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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mai 1995

.1104

[Traduction]

Le président: Chers collègues, mesdames et messieurs, je déclare cette séance ouverte. Aujourd'hui nous allons entendre quatre groupes de témoins qui s'intéressent au projet de loi d'initiative parlementaire, le C-224.

.1105

Je vais vous expliquer comment nous allons fonctionner et j'espère pouvoir compter sur votre coopération. J'aimerais entendre les exposés des quatre groupes de témoins, un à la suite de l'autre, avant de passer à la période de questions. Si cela leur convient, nous entendrons d'abord les représentants de la Société canadienne des directeurs d'associations, puis ceux de médecins pour un Canada sans fumée, ceux du Pearson-Shoyama Institute, et enfin les représentants de l'Organisation nationale anti-pauvreté.

Il y a une chose que je tiens à vous signaler. Nous avons deux heures, et je vous assure que deux heures ce n'est pas long, surtout lorsque nous recevons quatre groupes différents. Je vous prierai donc de faire des exposés préliminaires aussi brefs que possible. Par exemple, j'ai jeté un coup d'oeil au texte de l'exposé de médecins pour un Canada sans fumée. J'aimerais que vos exposés ne durent pas plus de cinq ou six minutes. Il est absolument impossible de lire le texte de médecins pour un Canada sans fumée en cinq ou six minutes. Si, tous ensemble, vous prenez, mettons, 25 minutes, cela nous laissera environ une heure et demie pour les questions, et je pense que vous verrez que ce projet de loi contient suffisamment d'éléments controversés pour susciter beaucoup de questions.

Nous allons commencer par M. Shand, de la Société canadienne des directeurs d'associations. Il est accompagné de la présidente du conseil, Paulette Vinette. Je vous en prie.

M. Jack Shand (président, Société canadienne des directeurs d'associations): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

Permettez-moi de vous dire tout d'abord que la Société canadienne des directeurs d'associations est un organisme bénévole qui compte plus de 2 000 membres. Ces membres sont des employés d'organismes sans but lucratif, parmi lesquels il y a des groupes d'affaires et des groupes professionnels, ainsi que des organismes de charité enregistrés.

Nous appuyons certains des objectifs de M. Bryden. Les lois et les règlements qui régissent à l'heure actuelle les organismes de charité et les organismes sans but lucrtif sont comme une mosaïque composée d'éléments disparates élaborés au fil des décennies, voire des siècles.

M. Bellemare (Carleton - Gloucester): J'invoque le Règlement. Sommes-nous ici pour discuter d'un député ou d'un projet de loi d'initiative parlementaire? Dans son introduction, le témoin a mentionné un député ici présent, mais je pense que nous étudions un projet de loi, pas un député.

Le président: Je ne pense pas que nous puissions dire aux témoins de quelle manière ils doivent aborder un projet de loi. Si c'est ainsi qu'ils souhaitent aborder la question, je pense que c'est leur affaire, monsieur Bellemare.

Allez-y, monsieur Shand.

M. Shand: Comme je le disais, il est certain qu'une réforme s'impose. Cette réforme devrait se faire au moyen d'une nouvelle loi fédérale qui refonderait et moderniserait les lois actuelles.

Deuxièmement, nous appuyons les objectifs de responsabilité et de transparence. Nous n'avons rien à cacher et nous appuyons cette position. Toutefois, notre analyse du projet de loi C-24 et ce que nous en avons entendu dire confirme que cette mesure ne concerne pas la divulgation publique de la rémunération et des avantages versés aux administrateurs et dirigeants des organismes exonérés d'impôt.

[Français]

Mme Paulette Vinette (présidente, Conseil d'administration, Société canadienne des directeurs d'association): L'objet du projet de loi C-224 consiste à obliger un ou plusieurs employés de ces organismes, c'est-à-dire les particuliers qui ne sont ni les dirigeants, ni les membres du conseil d'administration, à divulguer leur rémunération.

À notre avis, cette exigence n'a aucune assise juridique puisqu'elle s'appuie uniquement sur le statut d'emploi pour exiger la divulgation du revenu, même si la personne concernée ne détient pas d'autorité légale pour établir les politiques de l'organisme qui l'emploie.

Nous sommes disposés à appuyer le projet de loi C-224, tel que la Chambre des communes l'a approuvé en principe, avec deux ou trois modifications mineures, à condition que le projet de loi soit limité aux administrateurs et dirigeants. Il nécessite, par conséquent, une modification majeure.

[Traduction]

M. Shand: Les modifications que nous vous proposons d'apporter au projet de loi concernent donc l'intention du parrain, telles qu'elles vous ont été exprimées mardi dernier; c'est-à-dire, la divulgation publique de la rémunération des employés.

Si les membres du comité ont le projet de loi à portée de la main, nous aimerions vous expliquer très rapidement un certain nombre d'amendements que nous vous proposons.

.1110

Tout d'abord, le préambule au grand complet et le titre abrégé son inutiles si vous êtes d'accord avec les objectifs qui ont été énoncés mardi. Je le répète, l'enjeu n'est pas la divulgation de la rémunération des dirigeants d'organismes de charité, et c'est pourquoi il faut réécrire le préambule et le titre. J'ignore ce que cela signifie sur le plan juridique, mais lorsque l'intention de la loi est totalement incompatible avec ce qui est approuvé par la Chambre des communes, j'imagine qu'il faut tout recommencer.

Ensuite, à l'article 2, la définition du ministre compétent est claire. Nous voulons ajouter trois définitions à cet article, à savoir: Premièrement, un administrateur est une personne élue ou nommée à l'assemblée générale annuelle de l'organisme sans but lucratif ou fondation de charité et est autorisée à établir la politique de l'organisme ou de la fondation; deuxièmement, un paiement au sens de cette loi est une subvention directe versée par le gouvernement du Canada pour les besoins généraux de l'organisme ou de la fondation; et troisièmement, seraient exclus de l'application de cette loi un contrat, une contribution ou un marché de produits et de services conclus entre l'organisme ou la fondation et le Gouvernement du Canada ou son mandataire.

L'article 3, tel qu'il est énoncé, comprend certains organismes et fondations, mais pas tous. Comme vous l'avez entendu au cours du témoignage de mardi, il faut élargir cette définition pour englober toute organisation exemptée de l'impôt visée par l'article 149 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Sans quoi cette loi serait discriminatoire.

Notre quatrième amendement à l'article 3 vise la phrase:

Nous sommes d'avis que les préoccupations des députés et du plublic relativement au financement gouvernemental des fondations de charité et des organismes sans but lucratif ont trait aux subventions directes, à savoir, les fonds publics qui soutiennent les activités de l'organisme de la fondation, entre autres au niveau de l'administration. Ce qui n'a rien à voir avec les projets et les marchés que le gouvernement conclut avec les organismes sans but lucratif et les fondations de la charité. Une subvention est une aide inconditionnelle. Le gouvernement finance des projets et des marchés pour réaliser ses objectifs dans des secteurs précis du développement social ou économique.

Si le texte de loi que vous avez adopté contient l'adverbe «indirectement», il sera difficile, nous l'observons respectueusement, de quantifier la valeur d'un avantage financier indirect pour l'application des sanctions légales.

Les alinéas 3(1)b) et 3(1)c) qui suivent, c'est-à-dire ceux qui sont relatifs aux versements de fonds publics canadiens dans le dernier tiers de la première page du texte de loi, ne sont pas clairs et devront être retranchés. Notre quatrième amendement les rendrait inutiles.

Le sixième amendement a trait à l'article 4 du projet de loi, où l'on décrit l'exemption pour les contrats. Nous croyons qu'il faut l'élargir pour exempter particulièrement les projets financés et les contributions.

Notre septième amendement a trait à la définition de l'administrateur. Nous voyons que l'alinéa 3(5)b) autorise le ministre du Revenu national à en définir le sens, mais nous sommes d'avis que c'est votre comité qui doit le faire.

[Français]

Mme Vinette: Le point le plus important se rapporte à notre réserve exprimée plus tôt devant l'obligation faite à des employés de déclarer leur rémunération. Nous avons été très heureux d'apprendre que vous entendez demander l'avis du commissaire responsable de la protection de la vie privée. Cela dit, nous vous prions de soupeser soigneusement le besoin d'information du public et le droit à la vie privée. Même si les experts en droit vous donnent le feu vert, il faut aussi évaluer attentivement le précédent qui sera alors établi.

Le projet de loi pourrait, en effet, être interprété de la façon suivante, par les citoyens. Si vous recevez un paiement du gouvernement, vous devez divulguer publiquement votre revenu. Dans ce cas, les retraités, les chômeurs, les agriculteurs, les étudiants, les personnes défavorisées et les entreprises les mieux nanties pourraient considérer ce projet de loi comme un pied dans la porte.

[Traduction]

M. Shand: Nous sommes d'avis que nos amendements au projet de loi C-224 satisferont le besoin d'information du public.

La question est-elle de connaître les salaires ou bien de savoir si le gouvernement emploie bien les deniers du contribuable? Nous croyons que les Canadiens veulent savoir comment le gouvernement dépense leur argent.

Les informations qu'on recueille déjà et celles qu'on recueillera grâce à l'amendement au projet de loi C-43 permettront d'en savoir encore plus sur les groupes d'intérêt financés par le gouvernement. Toutes ces informations devraient être portées à la connaissance du public.

Il y a aussi la question du degré de financement. Prenez un exemple: il existe dans votre circonscription une organisation sans but lucratiaf ou une fondation de charité. Il s'agit d'un centre de santé, d'une institution éducative, d'un centre récréatif ou d'une association de gens d'affaires. Vous voulez aider un étudiant à obtenir un emploi d'été au sein de cette organisation. L'emploi d'été en question est partiellement subventionné par le gouvernement fédéral.

Comment à votre avis le président ou le directeur administratif va-t-il répondre à votre demande si, sous prétexte qu'il donne un emploi à un étudiant et accepte pour ce faire un financement partiel qui représente peut-être moins de 1 p. 100 du budget total de son organisation, ce cadre supérieur doit désormais divulguer son revenu?

.1115

Ma dernière remarque vise à améliorer la compréhension des mesures d'observation. Revenu Canada a déclaré mardi dernier dans son témoignage devant le comité qu'il contacte aujourd'hui toutes les organisations pour leur demander de fournir les renseignements qui manquent. Le problème va disparaître ou bien ce sont les organisations qui ne se conforment pas à la loi qui vont disparaître.

L'automne dernier, j'ai rencontré le parrain de ce projet de loi dans son bureau de circonscription à Dundas et je lui ai offert notre aide. Nous vous refaisons la même offre aujourd'hui. Nous allons demander au ministère de l'Industrie de collaborer avec nous à l'élaboration d'une nouvelle loi qui modernisera les lois régissant les organisations sans but lucratif et les fondations de charité. Nous aurons besoin pour cela de votre soutien et de celui de vos collègues.

Nous sommes d'accord pour dire que le public a besoin de plus d'information. Pour notre part nous privilégions une solution systémique et stratégique et non l'ajout d'une pièce supplémentaire à une courtepointe déjà surchargée de contributions improvisées.

[Français]

Mme Vinette: Afin de ne pas monopoliser votre temps, nous avons préparé, à l'intention du Comité, un résumé des trois nouvelles exigences qu'imposerait le projet de loi C-224, ainsi que des exigences excitantes qui n'ont pas, d'après nous, à être reprises.

[Traduction]

Nous avons remis le texte de notre exposé de ce matin au président et au greffier.

[Français]

Nous vous remercions de l'attention que vous nous avez accordée.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à rappeler aux témoins qu'ils ont pris un peu plus de neuf minutes, et que le temps file très vite.

Nous allons maintenant entendre Mark C. Taylor, président, et Cynthia Callard, directrice administratiave de Médecins pour un Canada sans fumée.

M. Mark C. Taylor (président, Médecins pour un Canada sans fumée): Nous vous remercions pour cette occasion de faire valoir les vues de Médecins pour un Canada sans fumée sur le projet de loi C-224.

La question de l'imputabilité des groupes qui reçoivent des fonds publics est très importante, et on aurait du mal à défendre l'idée que quiconque reçoit des fonds publics peut être dispensé d'un examen scrupuleux.

Je veux vous expliquer aujourd'hui pourquoi nous sommes favorables à l'imputabilité et vous parler aussi des fausses conceptions que cela peut susciter. Je vous dirai aussi en toute franchise qu'à mon avis, les avantages de ce projet de loi risquent d'être annulés par l'esprit négatif dans lequel il est proposé.

Je suis chirurgien généraliste et je prépare actuellement une maîtrise en épidémiologie clinique. Je me suis joins à un Médecins pour un Canada sans fumée en 1988 et j'en suis actuellement le président bénévole.

À mon avis, Médecins pour un Canada sans fumée a fait une contribution extraordinaire à la santé publique et cela, avec de très maigres ressources. Malheureusement, certains parlementaires semblent penser qu'ils ont pour mission de discréditer les bénévoles canadiens qui s'emploient à améliorer le sort de leur pays.

Médecins pour un Canada sans fumée a été fondé il y a dix ans par un petit groupe de médecins résolus à lutter contre l'influence indue de l'industrie du tabac sur nos enfants. Ils ont constaté d'emblée que la prévention des maladies causées par le tabac coûtait beaucoup moins cher, était plus facile à réaliser et aussi beaucoup plus humaine que le traitement de ces mêmes maladies. Par la promotion bénévole de la santé publique, ils ont rehaussé leur rôle de pourvoyeur de soins de première ligne. Ces quelques personnes, en prenant des risques énormes pour leur situation financière personnelle, ont travaillé sans relâche pour faire de Médecins pour un Canada sans fumée une force avec laquelle compter.

En 1985, Revenu Canada nous a accordé le statut privilégié d'organisme de charité enregistré.

Nous avons aujourd'hui un bureau au centre-ville d'Ottawa et une personne salariée, la directrice administrative, Mme Cynthia Callard. La dernière vérification comptable indique que nos recettes et nos dépenses sont inférieures à 70 000$. Notre organisation est frugale, nos coûts administratifs sont minimes et nos frais d'exploitation également. Nous n'avons jamais reçu la moindre subvention gouvernementale.

À titre d'information, j'ai remis au greffier copie de notre constitution ainsi que notre rapport annuel le plus récent. Nous aurions remis ces textes à quiconque aurait pris la peine de nous les demander.

Depuis nos débuts, nous avons reçu des contributions financières de près de 1 500 médecins canadiens. En outre, nous avons reçu, à l'occasion, des subventions du secteur privé.

Comme dans nombre de petites organisations non gouvernementales, c'est un groupe de moins de dix médecins qui sont au coeur de notre organisation. Ces personnes qui siègent à notre conseil d'administration nous ont fait don de leur savoir et de centaines d'heures de leur temps et n'ont jamais reçu quoi que ce soit en retour, qu'il s'agisse d'une indemnité financière ou autre. Personnellement, j'ai consacré au moins 1 000 heures aux affaires de notre organisation et je n'ai rien reçu en échange, si ce n'est la satisfaction personnelle de savoir que je peux changer l'état des choses.

On comprend mal les motifs de ceux qui ont recours à la désinformation et à l'insinuation pour condamner ceux d'entre nous qui consacrent leurs soirées et leurs fins de semaine à protéger les enfants contre l'accoutumance à des drogues mortelles.

Le premier objectif de Médecins pour un Canada sans fumée est de prévenir l'accoutumance au tabac, d'encourager la création de l'environnement sans fumée et d'encourager les gens à cesser de fumer. renonciation au tabac. Nous faisons des recherches, nous rédigeons des articles, nous publions des textes scientifiques que nous présentons lors de rencontres de scientifiques et nous communiquons des informations au public et aux médias. Nous conseillons le gouvernement lorsque nous comparaissons en comité. J'ai conseillé nombre d'organismes nationaux sur les questions du tabac. Jamais aucun de ces organismes ne nous a récompensés de quelque façon que ce soit.

.1120

Nous donnons notre temps bénévolement car nous savons que 40 000 familles canadiennes par année pleurent la perte d'un être cher et que cela aurait pu être évité. Cela dit, vous pouvez imaginer notre stupéfaction: au lieu d'être appréciés et remerciés pour l'énorme travail que nous faisons pour la population et pour le gouvernement, et qui ne leur coûte pas grand-chose, nous nous faisons attaquer rageusement par un élu qui n'a même pas cherché à communiquer avec nous pour se renseigner au sujet de notre travail.

«Médecins pour un Canada sans fumée» faisait partie d'une poignée d'organismes de services communautaires qui a condamné l'auteur de ce projet de loi. Il a prétendu que nous étions de mèche avec une industrie qui n'hésite pas à user d'informations trompeuses et dont les représentants s'octroient d'énormes salaires.

Il est dramatique de constater que le simple fait d'avoir été à la Chambre des communes permet de publier des sous-entendus et des demi-vérités et de les faire passer pour de la recherche. Qualifier ce rapport de recherche est une insulte aux milliers de Canadiens qui font de la recherche véritable.

Nous divulguerons volontiers l'information demandée dans le projet de loi, car cela nous protégerait contre des déclarations aussi délibérément fausses. Toutefois, le projet de loi, tel que libellé, comporte de graves vices de formes et omissions. La divulgation des salaires et des avantages ne donnera qu'un mince aperçu des activités d'une organisation, quelle qu'elle soit.

Le Parlement devrait peut-être se demander quels services ces groupes fournissent à la collectivité et combien cela coûterait au gouvernement pour remplacer les bénévoles par des fonctionnaires. Je recommande au comité d'essayer de trouver des façons d'accorder des crédits d'impôt pour le travail bénévole accrédité.

Le projet de loi actuel ne répond en rien une des préoccupations légitimes soulevées parM. Bryden dans son rapport. En effet, l'activité politique n'est pas définie adéquatement. Dans le livret que toutes les organisations de bienfaisance enregistrées reçoivent de Revenu Canada, l'activité politique consiste en des efforts pour influencer l'opinion publique et mobiliser celle-ci dans le but d'exercer des pressions sur des élus.

Dans le paragraphe suivant, on trouve toutefois nombre d'exceptions à cette large interdiction. Aux yeux du ministère, tous les efforts déployés directement en vue de faire valoir la position d'une oeuvre de bienfaisance sur une question touchant les objectifs qualitatifs pour lesquels elle a été enregistrée tombent dans la catégorie générale d'activités caritatives.

Il faut une définition claire, une définition qui ne permette aucune interprétation erronée des activités légitimes des organisations dûment accréditées comme oeuvre de bienfaisance. Je propose au lieu de cela que les activités des organisations de charité correspondent clairement aux objectifs fixés par le gouvernement lorsqu'il lui a accordé son statut d'organisme de charité.

Ce qui est le plus malheureux dans le projet de loi, c'est qu'il traduit l'incapacité du gouvernement à comprendre le rôle des ONG dans notre structure politique actuelle. Il faut trouver l'équilibre entre, d'une part, le rôle politique des entreprises commerciales et, d'autre part, les groupes d'intérêt public.

Il est curieux de constater que l'on n'empêche absolument pas des entreprises comme les compagnies de tabac de déduire les dépenses qu'elles font pour influer sur la politique publique, mais par contre, on limite sérieusement la capacité des organisations publiques à recevoir des dons déductibles d'impôt pour faire la même chose.

Même si vous êtes d'avis qu'il existe deux points de vue légitimes au sujet du tabac, il est à la fois injuste et dangereux de permettre aux représentants de l'industrie du tabac d'utiliser leurs ressources - qui sont massives - pour influencer la population et les élus alors que l'on sert de plus en plus la vis aux groupes tel que le nôtre qui doivent utiliser de maigres ressources pour montrer l'autre point de vue aux politiciens et à la population.

Les intérêts des Canadiens ne seront pas mieux servis si la seule information que reçoit le gouvernement vient du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.

Avant de terminer, j'aimerais revenir au libellé problématique de l'article 3 du projet de loi. À la ligne 15, le projet de loi cherche à définir les organismes qui reçoivent directement ou indirectement des fonds publics canadiens. Plusieurs questions me viennent à l'esprit.

Tout d'abord, pourquoi la loi devrait-elle s'appliquer uniquement aux organismes sans but lucratif ou aux oeuvres de charité? Le principe de l'imputabilité ne devrait-il pas s'appliquer également aux entreprises commerciales et aux groupes caritatifs? Je propose de modifier le projet de loi en supprimant à l'article 3, page 1, les lignes 9 à 14, du mot «constitue» au mot «qui».

Ensuite, j'aimerais revenir à la question d'équité déjà soulevée. Pourquoi traiter différemment le secteur des organismes sans but lucratif et le secteur à but lucratif qui reçoit déjà des subventions, qui peut offrir ses services et obtenir des contrats publics?

Enfin, il faudrait définir avec plus de précision ce que l'on entend par fonds publics reçus indirectement.

Pour conclure, je répète que nous n'avons rien à craindre de cette obligation de divulguer. En fait, cela nous protégera justement du type d'attaque injustifié dont nous avons souffert à la fin de 1994. Nous croyons fermement que peu importe les mécanismes instaurés, il ne doivent pas constituer un fardeau administratif supplémentaire pour les organismes caritatifs comme le nôtre qui n'ont qu'un seul employé pour gérer toutes leurs affaires. Ces contrôles supplémentaires ne doivent surtout pas favoriser encore plus les riches et les puissants.

Les règles de divulgation publique qui s'appliquent à ceux qui reçoivent des fonds publics doivent s'appliquer tout autant à ceux qui cherchent à augmenter leurs bénéfices qu'à ceux qui oeuvrent dans l'intérêt public.

.1125

Merci.

Le président: Merci, monsieur Taylor.

Nous passons maintenant à M. Andrew Cardozo, président le l'Institut Pearson-Shoyama.

M. Andrew Cardozo (président, Institut Pearson-Shoyama): Je vous explique ce qu'est l'Institut Pearson-Shoyama: nous sommes un groupe de réflexion qui s'intéresse à certains aspects de la politique publique. Nous tentons de donner un certain crédit à la notion d'implication de façon à ce que les Canadiens aient voix au chapitre dans les débats entourant les politiques publiques parce qu'ils s'y intéressent et qu'ils ont quelque chose à dire plutôt qu'en raison de leur nom ou parce qu'ils sont de telle ou telle région.

Nous ne recevons aucun financement de base du gouvernement, et nous n'en voulons pas. Nous ne recevons aucune subvention d'entreprises ou autres groupes d'intérêt.

Au cours des derniers mois, nous nous sommes intéressés à la possibilité de promouvoir le rôle des groupes d'intérêt dans la société, dans le contexte politique et économique actuel.

On a beaucoup discuté de la valeur des groupes d'intérêt public. De notre côté, nous voulons étudier le climat politique et économique actuel pour voir comment on pourrait réorganiser la société de façon plus positive et coopérative.

J'ai quatre observations au sujet du projet de loi. Tout d'abord, il est important que le Parlement fasse ce qu'il peut pour faire avancer la cause du bénévolat au Canada. Plus les divers paliers de gouvernement limitent leur mandat et abandonnent une partie de leurs responsabilités, plus les gouvernements demandent aux secteurs volontaires d'assumer de nouveaux rôles. Il est donc d'autant plus important pour le gouvernement de ne pas aliéner le bénévolat. Il doit au contraire favoriser ce secteur et le renforcer.

Le bénévolat a toujours été un des piliers de notre société et il doit, aujourd'hui plus que jamais, assumer un rôle accru. Le Parlement doit faciliter cette évolution.

Il serait utile de reconnaître dans un préambule au projet de loi la valeur du secteur volontaire et des groupes d'intérêt public ainsi que leur apport social, économique et culturel. Ce n'est pas une déclaration vide de sens. Au contraire, c'est une déclaration qui doit témoigner des valeurs de notre société. D'autre part, le Parlement devrait encourager fortement les Canadiens à s'investir dans le secteur volontaire.

En second lieu, et là je vais contredire la Société canadienne des directeurs d'associations, et je m'en excuse. Je suggère que vous élargissiez votre définition des groupes qui reçoivent des fonds directement ou indirectement et que vous soyez plus précis.

Comme le disait le deuxième témoin, je préférerais que le projet de loi vise tous ceux qui reçoivent de l'argent sous forme de dons déductibles d'impôt: cela constitue du financement indirect, qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un parti politique. Quand on donne de l'argent à un organisme et qu'on peut inscrire ce don comme une dépense déductible d'impôt, c'est le contribuable qui subventionne indirectement le groupe.

Il ne faut surtout pas que ce projet de loi soit considéré comme une chasse aux sorcières visant certains groupes. Au contraire, le projet de loi doit être général et s'appliquer à tous de la même façon, y compris à l'association qui, si j'ai bien compris, ne serait pas touchée par ce projet de loi.

De la même façon, j'aimerais que les salaires de toutes les entreprises, de tous les partis politiques, de tous les groupes d'intérêts et de toutes les oeuvres de bienfaisance soient publics. Cela doit s'appliquer à tous ou ne s'appliquer à personne. Il ne faudrait pas viser certains groupes alors que vous fermez les yeux sur les autres.

Troisièmement, le projet de loi ne devrait pas décourager les bénévoles de faire partie d'un conseil d'administration. Lorsque le projet de loi parle des avantages des membres du conseil, il doit exclure très clairement les dépenses qui font l'objet de déductions, comme les frais de stationnement ou les repas servis lors des réunions du conseil d'administration, etc., qui ne représentent après tout que de minimes déductions. En effet, il ne faudrait pas que le recrutement des membres bénévoles des conseils d'administration devienne encore plus difficile à cause du projet de loi et que ceux-ci aient à assumer un fardeau financier encore plus grand.

Je crois que vous avez déjà discuté des coûts d'application supplémentaires du projet de loi pour le gouvernement et des amendes. Je vous encourage à chercher à réduire ces coûts. Les amendes devraient être plus réalistes et plus proportionnelles au type d'information que recherche le gouvernement.

Monsieur le président, comme mon temps n'est pas encore écoulé, laissez-moi en 30 secondes... Je vous rappelle que j'aurai encore l'occasion de parler en répondant aux questions.

.1130

Pour terminer, je dirai que le moment est venu pour tous les groupes d'intérêt, les instituts, le Parlement, etc, de chercher des moyens pour accorder plus de place au bénévolat dans notre société et de permettre à ces groupes de travailler en collaboration avec le gouvernement et les Parlements. La tension qui règne depuis quelques mois n'a rien de particulièrement salutaire. Il faut privilégier la coopération. Merci.

Le président: Merci, monsieur Cardozo.

Nous allons maintenant entendre l'Organisation nationale antipauvreté, représentée parMme Lynne Toupin et M. François Duhaime.

Je rappelle à mes collègues que lorsque viendra le moment de poser des questions vous pourrez les adresser à l'un ou l'autre des quatre groupes. N'en oubliez pas, surtout le premier, que vous aurez entendu une demi-heure plus tôt. Préparez donc vos questions en fonction de tous les témoins.

Madame Toupin.

[Français]

Mme Lynne Toupin (directrice exécutive, Organisation nationale antipauvreté): Merci au Comité de nous donner l'occasion de commenter le projet de loi C-224 ce matin.

Ce n'est pas notre intention de prendre beaucoup de temps. Nous espérons pouvoir respecter les cinq minutes qui nous sont allouées. Nous aimerions tout de même faire quelques commentaires quant à la raison d'être de ce projet de loi, son étendue, sa mise en oeuvre, de même qu'à ses conséquences possibles.

[Traduction]

Pour ceux qui ne connaissent pas notre organisation, je précise qu'il s'agisse d'une organisation apolitique, nationale sans but lucratif formée en 1971 dans le but de défendre les intérêts et d'exprimer les préoccupations des Canadiens à faible revenu.

Aux termes de nos statuts, notre conseil d'administration est composé au deux tiers de personnes qui vivent dans la pauvreté ou qui en ont eu une expérience directe. Actuellement, les 9/10 des membres du conseil d'administration vivent en-dessous du seuil de la pauvreté.

Nous touchons une subvention du gouvernement fédéral et nous recueillons des dons auprès de particuliers dans une proportion d'environ 60-40. Nous cherchons sans cesse à accroître le nombre de dons pour acquérir une plus grande autonomie financière.

Je précise tout de suite que l'Organisation nationale antipauvreté n'est pas opposée au principe de la divulgation de la rémunération versée à ses dirigeants. Nous souscrivons au principe de l'imputabilité et de la responsabilité pour toutes les organisations, qu'elles soient à but lucratif ou non lucratif. Nous serons donc heureux de nous plier à ces exigences.

Nous redoutons néanmoins que ce texte de loi vise uniquement les organismes de charité et les organisations sans but lucratif qui reçoivent directement ou indirectement des fonds publics. Je rappelle, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises, que le contribuable canadien, par le biais des déductions d'impôt, se trouve à subventionner les activités de revendication et de lobbying d'un grand nombre d'associations à but lucratif.

En effet, les entreprises et les sociétés peuvent déduire de leurs revenus de tous frais de leurs relations avec le gouvernement. Elles peuvent déduire les honoraires versés aux lobbyistes. Elles peuvent aussi déduire les droits d'adhésion à des groupes de pression comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises.

De fait, lorsque le gouvernement fédéral a commencé à financer l'activité des associations à but non lucratif il y a quelques années, c'était précisément pour égaliser les chances pour tous, puisque qu'on accordait des allègements fiscaux au secteur privé sans accorder des conditions aussi généreuses aux associations sans but lucratif.

On induit le contribuable en erreur en lui faisant croire que ces impôts ne servent qu'à financer les associations sans but lucratif puisque si l'on tient compte des recettes que l'état ne touche pas, c'est l'argent de leurs impôts qui finance le lobbying des entreprises et des grandes sociétés.

Nous serions heureux de voir ces dispositions s'appliquer à la rémunération des chefs des services des relations avec le gouvernement de toutes les associations à but lucratif. Je soupçonne que la rémunération du personnel des associations sans but lucratif serait comparativement bien plus modeste.

Nous vous recommandons aussi d'exiger uniquement la divulgation des échelles de rémunération plutôt que la rémunération exacte. C'est ce qui se fait pour les employés du secteur public et cela permet de conserver une certaine confidentialité.

Nous félicitons le Comité d'avoir entendu l'avis du Commissaire à la vie privée.

Quand je fais cette proposition, je parle d'expérience. Lorsque la question de la responsabilité de ces organisations a été soulevée l'automne dernier, un journaliste de la presse canadienne m'a demandé combien je gagnais par année. Je le lui ai dit et le chiffre a été publié dans un article repris dans de nombreux journaux au Canada. Avec le recul, je trouve que j'ai été bête, parce que si je négociais avec un employeur éventuel, je me trouverais désavantagée; il connaîtrait déjà mon salaire. En situation de concurrence, il faut pouvoir garder ce genre de renseignements confidentiel pour que les chances soient les mêmes pour tous.

.1135

J'aimerais aussi discuter du mécanisme de mise en oeuvre de cette divulgation. À une époque où l'argent se fait rare, je trouve curieux que le gouvernement fédéral adopte une mesure qui va alourdir la charge de travail des fonctionnaires et occasionner des coûts supplémentaires.

Il vaudrait mieux, je crois, se servir du formulaire T-3010 actuel et y ajouter une question claire sur l'échelle de rémunération. Je suggère aussi de commniquer avec des associations comme le Centre canadien pour la philanthropie, qui pourraient donner des conseils sur les modifications à y apporter. L'information ainsi recueillie pourrait aider le gouvernement instaurer une plus grande imputabilité et aider en même temps le secteur sant but lucratif.

En dernière analyse, même si nous sommes en faveur de la divulgation, nous avons des doutes sur la raison d'être du projet de loi. Si le but est de forcer les oeuvres de charité et les organismes sans but lucratif à une plus grande imputabilité, il faut bien dire que la divulgation de la rémunération, en soi, ne suffira pas. En théorie, une association sans but lucratif peut employer quantité d'autres détours si elle veut escroquer le public.

On sait que le gouvernement fédéral effectue régulièrement la vérification financière d'oeuvres de charité. Depuis qu'elle existe l'ONAP en a subi un grand nombre. J'imagine que nous avons été examinés de plus près que la plupart des ministères et des programmes du gouvernement. Nous n'avons toutefois rien contre cette pratique. Au contraire, c'est pour nous l'occasion d'améliorer notre comptabilité. C'est aux contribuables et à nos bienfaiteurs que nous rendons des comptes. Grâce à la vérification, nos bienfaiteurs savent que leurs dons sont utilisés à bon escient.

Étant donné la portée très limitée de ce projet de loi et étant donné que seule la rémunération est visée, si on s'en prend uniquement au bénévolat, cela risque d'exercer des pressions à la baisse sur la rémunération des dirigeants. Les associations sans but lucratif auront plus de mal à recruter les meilleurs éléments. Le bénévolat est dans le colimateur au moment même où les pouvoirs publics se tournent vers ce secteur pour assurer des services qu'ils n'offrent plus.

Il y aura toujours une poignée de fraudeurs, mais n'oublions pas que la majorité des associations respectent la loi et savent très bien qu'elles ont des comptes à rendre aux citoyens et à leurs bienfaiteurs.

Le président: Merci, madame Toupin. Au fait, lorsque vous avez divulgué votre rémunération, vous a-t-on injuriée de quelque façon?

Mme Toupin: À propos de mon salaire? Non, pas du tout.

Le président: Non? Vous ne devez pas gagner grand chose, dans ce cas.

Allez-y, monsieur Marchand.

[Français]

M. Marchand (Québec-Est): Après avoir écouté tous les intervenants aujourd'hui, je me retrouve avec plusieurs questions. Je ne sais pas si je pourrai obtenir les réponses puisque je ne comprends pas le but ni l'esprit du projet de loi. D'ailleurs, il semble y avoir une hésitation, une préoccupation de la part des organismes qui se sont présentés aujourd'hui quant au but et à l'esprit du projet de loi.

Bien sûr, je ne sais pas si le but du projet de loi est de nous donner simplement plus d'informations ou si c'est de retrouver les organismes ou les gens qui risquent de profiter des fonds publics. Est-ce qu'il s'agit véritablement, comme on dit communément, d'une chasse aux sorcières? Si tel est le cas, c'est bien dommage parce que tous ont souligné le fait qu'il n'y a rien qui justifie que ce projet de loi s'attarde uniquement aux organismes à but non lucratif ou à des organismes de charité, tout en excluant toutes les autres organisations. Je crois que c'est M. Cardozo qui a souligné ce fait.

Je me demande si toutes les organisations présentes aujourd'hui seraient en faveur d'un projet de loi qui exigerait les mêmes critères de divulgation d'informations de tous les organismes.

.1140

Dans le fond, c'est toujours cette question-là qui me revient, car c'est le but et l'esprit de ce projet de loi.

Les organismes ont également souligné un autre point. Il semble que vous n'êtes pas opposés à la transparence, à la responsabilité ni au fait de répondre aux préoccupations du grand public, mais au fait que vous êtes visés et que cela ternit l'image des associations. Dans le fond, c'est une façon de ternir l'image des associations à but non lucratif, et je partage cette préoccupation.

Donc, quel choix avons-nous? Seul, l'auteur du projet de loi peut répondre à cette question. Mais est-ce que je me trompe en disant que votre préoccupation fondamentale est que ce projet de loi vous vise et vous donne l'impression que vous cachez quelque chose, qu'il vise particulièrement vos organisations et qu'il en exclut d'autres? C'est ce qui expliquerait votre opposition, si je comprends bien.

Je ne sais pas qui pourrait répondre à cette question, mais vous seriez tous d'accord sur le fait que ce projet de loi exige les mêmes principes de divulgation, de toutes les organisations, quelles qu'elles soient: organisation à but lucratif, à but non lucratif, de charité, etc....

Monsieur Cardozo pourrait peut-être répondre.

[Traduction]

M. Cardozo: Je ne suis pas nécessairement opposé au projet de loi. Ce que je préférerais, c'est un projet de loi plus complet, une sorte de loi sur la promotion du secteur bénévole, qui porterait sur plusieurs aspects du bénévolat au Canada et qui examinerait les moyens de faire avancer ce secteur et d'élargir le statut fiscal des organismes de charité. Si vous voulez diminuer les subventions à un organisme comme l'ONAP, pourquoi ne pas lui accorder le statut de charité? Voilà ce dont nous devrions parler. Je ne vous dirai pas ce qu'on devrait mettre dans cette loi, mais à mon avis, une loi sur la promotion du secteur bénévole qui couvrirait tous les aspects, y compris le financement et le fonctionnement de ces groupes serait très utile. On devrait y parler, entre autres, de transparence et des divers rapports, aux fournisseurs de fonds, à Revenu Canada et aux adhérants. Ces organismes doivent absolument avoir une telle structure pour rendre des comptes à leurs membres. Voilà ce qui devrait figurer dans cette loi.

Le président: Voulez-vous une réponse des autres témoins, monsieur Marchand?

Monsieur Shand.

M. Shand: Juste une mise en garde; cette question de savoir si les dispositions sur la divulgation doivent s'appliquer à tous ceux qui reçoivent, directement ou indirectement, de l'argent ou d'autres avantages, c'est peut-être... Je n'exagère pas en disant que la majorité des Canadiens verraient leur salaire divulgué au public. Pensez aux retraités, aux étudiants, à tous ceux du secteur agricole et même à l'industrie. Je suis sûr qu'au cours de notre vie, nous recevrons tous à un moment donné un paiement qui viendra, au moins en partie, du contribuable. Sur le plan législatif, c'est donc une mesure cruciale.

Le président: Je crois que M. Duhaime de l'Organisation nationale antipauvreté aimerait dire quelque chose.

[Français]

M. François Duhaime (directeur adjoint, Organisation nationale antipauvreté): Très rapidement, pour répondre aux commentaires de M. Marchand, c'est tout à fait juste de dire que, dans le cas qui nous concerne, il ne fait aucun doute qu'on fait une distinction entre les organisations à but lucratif et celles à but non lucratif.

Et, suite au commentaire qui vient d'être fait, à savoir s'il y a une vérification qui est faite auprès des gens qui reçoivent, sur une base personnelle, des paiements du gouvernement, à ce moment-là, tout le monde devrait être obligé d'aller dévoiler son salaire. Mais il n'en reste pas moins, comme vous l'avez souligné.... Je me réfère, par exemple, à ce document du ministre des Finances dans lequel on retrouve, annuellement, pour environ 10 milliards de dollars de déductions fiscales qui sont accordées aux entreprises. Elles sont toutes élaborées dans ce document. Quel genre de compte-rendu a-t-on? Connait-on les détails de ce genre de corporation? Pas du tout!

Donc, j'ai l'impression, sans même aller au niveau individuel, en restant simplement au niveau des organisatiomns, qu'il serait davantage efficace, pour un gouvernement, de savoir où ces 10 milliards de dollars vont que de s'attaquer, ou en tous cas, de se limiter, à tout le moins, aux organisatins comme les nôtres qui reçoivent 250 000$ par année.

.1145

M. Marchand: Vous avez tout à fait raison. Pourquoi s'attarder, avec ce projet de loi, à vouloir divulguer vos revenus, parce que vous êtes des gens ordinaires, et ne pas exiger la divulgation du revenu de n'importe quel administrateur de n'importe quelle société au Canada? Pourquoi s'en prendre aux associations à but non lucratif, surtout qu'on sait très bien, comme vous venez de le souligner, que 10 milliards de dollars de déductions sont accordées aux corporations, ce qui représente une très grosse somme.

[Traduction]

M. Taylor: Il est vrai que les mêmes règles devraient s'appliquer à tous. Le projet de loi devrait dire qu'un directeur d'organisation... On éviterait ainsi de divulguer la rémunération de personnes qui ne font pas partie d'organisations. Je vois mal pourquoi on viserait particulièrement les organismes de charité.

La société Imasco, j'en suis sûr, bénéficie de nombreuses sources de financement direct ou indirect. Si l'on veut faire en sorte que ma rémunération à titre de directeur soit divulguée, il faut divulguer également celle de tous les membres du conseil d'administration d'Imasco. Ce n'est que juste. Bien des gens concluraient sans doute que je suis bien bête si l'on compare ma situation à... Ce projet de loi n'est qu'une chasse aux sorcières et j'aimerais citer une réflexion de l'auteur de ce projet de loi qui me pousse à cette conclusion.

Voilà ce qu'a dit l'auteur du projet de loi. Il n'a aucune preuve. Sa recherche - mot employé au sens très large puisqu'il n'y a pas eu de recherche; c'est de la foutaise. Il n'apporte aucune preuve dans cette publication. Il n'en a fourni aucune, même après avoir reçu des demandes écrites à ce sujet. C'est une véritable chasse aux sorcières et j'estime qu'il est temps d'y mettre fin.

M. Epp (Elk Island): D'abord, j'aimerais reconnaître la valeur de votre travail. Je pense que vous faites beaucoup de bien dans notre société.

Je me suis occupé d'organisations de charité toute ma vie, tant à titre de travailleur que de donnateur. J'y crois. C'est un élément très important de notre tissu social. En fait, je me suis parfois dit que l'argent que le gouvernement est contraint à donner n'est pas vraiment aussi efficace que ce que je peux décider de donner à l'organisation que je connais et qui aide des gens dans le besoin. C'est ce que je tenais à dire dès le départ, monsieur le président, puisque j'appuie leur cause.

Venons-en au sujet qui nous occupe. D'abord, j'aimerais présenter une autre perspective. En effet vous avez presque tous dit que si nous devons divulguer votre rémunération, les organisations à but lucratif devraient aussi le faire. Toutefois, il y a une différence importante, et sans vouloir vous contredire je pense qu'elle vous a échappée. Si une organisation gagne ses propres fonds et décide d'accorder une forte rémunération à un de ces dirigeants, elle obtient une déduction d'impôts au titre de cette dépense salariale, alors que la personne qui touche cette rémunération voit celle-ci assujetie à l'impôt sur le revenu des particuliers. Or, nous parlons ici précisément des gens qui bénéficient directement de fonds publics.

Au sens strict, quand une organisation de charité émet un reçu, par exemple, pour un don de 1 000$, elle dépense en réalité 290$ en deniers publics, somme qui correspond au crédit d'impôt accordé aux donnateurs. Je pense que la situation est bien différente puisque l'autre rémunération sera de toute manière imposée.

C'est mon avis. Vous n'êtes peut-être pas d'accord et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

.1150

Je vais commencer autrement que je l'avais prévu et prendre une tangente. Je me disais que peut-être nous devrions tout simplement retirer le gouvernement de cette équation. Si vous n'aviez pas à rendre compte au gouvernement de la façon dont vous dépensez l'argent, parce que vous remettez des reçus de don de charité, qu'est-ce que se passerait? Je réfléchis à haute voix et n'allez pas en déduire que c'est la politique du Parti réformiste. Qu'arriverait-il si nous cessions d'émettre des reçus pour dons de charité et si toutes les organisations percevaient leurs fonds auprès de quiconque voudrait bien les appuyer?

Prenons, l'exemple d'une organisation de lutte contre la pauvreté. Je pense qu'elle n'aurait aucun mal à gagner l'appui d'une forte proportion de notre société réputée si généreuse - et je crois que c'est vrai - et à obtenir les fonds dont elle a besoin pour fonctionner et aider les gens dans le besoin. Qu'arriverait-il si nous mettions tout simplement fin aux dons de charité, si nous refusions le financement gouvernemental, bref, si nous comptions directement sur les gens? Je pense qu'on économiserait beaucoup d'argent et qu'on disposerait ainsi de beaucoup plus de fonds pour aider directement les gens dans le besoin.

J'aimerais que vous commentiez.

M. Cardozo: Je répondrai à votre question en vous demandant si vous traiteriez les partis politiques de la même façon.

M. Epp: Oui, parfaitement. Je ne demande pas mieux.

M. Cardozo: J'entends des rires nerveux de l'autre côté.

M. Epp: Les partis politiques sont la pire chose au monde parce que pour chaque dollar qu'on verse à un parti politique, les autres contribuables, qui soutiennent souvent d'autres partis politiques, paient un 1,25$. Ce n'est pas normal.

M. Cardozo: Mais il y a une raison à cela. C'est parce que la société et les gouvernements ont jugé que ce genre de travail avait une valeur. C'est une façon de reconnaître, indirectement, divers types de travail, notamment le processus politique. Je suis d'accord pour que l'on maintienne ce genre de chose.

Mme Cynthia Callard (directrice générale, Physicians for a Smoke-Free Canada): À propos des dépenses exonérées d'impôt, je pense qu'un grand nombre de Canadiens souhaiteraient qu'on revoit toute cette question. En fait, des pressions ont été exercées en ce sens, notamment par le vérificateur général. Un examen général de la façon dont ces dépenses fiscales amènent le gouvernement à engager des dépenses directes et indirectes vous serait bien accueilli dans la collectivité.

Peut-être devrais-je préciser un peu cette question de la rémunération. Je pense que nous sommes tous d'accord sur la divulgation. Vous vous interrogez sur la distinction entre ceux qui doivent, en quelque sorte, se débrouiller pour gagner de l'argent et les autres. Quand on fait partie de l'Association des manufacturiers canadiens, on n'obtient pas à ce titre un reçu de charité pour fin d'impôts mais les frais d'adhésion sont déductibles comme dépenses d'entreprises. Pourquoi ferait-on une distinction entre ce qu'on peut déduire de ses impôts grâce à un reçu pour dons de charité et ce qu'on peut déduire comme dépense d'entreprise? Pourquoi appliquerait-on à l'Organisation nationale anti-pauvreté des règles autres que celles qui visent le Conseil canadien des chefs d'entreprise? Pourquoi les règles visant l'Église unie, par exemple, diffèrerait-elle de celles qui touchent l'Association des manufacturiers canadiens? Dans un cas c'est un don et dans l'autre une dépense d'entreprise.

M. Epp: Je pense que nous avons inversé les rôles. On me pose des questions. Je tiens à répondre parce qu'il s'agit d'une question importante.

On fait partie de l'Association des manufacturiers canadiens parce qu'on le veut bien. Quand le gouvernement du Canada dépense des fonds, après l'avoir extirpé de mes poches par la contrainte de l'impôt, je finance des organisations que je n'approuve pas toujours. Cela dit, ça m'enrageait tout autant quand j'étais employé et contraint d'adhérer à un syndicat dont je ne pouvais pas sortir. Mon syndicat utilisait mes contributions syndicales pour soutenir des organisations et des partis politques que je n'approuvais pas. J'ai combattu cette règle de toutes mes forces et on a fini par la changer. Nous allons ici aussi obtenir des changements, mais nous voulons le faire correctement, et c'est pourquoi je veux entendre votre opinion.

Mme Callard: Puis-je faire une autre observation? Je vous ai écouté mardi et vous vous êtes montré très franc et ouvert sur votre salaire au fil des ans. La rémunération ne me gêne pas non plus; ce n'est pas un problème. Mais j'ai noté avec le temps, quand je parle en toute franchise de ma rémunération avec des amis et à des connaissances, qu'au Canada on n'accepte pas tous aussi aisément de divulguer son salaire. Certains estiment que c'est une question très personnelle. Certains ne révèlent même pas à leurs enfants combien ils gagnent. D'autres agissent à cet égard de façon très détachée. L'un des problèmes fondamentaux avec ce projet de loi c'est que nous n'avons pas tous la même idée de la confidentialité de notre situation financière. À ce propos, nous devons ne pas oublier que ces organismes jouent différents rôles dans différentes cultures, différentes familles et différents contextes. Notre position à ce sujet au Canada n'est pas homogène.

.1155

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): J'ai une ou deux choses à dire après quoi je reviendrais à ce qui me semble être l'essentiel.

Si le projet de loi devait être maintenu sous quelque forme que ce soit, et quand je parle de «forme» c'est qu'à mon avis ça exigerait des modifications importantes... Je ne sais pas si vous avez suivi le débat ou l'exposé de mon collègue M. Bryden mardi, mais je crois qu'on a déjà fait des concessions et envisagé des modifications très sérieuses dans certains domaines.

M. Cardozo a parlé ce matin d'amendes et on a certainement fait quelque peu marche arrière et réévalué cet aspect là. Cela dit, si nous devions adopter une mesure de ce genre, je dirais, tout d'abord, parce que j'ai passé une bonne partie de ma carrière au service d'organismes à but non lucratif, que si on divulguait les traitements, on constaterait qu'en fait beaucoup sont très bas.

M. Cardozo me semble donc avoir tout à fait raison, quand il dit que, nous devons avant tout nous efforcer de favoriser le bénévolat. Vous avez parfaitement raison. Que ce soit un préambule ou autre chose... et si nous n'acceptons pas cette proposition, c'est également quelque chose de très important. Sans bénévoles, nous serions bien avancés! J'en suis absolument convaincue.

Je constate une grande animosité chez plusieurs intervenants. Je dois très honnêtement vous dire que je ne comprends pas pourquoi. Vous me laissez assez perplexe, surtout M. Taylor, quand vous faites ce genre de déclaration. Je respecte votre point de vue mais je ne comprends pas très bien.

Il y a la question de la chasse aux sorcières ou de l'imputabilité. Je crois que tous mes collègues du Comité ont bien expliqué la situation et ce que cela signifiait.

La question que j'aimerais donc poser à nos témoins est la suivante: À votre avis, d'après ce que vous savez des organismes à but non lucratif - et peut-être ne pouvez-vous parler qu'au nom de vos organismes respectifs, je ne sais pas - je suppose qu'une partie de ce projet de loi, je le dis en toute déférence vis à vis de mes collègues, a dû être inspirée par l'idée qu'il y a parfois eu des abus dans l'échelle des traitements de certains organismes directement financés par l'administration publique. J'aimerais donc savoir si vous avez donc eu connaissance de tels abus?

Je commence donc par cette question à l'intention de tous nos témoins et j'aimerais qu'ils y répondent honnêtement. Peut-être ne connaissent-ils la situation que dans leur propre organisme, je ne sais pas.

M. Taylor: Tout d'abord, vous avez dit que vous ne compreniez pas mon animosité. C'est tout simplement parce que, comme je l'ai dit, j'ai consacré énormément de tavail, non seulement à mon organisme, mais également à la santé publique au Canada. M. Bryden a lancé une campagne de désinformation visant apparemment à détruire mon organisme.

Je vais répéter ce qu'il a écrit. Il déclare qu'il soit difficile de nous considérer autrement qu'un organisme politique, aux termes des circulaires de Revenu Canada. Il déclare d'autre part que nos opérations sont dirigées à partir du domicile ou du bureau de quelqu'un. Que les quatre administrateurs de cet organisme sont tous des médecins et qu'il n'y a pas de noms de bénévoles. Or, nous sommes tous bénévoles, sauf, le directeur général.

Les trois quarts de ce qu'a dit M. Bryden sont 100 p. 100 faux. Il aurait pu le découvrir en téléphonant à notre bureau. Il n'avait qu'à chercher notre numéro de téléphone et téléphoner au bureau. Nous lui aurions donné tous les renseignements qu'il souhaitait. Mais il a préféré mentir. Il a préféré écrire des choses qui sont totalement fausses. C'est la raison pour laquelle...

.1200

Mme Chamberlain: Je reconnais que c'est votre point de vue aujourd'hui et que vous n'êtes pas du même avis.

M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Monsieur le président, je dois invoquer le Règlement.

Le président: Monsieur Bryden, je ne vais pas aimer ce que vous allez dire. Je trouve vraiment que vous devriez vous abstenir de participer à la discussion. Vous avez beau être membre du comité, vous ne devriez pas profiter de la situation. D'autres témoins, d'autres parrains de projets de loi n'ont pas l'occasion que vous avez. Je trouve vraiment que vous devriez vous abstenir. Absolument.

M. Bryden: Je voulais simplement dire, monsieur le président, qu'il y avait un lien...

Le président: Non. M. Bryden nous devrons peut-être parler de cela après la réunion mais je pense que vous devriez vous abstenir d'intervenir dans ces discussions. Vous êtes le parrain du projet de loi. Vous avez eu la possibilité de présenter votre point de vue. Si vous avez l'intention de profiter du fait que vous êtes membre du comité, je considérerai cela comme un abus de vos privilèges. Je sais que techniquement et légalement vous avez peut-être de ce droit, mais j'estime que vous devriez vous abstenir.

M. Bryden: Monsieur le président, si vous me permettez, vous auriez pu au moins attendre d'entendre ce que j'allais dire.

Le président: Monsieur Bryden, je crois que nous avions convenu que si quelqu'un vous posait une question, nous vous permettrions de répondre. Or, il me semble que personne ne vous a posé de question.

Monsieur Bellemare.

M. Bellemare: Monsieur le président, je comprends votre point de vue. Toutefois, j'estime que le Dr Taylor a utilisé des termes très offensants. Le Président de la Chambre nous reprocherait certainement d'utiliser de tels termes ou de dire que les députés sont des menteurs, des voleurs ou autres. C'est un langage non parlementaire qui nous est interdit.

Je comprends ce que vous venez de dire au député Bryden et vous avez tout à fait raison. Mais la façon dont le Dr Taylor se conduit est tout à fait inappropriée, inacceptable et anormale et il sert très mal sa cause ce faisant.

Le président: Vous voulez peut-être revenir sur ce que vous avez dit.

M. Taylor: Monsieur le président, je ne vois aucun inconvénient à retirer le verbe «mentir». Je regrette de l'avoir utilisé.

Le président: Merci. Nous acceptons cela.

M. Bryden: Monsieur le président, je vais suivre votre conseil et m'absenter.

Le président: Merci.

Mme Chamberlain: Maintenant que nous avons entendu les raisons qui expliquent cette animosité - et je considère, je le répète, qu'il s'agit là de votre opinion sur certaines choses qui se sont produites - nous en resterons là.

Pourrions-nous revenir à notre sujet, et peut-être demander aux différents groupes s'il y a vraiment des raisons de croire qu'il y ait eu des abus dans des organismes directement financés par le trésor public?

M. Shand: Aucun exemple d'abus ne me vient à l'esprit mais je crois nécessaire de mieux expliquer comment fonctionne le système de financement. Une certaine imputabilité est des responsabilités financières inhérente au système. Ce n'est pas seulement du point de vue du ministère ou de l'organisme qui subventionne l'organisation, mais il y a des critères fixés par l'État sur la base de certains objectifs. Comme nous l'avons entendu mardi, il existe déjà un mécanisme, par l'intermédiaire de Revenu Canada, qui oblige déjà les organisation à fournir pratiquement tous les renseignements que M. Bryden voudrait. Autrement dit, dans une certaine mesure, cela ferait double emploi.

Revenu Canada est habilité à examiner ces formulaires, à les vérifier, et lorsque des renseignements ne sont pas fournis ou font croire que l'organisme ne poursuit plus des fins de bienfaisance, autrement dit, que ses administrateurs s'en servent pour s'en mettre plein les poches, leur désignation est tout simplement supprimée et l'organisation cesse d'exister.

Il y a des moyens de contrôle dans le système actuel. En cas d'abus - et peut-etre le risque est-il toujours là étant donné la nature humaine - le gouvernement du Canada est très prudent et veille à ce que le système permette de vérifier continuellement que les règles sont respectés avec dilligence.

Mme Callard: Il est difficile de répondre à une telle question car il est difficile de savoir ce qui peut représenter un traitement abusif. Est-ce 50 000$ serait abusif? 75 000$? 100 000$? C'est très difficile à évaluer. Je gagne 35 000$. Je suis bien à l'aise pour en parler. Je travaillais l'année dernière pour une ONG et je gagnais 80 000$. Est-ce que c'était abusif? Est-ce maintenant que l'on abuse de moi?

.1205

S'il y a abus, à mon avis, cela se produit probablement dans le secteur des bénévoles où l'on a tendance parce qu'on travaille pour une bonne cause à mal payer les employés. Je ne considère pas un salaire de 35 000 comme une rémunération inadéquate mais je parle des gens qui reçoivent un salaire minimum pour un travail qui vaut vraiment beaucoup plus, simplement parce qu'on essaie d'accomplir le plus de choses possible avec l'argent dont on dispose. Ces associations ou groupes essaient d'offrir le plus grand service possible au public.

Vous constaterez que dans le secteur à but non lucratif - et je suis concaincu que des groupes de recherche seraient fort heureux de vous fournir les détails - les gens touchent un salaire beaucoup moins élevé que dans le secteur public pour un travail qui dans d'autres circonstances serait fait par le secteur public. À mon avis il s'agit-là d'un abus.

Le président: Il ne nous reste plus de temps pour ce tour.

Mme Chamberlain: Et je n'ai pas entendu les commentaires de tous les intervenants. N'est-ce pas possible?

Le président: Quelqu'un voudrait-il répondre à la question de Mme Chamberlain. Allez-y.

Mme Toupin: C'est une bonne question parce qu'il nous faudra déterminer ce qui représente un abus en ce qui a trait à l'échelle des traitements.

J'aimerais revenir à ce que j'ai dit un peu plus tôt. Il s'agit-là que d'une façon de voir les choses. Si vous voulez vraiment une reddition des comptes, il faut étudier toute la gamme d'activités du groupe et vous assurer qu'il y a reddition de comptes pour chacune d'entre elles. À mon avis, un système est déjà prévu par Revenu Canada. Nous nous en sommes déjà servi et nous le trouvons très efficace.

Nous sommes une oeuvre de charité qui est particulièrement visée par toutes les discussions qui ont donné naissance à ce projet de loi. Comme l'on étudie tout particulièrement les traitements, il faut se demander pourquoi on propose cette mesure législative. À quoi doit-elle servir? Il existe déjà des mécanismes qui, moyennant de légères modifications, pourraient assurer la présentation de données plus claires. Il faut donc se demander pourquoi propose-t-on ce projet de loi.

Nous sommes en contact avec un grand nombre d'organisations, dont 90 p. 100 sont des organisations à but non lucratif. Je peux dire que chez ces groupes, s'il y a abus, c'est qu'on travaille de longues heures pour un maigre salaire. Mais il n'y a pas vraiment d'abus au niveau des activités. Je dirais que c'est très rare, comme c'est le cas pour le secteur à but lucratif ou d'autres secteurs.

M. Cardozo: J'ai travaillé avec plusieurs groupes, de façon formelle ou informelle, et je peux penser à deux ou trois personnes qui... Quand on m'a dit quel était leur salaire j'en pensé qu'ils étaient trop payés, mais simplement par rapport au secteur bénévole. Cependant, leur salaire est égal ou inférieur à celui qu'elles toucheraient dans le secteur privé ou si elles travailleraient pour le gouvernement.

Je crois que s'il y a abus, c'est celui de la sous-rémunération des employés. Je sais que dans certains cas les employés ne reçoivent aucun traitement pendant des semaines ou des mois. Je connais des gens qui en dépit des circonstances ont continué à travailler parce qu'ils croient que cette organisation fait un travail important. Ils croient qu'ils seront payés un jour, pour ces mois de non-rémunération. Ça c'est le genre de choses qui se passe.

Je crois que s'il y avait un plafond... Quelqu'un a dit que la façon de procéder était d'établir un minimum. Il ne serait donc pas nécessaire de déclarer un salaire inférieur à ce minimum. Si vous prévoyez ce salaire minimum à 45 000$ pour le secteur administratif, cela pourrait représenter 80 à 90 p. 100 des groupes dont nous parlons. Il ne s'agit pas de traitement trop élevé, et dans la plupart des cas le conseil d'administration a approuvé cette rémunération. Il ne s'agit pas de personnes qui exploitent la situation et qui empochent beaucoup d'argent.

Mme Chamberlain: Merci.

Le président: Je suppose que la divulgation serait une forme de discipline ou de contrôle sur les activités de ces groupes. Dans le cadre du système actuel, monsieur Shand, n'avons-nous pas déjà ces types de contrôle? Par exemple, si le gouvernement donne une subvention directe à une organisation, il a certainement le droit d'examiner les états financiers de ce groupe pour se renseigner sur les coûts administratifs et les salaires. Si le gouvernement jugeait que les coûts administratifs et les salaires étaient trop élevés, ne pourrait-il pas dire qu'aucune autre subvention ne sera accordée tant que ces coûts ne seront pas ramenés à un niveau acceptable? Le gouvernement ne peut-il pas agir de cette façon maintenant?

M. Shand: Si. Permettez-moi de répéter ce que j'ai dit en réponse à une question deMme Chamberlain. Il existe déjà une diligence raisonnable. Le ministère touché utilise certains critères lorsqu'il étudie la demande de subvention ou de financement. Il existe habituellement des comités qui étudient ces demandes puis le ministre doit approuver ou rejeter la requête en fonction des paramètres du programme. Ainsi, le ministère touché surveille de près les activités du groupe et, en plus, Revenu Canada examine les déclarations d'impôt que soumettent annuellement les organismes à but non lucratif et les oeuvres de charité. Ils reçoivent actuellement toute une kyrielle de renseignements dont des données sur le financement direct ou autre forme de financement accordé par l'un ou l'autre palier de gouvernement, ainsi que des renseignements sur les traitements.

.1210

Le président: Même si ce projet de loi ne visait que les subventions directes - et non pas quelque forme d'aide indirecte - ne faudrait-il pas prévoir un seuil?

Il se pourrait par exemple qu'un gouvernement offre une toute petite subvention à une grosse organisation qui a un budget de quelques dizaines de millions de dollars; dans ces circonstances cette aide gouvernementale ne représente qu'une portion minuscule du budget. Cependant, conformément à l'esprit ou à la lettre de la loi, cette organisation ayant reçu cette aide financière, doit divulguer la rémunération versée à ses cadres supérieurs et fournir d'autres renseignements. Ne faudrait-il donc pas prévoir un seuil quelconque?

M. Taylor: Il ne faudrait pas créer deux poids et deux mesures. Cela voudrait dire que plus l'organisation est importante, moins de comptes elle a à rendre. Par exemple, si vous offrez à un groupe une subvention de 5 000$, qui pourrait représenter 50 p. 100 de son financement mais moins de 1 p. 100 du financement d'une organisation plus importante, cela laisse entendre que l'organisation la plus importante n'aurait pas besoin de divulguer la rémunération de ses cadres supérieurs. À mon avis cela pose un problème parce que les groupes ne seraient pas tous traités de la même façon. Ainsi, si une organisation importante s'inquiétait du besoin de divulguer ces renseignements, elle décidera peut-être de ne pas demander cette aide financière dont elle n'avait peut-être pas vraiment besoin puisqu'elle n'aurait représenté qu'un pourcentage minuscule de son revenu.

Le président: C'est vrai, c'est peut-être deux poids et deux mesures, mais le public voudra peut-être en connaître un peu plus long sur une organisation pour qui le gouvernement représente la principale source de financement. Le public sera peut-être moins intéressé à connaître des renseignement semblables à propos d'une organisation qui ne reçoit qu'une aide minuscule du gouvernement. Je pense tout particulièrement à un commentaire qu'a fait M. Shand un peu plus tôt. Je parle du Programme défi auquel participent les étudiants l'été dans ma circonscription.

Il existe une division scolaire qu'on appelle la Division scolaire St. James-Assiniboia. Deux ou trois étudiants travaillaient pour cette division l'été dernier dans le cadre de ce programme. Je suppose que la subvention était de 3 000$. Je ne sais pas à combien s'élève le budget de la Division scolaire St. James-Assiniboia, mais je suis convaincu qu'il s'agit de plusieurs millions de dollars. Parce que cette école a reçu 3 000$ sur un budget de plusieurs millions de dollars, devrait-elle - simplement parce qu'elle a reçu ce montant minuscule, cette bagatelle - du gouvernement fédéral, rendre publics ses états financiers et révéler au monde entier à combien s'élèvent les salaires de ses administrateurs? Est-ce que c'est ce que vous voulez que nous fassions, monsieur Taylor, simplement pour éviter le risque d'avoir deux poids et deux mesures?

M. Taylor: Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour régler le problème. Je devrai étudier la question plus longuement.

[Français]

M. Marchand: Je n'ai pas de nouvelles questions à poser, mais j'aurais quelques commentaires à faire.

Je voudrais d'abord dire que votre décision, par rapport à M. Bryden, a été juste et bien tirée. J'étais parfaitement d'accord avec vous. Il ne devait pas intervenir dans ce dossier même si je n'ai pas lieu de penser qu'il était mal intentionné. Personnellement, je considère que M. Bryden était de bonne foi.

Cependant, le projet de loi, tel que rédigé, a un élément négatif. C'est très évident, juste à partir de la logique même du projet de loi. Il y a aussi le fait qu'il y ait quatre organisations qui se soient unanimement opposées à l'intégrité de ce projet de loi. Il n'y a aucun doute que ce projet de loi ne doit pas être adopté tel quel. Je retiens, cependant, et je serais tout à fait d'accord sur ce qui a été dit par mon collègue du Parti réformiste, que les associations à but non lucratif et les bénévoles, au Canada, sont un groupe de gens extrêmement importants. Dans ma circonscription, certaines municipalités ne pourraient pas survivre sans la contribution des organismes bénévoles. Les organismes bénévoles sont comme la viande et la chair sur l'os d'une ville. C'est donc très important.

.1215

Plutôt que d'être orienté de façon à remettre en question la bonne foi et l'intégrité des organismes à but non lucratif, il me semble que ce projet de loi devrait supporter ces organismes. En ce moment, le projet de loi me semble négatif. Peut-être y-a-t-il un moyen de le rendre plus positif. Ce serait bien qu'on puisse présenter un projet de loi qui vous supporte et qui améliore et allège vos responsabilités. Si c'était possible, je serais d'accord avec le projet de loi.

Voilà, c'est tout ce que je voulais dire. Merci.

[Traduction]

M. Cardozo: Je tiens tout simplement à dire qu'à mon avis l'objectif d'imposer une certaine imputabilité est bon. Je préférerais que cette initiative provienne du secteur lui-même, si on avait le temps de le faire. Je ne prône pas le retrait du projet de loi, mais je vous demande de le mettre de côté pendant un certain temps pour permettre à ces groupes de se réunir. Notre institut a rassemblé beaucoup de groupes pour discuter des relations entre les groupes d'intérêt et les parlementaires, car l'on constate que les tensions s'accroissent. Beaucoup de nouveaux parlementaires ont des idées différentes quant au rôle des groupes d'intérêt, etc, et je pense qu'il faut examiner toute cette question.

Je pense également qu'il est bon de rassembler plusieurs de ces groupes pour discuter du genre d'imputabilité qui leur conviendrait. Puisque chacun de ces groupes connaîtraient bien son secteur, je pense que vous allez constater que leur solution au problème des comptes à rendre sera meilleure que celle trouvée par un comité, car ces groupes connaissent bien les exigences que leur imposent leurs organisations, et les justifications qu'ils doivent présenter.

Je vous propose de rassembler un certain nombre de groupes pour leur parler de la possibilité de mettre en place un mécanisme d'auto-surveillance ou du moins pour proposer...

[Français]

Mme Toupin: J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Marchand. Je crois que le Comité se doit de regarder la raison d'être et l'intention de ce projet de loi. S'il s'agit vraiment de l'imputabilité des organismes et d'imputabilité sur le plan salarial uniquement, je pense que vous n'avez pas besoin d'un projet de loi. Vous avez simplement, à toutes fins pratiques, à modifier un formulaire. J'espère que lors de vos délibérations, vous allez vous reposer la question à savoir pourquoi vous faites cela.

Deuxièmement, je voudrais appuyer ce que M. Cardozo vient de dire parce que je crois que le secteur veut vraiment prendre plus de place et prendre ses propres décisions.

Lors d'une conférence qui a eu lieu à Toronto, où beaucoup de gens étaient présents, il y avait une volonté de travailler ensemble pour se donner des règlements uniformes sans que le gouvernement ne le fasse pour nous. Encore une fois, il est dans l'ordre des choses d'entamer des discussions avec les groupes clés. On peut vous les nommer, si vous le voulez. Cette façon de procéder est beaucoup plus simple et donnerait les mêmes résultats. Les organismes sont capables de prendre leur sort en mains, et ils sont tout à fait prêts à le faire.

Mme Vinette: Je tiens simplement à vous dire que dans sa soumission, notre association, qui représente plus de 1 000 associations au Canada, a offert de travailler et de discuter avec vous. Si d'autres organismes qui ne sont pas vraiment membres de notre organisation veulent se joindre à nous dans cette démarche, cela nous ferait plaisir. C'est un service qu'on veut rendre. Nous sommes solidaires avec les autres.

[Traduction]

Le président: Madame Toupin, si vous pensez pouvoi répondre à au moins certaines des préoccupations de M. Bryden en utilisant uniquement les formulaires préparés par Revenu Canada, je vous inviterais à nous présenter quelque chose de ce genre par écrit.

[Français]

M. Bellemare: Les organismes ont fait une présentation extrêmement bien fondée et très professionnelle, à l'exception du groupe Médecins pour un Canada sans fumée qui semble un peu hypersensible. Ils ne sont pourtant pas hypersensibles quand vient le temps d'aller à la chasse aux sorcières et de sauter sur les fumeurs.

Personnellement, en tant que non-fumeur, et parce que je suis un non-fumeur allergique à la fumée, j'ai vraiment une raison d'être anti-fumeurs. Je peux cependant vous assurer que j'ai trouvé absolument effrayant, épouvantable et agressif, l'article que vous avez fait publier. Cela démontre que, en tant qu'organisation bénévole, vous avez un peu tendance à attaquer au lieu de promouvoir.

.1220

Je vous prierais de tenter d'arrêter d'attaquer les fumeurs comme vous le faites, et d'essayer plutôt d'être plus positifs. Essayez d'établir des endroits où les gens peuvent fumer dans un édifice.

Par exemple, ici, au Parlement, il y a des maniaques qui ont décidé qu'on ne peut fumer. Donc, on voit les gens sortir dehors et fumer à l'extérieur en plein hiver. Les gens ne peuvent même pas aller dans leur propre restaurant et fumer, ils n'ont même pas une chaise dans un coin. Je trouve cela abominable et très abusif.

En ce qui a trait à mon collègue, le député Bryden, c'est moi qui lui ai demandé, lors de la dernière réunion, s'il faisait la chasse aux sorcières. Depuis ce temps-là, j'ai rencontré M. Bryden sur le trottoir et nous avons eu un bon débat. Nous nous sommes rencontrés encore une fois, dans l'ascenseur, pour un autre bon débat. Il sait d'où je viens. Je lui dis constamment que je ne veux pas qu'il aille à la chasse aux sorcières.

Cela étant dit, je trouve que les organismes

[Traduction]

ont bien fait valoir leur point de vue lorsqu'ils disent qu'ils ont des suggestions à nous présenter.

[Français]

Dans mon comité, il y avait une personne pleine de potentiel qui travaillait au sein d'un organisme de charité pour un petit salaire. Lorsqu'elle a voulu joindre les rangs de l'industrie privée, ils en ont tenu compte de façon négative dans la négociation de son salaire.

[Traduction]

J'aimerais connaître la réaction du Comité à la question suivante: Comment améliore-t-on la transparence ou l'imputabilité? Personne ne semble s'en inquiéter.

J'ignore si les gens fournissent volontairement tous les renseignements que Revenu Canada devrait avoir. Est-ce que le ministère explique vraiment quels sont les renseignements les gens doivent déclarer? Quelle quantité de renseignements est nécessaire?

Les groupes qui comparaissent devant nous sont des bénévoles de la première ligne. Nous allons avoir des problèmes dans tout le pays si il n'y a pas de bénévoles, si nous éliminons le secteur bénévole dans nos collectivités.

Comment empêcher les abus? Voici la question essentielle. Nous sommes si prêts des États-Unis - et on dirait que le Parti réformiste aimerait probablement s'installer là-bas. Il y a des cas d'abus, il y a des gens qui sont égoïstes qui ont créé des organismes afin de faire de l'argent et se créer un emploi et de s'assurer un bel avenir. Comment peut-on empêcher ce genre d'activités au Canada? Est-ce qu'elles existent déjà?

Puisqu'on voit tant de nouvelles américaines, on a parfois tendance à confondre ce qu'est Américain et ce qui est Canadien. Le Parti réformiste le fait souvent. On confond la justice américaine avec la justice canadienne. Certaines personnes aiment voir les procès comme celui d'O.J. Simpson. Ce n'est pas mon cas.

Comment empêcher les abus? Voici ce que devrait viser le projet de loi, monsieur le président.

Le président: Vous avez pris cinq minutes pour poser la question. Est-ce qu'il y a un ou deux de nos témoins qui aimeraient y répondre? Je donne d'abord la parole à M. Shand.

M. Shand: Si le projet de loi est adopté avec très peu d'amendements ou des amendements mineurs, la plupart des organisations n'auront pas à fournir plus de renseignements qu'elles n'en fournissent à l'heure actuelle.

J'aimerais parler brièvement des États-Unis car il y a un grand organisme homologue là-bas. Comme vous le savez peut-être, ces organismes s'appellent des comités d'action politique aux États-Unis. Ces organisations financent, de façon importante, les carrières et activités des élus. Ces activités ont été passées à la loupe afin de déterminer si elles étaient convenables. Or, au Canada, c'est illégal. Vous ne pouvez tout simplement pas constituer un tel organisme ici au Canada.

.1225

Je pense que le régime américain comporte des différences très réelles sur ce qui est prévu et légal au niveau des associations ou des organismes à but non-lucratif, comparé à la situation ici.

M. Taylor: J'aimerais réagir à quelques affirmations qui ont été faites.

Ma frustration vient du fait que j'ai vu de nombreux articles publiés par M. Bryden sans être en mesure de réagir à ce qui était manifestement des faussetés.

Je dirais que l'article publié... c'est vous qui l'avez mentionné.

M. Bellemare: Pouvez-vous utiliser le terme douteux plutôt que fausseté?

Le président: Je pense que c'est acceptable.

M. Bellemare: Pas à mon avis. Si c'est à moi que vous parlez, utilisez le terme «douteux». Si ce n'est pas à moi que vous parlez, je vais partir. Je ne veux pas qu'on accuse qui que ce soit de quelque chose.

M. Taylor: Je vais m'adresser au président.

Le président: Quelque chose qui est faux n'est pas juste. Ce n'est pas la vérité, mais ce n'est pas mentir.

M. Bellemare: J'aimerais qu'il le démontre.

Le président: À son avis, ce n'est pas conforme aux faits. Je ne pense pas que le terme soit trop fort, M. Bellemare.

M. Bellemare: Le vérificateur général utilise «douteux» même lorsque c'est une fausseté.

Le président: Disons que c'est une question d'opinion. À votre avis, on devrait dire que c'est douteux. Il voit cela un peu différemment.

Mme Chamberlain: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. La question à l'étude ici n'est pas la plainte ou le litige qui oppose cet organisme à M. Bryden. Nous ne sommes pas ici pour ça aujourd'hui à mon avis. Nous sommes ici pour examiner l'objectif visé par le projet de loi C-224. Si nous pouvions mieux cibler nos propos, je pense que ce serait utile. Nous tentons de relever les lacunes dans le projet de loi et non pas participer au litige qui a manifestement pris naissance entre un collègue et un organisme.

Le président: Je vois où vous voulez en venir. Nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec M. Taylor, mais je pense que ce qu'il a dit, en termes peut-être un peu forts, c'est que le travail de M. Bryden laisse à désirer et aurait peut-être pu être mieux fait. Je pense que c'est ce qu'il dit en réalité.

Mme Chamberlain: Monsieur le président, je ne vois toujours pas que cela nous avance dans notre examen du projet de loi C-224. Du moins c'est mon avis, et je veux le consigner. J'aimerais qu'on s'en tienne davantage au projet de loi puisque c'est la raison d'être de notre présence ici: L'examen des lacunes dans ce projet de loi.

Le président: Mais si le projet de loi repose sur de l'information fausse, madame Chamberlain, ou du moins si quelqu'un le croit, cette personne n'a-t-elle pas le droit de le signaler?

Mme Chamberlain: Cela n'a rien à voir avec ce projet de loi, à mon avis. S'il y a des lacunes dans le projet de loi elles ressortiront d'elles-mêmes. De nombreux groupes qui ont témoigné ici ont fait ressortir très clairement que ce projet de loi comportait des lacunes.

Le président: Voyons voir si nous pouvons, dans toute la mesure du possible, M. Taylor, mettre de côté les questions de personnalité.

M. Taylor: Il y a encore une chose que j'aimerais corriger. Le groupe «Médecins pour un Canada sans fumée» n'est pas responsable de l'article publié dans le Ottawa Citizen. Notre organisation n'a rien eu à voir avec cet article. Nombre de nos membres, à titre individuel, ont signé cette annonce, mais l'organisation n'a rien eu à voir avec cet article.

[Français]

M. Duhaime: Monsieur Bellemare, permettez-moi de répondre à votre question parce que je ne veux pas m'embarquer dans le débat qui a lieu. Il y a certainement de la frustration, mais je crois qu'il faut répondre à votre question qui est directe.

Vous nous demandez comment les choses se passent dans le milieu. Je vous dirais simplement, monsieur Bellemare, que dans une organisation comme la nôtre, cela commence très tôt dans l'année, c'est-à dire lorsque le ministère du Développement des ressources humaines nous demande de soumettre un rapport annuel sur le budget reçu l'année précédente et sur celui que nous demandons pour l'année qui suit.

Par la suite, une firme de vérificateurs privée vient vérifier nos livres. Il y a évidemment le formulaire de Revenu Canada que nous remplissons chaque année parce qu'on est un organisme de charité, il y a notre assemblée annuelle qui se déroule cette fin de semaine à Regina, où nous devrons rendre compte de nos dépenses de l'année au public et à nos membres, et il y a les questions du public à l'année longue.

.1230

Je soumettrais donc humblement que je crois que nous sommes déjà passablement bien vérifiés au cours d'une année.

Pour ce qui est de notre salaire, il est déjà disponible aux autorités, comme le ministère qui nous accorde notre subvention. De toute façon, il y a notre assemblée annuelle.

Je crois que l'un des problèmes les plus importants du projet de loi C-224, est qu'il vous a enfermés à l'intérieur des paramètres du salaire des gens. Je comprends cela et c'est pour cela que nous sommes tous venus vous appuyer à ce niveau-là. Nous parlons plutôt de transparence et de rendre compte de l'argent que nous recevons.

Tant que le Comité sera enfermé dans les paramètres de salaires, il y aura peu de chance d'ajouter au processus très lourd à ce niveau-là.

En terminant, au niveau des salaires, où déclare-t-on un abus? Par exemple, lorsque M. Tellier a quitté son poste de greffier de Conseil privé au gouvernement pour aller à une société de la Couronne où son salaire est passé de 160 000$ à 700 000$ par année, y a-t-il eu abus? Peut-être que oui, peut-être que non.

Comme citoyen, j'aurais des commentaires, mais ce n'est pas à mon tour de les faire aujourd'hui. Tout ce que je dirais, c'est que vous êtes enfermés dans des paramètres qui ne vous mèneront pas beaucoup plus loin que ce qui existe déjà.

[Traduction]

M. Cardozo: Parlons de chose concrète et de quelques organismes avec lesquels j'ai été personnellement associé. J'ai soit travaillé ou fait partie du conseil d'administration à titre bénévole de Big Brothers d'Ottawa, du YM-YWCA d'Ottawa-Carleton, de la Ottawa Carleton Immigrant Services Organization et du Conseil canadien ethnoculturel. J'ai travaillé pour le premier organisme et j'ai été membre bénévole du conseil d 'administration des autres.

Chacun de ces organismes publie tous les ans un rapport annuel qui comprend le bilan vérifié et donc un chiffre qui englobe la rémunération. Parfois il y a ventilation par salaires, contrats, etc.

Certains ont laissé entendre que ces organisations ne rendaient pas de compte. Or d'après mon expérience avec tous ces organismes, on rend beaucoup de comptes. Si vous voulez la ventilation de ces chiffres, c'est une chose, mais je pense qu'il est tout à fait faux de prétendre que ces organisations se voilent dans le secret.

Par exemple, Big Brothers publie son rapport annuel au dos d'une affiche. L'affiche est distribuée tous les ans à des fins publicitaires. On en distribue des milliers, non pas sur demande, mais on les donne, à droite et à gauche.

Le président: Merci. Je pense que nous allons maintenant passer à M. Bélair et ensuite àM. Epp.

J'aimerais dire une chose. Je suis vraiment très heureux d'apprendre que M. Bellemarre ne fume pas. Vous savez, chers amis, M. Bellemarre a la réputation de faire des sermons et parfois ou en vient à se demander ce qu'il a bien pu fumer.

M. Epp: Le président suit l'exemple du solliciteur général à la Chambre hier.

J'aimerais discuter un peu avec M. Taylor, si vous le permettez. Tout d'abord, si j'ai bonne mémoire d'après ce que vous avez dit dans votre exposé, vous avez pris congé aujourd'hui, probablement sans solde. Vous êtes rémunéré selon ce que vous faites, n'est-ce pas? Donc vous êtes venu de Toronto à vos propres frais.

M. Taylor: En effet.

M. Epp: Quel était votre motif premier en venant ici?

M. Taylor: Mon motif premier était de m'assurer que toute loi traite chacun de façon équitable et n'impose pas de fardeau administratif inutile sur de petits groupes tel que le nôtre.

M. Epp: Vous ne vous opposez pas à la transparence, à l'imputabilité... Je connais la réponse, mais je veux vous l'entendre dire.

M. Taylor: Pas du tout.

M. Epp: Vous ne vous y opposez pas du tout.

Votre organisme avait je crois l'an dernier un budget de quelque 70 000$.

M. Taylor: C'était environ cela, pour la dernière année dont les comptes ont été vérifiés.

M. Epp: De quelle année s'agissait-il?

Mme Callard: Il s'agissait de l'année financière 1993; les comptes de 1994 n'ont pas encore été vérifiés.

M. Epp: Mais votre budget était semblable?

Mme Callard: C'était un peu plus l'an dernier.

M. Epp: Vous avez un employé et c'est tout. Manifestement, vous n'avez donc aucune objection à rendre des comptes, parce que si cette transparence existait, elle empêcherait des gens comme, vous le présumez, monsieur Bryden, de mal interpréter les faits.

.1235

M. Taylor: Absolument.

M. Epp: Donc, vous y êtes favorable.

M. Taylor: Nous favorisons la notion d'imputabilité dans la mesure où elle s'applique également à tous et où le cadre administratif qui y correspond n'est pas trop onéreux.

M. Epp: Il y a un aspect qui m'inquiète et je crois que c'est à M. Shand que je devrais m'adresser à cet égard.

Les fonctionnaires du ministère nous ont dit que, dans quelque 6,4 p. 100 des cas, les salaires divulgués par des groupes qui étaient des oeuvres de charité dépassaient 75 000$ par an. Certaines personnes qui contribuent à ces organisations et, assurément, certains contribuables également qui estiment que le salaire de 64 000$ de leur député est trop élevé, s'interrogeraient certainement sur le fait qu'une personne à titre d'administrateur d'une oeuvre de charité gagne entre 75 000$ et 100 000$ par an... Je ne me souviens plus du pourcentage, mais je crois qu'environ 2 p. 100 des oeuvres de charité et d'autres organisations versent plus de 100 000$ à leurs dirigeants. Ce sont donc vraisemblablement ceux que nous cherchons à cibler.

Qu'avez-vous à dire là dessus? N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il y a lieu de se scandaliser d'une telle situation?

M. Shand: Pas du tout. Je ne crois pas qu'il faille s'en scandaliser. En toute justice, il faut évaluer chaque cas selon son mérite. Il nous faut reconnaître que certaines oeuvres de charité, certaines organisations sans but lucratif, assument des responsabilités extraordinaires ici au Canada.

Prenons par exemple une organisation comme la Société canadienne de la Croix-Rouge, qui est notamment responsable de l'approvisionnement en sang à l'échelle du pays. Le PDG d'une organisation qui emploie des centaines de personnes, sans parler de milliers de bénévoles d'un océan à l'autre, doit assumer une très lourde responsabilité. Il entretient probablement des rapports avec tous les paliers de gouvernement et avec tous les ministères.

Supposons qu'il soit souhaitable d'approcher le PDG d'une entreprise pour lui confier des tâches d'une grande complexité et lui demander d'agir comme chef de file... d'après les salaires des PDG de sociétés côtées en Bourse, publiés par le Globe and Mail, je suppose qu'ils gagnent en moyenne à peu près un demi million de dollars par an. Par conséquent, pour intéresser des gens exceptionnels, qu'ils proviennent du secteur public ou du secteur privé, à apporter au secteur sans but lucratif la direction qu'exige une telle organisation, il n'est probablement pas excessif de leur verser un traitement de 100 000$.

M. Epp: Quel tort pourrait causer la publication de ces salaires? Vous venez tout juste de me fournir de façon très lucide une explication ou une justification - soit dit en passant, je tiens à soumettre ma candidature pour ce poste, et vous paieriez probablement aussi ma note d'hôtel.

Le président: Permettez-moi de faire valoir mon point de vue. Monsieur Epp, votre question est valable. La réponde donnée l'est également. Malheureusement, en cas de divulgation, bien des gens se mettraient à spéculer et il se pourrait bien que certaines personnes au Canada se poseraient la même question que vous sans toutefois être mises au courant de la réponse de M. Shand. Ce genre de renseignement peut parfois susciter bien des spéculations et bien des rumeurs.

M. Epp: Il donne également l'occasion de fournir des explications.

Le président: Vous avez ce genre d'occasion à titre de député. Cependant, bien des Canadiens ne se donneraient pas la peine de lire un document ou ne serait tout simplement pas en mesure d'obtenir la réponse que vous avez obtenue. Ils se feraient donc une très mauvaise opinion de ce genre d'organisations.

M. Epp: Quelles sont les conséquences sur le plan financier, le cas échéant, du fait qu'une organisation importante du genre, verse plus de 100 000$ par an à un ou deux de ses dirigeants?

M. Shand: Des implications d'ordre financier?

M. Epp: Non. J'ai demandé quelles pourraient être les répercussions sur le plan financier du fait que l'on dévoile qu'une organisation verse un salaire élevé à un ou deux de ses dirigeants - je parle ici de plus de 100 000$ par an?

M. Shand: Avec tout le respect que je vous dois, je vous propose de leur poser la question. En effet, la rémunération des employés ou des dirigeants d'oeuvres de charité, qu'elle se chiffre à 10 000$ ou à 200 000$ par année, est connue du public. Il vous suffit de communiquer avec Revenu Canada pour la connaître. Par la suite, vous pourrez communiquer avec l'organisation.

M. Epp: Ces renseignements ne sont-ils pas visés par les règles des non-divulgation de renseignements confidentiels?

M. Shand: Pas du tout; pas dans le cas d'oeuvres de charité enregistrées.

M. Epp: D'accord. Une idée me vient, monsieur le président, la meilleure façon de régler la question serait peut-être d'adopter une loi très simple qui obligerait tout organisation à divulguer les salaires des trois employés les mieux rémunérés à quiconque en ferait la demande. L'organisme aurait alors l'occasion non seulement de faire connaître le salaire, mais d'en donner la justification et le problème serait ainsi résolu. Voilà peut-être une façon de régler la question.

.1240

Je suis d'avis qu'il faut absolument le divulguer. C'est tout, monsieur le président.

[Français]

Mr. Bélair (Cochrane - Superior): C'est avec un très grand intérêt que je suis, depuis mardi dernier, le déroulement des séances sur ce projet de loi. Mardi dernier, j'ai demandé expressément au président d'obtenir du commissaire à la protection de la vie privée une opinion juridique sur la distinction qui devrait être faite entre la rémunération des administrateurs et des conseils d'administration des organismes à but non lucratif et celle des employés.

Afin de nous faciliter la tâche, lorsque nous étudierons le projet de loi article par article, j'aimerais quand même connaitre vos opinions. Pourriez-vous fournir au commissaire à la protection à la vie privée votre opinion, à savoir où nous devons faire la démarcation entre le salaire du président et le salaire de l'employé.

Monsieur Shand, s'il vous plait.

[Traduction]

M. Shand: Notre mémoire aborde cet aspect. Je vais simplement répéter. Je m'inquiète de l'écart qu'il peut y exister entre le libellé de la mesure, sur lequel est d'ailleurs fondée l'approbation en principe de la Chambre des communes, et son esprit, tel que nous l'avons compris. Ce n'est pas du tout la même chose.

Il est question dans le projet de loi, de «dirigeants» et nous avons d'ailleurs repris les mêmes termes. Or, je dois signaler aux membres du comité, avec tout le respect que je leur dois, que la plupart d'entre eux, y compris M. Bryden, utilisent ces termes en leur prêtant l'acception juridique qui correspond normalement au secteur privé.

Ainsi, si j'étais le PDG d'une banque alors, à ce titre, j'aurais le pouvoir d'établir la politique, de concert avec le conseil d'administration. Cependant la très grande majorité des personnes qui sont des employés d'organisations à but non-lucratif ou d'oeuvres de charité ne sont pas des dirigeants.

Voilà pourquoi l'information n'a pas été fournie dans certaines des 14 déclarations sur lesquelles M. Bryden s'est penché dans le cadre de sa recherche. Ce sont tout simplement les employés qui sont des dirigeants qui doivent faire une déclaration.

M. Bélair: Qu'allez-vous dire au commissaire, alors?

M. Shand: Je lui dirais que, d'après moi, une question importante se pose au sujet du droit à la vie privée des employés, par opposition à celui des personnes, qui d'après la loi ont le pouvoir de déterminer la politique d'une organisation.

Comme je l'ai laissé entendre dans mes observations liminaires, je crois qu'il s'agit là d'une disposition sans précédent sur le plan juridique. Je crois qu'il n'existe aucun autre exemple au Canada de cas où un employé qui occupe ce genre de fonctions, compte tenu de sa situation d'emploi et du fait qu'il ne jouit d'aucun pouvoir juridique qui lui permette de déterminer la politique d'une entreprise ou d'une organisation, est obligé de divulguer les détails de son salaire.

Il est certain que, dans le secteur public, nous connaissons les catégories salariales d'une façon générale. Au meilleur de ma connaissance, ce serait la première fois qu'on exige une telle chose d'un employé.

À titre comparatif, je peux vous signaler que dans la province de Québec, la loi qui protège la vie privée, qui s'applique à nous également, stipule que le nom et l'adresse qui figure sur une liste de membres est un renseignement à caractère privé. Le membre doit autoriser la divulgation d'une information aussi élémentaire que son nom et son adresse.

Si ces renseignements sont considérés, dans certaines juridictions du moins, comme relevant du domaine de la vie privée, alors le fait d'obliger un employé à révéler les détails de sa rémunération, ne correspond vraisemblablement pas à l'approche qui a été adoptée jusqu'à maintenant en matière de protection de la vie privée. C'est du moins ce que je dirais au commissaire.

D'autres auront certainement des commentaires.

M. Bélair: Quelqu'un souhaite-t-il ajouter quelque chose?

M. Cardozo: Sur le plan de la protection de la vie privée, je proposerais également qu'on envisage une mise en oeuvre progressive de la mesure législative. En effet, si on l'impose soudainement dès le mois prochain, la mesure comporte une certaine rétroactivité en ce sens que la personne qui a été embauchée il y a six mois en sachant que son salaire ne serait pas divulgué se verra tout d'un coup obligée de le rendre public.

Je propose donc que la disposition entre en vigueur dans un an ou deux, de manière à ce que les personnes qui ne souhaitent pas que leur salaire, gros ou petit, soit connu, aient le temps voulu pour, par exemple, de se chercher un autre emploi.

.1245

Mr. Bélair: Et bien, je crois qu'on ferait cela une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale, s'il se rend jusque là. Pour ce qui est des salaires, il ne couvre pas ce qui s'est déjà passé, mais ce qui se passera dans l'avenir.

Monsieur le président, ma deuxième question porte sur un mécanisme d'évaluation. À plusieurs reprises ce matin, des témoins ont fait allusion aux formulaires qui doivent être remplis.

Par contre, si les salaires ne sont pas divulgués, y a-t-il un mécanisme autre que ces formulaires que vous proposeriez au gouvernement pour évaluer la valeur de sa subvention à un organisme sans but lucratif ou de charité?

En d'autres mots, je pourrais vous donner un exemple concret du secteur privé. Sur chaque bilan, de 18 à 20 p. 100... Les entreprises du secteur privé ne dépassent pas 20 p. 100 si elles veulent améliorer leur marge de profit, évidemment.

Dans certains cas, nous avons vu - et M. Bryden, à sa décharge, en a fournit des exemples - où un montant de 140 000$ sur un budget de 180 000$ a été versé en salaires, ce qui évidemment n'a pas de sens. Plus tôt, la dame habillée en noir a parlé d'abus en matière de salaires.

Donc, à titre de législateurs, jusqu'où pouvons-nous aller pour évaluer un organisme qui reçoit de l'argent du gouvernement?

Le président: Qui veut répondre?

[Français]

Mme Toupin: Je serais réticente, monsieur Bélair, si vous vouliez imposer aux organismes une autre structure, parce que, comme mon collègue, François Duhaime, l'a déjà indiqué, on a quand même plusieurs processus en place. En ajouter un autre rendra notre tâche plus lourde, et cela ne nous pernmettra pas de faire le travail pour lequel on nous donne des contributions. Bref, j'ai des préoccupations si on veut ajouter un autre processus.

Je pense qu'avec ce qu'on a, avec des ajustements aux documents qui nous permettent de rendre compte, vous auriez les informations voulues.

Cela étant dit, je vous proposerais, par contre, que les informations qui accompagnent les formulaires soient écrits dans un langage beaucoup plus abordable et accessible. Je peux vous dire, avec une certaine certitude, que s'il y a eu des erreurs de commises, ce n'était pas des erreurs faites de mauvaise foi. C'est très difficile à comprendre parce que le langage est assez difficile à comprendre. Ce serait donc une autre recommandation que je voudrais faire. Je crois que M. Bryden avait indiqué, dans son rapport, que des gens de certains groupes avaient fait de omissions.

M. Bélair: Intentionnelles aussi.

Mme Toupin: Oui, exactement. Et de mauvaise foi. Je peux vous assurer que ce n'est pas le cas. Dans notre cas, c'est l'interprétation qui en a été donnée.

Mr. Bélair: Ce n'est peut-être pas votre cas, mais il y en a.

Mme Toupin: Il y en a. Toutefois, L'interprétation de la ligne se rapportant aux salaires était qu'on croyait qu'elle concernait les directeurs de l'organisation qui reçoivent 0$. Il est important de reconnaître cela. Ce sont des suggestions qu'on vous fait, mais encore une fois, je ne pense pas que vous ayez besoin de tout un projet de looi, ni d'un autre processus.

M. Bélair: Cela ne répond pas vraiment à ma question. En tant que législateurs, comment faisons-nous pour évaluer les subventions qu'on donne? C'est ce que je vous demande.

Mme Toupin: Chaque ministère a un système pour les évaluer.

M. Bélair: Prenons l'exemple que je vous donnais plus tôt. Quand il y a 140 000$ de salaire sur un budget de 180 000$, il est évident qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Mme Toupin: Si c'était le cas, le ministère aurait tout à fait raison d'aller rencontrer les gens afin d'avoir plus de détails.

M. Bélair: Jusqu'à quel point peut-on scruter les chiffres?

Mme Toupin: À mon avis, c'est déjà tout à fait en place, surtout que Revenu Canada a tout à fait le droit d'aller poser des questions spécifiques. On nous en pose quand vient le temps de la vérification de Revenu Canada à tous les deux ou trois ans.

[Traduction]

Le président: Le temps prévu pour ce tour de questions est écoulé. Je vois que Mme Whelan veut poser une question.

MMe Whelan (Essex - Windsor): Aux fins du compte rendu, je veux demander si tous les organismes représentés ici aujourd'hui ont des conseils d'administration composés de directeurs bénévoles auxquels ils doivent faire rapport. J'imagine qu'ils fixent les budgets des organismes et les salaires.

C'est tout ce que je voulais inclure dans le compte-rendu.

M. Cardozo: J'aimerais ajouter un point qui concerne, en partie, ce qu'elle a dit, mais surtout ce que M. Bélair a dit. En matière de salaires, le fait que le budget salarial de l'organisme est élevé n'est pas nécessairement une mauvaise chose.

.1250

Je vous ai donné l'exemple des Grands frères, qui compte environ 150 bénévoles. Le personnel se compose d'un directeur exécutif, peut-être d'une secrétaire et de cinq travailleurs sociaux. Il importe d'avoir l'aide de professionnels pour bien jumeler les hommes et les garçons.

L'organisme n'a pas vraiment d'autres dépenses. Il a un petit bureau et il n'y a pas de déplacements parce que c'est un organisme local. La plus grande partie des dépenses sert à payer les salaires et je suis convaincu que c'est de l'argent très bien dépensé. Il faut vraiment s'assurer que les jumelages sont appropriés et crédibles.

Il faut donc vraiment examiner chaque cas pour savoir si les dépenses sont trop élevées ou non.

Le président: M. Duhaime veut dire un mot et ensuite nous donnerons la parole à M. Epp.

[Français]

M. Duhaime: Monsieur Bélair, je comprends votre préoccupation quand vous dites qu'en tant que législateur, vous devez pouvoir savoir où va notre argent. Je vous dirais que, dans notre cas, aucun dollar ne sera versé à l'Organisation nationale antipauvreté, à moins que M. Lloyd Axworthy, qui est ministre et député au Parlement, n'ait autorisé cette subvention.

Je peux vous assurer que les gens qui supportent M. Axworthy examinent tous les détails avec nous pour savoir exactement où l'argent est distribué, et ce, à chaque année.

M. Bélair: Quant à moi, je parle de la vérification.

M. Duhaime: Oui, c'est cela. À chaque année, avant d'accorder une nouvelle subvention, on revoit celle qui a été donnée l'année précédente. On doit rendre compte au bureau de M. Axworthy de toutes les dépenses qu'on a faites durant cette année-là. Une fois qu'il est satisfait, en tant que membre du Cabinet, que les dépenses de l'année précédente et de l'année en cours ont été justifiées, il autorise l'émission d'un chèque. À ce moment là, le Parlement peut s'assurer, par l'intermédiaire du ministre, que l'argent a été bien dépensé.

[Traduction]

Le président: Nous allons nous arrêter bientôt, mais M. Epp veut poser une question.

M. Epp: Je voudrais poser une question au sujet des faits à chaque organisme: d'où vient votre argent?

M. Cardozo: Si vous examinez l'ensemble de notre budget, vous verrez que notre argent vient de deux sources. Il y a d'abord beaucoup de travailleurs bénévoles et aussi les travaux à contrat que nous faisons pour le secteur public et le secteur privé, par exemple pour organiser des conférences, de la consultation, de la recherche et de la formation.

M. Epp: Très bien. C'est donc l'organisme qui a recours à vos services qui paie.

M. Cardozo: Oui. Cela se fait par contrat.

M. Epp: Quelle est la nature de votre organisme? Êtes-vous un groupe de pression?

M. Cardozo: Non. Nous sommes des analystes. Nous nous réunissons, nous discutons de questions et de gens...

M. Epp: Une fois vos analyses terminées, que faites-vous des résultats?

M. Cardozo: Pour le sujet auquel je songe, il y a bien d'autres groupes qui viennent vous parler. D'autres gens qui s'intéressent à diverses questions viennent donner leur avis au Parlement.

Par exemple, nous venons de faire une consultation pour Santé Canada sur un aspect particulier de la tabagie. Nous avons aussi présenté un rapport à Santé Canada à ce sujet.

M. Epp: Vous n'êtes pas directement financé par le gouvernement.

M. Cardozo: À moins que ce soit pour un contrat particulier.

M. Epp: Très bien.

Madame Toupin.

Le président: Il me semble, monsieur Epp, que si vous songez à l'Institut Fraser, la réponse est bien évidente.

M. Epp: C'est un coup bas, monsieur le président.

Des voix: Oh, oh!

Mme Toupin: Mais c'est une bonne comparaison.

Comme je l'ai dit au début de notre exposé, nous recevons depuis des années une subvention directe du gouvernement fédéral. Ce n'est plus 250 000$ comme l'a dit mon collègue, mais plutôt 212 000$. Nous avions oublié la réduction de 15 p. 100.

Nous recevons aussi des dons individuels grâce à une collecte de fonds directe. Nous avons le titre d'oeuvre de charité et nous devons rendre compte que tout l'argent que nous recevons sous forme de dons.

Nous participons de temps à autre à divers projets, parfois avec le secteur privé, parfois avec d'autres organismes et parfois avec le gouvernement.

Cela change d'une année à l'autre.

M. Bélair: Quel est votre budget total?

Mme Toupin: Notre budget total cette année est d'environ 425 000$.

Le président: Monsieur Taylor ou madame Callard.

M. Taylor: Je dirais que nous obtenons environ les trois-quarts de nos fonds de membres à titre de simples particuliers et une petite partie, jusqu'à un quart de nos fonds provient des sociétés, mais cela dépend...

M. Epp: Recevez-vous des dons de gens ordinaires, c'est-à-dire de gens qui ne sont pas médecins?

M. Taylor: Les médecins ne sont pas des gens ordinaires?

Pour la première fois l'année dernière, nous avons permis à des non-médecins de devenir membres d'une certaine catégorie dans notre organisme. Nous n'avons pas fait beaucoup de publicité là-dessus et nous n'avons donc pas reçu tellement d'argent de cette source.

M. Epp: Vous êtes désigné comme une oeuvre de charité surtout pour que vous puissiez donner des reçus aux fins d'impôt aux médecins qui font des dons à l'organisme. Est-ce exact?

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M. Taylor: Le fait que nous sommes désignés comme oeuvre de charité?

M. Epp: Si vous êtes considéré comme une oeuvre de charité, et je pense avoir lu que vous l'étiez...

M. Taylor: En effet.

M. Epp: D'habitude, on obtient la désignation d'oeuvre de charité pour éviter de payer des impôts et pour pouvoir donner des reçus pour les dons de charité. Est-ce que je me trompe?

M. Taylor: Le but de notre organisme consiste à réduire la consommation de tabac au Canada et, pour ce faire...

M. Epp: Mais vous pourriez faire la même chose que vous soyez enregistré comme oeuvre de charité ou non.

Mme Callard: Revenu Canada nous a désigné comme oeuvre de charité, et vous voudrez peut-être poser la question au ministère, parce qu'il a comme politique de promouvoir diverses catégories d'organismes, dans le domaine de l'éducation, de la santé, de la culture et ainsi de suite. C'est à cause de cela que le ministère a décidé, à notre demande bien sûr, de nous accorder la désignation d'organisme de charité.

M. Epp: Vous fournissez cependant des reçus de don de charité aux fins d'impôt à ceux qui font des dons à votre organisme.

Mme Callard: Oui.

M. Taylor: Oui.

M. Epp: Vous ne recevez aucun financement direct du gouvernement?

M. Taylor: Non. Nous avons récemment eu un petit contrat avec Santé Canada, mais il s'agissait d'un seul projet à court terme qui est maintenant terminé.

Mme Callard: Bien sûr, nous ne refuserions pas de financement non plus.

Le président: Je voudrais savoir si l'organisme reçoit parfois des legs de fumeurs décédés.

M. Taylor: Des quoi?

Le président: Des legs.

M. Taylor: Non.

Le président: Je croyais que c'était une bonne idée.

M. Epp: Enfin, monsieur Shand.

M. Shand: Nous avons un budget d'environ 2 millions de dollars. La totalité de cet argent vient de nos membres et il s'agit de dons volontaires, comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture. Il est arrivé deux fois depuis dix ans que nous ayons des contrats avec le gouvernement du Canada. Nous avons maintenant un contrat avec le ministre du Développement des ressources humaines pour des programmes de formation et de développement de la gestion pour tout le secteur au Canada et nous fournissons nous-mêmes la plus grande partie des fonds pour ces programmes.

M. Epp: Vous ne recevez donc aucune subvention directe du gouvernement à moins d'avoir un contrat avec le gouvernement.

M. Shand: Pas du tout. Nous n'en avons jamais reçu.

M. Epp: Monsieur Shand, savez-vous si un organisme a eu son statut d'organisme de charité ou sans but lucratif révoqué pour ne pas avoir rempli correctement les formulaires du gouvernement les conditions prescrites?

M. Shand: Nous avons justement rencontré des fonctionnaires de Revenu Canada pour discuter de cela la semaine dernière. Si je ne m'abuse, depuis un an ou deux, chaque fois qu'on approuve deux nouveaux organismes de charité, le statut d'un autre est révoqué. Environ 2 000 organismes ont perdu leur désignation depuis quelques années.

Je sais qu'un organisme de l'Ontario a perdu son statut, mais ce n'était pas parce qu'il ne fournissait pas les renseignements voulus au gouvernement, mais plutôt parce qu'on a jugé que c'était un organisme de défense des droits.

M. Epp: Pensez-vous qu'il y a beaucoup d'abus dans le système?

Le président: Qu'entendez-vous pas «abus», monsieur Epp?

M. Epp: Je veux parler de gens qui se cachent derrière... le genre d'abus dont M. Bryden veut parler. Je pense qu'il essaie de mettre en lumière les cas d'utilisation abusive du système. Êtes-vous au courant d'organismes qui versent des salaires excessifs à des gens pour les récompenser? Le mot abus peut comprendre bien des choses. C'est quelque chose de mal ou d'immoral. Je sais ce que cela signifie.

Mme Chamberlain: Nous voulons en savoir plus long à propos de M. Somerville.

M. Epp: Oui, nous devrions nous renseigner sur M. Somerville.

Mme Chamberlain: Oui, et sur sa pension.

Le président: Nous devons commencer à avoir faim parce que le groupe est en train de devenir indiscipliné.

M. Epp: Je voudrais vraiment savoir si vous êtes ou non au courant de cas d'abus.

M. Shand: Non, il n'y a pas d'abus. Je n'essaie pas de contourner la question, mais je ne suis au courant d'aucun cas de ce genre.

M. Epp: Je voudrais poser une dernière question aux trois groupes, monsieur le président.

Pensez-vous que le projet de loi devrait s'appliquer à certains orgnismes de charité ou sans but lucratif, mais que d'autres devraient en être exemptés, et dans l'affirmative, pourquoi?

M. Taylor: Si le projet de loi doit s'appliquer, qu'il s'applique à tout le monde.

Le président: Est-ce votre avis aussi, madame Toupin?

Mme Toupin: Je veux que le système soit juste et équitable et qu'il traite tout le monde de la même façon au sujet de l'information.

Le président: Je pense qu'il ne nous reste plus de temps.

Je remercie nos témoins. Vous nous avez vraiment donné matière à réflexion.

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La séance est levée.

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