement sur le plan économique, social et politique. Chaque fonds a son propre cadre législatif et ses propres règles de responsabilisation. À l'intérieur du cadre que j'ai décrit au début de ma présentation, nous avons des mandats, des mécanismes, des mesures de contrôle et des objectifs particuliers à chacun.

.1135

Cela dit, je voudrais maintenant demander à David Levi et, par la suite, à Sherman Kreiner et enfin à Ken Delaney de décrire brièvement, comme vous l'avez souhaité, monsieur le président, leurs propres fonds.

Mon collègue Raymond Bachand parlera pendant quelques minutes du Fonds de solidarité et par la suite nous aurons, je le crois bien, suffisamment de temps pour discuter et échanger.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Daoust. Personnellement, comme débutant à ce comité, j'ai trouvé votre présentation extrêmement intéressante et mes collègues pensent sans doute la même chose.

[Traduction]

Monsieur Levi, voudriez-vous nous présenter les faits saillants?

M. David Levi (président et chef de la direction, Working Opportunity Fund (EVCC), Colombie-Britannique): D'accord. Je vais être très bref, car je suis incapable de donner ma présentation avec acétates. Nous avons adopté un modèle perfectionné dans lequel l'éclairage doit venir du bas du rétroprojecteur, mais votre appareil est plus récent, et l'éclairage vient du haut.

Le président: Sapristi.

M. Levi: Vous l'avez échappé belle.

Je vais vous expliquer brièvement l'approche que nous avons retenue, en Colombie-Britannique, et montrer comment elle est légèrement différente. Comme il s'agit dans tous les cas de fonds provinciaux, nous avons une optique légèrement différente dans chaque région.

Je dirai tout d'abord que, pour nous, un élément crucial de ces fonds est la participation des syndiqués à l'achat des actions. En Colombie-Britannique, environ 40 p. 100 de ceux qui investissent dans notre fonds se recrutent dans le mouvement syndical.

Nous avons maintenant un groupe de souscripteurs dans le secteur du courtage. Selon eux, si le produit était vendu normalement par le truchement du système de courtage, il est probable que les ventes aux syndiqués n'atteindraient pas les 10 p. 100.

Grâce à nos contacts directs avec le mouvement syndical et à l'engagement des syndicats à l'égard de ces fonds, nous avons clairement montré que nous puisions des capitaux à une source nouvelle. Voilà donc une nouvelle source de capitaux, venant de personnes qui, normalement, ne feraient pas de placements sur le marché ou, chose certaine, n'achèteraient pas d'actions, et ces capitaux sont canalisés vers des petites et moyennes entreprises.

Nous consacrons beaucoup de temps aux cours que nous donnons aux syndiqués et à la préparation de documents destinés au mouvement syndical. Je dois vous dire que ce type d'accès n'a pas souvent existé par le passé. Il serait juste de dire que, autrefois, le mouvement syndical a été réticent à fournir ce type d'accès pour le monde des affaires. Il a beaucoup fait pour jeter des ponts et nous permet maintenant de produire ce type de documentation.

Dans vos trousses d'information, vous trouverez deux des brochures que nous avons publiées. L'une d'elles porte sur l'économie de la Colombie-Britannique et son fonctionnement, et l'autre sur la planification financière des particuliers. Une troisième est en préparation. Elle expliquera les marchés du capital de risque et la manière dont les petites et moyennes entreprises peuvent réussir sur ces marchés.

Le président: Certains collègues se posent peut-être des questions sur ces trousses. Je crois que j'en vois une. Elles seront mises à notre disposition. Les collègues qui ne sont pas normalement parmi nous devraient nous faire savoir s'ils veulent avoir la trousse eux aussi. Nous devrons peut-être en prévoir un plus grand nombre pour les membres du comité qui ne sont pas ici. C'est de cette trousse qu'il est question.

M. Levi: En ce qui nous concerne, en Colombie-Britannique, l'aspect le plus important, dans l'utilisation du capital de risque ou du capital-actions pour les PME, est la diversification de l'économie de la province. Nous nous sommes donc intéressés, en Colombie-Britannique, à ce que nous appelons l'«économie émergente» ou aux «sociétés émergentes» de la nouvelle économie à laquelle nous devons tous nous adapter.

En Colombie-Britannique, nous encourageons depuis une dizaine d'années des sociétés dans les domaines de la biotechnologie, des télécommunications et de l'électronique. Ce n'est qu'au cours des trois ou quatre dernières années qu'elles ont pris une importance suffisante pour avoir une influence sur l'ensemble de l'économie de la province.

À l'heure actuelle, l'activité qui se rattache au secteur de la technologie de pointe, en Colombie-Britannique, représente environ un milliard de dollars. La majeure partie de ce montant sert à l'exportation des produits, qu'il s'agisse de logiciels ou de matériels. Le plus souvent, ce sont des connaissances qui sont la force motrice sur ce marché.

Nous ajoutons une disposition clé dans tous nos contrats lorsque nous investissons dans une entreprise: dans tous les cas, la société doit permettre l'actionnariat des employés. Comme nous l'avons précisé dans les principes fondamentaux, nous tenons à modifier les modalités de l'emploi dans ces sociétés. Nous tenons à faire en sorte que les employés aient l'impression et la conviction que la société leur appartient et qu'elle aura de meilleurs résultats parce qu'ils y détiennent une participation.

.1140

Comme il a déjà été dit, nous faisons des investissements. Le plus modeste, à ce jour, a été de 250 000$, et le plus important de 2,5 millions. Nos investissements peuvent être de l'ordre de seulement 100 000$.

C'est avec plaisir que je vous informe aujourd'hui que, d'ici une quinzaine de jours j'espère, nous annoncerons notre premier fonds régional en Colombie-Britannique, avec la collaboration de fonds locaux, grâce au programme Développement des collectivités.

Nous avons établi une relation avec une localité et, si l'essai est concluant, nous ferons de même avec d'autres localités. Nous serons donc en mesure de fournir des capitaux à des micro-entreprises régionales dans toute la province. Ces investissements seraient de l'ordre de 15 000$, 20 000$ ou 30 000$.

Permettez-moi de faire une brève récapitulation. Jusqu'à maintenant, nous avons investi dans 17 sociétés. Dans un cas, nous nous sommes départis de notre participation. Je vais vous expliquer rapidement, car ce cas illustre vraiment les résultats qu'on peut obtenir si on fait les choses correctement.

Nous sommes maintenant rendus à environ 18 millions de dollars. Depuis que cette documentation a été préparée, nous avons fait de nouveaux investissements.

Comme Fernand l'a dit tout à l'heure, nos sociétés font beaucoup de R-D. Je dirais que, par rapport à la moyenne nationale, elles en font entre trois et dix fois plus. Certaines consacrent 30 p. 100 de leurs revenus bruts à la recherche et au développement.

Ainsi, l'argent que vous fournissez grâce aux crédits d'impôt sert à la R-D. De plus, comme ces sociétés sont tournées vers les marchés d'exportation, elles font entrer de l'argent frais au Canada au lieu de simplement faire circuler de l'argent qui est déjà là.

Je voudrais vous expliquer rapidement notre structure pour que vous puissiez comprendre comment nous avons fait converger les efforts de l'entreprise, des syndiqués et des gouvernements. Notre conseil d'administration comprend huit membres représentant les syndiqués. Trois autres administrateurs viennent du milieu des affaires, et les actionnaires élisent chaque année deux investisseurs qui font partie du conseil.

Nous avons également un conseil consultatif formé de dix personnalités du monde des affaires dans la province. Il siège avec le conseil d'administration chaque fois qu'il faut prendre des décisions sur des investissements. Ces représentants du monde des affaires participent donc activement aux décisions du fonds. Il y a un vrai partenariat entre les deux entités.

Il va sans dire que nous travaillons principalement avec le gouvernement provincial, puisque notre fonds est assujetti à la réglementation provinciale. Les autorités provinciales veillent sur les exigences réglementaires et s'assurent que nous faisons effectivement les investissements qui sont prévus.

Je ne veux pas m'étendre outre mesure, mais il me semble bon de dire un mot d'une société avec laquelle nous avons parcouru un cycle complet. Nous avons investi dans une société qui s'appelle Photon. Certains d'entre vous en ont peut-être entendu parler depuis une quinzaine de jours, car elle a remporté le prix de l'innovation, le prix de l'exportateur de haute technologie de l'année, qui a été présenté à Ottawa.

Lorsque nous avons investi dans cette société, elle avait un chiffre d'affaires de un million de dollars et huit employés. Elle fabrique une petite boîte noire que je ne vais pas vous décrire, mais qui est utile dans le nouvel univers de 500 ou de 1 000 canaux dans lequel les sociétés de câblodistribution vont entrer d'ici un ou deux ans. La société fabrique donc un produit qui fait partie intégrante de cette innovation.

Le gros des ventes, mettons 95 p. 100, se fait à l'étranger. Le marché se situe aux États-Unis, mais les marchés de l'Asie, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud sont aussi passablement importants pour cette société.

Les circonstances sont exceptionnelles, car nous avions prévu investir pendant une période beaucoup plus longue, mais, dans les dix-huit mois suivant notre investissement, la société est passée à 16 employés et son chiffre d'affaires a atteint 2,5 millions de dollars, les débouchés étant tous, encore une fois, sur les marchés d'exportation. Au bout de cette période, l'un des associés a proposé d'acquérir la société. Nous avons accepté de vendre nos actions.

Résultat, nos investisseurs ont triplé leur mise. Nous avions injecté 500 000$ dans cette société, et nous avons récupéré un peu plus de 1,5 million de dollars. Les employés, qui avaient un régime d'actionnariat, ont obtenu un bon rendement aussi, et ils demeureront des actionnaires de la nouvelle société, dont les effectifs seront multipliés par quatre au cours de l'année, pour atteindre les 70 employés.

Dans ce cas, le nombre d'employés a augmenté de 50 ou 60, alors qu'il n'y en avait que huit au départ. C'est une société relativement petite dont les ventes à l'exportation devraient être d'environ 20 millions de dollars l'an prochain. Tout le monde y gagne, y compris nos actionnaires. Inutile de dire que c'est important pour eux.

.1145

Le cas de cette société est semblable à celui de la plupart des autres dans lesquelles nous avons investi. Certains échecs sont inévitables, comme chacun sait, parce que c'est dans la nature même de cette activité, mais les sociétés dans lesquelles nous investissons ont ce potentiel de croissance, pourvu qu'elles puissent trouver du capital de risque. Comme vous le savez, il manque de capital de risque, surtout en Colombie-Britannique, et le problème dure depuis des années.

Encore une dernière statistique, si vous permettez. Aux États-Unis, les fonds de capital de risque dépassent les 500 milliards de dollars. Au Canada, ils n'atteignent que 30 milliards. Toutes proportions gardées, nous avons encore beaucoup à faire avant de pouvoir concurrencer les fonds de capital de risque des États-Unis.

Merci.

Le président: Qui est le troisième témoin?

M. Sherman Kreiner (président et chef de la direction, Crocus Fund, Manitoba): Je ne me sers pas de techniques aussi avancées pour ma présentation. J'espère donc que je pourrai utiliser mes acétates.

C'est la Fédération du travail du Manitoba qui a mis sur pied le Crocus Fund pour réagir à l'exode des capitaux du Manitoba. Le premier objectif est donc de garder les capitaux manitobains dans la province et de s'en servir pour créer des emplois dans les petites et les moyennes entreprises.

Dans son document de 1993 intitulé Framework for Economic Growth, le gouvernement du Manitoba a fait remarquer que l'accès à des capitaux abordables faisait problème à cause de la situation géographique et défini expressément les problèmes auxquels font face les secteurs de l'information et de la technologie pour trouver des capitaux sur place. Le rapport concluait que, si aucune solution n'était apportée, le Manitoba serait incapable de bâtir une économie fondée sur les idées.

Au cours de nos trois premières campagnes de vente, notre fonds a recueilli près de 24 millions de dollars auprès de particuliers, ce qui est un montant très élevé, compte tenu de la faible population du Manitoba. Environ la moitié de nos investisseurs sont liés au mouvement syndical.

Nous pensons que ce succès s'explique en partie par le rendement du fonds. La valeur de nos actions est passée de 10$ à 11,14$ en 18 mois.

Nous croyons également que la majeure partie de ce succès est attribuable au fait que nous avons mis en place un double système de commercialisation. Une partie de nos ventes se fait par l'entremise des courtiers en placements, ce qui est également vrai pour les autres fonds du Canada anglais.

La deuxième partie de ce système, nous l'avons empruntée au Fonds de solidarité du Québec, qui fait appel à des membres bénévoles spécialement formés des syndicats affiliés à la FTM. Ces personnes reçoivent une formation et détiennent un permis de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba, et ils vendent les actions de notre fonds.

La mise en place de cette deuxième force de vente se traduit par une présence de plus en plus grande, à l'intérieur du mouvement syndical, de personnes qui ont des connaissances poussées en finances. Cette présence assure une forte représentation de syndiqués dans le groupe des investisseurs de Crocus.

En outre, comme nous sommes dans une petite province, nous avons sollicité pour notre fonds des investissements auprès des institutions. Nous avons eu du succès auprès de la Credit Union Central of Manitoba, d'un syndicat et de quelques caisses de retraite.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Combien?

M. Kreiner: Plusieurs centaines de milliers de dollars.

La majeure partie de nos actifs est placée dans des petites et moyennes entreprises. Nous ne concevons pas les investissements que nous préconisons comme des investissements de capital de risque classiques. De manière générale, nous ne sommes pas à la recherche, en priorité, de sociétés qui débutent, et qui présentent donc à la fois des risques élevés et un potentiel de rendement considérable. À la vérité, nous croyons qu'il existe peu d'occasions de cette nature au Manitoba. Nous cherchons plutôt des sociétés existantes qui ont besoin de capitaux pour prendre de l'expansion, dont le bilan nécessite une injection de capitaux pour permettre de contracter auprès des banques les emprunts nécessaires à l'expansion. Nous fournissons cette participation au capital.

Nous cherchons aussi à faire des placements dans des entreprises qui deviendront la propriété des employés ou qui sont disposées à laisser les employés participer à l'administration et à la gestion de l'entreprise.

Une entreprise qui appartient aux employés reste aux mains d'intérêts locaux. Par conséquent, les grandes décisions qui ont des conséquences sur les affaires au Manitoba sont prises au niveau local. Cela crée également un mécanisme de transfert entre générations. Lorsqu'il y a, en plus, participation des employés, la compétitivité s'améliore.

Nous sommes expressément conçus notre loi nous en donne le mandat pour faciliter le transfert de propriété de sociétés qui réussissent, mais qui font face à une crise parce que le propriétaire prend de l'âge et qu'aucune relève n'est prévue.

En ce qui concerne les investissements, nous avons très largement dépassé les exigences de la loi, car plus de 70 p. 100 de nos actifs ont été investis dans les PME au cours de nos trois années d'existence. Notre premier investissement, nous l'avons fait dans Computer Solutions, concepteur de logiciels établi à Winnipeg qui crée et commercialise des logiciels de point de vente pour les détaillants dans le monde entier. En tout, nous avons investi plus de 8,6 millions de dollars.

.1150

Les deux tiers des sociétés dans lesquelles nous avons investi sont dans le secteur manufacturier, un sixième sont des sociétés à forte intensité de connaissances et les autres sont dans le secteur des services. Dans les deux tiers des cas, il s'agit d'expansions, dans un sixième, de démarrages et, dans le dernier sixième, d'acquisitions par les employés. Nos investissements préservent plus de 1 100 emplois et en créeront 200 dans l'année qui vient. En outre, nous avons permis à plus de 500 employés d'acquérir une participation directe dans leur entreprise et, dans le cadre de notre stratégie de retrait, nous ferons en sorte que les autres employés de nos sociétés puissent le faire également.

Nous avons fait oeuvre de pionnier au Canada en implantant une formule qui s'inspire du U.S. Employee Stock Ownership Plan et qui permet de transférer une participation aux employés en empruntant sur les actifs de la société. Cette formule a été utilisée pour la première fois dans une transaction que nous venons de conclure avec Buhler Industries, fabricant de matériel agricole qui a 500 employés et est implanté à Winnipeg et à Morden, au Manitoba.

Notre investissement de 1,2 million de dollars a permis le transfert immédiat de 5 p. 100 de la société à une fiducie créée pour les 500 employés. M. Buhler a tenu les propos suivants, repris dans les journaux;

Le fonds encourage également la participation par le truchement de sa table ronde de 18 chefs de direction, qui réunit les chefs de direction des sociétés dans lesquelles nous avons des investissements et d'autres sociétés manitobaines choisies. Il fait de l'éducation, diffuse de l'information, examine des régimes de participation des employés à la propriété et de gestion participative, encourage la discussion des risques et des avantages et donne des exemples des meilleures méthodes.

Je voudrais terminer en relatant un événement survenu la semaine dernière qui fait clairement ressortir la valeur pluridimensionnelle des fonds des travailleurs.

Mardi, nous avons reçu un appel du président d'une société manufacturière manitobaine qui emploie 200 personnes dans deux installations. Il disait que la société mère avait conclu un accord de vente à une société américaine qui, croyait-il, allait complètement fermer une installation «celle où les employés n'étaient pas syndiqués «et réduire radicalement les activités de l'autre. Le président ajoutait que, à titre de dirigeant de l'équipe de gestion, l'occasion lui était donnée de présenter une offre égale, mais que la société mère prévoyait accepter l'offre américaine dans les 24 heures. Il demandait si nous pouvions l'aider.

D'après ce que nous connaissions de la société, nous avons conclu que l'investissement pouvait être rentable. Faisant appel à notre expérience du financement des entreprises et à nos relations dans la localité, nous avons évalué les besoins en financement pour conclure la transaction, calculé ce que nous pouvions investir nous-mêmes et obtenu une manifestation d'intérêt de la part d'éventuels associés qui voudraient participer au capital, d'institutions disposées à consentir des prêts, et des responsables des programmes de prêt du gouvernement.

L'autre sujet de préoccupation était le syndicat. Les relations avec les travailleurs laissaient à désirer, et le syndicat était sans contrat. Le président estimait qu'il ne pouvait faire aucune offre sans avoir de contrat. Le seul élément favorable, pour un syndicat méfiant, était que nous étions mêlés au dossier. Nous avons pu rencontrer le syndicat, lui faire part de notre évaluation de la situation, lui donner notre avis sur la structure du nouvel accord et proposer un cadre de discussion sur un régime de participation des employés aux bénéfices et à la propriété qui permettrait aux employés de profiter du succès de l'entreprise.

Ce cadre a permis de conclure un accord de principe avant midi le lendemain. À 14 heures, juste avant la réunion du conseil où devait être ratifiée la vente à la société américaine, l'équipe de gestion, armée d'une nouvelle convention collective et de notre lettre disant que nous entendions participer et organiser le financement, a pu égaler l'offre américaine.

Dans les ateliers, la réaction immédiate a été considérable. Le vice-président de la société, pour la première fois, qu'on se souvienne, s'est rendu dans les ateliers, s'est adressé au président du syndicat et l'a félicité d'avoir sauvé la société. Le vice-président à la commercialisation a pris le temps de présenter un important nouveau client aux dirigeants syndicaux et le président a tenu avec les employés une réunion qui a duré 3 heures au lieu des 30 minutes prévues au départ.

.1155

Le résultat, en somme, c'est que la semaine dernière, au Manitoba, au moins 100 et peut-être 200 emplois ont été préservés grâce à un fonds d'investissement parrainé par le mouvement syndical. Le mandat du fonds, en ce qui concerne l'emploi, nous a incité à tenter une intervention. Notre réserve de capitaux et nos compétences en financement d'entreprises nous ont permis d'organiser une transaction rentable. Nos relations spéciales avec le mouvement syndical, doublées de nos connaissances sur les régimes de participation des employés à la propriété et aux bénéfices, ont permis de conclure une convention collective.

Tous ces éléments ont été essentiels. Aucune autre institution n'aurait pu tout faire. Le résultat final, ce n'est pas seulement le maintien d'une entreprise manufacturière ayant 200 employés, mais la restructuration de cette entreprise, une participation renouvelée des employés à la propriété et à l'administration de la société et des relations de travail plus saines.

Le président: Quelle belle histoire ! Je ne vois pas comment vous pourriez faire mieux, Ken, mais je vous invite à essayer.

M. Ken Delaney (président et chef de la direction, First Ontario Fund): Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais essayer d'être bref. Si vous le voulez bien, je vais me contenter de vous parler. Vous trouverez dans les trousses qu'on vous remettra les acétates dont je voulais me servir. Elles sont en anglais et en français. Vous pourrez les consulter plus tard.

Je voudrais vous entretenir moins de nos réalisations que de nos plans. Nous sommes actuellement dans la phase d'accumulation de capitaux. Nous avons commencé à recueillir des capitaux en février 1995. Nos vendeurs ont obtenu leur autorisation et ils se sont mis à l'oeuvre en février 1995, ce qui nous laissait deux semaines dans la période des REÉR, mais pas de temps pour faire de la promotion. Nous avons quand même recueilli environ deux millions de dollars. Nous sommes en train de préparer notre première vraie campagne de marketing cette année.

Le First Ontario Fund a été créé par un groupe de syndicats et des représentants du secteur des coopératives. Pourquoi l'avoir créé? Parce que les syndicats et les coopératives sentaient le besoin, en Ontario, d'une nouvelle source de capitaux. L'Ontario, vous ne l'ignorez pas, a connu une profonde restructuration de son industrie au cours des deux récessions des quinze dernières années. Cela a forcé les syndicats et ceux qui veulent établir des entités structurées différemment à se donner des moyens beaucoup plus perfectionnés.

D'après l'expérience que j'ai vécue avec le syndicat des métallurgistes au moment du rachat d'Algoma Steel, et avec le syndicat des travailleurs des pâtes et papiers au moment du rachat de St. Mary's Paper, à Sault Ste. Marie, et de Provincial Papers, à Thunder Bay, je peux dire, avec d'autres, que le mouvement syndical et le secteur des coopératives ont tenté d'être à la hauteur du défi qu'a constitué pour eux cette profonde restructuration. Même si nous avons des moyens plus perfectionnés, il reste beaucoup d'obstacles qui entravent les régimes de participation des travailleurs à la propriété et empêchent d'élargir le rôle que peuvent jouer les syndicats et les coopératives pour aider l'économie à réagir aux pressions internationales.

Nous avons pu sauver Algoma Steel surtout parce que l'ensemble des créanciers risquaient de perdre 800 millions de dollars si nos efforts échouaient et parce que des milliers d'emplois étaient en jeu. Au fond, c'est toute la ville de Sault Ste. Marie qui aurait été menacée.

Avec les petites et moyennes entreprises, les choses se présentent différemment. Lorsque c'est Algoma Steel qui est en danger, toutes les banques à charte qui détiennent des intérêts doivent s'intéresser au problème, et les deux niveaux de gouvernement aussi. Les PME, qui créent la plupart des emplois, n'ont pas la même audience et ne suscitent pas les mêmes réactions.

.1200

Les possibilités sont pourtant les mêmes. Dans le cas d'Algoma, le succès a été retentissant. Ceux d'entre nous qui ont été mêlés à ce dossier sont tous très fiers de ce qui s'est passé. Mais j'ai vu bien des occasions semblables, de moindre envergure certes, que nous avons laissé passer parce qu'il n'y avait aucune source de capital permettant d'intervenir. Ce sont des expériences comme celles-là qui ont amené le secteur des coopératives et des syndicats à décider de créer le First Ontario Fund.

Trois caractéristiques définissent le First Ontario Fund. La première est que nous allons faire un marketing intense auprès des membres des syndicats qui le parrainent et des coopératives, par l'entremise des coopératives de crédit en Ontario. Au cours de notre première année, 75 p. 100 des capitaux que nous avons recueillis sont venus des membres des syndicats et des coopératives.

La deuxième caractéristique est notre mandat particulier en matière d'investissement. Nous allons nous spécialiser dans les régimes de participation des employés à la propriété, la mise sur pied de coopératives et la restructuration. Il existe des lacunes en ce domaine en Ontario. Dans la province, les fonds de capital de risque ne manquent pas. Un grand nombre d'entre eux se spécialisent dans les entreprises qui démarrent, d'autres dans les produits médicaux ou divers produits de haute technologie. Par contre, il est beaucoup plus difficile de trouver des capitaux pour restructurer les entreprises. C'est donc un important créneau que nous voulons combler.

La troisième caractéristique est que nous avons essayé de tirer parti de l'expérience et des réussites d'autres fonds dont les représentants sont ici présents. Nous nous sommes largement inspirés du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, qui nous a beaucoup aidé par ses conseils en matière d'investissement et continue de nous aider en nous montrant comment faire la commercialisation auprès de nos membres. Le Crocus Fund du Manitoba nous a renseignés sur l'obtention de permis pour des syndiqués chargés ensuite de vendre les actions du fonds. David nous a aidé à conclure un accord avec le réseau des coopératives de crédit. Comme nous nous sommes tellement inspirés de ces autres fonds, nous finirons par être, à bien des égards, semblables à ce qu'ils sont aujourd'hui.

Le First Ontario Fund sera une nouvelle source de capitaux d'investissement. Les syndicats qui le parrainent représentent 185 000 syndiqués ontariens. De plus, nous ferons du marketing par l'entremise des coopératives de crédit.

Le fonds sera donc une source toute nouvelle de capital de risque et, pour de nombreuses personnes, si l'expérience de la FTQ se reproduit en Ontario, l'investissement dans le First Ontario Fund sera le premier placement REÉR. Nous essaierons d'atteindre ces personnes par des moyens qui nous sont propres, en formant des syndiqués et en leur donnant une autorisation spéciale de vente. Cette formule sera particulièrement utile dans les régions isolées et les milieux de travail situés là où les travailleurs seraient, autrement, incapables de faire ce type d'investissement parce que les filières normales que sont les courtiers et les planificateurs financiers sont trop loin.

J'ai dit un mot de notre mandat d'investissement, mais je voudrais vous donner un exemple d'occasion que nous n'avons pu saisir. Il s'agit d'une petite entreprise de fabrication de meubles que nous avons essayé de sauver il y a environ quatre ans, après la signature du traité de libre-échange et l'appréciation rapide de notre devise par rapport au dollar américain.

L'industrie ontarienne du meuble était protégée par des droits tarifaires de 17 p. 100, et le meuble figurait sur la liste de réduction accélérée des droits. À cause de cette réduction des droits et l'appréciation du dollar canadien, les entreprises canadiennes de ce secteur ont vu leurs coûts relatifs augmenter de 30 p. 100 par rapport à ceux de leurs concurrents américains. C'était le signal d'une restructuration et d'un ralentissement dans cette industrie.

Nous représentions les travailleurs de la société que nous tentions de sauver. Il s'agissait d'une entreprise familiale gérée avec une grande prudence à une certaine époque et son bilan était plutôt reluisant. Ses concurrents étaient moins efficaces, ayant des structures de coûts plus lourdes, des problèmes de distribution, etc., mais ils avaient de fortes dettes, si bien que les créanciers avaient tout intérêt à les tenir à flot. Ils ont pu acculer à la liquidation l'entreprise que nous tentions de sauver. Elle a pu s'en tirer avec 85c. au dollar, ce qui est passablement généreux pour une liquidation.

Malheureusement, c'est là un cas où les marchés des capitaux n'ont pas donné le bon résultat, et c'est l'entreprise la plus efficace qui a sombré. Nous avions un excellent plan de restructuration pour assurer la survie de l'entreprise. Nous prévoyions percer un nouveau marché. Malheureusement, l'entreprise a dû fermer ses portes. Je crois que s'il avait été possible de faire appel à un fonds, cette entreprise plus efficace que les autres aurait pu se maintenir.

.1205

En ce qui concerne les régimes de participation des employés à la propriété et les coopératives, il existe d'autres obstacles qui n'ont pas raison d'être. Même à l'époque de l'affaire Algoma. Dans la structure, je me souviens, nous avons prévu des actions spéciales donnant droit de vote que nous détenions dans une coopérative. Tous les travailleurs d'Algoma étaient membres de la coopérative, et c'est ainsi qu'ils exerçaient leur droit de vote. Lorsque nous avons proposé cette structure aux autres protagonistes, quelqu'un m'a dit: «Ken, vous n'avez pas lu les journaux? Le mur de Berlin est tombé.» Ce qui nous semblait être une structure innovatrice a été perçue dans une optique idéologique par certains acteurs.

Bien que les faits ne manquent pas pour montrer que les entreprises appartenant aux employés et celles où les employés participent au capital ont un meilleur rendement et une productivité élevée, ceux qui essaient d'établir ce genre d'entreprise se heurtent à des obstacles.

Selon moi, il y a un important créneau d'investissement que nous pouvons exploiter. Il existe certainement un problème semblable du côté des coopératives. Lorsque nous travaillions sur le dossier d'Algoma, il était impossible de trouver qui que ce soit autour de la table qui ait jamais fait affaire avec une coopérative auparavant et sache comment en structurer une.

Lorsqu'il s'agit de faire des investissements, nous faisons comme les autres fonds, et nous tenons compte non seulement des compétences en gestion, du taux de rendement, du plan d'entreprises, etc., mais aussi de l'engagement de l'entreprise à l'égard de la formation, de la collaboration avec les employés, des méthodes en matière de santé et de sécurité, ce qui est un autre trait qui nous distingue des autres fonds actifs en Ontario.

Le soutien des parrains est ferme et ils croient beaucoup au projet. Ils font gratuitement pour nous la promotion du produit dans les publications des syndicats de travailleurs et des coopératives. Ils collaborent avec nous pour nous aider à commercialiser le produit auprès de leurs membres et, fait important, ils seront également une grande source d'occasions d'investissement.

Au bout du compte, si nous pouvons collaborer avec les syndicats et les coopératives pour améliorer la nature de la relation entre eux et les employeurs, nous serons renseignés sur les possibilités d'investissement, lorsque ces employeurs prévoient une expansion, éprouvent des difficultés financières, etc.

Nous espérons pouvoir établir un mécanisme efficace de communication pour exploiter ces possibilités, ce qui renforcera la rentabilité de toutes les entreprises qui emploient les membres des parrains et, à notre point de vue, nous donne un accès privilégié à de bonnes occasions d'investissement.

Disons, à titre d'information, que nos parrains sont les Métallurgistes unis d'Amérique, le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, le Syndicat international des employés de services, la Ontario Workers Cooperative Federation et la Power Workers Union.

Voilà donc ce qu'est le First Ontario Fund. Je cède maintenant la parole au témoin suivant.

[Français]

M. Raymond Bachand (premier vice-président, Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ)): Bonjour.

Le président du conseil d'administration du Fonds, dans sa présentation générale, a traité d'un certain nombre d'aspects du Fonds de solidarité en français,

[Traduction]

Je voudrais donc m'en tenir à quelques faits saillants pour répondre à votre question sur la situation actuelle du Fonds, au bout de dix ans d'existence.

[Français]

Le président: Cela fait 12 ans maintenant.

[Traduction]

M. Bachand: J'appartiens au milieu des affaires. J'ai passé le plus clair de mon temps dans les affaires au cours des 15 dernières années. J'ai des amis dans le mouvement syndical parce que j'ai été pendant deux ans chef de cabinet au ministère du Travail du Québec, il y a une vingtaine d'année et que j'ai été président de l'Institut national de productivité au début des années 80. Je suis membre du conseil d'administration du Fonds depuis le début. Il y a environ dix mois, on m'a amené à accepter le poste de vice-président exécutif.

Où en est le fonds aujourd'hui? Ses actifs sont d'environ 1,2 milliard de dollars et il compte 250 000 actionnaires. Qui sont ces actionnaires? Vous ne trouverez pas de renseignements là-dessus dans la documentation, mais j'ai des données statistiques de 1993 montrant que 25 p. 100 d'entre eux ont des revenus annuels de moins de 30 000$ et que seulement 15 p. 100 ont des revenus supérieurs à 60 000$. Tous les autres, soit 60 p. 100, ont des revenus qui se situent entre 30 000$ et 60 000$, et ils se répartissent assez uniformément, avec 10 p. 100 par tranches de 5 000$. Ce sont des statistiques de 1993 qui proviennent du ministère du Revenu.

.1210

Nous recueillons nos capitaux au moyen d'un réseau de 1 200 organisateurs locaux à qui nous ne versons aucune commission. Il faut signaler que les deux tiers de nos actionnaires sont des syndiqués et, pour environ 40 p. 100 d'entre eux « je cite de mémoire une étude effectuée il y a quelques années il s'agissait du premier investissement dans un REÉR. Au lieu de simplement prendre une part du gâteau, nous avons en quelque sorte élargi le marché de l'épargne des travailleurs.

Notre situation est peut-être légèrement différente de celle de certains de nos collègues, car nous n'encourageons pas vraiment les travailleurs à devenir propriétaires de leur entreprise, sinon dans une proportion de 5 ou 10 p. 100. La FTQ a créé le Fonds il y a 12 ans parce que les travailleurs ont à la fois leur emploi et leur caisse de retraite chez leur employeur. Leurs épargnes, leur REÉR et autres avoirs de même nature devraient être investis dans ces mêmes sociétés, mais par l'entremise d'un mécanisme collectif comme le Fonds de solidarité. C'est ainsi que nous avons essayé de procéder. Chaque fois que nous faisons un investissement, nous prévoyons dans l'accord avec le propriétaire une disposition disant qu'il va encourager ses employés à faire des placements dans le Fonds de solidarité. De cette manière, les travailleurs ont moins de risques personnels, parce que tous les oeufs ne sont pas dans le même panier.

Nous avons maintenant des investissements d'environ 650 millions de dollars dans des sociétés au Québec, soit directement, soit par l'entremise de 27 fonds, et nous détenons ainsi une participation dans 350 sociétés. Nous avons une participation directe dans un peu plus d'une centaine de sociétés «je n'ai pas les statistiques sur les fonds» et 43 p. 100 d'entre elles ont un actif de moins de 10 millions de dollars et 26 p. 100 ont des actifs qui se situent entre 10 et 25 millions de dollars.

L'une des préoccupations du comité, j'en suis conscient, est de voir si ces capitaux sont canalisés vers les petites entreprises. On peut sans doute dire que c'est le cas chez nous.

Quelle est notre stratégie actuelle? Au cours des deux prochaines années, nous allons sans doute appliquer une triple stratégie. Nous maintiendrons bien entendu notre approche directe auprès des investisseurs. Nous ne cherchons pas à prendre le contrôle; nous préférons être les associés du milieu des affaires et des sociétés. Nous ne voulons ni exercer, ni acquérir le contrôle. Il est arrivé parfois que, accidentellement, nous prenions le contrôle d'une société.

Parmi nos plus belles réussites, il faut noter Tripap, une papetière de Trois-Rivières. C'était une société de Produits forestiers Canadien Pacifique Ltée qui a fermé ses portes. La plupart des travailleurs étaient au service de l'entreprise depuis 20 ou 25 ans et avaient entre 45 et 55 ans. Nous avons réussi, seuls, à rouvrir cette usine. Il y a maintenant 400 personnes qui travaillent avec quatre machines à papier.

La réouverture a eu lieu il y a quelques années, à un moment où le cycle du marché du papier n'était pas à son apogée, comme il l'est maintenant. Nous avons essuyé des pertes pendant les premières années. Nous venons en quelque sorte de la mettre aux enchères. Nous avons organisé une sorte de vente aux enchères pour toutes les papetières au Québec. Nous avons annoncé mardi dernier que la société ouverte Uniforêt prendra le contrôle de la société et la pilotera à l'avenir. C'est le genre de chose que nous aimons faire. Lorsque nous prenons le contrôle, c'est accidentel.

Nous établissons des fonds locaux dotés d'un capital initial de 500 000$. Nous versons un maximum de 250 000$ et les municipalités régionales doivent trouver 250 000$ dans les localités; ces fonds fournissent des capitaux d'amorçage de 5 000$ à 50 000$. Ce sont de très petits investissements que font les localités. Il existe aujourd'hui 25 fonds locaux appelés Solide, et notre objectif est d'en avoir 50 avant le printemps prochain. Par la suite, nous allons financer ces fonds locaux sans exiger une participation égale des localités.

Comme Fernand l'a déjà dit, nous sommes également en train d'établir 16 fonds régionaux dotés au départ de 6 millions de dollars et pouvant faire des investissements de 50 000$ à 500 000$. Nous espérons ainsi répondre à des besoins modestes à la base, avec un montant de 50 000$ à 500 000$ provenant du fonds. La valeur de la société peut varier entre 150 000$ et plusieurs millions de dollars.

.1215

Ces fonds régionaux seront des partenariats limités autonomes. Même si nous fournissons tous les capitaux au départ, la majorité des administrateurs des fonds proviendront de la région, et les fonds régionaux prendront seuls leurs décisions en matière d'investissement. Nous croyons que les gens d'affaires et les personnalités des régions sont aussi intelligents que nous, à Montréal, et peuvent prendre ces décisions.

Le Fonds de solidarité est en train d'adopter une nouvelle approche sectorielle. Nous avons mis sur pied une équipe de cadres de direction qui analysent notre économie secteur par secteur. À cause du libre-échange, l'économie canadienne se transforme complètement et continuera d'évoluer dans les années à venir. Cette équipe essaiera de repérer les joueurs clés, de regrouper et de réorganiser les sociétés au besoin pour qu'elles puissent livrer concurrence sur les marchés mondiaux.

L'un des besoins que nous avons cernés ces derniers mois est celui du financement des exportations. Beaucoup de sociétés doivent se débattre sur les marchés mondiaux et américain. Il existe déjà beaucoup de choses dans le domaine du financement des exportations, par exemple la Société d'expansion des exportations et d'autres organismes semblables. Pour chaque projet, en fin de compte, il faut toujours 10 p. 100 d'avoir ou de garantie réels «1, 2 ou 3 millions de dollars, dépendant du produit», ce qui n'est pas garanti par notre société. La plupart de nos petites sociétés sont sous-capitalisées. Elles n'ont donc pas les moyens de décrocher ces contrats sur les marchés étrangers, et elles ont besoin de ces capitaux. C'est là-dessus que nous allons faire porter nos efforts.

L'une de vos préoccupations dont nous avons pris connaissance est que nous sommes trop importants et qu'il faudrait plafonner les fonds. À cela, nous avons deux réponses. La première, c'est que, dans l'économie québécoise, le taux réel de chômage se situe entre 20 et 22 p. 100. Si on tient compte à la fois des chômeurs et des assistés sociaux aptes au travail, mais non des personnes handicapées, on obtient un taux de 20 ou 22 p. 100. Il y a donc encore beaucoup à faire dans notre économie pour créer des emplois.

Je crois qu'un plafonnement est déjà prévu dans notre loi, et nos collègues sont assujettis à des dispositions semblables. Nous devons investir 60 p. 100 de nos actifs nets, en fonction de la moyenne de l'année précédente, pour avoir droit aux crédits d'impôt, et il y a des sanctions si nous ne nous conformons pas. Notre objectif est de maintenir un taux de 65 p. 100. Dans la mesure où nous atteignons cet objectif, je crois qu'il y a un plafonnement. Lorsque les besoins seront satisfaits, nous ne pourrons plus investir. Un plafonnement naturel est donc déjà prévu dans notre loi habilitante.

Nous soumettons les sociétés à une vérification sociale avant d'investir. Ce sont nos employés qui s'en chargent. Nous avons une équipe de quatre ou cinq personnes issues du mouvement syndical. Comme je suis depuis 15 ans vice-président à l'expansion dans de grandes entreprises, je puis vous dire que c'est le meilleur exemple de diligence raisonnable que j'ai jamais vu. On apprend beaucoup de choses directement sur le parquet de l'usine sur ce qui est bon ou ce qui est mauvais pour l'entreprise. Lorsqu'on explique au propriétaire ou au gestionnaire ce qui se passe, il retire beaucoup de ces vérifications sociales.

Mon dernier point concerne la formation en économie. Je crois que c'est un rôle propre aux fonds des travailleurs, il est très différent de ce qu'on observe dans les fonds de capital de risque. C'est une vraie révolution culturelle. Dans chaque société où nous investissons, nous tenons chaque année un colloque de deux jours, et nous commençons par les dirigeants syndicaux et les travailleurs clés. La formation de base comprend la définition de choses comme les bilans, l'état des résultats, la marge brute d'autofinancement et la productivité. Qu'est-ce que tout cela veut dire? Qui sont nos concurrents? Lorsque nous travaillons sur le bilan de la société, il arrive souvent que le chef de direction vienne à la fin du cours pour répondre aux questions. Il n'est pas rare que le chef de direction soit, de prime abord, réfractaire à cette approche, parce que ce sont les chiffres de sa société et que c'est une société privée. Mais, aujourd'hui, la plupart des chefs de direction sont les plus chauds partisans de cette approche, et les sociétés, grandes et petites, nous demandent des cours supplémentaires.

En 1996, nous consacrerons environ 1,5 million de dollars à ce que nous appelons la formation et l'éducation. Nous donnons également une formation sur les grandes notions d'économie et la structure des entreprises à des syndiqués qui font partie des conseils d'administration régionaux, des fonds régionaux et des institutions gouvernementales. Cette révolution culturelle vient en fait de l'entreprise. Elle s'opère dans notre économie et nos sociétés.

Essentiellement, nous bâtissons la confiance entre la direction et les syndicats. Seul un fonds des travailleurs peut agir de la sorte. Lorsque nous disons aux travailleurs ce qui ne va pas, ils nous croient, et c'est la même chose avec les dirigeants. Ils ne croiraient aucun autre consultant.

.1220

Je me suis écarté de la documentation, puisque vous pouvez la lire, pour attirer votre attention sur quelques faits saillants qui illustrent la situation actuelle du Fonds. Merci beaucoup.

Le président: Je dois dire que je suis heureux que vous ayez tous dépassé le temps prévu. Ce que vous nous présentez est excellent. Je suis persuadé que mes collègues veulent s'entretenir avec vous le plus rapidement possible.

[Français]

Comme il ne nous reste que très peu de temps et que beaucoup de gens s'intéressent à ce projet, pourrions-nous nous limiter à cinq minutes chacun pour le premier tour?

M. Rocheleau (Trois-Rivières): J'aimerais commencer par remercier chacun des témoins pour leur prestation, notamment M. Fernand Daoust et, de façon toute particulière, M. Raymond Bachand.

J'aimerais aussi remercier le Fonds solidarité des travailleurs du Québec pour son action en termes de développement économique au Québec. On pourrait même parler de développement socio-économique du Québec et des Québécois et Québécoises. Messieurs, vous avez droit à tous nos remerciements.

Plus tôt, on a fait allusion à mon rôle de député de Trois-Rivières, notamment en ce qui a trait au dossier de Tripap, qui est la relance de l'ancienne compagnie Produits Forestiers Canadien Pacifique, qui comptait 1 200 employés et qui avait fermé ses portes. Grâce à une intervention magistrale du Fonds de solidarité, qui avait, si ma mémoire est bonne, investi 28 millions de dollars pour relancer les opérations, quelque 400 emplois ont pu être recréés. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous remercier, au nom de la population de Trois-Rivières, de l'effet extrêmement bénéfique de votre intervention chez nous.

Où se situent, par rapport aux gros fonds, les interventions que vous prévoyez faire sur les plans régional et municipal dans chacune des régions?

M. Bachand: Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi votre question.

M. Rocheleau: Historiquement, le Fonds de solidarité intervient partout au Québec et il vient de décider de faire une intervention plus pointue, si je comprends bien, dans chacune des régions. Quel sera le rôle de chacun des paliers et quelle est sa philosophie d'intervention?

M. Bachand: Il y a les SOLIDE, qui sont de petits fonds. Mais prenons les 16 fonds régionaux, un par région, à qui on accorde 6 millions de dollars de capital et un conseil d'administration. C'est donc une société en commandite. La fiscalité étant très compliquée au Canada, on ne peut pas faire une fiscalité intégrée des compagnies. Donc, on choisit une société en commandite.

Les conseils d'administration sont composés de neuf membres. Le Fonds, la FTQ et le gouvernement du Québec nomment chacun un membre du conseil. Celui nommé par le gouvernement est souvent un fonctionnaire, parce que le gouvernement subventionne les frais de fonctionnement. Quant aux autres membres, ils sont des hommes et des femmes d'affaires et d'autres leaders de la région. Les membres du conseil sont totalement autonomes et approuvent des investissements pouvant aller de 50 000$ à 500 000$, soit un maximum de 10 p. 100 de leurs fonds.

Le Fonds injecte 6 millions de dollars dans chaque fonds régional. Évidemment, nous avons nos vérificateurs qui s'assurent que l'on procède selon les règles comptables. De plus, nous mettons sur pied une équipe de trois conseillers supérieurs. Chacun de ces conseillers a la responsabilité de conseiller et de former cinq conseils.

Le reste de nos ressources est mis à la disposition de ces fonds régionaux. Notre service d'étude de marché a étudié de nombreuses entreprises et de nombreux secteurs industriels au cours des années. Nous avons fait des études de marché qui pourraient répondre, par exemple, à une demande du fonds régional de la Mauricie. Cependant, ces fonds régionaux sont totalement autonomes dans les décisions qu'ils prennent en ce qui a trait aux entreprises dans lesquelles ils investiront, aux montants investis et à la façon de structurer leur investissement. C'est du capital de risque comme dans notre cas.

Nous ne contrôlons pas le conseil d'administration. Le conseil peut se renouveler et se perpétuer. Notre seul contrôle consistera à rayer des noms d'une liste d'administrateurs que le conseil nous aura soumis, mais à part cela, ils seront autonomes.

Cela répond-il à votre question?

M. Rocheleau: Oui.

M. Daoust: J'aimerais qu'on se rappelle que le Québec, sur le plan administratif, est divisé en 16 grandes régions administratives. Donc, le Québec aura des fonds dans chacune de ces régions. Je parle des fonds régionaux qui vous ont été décrits par Raymond Bachand.

.1225

Il vous a parlé rapidement de ce qu'on appelle les SOLIDE, les sociétés locales d'investissement et de développement de l'emploi. Aujourd'hui, il en existe 25 et l'objectif est d'en avoir 96. Pourquoi 96? C'est que le Québec a un regroupement des municipalités rurales, de petites municipalités, dans un organisme qui s'appelle l'Union des municipalités régionales de comté, l'UMRCQ, que vous connaissez fort bien.

Il y a, au Québec, 96 municipalités régionales de comté qui regroupent au-delà de 1 500 petites municipalités. Quelques grandes villes ne font pas partie de l'UMRCQ, mais plutôt de l'Union des municipalités du Québec, mais elles ne sont qu'une demi-douzaine.

Je ne veux pas vous inonder de chiffres, mais notre objectif est que d'ici environ 18 mois, l'ensemble du Québec ait la présence, au niveau municipal, très très près des citoyens, de 96 SOLIDE et, au niveau régional, de fonds de solidarité régionaux.

M. Rocheleau: Imaginons le cas de Tripap, avec la structure d'un fonds régional et d'une SOLIDE. Peut-on imaginer une collaboration des trois instances ou visera-t-on trois créneaux différents d'intervention? Ou encore, cela pourrait-il être complémentaire?

M. Bachand: Je pense que ce sera complémentaire. Il y a beaucoup de petites entreprises que nous ne rejoignons pas parce qu'elles sont vraiment dans les régions. C'est pourquoi nous mettons sur pied des fonds régionaux qui pourront investir entre 50 000$ et 500 000$.

Si on parle d'investissements de l'ordre de 40 millions de dollars et plus, ils seront faits directement par le Fonds de solidarité. Par contre, des investissements de cette taille constituent des exceptions. Cela nous fait peur. We'll try to keep it down.

M. Rocheleau: Au cours des travaux de notre comité, nous avons pu constater ici, à Ottawa, une croyance, sans doute légitime, qui veut que les fonds des travailleurs au Canada coûtent trop cher au trésor public et qu'on doive remettre en question l'encouragement de l'État et des contribuables à ce genre de fonds. Cette croyance a déjà été contestée, mais avez-vous une réponse à donner à ces gens-là?

[Traduction]

Le président: Il ne faut pas perdre de vue ce point très important, mais je voudrais que nous pressions le pas.

[Français]

Je n'ai pas l'intention de clore la discussion. Cependant, c'est un point très général qui intéresse tout le monde. On pourra peut-être y revenir vers la fin.

[Traduction]

M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Pour commencer, je tiens à vous remercier d'être venus et de nous avoir parlé du capital de risque, car il en est beaucoup question, et nous avons entendu des gens dire qu'ils ont besoin de beaucoup plus de capital de risque, et nous voici en présence de personnes qui s'occupent justement de cela.

Je suis un membre relativement nouveau du comité et, si mes questions ne semblent pas toujours parfaitement au point, vous pourrez peut-être les rectifier et y trouver un certain sens.

Je m'interroge sur la capitalisation et l'origine de l'argent. Vous mettez l'accent sur les organisations syndicales qui soutiennent ces initiatives, mais où allez-vous chercher le reste de votre argent? D'où vient-il?

.1230

M. Levi: Je peux vous dire ce qui se passe en Colombie-Britannique. La Commission des valeurs mobilières de cette province exige que toutes les ventes se fassent par l'entremise de firmes de courtage pour que l'acquéreur ait les conseils d'un tiers.

Dans notre cas, les statistiques sont exactement celles qui ont été citées il y a un moment. La plupart de nos investisseurs sont des particuliers qui essaient de décider où placer l'argent de leur REÉR, et ils placent en moyenne de 2 500$ à 3 000$ chacun dans le fonds, ce qui vous donne une idée de notre investisseur type. La vaste majorité d'entre eux ont des revenus de 25 000$ à 50 000$, peut-être même 60 000$.

Nous avons une aide spéciale à l'intérieur du mouvement syndical, car ce ne sont pas des investisseurs habituels qui s'intéressent à ce type de placement; les fonds ont amené beaucoup de syndiqués à acheter des actions et à fournir des capitaux aux entreprises, ce qu'ils ne font pas normalement. C'est vraiment un type de placement pour les travailleurs.

M. Mayfield: Est-ce que des coopératives de crédit comme Vancity, que je connais un peu, tout comme vous peut-être, monsieur Levi, peuvent accepter l'argent de clients pour l'investir dans le fonds?

M. Levi: Je crois que cela se fera cette année pour la première fois. Les coopératives de crédit ont acheté ou bien ouvert une firme de courtage pour l'ensemble du pays. Donc, pour la première fois, elles seront en mesure de vendre des actions du fonds.

En Colombie-Britannique, la réglementation est très stricte. On n'autorise pas les ventes par des tiers ou des vendeurs autorisés différents comme c'est le cas dans d'autres provinces. Il faut que les transactions se fassent par l'entremise des maisons de courtage. Nous faisons donc appel à un ensemble de courtiers... Nous avons des lignes 800 pour faire la publicité. Beaucoup de clients du réseau des coopératives de crédit ont acheté des actions du fonds, parce que je le tiens des coopératives de crédit avec qui j'ai discuté... Pour ceux d'entre vous qui ne le sauraient pas, je suis l'ancien président de Vancity Credit Union. C'est ce qui m'autorise à parler un peu des difficultés des affaires bancaires et de la capacité des banques de fournir ce type de capital de risque.

M. Mayfield: Si je me souviens bien, j'ai vu, lorsque je suis allé à la coopérative de crédit, de la publicité sur les fonds environnementaux ou les fonds à vérification sociale, et il me semble que le rendement sur ces fonds était un peu inférieur. Est-ce exact?

M. Levi: Non. J'ai été l'un des fondateurs du Ethical Growth Fund, qui fait maintenant partie d'un groupe de fonds qui totalisent environ 400 millions de dollars. Ces fonds mutuels sont investis dans des sociétés ouvertes, et, statistiquement, le rendement sur les fonds éthiquement responsables est en fait légèrement supérieur à la moyenne.

Il y a des fonds moins alléchants et d'autres qui sont meilleurs, mais, si on prend sept ou huit fonds, en laissant de côté pour l'instant les fonds parrainés par le mouvement syndical et en ne retenant que les fonds qui sont soumis à une vérification sociale et qui investissent dans les sociétés ouvertes en général, je dirais que la majorité se situent au-dessus de la moyenne des autres fonds mutuels. En réalité, le rendement est plus élevé pour les fonds à vérification sociale.

M. Mayfield: Je veux que vous compreniez où je veux en venir. Je pense que ce que vous faites est important, et ce que je cherche à savoir, c'est comment vous pouvez amener un plus grand nombre de personnes à faire des placements dans le capital de risque.

Je m'interroge sur les vérifications sociales, la sécurité, la santé, l'environnement et d'autres facteurs semblables dont il est question dans la documentation que vous diffusez. Est-ce que ces critères s'ajoutent à ce qui est exigé, mettons, par la réglementation provinciale en matière d'environnement?

Je viens de la région de Cariboo, et l'environnement compte beaucoup là-bas.

M. Levi: La réponse est sans doute que les vérifications ne sont pas exigées par la loi, en Colombie-Britannique. Ces fonds ont été établis seulement pour créer et préserver des emplois en général.

Je pense que, en faisant appel à des personnes actives dans le mouvement syndical, on veut faire en sorte que le milieu de travail, le produit et tout le reste favorisent une activité durable à long terme. C'est là que les vérifications sociales prennent toute leur importance.

D'après beaucoup d'études américaines «il y en a eu aussi quelques-unes au Canada, mais très peu sur l'actionnariat des employés et, en particulier, le travail des coopératives» la productivité augmente beaucoup plus dans les sociétés qui fonctionnent de cette manière.

Sherman voudrait peut-être répondre. Il s'y connaît un peu mieux que moi.

.1235

M. Kreiner: Je voudrais dire quelques mots, de manière générale, sur la terminologie que nous employons. Selon moi, l'expression «vérification sociale» ne décrit pas la réalité. Elle laisse supposer qu'il y a d'une part diligence raisonnable et, d'autre part, une série de facteurs sociaux qui sont examinés pour des raisons non précisées. Nous croyons que les facteurs que nous prenons en considération sont directement liés aux résultats des sociétés dans lesquelles nous investissons. Si les employés participent et s'ils sont propriétaires, cela a un retentissement sur la productivité et la compétitivité de la société. L'excellence du travail est garant de la qualité du produit ou du service.

La plupart de ceux qui sont dans le secteur du capital de risque ne tiennent pas compte, normalement, de ces facteurs, mais nous pensons qu'ils sont aussi cruciaux pour la rentabilité à long terme de la société que peuvent l'être ses marchés, la compétence de ses gestionnaires et ses liquidités.

M. Mayfield: Vous avez parlé de formation. Comment récupérez-vous les coûts de ces projets de formation? Y a-t-il des frais?

M. Levi: Non. Chez nous, nous fournissons la formation gratuitement. C'est une dépense supplémentaire, mais nous croyons que nous la récupérons à long terme à la vente de nos actions dans la société. En d'autres termes, la société est plus solide, comme Sherman l'a expliqué, ce qui lui confère une plus grande valeur. Mais ce n'est pas une valeur qu'il est possible d'isoler spécifiquement.

M. Mayfield: C'est une meilleure affaire que la Banque fédérale de développement, n'est-ce pas?

Si vous me permettez, j'ai encore une question simple et même élémentaire. Nous avons parlé de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. L'argent que vous investissez... Est-ce un investissement ou cela relève-t-il de la Loi?

M. Levi: Je ne connais pas les détails de cette loi. Ce que nous fournissons, c'est du capital de risque. L'élément clé, ici «et je parle à la fois comme banquier actif dans une institution de 4 milliards de dollars, Vancity, et comme responsable d'un fonds de travailleur» c'est que les compétences des gestionnaires, dans les deux organisations, sont complètement différentes. Les banques s'occupent de prêts qui sont garantis; elles cherchent donc à savoir s'il y a en garantie une maison ou d'autres actifs bien concrets.

Tout notre personnel a été formé pour évaluer des actifs moins concrets. Cela ne changera jamais. Il y a des micro-entreprises qui peuvent tirer profit de prêts modestes, et c'est à ces besoins que nous tentons de répondre par notre premier fonds régional.

Les sociétés qui connaissent le type de croissance dont nous nous occupons ont besoin d'une capacité supplémentaire en gestion que nous pouvons fournir. Il est donc très important de pouvoir compter sur ce groupe de personnes. C'est une différence clé pour la Colombie-Britannique. Nous avons maintenant une équipe permanente et à plein temps qui peut passer son temps à aider ces sociétés à pénétrer les marchés et à gérer leurs activités lorsque la croissance fait passer leurs effectifs de 8 à 60 personnes.

Le président: Je suis passé maître en gestion souple du temps.

M. Mayfield: Ma question était courte.

Le président: Absolument.

M. Mayfield: Je suis satisfait de la réponse.

Le président: J'essaie de diriger la séance en demandant aux témoins de s'en tenir à 20 minutes et ils prennent une heure. Je demande ensuite à M. Rocheleau de se limiter à cinq minutes, et il en prend huit.

Peu importe. Monsieur Bélanger.

[Français]

Allez-y.

M. Bélanger: Messieurs, et particulièrement monsieur Daoust, merci beaucoup pour votre présentation.

Nous avons reçu un document qui est une déclaration représentant un accord entre cinq fonds d'investissement. Pourquoi les 12 autres n'ont-ils pas adhéré à cette déclaration?

D'après les documents qu'on a reçus du Centre canadien du marché du travail et de productivité, en mars 1995, il y avait 17 fonds. Faut-il comprendre qu'on n'a pas eu le temps de communiquer avec les 12 autres ou bien qu'ils n'ont manifesté aucun intérêt?

M. Daoust: Je ne veux pas relire cette déclaration, car vous l'avez devant vous.

.1240

Les groupes représentés ici, ainsi que celui du Nouveau-Brunswick, se sont rencontrés à de multiples reprises. Nous faisons tous partie, par nos syndicats ou nos fédérations de travailleurs et travailleuses, du Congrès du travail du Canada.

Nous savons dégager les fondements, l'essence même de ces fonds, et nous souhaitons que tous les fonds, quels qu'ils soient, puissent adhérer à une telle déclaration conjointe, dans la mesure où les principes qui y sont énoncés font l'objet d'un accord de leur part. Chacun peut s'y retrouver, et là où il y a des lacunes, elles pourraient être corrigées.

Pour nous, c'est fondamental; il n'y a pas d'ambiguïté dans ma réponse et il n'y a pas d'impérialisme d'aucune sorte non plus. Il ne s'agit pas de dire à qui que ce soit de se fusionner à tel ou tel fonds. Mais il nous semble que ce grand projet innovateur - je me permets peut-être de répondre à d'autres questions - , qui est unique au Canada, soit dit en passant, doit faire l'objet, de la part de tous ceux qui interviennent, que ce soit les gouvernements ou les groupes, d'une très grande précaution.

Il existe des principes de base. On pourrait faire de très longs commentaires sur une gestion assurée par un organisme syndical, mais, selon nous, il faut que l'organisme syndical ait la taille qui lui permette des interventions très positives, entre autres sur le plan de la formation économique et, au-delà des choses concrètes, sur le plan de l'impact sur les mentalités, les comportements et les attitudes.

C'est bien beau de souscrire aux objectifs, mais encore faut-il être en mesure d'avoir les moyens de tracer ce qu'on appelle en anglais a social audit, un bilan social, d'encadrer et de faire en sorte que le fonds de développement ou de capital de risque ait un rôle proactif. Cela est fondamental aussi. Nous ne sommes pas des banquiers. Ce n'est pas un truc pour faire vivre qui que ce soit. L'objectif fondamental est de rapprocher le mouvement syndical et le mouvement patronal et de faire de la formation économique.

M. Bélanger: Me permettez-vous de vous interrompre?

M. Daoust: Allez-y.

M. Bélanger: J'aimerais vous poser une question sur le point numéro III, qui a trait à un engagement à obtenir un taux de rendement équitable pour les actionnaires.

Je suis curieux de connaître la portée de cet engagement pour ces cinq fonds. Jusqu'où va-t-il et d'où tire-t-on les ressources nécessaires pour le garantir?

M. Daoust: Je vais demander à mes collègues de répondre. Raymond.

M. Bachand: Un rendement équitable veut dire qu'on ne cherche pas à maximiser le rendement. Nos objectifs sont la création d'emplois, le développement économique et un rendement adéquat. On n'investira jamais dans une entreprise si on pense perdre de l'argent. Nous ne sommes pas un organisme qui accorde des subventions ou un organisme de bien-être.

Nous visons un rendement adéquat. Quant à nous, c'est une règle très informelle. On se dit que cela est acceptable pour les actionnaires, étant donné les crédits d'impôt. Si le gouvernement donne des crédits d'impôt, c'est bien pour qu'on fasse un travail différent des autres.

.1245

Ce qui est acceptable pour nos actionnaires, c'est que les résultats soient d'environ 3 points de pourcentage de moins que les obligations ou les certificats de dépôt lors de la campagne REÉR. À ce moment-là, l'argent continue à entrer chez nous. Si l'écart grandit, c'est plus faible. Cette année, au Fonds de solidarité, on aura un rendement exceptionnel. On verra les résultats de notre campagne.

Dans notre attitude d'investissement, on ne recherche pas nécessairement, dans tous les cas, comme les entreprises de capitaux de risque traditionnelles, 25 p. 100 de retour sur l'investissement. On a 15 p. 100 de rendement...

M. Bélanger: S'il y avait un rendement négatif au cours d'une année, le Fonds s'engagerait-il à aller puiser, d'une façon ou d'une autre, dans ses réserves pour assurer le rendement de l'ordre de 3 ou 3,5 p. 100 dont vous parlez?

M. Bachand: Cela ne nous est pas arrivé. Cependant, avec la taille de certains de nos investissements, cela pourrait nous arriver. La raison est que 35 ou 40 p. 100 de nos fonds sont placés dans les marchés monétaires et obligataires et assurent le paiement de nos frais, que nous essayons de réduire d'année en année - on en est rendus à 2,7 p. 100 et on vise 2 p. 100 - , ce qui assure un rendement minimal à l'actionnaire.

Quant au portefeuille d'investissement, le rendement a déjà été négatif, mais pas suffisamment pour balayer le rendement et subir une perte. Cela peut arriver, surtout dans la mesure où nous avons des investissements qui sont évalués au marché. Donc, lors de la prochaine récession, dans les marchés...

[Traduction]

M. Bélanger: J'ai deux rapides questions sur la manière de procéder, mais je pourrais poursuivre longtemps.

Combien de temps durera la période de capitalisation du fonds ontarien? Au début de votre exposé, vous avez dit que vous étiez dans la phase d'accumulation de capitaux. Combien de temps durera-t-elle?

M. Delaney: La phase de capitalisation se définit comme la période précédant le premier investissement. Nous commencerons à chercher sérieusement des occasions d'investissement en mars. Nous prévoyons faire au moins deux ou trois investissements d'ici septembre prochain. Nous serons actifs pendant l'été.

M. Bélanger: Enfin, dans le calcul des actifs du fonds «j'ai ces cinq pages en main, et je vous remercie des numéros de téléphone; nous communiquerons peut-être» tenez-vous compte du rendement passé sur les actifs? Est-ce qu'il s'agit des actifs cumulatifs ou seulement des investissements?

M. Levi: Dans tous les cas, c'est cumulatif. Il y a des formules légèrement différentes. La nôtre, en Colombie-Britannique, par exemple, veut que 80 p. 100 soient investis sur trois ans. Nous avons donc une période un peu plus longue pour faire les investissements, mais l'objectif à atteindre est plus élevé. Cela est propre à la Colombie-Britannique. Je crois que tous les autres fonds doivent atteindre 60 p. 100 à la fin de la deuxième année. Il y a donc des différences.

M. Bélanger: Vous n'avez pas compris ma question. Les actifs du Working Opportunity Fund...

M. Levi: Je vois. Ils sont de 78 millions de dollars. Cela comprend les bénéfices que nous avons réalisés.

M. Bélanger: D'accord.

M. Levi: Ils augmentent avec le temps. Nous en sommes maintenant à environ 83 millions de dollars. Le plus gros de l'augmentation s'explique par les bénéfices que nous avons réalisés cette année.

M. Bélanger: J'ai bien aimé cet exposé. Merci beaucoup.

Mme Bethel (Edmonton-Est): Votre exposé a été excellent. Je suis depuis longtemps convaincue que le rendement sur les investissements peut être bien plus considérable que le simple rendement financier. J'ai été courtière en placements et présidente du conseil d'administration du fonds d'amortissement d'Edmonton... Je crois qu'Edmonton a été l'une des premières villes canadiennes à se doter d'une politique sur les investissements responsables. Je comprends donc très bien ce que vous essayez de faire.

Je me pose toutefois quelques questions. Le profil économique des investissements... je voudrais que vous me parliez du rendement sur les investissements. Comment se compare-t-il à celui des fonds de capital de risque ordinaires?

M. Levi: La façon de procéder du Working Opportunity Fund diffère un peu de celle du Fonds de solidarité. Chacun a son optique régionale. Nous nous occupons avant tout de la diversification des sociétés, et celles auxquelles nous nous intéressons connaissent une rapide croissance. Nous ne faisons pas nécessairement autant d'investissements dans des sociétés existantes. Nous nous attendons à voir...

.1250

Mme Bethel: Je comprends, mais il y a d'autres fonds de capital de risque qui investissent dans les mêmes...

M. Levi: J'ai commencé par là parce que nous sommes actifs dans un secteur où d'autres fonds de capital de risque investiraient, s'il en existait en Colombie-Britannique. Nous prévoyons un rendement semblable sur nos investissements et nous structurons nos investissements de cette manière parce qu'il y a un rendement.

Nous estimons que les crédits d'impôt compensent la patience des investisseurs, qui doivent attendre un minimum de huit ans, et le risque. C'est ce qu'ils reçoivent. Nous essayons de leur obtenir un rendement sur le marché par nos investissements, qui se font dans des sociétés à forte croissance. C'est la nature de ces investissements.

M. Kreiner: Il faut s'attaquer à la question du rendement sur le marché.

L'une des difficultés qui se posent au Manitoba est que, si on gérait un fonds de capital de risque classique pour obtenir sur les investissements le rendement normal de ces fonds, on n'obtiendrait aucun résultat. Il n'y a pas d'autres sources de capital de risque dans la province, et, lorsque des entités publiques ou parapubliques, dans le domaine du capital de risque, ont essayé de fonctionner comme des sociétés ordinaires de capital de risque, elles n'ont pas investi leur argent. Elles ont 20 ou 30 millions de dollars, mais elles ne l'ont pas investi, parce qu'il n'y a pas d'occasions d'obtenir un rendement de 30 p. 100.

Mme Bethel: Je comprends ce que vous dites des régions, mais si on va au-delà des régions...

M. Levi: Ce que nous essayons de dire, c'est que cela dépend de la situation propre à chaque province. Chez nous, la nature des sociétés est telle que le rendement est analogue à celui d'investissements de capital de risque. Il n'y a pas de sociétés semblables au Manitoba. Là-bas, on s'occupe des transferts entre générations, ce qui se traduit par des rendements de 8, 9 ou 10 p. 100, parce que les sociétés ne peuvent avoir une croissance aussi vigoureuse. Au Québec, c'est un mélange des deux, parce qu'il y a là-bas une industrie manufacturière plus importante que les fonds financent également. Les fonds sont adaptés aux différentes régions.

M. Kreiner: Nous devons aller sur le marché. Si nous ne procurons pas un taux de rendement suffisant, les investisseurs ne placeront pas d'argent dans nos fonds. Ce qui est suffisant, c'est ce que les investisseurs jugent suffisant, mais si nous continuons à ne pas avoir de rendement, les investisseurs peuvent placer leur argent ailleurs. Nous devons...

Mme Bethel: Vous avez dit également que, en général, vous avez affaire à des clients qui ne sont pas très renseignés.

M. Kreiner: J'estime que, pour un fonds des travailleurs, surtout lorsque des syndiqués s'occupent de la vente, le degré de responsabilité nécessaire pour veiller à ce que les investisseurs ne perdent pas leur argent est bien différent de celui d'un courtier qui touche une commission, fait des investissements et invite les investisseurs à placer de l'argent. Comme dans le Fonds de solidarité, nos syndiqués qui sont représentants ne touchent pas de commissions. Aucun incitatif financier ne les pousse à faire des ventes.

Mme Bethel: Deux questions rapides.

Qui a parlé des difficultés que les banques éprouvent à fournir ce type de capital? Pouvez-vous expliquer rapidement quelles sont ces difficultés et comment on pourrait les surmonter?

M. Kreiner: En un mot, les banques ont du mal à consentir des prêts aux sociétés dont l'activité repose sur la technologie et les connaissances. Un grand nombre des sociétés dans lesquelles nous investissons se trouvent dans ces secteurs. Une fois qu'elles ont dépensé leur propre argent et celui des investisseurs qui les appuient, il ne leur reste plus beaucoup de sources où puiser.

Mme Bethel: Vous voulez épargner les banques?

M. Bachand: Parfois, je me range du côté des entreprises, lorsqu'elles sont très agressives envers les banques. Les banques ont du mal à consentir des prêts lorsque les actifs ne sont pas concrets, mais, même dans le secteur manufacturier, plus classique, je crois qu'elles ne se sont pas encore remises du choc de la récession. Dans beaucoup d'investissements que nous sommes prêts à envisager, elles demandent une garantie, même pour des choses qu'elles devraient normalement assumer.

Nous nous intéressons à des parties différentes du bilan. Les 60 p. 100 d'investissements admissibles qui nous sont imposés aux termes de la loi, ce sont des investissements non garantis, du capital-actions, des actions privilégiées ou des dettes de second rang, mais si nous avions une garantie... Nous avons parfois des garanties, mais ce sont des investissements qui ne sont pas admissibles, et ils ne comptent pas dans les 60 p. 100. Les banques s'intéressent surtout aux éléments garantis du bilan, comme les stocks.

Nous sommes complémentaires plutôt que concurrents. Dans certains cas, j'ai rejeté les recommandations de mes spécialistes en investissements en leur disant que c'était le rôle des banques, pas le nôtre. Malheureusement, les banques ne jouent pas leur rôle, par les temps qui courent.

.1255

M. Levi: Les banques ont à l'interne, à cause du personnel qu'elles engagent et de leur structure, une capacité très limitée pour faire des prêts sur des actifs non concrets. Le problème, c'est qu'elles ont obtenu des résultats très médiocres dans ce qui était leur secteur manufacturier et qu'elles sont convaincues que le monde évolue vers les actifs moins concrets, mais elles ne sont actives ni d'un côté ni de l'autre. Je crois que vous avez raison de continuer à mettre les banques sur la sellette, parce qu'il y a un rôle à jouer pour ceux qui comprennent, et il y en a quelques-uns dans le milieu bancaire qui comprennent comment prêter pour ces nouveaux types de technologie, mais ils sont très peu nombreux.

Mme Bethel: Ma dernière question concerne l'équité. Je voudrais que vous me disiez un mot de la proportion des deux sexes dans vos conseils d'administration et votre clientèle. Faites-vous preuve d'équité? Pouvez-vous nous le montrer?

M. Levi: Le conseil d'administration de notre fonds, le Working Opportunity Fund, compte sept femmes et six hommes. Le conseil a pour politique d'assurer une certaine représentativité. Nous avons également des administrateurs qui proviennent des minorités visibles. C'est une décision délibérée du conseil.

Mme Bethel: Et vos prêts? Pouvez-vous évaluer...

M. Levi: C'est un peu plus difficile parce que nous traitons avec des sociétés. Quant à nous, et je pense que les autres font la même chose, nous examinons, en faisant la vérification sociale, les obstacles et les débouchés pour les femmes et les minorités visibles dans les sociétés avec lesquelles nous faisons affaire.

Mme Bethel: Sur le plan du travail?

M. Levi: Effectivement. Lorsqu'il s'agit de sociétés privées, le conseil d'administration est plutôt restreint. Seulement quatre ou cinq personnes ou plus.

Mme Bethel: Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est au Québec... et peut-être au Manitoba aussi?

M. Bachand: Le conseil est diversifié. Parmi les administrateurs de l'extérieur, en dehors du mouvement syndical, deux sur trois sont des femmes. Les administrateurs venant du monde syndical sont choisis parmi les membres du Bureau de la FTQ. Je crois qu'il y a parmi eux une ou deux femmes. Les autres sont des hommes parce que les syndicats du secteur manufacturier sont dirigés par des hommes, essentiellement, et la FTQ n'en a pas moins que la fonction publique...

Mme Bethel: Vous êtes plutôt convaincu qu'il n'y a ni discrimination dans l'accès aux prêts, ni discrimination systémique.

M. Bachand: Je serais bien étonné qu'il y en ait. Je dois dire que nous n'avons pas pour le moment de programme spécial pour rejoindre des clientèles particulières.

Mme Bethel: Y a-t-il une manière de faire une évaluation? Y en a-t-il parmi vous qui font des évaluations?

M. Levi: Nous le faisons en ce sens que, au moment de la vérification sociale, nous essayons de voir ce que font les sociétés sur ce plan-là.

Mme Bethel: Mais vous parlez d'équité en matière d'emploi. Ce n'est pas ma question. Je veux savoir s'il y a équité dans l'accès au capital de risque pour les femmes propriétaires ou gestionnaires d'entreprise.

M. Kreiner: Selon moi, les questions se recoupent. Dans la mesure où ce que nous faisons, c'est amener des employés à devenir propriétaires de sociétés qui ne leur appartenaient pas jusque-là, surtout si nous finissons par concentrer nos efforts sur la restructuration du travail dans des industries qui emploient des femmes à faible revenu, nous donnons aux femmes des occasions qui, autrement, n'auraient pas existé, de devenir propriétaires.

Mme Bethel: Mais vous ne pouvez pas faire d'évaluation?

M. Kreiner: Bien sûr, nous pouvons voir combien de travailleurs sont devenus propriétaires.

Mme Bethel: D'accord. Je vous comprends. Et au Québec?

M. Bachand: Nous ne le savons pas. Nous ne faisons aucune évaluation. Pour ce qui est de l'accès, l'un des membres de notre conseil d'administration est Nycol Pageau-Goyette, qui a été présidente de la Chambre de commerce du Québec et est très active dans son milieu. Si quelqu'un veut avoir accès au capital et estime ne pas être traité correctement, on verra très rapidement à ce qu'il soit traité comme il convient.

Nous faisons encore autre chose en ce moment. Nous augmentons le nombre de nos conseillers financiers et administrateurs «nous sommes en train d'engager en ce moment» et je crois que 40 p. 100 d'entre eux sont des femmes.

Mme Bethel: Je comprends ce qui se passe dans l'emploi.

M. Bachand: Mais je suis incapable de répondre à votre question.

M. Levi: Les obstacles pour les femmes se situent plutôt du côté de la taille des investissements, car je ne pense pas que cela fasse une grande différence si les entreprises qui s'adressent à nous sont dirigées par un homme ou une femme. Mais le nombre de sociétés dirigées par une femme et qui sont assez grandes ou sont à la recherche de capitaux de 500 000$, de 1 ou 1,5 million de dollars est relativement faible.

Nous allons en fait répondre aux besoins de cette clientèle au moyen de nos fonds régionaux. Dans l'ensemble de nos placements, l'accès que nous donnons aux petites entreprises fera en sorte que la proportion sera d'au moins 50-50, sinon de 60-40 en faveur des entreprises dirigées par des femmes, simplement à cause de la taille de ces entreprises.

.1300

Le président: Comme j'ai très mal géré le temps du comité et que je suis le dernier à poser des questions, je vais essayer d'être très bref et aussi de faire honneur à mon collègue, M. Rocheleau. J'ignorais qu'il devait se rendre à une réunion de son caucus.

Je n'entends pas défendre énergiquement la proposition de plafonnement des fonds, pour limiter les dépenses fiscales, dont il était fait mention dans notre propre rapport. Cela peut sembler étrange, mais j'ai l'impression que vous en savez plus long que nous sur ce que le gouvernement va faire. Brièvement, à quoi vous attendez-vous, de la part de qui et quand? Qu'attendez-vous du gouvernement fédéral? Avez-vous l'impression qu'il va se passer quelque chose assez rapidement sur ce plan-là?

M. Daoust: Nous espérons, vous le comprendrez, qu'il ne va rien se produire. Pour donner une réponse partielle aux observations de M. Rocheleau, je vous invite à lire le rapport annuel du Fonds de solidarité, à la page 13. Nous donnons des explications, grâce à une étude que nous avons réalisée, nous commentons l'impact économique et financier de notre fonds, et nous disons que, sur une période d'environ quatre ans, le gouvernement récupère ses dépenses fiscales.

Nous ne serions que trop heureux de vous faire parvenir un exemplaire de cette étude, qui est plutôt longue et de vous communiquer tout autre renseignement que nous pouvons avoir. Ce n'est pas la seule raison pour laquelle nous pensons qu'il ne faut rien changer à notre position fiscale. Il y a beaucoup de raisons qui n'ont été que rapidement effleurées au cours de la séance.

Le président: J'essaie de comprendre. Je suppose que, s'il y a des changements, ils pourraient être annoncés dans un exposé budgétaire. D'accord? Vous devez donc, en prévision de ces changements «vous avez affaire à quelqu'un qui n'a pour ainsi dire aucun renseignement confidentiel», participer à des discussions avec le Comité des finances et le ministère des Finances à ce sujet. C'est de là que les changements peuvent venir.

Permettez-moi de faire deux observations pour essayer de résumer des arguments qui, selon moi, sont parmi les plus convaincants que vous puissiez présenter au ministère des Finances et à notre comité. Ce sont peut-être des arguments indirects, mais je suis extrêmement impressionné, comme tous ceux qui sont ici présents, sans doute, par votre présentation.

Deux avantages indirects que j'ai retenus, et je suis désolé que M. Rocheleau ne soit pas ici pour entendre au moins le premier... Le premier avantage, me semble-t-il, c'est que de façon non officielle, tout un ensemble de liens se sont tissés dans notre pays. Il n'y a pas eu de dévolution de pouvoirs. Avec comme point de départ un exemple d'une initiative québécoise qui a marché de mieux en mieux avec le temps, on a créé un nouveau mode de financement qui, grâce à la formation de réseaux, progresse au moyen des enseignements de l'expérience. Autrement dit, on voit se faire une mise en commun, et des positions communes sont adoptées.

À mon sens «et nous sommes peut-être tous un peu secoués par les événements de la semaine» c'est l'un des arguments les plus subtils justifiant l'existence du pays, qui permet ces échanges tripartites. Cela fait intervenir le gouvernement fédéral, parce que ce sont ses dépenses fiscales qui rendent ces initiatives possibles. En fait, il s'agit peut-être d'initiatives quadripartites. Chose certaine, il y a, pour commencer, des discussions avec les provinces, les syndicats, le patronat et les municipalités. C'est un merveilleux exemple de la manière dont un pays peut travailler de manière souple au lieu de passer par des discussions constitutionnelles. C'est mon éditorial.

.1305

Le deuxième point qui me frappe vraiment est un autre argument qui me semble être en votre faveur. Nous essayons de convertir notre économie traditionnelle non seulement en passant de l'industrie manufacturière à des entreprises fondées sur les connaissances, mais aussi en faisant évoluer les rôles classiques de la direction et des syndicats, souvent conflictuelles et reposant sur la supposition que la direction a toujours raison, «conception qui s'inspire du modèle militaire disant que seulement les 15 p. 100 des officiers savent lire et écrire, par exemple» alors que les ouvriers qui travaillent dans les usines sont des personnes intelligentes.

Tout cela se rapporte à la valeur ajoutée dont vous parlez dans votre rapport de mars et qui consiste à encourager les travailleurs à ne pas mettre leur intelligence en veilleuse en arrivant à l'usine, à être plus productifs grâce à une compréhension plus large du fonctionnement de l'économie. L'éducation en matière d'économie est un élément absolument extraordinaire.

On a aussi l'impression que, lorsque les gens, au niveau local, collaborent avec la direction, les syndicats et les autorités politiques, les résultats sont meilleurs, face à la concurrence internationale. J'oserais ajouter que cette attitude déteint sur l'ensemble du pays.

Il y a donc un certain nombre d'arguments. C'est le type d'instrument de changement «comment est-ce que je m'en tire?» qui nous permet de faire la transition vers une économie fondée sur les connaissances d'une manière élégante, adaptée, souple et ouverte à l'expérimentation, mais constructive.

Je ne pose pas de question. J'essaie simplement, de manière très partiale, de résumer les aspects positifs de vos initiatives et de dire pourquoi vous recevrez notre appui.

Une dernière observation de M. Bélanger.

M. Bélanger: Monsieur le président, j'espère que nous pourrons poursuivre cette étude, peut-être en invitant les représentants d'au moins un autre fonds, peut-être deux...

Le président: C'est bien notre intention. Cela est prévu pour...

M. Bélanger: ...en particulier celui du Congrès du travail du Canada, le Fonds de relance économique.

Le président: Cela va venir. Ces gens vont comparaître. La date sera annoncée.

M. Bélanger: Merci.

Le président: Nous n'avons pas mené la conversation à son terme. Nous l'avons simplement commencée.

M. Mayfield: Je l'espère, parce que je n'ai pas pu poser ma question.

Le président: Une brève question de M. Mayfield.

M. Mayfield: Au cours des échanges, je vous ai entendu dire que les banques avaient du mal à opérer la transition entre les actifs concrets et... Par contre, vous nous avez dit que vos étiez en train de relancer des sociétés qui ne s'en tirent pas très bien avec le régime de propriété des travailleurs.

Vous occupez-vous sérieusement de la transition, et dans quelle mesure investissez-vous maintenant dans des entreprises qui ont des actifs moins concrets?

M. Levi: Dans notre cas à nous, presque... Je vais lancer un chiffre en l'air, mais je dirais que les deux tiers des sociétés dans lesquelles nous investissons sont fondées sur des connaissances. Elles vendent des logiciels ou encore des programmes informatiques rattachés à du matériel, mais surtout des logiciels. C'est donc un actif complètement immatériel, et la principale raison est que ces sociétés n'arrivent pas à obtenir des capitaux.

M. Mayfield: Êtes-vous actif dans le secteur médical, par exemple?

M. Levi: Oui. Nous avons deux sociétés qui fabriquent des instruments médicaux. Nous avons également investi dans deux sociétés de biotechnologie. Si nous ne détenions pas de participation dans ces sociétés, elles ne pourraient pas obtenir de capitaux des banques. Je puis vous le dire parce que ces sociétés traitent avec les banques et que nous avons une participation.

M. Mayfield: La situation est-elle semblable pour le reste d'entre vous?

Un témoin: Oui.

M. Bachand: Effectivement.

M. Mayfield: Merci beaucoup.

Le président: J'allais dire «À bientôt», mais c'est dangereux. Au revoir.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;