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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 1er décembre 1995

.0935

[Français]

La présidente suppléante (Mme Brushett): Bonjour. Je m'appelle Dianne Brushett et je suis députée de Cumberland - Colchester, en Nouvelle-Écosse. Bienvenue au Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Le vice-président, M. Barry Campbell, qui doit présider cette séance, est retenu dans la circulation. Il devrait arriver sous peu.

[Traduction]

Nous accueillons ce matin M. Jean Précourt, de l'Association des comptables généraux agréés du Canada.

Apparemment, certains témoins devront partir avant la fin de la séance. Si vous êtes de ceux-là, si vous ne pouvez pas participer à la discussion qui suivra, je vous demande de présenter toutes vos déclarations au cours de votre déclaration préliminaire.

Ce matin, des exposés seront présentés par M. Faraj Nakhleh, de l'Association canadienne de technologie de pointe; M. Claude Bismuth, à titre personnel; M. Jean Précourt et Mme Joanna Leduc-Dallaire, de l'Association des comptables généraux agréés du Canada; M. Jean Lapierre, mais il est absent, M. Yvon Caron, président-directeur général de l'Association de planification fiscale et financière; Michel Audet...

Une voix: Yvon Caron et Denis Lacroix présenteront l'exposé de l'Association de planification fiscale et financière.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Très bien.

Poursuivons. M. Ghislain Dufour du Conseil du patronat du Québec; M. Émile Vallée, qui est absent; et M. Pierre Akkelian, de l'Association canadienne des bijoutiers. Les autres arriveront bientôt.

Veuillez prendre place.

M. Raynold Langlois (président du conseil, Chambre de commerce du Québec): Madame la présidente, vous avez oublié la Chambre de commerce du Québec. J'imagine que vous nous entendrez nous aussi. Je suis Raynold Langlois et, avec Michel Audet, je représente la Chambre de commerce du Québec.

La présidente suppléante (Mme Brushett): D'accord.

Maintenant, nous allons entendre les déclarations préliminaires. Je vous demande d'être brefs, ne prenez pas plus de cinq minutes.

Ensuite, il y aura une discussion entre les témoins, puis les députés pourront poser des questions.

Je vous souhaite la bienvenue. Nous écouterons d'abord M. Faraj Nakhleh.

[Français]

M. Faraj Nakhleh (directeur général, Association canadienne de technologie de pointe): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Je vais parler en anglais. Si vous avez des questions, vous pouvez les poser en français ou en anglais.

L'Association canadienne de technologie de pointe compte 450 membres dans tout le Canada, dont 105 au Québec. Nous avons pour vocation de promouvoir nos petites et moyennes entreprises ainsi que nos grandes sociétés, qui toutes oeuvrent dans le secteur de la technologie. Nous aidons nos membres à obtenir une aide financière et à accroître leur compétitivité à l'échelle mondiale, et nous favorisons certainement leur réussite et leur prospérité.

Je veux faire 12 recommandations. Certaines ont déjà été faites l'an dernier. À ce que je sache, aucune n'a été intégrée au budget de M. Martin cette année. Nous espérons qu'il en sera tenu compte dans le budget de l'an prochain.

Premièrement, je recommande un réaménagement de la législation fiscale du Canada, de façon à offrir de véritables encouragements à l'investissement à long terme de capitaux de risque. Nous préconisons que dans le cas du capital de risque investi à long terme, l'impôt sur les gains en capital soit inversement proportionnel à la durée de l'investissement. Si vous investissez pour deux ans, vous payez un impôt sur les gains en capital - si vous réalisez des gains, évidemment.

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Si vous investissez pour cinq ans, vous devriez payer, par exemple, 50 p. 100, et si vous investissez pour huit ou neuf ans, vous ne devriez aucun impôt sur les gains en capital.

Pourquoi proposons-nous une telle mesure? Parce que lorsque les gens investissent dans la création d'emplois, les personnes qui occupent ces emplois paient des impôts. Elles stimulent l'économie et elles paient la TPS applicable à leurs achats. Lorsqu'il y a du travail, l'investissement peut être couronné de succès, croître. Nous parlons seulement des gains en capital axés sur la croissance, je suis certain que vous comprenez. Il s'agit d'investissement et non de dépense.

Je vous signale qu'une copie de mes notes a été remise à quelqu'un ce matin.

La deuxième recommandation vise à protéger le crédit d'impôt pour la recherche et le développement. Comme vous en conviendrez sans doute, l'argent est rare, et on a souvent fait un usage abusif du crédit d'impôt pour la recherche et le développement. Nous le reconnaissons.

On a appliqué le crédit d'impôt pour la recherche et le développement à des activités non admissibles. Des frais ont été réclamés au titre du soutien, de la fabrication, pour toutes sortes de raisons. C'est là le fait d'une minorité d'entreprises.

Ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas pénaliser la majorité à cause de quelques abus. Il faut plutôt mettre en place des règles plus strictes pour les prévenir.

Nous avons parlé à des représentants de Revenu Canada. Nous avons rencontré le ministre,M. David Anderson. Nous sommes intervenus pour que ces crédits d'impôt soient protégés.

Il faut dire que lorsqu'ils sont autorisés, les crédits d'impôt arrivent de six à dix-huit mois après que les dépenses ont été engagées. Nous n'avons que cinq minutes, mais nous pouvons vous prouver qu'au moment où le gouvernement accorde les crédits d'impôt, il a déjà profité des retombées de l'activité sous forme d'impôts et d'impôts projetés, d'impôts sur le revenu et d'autres taxes.

L'Association canadienne de technologie de pointe recommande avec vigueur qu'un système d'homologation des procédés soit adopté à moyen ou à long terme, pour que nous puissions vraiment collaborer avec le gouvernement afin d'être sûrs que tout soit fait dans les règles et qu'il n'y ait pas d'abus, mais que le programme demeure intact.

Notre troisième recommandation est d'encourager le financement public des entreprises spécialisées dans la technologie grâce à un régime national d'épargne-actions. Ce serait une version améliorée du régime d'épargne-actions mis sur pied par le Québec dans les années 80. Comme vous le savez, ce régime ne comportait pas de règles strictes en matière de remboursement des prêts des actionnaires, de blocage de titres, de formation, de détention d'actions multiples, etc. Nous songeons à des règles plus rigoureuses encore, mais le principe est excellent.

Notre quatrième recommandation est d'éliminer les obstacles fiscaux qui nuisent à l'expansion des petites entreprises spécialisées dans le domaine de la technologie. Ainsi, une petite entreprise qui utilise des fonds de risque d'une entreprise publique risque de perdre ses crédits d'impôt.

Notre cinquième recommandation est d'offrir des crédits d'impôt aux entreprises qui embauchent de nouveaux diplômés. Il y a au Québec un programme à cette fin, le PSS, le Programme de soutien de l'emploi scientifique. C'est un programme efficace qui favorise l'embauche de diplômés récents qui sont au chômage.

Je suis certain que vous le savez, c'est un investissement. Au Canada, nous avons des dizaines de milliers d'emplois à combler, mais nous n'avons pas suffisamment de personnes compétentes pour le faire. Mieux nous formons nos gens, plus ils ont de chances de trouver un emploi.

Un programme de réserve devrait être établi pour aider les petites entreprises à vendre leurs produits au gouvernement fédéral. Un tel programme existe aux États-Unis. La NASA autorise le recours à un tel programme.

Il s'agit d'un programme qui permet de réserver aux petites et moyennes entreprises une partie du volume des achats gouvernementaux. Aux États-Unis, le programme s'adresse aux entreprises à contrôle minoritaire et aux petites entreprises. Au Canada, nous n'avons pas besoin d'un programme pour les entreprises du premier groupe, seulement pour celles du deuxième groupe.

Notre septième recommandation est d'encourager les petites sociétés à investir dans la formation de la main-d'oeuvre. N'en faites pas une loi, offrez simplement des mesures incitatives. Vous pouvez utiliser les crédits d'impôt, mettre au point une formule. Nous ne sommes pas venus ici pour élaborer des formules.

Notre huitième recommandation est de simplifier les formalités de déclaration de la TPS. Le numéro d'entreprise qui vient d'être adopté est un bon début, mais il faut simplifier le système. Il coûte trop cher aux petites entreprises; nous avons rempli notre formulaire seulement le 30 novembre. C'était beaucoup de travail. Il y a des années que nous le faisons mais cela nous prend encore beaucoup de temps.

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Avant de passer au numéro neuf, je veux vous rappeler que nos recommandations un et deux sont des recommandations en matière d'investissement et non pas en matière de dépenses.

Notre neuvième recommandation est de réduire la plupart des programmes qui visent à encourager les PME grâce à de petites contributions. Les résultats de ces programmes sont difficiles à mesurer, les programmes eux-mêmes sont difficiles à contrôler, difficiles à surveiller, et ils ne donnent pas toujours le résultat voulu. Il serait préférable de les remplacer par les programmes d'investissement que nous proposons dans nos deux premières recommandations.

Encouragez les alliances, les transferts de technologie: nous en avons besoin. Il y a la technologie à l'université et il y a les exigences du marché. Nous pouvons combiner les deux.

Avant de terminer, je veux dire quelques mots au sujet de la réforme qu'envisageM. Axworthy - quel que soit le nom que vous lui donniez. C'est un sujet controversé, mais tôt ou tard, que ce soit dans un an, dans dix ans ou dans vingt ans, il faudra imposer des frais aux utilisateurs, fixer des règles plus sévères concernant les prestations d'assurance-chômage, les prestations d'aide sociale, etc. L'argent est rare, et nous avons un choix entre continuer de nous endetter ou réglementer plus strictement ces domaines.

Malheureusement, beaucoup de gens ont besoin des fonds publics, de l'argent distribué par les gouvernements. Il faut être ferme. Nous ne pouvons continuer ainsi. Nous devons trouver de meilleures façons de rendre le Canada prospère.

Merci beaucoup.

[Français]

M. Claude C. Bismuth (associé, Caron Bélanger Ernst & Young): Je suis ici à titre d'associé de la firme Caron Bélanger Ernst & Young. Je suis comptable agréé et conseiller en gestion et j'oeuvre au Canada depuis 25 ans auprès d'entreprises dont la plupart oeuvrent dans les domaines de la haute technologie et de la fabrication.

Les commentaires que je m'apprête à faire ce matin ont trait à un bilan de la situation telle qu'on la voit au Canada aujourd'hui. Ayant eu l'occasion de me présenter ici l'année dernière, j'essaie de mettre à jour mon discours pour ne pas répéter les mêmes choses.

Nous devrions d'abord nous demander ce qui fonctionne dans les interventions gouvernementales. D'une part, je dirais que les centres d'excellence fonctionnent très bien du fait qu'une évaluation par les pairs se fait au départ et qu'il y a une reconnaissance de la part de l'industrie et du domaine de la recherche afin d'éviter la duplication d'infrastructures de recherche quand on reconnaît qu'il y a une bonne science et qu'on peut la concentrer dans une institution reconnue.

Je pense que le gouvernement devrait s'appliquer à mettre l'accent sur une bonne science et sur les résultats, et continuer son appui aux centres d'excellence. À titre d'exemple, il y a le centre d'excellence en neurosciences qui, non seulement a réussi à réunir les plus grandes têtes au Canada au niveau de la recherche et du développement, mais a aussi su convaincre les investisseurs, par la voie de la Banque royale du Canada et de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, de s'unifier derrière ces chercheurs afin de favoriser une commercialisation plus rapide du fruit de leurs efforts.

Un autre aspect très important que l'on devrait retenir, c'est le côté du modèle virtuel de l'entreprise. On devrait essayer de mettre l'accent là-dessus et de garder les gens dans leurs domaines de compétence les plus forts. Cela dit, on devrait éviter la duplication au niveau des investissements en infrastructures, en équipement, en personnel bien formé ou même en édifices ou en laboratoires.

Il y a des instituts, comme l'Institut de recherche en biotechnologie, qui ont su s'attirer beaucoup de joueurs importants de l'industrie au plan mondial. Entre autres, je peux signaler le travail qui se fait au Centre conjoint de biologie structurale où on retrouve d'autres participants comme Merck Frosst, Bio-Mega et Astra Pharma Inc., Canada.

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J'aimerais faire un petit survol des problèmes auxquels fait face l'industrie de la haute technologie, que ce soit la biotechnologie, l'aérospatiale, la défense, l'électronique ou la technologie d'information.

Il est très important pour nous, au Canada, d'avoir un fardeau fiscal qui ne soit pas plus élevé que celui de nos concurrents. Cela est très important parce que, si l'on suit le modèle économique, il ne suffira pas de développer le côté recherche et développement et de le subventionner comme on le fait ou comme on devrait le faire. Il est très important de reconnaître qu'il a été prouvé que la recherche et le développement amènent des emplois de haute valeur et que cette valeur ajoutée favorise énormément le développement économique d'un pays.

Par contre, il faut se demander si on ne risque pas de perdre la fabrication au profit d'autres pays et d'exporter des emplois dans la partie de la commercialisation. Selon moi, ce n'est pas une chose sur laquelle on devrait passer trop de temps. Je considère que les emplois qui sont créés et qui ont très peu de valeur ajoutée peuvent facilement s'exporter. Ce qui est beaucoup plus important pour nous, c'est de s'assurer que les profits demeurent au Canada. Pour cela, il faut que les entreprises soient encouragés au moyen d'une assiette fiscale qui ne soit pas trop onéreuse.

[Traduction]

Il est essentiel que nous tenions soigneusement compte des profits découlant des transactions et que nous maintenions la compétitivité de nos entreprises à l'échelle mondiale en fixant les taux d'imposition comparables à ceux de nos concurrents. Nous serons alors en mesure de conserver les profits au Canada, ce qui favorisera l'investissement et accroîtra le PNB.

Si nous devions dresser le bilan de notre situation actuelle, nous constaterions que nous consacrons d'énormes montants aux crédits d'impôt pour la recherche et le développement, un système qui a été instauré et testé et que l'on perfectionne encore. Je songe à quelques modifications qui ont été apportées au système en février 1995, dont les paiements de contrats et les transactions avec lien de dépendance dans le domaine de la recherche et du développement, et je suis tout à fait en faveur de ces modifications. Je crois qu'elles sont opportunes et parfaitement adaptées à l'esprit de la loi.

Ce qui m'inquiète, c'est la façon dont Revenu Canada, au moyen de vérifications, applique les politiques administratives et un ensemble de règles complexes. Au cours des neuf derniers mois, nous avons créé ce qui me semble être un très fort climat d'incertitude quant à l'application de ces règles. Quelles sont les nouvelles lignes directrices? Les gens d'affaires qui doivent faire des investissements à long terme et prendre des décisions stratégiques à long terme n'en sont pas très heureux. D'autre part, il est dangereux de modifier radicalement les règles fiscales sans prévoir de clauses de droits acquis, parce qu'on alimente ainsi le sentiment de vivre en état de crise. Là encore, il n'y a rien qui encourage l'investissement à long terme.

Prenons l'exemple d'une personne qui doit définir une structure qui convienne à la législation fiscale actuelle et prendre des décisions au sujet d'investissements en fonction de la structure d'imposition et des crédits applicables à la recherche et au développement. Cette personne planifie évidemment pour un certain nombre d'années. Elle ne peut pas six mois plus tard modifier entièrement sa façon d'investir.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Monsieur Bismuth, je vais vous demander de terminer votre exposé. Nous avons d'autres participants qui doivent partir bientôt. Vous aurez peut-être l'occasion par la suite de poursuivre votre discussion.

M. Bismuth: J'aimerais mentionner encore une chose au sujet du crédit d'impôt pour la recherche et le développement. On demande souvent une documentation très détaillée, qu'il n'est pas facile de fournir, surtout dans le cas des petites et moyennes entreprises. C'est là un fardeau injustifié. Au bout du compte, si nous voulons réduire le déficit, je crois que nous devrions envisager de simplifier l'administration des programmes et d'en réduire les coûts. J'irais même jusqu'à dire qu'il vaudrait beaucoup mieux bonifier nos crédits d'impôt que de distribuer des subventions.

Merci beaucoup.

[Français]

M. Jean Précourt (président du conseil et chef de la direction, Certified General Accountants' Association of Canada): J'aimerais tout d'abord vous remercier, ainsi que les membres du comité, d'avoir donné à CGA-Canada l'occasion de participer à la consultation prébudgétaire.

Le Canada d'aujourd'hui se doit de réaliser deux grands défis. Le premier consiste à renouveler la fédération afin qu'elle puisse mieux servir les Canadiens en faisant la promotion de nos valeurs communes et en contribuant à assurer notre avenir dans un univers de plus en plus compétitif.

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Nous avons besoin d'un nouveau cadre constitutionnel qui nous permettra de mieux surmonter les défis politiques et économiques du XXIe siècle. À cette fin, les Canadiens devront faire preuve de sérieux, de raison et, par-dessus tout, de bonne volonté dans un souci d'accommodement.

Le second grand défi est de favoriser une véritable croissance économique qui procurera aux Canadiens des emplois durables et une plus grande prospérité. Un taux de chômage de 10 p. 100 et plus constitue une situation inacceptable.

Par le présent mémoire, nous désirons contribuer à la recherche de solutions pour relever ce second défi dans le cadre des travaux préparatoires au budget qui sera présenté par le ministre des Finances en 1996.

[Traduction]

À titre de directeurs et de conseillers financiers qui gèrent de nombreuses industries clés au Canada, les CGA sont bien placés pour comprendre les ramifications des problèmes financiers du pays. Parce qu'ils ont des liens étroits avec les petites et moyennes entreprises, les CGA sont particulièrement sensibles aux besoins de cet important élément de l'économie canadienne.

Notre organisme de réglementation professionnelle représente plus de 47 000 comptables généraux agréés et étudiants-CGA. La CGA-Canada reconnaît en outre qu'il est très difficile de maintenir des programmes sociaux justes et raisonnables dans la conjoncture financière actuelle.

[Français]

CGA-Canada appuie les quatre principes fondamentaux sur lesquels reposait le budget 1995.

Premièrement, le gouvernement doit commencer par mettre de l'ordre dans ses affaires et concentrer ses efforts sur les réductions de dépenses et non sur l'augmentation des impôts.

Deuxièmement, nos priorités nationales doivent refléter les besoins de la population. Les Canadiens ont besoin d'un plan économique qui assure la promotion et la croissance de l'emploi.

Le troisième principe est celui de la frugalité. Chaque dollar compte.

Enfin, nous devons avoir le sens de la justice entre les régions et les Canadiens.

Ces principes doivent encore guider le prochain budget. Par conséquent, CGA-Canada soumet les recommandations suivantes au gouvernement:

- équilibrer le budget d'ici l'an 2000 grâce à un programme rigoureux de compression des dépenses et non par des hausses d'impôt;

- réduire encore davantage le fardeau de la réglementation qui freine les affaires, décourage l'investissement et élimine les emplois;

- dans le cas des subventions aux entreprises, supprimer toutes celles qui s'avèrent non rentables;

- quatrièmement, remplacer la TPS par une nouvelle taxe à la consommation plus simple, harmonisée, indépendante du revenu et à paliers multiples qui s'appliquerait à tous les produits et services, prévoyant un crédit sur les intrants de manière à garder les exportations concurrentielles et à empêcher la cascade des taxes à la consommation;

- cinquièmement, entreprendre, de concert avec les provinces et les territoires, une réforme en profondeur de la politique sociale afin d'établir une infrastructure sociale qui soit abordable, sensée, efficace et basée sur les valeurs fondamentales du Canada qui représentent la justice et la compassion.

[Traduction]

La CGA-Canada croit que la lutte contre le déficit doit demeurer la priorité absolue du gouvernement. Le gouvernement doit d'abord et avant tout mettre de l'ordre dans ses finances et il doit le faire en réduisant ses dépenses, et non pas en augmentant les impôts. Le niveau de la dette et les déficits constants sont des facteurs qui contribuent à la faible croissance économique que connaît le Canada.

Réduire le déficit de 3 p. 100 du PNB est certes un but louable, mais ce n'est pas demain que le gouvernement pourra produire des excédents et rembourser la dette. Au rythme actuel, il faudra peut-être encore 10 ans avant d'arriver à équilibrer le budget. Pendant cette période, la dette augmentera de près de 200 milliards de dollars. Le Canada n'est pas en mesure d'assumer ce fardeau supplémentaire. Le gouvernement doit donc comprimer son échéancier de réduction du déficit pour arriver à équilibrer le budget en l'an 2000.

Pour atteindre cet objectif, il faut revoir toutes les dépenses fiscales actuelles, procéder à une réforme des règlements, réduire plus encore les subventions aux entreprises, continuer à rationaliser le fonctionnement du gouvernement fédéral, poursuivre les efforts de privatisation lorsque cette mesure est rentable et permet d'assurer un niveau approprié de service pour la population, et entreprendre avec les provinces et les territoires des réformes véritables dans les domaines de la politique sociale.

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Le gouvernement lui-même en convient, le fardeau de la dette est déjà extrêmement élevé par rapport à celui des pays du G-7. Pourtant, aucune politique n'a été annoncée en ce qui concerne le rapport dette-PIB et un niveau tolérable n'a pas été défini.

D'après le vérificateur général du Canada, il faut calculer avec précision la dette que nous pouvons supporter à long terme. La CGA-Canada est d'accord avec lui et recommande que le gouvernement effectue une étude sur la question de la soutenabilité de la dette, en tenant des consultations et en faisant participer tous les intéressés.

Récemment, le gouvernement de l'Ontario a promis de réduire de 30 p. 100 en trois ans les impôts sur le revenu des particuliers. La mesure doit stimuler l'économie et la création d'emplois en Ontario. D'autres gouvernements provinciaux suivront peut-être cet exemple. Par ailleurs, une réduction de l'impôt fédéral sur le revenu pourrait faire grand bien à l'économie canadienne. À tout le moins, le gouvernement fédéral ne doit pas s'approprier une partie de l'assiette fiscale créée par les réductions d'impôt accordées par les gouvernements provinciaux.

[Français]

En terminant, il est clair que les Canadiens veulent du changement. Ils veulent un changement qui leur donnera un pays fort, uni et bien positionné pour relever les défis du XXIe siècle.

Mais il faut d'abord les affranchir du joug insupportable de la dette actuelle. On peut le faire par des coupures dans les dépenses, des gains d'efficience et une croissance économique génératrice d'emplois permanents et bien rémunérés.

Parallèlement, l'infrastructure sociale actuelle doit être repensée de telle sorte que les Canadiens continuent de recevoir les services sociaux et de santé essentiels qui font du Canada l'envie du monde entier.

La compassion a un prix. Il serait beaucoup plus facile d'équilibrer les livres du Canada aux dépens du mieux-être de certaines catégories de citoyens, mais des solutions aussi simplistes ne doivent pas être retenues.

L'équilibre budgétaire doit se faire sans priver la population de services vitaux. La formule gagnante qui tiendra le Canada ensemble, dans les années à venir, réside dans une saine gestion financière et une infrastructure sociale efficace. Merci.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci beaucoup. Le comité a pour politique de permettre à un seul des députés de chaque groupe de prendre la parole, mais vous aurez l'occasion de participer au débat pendant la période de questions.

[Français]

M. Yvon L. Caron (président-directeur général, Association de planification fiscale et financière): Dans le but de respecter votre politique, madame, je vais tout de suite passer la parole à M. Lacroix, qui va parler au nom de l'Association.

M. Denis Lacroix (président du conseil d'administration, Association de planification fiscale et financière): Mesdames et messieurs, on a tenté, dans la préparation de nos commentaires, de répondre le plus possible aux questions précises qui avaient été posées par le Comité permanent des finances.

Le premier point soulevé est l'objectif que le gouvernement doit se fixer quant au niveau du déficit. À cet égard, il est absolument essentiel que le gouvernement respecte l'engagement qu'il a pris, lors du dernier budget, de ramener le taux du déficit à 3 p. 100 du produit intérieur brut pour l'exercice 1996-1997. Il nous semble que c'est un minimum.

Il nous semble aussi que dans le prochain budget, qui viendra très rapidement, peut-être dans trois mois, on devrait tout de suite essayer de voir ce qui va se passer après l'exercice 1996-1997. Trois pour cent du PNB, c'est quand même un niveau de déficit considérable et il va falloir travailler à réduire encore le déficit de façon substantielle par la suite.

Le gouvernement devra s'attaquer à cette question-là et nous donner, dès le prochain budget, des indications quant à la réduction du déficit. Comme objectif minimal, il faut absolument abaisser le taux de croissance de la dette publique à un niveau bien inférieur au taux de croissance de l'économie en général, ce qu'on n'a pas constaté à ce jour. Le taux de croissance de l'économie est encore inférieur au taux de croissance de la dette.

Un autre aspect qu'on aimerait aborder est la question de la perception de la population de toute mesure qui pourrait être prise par le gouvernement et de l'acceptation de ces mesures par la population. Nous avons la conviction que la population croit qu'il y a encore beaucoup de gaspillage au sein de l'appareil gouvernemental et que la gestion des fonds publics n'est pas aussi efficace qu'elle pourrait l'être dans un certain nombre de situations.

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Dans beaucoup de cas, il s'agit de perceptions seulement. L'appareil gouvernemental n'est pas tel que plusieurs personnes le disent. Beaucoup de correctifs ont été apportés au cours des années, mais il reste encore des secteurs où il faut intervenir sans faute. Mais qu'il s'agisse de perception ou de réalité, le résultat est le même.

Aussi longtemps qu'on n'aura pas convaincu la population que l'appareil gouvernemental fonctionne de la façon la plus efficace possible et sans gaspillage, elle sera toujours réticente à accepter des modifications et des coupures qui pourraient l'affecter personnellement.

Donc, il est essentiel que ce problème de perception soit corrigé si on veut avoir une chance de faire accepter ces mesures par la population.

Cela nous amène à parler de la productivité de l'appareil gouvernemental. Où est la marge de manoeuvre pour permettre de réduire le déficit? Une partie de cette marge de manoeuvre réside dans l'augmentation de la productivité de l'appareil gouvernemental.

Lorsque cela est possible, à des conditions acceptables, le gouvernement doit se retirer de certains secteurs d'activité ou partager certains secteurs d'activité avec le secteur privé. On a la conviction que le secteur privé est plus efficace et plus productif que le secteur public. Par conséquent, sauf lorsque c'est tout à fait essentiel, le secteur public devrait se retirer de certains secteurs d'activité. On encourage le gouvernement à poursuivre les projets de privatisation qui avaient été annoncés dans le budget de 1995.

Il devrait y avoir des discussions afin d'éviter tout dédoublement de dépenses avec les provinces. On a un système fédéral. Il ne s'agit pas d'entrer dans des considérations politiques, mais simplement de constater que dans toute circonstance où on a plusieurs paliers de gouvernement, il est important d'éviter les dédoublements de dépenses entre ces différents paliers. On n'a plus les moyens de se permettre ces dédoublements.

Finalement, la gestion du secteur public doit être modifiée afin de dégager des économies et des gains de productivité. Il y a probablement des relations de travail qui doivent être redéfinies pour permettre d'améliorer la gestion et de dégager des marges de manoeuvre.

Peut-on dégager des marges de manoeuvre ailleurs afin de réduire le déficit de façon substantielle? Il y a peut-être certains postes qui peuvent être analysés de plus près, par exemple à la Défense nationale, où les coupures n'ont pas été aussi importantes qu'elles auraient pu l'être.

Au niveau des transferts aux provinces, des coupures extrêmement importantes ont été faites au cours des deux dernières années. On doute que les provinces soient en mesure de subir des coupures substantielles à court terme.

Il est facile de faire le tour du jardin et de constater qu'on ne peut couper nulle part, mais il va bien falloir couper quelque part, et c'est peut-être au niveau des transferts aux particuliers qu'il va falloir commencer à regarder la situation.

Évidemment, on attend la présentation que M. Axworthy doit faire aujourd'hui pour voir ce qui va se passer au niveau de l'assurance-chômage. Il y a d'autres transferts aux particuliers qui devront être réévalués, non pas en vue de faire des coupures sauvages ou de délaisser des personnes démunies qui ont vraiment besoin de l'aide de l'État, mais en vue rendre ces programmes plus efficaces pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires.

Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci, monsieur Lacroix. Je crois que vous aurez tout à l'heure l'occasion de nous dire comment et dans quels délais ces coupures devraient être effectuées de manière à nous permettre de décider de la marche à suivre.

Nous allons maintenant donner la parole au représentant de la Chambre de commerce du Québec. Monsieur Langlois, vous pouvez commencer.

[Français]

M. Langlois: Je suis accompagné de Michel Audet, qui est président et chef de la direction de la Chambre. Nous avons déposé un mémoire que je n'ai pas l'intention de parcourir.

Je veux simplement vous rappeler, puisque vous êtes des politiciens, que nous représentons 225 chambres de commerce réparties à travers la province de Québec, 4 500 membres corporatifs et 55 000 membres par le biais de nos chambres locales. Donc, nous représentons toute la gamme du milieu des affaires québécoises, à partir des plus grandes entreprises jusqu'aux plus humbles dans les plus petits villages du Québec.

Dans son mémoire, à la question: «Que devrait être notre objectif de réduction du déficit et quelle est la meilleure façon de l'atteindre?», la Chambre répond de façon très ferme que le déficit de 1996-1997 doit être ramené sous la barre des 20 milliards de dollars et que les dépenses doivent être comprimées conformément à cet objectif.

Nous insistons fermement sur le fait qu'il ne faut pas du tout accroître le fardeau fiscal des citoyens et surtout celui du milieu des affaires. Il y a déjà un climat de morosité qui préside au Québec devant l'attentisme des milieux d'affaires canadiens à la suite du dernier référendum. Il faudrait plutôt chercher à rendre la fiscalité plus attrayante pour stimuler les investissements et l'emploi.

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Je reviendrai sur cette question de l'impact qu'a le climat constitutionnel actuel sur la capacité du gouvernement fédéral d'atteindre ses objectifs d'assainissement des finances publiques.

Quant à la deuxième question: «Comment peut-on exploiter des mesures budgétaires pour établir un climat propice à la création d'emplois et à la croissance?», nous faisons deux recommandations:

- premièrement, que le gouvernement fédéral considère son énoncé budgétaire vis-à-vis du déficit de 1996-1997 comme un engagement incontournable; en d'autres termes, que l'on puisse être confiants que vous allez respecter vos engagements, que ce ne seront pas de vaines promesses;

- deuxièmement, que le gouvernement fédéral s'engage formellement à réduire la réglementation et la paperasse; c'est une promesse qui traîne dans les tiroirs et il y a eu peu de réalisations à cet égard depuis un très grand nombre d'années.

J'ajouterai une autre recommandation: qu'il soit signifié clairement et immédiatement au milieu des affaires que le problème constitutionnel canadien va se régler et qu'il est réglable. Il y va de la confiance du milieu des affaires au Canada et au Québec et de sa volonté de cibler des investissements au Canada et au Québec. Sinon, ce sont nos amis américains qui vont en profiter et vos assiettes fiscales vont en prendre pour leur rhume.

Pour ce qui est de la troisième question: «Dans quel secteur de l'activité fédérale faut-il envisager des compressions ou encore la commercialisation des activités, leur privatisation ou leur dévolution à d'autres paliers d'administration?», je me contenterai de vous rappeler que, l'an dernier, nous avions énoncé quelques principes: d'abord, montrer l'exemple; deuxièmement, procéder à des coupures de dépenses de transferts qui n'épargnent personne; troisièmement, recourir à une plus grande décentralisation; quatrièmement, informer la population et être cohérent dans l'action.

Ces principes demeurent tout aussi présents aujourd'hui. Le gouvernement fédéral doit s'engager à prendre les moyens nécessaires pour dispenser ses services au meilleur coût et également assurer une plus grande transparence dans ses décisions en matière de dépenses publiques en faisant participer davantage les citoyens au processus décisionnel.

[Traduction]

Pour conclure, madame la présidente, je voudrais revenir une fois de plus à la remarque que j'ai faite plus tôt au sujet du règlement du problème constitutionnel au Canada...

La présidente suppléante (Mme Brushett): Monsieur Langlois, voudriez-vous parler un peu plus lentement, je vous prie, les interprètes ont du mal à vous suivre.

M. Langlois: Compte tenu de l'urgence du problème, je pensais qu'il serait préférable de parler vite.

La présidente suppléante (Mme Brushett): C'est un souci qui vous honore.

M. Langlois: Ce n'est pas la première fois que cela se produit, madame.

Pour conclure, je dirais qu'il y a convergence entre la question de la réforme constitutionnelle au Canada et le règlement du déficit, qui est une de vos priorités. Nos membres ainsi que les autres éléments du monde des affaires auxquels nous sommes associés par l'intermédiaire de la Chambre de commerce du Canada sont absolument convaincus que beaucoup d'incertitude demeure. De nombreuses décisions devraient être prises mais elles demeurent en suspens, ce qui risque de compromettre votre base financière, la prospérité du Canada.

Il est urgent de montrer au milieu des affaires que le gouvernement fédéral veut prendre les mesures nécessaires - et j'insiste sur le mot «nécessaire» - pour résoudre le problème constitutionnel, et qu'il en est capable sans quoi le revenu de l'impôt et l'assiette fiscale seront en sérieuse difficulté.

Je vous remercie.

[Français]

M. Ghislain Dufour (président, Conseil du patronat du Québec): Je suis accompagné deM. Jacques Garon, directeur de la recherche au Conseil du patronat. Il participera à vos discussions parce que je devrai malheureusement vous quitter.

Je vais répondre aux trois questions que vous nous avez posées. D'abord, il y a l'objectif de réduction du déficit et la meilleure façon de l'atteindre.

L'engagement de M. Martin de réduire le déficit à 3 p. 100 du PIB pour 1996-1997 est, bien sûr, un bon objectif, mais quant à nous, il est nettement insuffisant. Pourquoi? Essentiellement pour trois raisons. Il y a d'abord la croissance de la dette nationale au cours des dernières années. Il faut se rappeler que la dette dépassera 600 milliards de dollars au 31 mars 1997, ce qui va occasionner des frais d'intérêt de plus de 50 milliards de dollars.

Deuxièmement, il y a actuellement une baisse dans la croissance économique, baisse qui est attribuable à toute une série de facteurs. Les dépenses augmentent, en particulier à cause des frais d'intérêt, et on ne peut dire qu'elles engendreront nécessairement les recettes qui étaient attendues par l'État.

.1015

Troisièmement, les taux d'intérêts réels demeurent très élevés et bloquent les dépenses à la consommation.

Il y a beaucoup d'autres raisons, mais ces trois-là nous semblent essentielles et nous amènent à vous proposer, si vous voulez agir vraiment sérieusement, de ramener le déficit budgétaire à 20 milliards de dollars au 31 mars 1997 plutôt qu'aux 25 milliards de dollars prévus.

Nous allons beaucoup plus loin. Nous souhaitons un déficit zéro en 1998-1999. Si les économistes du ministère des Finances n'arrivent pas à se convaincre que c'est essentiel, ils n'auront qu'à penser à cette table ronde dont on parle dans le Globe and Mail du 10 novembre 1995, où dix des plus grands économistes du Canada disaient qu'il fallait viser l'objectif d'un déficit zéro en 1998-1999.

Comment peut-on y arriver? C'est la question qui se pose. Nous faisons trois propositions. Premièrement, on doit couper dans les dépenses gouvernementales. C'est bien amorcé. Il y en a beaucoup qui s'inquiètent de savoir comment on pourra réaliser ce qui a été annoncé. Il faut vraiment dégraisser encore la machine, et nous proposons - il est un peu particulier de proposer au Parti libéral ce qui avait été une initiative du Parti progressiste-conservateur - un comité Nielsen numéro deux.

Vous vous rappellerez qu'en 1986, les conservateurs avaient mis sur pied une commission d'étude sur l'ensemble des dépenses gouvernementales, qui avait eu quand même des résultats positifs à l'époque. Neuf ou dix ans plus tard, l'exercice pourrait être repris.

Je dois dire aussi, comme M. Précourt plus tôt, que nous sommes prêts à faire notre part. Nous sommes contre les subventions aux entreprises; nous l'avons dit plusieurs fois et nous le répétons. Ce n'est pas un abandon graduel des subventions que nous recommandons, mais leur abandon pur et simple, sauf dans un certain nombre de domaines comme la recherche et le développement. On ne peut abandonner les subventions à la recherche et au développement sans qu'il y ait d'autres possibilités pour l'État d'aider les entreprises, et c'est la même chose en ce qui a trait aux exportations et à la formation professionnelle. Mais cette aide est minime comparativement à l'ensemble des subventions.

Évidemment, cela ne plaît pas à toutes les entreprises. Pourtant, nous les représentons. Mais c'est une des façons d'arriver à réduire les dépenses gouvernementales.

Comment peut-on exploiter les mesures budgétaires pour établir un climat propice? C'est votre deuxième question. Nous sommes, je le répète, persuadés que les coupures de dépenses sont la meilleure façon d'y arriver. Mon collègue Raynold Langlois, de la Chambre de commerce du Québec, a également abordé cette question. Il y a beaucoup de déclarations, de voeux pieux quant à la réglementation et aux lois que l'on devrait revoir, mais on ne le fait jamais. Or, cela est très coûteux, et pas seulement pour les entreprises. Quand on a besoin de 3 000 ou 4 000 fonctionnaires simplement pour gérer un programme contreproductif dans le secteur privé, il est évident que c'est une dépense inutile.

Il faut aussi revoir les taxes sur la masse salariale. On perd des emplois avec les taxes sur la masse salariale au Canada, et la Banque du Canada vient de dire que c'est absolument contreproductif. Nous ne serons pas très heureux, aujourd'hui, de la réduction de seulement cinq cents des cotisations d'assurance-chômage, soit de 3$ à 2,95$. Il aurait été possible de réduire davantage ces cotisations.

J'aimerais vous rappeler, et rappeler surtout à M. Loubier, le fameux problème de la non-déductibilité des taxes sur la masse salariale et sur le capital dans les provinces, mesure annoncée par M. Wilson lors du budget de 1991.

.1020

Depuis 1991, on a réussi, avec presque tous les partis politiques, à faire remettre cette décision dont on avait fait état dans le budget Wilson.

Si la non-déductibilité entrait en vigueur le 1er janvier 1996 tel que prévu, cela représenterait environ 150 millions de dollars pour les seules entreprises québécoises. Nous aurons l'occasion d'en parler avec M. Martin, mais nous souhaiterions que dans son prochain budget, il raye à tout jamais cette disposition du budget Wilson au lieu de la laisser planer au-dessus de la tête des entreprises.

Finalement, nous ne souhaitons pas aborder le dossier constitutionnel, mais une des façons de réduire les dépenses du gouvernement fédéral est de décentraliser et de s'harmoniser avec les provinces. Il ne s'agit pas d'harmoniser purement au niveau des programmes, mais aussi au niveau de l'argent qui accompagne les programmes. Il y a beaucoup de duplication. Je suis d'autant plus à l'aise de le dire que vous connaissez l'option politique de notre organisation. Il y a place pour la décentralisation et pour l'harmonisation. M. Loubier le sait très bien.

Nous souhaitons que, par une meilleure harmonisation entre les provinces et le gouvernement fédéral, on en arrive à réduire le budget de l'État fédéral.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci, monsieur Dufour.

[Traduction]

Nous allons maintenant donner la parole à M. Gordon Edwards, du Regroupement pour la surveillance du nucléaire.

M. Gordon Edwards (président, Regroupement pour la surveillance du nucléaire): Je vous remercie. Je suis heureux de me voir offrir la possibilité de participer au débat.

Je voudrais attirer votre attention sur un problème qui me préoccupe: le fait que l'industrie nucléaire canadienne n'est pas tenue de rendre des comptes et, aussi, l'ampleur des responsabilités futures auxquelles cette industrie pourrait faire face.

Je me contenterai de tracer un parallèle. Aux États-Unis, on a récemment estimé à plus de 200 milliards de dollars le coût de décontamination des sites militaires du pays.

Heureusement, au Canada, nous n'avons pas de programme militaire nucléaire, et nos problèmes sont donc moins graves mais ils ne vont pas moins nous coûter des milliards de dollars. Comme le vérificateur général du Canada l'a fait observer dans son dernier rapport, Énergie atomique du Canada Limitée n'a même pas inscrit dans ses livres des éléments de passif qui vont coûter des centaines de millions de dollars aux contribuables, voire même des milliards de dollars, pour l'élimination des déchets, la décontamination, et le déclassement des installations.

Dans sa dernière évaluation des incidences sur l'environnement, Énergie atomique du Canada Limitée estime que la construction d'un dépôt de déchets de haute activité au Canada coûtera de 8 à 17 milliards de dollars. Le ministère des Transports a réagi à cette déclaration en faisant observer que les fonds sont tout simplement inexistants.

Bien qu'Ontario Hydro ait dit avoir réservé des fonds à cette fin, ils n'existent pas. Ontario Hydro utilise une méthode comptable qui lui permet de déduire un certain montant pour l'élimination des déchets, mais en fait cet argent n'est pas garanti et a été dépensé pour d'autres activités. Lorsque le moment viendra d'éliminer les déchets, Hydro Ontario sera obligé d'emprunter l'argent nécessaire.

Bien entendu, cela suppose aussi que 17 milliards de dollars est un prix réaliste. Or, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, par exemple, EACL a toujours sous-estimé le coût de construction d'installations nucléaires qui lui ont en fait coûté trois fois plus. Si l'on se base là-dessus, le prix pourrait donc atteindre 54 milliards de dollars.

J'estime qu'il est extrêmement important que l'industrie nucléaire soit tenue de rendre des comptes. Il est scandaleux qu'à l'échelon ministériel, on envisage actuellement d'accorder 300 millions de dollars supplémentaires à Énergie atomique du Canada Limitée pour lui permettre de construire encore un réacteur, à Chalk River.

Je considère que le Parlement du Canada se doit de prendre le contrôle des activités de l'industrie nucléaire. À mon avis, les ministres de l'Énergie qui se sont succédé ont tous été asservis à cette industrie. Tous les conseillers principaux en matière de politique nucléaire viennent directement de l'industrie nucléaire. Le gouvernement du Canada ne reçoit absolument aucun conseil désintéressé sur les questions nucléaires.

Il me paraît tout à fait indispensable de procéder à un examen public de la situation et, en particulier, d'étudier de très près l'importance des subventions et des obligations futures de l'industrie nucléaire.

.1025

D'autre part, l'expansion de l'industrie nucléaire est actuellement considérée. Étant donné qu'aucun réacteur n'a été commandé en Amérique du Nord depuis 1978, cela paraît stupide. Et il paraît tout aussi stupide d'envisager de subventionner une vente à la Chine, par exemple, ou de construire un nouveau réacteur à Chalk River, sans examiner le contexte et voir si c'est vraiment nécessaire.

Pourquoi ne pas confier une nouvelle mission à l'industrie nucléaire afin qu'elle concentre ses efforts sur les problèmes, le nettoyage, et qu'elle développe une technologie de décontamination et de déclassement pour prouver qu'elle sait comment déclasser un réacteur éteint tel que Gentilly-1 au Québec ou le réacteur de Douglas Point en Ontario? Ce serait une façon beaucoup plus utile d'utiliser ses compétences.

De plus, les techniques de déclassement et de démantèlement sont tout à fait commercialisables. Pour Énergie atomique du Canada Limitée, ce serait beaucoup plus profitable que d'essayer d'étendre une industrie qui ne dispose pas vraiment de marchés valables. S'il y a un marché mondial pour la décontamination, il n'y en a pas pour les installations nouvelles.

L'industrie nucléaire fonctionne dans le secret, sans faire l'objet de débats au Parlement, sans rendre vraiment compte de ses activités, depuis pratiquement 40 ans. En tant que Canadien, j'estime qu'il est grand temps de la responsabiliser.

Une dernière remarque. En Corée du Sud, des personnes occupant des postes très importants ont été emprisonnées pour corruption. L'une d'entre elles était un agent d'EACL. Il n'y a pas eu la moindre enquête au Canada pour déterminer s'il y avait eu impropriété dans l'utilisation de l'argent des contribuables par EACL.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci beaucoup, monsieur Edwards.

Nous allons maintenant entendre Pierre Akkelian, de l'Association canadienne des bijoutiers.

[Français]

M. Pierre Akkelian (vice-président, Canadian Jewellers Association): Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Je suis vice-président de l'Association canadienne des bijoutiers. Mais je présenterai également les vues de la Corporation des bijoutiers du Québec.

Je suis propriétaire d'une entreprise de Montréal appelée Gemme canadienne. Nous achetons la moitié des perles importées au Canada, mais ce qui est particulièrement important, c'est que nous exportons des bijoux canadiens faits main dans le monde entier, surtout au Japon.

L'Association canadienne des bijoutiers a été fondée en 1923. C'est une association corporative nationale qui regroupe des entreprises tenant à tous les domaines de l'industrie de la joaillerie et de la bijouterie. À quelques exceptions près, toutes les entreprises importantes qui fabriquent, distribuent ou vendent des bijoux sont membres de notre association.

L'industrie de la joaillerie et de la bijouterie au Canada comprend les bijoux précieux, la bimbeloterie de luxe, les montres et l'argenterie, et assure plus de 55 000 emplois à temps plein. Il y a environ 6 000 sociétés, dont la grande majorité appartiennent à des particuliers et emploient moins de dix personnes.

L'industrie a la fâcheuse réputation d'avoir un marché noir qui représenterait de 30 à 50 p. 100 du total des ventes. Le centre de cette activité est Montréal. La valeur totale de ces bijoux au détail est de plus d'un milliard de dollars.

Vous m'aviez aussi demandé comment on peut utiliser des mesures budgétaires pour créer un climat favorable à la création d'emplois et à la croissance. Avant de pouvoir discuter de création d'emplois et d'un environnement commercial sain, il faut éliminer les injustices créées par un régime d'imposition trop lourd.

Notre industrie en est un bon exemple. Depuis 1918, les bijoutiers et joailliers du Canada doivent acquitter un droit dissimulé d'accise sur le luxe. La plupart des politiciens et des consommateurs ne le savent même pas. Tous les produits analogues soumis à ce droit en ont été peu à peu dispensés au fil des années, à la notable exception des bijoux qui demeurent le seul produit au Canada assujetti à cette taxe sur le luxe.

Contrairement au droit d'accise prélevé sur les cigarettes, et qui aide à défrayer les coûts des soins de santé assumés par la société, et au droit d'accise sur l'essence, utilisé pour couvrir partiellement les dépenses de construction de routes et de lutte contre la pollution, le droit d'accise sur les bijoux est un pur droit sur le luxe auxquels seuls les fabricants de bijoux sont soumis. Selon la définition de 1918, date d'entrée en vigueur de la loi, tout article de plus de 3$ est considéré comme un article de luxe. Chose curieuse, la définition demeure la même. Donc si les autres industries se plaignent, je vous en prie, ayez pitié de nous.

.1030

Y a-t-il ici quelqu'un qui pourrait m'expliquer comment le gouvernement du Canada peut justifier une taxe de luxe de 10 p. 100 sur une boucle d'oreille finie or de 10$ ou une alliance en or de 100$ alors qu'une robe de mariée de 5 000$, un manteau de fourrure de 25 000$ ou une Mercedes Benz de 150 000$ en sont dispensés?

Les gens considèrent en général que les bijoux sont des articles de luxe réservés aux riches, mais c'est totalement faux. Le montant moyen d'une vente dans une bijouterie est inférieur à 100$. La plupart des clients ou des personnes à qui ces bijoux sont offerts sont des femmes. Distribution aux consommateurs est le premier vendeur de bijoux au Canada. C'est difficile à croire, mais Wal-Mart est le premier vendeur de bijoux en Amérique du Nord.

L'industrie de la bijouterie et de la joaillerie était en faveur de la refonte de la taxe sur les ventes des fabricants et de l'élimination de cette taxe de luxe archaïque. À l'époque, nous avions dit au gouvernement, et nous pouvons le confirmer aujourd'hui, que la mise en vigueur de la TPS a permis au gouvernement du Canada de faire des recettes beaucoup plus élevées que ne le permettaient l'ancienne taxe sur les ventes des fabricants et le droit d'accise combinés.

L'ancienne taxe a donc été refondue mais le droit d'accise est demeuré. Pourtant, les recettes de l'État ont été de 25 p. 100 supérieures au total des deux taxes.

En conservant ce droit d'accise, l'État recueille environ 50 millions de dollars au titre de la taxe de luxe imposée à notre industrie. Qu'est-il dont arrivé à la justice fiscale et à la neutralité de traitement des recettes? Notre industrie n'en bénéficie en tout cas pas du tout.

Certains membres du comité sont parfaitement au courant de cette taxation excessive des bijoux. Permettez-moi de vous rappeler quelques-uns des faits que nous vous avons présentés l'an dernier.

Le droit d'accise sur les bijoux a été adopté en 1918. La dernière modification date de 1964. Comme l'ancienne taxe de vente fédérale, ce droit est mal structuré car il crée des distorsions sur le plan de la concurrence dans notre industrie et il est une des principales raisons de l'existence d'une vaste économie parallèle.

L'énorme quantité d'argent liquide en circulation contribue fortement à l'évitement des taxes de vente, des impôts sur les sociétés et des impôts sur le revenu des particuliers, parce que les salaires, notamment, sont aujourd'hui souvent payés en argent liquide. À la longue, les primes pourraient l'être aussi et ne seraient donc pas imposées. Cette situation contribue d'ailleurs aussi à des abus dans l'utilisation de l'assurance-chômage.

Le droit d'accise imposé à l'échelon de la fabrication est écrasant. En général, il représente un pourcentage supérieur à celui du coût total de la main-d'oeuvre.

Je serai très bref. Je laisserai de côté trois autres points.

La suppression de la taxe contribuera beaucoup...

La présidente suppléante (Mme Brushett): Monsieur Akkelian, avez-vous des remarques précises à faire en réponse à nos questions?

M. Akkelian: J'en ai deux autres.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Mais sont-elles directement liées aux questions relatives aux activités préalables au budget?

M. Akkelian: Oui, cela en fait partie. Lorsque nous avons rencontré le ministre, nous lui avons dit de supprimer cette taxe. Les bureaucrates nous ont cependant dit très clairement qu'elle serait maintenue. C'est une question de perception.

La présidente suppléante (Mme Brushett): D'accord, nous entendrons donc vos observations finales. Veuillez continuer.

M. Akkelian: Les bureaucrates fédéraux nous posent un problème.

L'élimination de la taxe d'accise contribuera beaucoup au développement de l'industrie canadienne de la fabrication de bijoux. Un marché intérieur des bijoux mieux organisé créera le climat propice à une productivité et à une efficacité accrues ainsi qu'à la création d'emplois, grâce à des améliorations des conditions de financement - personne ne peut obtenir d'argent des banques si la moitié des affaires se règle en liquide - pour la modernisation, pour l'informatisation des entreprises, et pour améliorer les compétences et la formation du personnel.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Peut-être pourriez-vous réserver vos remarques finales pour le débat. Nous allons l'entamer dans quelques instants.

M. Akkelian: Il y a juste une phrase...

La présidente suppléante (Mme Brushett): D'accord, mais faites vite.

M. Akkelian: L'an dernier, nous vous avons exposé les mêmes faits à l'époque du processus de consultation sur la réforme de la taxe sur les biens et services. Le comité a réagi de façon lamentable à nos remarques, C'est le moins qu'on puisse dire. Si pressantes qu'elles aient été, nos demandes ont juste eu droit à une brève remarque dans votre rapport global. Nous n'avons même pas été mentionnés dans l'opinion dissidente du Bloc.

.1035

[Français]

Je m'excuse, mais on ne nous avait même pas mentionnés.

[Traduction]

Combien de mesures budgétaires faut-il que vous preniez pour créer un climat favorable à la création d'emplois dans l'industrie de la bijouterie et de la joaillerie? La réponse est fort simple: il suffit d'éliminer le droit d'accise sur le luxe, qui est discriminatoire.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci beaucoup. Nous allons maintenant donner la parole à Geoffrey Johnston, de la Coalition oecuménique pour la justice économique.

Monsieur Johnston.

[Français]

M. Geoffrey Johnston (Membre du Conseil, Coalition oecuménique pour la justice économique): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Geoffrey Johnston. Je suis pasteur protestant à Montréal et professeur d'études pastorales au Collège presbytérien. Je suis membre de la Coalition oecuménique pour la justice économique depuis une vingtaine d'années. Même si je suis entièrement responsable de mes remarques d'aujourd'hui, mon propos représente les grandes lignes de la pensée de la coalition.

Il s'agit d'une coalition des Églises principales du Canada: l'Église presbytérienne, l'Église luthérienne et l'Église unie, ainsi que les Églises catholique romaine et anglicane.

[Traduction]

Il serait préférable que je parle en anglais - ce serait plus facile pour moi et certainement aussi pour vous.

J'ai des difficultés à m'associer au débat qui se déroule ici. J'ai un peu l'impression d'être une brebis égarée au milieu des loups, car nous avons une conception des mesures financières qui est tout à fait différente de celle du gouvernement actuel et de celui qui l'a précédé.

Je dirais cependant - je crois pouvoir le faire dans le contexte de ce débat - que le budget n'est qu'un des éléments d'un ensemble plus large de politiques économiques qui dépasse le cadre de ce budget et de tous ceux qui l'ont précédé. Il faut considérer le budget dans le contexte du capitalisme déchaîné de ces 20 dernières années qui, à notre avis, ne nous conduira jamais au type de société juste et équitable que nous souhaitons tous. C'est pour cela que je dis que nous sommes fondamentalement en désaccord avec les orientations du gouvernement actuel et de celui qui l'a précédé.

Venons-en à la question de la dette, qui est celle qui préoccupe tout le monde. Des études ont montré que son existence n'était pas due aux dépenses de programmes mais à la dynamique de la dette elle-même. Les raisons pour lesquelles la dette publique continue à augmenter dans le secteur fédéral depuis 15 ans tiennent à un régime d'imposition inéquitable et à l'existence de taux d'intérêt très élevés.

Nous estimons donc que la meilleure façon de réduire la dette est de s'attaquer aux causes directes de son existence - c'est-à-dire le régime d'imposition inéquitable et les taux d'intérêt réels extrêmement élevés.

Naturellement, pas plus ce gouvernement qu'aucun autre n'a le pouvoir de régler totalement ces questions. C'est en partie la stupidité des gouvernements antérieurs qui est responsable de l'impuissance des gouvernements actuels.

On pourrait cependant faire certaines choses. Des propositions ont été présentées avec lesquelles nous sommes plutôt d'accord. La première est le rapatriement de la dette publique dont 25 p. 100 sont détenus par des créanciers étrangers. Il y a des moyens de le faire en chargeant la Banque du Canada, par exemple, de prendre la dette en main grâce à une plus large utilisation des obligations d'épargne du Canada.

Un tel changement de politique nous libérerait de l'emprise des «flibustiers cybernétiques», ces artistes de l'utilisation des capitaux fébriles qui font circuler ceux-ci dans le monde à la vitesse de la lumière.

Une seconde possibilité de même nature consisterait à encourager activement l'adoption d'une mesure du genre de la taxe Tobin, qui encouragerait des investissements plus stables et plus constructifs. On a dit que le Mexique était la première victime du nouvel ordre économique international. Un capitalisme effréné a créé une classe de rentiers et on a pu récemment en voir les résultats au Mexique.

La première fois que le Mexique a été en difficulté, on a dépensé 6,5 milliards de dollars pour le renflouer. La seconde fois, cela a coûté 50 milliards de dollars. Je tremble à l'idée de ce qui se produira la troisième fois et je crains que nous ne soyons pas nous-mêmes tellement éloignés de la situation qui règne au Mexique.

Je vous remercie de votre attention.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci, monsieur Johnston, d'avoir bien voulu être bref.

La dernière personne à comparaître ce matin, d'ailleurs pas tout à fait dans l'ordre prévu, est Mme Judith Berlyn, de l'Alliance canadienne pour la paix.

Mme Judith Berlyn (coprésidente et coordinatrice, section du Québec, Alliance canadienne pour la paix): Merci beaucoup, madame la présidente; pardonnez-moi mon retard. Je suis heureuse d'être ici; ce que vous faites me paraît fort intéressant. Nous avons appris il y a deux jours seulement l'existence de ce processus de consultation qui en est à sa seconde année, je crois. Je suis personnellement très favorable à tous les processus de consultation.

Si vous me le permettez, je voudrais faire une brève remarque au sujet de l'équilibre des sexes dans cette salle. Il y a environ 10 p. 100 de femmes et 90 p. 100 d'hommes, ce qui ne me paraît pas une proportion acceptable au Canada, en cette dernière décennie du siècle.

.1040

J'ai au moins la satisfaction de voir que la présidence est occupée par une personne du même sexe que moi, mais la société canadienne, comme toutes les sociétés humaines, comprend 52 p. 100 de femmes. Je crois donc qu'il y a des progrès à faire. Je sais que le gouvernement fait des efforts en ce sens mais les autres organisations devraient trouver des femmes pour les représenter.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Je précise que nous voulons que les consultations préalables au budget soient un processus annuel. L'an prochain, nous essayerons de faire appel à un plus grand nombre de femmes.

Mme Berlyn: L'Alliance canadienne pour la paix partage certaines des préoccupations qui ont été exprimées autour de la table. Nous voyons cependant les choses sous un jour un peu différent. Une des réalités économiques au Canada aujourd'hui est que nos dépenses militaires demeurent presque aussi élevées que ce qu'elles étaient pendant la guerre froide - entre 11 et 12 milliards de dollars par an. Project Ploughshares, un groupe de recherche basé à Waterloo, et d'autres groupes du même genre ont calculé qu'environ la moitié de ce montant continue à être utilisé pour des mesures et du matériel qui faisaient partie des programmes et des politiques du gouvernement du temps de la guerre froide. Si nous éliminons la partie qui ne semble plus convenir à la situation mondiale, nous pourrions probablement économiser 6 milliards de dollars par an. Bien entendu, cela ne pourrait pas se faire du jour au lendemain, mais nous pensons que c'est dans cette voie que nous devrions nous engager.

Les subventions aux industries militaires devraient être totalement éliminées et une partie de l'argent pourrait être utilisée pour convertir ces industries et les bases militaires à une production et à des usages civils. Il y a des études économiques là-dessus, et l'information est disponible. Nous savons que l'industrie militaire crée très peu d'emplois dans l'ensemble, parce que c'est un secteur de haute technologie plutôt qu'à prédominance de main-d'oeuvre. Il y a des années que le U.S. Bureau of Labour Statistics et d'autres groupes font des études qui montrent que les mêmes sommes d'argent investies dans pratiquement n'importe quel autre secteur de l'économie créent beaucoup plus d'emplois. Nous voudrions donc que le gouvernement le réduise sérieusement...

Nous trouvons aussi préoccupant que le Canada participe au commerce international des armes, avec un fort soutien du gouvernement. C'est un secteur des exportations que nous n'approuvons pas car beaucoup de ces armes sont utilisées dans des situations telles que la guerre entre l'Iran et l'Iraq, qui a duré huit ans. Au cours de ce conflit, les pays industrialisés ont fourni des armes aux deux belligérants. Ce type d'exportation crée donc un problème éthique ainsi qu'économique. Cela nous coûte des milliards de dollars de participer à ce commerce.

En mai dernier, The Globe and Mail a fait état de la longue liste d'approvisionnements deM. Collenette. C'est effectivement une liste impressionnante, et il n'y a pas eu de véritables coupures car, dans la pratique, on établit d'abord une liste et on se contente ensuite de rayer quelques rubriques. Ce ne sont des coupures que de nom. Le niveau des dépenses a très peu diminué et nous voudrions donc qu'on examine la question beaucoup plus sérieusement.

Notre message est donc le suivant: il faut réduire les dépenses militaires dans les budgets canadiens.

La présidente suppléante (Mme Brushett): Merci d'avoir été si brève.

Nous arrivons au moment du dialogue entre les intervenants, ce qui permet d'établir des liens entre les idées présentées et d'élaborer des propositions. La plupart des personnes assises autour de cette table conviennent que 20 années de dépenses ont parfois été contre-productives et que l'on pourrait peut-être discuter des leçons qui en ont été tirées et en partager les fruits afin de chercher des solutions concrètes; nous pourrons ensuite chercher des moyens concrets de réduire notre déficit cette année et déterminer le temps que cela demandera.

Je vais maintenant céder ma place au vice-président, M. Barry Campbell. Je vous remercie de votre patience, ce matin. Je pourrai, à mon tour, poser des questions.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Bonjour. Je m'appelle Barry Campbell et je suis vice-président du Comité des finances. Je regrette d'être en retard ce matin, mais l'hiver est arrivé même à Montréal. Je vous souhaite la bienvenue au comité.

.1045

Ce format de table ronde vous permet de faire des commentaires sur le budget, mais aussi d'entendre les commentaires des autres groupes d'intérêt. Comme vous le voyez, il y a parmi nous des personnes ayant diverses opinions sur le budget et diverses réponses aux questions qui ont été posées. C'est donc le moment de faire des commentaires sur les présentations des autres. Quelqu'un veut-il répondre? Monsieur Akkelian.

M. Akkelian: J'ai une question. Depuis que je suis dans les affaires, il y a une limite de 200 000$ pour les petites entreprises en ce qui concerne les taxes. Je me demande s'il ne serait pas utile que l'on augmente cette limite. C'est comme la taxe que l'on paye sur les bijoux: en 1918, la limite était de 3$ pour la taxe de luxe et elle est toujours de 3$. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il faudrait augmenter cette limite de 200 000$? Est-ce que quelqu'un veut répondre?

[Traduction]

Y a-t-il quelqu'un qui est partisan de relever la limite de 200 000$ fixée pour les petites entreprises? On a l'impression que dès que ce montant est atteint, beaucoup de petites entreprises dissimulent leurs profits. C'est une opinion personnelle.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Y-a-t-il quelqu'un qui veut répondre? Est-ce que quelqu'un veut faire des commentaires sur les présentations de ce matin? Monsieur Langlois.

M. Langlois: Monsieur le président, je voudrais répondre à M. Akkelian en disant qu'au Québec, la croissance de l'emploi et de l'activité économique est particulièrement sensible à la création d'un environnement fiscal favorable aux petites et moyennes entreprises. Il y a des statistiques qui montrent qu'au cours des dernières années, les plus grandes responsables de la création d'emplois, en particulier au Québec, sont les petites et moyennes entreprises et qu'elles occupent une part croissante de l'économie au Québec. Cet élément serait donc à prendre en considération dans la mesure où la modification de ce plafond créerait une incitation fiscale dans un environnement fiscal plus intéressant pour ces entreprises. De même, cela pourrait accroître les revenus fiscaux du gouvernement, dans la mesure où cela limiterait l'économie souterraine.

M. Michel Audet (président, Chambre de commerce du Québec): Récemment, j'ai eu l'occasion de soumettre au gouvernement du Québec, avec notre Comité de la fiscalité, des propositions visant à simplifier la TPS et la TVQ, notamment pour les PME. À mon avis, il faut non seulement considérer le niveau des profits, mais également la complexité des taxes pour les PME. Il est certainement possible de trouver un moyen de simplifier la paperasse, notamment pour les petites et moyennes entreprises, et c'est notre préoccupation. Lorsque vous avez seulement quelques employés, vous ne pouvez pas vous permettre d'avoir un employé qui consacre une bonne partie de son temps à travailler seulement pour le gouvernement. Alors, nous avons proposé qu'à l'occasion du rapport annuel, par exemple, un travailleur autonome ou quelqu'un qui a peu d'employés remplisse en même temps, une fois par an, les formulaires pour payer la TPS et la TVQ. Donc, les contractuels pourraient collecter la TPS et la TVQ en une seule fois pour le gouvernement du Québec. Cela serait facile à faire, et c'est la proposition que nous avons faite.

Le vice-président (M. Campbell): Est-ce quelqu'un d'autre voudrait prendre la parole?

[Traduction]

M. Bismuth: Je voudrais faire deux ou trois observations. Dans le cadre des efforts déployés pour équilibrer le budget et modifier les programmes soutenus par le gouvernement, des changements ont eu lieu en ce qui concerne l'agence spatiale et le financement des activités spatiales. Or, il est indiscutable que dans le domaine de la technologie de l'espace, le Canada a un avantage sur les pays de sa taille, et cela a considérablement amélioré la situation sur le plan de l'emploi. Le revenu moyen dans ce secteur est extrêmement élevé car il s'agit d'emplois de pointe.

.1050

Nous amorçons aujourd'hui une époque où le gouvernement cherche des associés dans l'industrie afin de poursuivre le développement du radar, par exemple... En tant qu'observateur de l'industrie, je m'en réjouis. Je crois que cela contribuera à mieux contrôler les coûts du projet et se prêtera bien à une exploitation commerciale ultérieure, au lieu qu'on s'en tienne à un usage unique ou à des ventes individuelles.

L'appel au secteur privé comme coassocié permettra, à bien des égards, d'effectuer un examen objectif et rigoureux de nos activités. Je crains cependant que, si nous essayons de nous associer avec des pays d'outre-mer pour poursuivre cette activité, nous risquons de perdre beaucoup d'emplois car chaque pays essaiera de faire exactement la même chose que nous - il voudra récupérer certains des emplois.

Prenons la biotechnologie comme exemple du secteur de la haute technologie: la semaine prochaine nous aurons le plaisir d'avoir un colloque parrainé par le CNR qui réunira 400 ou 500 personnes, non seulement des industriels, des chercheurs et des représentants du gouvernement, mais aussi des investisseurs qui viendront voir ce que nous avons d'intéressant à leur offrir.

De nos jours, le développement d'un nouveau produit pharmaceutique demande 12 années et coûte plus de 300 millions de dollars. Quelles que soient les règles fixées par nous, je crois que ce qui importe, ce n'est pas d'en changer tous les six mois ou tous les ans. Il est impossible de prendre des décisions lorsque les règles du jeu sont constamment modifiées.

[Français]

Le vice-président (M. Campbell): Si vous n'avez pas d'autres commentaires avant la période de questions des députés, je cède la parole à M. Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Monsieur le président, je vois que vous avez fait l'expérience de nos hivers québécois.

Je trouve notre discussion de ce matin fort intéressante et je voudrais, ce qui ne m'arrive pas souvent, féliciter tout d'abord le Conseil du patronat du Québec pour avoir exprimé, ces dernières années, sa volonté d'abolir sans condition toute subvention versée aux entreprises. On a parcouru le Canada l'année dernière et cette année, et je peux vous dire que c'est la seule organisation qui ait fermement demandé qu'on supprime immédiatement les subventions de 3 milliards de dollars qui sont versées directement aux entreprises canadiennes.

Je voudrais aussi féliciter la Chambre de commerce du Québec qui a indiqué clairement qu'elle encouragerait un examen sérieux des abris fiscaux, notamment en fonction des contributions des entreprises à l'investissement privé et à l'emploi.

Par rapport à l'année dernière, vous exprimez une pensée plus claire que jamais quant à la nécessité de revoir l'ensemble de la fiscalité canadienne et des échappatoires fiscales, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises, et je vous en félicite.

Par contre, je félicite moins l'Association des comptables agréés du Canada. J'écoutais avec attention M. Précourt faire son discours tout à l'heure et j'ai pris quelques notes. Il disait, par exemple, que nous devions concentrer nos efforts sur la réduction des dépenses.

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Il disait aussi que chaque dollar comptait dans l'exercice d'assainissement des finances publiques et qu'il fallait avoir le sens de la justice. En conclusion, il disait qu'il fallait réformer en profondeur la politique sociale et qu'il n'y avait rien d'autre à faire.

Je suis un peu déçu, sans être étonné, de voir que l'Association des comptables agréés n'encourage pas une révision de la fiscalité des entreprises. J'aurais aimé connaître son opinion sur le sujet. Est-ce que la seule conclusion de votre présentation était qu'il fallait s'en tenir à l'examen des programmes sociaux, à sabrer dans les programmes sociaux pour assainir les finances publiques, ou si, comme les deux associations précédentes, vous seriez prêts à ce qu'on révise la fiscalité des entreprises afin de favoriser l'avènement d'une plus grande justice et de permettre à chaque Québécois ou Canadien, qu'il soit dans la catégorie des particuliers ou des entreprises, d'assumer sa juste part de l'assainissement des finances publiques?

Mme Joanne Leduc-Dallaire (membre du Comité de la politique fiscale, Certified General Accountants' Association of Canada): Je vais parler au nom de M. Précourt qui a dû nous quitter. Vous retenez de nos conclusions celle qui concerne la réforme des programmes sociaux. Pourtant, dans sa présentation, M. Précourt a parlé de réduire les subventions qui n'étaient pas rentables; non pas nécessairement de les abolir toutes, mais d'y faire le ménage. Le mémoire que nous avons soumis contient des éléments relatifs à l'effort que les entreprises devraient fournir. Ce ne sont donc pas seulement les mesures sociales qui sont visées dans la présentation de CGA-Canada.

M. Loubier: Lorsque je parle de révision de la qualité, je ne parle pas de colmatage de brèches comme on l'a fait au cours des 15 dernières années, mais d'une véritable révision, comme celle qu'on a enclenchée aux États-Unis il y a cinq ans. Cette révision permet, d'une part, de simplifier la fiscalité des entreprises, ce qui est heureux,...

Mme Leduc-Dallaire: Et qui serait très apprécié.

M. Loubier: ...et de simplifier les barèmes, et d'autre part, de faire en sorte que la fiscalité des entreprises ait plus de transparence, afin que la population en général - les particuliers sont entre autres très sensibles à la question - ait l'impression qu'elle n'est pas seule à se serrer la ceinture et à contribuer à l'assainissement des finances publiques. Il faudrait que la fiscalité des entreprises soit tellement transparente que les particuliers aient l'impression que les entreprises font elles aussi leur effort. Je parle d'une vraie réforme, d'une révision des lois fiscales au Canada qui empêcherait les échappatoires. Même le CA Magazine, cet été, favorisait ces échappatoires dans un article signé par deux experts. Je dois vous dire que ce n'est pas à l'honneur des comptables.

Mme Leduc-Dallaire: Ce n'est pas notre association.

M. Loubier: Non, je le sais. Mais comme vous faites partie des spécialistes dans le domaine, je vous pose la question. Seriez-vous prêts à recommander au Comité des finances qui, à son tour, le ferait auprès du ministre des Finances, que dans l'objectif d'assainissement des finances publiques, la part consacrée à la révision totale de la fiscalité des entreprises et même des particuliers, à la limite, soit faite large afin que le sentiment d'injustice fiscale soit atténué au Québec comme au Canada?

Mme Leduc-Dallaire: Oui. Je pense que CGA-Canada appuierait une telle réforme, mais en autant... Il faut être bien conscient qu'il devrait en résulter une simplification et non pas une plus grande complication. C'est déjà incroyablement compliqué. La transparence, avec la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle est actuellement, est pratiquement impossible à réaliser.

M. Loubier: Une dernière question sur le sujet et j'en aurai une autre, et une bonne, à poser ensuite. Seriez-vous prêts, si vous êtes d'accord sur la révision des lois fiscales au Québec comme au Canada, à ce que, dès le point de départ, on modifie la loi sur la fiscalité pour que les entreprises soient assujetties aux mêmes conditions que les particuliers en ce qui a trait aux revenus réalisés à l'extérieur du Canada, c'est-à-dire qu'elles aient l'obligation de déclarer leurs revenus réalisés à l'extérieur du Canada, comme les particuliers sont obligés de le faire? À l'heure actuelle, la loi fiscale accorde aux entreprises canadiennes un privilège assez discutable, soit celui de ne pas déclarer les revenus réalisés dans des pays comme la Barbade, ceux des Caraïbes, etc.

Mme Leduc-Dallaire: Ceci, lorsqu'il s'agit de filiales, parce qu'une entreprise ou une société qui, comme telle, a des revenus à l'extérieur du Canada se doit de les déclarer. Ce que vous voudriez, par exemple, c'est que les revenus des filiales ou autres soient inclus. Il faudrait voir. Je ne crois pas que l'association voie d'objections à cela mais, pratiquement, est-ce que c'est faisable? Ce pourrait être très lourd. L'association souhaite qu'il y ait simplification. C'est peut-être incompatible.

.1100

M. Loubier: J'adresse cette question à votre association en pensant à l'article qui a été publié cet été dans le CA Magazine. On y disait que la loi permettait la constitution de sociétés de fiducie à l'extérieur du Canada, dans des entreprises canadiennes, sans déclaration de revenus, ce qui évitait à ces dernières de payer des impôts au fédéral.

Il me semble que ce serait déjà une amélioration qui permettrait de démontrer à l'ensemble des particuliers qu'il existe peut-être une justice fiscale au Canada dans ce qu'on exige des particuliers et ce qu'on exige des entreprises.

Mme Leduc-Dallaire: Il faut être conscient aussi que ce serait correct si les transactions qui se font à l'extérieur étaient toutes rapportées. Il faut faire attention et être bien conscient que certaines transactions qui sont faites ne sont pas déclarées, non pas parce que la loi ne l'exige pas, mais parce qu'on n'a pas l'intention de le faire. Il y a des nuances à ce niveau-là.

Le vice-président (M. Campbell): Étant donné qu'il est déjà 11 h... Vous avez une autre question, monsieur Loubier?

M. Loubier: J'aurais une petite question pour M. Garon, du Conseil du patronat du Québec.

Le vice-président (M. Campbell): Je croyais que c'était une grande question.

M. Loubier: Au sujet de la non-déductibilité des taxes sur les masses salariales dont M. Dufour a fait mention plus tôt, j'aimerais, au profit des personnes qui sont assises autour de cette table et de toute la population aussi puisque nous sommes télévisés, que vous expliquiez d'abord le concept de la non-déductibilité, deuxièmement les conséquences qu'il y aurait à ne pas reconduire cette déductibilité et, troisièmement, l'impact qu'aurait ce changement sur les entreprises québécoises en comparaison des autres entreprises canadiennes.

M. Jacques Garon (directeur de la recherche socioéconomique, Conseil du patronat du Québec): Comme on l'a mentionné plus tôt, depuis le budget de M. Wilson de 1991, le fédéral permet cette déduction. Au départ, c'était dans trois provinces: au Québec, en Ontario et au Manitoba. Je pense que cela a été élargi depuis à d'autres provinces.

Il s'agit de la déductibilité, au fédéral, des taxes sur le capital payées au provincial et de certaines taxes sur la masse salariale. Il s'agit non pas de l'ensemble des taxes sur la masse salariale mais, particulièrement en ce qui nous concerne au Québec, des taxes que les entreprises versent au fonds des services de santé. C'est évidemment la taxe la plus importante, car on l'a ramenée dans le dernier budget du gouvernement du Québec à 4,26 p. 100, ce qui va rapporter plus de trois milliards de dollars au fisc québécois.

Les entreprises bénéficient donc de cet avantage fiscal qui leur permet de déduire dans leur déclaration au fédéral ces deux genres de taxes qu'elles paient au Québec. Le problème est que, d'année en année, on a fait valoir - à juste titre, je pense - qu'il était absolument nécessaire de continuer même si M. Martin avait dit qu'à un certain moment, étant donné qu'au fédéral aussi il y avait des problèmes de déficit, ce que l'on reconnaissait, il faudrait plafonner les taxes au niveau où elles étaient l'année dernière, soit à 3,75 p. 100 pour les taxes sur la masse salariale et à 0,56 p. 100, je pense, pour les taxes sur le capital. On va donc continuer à permettre ces déductions au fédéral, mais ce sera sujet à révision pratiquement à tous les ans, disait-il.

Cela fait cinq ans que l'on se bat pour que soit éliminée cette épée de Damoclès suspendue au-dessus des entreprises québécoises et, bien sûr, c'est la même chose dans les autres provinces. Au Québec, si on l'éliminait, cela coûterait entre 150 et 200 millions de dollars par an aux entreprises. Ce serait une taxe tout de même très lourde à supporter indirectement, au moment où la croissance économique s'avère plutôt faible et où on a besoin de tous les moyens pour tenter de relancer les investissements.

Ce que nous avons demandé maintes fois et qui nous a été accordé, tant par le précédent gouvernement que par ce gouvernement, par M. Martin en particulier, c'était d'éliminer cette épée de Damoclès et donc d'enlever la possibilité que cette chose puisse nous arriver le 1er janvier prochain.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Loubier. Je dois faire un tour de table.

[Traduction]

Je vais maintenant donner la parole à M. Solberg.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue à tous les participants à notre table ronde.

.1105

Je voudrais revenir un peu sur les remarques faites par M. Lacroix au sujet de la perception de la situation. Je crois qu'il a tout à fait raison de dire qu'il faut changer l'impression que la gabegie règne dans la fonction publique. Il faut que les politiciens eux-mêmes donnent l'exemple en faisant leur possible pour réduire les petits avantages dont ils jouissent. Indiscutablement, il faut que nous éliminions une partie du gaspillage qui se fait dans la fonction publique, car il y en a encore beaucoup. Comme beaucoup d'intervenants l'ont dit aujourd'hui, les cas de chevauchement et de double emploi abondent.

Il est également important que les entreprises fassent leur part en se déclarant prêtes à renoncer à leurs subventions, car je crois exprimer l'opinion de l'ensemble du comité en disant que partout où nous sommes passés de nombreuses personnes qui étaient opposées à la réduction des programmes sociaux, par exemple, font observer l'existence des subventions aux entreprises et l'injustice apparente des échappatoires fiscales dont profitent ces entreprises.

Je tenais à faire cette remarque pour commencer. Il serait très utile qu'on rende le système plus transparent. J'apprécie le fait que les grosses sociétés paient en général leur juste part. En 1993, elles ont payé environ 500 milliards de dollars d'impôts, si vous incluez l'impôt foncier et les autres taxes du même genre. Il est très important que le secteur privé soit unanime à accepter la suppression des subventions aux entreprises, car elles sont très critiquées et il est très difficile de faire des compressions dans d'autres domaines.

Cela m'amène à ma question. On a parlé de la nécessité d'une réforme des programmes sociaux. C'est certainement une part importante du budget, environ 70 p. 100 du budget de fonctionnement. Mais comment procéder? Je crois que je commencerais par l'assurance-chômage, que l'on ne peut certainement pas considérer comme une forme d'assurance alors qu'il y a des gens qui ont l'intention de s'en servir chaque année.

J'aimerais que les intervenants nous disent s'ils ont une idée de la manière dont on pourrait maintenir un programme destiné aux personnes qui en ont vraiment besoin, tout en le réformant pour qu'il ne devienne pas une sorte de rente annuelle, de soutien du revenu, plutôt qu'une forme d'assurance.

Le vice-président (M. Campbell): Qui veut répondre à cette question?

M. Bismuth: Je pense surtout qu'il faut faire comprendre au grand public ce qu'est une subvention et ce qui ne l'est pas.

Le secteur de l'aérospatiale et de la défense nous en offre un très bon exemple: le PPIMD qui, comme vous le savez, fait l'objet de vives attaques et pour lequel le budget fédéral de février de l'an dernier fixe d'importantes compressions étalées sur les trois prochaines années. En fait, ce programme place presque le gouvernement fédéral dans le rôle de fournisseur de «capital-risques à long terme» pour les projets de R et D axés sur la commercialisation et assujettis au versement de redevances au gouvernement canadien.

Nous avons des modèles de ce genre au Québec. C'est ainsi qu'il y a deux ans, notre province a créé un certain nombre de fonds de capital-risques regroupés sous le nom d'Innovatech. Il y en a maintenant trois: à Montréal, à Québec et à Sherbrooke. Cela a permis de trouver des co-investisseurs si bien que, pour chaque dollar investi dans des projets technologiques, 3$ ont été fournis par divers associés qui considèrent que puisque Innovatech est de la partie autant qu'ils le soient aussi.

Je crois qu'une certaine confusion existe à ce sujet. La plupart des gens pensent que le PPIMD ou un programme comme Innovatech représente en fait une forme de subvention, ce qui, à mon avis, n'est pas le cas. En fait, je crois que ces programmes permettent au gouvernement d'exiger des redevances et, à long terme, de récupérer une partie de l'argent investi.

C'est pourquoi les crédits d'impôt sont si importants. Lorsqu'ils sont bien administrés, bien programmés et que leur application n'est pas trop complexe, ils se prêtent à des groupements d'entreprises car il ne faut pas oublier qu'avant de récupérer 38, 39 ou 40¢ grâce aux crédits d'impôt, il faut bien commencer par dépenser un dollar.

À mon avis, la meilleure façon d'agir est de laisser le soin au marché de décider si un projet est utile ou non. En effet, en fin de compte, malgré le crédit d'impôt, vous risquez quand même 52¢ sur chaque dollar.

M. Solberg: J'aimerais savoir si vous avez des remarques à faire sur la réforme des programmes sociaux. C'est une question d'actualité et cela m'intéresserait beaucoup de savoir si vous avez des idées sur les modalités possibles de cette réforme.

.1110

M. Johnston: Monsieur le président, cela me paraît un peu une hérésie sur le plan financier. Je suis tout à fait d'accord avec M. Solberg lorsqu'il dit que l'assurance-chômage n'était pas destinée à être une forme de soutien du revenu, mais un moyen de vous permettre de subsister entre deux emplois.

Je me fais surtout du souci sont les personnes comme mon épouse, qui est malheureusement une employée saisonnière. Elle enseigne sous contrat, et quand il n'y a pas de travail, il n'y en a pas, un point c'est tout. Lorsqu'il n'y a pas d'élèves, il n'y a pas d'enseignement. Lorsqu'il n'y a pas de poissons, il n'y en a pas, et c'est tout. De toute façon vous ne pouvez pas pêcher en hiver.

Manifestement, pour lutter contre les abus auxquels M. Solberg fait allusion - et je dois avouer que je sais seulement comment le faire en théorie - , il faut créer des emplois de substitution. Il y a des années, alors que je longeais la côte de la Gaspésie, j'avais été frappé par ce que je voyais: à ma droite il y avait les bateaux de pêche, à ma gauche les fermes et, un peu plus loin, les collines. À l'époque, vous cultiviez vos terres, vous alliez pêcher, vous faisiez vos récoltes, et après, vous alliez dans le bois. Il est probablement impossible de revenir à ce mode de vie; je ne sais pas. C'est ce genre d'emplois de substitution pendant la basse saison qui me paraît être un élément essentiel de la réforme des programmes sociaux. Les meilleurs programmes sociaux sont ceux dont vous n'avez pas besoin. Comme les hôpitaux.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Solberg, avez-vous une autre brève question à poser ou avez-vous terminé?

M. Solberg: Non, je crois que je vais laisser la parole à l'autre côté de la table.

Le vice-président (M. Campbell): Merci beaucoup.

Monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

Bienvenue à tous. Je crois que beaucoup de personnes sont déjà parties. Je me demandais si elles auraient voulu participer à la table ronde. Premièrement, j'ai une remarque à faire.

Nous sommes en voyage depuis déjà une semaine, et je suis stupéfait de voir queM. Loubier - sans vouloir l'insulter - fait constamment les mêmes remarques et essaie constamment d'obtenir un consensus en faveur de l'élimination du régime fiscal actuel. Il parle d'économies fiscales à l'étranger, il parle de fonds de fiducie, et il nous dit que les grosses sociétés n'assument pas leur juste part du fardeau fiscal. Il va finir par me faire croire que c'est un crime d'être dans les affaires, de créer des emplois, d'être un particulier ou une entreprise dans le système actuel, qui ne fonctionne pas du tout et que tout le monde exploite.

Je me demande s'il croit détenir la solution au problème actuel du budget. Je tenais à dire que c'est toujours - et cela fait quatre jours que je l'entends répéter... Il ne suffit pas de parler de ce qui s'est produit aux tables rondes de la Chambre des communes. Je parle de ce qui s'est passé ici même et des efforts pour nous mettre d'accord sur les moyens de faire assumer à chacun sa juste part.

Je suis à peu près convaincu que tous les Canadiens et toutes les personnes qui font des commentaires autour de cette table sont d'accord avec lui, car tout le monde tient à assumer sa juste part de responsabilité. Mais les questions sont posées d'une telle façon que cela me convainc presque que le système ne fonctionne pas et que les gens s'en sortent à bon compte.

Le vice-président (M. Campbell): Monsieur Pillitteri, avant que vous ne continuiez...

M. Pillitteri: J'avais une question à poser.

Le vice-président (M. Campbell): - Je crois qu'il n'est que juste de laisser M. Loubier répondre.

[Français]

M. Loubier: Je vous remercie, monsieur le président, pour votre souci de l'équité. Nos invités n'étaient pas là au début de la semaine et n'ont donc pas entendu les propos que j'ai tenus. Heureusement qu'ils étaient télévisés, car M. Pillitteri a complètement déformé le sens de mes interventions.

Depuis le début, et nous sommes là pour cela, au Comité des finances, j'essaie de dégager un consensus sur plusieurs aspects de la question de l'assainissement des finances publiques. Le premier de ces aspects est qu'on doit cesser de cibler uniquement les programmes sociaux et, par souci de justice pour l'ensemble des particuliers au Québec et au Canada, examiner l'ensemble de la fiscalité qui ne l'a pas été en profondeur depuis à peu près 25 ans. Il y a eu certains petits examens, des ajouts, des retranchements, mais de véritable révision de la fiscalité, dans le sens positif du terme, il n'y en a jamais eu. J'ai mentionné tout à l'heure la complexité de la fiscalité des entreprises. Cela pourrait être positif pour les entreprises.

.1115

D'un autre côté, j'ai mentionné les trous qui existent dans le régime fiscal, et Dieu sait qu'il en comporte, des trous. Si les gens qui sont autour de la table n'en sont pas convaincus, eh bien, il existe un problème, parce que même l'article paru dans le CA Magazine, dont je parlais plus tôt, le démontre.

Si je m'offusque ce matin, et avec raison, des propos de M. Pillitteri, c'est qu'ils sont injustes. Je n'ai jamais dénigré les entreprises québécoises ni les entreprises canadiennes. Leur rôle est essentiel dans l'économie et tout à fait incontournable en tant que créateurs d'emploi. Je n'ai jamais jeté le discrédit sur les entreprises.

Cependant, il y a un esprit de justice à maintenir dans la révision de la fiscalité et dans les mesures de réduction des dépenses qui devront être nécessairement appliquées au cours des prochaines années et je pense que c'est tout à notre honneur de nous interroger sur l'ensemble du problème et non pas seulement sur une partie de la question.

Si M. Pillitteri a des intérêts personnels, c'est une autre affaire. S'il ne veut pas parler de la fiscalité des entreprises, c'est aussi une autre affaire. Mais il n'y a personne qui va m'enlever mon droit de poser des questions autour de cette table et, surtout, personne ne viendra déformer mes propos comme mon collègue vient de le faire. Je trouve cela inadmissible, monsieur le président.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Loubier. Comme toujours, les membres du comité entendent les mêmes témoins, mais tirent de leurs témoignages, comme il arrive à MM. Loubier et Pillitteri, des réponses et des idées différentes.

Je cède la parole à M. Pillitteri qui peut poser sa question.

[Traduction]

M. Pillitteri: Mon intérêt personnel n'est pas lié au sort des sociétés privées. Pour que les choses soient bien claires, je précise que je ne suis pas propriétaire d'une société, pas plus que je ne détiens d'actions de sociétés.

Mais ma question était destinée aux comptables généraux agréés. Ils ne seront certainement pas capables d'y répondre, car elle portait sur le sens qu'ils donnaient aux changements de la TPS, à l'harmonisation, sur leur intention éventuelle... Comme ils ont mentionné la modification de la taxe à la valeur ajoutée, la TPS, je me demandais s'ils parlaient aussi de la TOC. C'est un point que je voulais éclaircir. Comme ils ne sont pas ici, je ne paux pas leur poser la question.

Le vice-président (M. Campbell): Je regrette que certains des témoins aient été contraints de partir et ne puissent pas vous répondre. Aviez-vous une autre question à poser, monsieur Pillitteri?

Nous allons donc maintenant demander aux participants à la table ronde de conclure. Mme Brushett avait une question à poser à certains des témoins.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président, j'ai en fait deux questions. La première s'adresse à tout le monde.

Tôt ce matin nous avons appris que nous parviendrions à équilibrer notre budget en 1998-1999. Si certains d'entre vous restent, pourraient-ils me dire comment atteindre cet objectif, en réduisant les coûts ou en créant des recettes? Avez-vous des idées là-dessus? La question est ouverte; dites-moi comment obtenir ce résultat. Pour certains, c'est l'objectif à atteindre. Nous sommes ici pour entendre des suggestions.

M. Bismuth: La meilleure solution consiste à combiner les deux. Plusieurs participants nous ont dit ce matin que si l'économie n'était pas prospère l'assiette du revenu allait diminuer.

Si nous considérons les problèmes politiques récents, si nous examinons la situation économique depuis 1989 dans le monde entier, si nous tenons compte de la concurrence mondiale et de la position qu'occupe le Canada, il faut bien reconnaître que nous connaissons des difficultés au même titre que les autres pays. Ça, c'est le point de départ.

Nous ne sommes donc pas l'exception, et je ne crois pas que nous devrions courber l'échine en disant que le Canada est le seul pays à connaître ce problème. Nous sommes touchés par des problèmes qui affectent le monde entier.

Prenons l'exemple de certaines industries qui ont des filiales au Canada. Leurs problèmes ont été surtout ressentis en Ontario, tout particulièrement dans le sud-ouest de la province, où sont implantées de nombreuses filiales de sociétés américaines, européennes et autres.

Ces sociétés fonctionnaient au Canada selon des règles différentes. Elles étaient confrontées à des situations fiscales interdisant la concentration qui est possible aux États-Unis, par exemple.

.1120

Lorsque les difficultés ont commencé, ces sociétés avaient trois ou quatre usines aux États-Unis et une au Canada. Les proportions n'étaient pas respectées car, compte tenu de la taille et de la géographie de notre pays, la proportion aurait dû être d'une sur dix. C'eût été une situation normale vu l'importance du marché américain. C'est probablement une des principales raisons pour lesquelles l'Ontario et le Québec ont le plus souffert des dernières compressions. Certaines sociétés étrangères ont eu moins de difficultés à fermer leurs filiales à l'étranger parce que, d'un point de vue politique, c'est beaucoup plus facile que de le faire sur son propre territoire.

Nous sommes bien obligés de reconnaître que nous faisons maintenant partie d'une famille et d'un environnement planétaires. Entre autres choses, il est indispensable que nous examinions les coûts et les avantages d'un programme de subventions régionales. Ce programme existe pour certaines industries dans lesquelles nous voulons égaliser les chances.

Je sais que vous venez des Maritimes, et je ne veux pas m'en prendre plus particulièrement aux Maritimes, à l'Ouest ou à une autre région. Il me semble que nous allons à contre-courant de la tendance à la globalisation, qui consiste à essayer de concentrer nos efforts pour créer des champions plutôt que de recourir à un saupoudrage artificiel. Nous ferions bien mieux de créer des entreprises plus fortes, capables d'affronter la concurrence mondiale. Cela améliorera d'ailleurs les recettes.

J'espère avoir répondu à votre question, même si c'est de façon indirecte. En ce qui concerne les dépenses, la plupart des gens ont fait divers commentaires sur les subventions et les subsides.

Dans le domaine des impôts, si nous créons un régime fiscal trop lourd, le seul résultat sera de nous faire perdre des emplois et de chasser des entreprises. C'est ce que nous voyons dans le genre de travail qui est le mien, où nous aidons parfois les divers ordres de gouvernement à attirer les investisseurs étrangers au Canada.

Dans certains cas nous avons des structures d'entreprise très avantageuses pour les sociétés privées contrôlées par les Canadiens. Ces structures tendent à disparaître lorsque le contrôle est exercé de l'étranger. Les mesures fiscales d'incitation à la R et D, par exemple, nous permettent d'être très compétitifs.

Comme je l'ai dit plus tôt, il est important de maintenir ces structures au lieu de les changer.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, monsieur Bismuth.

Mme Berlyn avait une remarque à faire. Je ne sais pas si c'est pour répondre sur ce point particulier. Nous aurons l'occasion dans environ...

Mme Berlyn: Monsieur Bismuth est déjà intervenu à deux reprises. Je voudrais...

Le vice-président (M. Campbell): Excusez-moi un instant. Les témoins qui restent auront l'occasion de dire un dernier mot tout à l'heure.

Si vous ne répondez pas directement aux questions de Mme Brushett, peut-être pourriez-vous réserver vos observations pour la fin.

Alliez-vous répondre à la question de Mme Brushett, ou revenir sur ce que M. Bismuth a dit?

Mme Berlyn: J'allais revenir sur deux ou trois points, notamment...

Le vice-président (M. Campbell): Continuez, je vous en prie. Nous sommes un peu en retard, Mme Brushett avait une seconde question à poser, et je voudrais donner à tout le monde la possibilité de conclure.

Mme Berlyn: J'ai été assez brève, la première fois, et j'essayerai de l'être encore cette fois-ci.

Le vice-président (M. Campbell): C'est vrai, vous l'avez été. Merci.

Mme Berlyn: Je tiens à confirmer que l'emploi saisonnier est une réalité, et que l'on ne devrait pas condamner les gens qui font appel à l'assurance-chômage entre deux emplois. La remarque a déjà été faite, mais je crois que c'est important à souligner.

Dans son intervention précédente, M. Bismuth a en particulier mentionné - et je l'en remercie - le fait qu'il y a des liens très étroits entre l'industrie aérospatiale et l'industrie des armements. Je n'ai pas spécifiquement mentionné l'aérospatiale, mais il faudrait le faire car c'est un secteur qui n'est pas très utile pour la plupart des gens.

À notre avis, le programme de productivité de l'industrie du matériel de défense cité parM. Bismuth devrait précisément être totalement supprimé. C'est indiscutablement une forme de subvention. J'ajouterai que c'est le pire genre de subvention à une activité commerciale moralement aussi inacceptable que la traite des esclaves; ce n'est ni plus ni moins qu'une subvention qui permet au Canada de participer au commerce international des armes.

Je voudrais répéter une remarque que l'on entend souvent. Il y a quatre activités commerciales qui font des victimes dans le monde: la traite des esclaves; le commerce des stupéfiants illicites; la prostitution, en particulier la prostitution des enfants, etc.; et le commerce des armes. Ces activités sont toutes à fourrer dans le même sac. Le gouvernement du Canada devrait s'abstenir de subventionner, d'aider ou de promouvoir l'une ou l'autre de ces activités. L'industrie des armements entre dans cette catégorie.

Le vice-président (M. Campbell): Merci, madame Berlyn.

Mme Brushett avait une dernière question à poser.

Mme Brushett: Je voudrais obtenir une réponse très brève de ceux qui s'intéressent à la petite entreprise. On nous a dit à plusieurs reprises qu'il fallait relever le seuil de perception de l'impôt sur les sociétés dans le cas des petites entreprises, qui est de 200 000$. À quel niveau devrions-nous le porter, 400 000$, 500 0000$? Quel est le chiffre magique qui permettrait d'accroître les emplois en favorisant la croissance des petites entreprises?

.1125

M. Lacroix: Nous n'avons pas de réponse à une telle question. Ce que nous avons pu constater récemment, c'est que non seulement le seuil de 200 000$ n'a pas été relevé, mais la déduction accordée aux petites entreprises a été refusée à certains contribuables, tels que les gros contribuables et les corporations imposables.

Si vous avez un capital imposable, l'impôt des grandes corporations, l'IGC, qui est un impôt fédéral sur le capital, s'applique. Si votre capital est de 10 à 15 millions de dollars, ce qui n'est pas énorme, vous perdez la déduction accordée aux petites entreprises. À mon avis, cette mesure qui était destinée à éliminer certains avantages dont bénéficiaient quelques sociétés devrait être supprimée. Une société au capital de 15 millions de dollars n'est pas une grosse société. C'est encore une petite société.

Donc au lieu de relever le seuil de 200 000$, on pourrait peut-être supprimer la limite de 15 millions de dollars pour le capital imposable.

M. Bismuth: En réponse à...

Le vice-président (M. Campbell): J'ai une suggestion à faire. Nous allons faire le tour de la table pour le mot de la fin et je vous suggère donc d'inclure votre réponse dans votre conclusion.

M. Bismuth: En réponse à la question de Mme Brushett, je crois que, si nous portons le seuil à 500 000$, il est important de savoir que les personnes qui bénéficient de la déduction sont dans les affaires de manière constante et quotidienne. Je crois que cela contribuerait beaucoup à stimuler l'économie, car si quelqu'un n'est imposé qu'à 18 ou 20 p. 100, il lui est possible de réinvestir 80 p. 100 de son argent, ce qui est bien préférable à ne pouvoir réinvestir que 53 ou 54 p. 100. Cela me paraît une excellente méthode pour stimuler l'économie.

Je crains cependant qu'à moins que votre modèle fiscal n'englobe absolument tout le monde, cela ne marche pas. Des changements faits un peu au hasard servent seulement à encourager les gens à chercher de nouveaux moyens de mettre le système en échec.

Je crois que vous devriez également examiner les impôts sur le revenu des particuliers. Si nous sommes, comme je le crois, au nombre des contribuables les plus lourdement imposés au monde, c'est très décourageant. À mon avis, il faut que l'impôt des particuliers et l'impôt des sociétés soient intégrés de manière à obtenir les meilleurs résultats.

Le vice-président (M. Campbell): Mme Berlyn, avez-vous d'autres remarques à faire en conclusion?

Mme Berlyn: Puis-je faire une brève observation au sujet du processus?

Le vice-président (M. Campbell): Oui.

Mme Berlyn: Je crois que les effets du budget sont ressentis dans tous les domaines de la société canadienne et qu'à l'avenir, le secteur des ONG devrait être mieux représenté. En dehors des entreprises privées et des syndicats, je ne vois pas beaucoup d'ONG représentées ici, et celles qui le sont n'ont probablement appris l'existence du processus qu'il y a un jour ou deux. Il y a toutes sortes de...

Le vice-président (M. Campbell): Beaucoup ont été invitées, mais tout le monde n'a pas accepté notre invitation. J'en profite pour vous demander d'informer vos collègues que les consultations préalables au budget seront dorénavant un élément permanent du processus d'établissement du budget au Canada et qu'elles se tiendront chaque automne. Vous devriez harceler vos députés pour obtenir des informations sur nos audiences, puisque celles-ci se déroulent dans tout le pays.

Mme Berlyn: Merci.

M. Lacroix: J'avais noté un point dont j'ai oublié de parler car on en a beaucoup discuté ce matin. Il s'agit des subventions aux entreprises, et je voudrais vous donner l'avis de notre association à ce sujet.

À moins que les subventions ne soient stratégiquement nécessaires, nous considérons qu'elles devraient être supprimées, et que les programmes de subventions analogues devraient être abolis.

Le vice-président (M. Campbell): Merci.

[Français]

Monsieur Caron, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Caron: Non, pas vraiment.

Le vice-président (M. Campbell): Au nom de mes collègues et en mon nom personnel, je voudrais vous remercier pour cette discussion intéressante.

[Traduction]

Nous avons dépassé le temps qui nous était imparti. Il est près de 11h30. Merci d'être restés. Ce débat nous a été très utile et nous serons heureux de vous revoir à l'occasion de consultations futures et d'entendre vos commentaires, si vous en avez d'autres à faire.

[Français]

Je vous remercie.

.1130

[Traduction]

Je note l'arrivée d'un autre collègue - M. Nunez.

Monsieur Nunez, merci de vous joindre à nous. Nous attendons avec intérêt votre participation à la table ronde de cet après-midi.

La séance reprendra à 13h30.

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