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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

.1108

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Bonjour, mesdames et messieurs. Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants du ministère de la Défense nationale qui ont bien voulu comparaître devant nous aujourd'hui et je les en remercie. Chers collègues, j'ai le grand plaisir de vous présenter M. John McLure, sous-ministre délégué; M. Pierre Lagueux, sous-ministre adjoint; et M. Rick Burton, directeur général du Contrôle des matériaux et de la gestion opérationnelle. Jean Boyle n'a pas pu venir.

Chers collègues, comme nous le savons bien, les petites entreprises représentent l'avenir de notre pays. Notre comité cherche à les aider.

Le comité a entrepris une étude de l'adjudication des marchés publics et s'est particulièrement intéressé aux contrats modifiés et aux recours à un fournisseur unique. Plusieurs raisons justifient cette étude. Le nombre des contrats de moins de 30 000$ a augmenté de 53 000 au cours des trois dernières années et le montant que représentent les contrats modifiés a augmenté de 519 millions de dollars. En outre, si le nombre des contrats de plus de 30 000$ a diminué, le montant que représentent les contrats modifiés dans cette catégorie est supérieur de 735 millions de dollars. Je pense que nous serons tous d'accord pour dire qu'il s'agit là d'une hausse alarmante des dépassements de coûts et c'est cette tendance que le comité souhaite étudier.

Le comité ne cherche toutefois pas à montrer qui que ce soit du doigt ou à s'attacher au passé, mais plutôt à regarder vers l'avenir et à voir ce qui est possible pour faciliter et améliorer les relations entre les petites et moyennes entreprises d'une part et le gouvernement d'autre part.

.1110

Au bout du compte, notre comité souhaite proposer au gouvernement des solutions qui permettront d'améliorer les possibilités, l'accès, l'équité, la concurrence et la transparence du processus d'adjudication des marchés publics.

Après ces quelques remarques préliminaires, j'invite M. McLure à commencer son exposé.

M. John McLure (sous-ministre délégué, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de me donner la possibilité de m'adresser au comité et de tâcher de répondre aux questions que vous pourriez avoir en étudiant ce sujet très important.

Le MDN, comme vous le savez, dépense beaucoup d'argent chaque année en contrats de toutes sortes. En 1994-1995, au titre des crédits 1 et 5 de son budget, c'est-à-dire les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital, le MDN a dépensé plus de 5 milliards de dollars.

Ces contrats étaient au nombre de 70 000 et se montait chacun à plus de 30 000$ pour des biens et des services. Il y a environ 50 000 contrats par an qui représente chacun une valeur inférieure à 30 000$. On peut s'attendre à ce que ce chiffre augmente à l'avenir.

De plus, le MDN a adjugé quelque 1 400 contrats de services liés au personnel, représentant des montants très variables, pour une valeur totale d'environ 19 millions de dollars.

[Français]

Le MDN et les Forces canadiennes comptent énormément sur les contrats de biens et services pour répondre à leurs besoins opérationnels. Dans le domaine de la gestion des achats, les principaux objectifs du MDN sont les suivants: premièrement, répondre à ses besoins opérationnels légitimes en utilisant des procédures d'adjudication de contrats qui sont parfaitement conformes à la politique gouvernementale et, deuxièmement, en avoir le plus possible pour son argent.

[Traduction]

Nous vivons à une époque de restrictions financières et de compression des effectifs. Aujourd'hui, nous voulons être sûrs que tous les gestionnaires se soucient de la rentabilité, et ce dans toutes leurs décisions. Nous recherchons la transparence dans le processus d'adjudication des contrats, et nous voulons en avoir pour notre argent.

[Français]

Maintenant que je vous ai donné une idée de la valeur et du volume des contrats passés par le MDN, je voudrais vous expliquer comment le MDN est investi du pouvoir d'adjuger des contrats et comment il utilise ce pouvoir. Je vais vous parler des pouvoirs délégués au ministère pour les contrats de biens et services liés au personnel.

[Traduction]

Pour ce qui est des biens et services, le MDN est autorisé à passer des contrats dont la valeur ne dépasse pas 2 500$. Récemment, la limite a été portée à 5 000$, et le MDN est en train de mettre en oeuvre cette nouvelle politique.

Pour les contrats dont la valeur dépasse cette limite, le MDN doit s'adresser au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. En gros, pour s'approvisionner en biens et services, le MDN adjuge chaque année pour 120 millions de dollars de contrats, tandis que le reste des contrats, dont la valeur s'élève à 5 milliards de dollars environ, sont attribués par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. En général, les contrats signés avec un fournisseur unique dont la valeur dépasse 2 millions de dollars, et les contrats résultant d'un appel d'offres dont la valeur dépasse 10 millions de dollars, sont approuvés par le Conseil du Trésor.

[Français]

La valeur des contrats adjugés par le ministère de la Défense nationale est donc relativement faible. Ainsi, actuellement, les bases des Forces canadiennes n'ont pas le droit de passer des contrats de plus de 2 500$.

[Traduction]

Bien que la politique du Conseil du Trésor autorise le recours à un fournisseur unique pour ces contrats de faible valeur, la politique du Ministère encourage les responsables des achats à obtenir plus d'une soumission pour tout contrat de plus de 1 000$.

Pour les contrats de services liés au personnel, la limite imposée au MDN est de 400 000$. Ces contrats peuvent être attribués à un fournisseur unique si leur valeur ne dépasse pas 30 000$, mais on peut aller jusqu'à 50 000$ s'il y a une raison valable.

Le MDN passe pour environ 19 millions de dollars de contrats de ce type directement avec l'industrie, et le reste des contrats, dont la valeur s'élève à 700 millions de dollars environ, sont attribués par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ou par le biais du système d'offres permanentes mis en place par ce ministère.

.1115

[Français]

Les politiques et les procédures que nous avons établies encouragent le recours aux appels d'offres. Comme les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor vous l'ont expliqué la semaine dernière, il faut des raisons particulières pour contourner ce processus concurrentiel. Les règlements du MDN exigent que des appels d'offres soient lancés pour tous les contrats sauf

[Traduction]

premièrement, lorsqu'il s'agit d'un besoin urgent et qu'un retard risque de nuire à l'intérêt public; deuxièmement, lorsque le coût est estimatif du contrat n'est pas assez élevé pour justifier les dépenses liées à un appel d'offres, et nous avons fixé ce niveau à 1 000$; troisièmement, lorsque la nature des travaux est telle qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de faire un appel d'offres; ou quatrièmement lorsqu'un seul fournisseur peut répondre aux besoins.

Le MDN demande très souvent à Travaux publics et Services gouvernementaux d'accorder des contrats en son nom. Je crois que le comité a déjà assisté à un exposé sur le système d'invitations ouvertes à soumissionner de TPSGC, qui est à la fois ouvert et transparent. Même les contrats que nous nous proposons d'adjuger à un fournisseur unique sont annoncés à l'industrie par l'entremise du système de TPSGC; ainsi, des entreprises peuvent formuler des objections si elles estiment qu'il n'était pas justifié d'avoir recours à un fournisseur unique.

[Français]

Dans ses directives, le MDN met l'accent sur son désir d'accorder des contrats dans un cadre concurrentiel. Toute demande présentée à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada aux fins de l'adjudication d'un contrat à un fournisseur unique doit être pleinement justifiée.

En dépit de la volonté du ministère d'adopter une approche concurrentielle, il est parfois légitime de ne pas retenir une telle approche. La nature de nos besoins constitue peut-être le plus important facteur qui nous incite à recourir à des fournisseurs uniques.

[Traduction]

Le matériel dont nous faisons l'acquisition pour répondre à nos besoins opérationnels est unique. Les systèmes d'armes et les pièces de rechange, les munitions et les armements, les travaux de réparation et de révision, les travaux de recherche-développement et d'autres besoins en matériel se prêtent mal aux appels d'offres. Il arrive souvent qu'un seul fournisseur puisse satisfaire à de tels besoins. La nature de nos besoins constitue, il va sans dire, un important facteur; il en est de même de certains besoins de fonctionnement quotidiens comme les services publics.

[Français]

Malgré ces contraintes, nous faisons tout notre possible pour maintenir un régime concurrentiel et ouvert d'adjudication de contrats. Notre rôle unique rend souvent cette tâche difficile; cependant, lorsque nous examinons les données, c'est-à-dire le nombre de contrats ou leur valeur, nous constatons que nous parvenons généralement à accorder la même proportion de nos contrats dans le cadre d'appels d'offres que l'ensemble du gouvernement.

[Traduction]

Je reconnais que les statistiques donnent à penser que le nombre de contrats de moins de 30 000$ est à la hausse. Il ne faut toutefois pas croire que le processus concurrentiel est contourné. L'acquisition de plus en plus de matériel «au moment opportun» et la délégation de pouvoirs accrus aux bases aux fins de l'achat de matériel commercial contribue à l'augmentation des contrats de faible valeur. Les considérations d'ordre budgétaire et le recours de plus en plus fréquent aux moyens de commerce électronique pourraient également favoriser l'attribution d'un plus grand nombre de contrats de faible valeur.

Le rôle du ministère de la Défense nationale est unique et exige que certaines activités soient exercées de façon interne. C'est le cas non seulement des activités opérationnelles, mais aussi de certaines fonctions de soutien.

Compte tenu du contexte économique actuel, des compressions budgétaires et des réductions d'effectifs prévues chez les militaires et les civils dans le Livre blanc sur la défense, il est évident que l'adjudication de marchés demeurera une importante option. Je tiens toutefois à souligner que nous avons élaboré une méthodologie servant à évaluer les différents modes de prestation de services pour veiller à ce que le ministère ait recours à l'option la plus rentable.

[Français]

Voilà qui met fin à mes remarques préliminaires. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions du comité en ce qui a trait à l'adjudication des contrats au MDN.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Gilmour, voulez-vous commencer aujourd'hui?

M. Gilmour (Comox - Alberni): Certainement.

Vous avez consacré une bonne partie de vos remarques liminaires au processus d'appel d'offres concurrentiel pour montrer qu'il était bien respecté. Or, en 1993-1994, 32 000 contrats ont été accordés sans que joue la concurrence et 37 000 à la suite d'un appel d'offres. Ainsi, près de la moitié des contrats accordés par le MDN l'ont été à la suite d'une seule offre, c'est-à-dire sans que joue la concurrence. Pourquoi en est-il ainsi?

.1120

M. McLure: C'est une question de volume. Lorsqu'on accorde pour 5 milliards de dollars de contrats et qu'on vérifie l'importance de ces contrats, on constate qu'en fait les tout petits contrats que l'on accorde localement - et il y en a beaucoup chaque jour - constituent des contrats au même titre que ceux qui représentent des sommes importantes. Cette façon de procéder fausse les données statistiques.

M. Gilmour: Il me semble que les chiffres contredisent cela car je pense que 1,4 milliards de dollars ne représente pas un petit poste budgétaire lorsqu'on le compare à 1,7 milliard de dollars pour les contrats accordés à la suite d'une soumission. Je le répète, près de la moitié de la valeur des contrats du MDN, cela ne représente pas un petit poste budgétaire. Je ne crois pas qu'il soit justifié de les appeler «petits contrats», et j'aimerais savoir pourquoi ces contrats ne sont pas accordés à la suite d'un appel d'offres.

M. McLure: M. Lagueux, qui s'occupe de plus près de la gestion de ce secteur, saura peut-être mieux vous répondre que moi.

M. Pierre Lagueux (sous-ministre adjoint, Gestion des programmes d'équipement, ministère de la Défense nationale): Il est vrai qu'un grand nombre de contrats de la Défense nationale ne sont pas accordés à la suite d'offres concurrentielles, lorsqu'on regarde la valeur qu'ils représentent. Mais il faut regarder le type de produits que nous achetons, car bon nombre d'entre eux ne se prêtent pas à un processus concurrentiel. Par exemple, nous dépensons une somme importante, plusieurs centaines de millions de dollars par an, pour les munitions et il n'y a qu'un nombre limité de fournisseurs pour ces produits au Canada. Nous les achetons donc aux fournisseurs de munitions du Canada.

De même, bon nombre des pièces de rechange que nous achetons pour le matériel ne peuvent faire l'objet d'un appel d'offres auprès de divers fournisseurs car ce sont parfois des pièces pour des systèmes d'armes sophistiqués. Nous nous adressons en général aux fabricants de ces systèmes d'armes pour leur acheter nos pièces de rechange.

Bien souvent, il n'y a qu'un fournisseur au Canada qui a la capacité de réparer et de réviser les systèmes d'armes sophistiqués. Dans le passé, les achats importants de systèmes d'armes ont été faits auprès de fournisseurs uniques au Canada. Il n'y a pas eu d'appel d'offres.

Nous avons par exemple fait récemment un important achat de matériel tout prêt; il s'agit des hélicoptères que nous avons achetés à Bell Helicopters de Montréal. Les projets importants de ce type, qui représentent des millions de dollars de contrats, ont tendance à fausser les chiffres. Il s'agit d'un nombre relativement restreint de contrats, mais leur valeur importante fait croire qu'une grande partie de notre argent va à des contrats accordés sans appel d'offres.

C'est en grande partie la nature des biens et des services militaires que nous achetons qui fait qu'il n'y a pas appel d'offres pour ces produits; il s'agit en effet de pièces de rechange, de réparation et de révision du matériel militaire, de munitions, de matériel et de pièces de rechange que nous achetons aux États-Unis, par exemple, par l'entremise du service des ventes de matériel militaire à l'étranger. Cela a donc tendance à fausser les chiffres et à montrer que des sommes importantes vont à des contrats accordés sans appel d'offres. Cela est dû, dans une large mesure, à la nature des biens que nous achetons.

Chaque fois que cela est possible, nous essayons de faire jouer davantage la concurrence. Par exemple, dans le domaine des pièces de rechange, nous avons suivi le modèle de la marine américaine qui s'est dotée d'un programme appelé «BOSS» - Buy Our Spares Smarter - pour acheter les pièces moins chères et qui essaie de «chercher ailleurs».

En réalité, au lieu de s'adresser au fabricant d'origine du matériel pour lui acheter les pièces de rechange, on essaie de savoir où il se procure ces sous-systèmes pour acheter ensuite les pièces de rechange à la même source. Ainsi, au lieu d'acheter une pièce de rechange pour un véhicule au fabricant du véhicule, par exemple, s'il s'agit d'une pièce du moteur, on va trouver le fabricant du moteur. On essaie donc de chercher ailleurs.

C'est simple lorsqu'il s'agit de véhicules commerciaux, mais c'est beaucoup plus compliqué pour les systèmes d'armes sophistiqués car il s'agira alors de savoir qui est responsable du système d'armes s'il y a un problème puisqu'on n'a pas acheté les pièces au fabricant. C'est la nature des systèmes d'armes qui veut ça.

M. Gilmour: Dans vos remarques liminaires, vous avez indiqué que le MDN ne concluait pas énormément de marchés publics; que c'était plutôt Travaux publics. S'agissant des systèmes d'armes et du matériel militaire, je me demande pourquoi cela est fait par un employé d'un autre ministère qui n'a peut-être pas les connaissances voulues ou qui ne sait peut-être pas comment obtenir le meilleur marché au bénéfice du contribuable. Pourquoi y a-t-il un chassé-croisé entre les ministères?

.1125

M. McLure: C'est le gouvernement qui a confié à ce ministère la responsabilité des marchés publics. J'imagine qu'on a pensé que parce que cette responsabilité générale des marchés publics revenait à une seule organisation, celle-ci pouvait acquérir le savoir-faire voulu en couvrant plusieurs ministères pour être plus rentable.

Tout est donc concentré là. Nous estimons que c'est un service valable. Il s'occupe, de loin, de la plus grande partie de nos relations contractuelles. Pour les acquisitions plus complexes, nous faisons en fait équipe avec lui pour être sûr qu'on comprend bien nos exigences lorsqu'il s'agit d'accorder effectivement les contrats.

M. Lagueux peut sans doute compléter ma réponse.

M. Lagueux: Il faut comprendre que le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada joue le rôle d'agent de contrats pour le gouvernement du Canada. Il assume ce rôle pour tous les ministères, et pas seulement pour la Défense nationale, mais nous continuons à offrir le savoir-faire technique et à assumer la responsabilité technique pour tout approvisionnement que nous recherchons.

Nous avons le savoir-faire technique dont vous avez parlé au sujet des systèmes d'armes; nous rédigeons donc la description des travaux et les caractéristiques techniques de performance. Nous participons à l'évaluation des appels d'offres et des soumissions qui sont présentées sur le plan technique. Le ministère des Travaux publics fournit le savoir-faire pour l'attribution des contrats, l'aspect juridique de la question et les stipulations du contrat, notamment.

M. Gilmour: Merci.

Le président: Merci, monsieur Gilmour.

Monsieur Duhamel, vous êtes le suivant.

M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci, messieurs, pour votre exposé.

J'aimerais poser deux questions. J'aimerais tout d'abord qu'on me confirme ce que je viens d'entendre concernant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Il est là pour fournir le savoir-faire nécessaire en ce qui concerne les contrats et les questions connexes. C'est en fait vous qui décidez, en définitive, qu'un produit donné fait ou non l'affaire, d'après les spécifications que vous avez fournies. C'est bien cela?

M. McLure: C'est bien cela.

M. Duhamel: J'en viens maintenant à ma question principale. À écouter votre exposé, j'ai eu l'impression qu'on me disait, à très peu de choses près, ce qui se passait exactement. À cet égard, il ne semble pas y avoir de problèmes particuliers. Or, il y a tout de même un problème.

Si certains ont quelque peu exagéré les augmentations, augmentations il y a eu, et il n'est pas toujours facile de voir si les raisons d'une telle situation paraîtraient ou non acceptables à quiconque l'étudierait. Il y a un certain malaise, si vous voulez; c'est le moins qu'on puisse dire. Dans ce que vous avez dit, il y a certaines choses que je comprends bien. Il est clair que certains produits dont vous avez besoin ne peuvent être achetés n'importe où. Cela représente peut-être l'essentiel de vos achats; et c'est peut-être là l'un des problèmes inhérents à votre ministère.

Il y a, me semble-t-il, deux questions qui découlent de ma première déclaration. Il se pourrait bien que les politiques, dans leur ensemble, ne soient pas nécessairement mauvaises et que les diverses autorisations soient justifiées; mais il n'en reste pas moins qu'il y a des problèmes. Avez-vous une idée de ce que notre comité parlementaire pourrait faire pour les régler? C'est une question qui m'intéresse beaucoup.

L'autre question importante pour moi est la suivante: se pourrait-il que dans votre ministère, en raison de sa nature propre, il soit très difficile de changer nettement ces chiffres. Est-ce là l'un des problèmes?

Enfin, si l'on regarde les chiffres et les tendances, à moins que l'on fasse quelque chose, le problème ne pourra que s'aggraver. Si cela nous inquiète aujourd'hui, ce sera demain un véritable problème, et quand je dis demain cela pourrait aussi bien être l'année prochaine. J'aimerais avoir votre avis sur les questions que j'ai soulevées.

M. McLure: Si je comprends bien ce qu'a dit le président dans ses remarques préliminaires et ce qui vient d'être dit, c'est à l'augmentation du nombre des contrats, et surtout des contrats non accordés à la suite d'un appel d'offres et qui représente de petites sommes, que l'on s'attache. C'est bien de cela que vous vous inquiétez?

M. Duhamel: C'est un élément du problème. L'autre élément étant l'augmentation générale qui ne s'explique pas facilement.

M. McLure: Du nombre global de contrats?

M. Duhamel: Oui, si on fait le lien avec les politiques existantes et les autorisations accordées.

Le président: Et les contrats modifiés.

M. Duhamel: Oui.

M. McLure: Je vais essayer de répondre en partie à cela.

.1130

Autrefois, et je parle avant tout ici des biens et des services, nous avions tendance à acheter en grandes quantités et en vrac. Nous entreposions ensuite les marchandises - nous avions de nombreux entrepôts un peu partout dans le pays - et au fur et à mesure des besoins, nous prélevions sur ces stocks. En général, nous achetions à la suite d'une offre permanente ou d'une soumission concurrentielle, nous entreposions et nous nous servions dans le cadre de notre système interne d'approvisionnement. Cela nous occasionnait d'importants frais généraux et c'est ce que d'autres ministères ont sans doute également constaté. C'est en tout cas la conclusion à laquelle sont arrivés d'autres pays qui utilisaient pour leur armée un système d'approvisionnement interne.

Il ne s'agit pas ici de produits répondants précisément à nos besoins ni d'exigences particulières de l'armée, mais d'un large éventail d'articles commerciaux disponibles immédiatement, surtout des articles de petite taille - car les premiers sont achetés plutôt «au moment opportun». Autrement dit, on élimine les frais généraux occasionnés par de gros achats, par l'entreposage des produits, puis leur transport vers leur destination finale. On va maintenant essayer d'acheter ces produits à un fournisseur local.

M. Duhamel: Cela va-t-il faire baisser ces chiffres?

M. McLure: Cette tendance va faire augmenter les chiffres puisqu'on achète les produits à l'unité ou en très petits lots. La tendance veut aussi que l'on ait davantage recours à l'EED - c'est-à-dire aux cartes d'achat. Dans notre ministère, par exemple, nous essayons de déléguer ces pouvoirs aux régions. Les responsables de l'approvisionnement des petites localités ont davantage de pouvoirs pour acheter avec une telle carte et obtenir l'article «au moment opportun».

M. Duhamel: Mais il y a dans cette équation trois variables, si j'ai bien compris. Dites-moi si je me trompe. Il y a tout d'abord le nombre de contrats, ensuite le nombre de modifications et enfin les montants globaux. Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, le nombre des contrats augmenterait de ce fait. Le nombre des modifications de contrats pourrait augmenter aussi, mais est-ce que les montants globaux suivraient le même chemin?

M. McLure: Je crois que les sommes que le MDN va dépenser en contrats vont diminuer. Notre budget général diminue. Nous ferons certaines choses en trouvant d'autres mécanismes de livraison, d'autres solutions pour les fournitures de services, en accordant de nouveaux contrats. Nous aurons ainsi des contrats pour des choses que nous faisions autrefois dans nos services. Le produit global ne sera pas un contrat, mais on pourra avoir plusieurs petits contrats relatifs à cette fonction.

Je ne sais si M. Lagueux ou M. Burton ont une idée de la tendance pour ce qui est des montants, mais notre budget général diminue certainement, contrairement au nombre des contrats que nous signons, et le montant que représentent les contrats va donc diminuer aussi. Mais cela ne veut pas dire qu'il y aura une correspondance parfaite entre le nombre des contrats et l'enveloppe financière globale.

M. Lagueux: Je dois admettre que les fournisseurs canadiens s'inquiètent du fait que les sommes consacrées au budget de la défense vont diminuer dans les années à venir. L'argent que nous aurons à dépenser pour le nouveau matériel, pour regarnir nos coffres et acheter des pièces de rechange, pour nous procurer des marchandises d'usage courant, diminuera. Nous réduisons les effectifs du ministère et de l'armée; je crois donc que les montants totaux de nos dépenses seront inférieurs.

Le rapport que cela a avec les contrats est une chose bien différente. Les montants que nous dépensons une année donnée, et les montants correspondant aux contrats, varient avec l'importance des contrats. Ces dernières années, nous avons signé des contrats très importants, que ce soit pour les frégates de patrouille, les nouveaux hélicoptères, les véhicules blindés légers ou le système radio de commandement et de contrôle. Le projet STCCC était de 1,6 milliard de dollars, alors que celui des frégates était de 9 milliards de dollars. Ce genre de situation tend à fausser le nombre des contrats signés une année donnée, tandis que le flux de l'encaisse doit rester dans les limites des montants accordés au ministère pour l'année en question.

Étant donné que les sommes qu'on nous accorde diminuent, notre capacité de conclure des marchés importants diminue parallèlement. Mais puisque nous tâchons de déléguer davantage de pouvoirs aux régions pour ne plus avoir à stocker de grosses quantités de marchandises dans les dépôts et que nous permettons aux utilisateurs de se servir des cartes d'achat ou des offres permanentes qui ont été établies localement, le nombre des transactions de moindre valeur augmente. Nous pensons que c'est une bonne chose car nous n'avons plus ainsi à entreposer et à garder toutes sortes de provisions; cela nous évite aussi les frais de transport, etc.

.1135

M. Duhamel: Cette réponse m'est très utile.

Je n'ai pas de mal à comprendre les points que vous avez soulevés - ils me semblent parfaitement logiques - mais cela ne résout pas l'un des problèmes que j'ai mentionnés. Que dois-je répondre à ceux qui me demandent pourquoi le nombre de ces contrats a augmenté et qui me posent des questions sur les autres problèmes? Doit-on leur rapporter la réponse que vous nous avez faite? Va-t-elle les satisfaire? Devons-nous faire autre chose?

M. McLure: Monsieur le président, si le nombre des contrats monte en flèche - et je crois que si tous les ministères se servaient de cartes d'achat et que chaque achat constituait un contrat, vous verriez les chiffres... Si on répertoriait toutes ces transactions, on pourrait constater que ces chiffres augmentent.

Nous avons de nombreuses bases et unités qui sont situées un peu partout dans le pays. La seule mise en garde que je puisse faire pour les changements que vous pourriez apporter est la suivante: il ne faut pas perdre de vue le fait qu'une base qui va acheter - surtout lorsqu'il s'agit de petits articles ou de marchandises courantes que l'on achète sur demande et «au moment opportun»... Si vous voulez faire davantage jouer la concurrence, il faut tenir compte du fait qu'il y a quelqu'un à proximité qui pourrait satisfaire la demande.

En effet, nous avons essayé de conclure des marchés avec des fournisseurs locaux. La plupart de nos bases sont situées dans des régions éloignées. Je pense que la pression se ferait sentir dans l'autre sens si on devait envisager des soumissions importantes, qui seraient très coûteuses, et pour lesquelles l'approvisionnement viendrait de 400 à 500 milles de là alors que les gens de la région s'estiment qualifiés pour assurer l'approvisionnement.

M. Lagueux: Monsieur le président, je crois qu'étant donné que nous cherchons à déléguer davantage et à moins acheter en grande quantité pour entreposer ensuite, cela devrait favoriser les petites entreprises. Étant donné que nous nous tournons davantage vers l'achat dans le commerce de marchandises toutes prêtes, au lieu de passer des commandes précises répondant aux spécifications militaires, cela aidera les petites et moyennes entreprises et leur permettra de satisfaire davantage les besoins de la Défense nationale. Mais nous continuerons à avoir à faire des achats importants, particuliers à l'armée, pour lesquels il n'est pas possible d'aller chez Canadian Tire pour trouver des pièces de rechange.

Le président: C'est une chose que le Conseil du Trésor a reconnue. Il nous a d'ailleurs donné une explication préliminaire sur certains de ces contrats modifiés.

Je ne crois pas que la question de M. Duhamel portait sur le nombre des contrats. Je pense qu'il nous est facile à tous d'accepter que le nombre des contrats augmente. Il me semble que la question portait davantage sur les montants et sur les modifications. Quelqu'un d'autre pourra revenir sur la question plus tard.

M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Monsieur le président, ce ne sont ni les petites entreprises ni les petits contrats qui m'inquiètent. J'aime regarder les gros chiffres et je comprends ce qui se passe lorsque je les vois.

Vous nous avez bien donné quelques chiffres dans votre exposé, mais je suis surpris de voir que vous n'avez pas apporté avec vous de listes, de ventilations ou de données, de chiffres qui me permettent de comprendre. J'aimerais avoir la liste des 50 offres ou marchés non concurrentiels les plus importants de ces trois dernières années, ventilés sur les trois années en question et assortis des éventuelles modifications et de certains détails concernant le contrat original. Je ne peux pas savoir ce qui se passe sans avoir sous les yeux des données exactes sur les contrats accordés et sur les bénéficiaires de ces contrats.

Le Conseil du Trésor nous a donné ce document en juin dernier. Il comporte une liste des contrats, ministère par ministère, pour trois ans. Il s'est avéré un outil très utile. J'aimerais que vous nous fournissez quelque chose d'équivalent. Il reviendra au président...

M. McLure: Nous serons très heureux de vous le fournir, monsieur Bryden.

Le président: Très bien. Parfait.

.1140

M. Bryden: C'est très important car j'aime les chiffres. J'aime avoir des chiffres sous les yeux pour pouvoir comprendre ce qui se passe et déduire moi-même les tendances.

Ce n'est pas tout. J'aimerais aussi connaître le contexte du projet des véhicules légers de soutien à roues, les VLSR, qui a suscité une controverse dernièrement. Pour plusieurs contrats, il y a eu des difficultés. Peut-être pourriez-vous nous fournir davantage de détails à leur sujet. Vous pouvez me dire ce que vous en pensez, si c'est ce que vous souhaitez. Mais là encore, j'aimerais avoir les données sous les yeux pour comprendre ce qui se passe.

J'en arrive à ma dernière question. Je m'inquiète beaucoup de la réglementation en vigueur en ce qui concerne la surveillance et le contrôle des employés du MDN qui quittent le ministère pour aller travailler dans des entreprises privées. Comme vous l'avez dit, même si Travaux publics signe en fait le marché, c'est le MDN qui décide des spécifications techniques pour tout produit ou service recherché. Il me semble que cela donne un pouvoir extraordinaire aux employés du MDN qui laissent le ministère pour aller travailler dans des entreprises privées.

J'aimerais savoir quels mécanismes de contrôle vous avez. Je voudrais que vous me disiez aussi si vous avez eu des problèmes à cet égard dans le passé.

Voilà mes trois questions.

M. McLure: Monsieur le président, pour la première, c'est-à-dire la liste des 50 marchés non concurrentiels et leurs éventuelles modifications, nous allons vous fournir cette liste.

Le président: Quand allons-nous en disposer? Serait-il possible de l'avoir avant la fin de la semaine?

M. Lagueux: Nous pouvons essayer.

M. McLure: Au début de la semaine prochaine.

Le président: Magnifique. Merci.

M. McLure: Je vais demander à M. Lagueux de répondre à la question sur les véhicules.

M. Lagueux: Merci.

Malheureusement, je ne m'attendais pas à cette question ce matin. Je ne m'attendais pas à devoir aborder des projets donnés aujourd'hui. J'imagine, monsieur le président, que c'est dans ce cas que vous obtenez les meilleures réponses.

Mais je vais essayer. Si ma réponse n'est pas suffisante, nous pourrons vous fournir des renseignements supplémentaires sur le sujet, monsieur Bryden.

Les véhicules légers de soutien à roues - ce sont en fait des camions en jargon militaire - représentent un projet qui a été accordé à Western Star Trucks de Kelowna (Colombie-Britannique). Malheureusement, je ne peux pas vous dire de mémoire quel est le nombre exact des véhicules commandés. Peut-être avez-vous ce chiffre.

M. Bryden: En effet. Il s'agit d'environ 800.

M. Lagueux: Oui, le nombre de véhicules était de 835 à peu près.

Ce sont des véhicules particuliers. Il y a plusieurs types de véhicules de ce genre: ceux qui servent au transport des troupes, ceux qui servent au transport des marchandises, etc.

Vous avez dit que ce projet avait rencontré plusieurs problèmes. Je dirais que ce projet, s'il a connu quelques difficultés au départ concernant le produit que l'on achetait, aucune d'entre elles n'était fâcheuse ni surprenante. C'est pourquoi nous avons effectué des tests RMD sur ces véhicules, c'est-à-dire que nous avons vérifié leur fiabilité, leur facilité d'entretien et leur durabilité.

Il s'agissait d'un nouveau véhicule réalisé sur un modèle italien mais qui avait été modifié pour les besoins du Canada. Si le véhicule a présenté quelques problèmes, ils ont été rectifiés. Je crois que le véhicule est maintenant en service et qu'il répond parfaitement aux besoins opérationnels pour lesquels il a été acheté.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas des gens à qui vous parlerez qui vont se plaindre du véhicule, mais il est bien conforme aux spécifications acceptées par le commandant de l'armée et fixées par l'armée pour l'utilisation qu'on allait en faire.

J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines, de rendre visite à la société Western Star. Il me semble que l'exécution du contrat se soit raisonnablement bien déroulée.

Nous cherchons maintenant à prendre des arrangements pour le soutien et le suivi de ce véhicule et nous en discutons avec Western Star. Là encore, la nouvelle tendance veut que nous nous adressions davantage à l'industrie pour le soutien plutôt que de l'assurer dans nos services.

Western Star a un important réseau de concessionnaires dans l'ensemble du pays et nous essayons de voir quel soutien ils peuvent fournir pour le véhicule plutôt que de nous doter d'une infrastructure de soutien au sein des Forces armées. Nous essayons de voir ce que l'on peut faire dans ce domaine.

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S'il y a eu des difficultés au départ avec ce véhicule, les problèmes ont maintenant été réglés. Actuellement, le véhicule répond parfaitement aux besoins opérationnels stipulés dans les spécifications initiales.

M. Bryden: Qu'en est-il du coût? Est-il resté dans les limites du contrat de départ? Y a-t-il eu des modifications? À l'origine, je crois qu'il s'agissait d'un contrat de 200 millions de dollars.

Si vous ne pouvez répondre maintenant, il me suffira d'avoir une réponse plus tard.

M. Lagueux: Je n'ai pas les chiffres en tête et je ne peux donc pas répondre à ces questions, je le regrette, mais permettez-moi d'aborder le problème de façon générale, s'agissant des contrats importants et de leurs modifications.

Très souvent, vous le constaterez, les contrats importants - nous parlons ici de grands projets de l'État puisqu'ils représentent plusieurs centaines de millions de dollars - subissent des modifications ultérieures. Par exemple, nous allons conclure un marché pour le matériel lui-même et il sera suivi d'une modification du contrat une fois que nous aurons davantage de renseignements sur le contrat et que les plans de soutien logistiques auront été établis. Nous allons alors conclure un marché pour les premières pièces de rechange qui arriveront avec le véhicule et ce marché se fait sous forme de modification du contrat original.

Nous pouvons ensuite conclure également un marché pour la formation et le soutien nécessaires. Dans le cas d'un avion, par exemple, on pourra avoir une modification indépendante pour la capacité de simulation. L'appareil doit venir avec des simulateurs.

Nous concluons donc très souvent un premier marché pour le matériel proprement dit, qu'il s'agisse d'un camion, d'un avion, d'un hélicoptère ou autre. Nous négocions par la suite des modifications pour obtenir des pièces de rechange et tout ce qui doit accompagner le matériel.

Il peut être très difficile d'essayer de négocier pour tout cela en bloc dès le départ. Au début, nous n'avons pas tous les renseignements nécessaires pour décider, par exemple, du nombre de pièces que nous voulons, c'est pourquoi nous concluons un nouveau marché plus tard. Cela se fait très souvent sous forme de modification et parfois sous forme de contrat distinct.

Ce que j'essaie de vous montrer, c'est donc qu'il n'est pas rare d'avoir des modifications pour ces gros projets. Cela ne veut pas dire que le coût du matériel original a augmenté.

M. Bryden: Je vous remercie infiniment de cette explication, mais j'aimerais avoir des chiffres sur lesquels m'appuyer pour comprendre la façon dont vous procédez pour un contrat important, selon les explications que vous venez de donner.

Cela semble idéal dans la mesure où le projet a rencontré des problèmes à un moment donné et que ces problèmes ont été résolus. Nous pouvons ainsi nous servir de cet exemple comme d'un modèle pour votre façon de procéder, si vous nous fournissez les chiffres.

Pouvez-vous répondre à ma dernière question?

M. Lagueux: Votre dernière question porte sur la politique du Conseil du Trésor concernant la conduite des fonctionnaires qui ont quitté leur emploi. L'application de cette politique se fait au sein du ministère. Plusieurs stipulations régissent le comportement d'un employé en précisant ce qu'il peut ou ne peut pas faire. Il s'agit ici d'employés qui détiennent des postes importants dans des secteurs désignés et de ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire en quittant le ministère, surtout s'ils vont travailler pour une entreprise qui fait affaire avec le ministère, soit à titre de consultant, soit à titre d'entrepreneur.

Ils n'ont pas le droit de s'occuper de l'autre aspect de la question. Ils n'ont pas le droit de fournir à l'entreprise les renseignements qui ne sont pas de notoriété publique. Ils ne peuvent pas s'adresser aux employés des services du ministère avec lesquels ils ont eu souvent affaire lorsqu'ils étaient fonctionnaires. Voilà donc le genre de stipulations qui existent.

Les personnes qui souhaitent occuper un tel poste peuvent présenter une demande au comité du ministère. Le ministère l'étudie et sollicite à l'occasion l'avis du conseiller en déontologie de l'administration interne, ou parfois du Conseil du Trésor. C'est ainsi que nous appliquons cette politique.

Le président: De quel conseiller en déontologie s'agit-il?

M. Lagueux: Le conseiller en déontologie du gouvernement, M. Wilson.

M. Bryden: Je comprends bien ce que vous venez de dire, mais ces mesures s'appliquent à quels grades? En dessous de quel grade ces règles ne s'appliquent-elles plus? S'agit-il des capitaines et des grades supérieurs ou des colonels et des grades supérieurs?

M. McLure: Les colonels et les grades supérieurs sont surtout ceux avec lesquels nous avons affaire en raison du large éventail d'activités qu'ils ont.

M. Bryden: Mais il me semble que bon nombre de marchés publics et une grande partie de l'évaluation des contrats sont réalisés dans vos services par des gens qui ont un grade inférieur à celui de colonel et qui peuvent avoir été embauchés par le secteur privé en quittant l'armée. N'en est-il pas ainsi?

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C'est une chose que d'avoir des règles pour ceux qui ont des grades supérieurs, mais c'est de ceux qui ont des grades légèrement inférieurs, qui ont sans doute directement affaire avec des entreprises, que je m'inquiète. J'aimerais savoir s'ils constituent un problème. Savez-vous si certaines personnes qui ont quitté le ministère et qui ont des relations, disons, malsaines avec leurs anciens collègues du MDN posent un problème?

M. McLure: Je peux vous dire qu'aucun problème de ce genre ne m'a été signalé. S'il y avait de tels problèmes, j'aimerais être mis au courant. Mais aucun problème ne m'a été signalé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bryden.

Monsieur Bélair, je vous prie.

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais donner des précisions sur le document qui nous a été fourni par la Bibliothèque du Parlement intitulé «L'adjudication des marchés publics». On y dit au paragraphe 4 de la page 1:

C'est faux, monsieur le président. Permettez-moi d'expliquer la chose.

Le président: Monsieur Bélair, nous avons des témoins devant nous. On me dit que cette information nous a été communiquée par le Conseil du Trésor. En réalité, monsieur Bélair, cette information date de cinq semaines environ. Elle figurait dans une lettre qui a été envoyée à tous les sous-ministres. Dans votre ministère, quelqu'un n'aurait-il pas pu corriger cela plutôt?

M. Bélair: Le fait est qu'il s'agit d'un document public qui peut induire en erreur.

Le président: C'était déjà le cas il y a cinq semaines. C'est ce que vous laissez entendre.

M. Bélair: Oui, et c'est encore le cas aujourd'hui.

Le président: Ce chiffre nous a été communiqué par le Conseil du Trésor; c'est donc peut-être à lui que vous devriez le signaler. C'est de lui que nous vient ce renseignement, d'après notre attaché de recherche.

M. Bélair: Mais quand cela sera-t-il corrigé au comité?

Le président: Avez-vous l'information voulue pour le réfuter?

M. Bélair: Oui. Je l'ai ici.

Le président: Pouvez-vous fournir les documents au comité?

M. Bélair: Je souhaite simplement expliquer le processus.

Le président: Monsieur Bélair, ce n'est pas que je veuille contester ce que vous dites ni tâcher d'en juger la validité, mais nous sommes actuellement en train d'interroger les témoins que voici sur le sujet. Peut-être serait-il plus indiqué d'apporter cette précision à la fin de notre séance.

M. Bélair: Cela est directement lié à ce que ces messieurs ont à nous dire. Il s'agit de l'attribution de contrats. Je n'aurais besoin que d'une minute.

Le président: Bon, allez-y. Je ne m'y oppose pas. J'essayais simplement de vous dire d'où venait la formation.

M. Bélair: De façon générale, tous les appels d'offres sont annoncés sur le système des invitations ouvertes à soumissionner. Tout le monde peut faire une offre. Dans le cas où il y a un fournisseur exclusif, il y a une date limite pour la soumission. Si une seule personne soumissionne et qu'elle répond aux exigences du ministère concerné, y compris la Défense nationale, le contrat est temporairement approuvé. Parce qu'il n'y a qu'un fournisseur exclusif, la transaction est inscrite au système électronique de préavis et tout autre fournisseur qui peut répondre aux mêmes exigences peut contester la décision. S'il y a contestation, les deux offres sont évaluées et c'est bien sûr la meilleure qui emporte le contrat.

Selon les statistiques, il semble que jusqu'ici il y ait eu peu de contestations de contrats accordés au seul fournisseur qui a fait une offre. Ainsi donc, surtout au cours de l'année écoulée, depuis que le système des invitations ouvertes à soumissionner (SIOS) et que celui du préavis pour les offres uniques sont en place, tout se déroule bien. Voilà la précision que je tenais à apporter. Il est possible de contester les contrats accordés au fournisseur qui a fait la seule offre.

Le président: Il est possible que le problème vienne du fait que ces chiffres ne portent pas uniquement sur le SIOS. Personne ne conteste ce système. Ce n'est pas lui qui pose un problème; c'est simplement que personne ne conteste les données du système, c'est-à-dire le nombre global de contrats. Si vous voulez comparaître comme témoin, nous allons vous mettre sur la liste. Je serais très heureux de vous recevoir à ce titre.

M. Bélair: Non.

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Le président: Je voulais simplement vous indiquer que cette information nous est parvenue du Conseil du Trésor.

Je vous remercie de cette précision. Ainsi, un marché est considéré concurrentiel lorsqu'il figure au SIOS. Je crois que tout le monde ici l'a bien compris. Dès qu'il apparaît dans le système, il s'agit d'un appel d'offres concurrentiel même si une seule personne soumissionne. Il s'agit alors d'un processus concurrentiel. Tout le monde l'a bien compris, je pense.

M. Bélair: Et même une fois que le contrat a été attribué, il reste annoncé 30 jours et peut être contesté.

Le président: C'est bien ce que j'ai compris.

M. Bélair: C'est justement la précision qui manque ici. Il est donc erroné de dire que le contrat est attribué sans appel d'offres. C'est tout à fait faux. C'est ce que j'essaie d'expliquer.

Le président: Allez-y, c'est votre temps de parole. Vous pouvez l'utiliser à votre guise. Il vous reste encore une minute.

M. Bélair: Merci. Quelle générosité!

Je demanderai aux témoins de démystifier la chose car tout ce qui entoure l'attribution des marchés publics est quelque peu nébuleux. Pourriez-vous expliquer aux membres du comité le processus de vérification?

Premièrement, il y a certainement une vérification interne qui est faite. Deuxièmement, y a-t-il des vérifications indépendantes qui s'y ajoutent, en dehors de celles du vérificateur général? Les résultats de ces vérifications sont-ils rendus publics à un moment donné?

M. Lagueux: Nous avons effectivement des vérificateurs dans notre ministère. Nous avons un chef qui étudie les contrats de services et qui est responsable de la vérification au ministère. Il vérifie les projets importants comme celui dont a parlé M. Bryden. Il s'agissait d'une commande de camions qui représente un grand projet de l'État. On entreprend des vérifications précises pour examiner ces gros projets non seulement en ce qui concerne l'aspect contrats et marchés publics, mais aussi la valeur ajoutée et le respect ou le non-respect du processus. Ce sont des vérifications particulières qui sont effectuées pour ces gros projets.

Les vérificateurs vont également dans nos bases et nos stations car c'est là que sont conclus bon nombre de marchés de plus petite envergure - nous en avons parlé plus tôt - pour vérifier le processus et veiller à ce que les politiques et les règlements soient bien suivis.

Il faut que j'ajoute qu'au sein du MDN, nous avons un guide des négociations des contrats dans lequel on insiste sur ces politiques et règlements mis en place par le Conseil du Trésor et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Nous avons donc nos propres politiques et procédures pour insister là-dessus.

Nous avons donc une tâche de vérification interne qui est effectuée de concert avec le vérificateur général. De ce fait, notre propre vérificateur ne va pas examiner quelque chose que le vérificateur général va venir examiner précisément deux jours ou une semaine plus tard. Ce travail est donc fait de concert.

Le vérificateur général a accès à toutes les vérifications effectuées par notre chef des services d'examen. Il peut donc entreprendre des démarches supplémentaires sur toute vérification préalable, s'il le souhaite.

La vérification ne porte généralement pas sur une transaction, si je puis dire. On n'étudie pas chaque transaction. On s'occupe plutôt de secteurs précis. On étudie les projets importants comme les grands projets de l'État du type frégates ou autres.

On va aussi s'intéresser à des aspects particuliers des marchés publics. Par exemple, on va vérifier les réparations et les révisions. Nous concluons un nombre incroyable d'affaires, pour plusieurs centaines de dollars par an, pour la réparation et la révision des avions et des navires, etc., avec l'industrie. On étudie le déroulement de toutes ces affaires, y compris l'attribution des contrats et le rapport qualité-prix. On a donc tendance à s'attacher aux secteurs plutôt qu'aux transactions.

Nous ne faisons guère de vérifications de transactions, c'est-à-dire celles où l'on voit très bien un vieux vérificateur arborant une visière verte qui passe au peigne fin chaque transaction. Nous nous attachons aux secteurs et faisons plutôt des vérifications systémiques. Nous procédons toutefois à certaines vérifications des transactions, mais il s'agit maintenant davantage de vérifications du type gestion où l'on cherche à examiner les questions plus générales. La vérification des transactions se fait surtout au niveau local.

M. Bélair: Qu'en est-il des résultats?

M. Lagueux: Les résultats sont transmis à la direction pour qu'elle prenne les mesures correctrices nécessaires. Mais comme je l'ai dit, toutes les vérifications exécutées dans nos services sont mises à la disposition du vérificateur général qui est donc parfaitement au courant des vérifications que nous effectuons dans nos services.

M. Bélair: Je vais reformuler ma question. Si un membre du public souhaite connaître les résultats de vos vérifications, peut-il en obtenir un exemplaire?

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M. Lagueux: Certainement. Toutes les vérifications tombent sous le coup de l'accès à l'information. J'imagine qu'il y a des vérifications qui sont classifiées et d'autres qui ne le sont pas. Toute vérification non classifiée peut certainement être obtenue par le public. Les vérifications des projets classifiés, par contre, ne sont pas nécessairement mises à la disposition du public.

Le président: Monsieur Bélair, je vous prie de m'excuser d'avoir profité d'un peu de votre temps. Vous souhaitez peut-être poser une autre question avant que M. Bryden reprenne la parole. Est-ce sur le même sujet?

M. Bryden: J'aimerais que vous approfondissiez un peu la question pour me dire quelle distinction il y a entre une vérification classifiée et une vérification non classifiée. Qu'est-ce que je ne peux pas voir? Puis-je voir la vérification du projet des VLSR?

M. Lagueux: Si une vérification a été effectuée, j'imagine que oui. Mais certains projets concernent des marchés publics de matériel classifié. En conséquence, les vérifications de ces projets sont classifiées.

M. Bryden: Il faudrait donc que le produit soit classifié, comme le matériel électronique?

M. Lagueux: Oui.

M. Bryden: Vous n'avez pas normalement recours à la Loi sur l'accès à l'information, par exemple, pour nous empêcher de voir une vérification concernant la défense.

M. Lagueux: Monsieur, la Loi sur l'accès à l'information permet précisément l'accès à l'information.

M. Bryden: Oh non, pas du tout.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): M. Bryden a parlé de la Loi sur l'accès à l'information. Cette loi traite bien sûr de l'accès du public aux questions telles que celles dont le témoin a parlé. Cela n'a rien à voir avec l'accès parlementaire. Je suis sûr que si M. Bryden ou le comité demandait à avoir accès à une question jugée classifiée par le ministère, le comité pourrait obtenir cette information de toute façon.

Le président: S'il vous plaît...

M. Lee: Je voulais que l'on fasse la distinction entre la Loi sur l'accès à l'information et l'accès par le Parlement.

Le président: Je crois que M. Bélair avait posé la question relativement au public.

M. Lagueux: C'est ainsi que je l'avais comprise, monsieur le président.

M. Bryden: Les députés n'ont pas davantage accès à l'information que les journalistes ou le grand public, sauf lorsqu'il s'agit d'un comité permanent comme le nôtre, et c'est seulement dans ce sens que l'on peut contraindre à témoigner. Je ne crois pas qu'on soit obligé de nous communiquer des renseignements classifiés. Je pense que c'est tout le contraire.

Le président: Monsieur Murray, je vous prie.

M. Murray (Lanark - Carleton): Monsieur McLure, j'aimerais revenir aux contrats de services liés au personnel et commencer par vous demander quelle est votre définition de ces services. Par exemple, si on demandait à quelqu'un d'écrire un rapport, cela serait-il considéré comme un service lié au personnel ou voulez-vous parler des gens qui viennent rejoindre l'effectif le temps d'un contrat?

M. McLure: Ils ne viennent pas rejoindre l'effectif à proprement parler. On leur accorde un contrat en vertu duquel ils doivent nous livrer un produit; il pourrait s'agir de réaliser une analyse sur une question ou un problème et de rédiger un rapport, ou de fournir un service en effectuant par exemple une activité précise dans le domaine informatique. Comme vous le savez sans doute, pour toute cette question des contrats de services liés au personnel, le problème du rapport maître-serviteur doit être évité. Il faut prendre garde à ne pas leur permettre de s'insinuer dans l'organisation et d'y prendre racine.

M. Murray: Je m'inquiétais en fait encore une fois - et M. Bryden en a parlé plus tôt - des anciens employés du MDN qui signent des contrats après avoir quitté le ministère. Je voudrais savoir si vous avez des garanties afin que des contrats indéfiniment renouvelés de moins de 30 000$ ne finissent pas par devenir des emplois à temps plein, mais restent bien des contrats.

M. McLure: Je ne veux pas dire que cela ne s'est jamais produit, mais nous traitons maintenant ces affaires de façon très rigoureuse, c'est-à-dire que nous étudions chaque cas individuellement, pour éviter ce genre de choses. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons particulièrement insisté sur les contrats de services liés au personnel. C'est une cellule unique qui est chargée de leur administration.

Nous essayons de suivre les choses de près pour éviter d'avoir des contrats qui se répètent ou des contrats qui s'accumulent, ou encore pour éviter que les entrepreneurs n'entrent dans une relation de maître à serviteur. De telles situations ont fait l'objet de vérifications et d'observations dans le passé. Cela n'est pas conforme à la réglementation et nous devrions l'éviter.

M. Murray: Savez-vous combien de ces entrepreneurs sont d'anciens employés du MDN en général?

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M. McLure: Pour les contrats de services liés au personnel, je n'ai pas les chiffres en tête, mais nous pourrons vous les faire parvenir si vous le souhaitez.

M. Murray: J'aimerais en effet les voir. Sur un autre sujet, vous avez dit qu'il devait y avoir des raisons précises pour contourner le processus concurrentiel et vous en avez énuméré quatre. Premièrement, lorsqu'il s'agit d'un besoin urgent et qu'un retard risque de nuire à l'intérêt public. Troisièmement, lorsque la nature des travaux est telle qu'il ne serait pas dans l'intérêt public de faire un appel d'offres. Qui prend ces décisions? Quel groupe avez-vous constitué et avez-vous chargé de décider s'il y a un besoin urgent ou si cela risque de nuire à l'intérêt public? Quelqu'un revoit-il ces décisions?

M. McLure: Je demanderai à M. Lagueux de répondre.

M. Lagueux: En effet, monsieur, c'est l'agent des contrats du MDN qui prend cette décision. Si le contrat passe ensuite par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, les employés de ce ministère peuvent vérifier cette façon d'envisager l'attribution du marché.

En gros, lorsqu'on dit que cela pourrait nuire à la santé ou à la sécurité publiques, c'est lorsqu'on a des besoins opérationnels urgents - par exemple, un avion de recherche et de sauvetage qui est immobilisé parce qu'il nous manque des pièces de rechange - ou lorsque nos troupes se livrent à des exercices, etc. C'est en général dans ces cas, que nous utilisons ces clauses.

Mais je l'ai déjà dit, au sein du MDN, si nous signons un contrat directement avec un entrepreneur, les règles que suivent nos employés veulent que dès que le contrat dépasse 1 000$, il y ait un appel d'offres. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'on rédige une description des travaux et qu'on lance un appel d'offres. Mais cela veut dire qu'on obtient au moins deux ou trois offres par téléphone avant de décider. Ce sont là nos propres règles.

Encore une fois, si nous nous tournons vers Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, cela veut dire qu'il s'agit d'un marché plus important. Dans ce ministère aussi, les mêmes règles sont suivies et on doit à nouveau justifier la validité du contrat. Nos fonctionnaires devront donc convaincre les responsables de ce ministère de l'utilité du contrat avant que le processus soit lancé.

M. Murray: Savez-vous avec quelle fréquence on outrepasse ou on contourne le processus lorsqu'on utilise ces directives? Est-ce très courant ou est-ce tout à fait inhabituel?

M. Lagueux: Lorsqu'on regarde ces quatre conditions, si on prend les montants - et nous avons déjà répondu plus tôt à M. Gilmour sur le sujet - nous concluons en fait de nombreux marchés non concurrentiels.

M. Murray: C'est-à-dire en invoquant l'intérêt public...

M. Lagueux: Je n'ai pas de pourcentages ni de chiffres à vous proposer, mais cela représente très peu de choses. En gros, la plupart de nos marchés non concurrentiels sont ceux pour lesquels il n'existe qu'un seul fournisseur ou ceux pour lesquels il est dans l'intérêt public d'agir ainsi. Par exemple, nous n'avons qu'une seule source pour la fourniture de munitions au Canada. Nous n'achetons pas nos pièces de rechange pour les F-18 au garage local. Nous devons pour cela nous adresser au fabricant. Ce sont là les principales raisons qui font que nous avons recours au processus non concurrentiel.

Les besoins urgents se font ressentir de temps en temps. Mais pour être franc avec vous, nous ne les répertorions pas, mais ils sont examinés de très près.

Contrairement à ce que vous pourrez constater, je crois, dans la plupart des ministères où existe une hiérarchie, les marchés publics et les contrats sont faits par des spécialistes du domaine concerné. À Ottawa, nous avons un groupe important de personnes spécialisées en approvisionnement, marchés publics et contrats. Il en va de même dans nos bases et nos stations puisque nous avons des responsables de l'approvisionnement qui sont des personnes, généralement des militaires, qui ont reçu une formation en approvisionnement, marchés publics et contrats.

L'essentiel de ce travail n'est donc pas réalisé par n'importe quel employé du ministère. Il est fait, surtout pour les marchés importants, par un groupe spécialisé de gens qui s'y consacrent entièrement. C'est leur métier et c'est le travail qu'ils font.

Cela ne veut pas dire que pour les crayons, le papier et les produits d'utilisation courante, nous ne passons pas par le processus d'acquisition et nous ne laissons pas les gens s'adresser ailleurs pour cela. Nous n'avons pas besoin de professionnels pour ce genre de choses. Pour d'autres biens de nature plus techniques, nous avons un groupe de personnes dévouées dont c'est le travail, qu'il s'agisse d'ingénieurs spécialisés dans l'entretien ou de spécialistes de l'approvisionnement et des marchés.

M. Murray: Enfin, on nous a dit qu'il y a un nombre croissant et important de modifications qui sont apportées aux contrats. J'aimerais savoir si ces modifications sont prévues lorsqu'on étudie et approuve le budget du projet. Je ne sais trop si vous avez envie de répondre à cela, mais j'aimerais savoir pourquoi il y a une augmentation de ces modifications.

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M. Lagueux: Oui, dans certains cas les modifications sont prévues d'avance. Je vais vous citer un cas particulier. Nous sommes en train d'acheter un véhicule blindé léger, LAV-RECCE, qui est un véhicule de reconnaissance, à General Motors, Division diesel à London (Ontario). Le contrat est en cours d'exécution. Lorsqu'il a été approuvé, nous savions que nous achetions le véhicule. Nous achetions aussi un dispositif de surveillance qui allait l'accompagner, et qui était fabriqué par un sous-traitant de General Motors.

Pour maintenir notre priorité sur la chaîne de fabrication du véhicule chez General Motors, nous avons immédiatement signé le contrat pour le véhicule. Pour le dispositif de surveillance et le reste des pièces qui allaient sur le véhicule, nous avons procédé ensuite à des modifications. Il s'agissait bien de modifications et nous savions qu'elles allaient être faites.

Ainsi, pour les chiffres que vous avez pour certaines années, vous pouvez constater une augmentation nette du nombre des modifications. Dans le cas qui nous occupe, elles étaient de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars pour les années en question. On savait qu'elles allaient intervenir et elles ont effectivement été faites.

Nous avons procédé de cette façon pour ce marché, comme je l'ai déjà dit, pour garder notre priorité sur la chaîne de fabrication des véhicules afin d'en prendre livraison au moment opportun. Le dispositif de surveillance, la tourelle et les autres pièces ont été achetés par la suite. Comme je l'ai déjà indiqué en réponse, je crois, à une question de M. Bryden, nous concluons un marché pour le matériel et nous signons un contrat ultérieurement pour les pièces de rechange et le reste. Les modifications sont donc courantes.

Pour les contrats moins importants, dire que nous concluons des marchés en connaissance de cause, et je crois que le comité s'inquiète de ce qu'on signe un contrat pour 29 000$ ou pour une autre somme peu importante et qu'on le modifie ensuite, sachant que le premier ne représente pas la totalité de nos besoins. Ce genre de marché, qui constitue en fait un fractionnement des contrats, est expressément interdit par nos propres règlements et notre guide concernant les marchés, au sein du MDN.

Mais nous avons effectivement au MDN un groupe de professionnels qui s'occupent des contrats et des marchés. Ils suivent de véritables cours de formation. Ils ont à leur disposition le guide des négociations des contrats. Nous avons aussi un cours sur la déontologie des achats que nous offrons à nos employés et que nous leur demandons en fait de suivre. Tout cela fait partie du processus.

Le président: Monsieur Bélair, nous avons trouvé le document. Il a été présenté aux ministres du Conseil du Trésor et à notre comité, et il porte la date du 20 juin 1995. Je n'étais pas président du comité à l'époque. Ce document est à votre disposition si vous souhaitez le consulter. C'est de là que sont tirés les chiffres de 107 000 et 182 000.

M. Bélair: Ce n'est pas cela que je contestais.

Le président: Vous contestiez l'expression «appel d'offres». Tout ce que nous avons, ce sont des chiffres globaux et ils recouvrent - je ne veux pas trop prendre de temps, mais je tiens à faire cette précision - à la fois les contrats attribués dans le cadre du SIOS et ceux qui sont accordés à des fournisseurs exclusifs. Tout n'est pas compris dans ces chiffres. Voilà les meilleures informations que je puisse vous donner.

L'un des problèmes de notre comité vient du peu d'informations qui circulent. Personne n'essaie d'être négatif ni de porter des accusations. Nous ne faisons qu'attirer l'attention sur la chose. Ce que vous voulez je crois, c'est que l'on précise qu'une partie de ces marchés passent par le SIOS.

M. Bélair: Non pas une partie, mais tous.

Le président: Non, ce n'est absolument pas vrai. Ce chiffre ne peut pas correspondre uniquement aux marchés qui passent par le SIOS parce qu'il est global. Ainsi nous n'avons que le total des marchés non concurrentiels et sur ce total, 107 000 marchés ont été attribués. Ces 107 000 marchés ne sont pas tous passés par le SIOS. Jamais de la vie. C'est là l'un des problèmes. Nous n'avons pas pu faire la distinction entre ceux qui sont passés par le système et ceux qui ne sont pas passés par lui. C'est là un problème pour le comité. Mais je voulais simplement préciser la chose.

En guise de conclusion, pour reprendre les remarques de M. Murray, on nous a dit que le fractionnement des marchés est - je n'aime pas employer l'adjectif «illégal», parce que ce n'est pas illégal - peu indiqué. Le Conseil du Trésor dit que c'est contre ses directives et vous précisez dans votre guide que c'est une activité interdite. Quelle évaluation indépendante effectuez-vous dans votre ministère lorsque des modifications de contrats vous sont soumises pour approbation?

M. McLure: Les évaluations sont indépendantes pour les contrats de services liés au personnel, je crois, car c'est l'un des domaines où cela peut se produire. On s'attache pratiquement à une seule chose pour l'administration de ces contrats. Ils ne sont pas très nombreux. Je crois qu'ils sont de l'ordre de 1 400 par année. On passe pour ainsi dire chacun d'entre eux au crible.

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Le président: Vous dites qu'ils sont passés au crible. Qui est ce crible?

M. McLure: Il s'agit du bureau du personnel de notre sous-ministre adjoint.

Le président: C'est approuvé par un sous-ministre adjoint?

M. McLure: C'est approuvé au sein du bureau du personnel du sous-ministre adjoint. On me dit que si le contrat dépasse 30 000$, il faut signaler à celui qui le propose qu'il doit avoir recours au système concurrentiel s'il souhaite fractionner le contrat et augmenter le montant.

Le président: Il s'agit donc de contrats de moins de 30 000$.

M. McLure: Pour les contrats de moins de 30 000$, il peut y avoir un fournisseur exclusif.

Le président: C'est précisément là que se situe le problème.

M. McLure: C'est approuvé par le bureau du personnel du sous-ministre adjoint, au ministère de la Défense nationale.

Le président: Cela vaut-il pour l'ensemble du pays?

M. McLure: Ce service n'est pas décentralisé.

Le président: Il s'agit donc des contrats de moins de 30 000$.

M. McLure: Oui.

Le président: Est-ce que tout est approuvé à Ottawa pour l'ensemble du pays?

M. McLure: Nous parlons ici des contrats de services liés au personnel. Pour l'acquisition de biens et de services, le maximum pour les bases n'est que de 2 500$, mais ces pouvoirs délégués viennent de passer à 5 000$. Cela est en cours d'application. Au-dessus de 2 500$, nous nous adressons à Travaux publics et Services gouvernementaux.

Le président: Vous savez certainement de quoi nous nous occupons. Vous avez lu les comptes rendus des travaux du comité dans les médias. Vous savez ce qu'a dit le Conseil du Trésor, et en tant que sous-ministre délégué, vous savez aussi sans doute que le Conseil du Trésor vous a tous réunis récemment, il y a deux ou trois mois, pour parler de cette tendance qui ne lui plaît guère.

Le fait d'être satisfait ou non est bien sûr un état d'esprit. Mais M. Little a comparu à nouveau devant nous récemment, jeudi dernier en fait, et a reconnu que c'était un problème. Vous nous avez un peu dit de quelles façons vous alliez tenter d'y remédier.

M. Bryden ne s'intéresse peut-être pas autant aux petites entreprises et aux petits chiffres que moi. Comment réagiriez-vous si le comité recommandait au Conseil du Trésor, et que le Conseil du Trésor mette en oeuvre cette recommandation, de passer 50 p. 100 de tous les marchés publics - et cela vaudrait aussi pour votre ministère, pour certains montants et certains types d'achats - avec de petites et de moyennes entreprises? Comment réagiriez-vous à cela?

M. McLure: Cinquante pour cent?

Le président: De tous les marchés, oui. Ainsi, 50 p. 100 de 3,5 milliards de dollars devraient aller à de petites et moyennes entreprises.

Nous savons tous que Canadian Tire ne va pas se mettre à fabriquer des véhicules blindés légers et qu'il y aura des exceptions, mais c'est ce que notre comité pourrait essayer de faire admettre comme politique générale. Comment réagiriez-vous à cela? Pourriez-vous respecter cette exigence?

M. McLure: Il s'agit en gros de réserver ce pourcentage pour ce secteur.

Le président: Exactement.

M. McLure: Je trouve que le pourcentage est très élevé.

Le président: Quel pourcentage il vous semblerait indiqué de réserver aux petites entreprises canadiennes au MDN?

M. McLure: Pour pouvoir répondre de façon judicieuse, il me faudrait étudier davantage la question car je ne la connais pas suffisamment pour l'instant.

Le président: Y avez-vous jamais pensé?

M. McLure: J'ai été sous-ministre adjoint chargé des petites entreprises au ministère de l'Industrie pendant quelques années. Nous essayions déjà à l'époque de résoudre ce problème, mais nous n'avons jamais pu prendre position sur le sujet.

Le président: C'est là un élément du problème. Sauf votre respect, c'est exactement l'un des problèmes.

M. McLure: C'est une question très difficile.

Le président: C'est l'un des problèmes dont a parlé notre premier ministre dans son Livre rouge - il y est question de l'engagement du gouvernement envers les petites entreprises. Si le gouvernement est le plus gros consommateur, que doit-on faire?

M. McLure: On arrive en fait sur le terrain mouvant de la définition des petites et des moyennes entreprises.

Le président: Cinquante employés et moins.

M. McLure: Mais qui peut en être propriétaire? Ce sont précisément la propriété et les autres tentacules qui nous ont posé des problèmes lorsque nous avons étudié la question. Nous avions un comité consultatif sur les petites entreprises à l'époque qui a tenté de nous aider. Il est très difficile de trouver une solution juste et équitable dans cette affaire.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons laisser M. Bryden poser une dernière question.

M. Bryden: Il y en aura peut-être deux, mais je pourrais sans doute me limiter à une seule.

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Dans votre exposé, vous dites que le crédit du MDN pour 1994, pour les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital, dépassait 5 milliards de dollars. Ces 5 milliards de dollars sont-ils destinés aux marchés?

M. McLure: Oui, aux marchés publics.

M. Bryden: Connaissez-vous le chiffre correspondant pour 1993-1994? Il y a quelque chose ici qui ne colle pas et j'aimerais en avoir le coeur net, mais après tout ce n'est peut-être pas une anomalie.

Pour 1994-1995, nous avons 5 milliards de dollars. Combien avions-nous pour 1993-1994?

M. McLure: Sans doute un peu plus, mais je vais devoir vous obtenir ce chiffre car je ne l'ai pas sous la main.

M. Bryden: Très bien. J'aimerais simplement signaler qu'il y a ici un petit problème car le Conseil du Trésor donne le chiffre de 3,2 milliards de dollars. Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.

Une voix: Pour quelle année?

M. Bryden: Il donne 3,2 milliards de dollars pour 1993-1994 pour l'ensemble des marchés publics et vous, vous avez 5 milliards de dollars; il y a donc là une anomalie. Soit vos dépenses pour les marchés publics ont augmenté de 2 milliards de dollars, et je ne crois pas que ce soit le cas...

M. McLure: Nous avons inclus beaucoup de choses dans ce chiffre. Nous avons regroupé les crédits 1 et 5, qui représentent les dépenses de fonctionnement et les dépenses en capital, et nous avons inclus l'article courant 04, qui représente les services professionnels et spécialisés, ainsi que les suivants jusqu'au numéro 09.

M. Bryden: C'est bien ce que je veux dire. Si le chiffre de 3,2 milliards de dollars que nous a fourni le Conseil du Trésor ne représente qu'un crédit, j'aimerais qu'il nous donne les chiffres correspondants pour l'autre crédit car peu importe que vous signiez des contrats pour vos dépenses en capital ou pour vos dépenses de fonctionnement; ce sont toujours des contrats. Soit on a oublié quelque chose dans le chiffre du Conseil du Trésor, soit ce sont vos chiffres qui posent un problème.

J'aimerais que vous me donniez des précisions lorsque cela sera possible.

M. McLure: Il s'agit des activités contractuelles annuelles. Je ne sais si c'est un problème de définition entre les marchés qui ont été conclus et les dépenses qui ont été faites pour ces marchés. Nous allons essayer d'y voir clair.

M. Bryden: Pourriez-vous nous obtenir un exemplaire de ce rapport du Conseil du Trésor, de cette ventilation?

M. McLure: On vient de m'en passer un exemplaire. Je crois que je l'ai ici.

M. Bryden: Très bien. C'est parfait. Nous allons donc pouvoir y voir clair.

M. McLure: Et je vous fournirai les autres chiffres.

M. Bryden: Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Bryden.

Merci d'avoir été si patients. Tous ces chiffres sont nouveaux pour nous. M. Bryden est le seul membre du comité qui aime manier les chiffres.

Merci beaucoup. Il se peut que nous ayons à nouveau à vous solliciter.

La séance est levée.

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