Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 octobre 1995

.1539

[Traduction]

Le président: La séance du comité est ouverte.

Madame Beaumier, avant que je ne présente le sous-ministre, vous avez une motion à proposer, je crois.

Mme Beaumier (Brampton): Effectivement. Je voudrais proposer que, suite aux décisions que le comité a prises le 11 mai et le 13 juin 1995, la liste des membres du sous-comité des droits de la personne soit modifiée pour s'établir de la manière suivante : Colleen Beaumier, John English, Bernard Patry et Lee Morrison; et que, sur désignation d'un membre représentant le Bloc Québécois, le nombre de membres soit porté à cinq pour faire place à un représentant du Bloc Québécois.

.1540

Le président: Quelqu'un appuie la motion? M. English.

Débat sur la motion?

La motion est adoptée

Le président: Merci beaucoup.

Les membres du comité se rappelleront que, après notre rapport intitulé De Bretton Woods à Halifax et au-delà, le gouvernement a déposé une réponse à la Chambre comme il était tenu de le faire. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui le sous-ministre, qui nous parlera de la position du gouvernement au sujet du rapport, et nous pourrons l'interroger.

Je vous signale la présence parmi nous de deux membres du Comité des finances qui font partie de son sous-comité des institutions financières internationales. Vous vous rappellerez que trois de nos membres siègent maintenant à notre sous-comité, qui s'intéressera aux institutions financières internationales. M. Alcock présidera ce sous-comité, et nous aurons l'occasion de travailler ensemble, avec le Comité des finances, sur les institutions financières internationales.

[Français]

Monsieur le sous-ministre, je vous donne la parole.

[Traduction]

M. Gordon Smith (sous-ministre des Affaires étrangères): Merci beaucoup, monsieur le président.

Aujourd'hui, je ne comparais pas uniquement à titre de sous-ministre des Affaires étrangères, mais aussi comme le sherpa du Canada, le représentant personnel du premier ministre, car nous avons exercé la présidence pendant toute l'année et que notre mandat se poursuivra jusqu'à la fin de l'année. En fait, notre travail, dans le contexte du sommet de Halifax, n'est pas encore tout à fait terminé, car nous préparons le sommet sur le nucléaire qui aura lieu à Moscou en mai prochain.

Tom Bernes, qui est maintenant le « sous-sherpa » du Canada en matière de finances, s'est joint à moi pour discuter avec vous de la réponse du gouvernement à votre rapport. Nous voudrions également profiter de l'occasion pour vous informer des progrès accomplis dans la réforme des IFI, ou institutions financières internationales, après le sommet de Halifax, ainsi que des résultats des dernières réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI.

Pour commencer, monsieur le président, je tiens à vous féliciter, vous et votre comité, de votre rapport. Il constitue une étude approfondie des problèmes de réforme des IFI qui se poseront d'ici au siècle prochain, et il a été d'un apport précieux dans les discussions du G-7 en prévision du sommet de Halifax. Même si vos efforts ont été axés sur ce sommet, votre contribution restera utile, à long terme, dans notre travail qui se poursuit sur la réforme des IFI. J'ajoute qu'il me semble évident que le rapport est également très utile pour informer le grand public sur la question.

Pour préparer la réponse du gouvernement, les ministres ont étudié attentivement vos vingt recommandations, et vous constaterez sans doute qu'elles se sont pour la plupart reflétées dans le communiqué de Halifax.

Le premier ministre Chrétien a été fort satisfait des résultats du sommet de Halifax. Selon lui, cette rencontre a été fructueuse, car elle a jeté les bases d'un ambitieux programme de travail. Nous avons fait un suivi des conclusions du sommet pour veiller à ce que les décisions soient effectivement appliquées.

Nous avons été guidés par une authentique volonté d'apporter, par nos efforts, des changements réels dans les institutions et dans les relations qu'elles ont entre elles. Comme vous le savez, certains sommets ont fait l'objet de critiques par le passé parce que les communiqués ne sont suivis d'aucune mesure concrète. Nous voulions nous assurer que, en 1995, il y ait un suivi.

Le message principal de Halifax sur les IFI est que, même si ces institutions ont évolué et se sont adaptées aux nouvelles réalités internationales, des améliorations demeurent possibles et souhaitables. Il ne faut pas tant une grande révision du système de Bretton Woods qu'un recentrage d'un certain nombre d'activités. C'est à l'intérieur de ce cadre que nous poursuivons l'effort de réforme des IFI.

.1545

À Halifax, nous avons appliqué une approche thématique fondée sur les grands défis qui se poseront au monde au cours du XXIe siècle. Il est question de ces défis dans votre rapport. En fait, ils ont surgi des premières réunions des représentants personnels, pendant l'examen de la position nos dirigeants respectifs entrepris en prévision du travail qui a abouti au sommet de Halifax.

Les pays du G-7 se sont engagés, à Halifax, à trouver des moyens, premièrement, de renforcer l'économie mondiale; deuxièmement, de promouvoir le développement durable; troisièmement, de combattre la pauvreté; quatrièmement, de protéger l'environnement; cinquièmement, de prévenir les crises et d'y réagir; sixièmement, de renforcer la cohérence, l'efficacité et la performance de nos institutions multilatérales.

Le renforcement de la cohérence, de l'efficacité et de la performance des IFI était clairement un objectif du sommet de Halifax. Il a été proposé au sommet que la Banque mondiale et les banques régionales de développement décentralisent leurs opérations chaque fois que cela sera possible; que le FMI et la Banque mondiale se concentrent sur leur mandat premier, soit la politique macro-économique pour le FMI et les politiques structurelles et sectorielles pour la Banque mondiale; que les comités ministériels du FMI et de la Banque mondiale soient revus afin que le processus décisionnel devienne plus efficace; que le groupe de la Banque mondiale intègre plus efficacement dans ses stratégies d'aide aux pays les activités de la Société financière internationale et de l'Agence multilatérale de garantie des investissements; et, enfin, que les banques multilatérales de développement coordonnent mieux leurs programmes-pays respectifs avec les efforts des autres donateurs, aussi bien bilatéraux que multilatéraux.

Les dirigeants ont aussi préconisé une coopération plus étroite entre l'OMC et les autres IFI et demandé à l'OMC et à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, la CNUCED, d'éliminer les doubles emplois.

L'OMC a été invitée à observer et à examiner les conséquences de l'Uruguay Round sur les pays les moins développés.

En ce qui concerne les questions d'endettement, nous nous sommes réjouis de la décision du Club de Paris d'améliorer le traitement de la dette des pays les plus pauvres, et nous avons réclamé l'application intégrale et constructive des modalités de Naples.

Nous avons encouragé les institutions de Bretton Woods à élaborer une approche globale des problèmes de la dette multilatérale grâce à une application souple des instruments existants et, au besoin, de nouveaux mécanismes.

Nous avons reconnu que les IFI devaient faire preuve d'une plus grande transparence, mais le gouvernement croit que les structures et les responsabilités existantes des IFI sont adaptées aux besoins.

Les gouverneurs canadiens des IFI sont des parlementaires élus. Le ministre des Affaires étrangères est le gouverneur canadien des banques régionales de développement, et le ministre des Finances est le gouverneur canadien au FMI, à la Banque mondiale et à la BERD, c'est-à-dire la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

Comme je l'ai déjà dit, le premier ministre Chrétien tient personnellement à garantir le bon suivi du sommet de Halifax.

En juillet, j'ai écrit aux directeurs exécutifs canadiens au sein des IFI pour leur demander de prendre des mesures concrètes afin de donner suite aux initiatives de Halifax. J'ai mis l'accent sur le développement durable, la lutte contre la pauvreté et la dette multilatérale des pays les plus pauvres.

Les directeurs canadiens ont un rôle clé à jouer dans ce processus. Ils consultent régulièrement leurs collègues du G-7 sur le suivi de Halifax.

Le processus de réforme des IFI se poursuit dans diverses instances multilatérales. Tom Bernes vous en parlera dans un instant.

Comme il existe déjà des tribunes où se discute la réforme des IFI et que nous tenons à éviter les doubles emplois et la désaffection des pays qui ne sont pas membres du G-7, nous avons décidé de ne pas retenir l'idée de charger un groupe de travail du G-7 de surveiller le programme de réforme des IFI.

Le directeur général du FMI, M. Camdessus, et le président de la Banque mondiale,M. Wolfensohn, tiennent personnellement à ce que le programme d'action de Halifax soit appliqué. M. Camdessus était chez nous il y a quelques semaines, pendant la visite du premier ministre Tchernomyrdine, et Tom Bernes et moi-même l'avons rencontré à cette occasion pour discuter de la réforme du FMI.

Le président de la Banque mondiale, M. Wolfensohn, rencontre régulièrement les directeurs exécutifs du G-7 en vue d'évaluer les progrès réalisés dans le programme d'action de Halifax. Tom Bernes fera le point, dans quelques instants, sur les réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale.

.1550

Il est évident qu'un soutien venant de l'extérieur du G-7 est nécessaire. Nous reconnaissons avec le comité que les pays en développement contestent de plus en plus souvent les positions unilatérales du G-7. Si nous voulons que la réforme des IFI soit un succès, il est crucial de former des coalitions plus larges avec les pays qui ne sont pas membres du G-7.

Après le sommet de Halifax, nous avons informé nos partenaires du Commonwealth, de la Francophonie, de l'ANASE, de l'OEA et de l'APEC. Le premier ministre Chrétien, je le répète, est fermement engagé à appliquer ce programme, et il profitera des prochains sommets du Commonwealth, de la Francophonie et l'APEC pour en faire encore la promotion.

Depuis le sommet de Halifax, j'ai présidé une réunion des sherpas, en septembre. Nous avons alors convenu, après avoir passé en revu les progrès accomplis, que la réforme des IFI suivait normalement son cours.

Nous avons toutefois aussi reconnu qu'il y avait encore place pour d'autres progrès dans un domaine, celui des banques régionales de développement. À cet égard, la vice-présidente chargée des programmes multilatéraux à l'Agence canadienne de développement international, Nicole Senécal, a écrit aux directeurs exécutifs canadiens au sein des banques régionales de développement pour leur demander d'intensifier leurs efforts de promotion des propositions concernant les banques. J'entends demander à mes collègues sherpas d'encourager leurs directeurs à agir de la même manière.

Le prochain sommet aura lieu l'été prochain en France, à Lyon, mais la France assumera la présidence du G-7 dès janvier. Nous ferons le bilan des progrès accomplis dans la réforme des IFI à une réunion des sherpas que je tiendrai plus tard cette année afin de préparer le suivi que feront sûrement les dirigeants au sommet de Lyon.

J'ai bon espoir que, grâce à l'aide fournie par votre comité, monsieur le président, le sommet de Halifax aura apporté une contribution constructive et utile à la réforme des IFI, dans la meilleure tradition de la politique étrangère du Canada.

Maintenant, monsieur le président, vous pourriez peut-être inviter Tom Bernes à commenter plus en détail certains des points que j'ai abordés. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Bernes.

M. Thomas A. Bernes (représentant du Canada auprès du G-7 et sous-ministre adjoint, Direction des finances et du Commerce international, ministère des Finances): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je crois que M. Smith a livré au comité une vue d'ensemble très utile. Pour ma part, je voudrais faire quelques observations en ma qualité de représentant auprès du G-7 sur quelques questions spécifiques qu'il a effleurées, notamment sur le Comité intérimaire et le Comité du développement et les résultats des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale, qui ont eu lieu à Washington il y a une dizaine de jours.

Pour ce qui est des institutions de Bretton Woods, le programme de réforme arrêté à Halifax peut être globalement considéré comme une série de mesures dans quatre grands domaines, et elles ont toutes été abordées dans le rapport que le comité a remis en mai 1995.

Premièrement, le G-7 a tenté d'arriver à un accord avec le FMI et les autres gouvernements qui sont partie prenante pour renforcer les activités de surveillance du Fonds et sa capacité d'intervention rapide. Cette initiative, qui vient juste après la crise mexicaine et l'effondrement de la Banque Barings, nous aidera à mieux voir venir les crises et à prendre des mesures pour les prévenir.

Deuxièmement, nous avons voulu que, en cas de crise, le FMI puisse compter sur des ressources financières suffisantes pour réagir efficacement.

Le président: Je suis désolé de vous interrompre, monsieur Bernes, mais nous éprouvons de légers problèmes techniques de son, ainsi que dans l'interprétation. Je vous prie de parler lentement et directement dans le micro. Cela facilitera l'interprétation. Je vous remercie beaucoup. Excusez-moi de vous avoir interrompu.

M. Bernes: Je vous en prie.

Troisièmement, et cela concorde avec les préoccupations exprimées dans le rapport du comité, le G-7 a encouragé la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement à canaliser une plus grande partie de leurs ressources financières vers les pays en développement les plus pauvres et les plus défavorisés.

Enfin, nous avons tenté de trouver des moyens d'accroître l'efficacité par rapport aux coûts et de réduire le gaspillage dans les diverses institutions internationales. En somme, nous avons cherché à les soumettre aux contraintes que les gouvernements qui les financent doivent eux-mêmes s'imposer.

Bon nombre des questions soulevées à Halifax ont été récemment abordées aux réunions annuelles. Ainsi, à la réunion du Comité intérimaire, les ministres se sont entendus sur des mesures visant à renforcer la surveillance exercée par le FMI au moyen de la fourniture de données économiques et financières plus complètes et pertinentes et de l'établissement de normes sur la publication de ces données. Il a été convenu que les données qu'un pays fournit aux marchés financiers doivent être similaires à celles soumises au FMI.

Deuxièmement, il y a eu entente sur les améliorations à apporter à l'actuelle marche à suivre pour régler les situations financières d'urgence, notamment en accélérant l'accès aux ressources du Fonds. Les prêts seraient assortis de conditions rigoureuses et il y aurait augmentation des décaissements initiaux dans des situations de crise. Afin que les ressources nécessaires soient disponibles pour faire face à de telles situations, on a généralement accepté de doubler les ressources prévues dans le cadre des Accords généraux d'emprunt.

.1555

Les ministres ont également approuvé la décision du FMI d'élargir la portée de sa politique sur l'aide d'urgence pour mieux venir à bout des problèmes particuliers que posent les pays qui sortent d'un conflit.

Quatrièmement, en discutant du fardeau de la dette multilatérale des pays les plus pauvres et les plus lourdement endettés, les ministres ont convenu qu'il importait de continuer à consentir des prêts assortis de conditions de faveur aux termes de la Facilité d'ajustement structurel renforcée. Le comité a demandé au FMI de lui fournir, à la réunion suivante, différentes options pour financer à nouveau la Facilité.

Au Comité du développement, les ministres ont souligné l'importance des efforts déployés par la Banque mondiale et le FMI pour aider à combattre la pauvreté, notamment en augmentant la part des investissements réservée aux projets sociaux. Ils ont par ailleurs insisté sur le fait qu'il fallait reconstituer de façon importante les ressources de l'IDA et veiller à ce que les engagements antérieurs pris à l'égard de l'IDA soient intégralement respectés.

Enfin, les ministres ont reconnu que les instruments actuels laissent la marge de manoeuvre nécessaire pour faire face aux problèmes d'endettement multilatéral de la plupart des pays, mais que le poids de la dette d'un bon nombre de ces pays est insoutenable. Il a donc été demandé à la Banque mondiale et au FMI de poursuivre leurs travaux à cet égard et de proposer, à cette fin, des mesures concrètes à la réunion du printemps.

Dans l'ensemble, je suis d'avis que ces rencontres ont été axées sur des objectifs précis et se sont révélées fructueuses. Elles ont permis de faire avancer de façon significative le programme de réforme des IFI arrêté à Halifax. Il importe de signaler que nous avons beaucoup fait dans les trois mois et demi qui se sont écoulés depuis le sommet de Halifax, vu les antécédents des institutions internationales et leur capacité d'évoluer et de réagir rapidement.

Les ministres et les représentants du G-10 poursuivent également des travaux sur les possibilités d'application d'autres approches pour régler de façon ordonnée les crises financières et renforcer la réglementation et la coopération sur le marché financier. En ce qui concerne le développement, il existe, sous les auspices du Comité du développement, un groupe de travail des banques multilatérales de développement qui étudie de nombreux points examinés dans votre rapport et qui rendra compte de ses travaux au début de l'an prochain au Comité du développement. La discussion portera de nouveau sur ces mêmes sujets à la réunion du printemps prochain.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bernes.

Monsieur Mills.

M. Mills (Red Deer): La question que je vais vous poser m'est souvent adressée, par les temps qui courent, et je suis persuadé qu'on la pose aussi à beaucoup d'autres députés. Je crois qu'elle est liée à ce dont vous venez de parler, mais elle ne l'était certainement pas à l'époque de la rédaction du rapport ni au moment de la conférence de Halifax. Il s'agit de la capacité d'intervention dans une crise financière à l'intérieur d'un pays, quand cela vient à se produire : quelle est la réaction du FMI et comment est déclenché le système d'alerte avancée? De toute évidence, l'attaque contre le peso mexicain a déclenché une crise, et ce qu'on me demande, à l'extérieur du Parlement au moins, c'est ce qui se passerait si pareille crise se produisait au Canada. Quel type d'intervention rapide y aurait-il? Le FMI est-il en mesure d'orchestrer cette réaction et tout ce qu'elle suppose?

Nous savons tous les deux à quoi je fais allusion. Sans entrer dans les détails de ce problème, essayons de voir ce qui se passerait, si vous voulez bien.

C'est là une de mes questions, et elle n'est pas facile.

M. Bernes: Permettez-moi de répondre en expliquant comment les procédures s'appliqueraient à n'importe quel pays.

Premièrement, il a été reconnu qu'il fallait à tous les pays de meilleures données qui soient communiquées aussi bien au FMI qu'au marché. L'une des leçons à tirer de la crise du Mexique est que certaines des données de ce pays, des données financières clés, n'étaient pas disponibles et que les circonstances ont beaucoup changé sans que les marchés en soient pleinement mis au courant. Par conséquent, une des décisions du Comité intérimaire, comme je l'ai dit, est qu'il faut veiller à ce que les pays respectent certaines normes en matière de données, selon une structure à deux volets, une structure qui soit plus perfectionnée pour les pays qui ont accès aux marchés internationaux des capitaux.

.1600

Cette information permet au FMI et au secteur privé d'analyser les événements. Grâce à une analyse plus solide - une analyse plus précise et plus critique, dans le cas du FMI - il est possible de prévoir et, on peut l'espérer, d'éviter les problèmes.

L'une des difficultés que nous avons relevées au FMI, c'est qu'on y utilisait une série de clichés, qu'on s'exprimait en des termes très généraux, si bien que des messages clés n'étaient pas aussi clairs qu'ils devraient l'être. On a donc fait un effort pour que, dans des situations semblables, les rapports du FMI soient beaucoup plus précis.

Voilà pour ce qui est de la prévention.

Maintenant, comment faut-il réagir aux crises qui se produisent effectivement? Aux réunions qui viennent de se terminer, une décision a été prise sur ce qu'on appelle le mécanisme de financement d'urgence. Ce mécanisme permet au FMI de réagir très rapidement à une situation financière nouvelle, comme celle qui s'est présentée au Mexique, et de renoncer aux délais normalement exigés pour l'étude de nouveaux programmes de financement.

Par exemple, il faut normalement un délai de six semaines pendant lequel la documentation du conseil doit être disponible avant qu'il ne puisse examiner une situation donnée. La nouvelle procédure permet de contourner ces règles, lorsqu'il y a lieu de le faire, et aussi de débourser des fonds; des déboursés importants peuvent être faits immédiatement, mais des conditions sont imposées ensuite, lorsqu'un programme satisfaisant a été négocié entre le pays en cause et le FMI.

Quant aux ressources qui sont à la disposition du FMI, ce qui est le troisième élément, il y a bien entendu les fonds habituels que le FMI a à sa disposition. Je crois que Michel Camdessus a déclaré à l'époque de la crise mexicaine que le FMI aurait pu faire face à des situations deux fois et demie plus graves, c'est-à-dire qu'il avait des liquidités suffisantes pour ne pas être à court de ressources.

Il a été décidé d'examiner la répartition des fonds pour qu'on puisse voir de quel côté il y a lieu de les augmenter. Au même moment, il y a eu entente sur la proposition faite à Halifax voulant que soient doublées les ressources des Accords généraux d'emprunt, qui sont un renfort pour le FMI, les pays du G-10 acceptant dans certains circonstances d'avancer des fonds au FMI lorsqu'il est à court de liquidités. Des consultations sont en cours avec de nouveaux participants éventuels, ainsi qu'avec les membres actuels du G-10, sur les modalités d'organisation. On espère qu'une décision précise sera prise à ce sujet en avril.

M. Mills: [Difficulté technique]... dans le cas d'un pays comme le Canada?

M. Bernes: Les Accords généraux d'emprunt, qui comportent des dispositions au sujet des participants - et le Canada est l'un des 11 pays participants - permet d'avancer des ressources au FMI pour répondre aux besoins de n'importe lequel de ces pays.

M. Mills: Est-il raisonnable de comparer la crise mexicaine à la crise financière que pourrait déclencher un résultat de 60 p. 100 pour le oui?

M. Bernes: Je ne tiens pas à commenter cette situation avec précision. Il est clair que les marchés financiers sont nerveux, comme nous avons pu le constater ces derniers jours, et nous surveillons la situation de près.

M. Mills: Le FMI a-t-il toutes les données en main, ce qui n'était pas le cas pour le Mexique?

M. Bernes: C'est juste. Il est largement reconnu que, grâce à Statistique Canada et à d'autres mécanismes de rapports financiers que nous avons, le Canada a l'un des systèmes d'information les plus perfectionnés du monde. Il est donc clair que le FMI, dans le cas du Canada comme dans celui des autres pays industrialisés, est beaucoup plus au courant de ce qui se passe et mieux à même de suivre l'évolution de près. Il est important de faire une distinction entre les grands pays industrialisés, qui ont beaucoup de données disponibles, et des pays comme le Mexique, qui n'ont pas produit autant de données par le passé et que les marchés n'ont pas observés aussi attentivement.

.1605

M. Mills: Qu'a-t-on fait pour enrayer la spéculation? Nous avons appris au printemps dernier que la spéculation sur les monnaies constituait un grave problème. A-t-on fait quoi que ce soit? Peut-on faire quelque chose.

M. Bernes: Selon l'analyse qui a été faite à Halifax, il nous faut nous concentrer sur les causes des fluctuations plutôt que sur leurs symptômes. Certaines fluctuations sont normales, mais c'est la volatilité extrême qui peut poser des problèmes. Il n'existe aucun mécanisme simple. Un certain nombre de mécanismes ont été proposés et examinés. Dans tous les cas, des lacunes importantes ont été décelées. Et même si ces mécanismes fonctionnaient, ils ne portent, comme je l'ai dit, que sur les symptômes.

On s'est donc attardé davantage sur les causes profondes, et il ressort qu'il faut mettre en place des conditions économiques de base correctes.

M. Lastewka (St. Catharines): Ma question comporte deux aspects. Tout d'abord, lorsque notre comité s'est rendu à Washington - où nous avons eu de nombreux entretiens - et est revenu au Canada, nous avons parlé des chevauchements entre le FMI et la Banque mondiale, et nous avons dit que les deux organisations avaient pris beaucoup d'expansion avec le temps.

Il est vrai que, dans le rapport de M. Smith, vous avez parlé des objectifs d'efficacité et d'efficience fixés par les IFI. Je crains simplement qu'on n'ait pas assez insisté sur la nécessité d'éliminer les doubles emplois et de fixer des objectifs de manière à éviter les chevauchements. Le chevauchement est justement le problème qu'on nous a signalé lorsque nous nous sommes rendus à Washington.

Je voudrais que vous commentiez notre troisième recommandation. Sauf erreur, il est dit dans votre rapport qu'on fera quelque chose à ce sujet, mais je ne suis pas persuadé qu'elle sera prise en considération.

M. Smith: Monsieur le président, Tom Bernes voudra peut-être compléter mes observations. À la suite du sommet de Halifax, il y a eu plusieurs réunions, dont certaines au plus haut niveau, des dirigeants du FMI, de la Banque mondiale et de l'OMC et même, dans certains cas, de l'ONU. Au moins une dont je suis au courant a eu lieu à Genève. Je ne connais pas l'histoire assez bien pour pouvoir affirmer que cela est sans précédent, mais c'est en tout cas très exceptionnel.

Les dirigeants, notamment au FMI, à la Banque mondiale et à l'OMC, et je me suis entretenu personnellement avec eux, sont déterminés à prendre des mesures pour réduire le chevauchement et les doubles emplois. Ils veulent éviter le dédoublement des capacités d'analyse dans les diverses organisations; ils veulent également assurer une mise en commun plus importante.

Je ne prétends aucunement que le problème est réglé, mais je crois que les dirigeants de ces organisations s'en occupent. Les directeurs exécutifs du G-7, qui sont tous sensibles au problème, s'en occupent également. Je crois qu'on réalise des vrais progrès.

Auriez-vous quelque chose à ajouter, Tom?

M. Bernes: Pas vraiment, mais je voudrais faire une ou deux observations. Comme Gordon l'a dit, il y a maintenant, pour la première fois, des réunions régulières. Boutros Boutros-Ghali, de l'ONU, Jim Wolfensohn, de la Banque mondiale, et Michel Camdessus, du FMI, ont convenu de se rencontrer tous les trois mois. À leur prochaine réunion et aux autres qui suivront, Ruggiero, le dirigeant de l'OMC, se joindra à eux. Il y a donc des rencontres entre les dirigeants de ces institutions.

En outre, Jim Wolfensohn a entamé une série de rencontres régulières avec les dirigeants des banques régionales de développement. Tous ont à l'esprit les messages du sommet de Halifax au sujet de la nécessité d'une meilleure coordination, messages auxquels il est fait écho dans le processus du G-7, notamment.

L'accord rapide conclu entre l'ONU, le FMI et la Banque mondiale sur des méthodes améliorées de coordination de l'intervention après les conflits illustre bien cette évolution. Ils ont mis en place des procédures pour permettre une désignation plus claire et plus rapide de l'organisation responsable et mettre les plans en oeuvre.

.1610

Je voudrais aussi ajouter que le groupe de travail des banques multilatérales de développement est en train d'étudier ces questions. Comme je fais partie de ce groupe, je sais qu'il a rencontré les dirigeants de la plupart des banques régionales de développement. Un thème qui est revenu régulièrement dans nos entretiens avec eux et qui sera un des grands axes de notre rapport, je crois, est qu'il faut prévenir et réduire au minimum les doubles emplois, et assurer une bien meilleure coordination et une utilisation efficace des ressources.

M. Lastewka: Dans quels délais doivent se prendre les mesures convenues au sommet de Halifax? A-t-on fixé des points de repère dans les années à venir pour mesurer les progrès vers un meilleur fonctionnement, un fonctionnement plus efficace?

M. Smith: Les dirigeants devront se prononcer à ce sujet lorsqu'ils se rencontreront à Lyon. Le président Chirac a dit clairement qu'il voulait revenir sur la question du fonctionnement du système monétaire international. Je suis donc certain que cela se fera, sous la présidence française. Le président l'a déclaré publiquement.

Les Français ont dit également qu'ils voulaient que le sommet de Lyon porte sur l'aide au développement des pays les plus pauvres. Pourquoi cette aide n'a-t-elle pas donné de meilleurs résultats? Quelles leçons peut-on tirer de l'expérience passée? Les travaux préparatoires ont déjà débuté. Bien entendu, nous entrons là dans le problème de la performance non seulement de la Banque mondiale, mais aussi du Programme des Nations Unies pour le développement, des banques régionales de développement et même des programmes bilatéraux d'aide au développement.

Ce sont donc les dirigeants qui, à Lyon, décideront de la prochaine étape.

Je voudrais simplement ajouter quelque chose, puisque cet exemple me vient à l'esprit, à propos d'une question d'une actualité brûlante, la reconstruction en Bosnie. Là aussi, ces institutions, y compris la BERD, essaient d'adopter une approche coordonnée pour éviter les chevauchements et les doubles emplois. C'est un exemple simple montrant qu'il y a vraiment un suivi.

Pour ce qui est du long terme, je crois que nous devrons attendre de voir ce que décideront les dirigeants à Lyon.

M. Lastewka: J'habite près de nos voisins américains. Nous et divers représentants du Congrès nous rendons visite régulièrement. Leur attitude au sujet de l'ONU a probablement évolué quelque peu depuis un an, mais je ne suis pas très certain de leur position. Lorsque nous nous sommes rendus à Washington, nous n'avons pas pu savoir avec exactitude ce qu'ils pensent du soutien à accorder aux diverses banques, à l'ONU, etc. Selon vous, qu'en est-il maintenant de l'appui dont les IFI jouissent aux États-Unis?

M. Smith: Cette question nous préoccupe profondément. Dans la déclaration qu'il a faite à New York à l'occasion du 50e anniversaire de l'ONU, le premier ministre a tout d'abord affirmé clairement que nous appuyons cette organisation. Deuxièmement, il a dit que l'ONU devait se renouveler. Troisièmement, il a déclaré qu'il fallait faire face à la crise financière de l'ONU. Il ne suffira certainement pas, pour que cette crise se résorbe, de régler les problèmes d'inefficacité administrative, de chevauchement et de doubles emplois. Le problème qui se pose à l'ONU est celui d'importants arrérages, surtout des États-Unis.

Bien entendu, nous discutons régulièrement de cette question avec nos amis américains. Elle a même été abordée lorsque le ministre des Affaires étrangères, M. Ouellet, s'est rendu à Washington, la semaine dernière, et a rencontré le secrétaire d'État, M. Christopher.

Le problème, aux États-Unis, comme vous le savez sans doute, c'est que... En réalité, l'ONU jouit toujours d'un assez bon soutien dans l'opinion. L'administration américaine appuie également l'ONU. C'est ce qu'elle dit, et je crois qu'elle est sincère.

.1615

Le problème, et il est énorme, se situe au Congrès. C'est lui qui refuse de verser les arrérages et fixe unilatéralement des objectifs, par exemple une contribution maximum de 25 p. 100 aux opérations de maintien de la paix. Il faut donc déployer de grands efforts pour convaincre le Congrès non pas que l'ONU est parfaite, mais qu'elle a une grande valeur.

Si je puis me permettre, monsieur le président - j'espère que mon intervention n'est pas déplacée - je dirai que je suis convaincu que les parlementaires peuvent jouer un rôle important à cet égard en discutant avec les représentants au Congrès et les sénateurs, car le problème se pose tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat.

Quoi qu'il en soit, nous avons soulevé ces questions. M. Ouellet les a abordées avec certains membres du Congrès lorsqu'il est allé à Washington mercredi dernier. Il est vraiment très important d'essayer de persuader les Américains non seulement qu'il est dans notre intérêt et dans l'intérêt du monde entier que l'ONU se renouvelle et soit une organisation dynamique, mais aussi que cela est dans l'intérêt des États-Unis. Ce fait semble échapper à un certain nombre de membres du Congrès.

M. Lastewka: Je crois que vous avez parfaitement raison sur ce dernier point. Dans mes contacts avec certains parlementaires américains, depuis notre visite à Washington, j'ai remarqué que leur point de vue avait considérablement évolué. Les échanges ont été excellents, et nous devrions peut-être les favoriser davantage.

Merci, monsieur le président.

M. English (Kitchener): Au nom du comité, je tiens à dire que je suis reconnaissant au gouvernement de sa réponse à notre rapport. Je crois qu'elle est très utile.

J'ai une question précise et ensuite une autre question, plus générale, dans le même ordre d'idées que l'intervention de M. Lastewka.

Je crois, monsieur Bernes, que vous avez parlé du fonds de l'IDA et de sa reconstitution. Vous avez exprimé une certaine inquiétude à ce propos. Comme le Congrès américain a clairement de grandes réserves à propos de cette reconstitution, quelle est l'attitude d'autres pays comme le Canada? Allons nous essayer de combler ce qui manquera ou y a-t-il des discussions entre les autres pays sur ce qui risque de se produire si le Congrès américain ne contribue pas à la reconstitution du fonds de l'IDA?

M. Bernes: Il y a là deux questions. La première est que le fonds de l'IDA est reconstitué tous les trois ans. Il y a des négociations, et la reconstitution est négociée en fonction d'un partage équitable du fardeau entre les principaux pays donateurs.

L'opération en cours à l'IDA est la dixième reconstitution, et nous nous sommes heurtés à un problème aux États-Unis, au moins en ce qui concerne le projet de loi budgétaire à l'étude au Congrès américain, qui refuse d'honorer les obligations des États-Unis envers l'IDA dans le prochain exercice financier. Ce sont des engagements que l'administration précédente avait pris en prévision de la dixième reconstitution.

Je précise que, bien entendu, ce n'est pas la position de l'administration. Dans le budget qu'il a proposé, le président Clinton a demandé le plein financement pour l'IDA, tout comme il l'a fait pour l'ONU, et l'administration a multiplié les efforts pour faire valoir la cause de l'IDA au Congrès. La question a donné lieu à des préoccupations et à des discussions au Comité du développement, à Washington, il y a dix jours, et cela, pour deux raisons.

Il est évident que, si les États-Unis n'honorent pas leurs obligations aux termes des dispositions de l'IDA, il est possible que les autres donateurs réduisent leur contribution au pro rata. Il se pose donc une question : les autres donateurs doivent-ils se retirer parce que les États-Unis le font, jusqu'à ce que, dans un an ou deux... les États-Unis honorent pleinement leurs obligations? On a bien insisté sur le fait que cela pourrait poser un grave problème de financement à l'IDA.

La deuxième question est celle de la capacité du système international de fonctionner si les pays n'honorent pas les obligations, financières ou autres, qu'ils ont prises. À l'évidence, cela risque de susciter de graves inquiétudes, et elles ont été expressément signalées aux autorités américaines compétentes.

Des négociations sont en cours au sujet de la onzième reconstitution des fonds de l'IDA, mais, tant que la question du financement de la dixième reconstitution ne sera pas tirée au clair, l'administration américaine n'est pas en mesure de prendre des engagements nets au sujet de la onzième reconstitution. À dire vrai, les autres pays ne sont pas non plus en mesure de dire dans quelle mesure l'administration pourra faire accepter par le Congrès des engagements à l'égard de la onzième reconstitution. La question est préoccupante, et elle fait l'objet de discussions et de négociations intenses.

.1620

Le but de la direction de l'IDA, de la direction de la Banque mondiale, était de faire aboutir les négociations avant la fin de l'année en cours. Je ne suis pas sûr, à dire vrai, que cet objectif soit réaliste, vu la démarche qui entoure les engagements américains et les délais à prévoir.

M. English: Tant à la Banque mondiale qu'au FMI, les États-Unis ont toujours occupé une place dominante dès le début. En règle générale, la présidence a toujours été confiée à un Américain.

Wolfensohn est asiatique de naissance et, récemment, à l'occasion d'une visite en Chine, il a dit qu'il entrevoyait l'avenir avec optimisme. Il a fait remarquer que, dans une dizaine d'années, si on extrapole à partir des taux de croissance actuels, l'Asie occupera une position dominante dans l'économie mondiale.

Lorsqu'on voit sa propre institution - je me suis rendu à Washington, à la Banque mondiale, il y a quinze jours - , on constate qu'elle a une coloration très nettement américaine. Même les membres du personnel qui ne sont pas américains sont en général diplômés d'universités américaines et parlent l'américain.

Le président: À la différence de ce qui se passe chez nous.

M. English: Effectivement. Je n'ai rien contre cela, remarquez.

Est-ce que, à long terme, il ne pourrait pas y avoir une évolution vers un type d'institution différent, une institution où les Américains ne joueraient pas un rôle aussi important, à la faveur de la controverse qu'on observe en ce moment?

Je ne prétends pas que c'est une source incontestable, mais, dans son éditorial d'aujourd'hui, le Globe and Mail critique le discours que le président Clinton a fait à l'ONU parce qu'il y a dit que les Américains doivent soutenir l'ONU à cause de ce que cette organisation peut faire contre le crime. C'est presque exactement le même discours qu'il a donné à San Francisco.

Si vous examinez le sondage d'opinion qui est souvent cité, vous constaterez que les Américains appuient l'ONU, mais que, lorsqu'on leur demande expressément pourquoi, c'est la lutte contre le crime qui est la première réponse, non la paix et la sécurité internationales ou d'autres raisons semblables.

Je me demande si ce genre de controverse qu'on observe aux États-Unis ne sera pas en fait utile à long terme pour forcer l'institution à s'affranchir de la dépendance, de la prédominance excessive si l'on veut, qui a toujours été la sienne à l'égard des États-Unis. Ce pays y joue depuis quelque temps un rôle beaucoup plus grand que celui qu'il a dans l'économie mondiale.

M. Bernes: C'est certainement un facteur à considérer. Actuellement, la contribution des États-Unis à la reconstitution des fonds de l'IDA est d'environ 22 p. 100. Les pays qui ont de solides réserves et qui sont peut-être disposés à payer le prix ont exprimé l'idée que, si les États-Unis ne peuvent se permettre leurs contributions, ils devraient se retirer et laisser d'autres pays prendre plus de place, en échange de contributions plus importantes à l'IDA, ce qui renforcerait évidemment leur influence à la Banque mondiale et réduirait celle des États-Unis. C'est nettement le message qu'un certain nombre de pays ont lancé.

À propos de votre question plus générale, l'une des choses intéressantes sera de voir ce que fera le nouveau président. Il est clair qu'il entend décentraliser les activités. Il est conscient, je crois, qu'il y a une centralisation excessive à Washington, ce qui donne peut-être une certaine coloration. Il envisage avec enthousiasme des programmes d'échanges avec le secteur privé dans un certain nombre de pays, ce qui permettra de faire appel à des personnes qui ont des compétences dans divers domaines et de faire participer des membres du personnel de la Banque mondiale à des échanges avec divers segments du secteur privé et des groupes gouvernementaux.

Cette initiative pourrait permettre de décentraliser davantage les activités sur le terrain, ce qui favorisera une meilleure coordination avec les banques régionales. La participation d'un nombre beaucoup plus grand de personnes à l'échange peut aussi influencer cette coordination. Les deux instances, travaillant de concert, peuvent avoir une influence.

[Français]

Le président: J'aimerais poser une question qui s'inscrit un peu dans la ligne des questions que nous avons entendues.

La semaine dernière, j'étais à Cartagena pour la réunion des pays non alignés. Pratiquement tous ces pays - ils sont 13, comme vous le savez très bien - sont carrément contre la politique des institutions financières internationales.

.1625

Ils trouvent qu'elles s'en tiennent presque à la ligne du colonialisme. Ils veulent une participation accrue. Ils veulent que des ressources soient octroyées pour réduire la dette des pays les moins nantis et ils veulent absolument une participation plus importante aux décisions de ces institutions.

Étant donné les observations de MM. Lastewka et English concernant le Congrès américain et la position de nos partenaires du G-7, quelles sont les perspectives d'une plus grande participation des pays non alignés ou des pays du Sud ou du Nord à ces institutions et quelles sont les perspectives en ce qui a trait à la réduction de la dette des pays les moins nantis? C'est ce dont ils ont besoin, étant donné que nous avons rejeté la proposition de la Grande-Bretagne pour mettre de l'ordre ou réduire ces dettes.

[Traduction]

M. Bernes: Je vais commencer par la question de l'endettement.

Grâce au Club de Paris et aux modalités de Naples, nous avons un certain nombre d'instruments qui nous permettent de nous attaquer aux problèmes de dette publique bilatérale. Le problème qui persiste aujourd'hui est celui de 19 ou 20 pays qui sont endettés envers des institutions multilatérales et qui, dans certains cas, ne peuvent probablement pas régler leurs difficultés. Le Canada, avec la Grande-Bretagne, a fait valoir de façon énergique la nécessité d'une nouvelle stratégie à l'intention de ces pays qui sont déterminés à appliquer un processus de réforme réaliste.

Le problème comporte deux dimensions. Il peut y avoir des dettes envers le FMI, et il y a aussi la question de la facilité d'ajustement structurel renforcée. Comment faire en sorte que cette initiative se poursuive au-delà de la date d'expiration prévue et reçoive le financement nécessaire? C'est là qu'intervient la proposition du Royaume-Uni, que le Canada a appuyée, tout comme le directeur général, selon laquelle une petite partie des réserves d'or du FMI serait vendue, le produit de la vente investi, et le rendement utilisé pour financer la facilité d'ajustement structurel renforcée.

Un certain nombre de pays développés ne croient pas que ce soit là une utilisation judicieuse des réserves d'or. Par conséquent, la proposition du Royaume-Uni a été rejetée, mais il a été convenu qu'une forme d'utilisation de l'or, peut-être selon des modalités différentes, pourrait être envisagée. La question fait en ce moment l'objet d'études et de discussions au conseil du FMI.

De la même manière, il existe des dettes envers la Banque mondiale, par l'entremise de la facilité de l'IDA, ce qu'on appelle la facilité de cinquième dimension. D'autres mécanismes permettent d'apporter de l'aide. La question qui s'est posée est celle de savoir si de nouvelles initiatives s'imposent.

Au sommet de Halifax, les dirigeants du FMI et de la Banque mondiale ont été invités à travailler de concert, avec les banques régionales de développement, à l'élaboration de propositions.

Vous avez peut-être vu quelques allusions à une étude de la Banque mondiale qui a fait l'objet d'une fuite, il y a quelques semaines. Cette étude proposait une facilité de 11 milliards de dollars pour régler certains de ces problèmes. Le document qui a fait l'objet de cette fuite avait été préparé aux échelons les moins élevés du service et n'avait pas été examiné par la haute direction.

Michel Camdessus et Jim Wolfensohn ont abordé cette question au Comité intérimaire et au Comité du développement et exprimé l'avis que la proposition était encore prématurée. Cette proposition a fait surgir beaucoup de questions, questions que le Canada et d'autres pays se posaient déjà, mais l'examen se poursuit.

Les ministres ont dit expressément qu'ils voulaient que le FMI et la Banque mondiale présentent des propositions, et pas seulement de nouvelles analyses, à la réunion du printemps, et nous espérons qu'il sera répondu à cette requête.

La question vraiment critique est celle des ressources, de l'augmentation des ressources. Elles sont limitées et, dans beaucoup de pays, les budgets de l'APD restent au même niveau ou sont comprimés.

.1630

Il se pose donc une vraie question, à laquelle les institutions, les ONG et les gouvernements doivent s'attaquer, et c'est celle de l'utilisation optimale de ressources rares pour le développement. Faut-il préférer un projet de développement dans un pays qui se tire bien d'affaires ou l'allégement de l'endettement? Quand les ressources sont limitées et qu'il s'agit de les répartir, il faut définir les priorités.

Bien entendu, ce qui fait l'intérêt d'une utilisation de l'or du FMI est qu'elle permettrait de dégager de nouvelles ressources qui, autrement, ne seraient pas disponibles. L'un des problèmes de la facilité d'allégement de la dette exposée dans le document de la Banque mondiale qui a fait l'objet d'une fuite est que cette facilité aurait dû dépendre largement des contributions bilatérales. La capacité et la volonté de la communauté internationale d'affecter des ressources additionnelles à cette fin deviennent alors la question cruciale.

Le président: La deuxième partie de la question porte sur la participation des pays du Sud au processus des institutions, pour employer une expression hélas très générale, de manière que ces pays aient l'impression d'y jouer un vrai rôle. Y a-t-il des possibilités réelles de ce côté ou, selon votre opinion et celle du gouvernement, ces institutions sont-elles nécessairement dirigées en grande partie par ceux qui fournissent l'argent et qui, évidemment, souhaitent garder la haute main sur la gestion?

M. Bernes: Ces institutions, en fin de compte, sont des banques, et elles prêtent de l'argent. Ceux qui fournissent l'argent s'attendent à avoir voix au chapitre, et une voix plutôt prépondérante. Ce qu'il importe de remarquer, selon moi, c'est que certaines économies émergentes se présentent maintenant comme ayant la capacité d'intervenir; ces pays jouent désormais un rôle dans l'économie, et ils comptent jouer un plus grand rôle dans les institutions.

Ce phénomène se manifeste de deux façons, en ce moment. Il y a d'abord ce qui s'est passé à Halifax, où les pays du G-7 ont dit - le Canada appuyant énergiquement cette position - que les Accords généraux d'emprunt, ou AGE, devaient prendre de l'ampleur non seulement par le volume, en doublant les ressources, mais aussi en acceptant de nouveaux membres. L'arrivée de nouveaux membres est intéressante parce qu'ils apporteraient de nouvelles ressources et qu'ils refléteraient l'évolution de l'économie mondiale; il y a de nouveaux protagonistes qui émergent, et ils doivent trouver place autour de la table.

J'ai moi-même présidé un groupe du G-10 qui a discuté de l'approche à adopter à cet égard. On m'a demandé, au nom du G-10, de pressentir de nouveaux participants dans le cadre d'un nouvel arrangement. Il faut voir comment on peut faire entrer ces nouveaux membres et arrêter des conditions qui soient satisfaisantes aussi bien pour eux que pour les autres pays.

L'autre aspect est celui de la onzième reconstitution, au FMI, dont j'ai parlé tout à l'heure. Bien entendu, la quote-part de chacun correspond également au poids relatif de son vote au FMI. On applique une formule très complexe pour calculer l'augmentation de la quote-part, et on se demande toujours dans quelle mesure l'augmentation doit être équiproportionnelle ou tenir compte de l'évolution de la conjoncture. C'est là un débat très vif, et il commence tout juste.

Il est bien évident que des pays réclament une plus grande reconnaissance par une augmentation de leur quote-part correspondant au changement relatif de leur puissance économique. En général, nous avons été d'accord sur ce point.

Le président: J'ai une question tout à fait différente à poser. Elle porte sur la Banque africaine de développement. Au cours de nos audiences, nous avons recueilli des témoignages selon lesquels cette banque serait aux prises avec de graves problèmes et l'avoir que le gouvernement canadien y détient ne correspondrait pas à la valeur comptable.

Avez-vous quelque chose à dire sur la rentabilité de la Banque africaine de développement, ses perspectives d'avenir et les éventuelles conséquences sur les comptes du Canada?

.1635

M. Bernes: C'est une situation que nous avons surveillée de très près. Nous ne pensons pas qu'il y ait un risque imminent qu'on fasse appel à notre capital exigible.

Chose certaine, cette banque a éprouvé des difficultés. On vient de nommer un nouveau président à la tête de l'institution. Il envisage de modifier l'équipe des hauts gestionnaires. Des négociations sont sur le point de s'amorcer sur la reconstitution du Fonds africain de développement à des conditions de faveur. Tous ces changements permettent d'entrevoir des améliorations. Nous ne prévoyons donc aucune conséquence sur les comptes du gouvernement du Canada.

Le président: Il ne me reste qu'une question complémentaire sur le FMI, et elle découle de mon expérience dans le mouvement des pays non alignés. Beaucoup d'intervenants ont manifesté un profond ressentiment parce que la surveillance et les autres contraintes financières qui leur sont imposées n'étaient aucunement respectées par les membres du G-7, qui n'y songent même pas. Il est évident que des règles différentes s'appliquent aux débiteurs et aux créanciers. C'est normal, assurément, dans les affaires bancaires, mais il a été avancé que, peut-être, les règles n'étaient pas les mêmes pour tous. Je me demande dans quelle mesure vous ou votre gouvernement entrevoyez la possibilité que le FMI, pour exercer son rôle de surveillance, établisse une réglementation plus ferme qui s'appliquerait à tous les pays.

M. Bernes: Chose certaine, la position du Canada est que le FMI doit être aussi strict, dans ses conseils et ses analyses, pour tous les pays. Cette position a été clairement énoncée au sommet de Halifax et reconnue, je crois, dans le document de travail. Nous ne pouvons pas compter que d'autres pays seront assujettis à une surveillance plus stricte que celle que le G-7 n'est disposé à accepter pour lui-même.

Vous mettez toutefois le doigt sur un point critique : les pays qui veulent emprunter au FMI ne sont évidemment pas dans la même position que les pays du G-7, dont aucun n'a fait d'emprunt au Fonds depuis les années 70.

Cependant, les grands pays industrialisés sont soumis à la surveillance des marchés des capitaux et leur situation est examinée par ces institutions, qui, dans bien des cas, peuvent être tout aussi rigoureuses. Ils sont donc soumis à des critères différents qui doivent être respectés.

Votre position fondamentale, je crois, est que des avis de même qualité et aussi rigoureux doivent être donnés à tous les pays, et nous avons vigoureusement appuyé ce point de vue.

Le président: Comme il ne semble pas y avoir d'autres questions, je tiens, au nom des membres du comité, à vous remercier tous les deux d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui.

Je voudrais simplement ajouter que la préparation de notre rapport a été une expérience extrêmement précieuse. Nous croyons maintenant que l'action de ces institutions a des conséquences dans la vie quotidienne des Canadiens. En discutant avec nos collègues des États-Unis et d'autres pays, nous avons appris que, en fait, tous les parlementaires reconnaissent maintenant que le Parlement a, lui aussi, un rôle à jouer, au-delà du rôle qui était celui du Comité des finances ou des contacts du ministère des Finances avec ces institutions financières. Je crois que des rencontres comme celle-ci nous aideront à approfondir notre compréhension. Elles contribueront aussi, au bout du compte, à renforcer la crédibilité de ces importantes institutions en nous faisant comprendre comment elles fonctionnent et comment nous pouvons participer à l'élaboration des politiques du gouvernement à leur égard.

Nous entendons continuer à suivre ce dossier. Comme vous le savez, nous avons un sous-comité du Comité des finances, et notre propre comité, qui continueront de s'intéresser aux institutions financières internationales. Je crois que cela sera bénéfique non seulement pour les députés, mais aussi pour tous les Canadiens, en nous rapprochant de ces institutions importantes.

Merci beaucoup.

Je rappelle aux membres du comité que la prochaine séance aura lieu le jeudi 26 octobre. Je crois qu'elle était prévue au départ pour 10 heures du matin, mais, avec votre permission, je vais la repousser à 11 heures en raison de conflits d'horaire dont certains députés m'ont parlé.

.1640

M. Alcock (Winnipeg-Sud): Une séance a été convoquée à 15 h 30 jeudi. De quoi s'agit-il?

Le président: À 15 h 15 jeudi.

M. Alcock: Pourquoi cette séance?

Le président: Il s'agit d'examiner très rapidement avec M. Coutts les travaux à venir, en ce qui concerne le rapport sur les petites et moyennes entreprises, pour nous assurer que tout sera à notre satisfaction.

M. Alcock: Coutts sera donc là. D'accord.

Le président: Merci beaucoup. La séance est levée jusqu'à jeudi, 11 heures.

Retourner à la page principale du Comité

;