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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 novembre 1995

.0934

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le comité des finances poursuit ses entretiens pré-budgétaires. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des chefs de file du monde des affaires au Canada, des gens qui représentent une forte proportion de notre produit intérieur brut.

Nous accueillons monsieur Peter Smith, président d'Aerospace Industries Association of Canada; monsieur Thomas d'Aquino, du Conseil canadien des chefs d'entreprises, bien connu au comité; monsieur Dale Orr,président du Comité de la politique économique de la Chambre de commerce du Canada, que nous connaissons bien aussi; monsieur Steve Stinson, directeur des questions financières et commerciales à l'Association canadienne des producteurs de pâtes et papier; monsieur Ron Bulmer, président du Conceil canadien des pêches; monsieur Bob Keyes, de l'Association minière du Canada; et monsieur Patrick McNeil de l'Association canadienne de l'électricité.

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Nous sommes tous très heureux de vous accueillir. Nous allons entendre les exposés de chacun de vous après quoi nous passerons aux questions. Merci.

Vous pourriez peut-être commencer, monsieur Smith.

M. Peter R. Smith (président, Aerospace Industries Association of Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Comme vous l'avez dit, je suis le président de l'Aerospace Industries Association of Canada. Je suis très heureux que vous nous ayez invités à comparaître aujourd'hui pour répondre aux trois questions qui nous ont été soumises par le greffier.

À titre de déclaration préliminaire, je tiens simplement à dire que le secteur privé crée la richesse, assure des emplois, ouvre des marchés d'exportation et garantit un rendement de l'investissement ce qui profite à l'économie nationale.

Le secteur aérospatial canadien est un bon exemple. Le chiffre d'affaires pour 1995 devait être de 10,3 milliards et voici qu'après seulement 11 mois, nous pensons qu'il atteindra 10,9 milliards et qu'à la fermeture de l'exercice il dépassera 11 milliards. Les prévisions montrent que d'ici 1999, notre chiffre d'affaires devrait être de 15 milliards, et cela malgré les grands titres de la presse qui donnent à entendre que c'est tout à fait le contraire qui se produit chez nos compétiteurs comme les États-Unis, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Fait plus impressionnant encore et qui intéresse peut-être davantage le comité, actuellement nos exportations représentent environ 70 p. 100 de ce chiffre d'affaires, et nous prévoyons que d'ici 1998 elles en représenteront plus de 80 p. 100.

Comment cela se fait-il? Parce que le gouvernement et à l'industrie investissent et partagent les risques en matière de recherche et de développement. Cette année seulement, le secteur de l'aérospatiale a investi plus de 1,4 milliard en recherche et en développement. Pour chaque dollar qu'investit le gouvernement, l'industrie en investit 4$ ce qui engendre des ventes de 25$ dont on exporte pour une valeur de 18$.

Il est intéressant de noter qu'au total le programme de productivité de l'industrie du matériel de défense a investi, depuis 1959, 3,4 milliards sous forme d'aide, ce qui a permis des ventes totales de 149 milliards au cours de cette période. En 1984, ce secteur comptait 42 000 emplois; en 1994, il y a plus de 53 000.

Vous avez demandé quel devrait être notre objectif en matière de réduction du déficit. Nous appuyons entièrement la façon dont le gouvernement s'y prend pour régler cette question. Nous estimons que nous devons maintenir cet objectif de 3 p. 100 du PIB ou le relever. Il faut garder confiance dans le marché. Nous devons nous montrer suffisamment dynamiques pour faire face aux imprévus et nous donnons l'exemple aux provinces en leur montrant que la dette de la nation peut être épongée.

Comment peut-on se servir de mesures budgétaires pour créer un climat favorable à la création d'emplois et à la croissance? Il faut maintenir la stabilité du marché, mettre au point des programmes d'investissements et de partage des risques qui rapportent, resserrer certains programmes sociaux et paiements de transfert et, bien sûr, repenser les opérations gouvernementales dans une deuxième phase. Nous ne pouvons pas nous permettre pour l'instant de hausser l'impôt sur le revenu des particuliers ni des sociétés.

Pour ce qui est des mesures que prend le gouvernement fédéral pour procéder à d'autres réductions, nous estimons que pour cette première étape de l'examen des programmes, on s'y est pris de façon exemplaire. Je pense qu'il faut se pencher sur l'environnement, le développement régional, la santé et l'éducation et les sports. Il faut aussi réexaminer des fonctions auxiliaires au sein des ministères.

Dans cette optique, nous estimons qu'il serait extrêmement bénéfique pour la nation qu'on prenne d'autres mesures en ce qui a trait à la commercialisation ou à la privatisation. Nous en avons vu des exemples dans le domaine de la navigation aérienne, dans les cas du CN et de VIA Rail, et nous pourrions en voir des exemples au ministère de la Défense nationale, notamment un autre système de prestations de services, ainsi que dans d'autres ministères où cela peut s'appliquer.

Nous sommes très heureux de pouvoir soutenir les mesures qui ont été prises pour garantir que le secteur de l'aérospatiale continue de contribuer à l'enrichissement de la nation et à maintenir les emplois nécessaires à la création de cette richesse.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Smith.

Monsieur d'Aquino, s'il vous plaît.

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M. Thomas d'Aquino (président et directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprises): Monsieur le président, mesdames et messieurs du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, merci à nouveau d'avoir invité le Conseil canadien des chefs d'entreprises à vous faire part de ses vues. Nous sommes toujours heureux de venir comparaître.

Le conseil, comme vous le savez, est constitué des chefs d'entreprises de nos 150 plus grandes sociétés, qui représentent tous les secteurs de l'économie et environ 75 p. 100 du PIB du secteur privé au Canada.

Je suis particulièrement heureux de pouvoir vous exposer notre point de vue, de concert avec mes collègues de ce côté-ci de la table, monsieur le président. Je pense qu'à nous tous nous devrions soulever la plupart des questions qui préoccupent aujourd'hui le secteur des affaires.

J'aimerais traiter de questions précises que vous nous avez soumises, notamment l'objectif de réduction du déficit pour 1997-1998. Je présenterai aussi un aperçu général des secteurs qui devraient faire l'objet d'autres décisions financières.

Je suis très heureux de signaler que de plus en plus d'indices donnent à penser que le Canada connaîtra une modeste croissance économique en 1996 et en 1997. L'économie qui s'était montrée stagnante au début de 1995, ce qui nous a tous préoccupés, a connu une reprise plus vigoureuse au quatrième trimestre.

Pour l'année 1996, on s'attend à un taux de croissance réelle se situant entre 2,5 p. 100 et 3 p. 100. Fait plus encourageant encore, cette croissance économique devrait s'accompagner d'un très faible taux d'inflation, chose assez nouvelle pour l'économie au Canada. Comme vous le savez, l'inflation avait contribué à ralentir l'économie pendant une quinzaine d'années dans les années 1970 et 1980.

Nous prévoyons que l'inflation sera de l'ordre de 2 p. 100 l'an prochain. Nous continuons d'appuyer entièrement la politique et le leadership de la Banque centrale, comme nous l'avons toujours fait, monsieur le président. On s'attend à ce que l'emploi connaisse une hausse d'environ 2 p. 100.

Différentes raisons justifient l'optimisme que je manifeste concernant l'économie l'an prochain. D'abord, l'inflation aux États-Unis demeure stable, de l'ordre de 3 p. 100. C'est une bonne nouvelle. Les taux d'intérêt aux États-Unis ne devraient pas vraiment changer, mais il pourrait même y avoir une nouvelle baisse des taux d'intérêt l'an prochain. Ce qui, évidemment, serait excellent pour l'économie canadienne.

Même s'il connaît un ralentissement relatif après une longue période de forte croissance, le secteur canadien des exportations est bien placé, à notre avis, pour profiter d'une croissance accrue qui devrait être enregistrée aux États-Unis en 1996. Je rappelle au président et aux membres du comité que la croissance des exportations s'est révélée un facteur très puissant et favorable cinq ans et que le climat est d'autant plus favorable depuis la conclusion de l'Accord canado-américain de libre-échange. Je sais que c'est un accord que le président approuve très fermement aujourd'hui, il me semble.

Les perspectives de croissance économique mondiale, par ailleurs, se sont beaucoup améliorées depuis le début de l'année en cours, mais le ralentissement économique mondial qu'on a connu en 1995 est maintenant considéré comme une pause à mi-cycle, comme disent les économistes. On prévoit une croissance soutenue sans inflation, étant donné surtout le réalignement des marchés de change étrangers.

Les taux d'intérêt à court terme au Canada ont beaucoup baissé depuis le référendum, je suis heureux de le dire. Les taux d'intérêt pour trois mois ont diminué de plus de 100 points de base depuis le 30 octobre. Cependant, les taux d'intérêt à long terme n'ont pas changé depuis le référendum.

La baisse des taux à court terme aura pour effet, selon moi, de stimuler jusqu'à un certain point la croissance des secteurs de l'économie canadienne qui sont sensibles aux taux d'intérêt nationaux en 1996. Le climat plus propice par suite de la baisse des taux d'intérêt se répercutera de façon positive sur la confiance des consommateurs et contribuera, je l'espère, à une certaine reprise de la consommation. Cependant, l'incertitude post-référendaire continuera à maintenir les taux à long terme à un niveau plus élevé qu'ils ne devraient être, et les perspectives d'investissement et de croissance s'en ressentiront.

Les membres du CCCE partagent ce point de vue qu'on pourrait sans doute qualifier prudent d'optimisme pour 1996. En effet, dans le secteur privé, les bilans sont fort acceptables. Les revenus sont généralement robustes et les marges bénéficiaires continuent à augmenter par rapport aux niveaux quasi désastreux que nous avons déjà connus il y a déjà deux ans.

Je rappelle aux membres du comité, quand ils voient les chiffrent publiés à la une du Globe and Mail, qui semblent excellents, qu'ils ne doivent pas oublier que ces chiffres sont quand même considérablement inférieurs aux niveaux records du passé.

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Je me dois de préciser que la récente stagnation de la croissance économique conjuguée au résultat du référendum aura presque à coup sûr un certain effet sur les intentions des investisseurs du secteur privé relativement à l'acquisition de machinerie, d'équipement ou d'installations, et malheureusement, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, l'effet sera encore plus important au Québec.

Cependant, malgré une éventuelle modération de leurs efforts à ce chapitre, les secteurs de l'économie qui doivent soutenir la concurrence étrangère devront maintenir le cap sur la restructuration, l'investissement et l'amélioration afin de demeurer compétitifs sur les marchés mondiaux.

La perspective d'une récession aux États-Unis et par conséquent au Canada, demeure relativement faible pour 1996, mais elle amplifiera après 1997. Le ralentissement qui ne manquera pas de se produire a d'ailleurs des conséquences pour le budget de 1996 et il justifie que l'on prenne des mesures énergiques visant à éliminer le déficit d'ici trois ans.

Je vais vous dire un mot maintenant au sujet de l'objectif financier pour 1997-1998. Nous sommes encouragés par les résultats définitifs de l'exercice financier 1994-1995 qui montrent que le déficit s'est établi à 37,5 milliards de dollars, soit 400 millions de dollars de moins que ce qui avait été prévu. Nous trouvons cela encourageant.

Nous trouvons également encourageant qu'il semble y avoir de bonnes chances pour que le déficit fédéral pour 1995-1996 soit inférieur à l'objectif de 32,7 milliards de dollars que s'était fixé le gouvernement, et ce, en dépit de la croissance économique qui serait plus faible que ce qui avait été prévu.

Enfin, le déficit pour 1996-1997 sera sans doute, lui aussi, de beaucoup inférieur à l'objectif fixé, à moins que, d'ici là, notre économie ne subisse le contrecoup d'une récession qui se produirait aux États-Unis ou d'une crise constitutionnelle qui éclaterait chez nous.

Comme vous le savez, monsieur le président, le CCCE a déjà demandé à maintes reprises que le budget soit équilibré avant le prochain ralentissement que nous connaîtrons dans le cycle économique. Nous avons notamment demandé au gouvernement fédéral de proposer un plan d'action crédible afin d'équilibrer le budget au plus tard en 1998-1999.

Nous continuons à penser qu'il faut agir en ce sens, notamment à la lumière des résultats du référendum tenu au Québec, qui rend le climat très incertain étant donné la possibilité de sérieux troubles politiques qui se dessinent à l'horizon.

Autrement dit, quand j'ai témoigné devant votre comité l'an dernier et que j'ai recommandé que le budget soit équilibré au plus tard en 1998-1999, je ne prévoyais pas que le référendum aurait le résultat qu'il a eu. Il est d'autant plus important de passer plus rapidement à l'action.

Permettez-moi maintenant de vous parler un peu de la dette fédérale. Le programme de restructuration prévu dans le budget fédéral de 1995 aura pour effet, à tout le mieux, de stabiliser le niveau d'endettement par rapport au PIB à environ 74 p. 100 pour l'exercice financier 1996-1997.

Cela n'est pas suffisant, monsieur le président. Le budget qui s'en vient est très important selon nous parce qu'il doit bien marquer le début de la réduction du niveau d'endettement par rapport au PIB. Il me semble que nous devons tous accorder plus d'attention au problème de la dette, au lieu de nous laisser obnubiler par le problème des déficits qui persistent.

En ce qui concerne la croissance économique et la création d'emplois, je vous ferai deux observations seulement. Premièrement, il ne semble pas y avoir de consensus au Canada pour dire que les gouvernements doivent réduire leur déficit budgétaire et l'éliminer au bout du compte. Nous sommes loin de la situation qui existait au Canada il y a cinq ans.

Ce qui est moins bien connu, cependant, c'est le lien qui existe entre les déficits, la dette, la croissance économique et la création d'emplois. Ce lien, c'est en fait les taux d'intérêt, monsieur le président. À l'heure actuelle, la différence entre les taux d'intérêt au Canada et aux États-Unis est d'environ 160 points de base, les taux étant revenus à ce qu'ils étaient avant le référendum.

Par ailleurs, le rendement des obligations à long terme est d'environ 8 p. 100, tandis que le taux d'inflation n'est que d'environ 2,5 p. 100. Par conséquent, monsieur le président, les taux d'intérêt effectifs au Canada se situent aux alentours de 5,5 p. 100. Quand on compare cela au rendement moyen des obligations à long terme aux États-Unis, qui est actuellement d'environ 3 p. 100, on se rend compte que les taux d'intérêt sont bien trop élevés au Canada pour nous assurer la création d'emplois, des investissements et la croissance dont nous aurons besoin au cours des dix années à venir.

Je soutiens pour ma part que le Canada paie un prix élevé pour son instabilité politique et pour sa répugnance à s'attaquer à ses problèmes d'endettement. Nous payons un prix élevé du fait que nos taux d'intérêt effectifs sont plus élevés, que la désépargne est plus importante dans le secteur public et que l'épargne est en baisse dans le secteur privé. Ainsi, moins d'emplois sont créés, les décisions relatives aux investissements sont différées ou carrément annulées et les facteurs de production de même que la production elle-même sont en baisse.

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De fait, des pays comme le Canada, la Suède et l'Italie, dont la politique financière présente des lacunes manifestes, souffrent de ce que le FMI appelle «les effets liés à la confiance». Il s'agit essentiellement des primes de risque qui sont exigées sur les titres de créance à cause des niveaux d'endettement extrêmement élevés, de telle sorte qu'il est de la plus grande urgence d'élaborer un plan d'action crédible pour assainir les finances publiques. Il en résulterait un abaissement des primes de risque et peut-être même un accroissement du taux de change.

En conclusion, monsieur le président, permettez-moi de vous faire remarquer que la composante exportation du secteur privé canadien a su se restructurer et se réorienter pour devenir plus compétitive sur les marchés mondiaux. Les exportations contribuent de façon importante à notre croissance économique, tandis, comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, les secteurs de notre économie axés sur le marché national sont demeurés stagnants, avec un taux de croissance négligeable.

Permettez-moi de vous faire part d'une dernière réflexion. En termes simples, il faut absolument que les taux d'intérêt baissent le plus rapidement possible afin de stimuler la croissance économique et la création d'emplois. À notre avis, le gouvernement fédéral doit annoncer un plan d'action énergique visant à équilibrer le budget dans deux exercices financiers au plus tard. On aura ainsi davantage confiance que notre niveau d'endettement se sera stabilisé et le niveau d'endettement par rapport au PIB ne tardera pas à baisser.

Je dois vous dire, monsieur le président, que je préside le CCCE depuis déjà un certain temps et que j'ai entendu bien des ministres des Finances me dire depuis 15 ans que le niveau d'endettement par rapport au PIB annoncerait un virage à la baisse. Nous attendons ce virage depuis 15 ans, et les conséquences pour la croissance et la création d'emplois au Canada sont considérables.

Je sais, monsieur le président, que vous voudrez - du moins je l'espère - discuter ce matin de l'assurance-chômage, du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, du Régime de pensions du Canada, du redoublement des efforts de restructuration et de la taxe sur les biens et services, et je serai heureux d'aborder l'un ou l'autre de ces points dans la discussion générale. Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur d'Aquino.

Monsieur Orr, s'il vous plaît.

M. Dale Orr (président, Comité de la politique économique, Chambre de commerce du Canada): Merci à vous, monsieur Peterson, et merci aux membres de votre comité. Nous sommes heureux de venir témoigner devant vous encore une fois.

La Chambre de commerce du Canada est le porte-parole le plus représentatif de l'ensemble du secteur des affaires. À notre assemblée annuelle en septembre, nous avons accordé une attention toute particulière à notre position sur la dette et le déficit. Les délégués avec droit de vote qui étaient venus des différentes régions du Canada se sont solidement prononcés en faveur d'une résolution demandant que le déficit continue à être réduit de façon significative sans augmentation d'impôts. Conscients du fait qu'ils devaient, eux aussi, faire leur part pour réduire le budget, les délégués se sont également prononcés en faveur de réductions encore plus considérables au chapitre des subventions aux entreprises.

La position de la Chambre de commerce rejoint celle des économistes que vous avez entendus à la table ronde tenue il y a plusieurs semaines. Ce matin, je veux assister plus particulièrement sur plusieurs que j'examinerai en détail.

Le problème fondamental en ce qui concerne la politique économique tient, non pas déficit ni au niveau d'endettement annuel par rapport au PIB, mais à l'importance de la dette par rapport à notre capacité à en assurer le service. Tout le monde semble le reconnaître. Cela est ressorti très clairement du rapport que votre comité a présenté l'an dernier. La politique du gouvernement ne semble toutefois pas en tenir compte, et c'est ce dont je veux vous entretenir un peu plus longuement ce matin.

L'objectif optimal de la politique financière doit être modifié. Au lieu de viser un ratio déficit-PNB de 3 p. 100 en 1996-1997, nous devrions cibler un objectif optimal dans l'ordre de 55 p. 100 à 60 p. 100 dans quelques années. Dans le prochain budget, nous devons viser un ratio dette-PNB de 71 p. 100 pour 1997-1998.

La politique financière doit être axée sur la poursuite de la compression des dépenses sans augmentation d'impôts jusqu'à ce que la dette soit maîtrisée. Cela signifie qu'un ratio déficit-PNB de 3 p. 100 en 1996-1997 et l'élimination du déficit quelques années plus tard sont des points de repère dans la voie du redressement de nos finances. Il s'agit ni plus ni moins d'objectifs intérimaires appropriés. Le fait de les atteindre ne justifierait aucune complaisance et aucun changement des priorités gouvernementales.

L'objectif ultime de la politique financière est de placer le gouvernement dans une situation où il peut de nouveau avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour répondre aux besoins du public. Cela n'arrivera qu'au moment où le ratio dette-PNB sera considérablement inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Si le gouvernement ne tient pas sa promesse de comprimer les dépenses de programmes, il aura encore moins de moyens pour servir les nécessiteux à l'avenir.

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Au cours de la dernière décennie, les Canadiens ont consommé toutes les recettes du gouvernement en dépenses de programmes. Les recettes et les dépenses étaient pratiquement égales. Pendant au moins une décennie encore, les Canadiens d'aujourd'hui et de demain ne pourront plus compter autant sur les recettes gouvernementales.

Les coûts annuels du service de la dette vont se stabiliser autour de 50 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Par conséquent, il est impossible que les dépenses liées aux programmes avoisinent les revenus gouvernementaux.

La seule façon dont le gouvernement peut se donner les moyens de consacrer l'essentiel de ses recettes aux dépenses liées aux programmes, comme il l'a fait pendant la dernière décennie, est de réduire considérablement la dette.

Le dollar à 70c. prendra un sens nouveau pour les Canadiens. Pendant la prochaine décennie, pour chaque dollar que les Canadiens versent au gouvernement fédéral, ils ne recevront que 70c. en retour dans le cadre des services liés aux programmes. Les Canadiens vont payer plus d'impôt que leurs homologues de la plupart des pays industrialisés, et en même temps, ils recevront moins de services de la part du gouvernement.

L'endettement mis à part les Canadiens ont déjà l'impression qu'ils paient trop d'impôts. Les personnes ayant des revenus moyens et élevés paient beaucoup plus d'impôts sur le revenu que leurs homologues américains, et aux États-Unis, les impôts sont en train de diminuer. Aujourd'hui, bon nombre de Canadiens se retrouvent avec 40c. seulement de chaque dollar qu'ils gagnent, après avoir payé l'impôt sur le revenu et les taxes de vente.

Croyez-le ou non, c'est ça la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle est que si le gouvernement ne respecte pas ses objectifs budgétaires actuels, s'il n'élimine pas le déficit dans ce mandat politique, et s'il ne ramène pas le ratio dette-PNB autour de 55 p. 100 dans quelques années, le problème s'aggravera considérablement et s'étendra au-delà de la prochaine décennie.

Merci.

Le président: Je ne pense pas que je vous ai bien compris, monsieur Orr, quand vous avez parlé de 71 p. 100 du PNB pour 1997-1998.

M. Orr: Il s'agit du ratio dette-PNB.

Le président: Je comprends, mais qu'est-ce que cela signifie par rapport au déficit réel cette année-là? Nous visons 3 p. 100, soit près de 24 milliards de dollars l'année précédente.

M. Orr: D'une manière générale, si vous atteignez 20 milliards de dollars au lieu de 24 milliards de dollars cette année-là, et 10 milliards de dollars environ l'année suivante, vous aurez atteint l'objectif. Le ratio dette-PNB sera de 71 p. 100 environ.

Le président: À tire d'éclaircissement pour nous tous, vous dites que notre prochain objectif doit être de 10 milliards de dollars au lieu de 24 milliards de dollars.

M. Orr: Non, au lieu de 24 milliards de dollars, il doit être d'environ 20 milliards de dollars.

Le président: Non, pas du tout. Écoutez-moi bien. Notre objectif pour 1996-1997 était de 24 milliards de dollars. Vous n'aimez pas cet objectif; vous pensez que nous devrions être plus agressifs. Mais pour l'année suivante, nous devrions ramener le déficit à 10 milliards de dollars.

M. Orr: C'est exact.

Le président: Très bien, monsieur Orr.

Monsieur Stinson, s'il vous plaît.

M. Steve Stinson (directeur, Finance et Affaires, Association canadienne des pâtes et papier): Merci, monsieur le président. Tout d'abord, je voudrais vous remercier, ainsi que les membres du comité, de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.

Je représente les sociétés membres de l'Association canadienne des pâtes et papier; nous transformons l'essentiel des produits du secteur forestier au Canada.

L'industrie des produits forestiers revêt une importance critique pour l'économie canadienne, car près d'un million d'emplois bien payés dépendent du secteur forestier. Qui plus est, l'industrie des produits forestiers est l'une des plus grosses exportatrices du pays, avec près de 27 milliards de dollars du revenu d'exportations net l'année dernière.

Pendant la dernière récession, nos membres ont vécu une période extrêmement difficile, mais après des pertes considérables et la restructuration en profondeur qu'elles ont suscitée, la plupart des producteurs de pâtes et papier sont de nouveau rentables.

Cependant, nous considérons la faiblesse financière du gouvernement fédéral comme étant l'une des grandes menaces qui plane sur la prospérité actuelle de notre industrie, surtout dans la mesure où elle a des répercussions négatives sur le climat d'investissements et le coût du capital.

Dans le prochain budget, nous aimerions que le gouvernement s'engage surtout à équilibrer le budget dans trois ans. Compte tenu de la probabilité d'un autre ralentissement économique au cours des cinq prochaines années, nous pensons qu'il est prudent d'agir rapidement pour assainir les finances nationales. Si rien n'est fait, nous risquons sérieusement de compromettre le niveau de vie de tous les Canadiens et la capacité du gouvernement d'offrir des programmes et des services sur lesquels les Canadiens comptent.

Le président: Excusez-moi, monsieur Stinson. Qu'entendez-vous par un budget équilibré dans trois ans - trois ans à compter d'aujourd'hui?

M. Stinson: D'ici à l'exercice 1998-1999.

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Le président: Ainsi donc, dans notre programme, nous passerions de 24 milliards de dollars, à un montant intermédiaire, à zéro.

M. Stinson: C'est exact. En atteignant cet objectif, le déficit plafonnerait à 2,5 p. 100 au maximum du PNB en 1996-1997, et le budget serait équilibré d'ici 1998-1999. Nous atteindrions l'objectif en comprimant les dépenses liées aux programmes et en n'envisageant aucune nouvelle taxe ni aucune augmentation d'impôts. D'ailleurs, la plupart des Canadiens estiment que le fardeau fiscal est déjà excessif.

Voici les principes généraux qui doivent être appliqués dans l'examen des programmes en vue des compressions: premièrement, abandonner les programmes inutiles et inefficaces; deuxièmement, éliminer les chevauchements de programmes fédéraux et provinciaux; troisièmement, concentrer et consolider les ressources pour assurer une prestation efficace des programmes restants; et enfin, laisser le secteur privé offrir des programmes qui ne nécessitent pas la participation du gouvernement ou qui se sont avérés inefficaces.

Cependant, il est difficile de déterminer les dépenses à comprimer, mais je présume que c'est pour cela que nous élisons des politiques, même s'ils n'ont pas facilité le problème en refusant de le régler par le passé. En tant qu'association corporative professionnelle, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer dans bien des domaines de dépenses sociales, mais nous pouvons donner quelques exemples de secteurs à examiner.

Premièrement, nous réitérons notre recommandation d'élimer les subventions aux entreprises. Même si des coupures importantes ont été faites, il y a encore lieu d'agir dans ce domaine.

Deuxièmement, nous devons nous attaquer au problème du chevauchement des programmes fédéraux et provinciaux. Non seulement c'est une mauvaise utilisation de nos impôts, mais cela impose aussi un fardeau considérable au secteur privé.

Par exemple, l'environnement est un domaine auquel nos membres consacrent des ressources énormes pour se conformer aux exigences de deux paliers de gouvernement dont les activités se chevauchent souvent ou, pire, qui poursuivent des objectifs opposés.

Troisièmement, s'il y a lieu, le gouvernement doit s'efforcer de récupérer ses coûts auprès des bénéficiaires des services qu'il fournit. En effet, l'usager doit payer. Cependant, en mettant en oeuvre ce principe, nous devons être sûrs que, si le gouvernement doit être le seul fournisseur de services, il doit les fournir de façon efficace et rentable. Qui plus est, il est essentiel que l'on ne dilue pas le principe de la récupération des coûts pour en faire simplement une autre forme d'imposition ou une façon déguisée de redistribuer les revenus. Il serait inacceptable que l'on impose des frais de service à certains groupes mais pas à d'autres.

Enfin, nous conseillons au gouvernement de résister à la tentation de toucher au traitement fiscal des RÉER et des contributions au fonds de pensions, et surtout à toute tentative d'imposer les actifs ou les revenus de ces régimes. En fait, le gouvernement devrait plutôt encourager les citoyens à épargner davantage en vue de la retraite.

En ce qui concerne la création d'emplois à long terme, nous croyons qu'elle découle d'une croissance économique saine fondée sur trois conditions essentielles: premièrement, l'établissement d'un cadre de politique macro-économique stable et cohérent, deuxièmement, un cadre institutionnel et politique qui encourage les entreprises et leur permet de démarrer et de prospérer dans un marché libre et compétitif; et troisièmement, un cadre réglementaire souple permettant aux employeurs et aux employés de s'adapter à l'évolution économique.

Il est clair que bon nombre de programmes et de mesures gouvernementales sont contraires à la réalisation de cette condition, mais heureusement, tout indique que nous commençons à aller dans la bonne direction. Toute initiative budgétaire doit s'inspirer clairement de ces facteurs.

En conclusion, une politique économique saine repose, non pas sur des théories interplanétaires mais sur le bon sens. Il existe un consensus croissant sur le fait que le rétablissement des finances nationales doit demeurer la principale priorité du gouvernement; autrement, tous les programmes gouvernementaux sur lesquels nous comptons seront menacés. Nous espérons seulement que le gouvernement fédéral a la détermination voulue pour faire le nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Stinson.

Monsieur Bulmer, s'il vous plaît.

M. Ronald Bulmer (président, Conseil canadien des pêches): Merci, monsieur le président et honorables membres du comité.

Le Conseil canadien des pêches représente des sociétés qui récoltent, transforment et distribuent des fruits de mer sur les marchés, de l'Ontario jusqu'aux provinces de l'Atlantique.

L'industrie des pêches appuie l'orientation en faveur des restrictions financières. De toute évidence, le ratio déficit-PNB de 3 p. 100 serait un minimum à l'avenir. Étant donné que notre industrie est concentrée dans la région de l'Atlantique, nous appuyons avec beaucoup d'empressement la nécessité de créer des emplois et de fournir des solutions de rechange en matière de développement économique régional. Par ailleurs, nous partageons l'idée selon laquelle on ne peut pas acheter ces solutions de rechange. Il faut créer un climat favorable aux affaires, qu'il s'agisse de sociétés de pêche ou de toute autre entreprise qui envisage de s'implanter dans des régions moins favorisées du Canada, petites ou grandes. Il faut se concentrer sur les mesures préjudiciables aux emplois, notamment les charges sociales, et il faut former les gens et promouvoir un niveau d'éducation qui encourage l'esprit d'entreprise.

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Cela dit, nous appuyons l'idée d'un gouvernement plus petit ayant moins de programmes, mais étant donné que nous sommes une industrie qui exporte 80 p. 100 de sa production, que nous devons être compétitifs sur le marché mondial, et que nous n'avons aucun levier sur ce marché, nous devons résister aux mesures inefficaces que nos gouvernements nous imposent au moyen de nouveaux coûts et en réduisant notre compétitivité sur les marchés mondiaux, même si cette position nous rend impopulaire.

Monsieur le président, ainsi se termine mon exposé liminaire.

Le président: Merci, monsieur Bulmer.

Monsieur Keyes, s'il vous plaît.

M. Robert J. Keyes (vice-président, Affaires économiques, Association minière du Canada): Merci, monsieur le président.

Je vous présente les excuses de M. George Miller, président de l'Association minière du Canada, qui n'a malheureusement pas pu venir ici ce matin.

Le président: Nous sommes ravis de vous recevoir à sa place, monsieur Keyes.

M. Keyes: Je vous remercie.

Au nom des membres de l'Association, nous sommes heureux de comparaître ce matin pour participer au débat pré-budgétaire, car le prochain budget aura une importance capitale pour le pays.

D'après les questions posées aux témoins, le comité veut connaître notre position dans trois domaines.

Premièrement, en ce qui concerne la réduction du déficit, nous ne sommes pas suffisamment qualifiés pour dire exactement quel devrait être l'objectif en la matière ni pour vous donner des chiffres exacts. Disons tout simplement que nos membres appuient fermement la décision du gouvernement d'accorder la priorité à la réduction du déficit et à l'assainissement des finances fédérales. Nous reconnaissons qu'à court terme, les Canadiens vont en pâtir, mais les conséquences à long terme seront beaucoup plus graves si les mesures appropriées ne sont pas adoptées.

Pour ce qui est de votre question relative aux mesures budgétaires susceptibles de créer un environnement propice aux emplois et à la croissance, nous affirmons fermement que le prochain budget doit souligner et renforcer l'intention avouée du gouvernement fédéral de réaliser des progrès concrets en matière de réforme réglementaire. Le désordre qui existe au Canada dans ce domaine est préjudiciable non seulement à la santé économique de l'industrie et au climat d'investissements, mais aussi au bon gouvernement. En outre, il est coûteux aussi bien pour le secteur public que le secteur privé.

En décembre 1994, le secrétariat du Conseil du Trésor a annoncé un programme intitulé «L'innovation: la clé de l'économie moderne». Cette réforme visait à apporter un certain nombre d'améliorations au régime réglementaire fédéral. Malheureusement, il ne s'est pas passé grand-chose depuis.

Il ressort de notre analyse que le régime réglementaire actuel est encore caractérisé par les tracasseries administratives. Les règlements, lignes directrices et processus de décision se multiplient et se contredisent, non pas seulement d'un ministère à l'autre, mais également d'un palier de gouvernement à l'autre.

Je m'empresse de dire que si je propose des améliorations au régime, je ne préconise pas pour autant que l'on protège moins l'environnement ou que l'on adopte des normes moins strictes. Notre industrie est irrévocablement vouée au principe de l'excellence en matière environnementale et au concept du développement durable. Elle est d'accord avec des règlements efficaces qui permettent de maintenir des normes élevées de protection de manière rentable. La façon de procéder actuelle est cependant loin de l'être.

Je n'ai pas le temps ce matin de vous présenter en détail les idées de notre industrie, mais si vous et votre comité le désirent, je peux vous laisser le plus récent mémoire que nous avons présenté au Comité permanent des ressources naturelles dans lequel nous relevons un certain nombre de problèmes reliés à la réglementation et proposons des solutions concrètes.

Le président: Nous le recevrons avec plaisir, monsieur Keyes.

M. Keyes: Je le remettrai à la greffière après mon exposé.

Certaines de ces propositions ont trait à des dispositions administratives. Elles permettraient au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux de travailler plus efficacement tout en laissant intacts la législation et les pouvoirs existants. Cependant, les dispositions administratives ne peuvent faire qu'une partie du travail. Pour qu'il y ait de réels progrès, il faut une révision complète des régimes réglementaires coûteux et vétustes axés sur les processus plutôt que seulement les résultats.

Notre troisième question au sujet des activités fédérales qui peuvent être réduites davantage, commercialisées, privatisées ou cédées rejoint ce dont je viens de parler. Le gouvernement fédéral doit renoncer à certains de ses régimes centralistes désuets et coûteux. Nous ne pouvons plus laisser deux paliers de gouvernement ou plusieurs ministères du gouvernement fédéral fonctionner comme ils l'ont fait jusqu'ici. Nous n'en avons plus les moyens.

Le budget est l'exposé vedette du gouvernement sur son orientation, sa ligne de conduite et son action en matière économique. L'exposé budgétaire est donc l'occasion idéale pour le ministre des Finances d'affirmer davantage son engagement vis-à-vis d'une réforme de la réglementation et d'annoncer des mesures concrètes en vue d'une telle réforme. C'est également une occasion, ce qui est plus important, d'indiquer clairement que le gouvernement entend bien apporter des réformes importantes et sérieuses.

.1010

En conclusion, je répète le message-clé que nous voulons vous laisser ce matin. Nous pensons que le comité devrait recommander au ministre des Finances de renforcer son engagement vis-à-vis d'une réforme de la réglementation dans son prochain budget. Nous y voyons au moins deux grands avantages: le gouvernement pourrait être plus efficace et avec le temps un secteur privé plus dynamique pourrait créer des emplois, de la croissance et de la richesse pour les Canadiens.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Keyes.

Monsieur McNeil, s'il-vous-plaît.

M. D. Patrick McNeil (vice-président, Affaires publiques, Association canadienne de l'électricité): Merci, monsieur le président, et membres du comité. Good morning, bonjour.

Permettez-moi d'abord de vous remercier de permettre à l'Association canadienne de l'électricité de participer à votre discussion de ce matin avec les représentants des autres secteurs de l'industrie canadienne.

L'Association canadienne de l'électricité est le porte-parole national de l'industrie canadienne de l'énergie électrique. Nos membres incluent tous les grands services de production, de transmission et de distribution au Canada. Ensemble, ils comptent pour plus de 97 p. 100 de la capacité installée de la production d'électricité au pays.

Nos membres incluent également plusieurs des principaux fournisseurs de l'industrie. Le secteur des services d'électricité est l'un de ceux que le comité des finances a eu tendance à négliger par le passé lors de ses consultations prébudgétaires. Vous vous souvenez sans doute, néanmoins, des protestations de plusieurs de nos membres du secteur privé à la suite du dernier budget du ministre Martin.

L'élimination du remboursement de taxes aux entreprises qui existait en vertu de la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique a nui gravement à plusieurs de ces entreprises et à leurs clients.

En vertu de la Constitution canadienne, l'électricité relève essentiellement de la compétence des provinces. Plusieurs de nos membres importants sont de fait des sociétés d'État provinciales qui ne sont pas assujetties à la Loi fédérale de l'impôt sur le revenu et voient leurs emprunts garantis par les gouvernements provinciaux.

Aussi, nos membres n'ont pas eu tellement besoin de s'entretenir avec le gouvernement fédéral par le passé au sujet des mesures fiscales ou des emprunts; cependant, la situation, les marchés, l'industrie de l'énergie électrique sont en train de changer. La concurrence mondiale a eu un impact important sur les clients industriels de nos membres. Ces clients sont maintenant extrêmement conscients des coûts et extrêmement exigeants quant aux frais qu'on exige d'eux pour leurs services d'électricité.

La concurrence entraîne également des changements dans la façon dont fonctionnent les entreprises d'électricité. Les changements récents proposés par la Federal Energy Regulatory Commission américaine en réaction à la Energy Policy Act de 1992 commencent à frapper les entreprises canadiennes sur les marchés d'exportation.

Beaucoup de gouvernements provinciaux revoient actuellement la façon dont ils souhaitent servir leurs consommateurs d'électricité à l'avenir. Ils se demandent entre autres s'il est essentiel ou même souhaitable que les services d'électricité continuent d'appartenir au secteur public.

Le gouvernement de l'Ontario a récemment annoncé la création d'un comité consultatif spécial chargé d'examiner les options en vue d'une introduction progressive de la concurrence en Ontario sur trois plans: les changements structurels à apporter à l'industrie de l'énergie électrique; les réformes réglementaires nécessaires en vue d'assurer un milieu sain et concurrentiel; enfin, l'apport de capitaux privés au secteur des entreprises d'électricité.

De nouveaux modèles de propriété seront envisagés et discutés dans plusieurs législatures au fur et à mesure où l'industrie continuera de se réorganiser. Il est possible que certaines entreprises du secteur public passent aux mains d'investisseurs privés. Si ces entreprises sont un jour assujetties aux taxes fédérales et aux règles normales d'emprunt, il conviendra d'examiner de plus près les besoins de l'industrie en matière fiscale et de dépenses.

Monsieur le président, l'industrie canadienne des entreprises d'électricité évolue rapidement et force les entreprises et leurs clients à réagir. Vous pouvez être assurés que l'industrie canadienne de l'électricité prendra les mesures nécessaires pour informer adéquatement votre comité des changements qui se produisent ainsi que des nouveaux besoins de ses membres.

En terminant, pour vous donner une idée des répercussions possibles de ces changements, je vous cite certains faits concernant l'industrie. Les entreprises d'électricité emploient 93 000 personnes au Canada, ce qui représente un peu moins de 1 p. 100 de tout l'emploi au pays.

La contribution de l'industrie au produit intérieur du Canada a atteint presque 4 p. 100 en 1993. L'actif total des entreprises canadiennes d'électricité dépasse les 140 milliards de dollars, c'est 7,5 p. 100 du stock de capital à l'intérieur de l'économie, en excluant le secteur résidentiel.

Trois entreprises - Hydro-Québec, Ontario Hydro et B.C. Hydro - viennent au deuxième, troisième et septième rang parmi toutes les entreprises canadiennes pour ce qui est de l'actif.

La dette totale des entreprises d'électricité en 1993 atteignait 88 milliards de dollars, dont 36 p. 100 se trouvaient aux mains d'investisseurs étrangers. Les services d'électricité ont toujours été des emprunteurs responsables et leur facilité à rembourser leurs emprunts a fait que le Canada est considéré comme l'un des pays les plus sûrs et les plus stables où investir.

.1015

Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de poursuivre la discussion avec vous.

Le président: Merci, monsieur McNeil.

Monsieur Smith, vous n'avez pas établi d'objectifs au-delà de 1996-1997 pour ce qui est du déficit. Avez-vous une idée de ce qu'il pourrait être?

M. Smith: Nous espérons qu'il sera de moins de 20 milliards en 1997-1998 et zéro d'ici 1999 et l'an 2000.

Le président: Ceux d'entre vous qui ont émis une opinion sur le sujet estiment donc que nous devons équilibrer notre budget d'ici 1998-1999.

M. Smith: Oui.

Le président: Permettez-moi de vous poser cette question. Comment voyez-vous la situation de l'emploi dans vos secteurs d'ici 1998-1999?

Vous représentez les grandes entreprises et celles-ci n'ont pas créé beaucoup de nouveaux emplois récemment. Ou encore, notre analyse n'est pas juste et nous pouvons nous attendre à ce que les grandes entreprises canadiennes se mettent à créer beaucoup de nouveaux emplois, ce qui nous réjouirait tous.

M. Smith: Au début des années 1990, les perspectives ont semblé assez sombres pour le secteur de l'aérospatiale. Comme tous les autres, il a été touché par la récession. Il se produit un regroupement dans ce secteur, il y a des fusions et des acquisitions; des économies sont également réalisées grâce à l'introduction de procédés de fabrication plus efficaces.

Je suis ravi de pouvoir répéter ce que j'ai dit dans mon exposé, à savoir que l'on est à l'aube d'une croissance dans le secteur de l'emploi, puisque les prévisions sont de 11 milliards de dollars pour cette année et jusqu'à 15 milliards de dollars d'ici 1999.

Pas plus tard qu'hier, c'est la compagnie Pratt & Whitney qui s'est vue octroyer le contrat de fabrication de moteurs de type JPATS pour l'armée américaine. La compagnie cherche actuellement 350 ingénieurs, ce qui est un nombre sans précédent, dans le secteur de l'emploi de technologie de pointe.

Chacun de nos membres et nous en avons 120 - a connu un taux de croissance, certaines autour de 11 p. 100 et d'autres jusqu'à 48 p. 100. Or, tous recrutent aujourd'hui dans le secteur de la haute technologie. Je veux simplement...

Le président: Vous prévoyez donc que le taux d'emploi augmentera jusqu'en 1998-1999?

M. Smith: Certes, mais à la condition que l'Association des industries aérospatiales ne modifie en rien la position qu'elle a adopté depuis huit à dix mois. Je vous rappelle que dans son budget de février dernier, le gouvernement annonçait qu'il abolirait le programme de productivité de l'industrie de la défense; je voudrais simplement réitérer ce que certains de mes collègues ont dit ce matin au sujet de l'abolition des subventions aux entreprises...

Je pense que l'on a apporté une correction à la position prise par l'Association des industries aérospatiales...

Le président: Nous y reviendrons.

M. Smith: Je réitère que la croissance dépend des investissements et que le taux de croissance que l'on constate aujourd'hui dans le secteur de l'aérospatiale dépend des investissements en recherche et développement qui ont été faits il y a 5, 6 ou même 7 ans.

Tout cela est très important si l'on veut maintenir la compétitivité de notre industrie. Je crois qu'il faudrait parler des mécanismes...

Le président: Le Conseil canadien des chefs d'entreprises et la Chambre de commerce ont demandé l'élimination de toutes les subventions aux entreprises.

M. Smith: Je pense que le Conseil canadien des chefs d'entreprises veut modifier sa position.

Le président: M. d'Aquino, croyez-vous qu'il y aura augmentation dans l'emploi de vos 150 membres au cours des quatre prochaines années, et quel en sera le rythme?

M. d'Aquino: Oui, monsieur le président.

Laissez-moi d'abord énoncer quelque chose d'important au sujet de la création d'emplois. Presque tous ceux qui sont sur la scène politique au Canada - votre comité, le gouvernement et même l'Opposition - se sont laissés convaincre que les grandes entreprises non seulement ne créaient pas d'emplois mais qu'elles n'étaient pas intéressées à en créer.

Il faut savoir qu'en réalité...

Le président: Nous vous écoutons.

M. d'Aquino: ...si l'on remonte aux années 1980, les emplois ont toujours été un atout pour le Canada.

Si l'on regarde d'où provenait ces emplois, il est vrai que les grandes entreprises... Il faut faire attention à ce que l'on entend par grandes entreprises, car à l'échelle du monde, nos grandes entreprises sont en fait très petites. Donc, au départ, il faut bien se comprendre lorsqu'on parle de grandes et petites entreprises dans un monde où la concurrence est à l'échelle de la planète.

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Deuxièmement, la restructuration que l'on a connue a abouti à la création d'un nombre incalculable d'entreprises et d'emplois. Donc, à l'idée que l'on puisse mettre les grandes entreprises dans une case...

Le président: Pardon, monsieur d'Aquino, mais je n'avais pas l'intention d'ouvrir la discussion; je voudrais donner la parole aux membres du comité le plus rapidement possible.

M. d'Aquino: Je répète donc qu'en effet, il y aura par ricochet création d'emplois et que ces emplois découleront d'activités satellites; mais il faut faire le lien entre les deux, sans quoi vous donnerez l'impression qu'un secteur se tourne les pouces alors que l'autre, celui de petites entreprises, est celui qui crée tous les emplois. C'est un lien qui a son importance, et c'est ce que je tenais à souligner.

M. Orr: Deux observations, monsieur le président. Les mesures que nous recommandons devraient entraîner une augmentation constante, mais non spectaculaire, de la création d'emplois.

Quant au niveau du taux de chômage, c'est une autre paire de manches qui doit tenir compte de la taille de la population active. Avec des taux de chômage relativement élevés, si la croissance dans l'emploi reste relativement stable, le taux de chômage ne pourra pas baisser tant que cela, car ceux qui ne font pas actuellement partie de la population active s'y trouveront intégrés.

M. Stinson: C'est une question difficile, mais j'ai l'impression que le secteur des produits forestiers ne connaîtra aucune modification de son niveau d'emploi d'ici un ou deux.

Du côté des pâtes et papier, la plupart des entreprises fonctionnent presqu'au maximum. En fait, nous connaissons actuellement un léger ralentissement à cause d'une correction apportée à l'inventaire, mais on s'attend à ce que la demande de produits de pâtes et papier reste relativement forte au cours des deux prochaines années.

Si nos membres augmentent de façon marginale leur capacité, cela pourrait peut-être compenser la restructuration permanente et les augmentations de productivité connues au fil des ans.

L'emploi augmentera donc, d'après moi, mais de façon à peine sensible.

Le président: Il y a eu de grosses compressions dans votre industrie depuis cinq ans, n'est-ce pas?

M. Stinson: En effet.

Le président: La tendance se maintiendra ou augmentera légèrement au cours des cinq prochaines années?

M. Stinson: C'est exact.

M. Bulmer: Peu importe le scénario envisagé, la pêche ne peut que péricliter, étant donné que nos ressources périclitent elles aussi. Tout dépend des subventions et des programmes que le gouvernement est près à nous offrir pour ralentir la chute.

Il y a une énorme capacité excédentaire, à la fois chez les pêcheurs et chez les travailleurs des produits de la pêche, qu'il faudra éliminer. Nous parlons ici de milliers de personnes qui devront trouver une autre raison économique de continuer à vivre dans les régions côtières.

M. Keyes: Si l'on considère le pire scénario, les nouvelles technologies permettront d'améliorer toujours plus la productivité, ce qui signifie une diminution des emplois et certaines fermetures de mines au fur et à mesure que les dépôts miniers s'épuiseront.

Quant au scénario optimiste, les perspectives sont très intéressantes au Yukon, au Labrador, dans le Nord du Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest pour la prospection des diamants. Beaucoup de ces projets en sont encore à l'étape de la planification et des évaluations environnementales.

Si on leur accorde le feu vert, l'exploitation pourra démarrer, ce qui stimulera vigoureusement l'industrie. N'oublions pas non plus l'effet multiplicateur de trois à un et les retombées des emplois créés dans l'industrie.

Nous espérons que le ralentissement à long terme que nous avons vécu pourra être stoppé grâce à ces nouveaux projets, une fois que l'exploitation aura démarré.

M. McNeil: Malheureusement, monsieur le président, les perspectives d'emploi dans le secteur de l'électricité ne sont pas réjouissantes. Les compagnies ainsi que les clients se préoccupent beaucoup plus qu'auparavant des coûts, et comme il y a de moins en moins de projets à fortes immobilisations dans notre industrie, on ne peut s'attendre à ce que les perspectives d'emplois dans ce secteur soient reluisantes, du moins à court terme.

Notons cependant, que si l'industrie de l'électricité est en train de se restructurer, c'est pour mieux servir ses clients et pour conserver ses emplois.

Le président: Merci. Pourrions-nous prendre une pause de quelques minutes? Nous reviendrons ensuite avec les diverses questions que voudront vous poser les membres du comité.

Nous prenons une pause de quelques minutes.

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Le président: Pouvons-nous reprendre? Nous passons maintenant aux questions et commentaires des députés. Je céderai toutefois la parole, avant la fin du comité, à chacun de nos invités.

D'abord, monsieur Silye.

M. Silye (Calgary-Centre): Merci, monsieur le président. Je remercie tous ceux qui nous ont fait ce matin un exposé.

En cette période de consultations pré-budgétaires, il est des plus intéressants d'entendre ce que chacun a à dire, de voir comment tout cela est résumé et de constater la forme que tout cela prendra dans le prochain budget.

Les consultations de l'année dernière ont donné relativement de bons résultats, et j'espère qu'il en sera de même pour celles de cette année.

Ce que les dix économistes de l'autre jour nous ont dit et ce que vous me dites aujourd'hui, c'est de la musique à mes oreilles; en effet, tout comme M. Orr, je suis convaincu que le problème c'est la dette. Tous les autres ont affirmé qu'il fallait s'attaquer au déficit, et tous ont parlé d'objectifs à atteindre sur le plan du déficit. Vous êtes le premier à avoir blâmé la dette. Si vous reconnaissez que la faute est à la dette, vous devez alors opter pour une stratégie différente, car vous vous devez d'équilibrer plus rapidement votre budget.

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Puisque je fais partie de l'opposition, je me dois de critiquer de façon constructive le ministre des Finances actuel. C'est ce que j'essaie de faire, et de lui faire reconnaître que c'est son gouvernement qui fixe les objectifs de façon qu'ils soient bons et avantageux pour l'économie. Si les objectifs ne sont pas assez musclés, l'économie s'en ressentira. Il vaut mieux chercher à accélérer les choses qu'à les ralentir, et équilibrer son budget est important. Je mets au défi le ministre actuel des Finances d'en présenter un qui soit équilibré, car il sait bien gaussé jusqu'à maintenant - et c'est son droit - du programme d'abolition du déficit en trois ans du Parti réformiste.

J'aimerais remercier M. Orr pour ce qu'il a dit dans son exposé, et j'espère que le ministère des Finances l'écoutera.

Quant à l'exposé de M. Stinson, j'aimerais préciser quelque chose qui concerne également notre président. Je crains qu'il n'y ait eu malentendu.

Dans votre exposé, monsieur Stinson, je crois vous avoir entendu dire que, d'après vous, l'objectif devrait être un budget équilibré sur les trois prochaines années. Le président vous a alors demandé des précisions, et vous avez dit que ce devait être le cas pour 1998-1999, mais je ne pense pas que c'est vraiment ce que vous vous vouliez dire. J'aimerais que vous reveniez un peu en arrière, car je pense que ce que vous aviez en tête, c'est deux ans plus tôt que ce que vous a demandé le président.

Nous venons de recevoir les chiffres du déficit pour 1995, et ils sont de 37,5 milliards de dollars. Pour l'exercice 1995-1996, c'est-à-dire pour la première année, on projette 32 milliards de dollars. Si on calcule deux ou même trois ans, cela nous mènerait à l'exercice 1997-1998: il faudrait donc, à la fin de l'exercice 1998-1999, avoir un budget équilibré, alors que le gouvernement a fixé la réduction du déficit à 3 p. 100 à peine de son PNB.

M. Stinson: J'avais en tête, en effet, les trois prochains exercices, c'est-à-dire d'ici 1998-1999. Je serais ravi que l'on cherche à aller plus vite, mais...

M. Silye: Vous allez donc plus loin et vous acceptez même le déficit de 32 milliards de dollars d'ici la fin de cet exercice-ci, soit 1995-1996.

M. Stinson: Oui.

M. Silye: Et trois ans à partir de ce moment-là.

M. Stinson: Oui.

M. Silye: Dans ce cas, c'est le président qui avait raison.

M. Stinson: Si vous reconnaissez à quel point il est difficile de mobiliser l'opinion et qu'il sera ardu de mettre en oeuvre les compressions, vous comprendrez que l'objectif le plus raisonnable, c'est sans doute d'ici les trois prochains exercices.

M. Silye: Très bien.

Monsieur d'Aquino, ce que vous avez dit au début de votre exposé a semé la confusion chez moi: vous avez affirmé que l'objectif prévu de réduction du déficit, c'est-à-dire 37,5 milliards de dollars, vous semblait encourageant. J'imagine que ce qui vous encourage, c'est que le déficit est à la baisse et non pas à la hausse, et que ce n'est pas parce que l'on a utilisé une autre méthode comptable pour faire les calculs entre la première et la deuxième année.

Vous avez dit être satisfait de 32 milliards de dollars pour 1995-1996 et que cet objectif serait sans doute dépassé. L'objectif de l'année suivante vous convenait également, mais vous avez ensuite affirmé que vous souhaitiez un budget équilibré. Vous avez même parlé d'un budget équilibré d'ici deux ans.

D'une part, vous félicitez le gouvernement de s'être fixé des objectifs en matière de réduction du déficit, pour les trois prochaines années, objectifs que je considère plutôt mous; mais d'autre part, vous affirmez aussi que le budget devrait être équilibré d'ici deux ans, ce qui correspond à ce que nous ont dit plusieurs des économistes qui ont comparu il y a une ou deux semaines, à savoir que les objectifs, à partir de 1995-1996, devraient être de 3 p. 100, de 1,5 p. 100 et de 0 p. 100, soit l'élimination du déficit en trois ans.

Monsieur d'Aquino, pourriez-vous nous expliquer ce qui semble être contradictoire?

M. d'Aquino: Ce n'est pas contradictoire. J'ai dit que le gouvernement dépasserait l'objectif qu'il s'est fixé pour lui-même en termes de déficit. Il l'a dépassé l'an dernier, il le fera de nouveau cette année, et c'est pourquoi nous l'en avons félicité. Mais ce que nous avons dit, c'est qu'il devrait se fixer un objectif en termes de déficit de 1,5 p. 100 du PNB - et pas plus - d'ici 1997-1998 et de0 p. 100 d'ici 1998-1999.

C'est ce que nous avons toujours affirmé, et nous n'avons pas changé d'avis. Mais cela, c'est le minimum le plus strict. Nous devrions faire mieux encore.

Je suis prêt à parier avec le député que le gouvernement actuel ne fera pas mieux. Il n'y a aucune raison de ne pas exercer d'énormes pressions sur le gouvernement, mais nous avons dit très clairement que le déficit devrait baisser à 13 ou 14 milliards d'ici 1997-1998, et devrait être complètement éliminé l'année suivante. Nous n'avons jamais changé nos chiffres. Je m'excuse, si je n'ai pas été clair dans mon exposé.

.1040

M. Silye: Bien, merci.

La plupart des témoins nous ont demandé de ne pas imposer de nouvelles taxes et nous ont demandé d'éliminer ou de limiter certaines dépenses. J'imagine que vous parliez de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. Le gouvernement actuel n'a certes pas augmenté les impôts des contribuables, mais il a tout fait pour trouver d'autres sources d'impôt par le truchement de taxes d'accise, et d'autres taxes encore. Qu'avez-vous à dire au sujet des taxes? Quelqu'un veut-il répondre?

M. Keyes: Au Canada, le fardeau fiscal s'est déplacé: il est passé des impôts sur bénéfices aux impôts sur des éléments non productifs de bénéfices, ou aux charges sociales. Le budget de l'an dernier prévoyait l'augmentation de la taxe sur le capital, ce qui nous a semblé des plus injustes. On nous demande d'investir, mais une fois que le capital est engagé, on frappe d'impôt tout le capital que vous avez accumulé, ce qui semble un peu injuste et surtout improductif.

Tous les chiffres, dans une optique macro-économique, démontrent qu'il y a eu déplacement des impôts sur bénéfices vers les impôts non productifs de bénéfices. D'après nos travaux, l'élément non productif des bénéfices a crû beaucoup plus rapidement que l'inflation depuis les années 1980. Dans notre domaine, il est impossible de refiler l'augmentation des coûts à nos clients, puisque nous vendons nos produits au prix mondial. Donc, toute augmentation de taxe de ce genre nuit à notre position concurrencielle.

Mais j'allais insister auprès du gouvernement pour qu'il y réfléchisse à deux fois avant d'augmenter des taxes du genre, car cela nous accule au pied du mur.

M. Smith: J'ai dit pour ma part que le gouvernement ne devrait pas toucher aux impôts sur le revenu, ni celui des sociétés ni celui des particuliers. Vous ne le savez peut-être pas, mais l'aérospatiale appartient à 60 p. 100 à des étrangers, et voilà pourquoi il est extrêmement difficile de muter au Canada des employés des divers sièges sociaux et vice-versa. Il se trouve que l'obstacle le plus imposant, c'est celui de l'impôt sur le revenu des particuliers, et il est évident que les investissements que voudront bien consentir les grandes sociétés à leurs filiales canadiennes dépendront énormément du taux d'imposition qu'elles devront payer au Canada.

M. Silye: J'ai une dernière question à l'intention de M. Smith. Comme elle pourra sembler difficile, je vous serais reconnaissant d'écouter.

Vous avez indiqué dans votre présentation n'être en faveur d'aucune nouvelle taxe, préconiser certaines coupures dans les dépenses. Vous avez dit être contre le développement régional. Vous avez ensuite parlé de privatisation, ce qui est très bien. Après, vous avez dit qu'on devrait couper dans les sports. Je comprends mal comment un homme comme vous, qui croit tellement aux sports, pourrait préconiser des coupures dans ce domaine. J'aimerais savoir comment vous justifiez cela. J'aimerais également que vous me disiez pourquoi vous croyez aux subventions.

M. Smith: Pour répondre à votre question, je faisais allusion essentiellement au double emploi dans certaines sphères de responsabilité et même, dans certains cas, au triple emploi aux paliers fédéral, provincial et municipal.

Pour être plus précis concernant le développement régional, si je comprends bien la situation actuelle, à cause des coupures budgétaires qui se sont produites au fil des ans, coupures auxquelles nous avons souscrit afin d'atteindre les cibles établies par le gouvernement actuel, il semblerait que les organismes régionaux tels qu'ils existent aujourd'hui ont beaucoup moins d'argent pour faire ce qu'ils étaient censées faire il y a de nombreuses années, et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Je crois qu'essentiellement, ils ont fait ce qu'ils avaient à faire.

La difficulté que je vois maintenant, monsieur Silye, c'est qu'étant donné qu'ils ont moins d'argent, ils doivent davantage travailler sur le plan des idées. Ce que je veux dire, c'est que d'autres administrations fédérales, Industrie Canada et d'autres, font la même chose.

Je pense que cela mérite réflexion. Je ne suggère pas leur élimination. Je dis tout simplement que lorsque j'examine les fins ajustements exigés entre les différents ministères... J'ai mentionné à cet égard le ministère de l'Environnement, les sports, seulement dans la mesure où il semblerait qu'il y ait moyen de diviser les responsabilités autrement et éviter le dédoublement dans ce domaine.

En ce qui concerne les subventions, je vais peut-être vous surprendre. Je suis complètement contre les subventions pour ce qui est de l'aide aux entreprises, et ce que je suggère c'est l'approche que le gouvernement doit prendre relativement au partage du risque, qui serait complètement remboursable...

.1045

Dans le domaine de l'aérospatiale, l'investissement est beaucoup trop important pour être absorbé par une seule compagnie. Mais collectivement, je pense que le ministre des Finances et ce gouvernement ont dit à de nombreuses reprises qu'ils devaient faire en sorte que tout le monde soit sur un pied d'égalité.

À ce sujet, si vous jetez un coup d'oeil à ce que font nos concurrents - au fait, les ventes de tous nos concurrents sont à la baisse et on prévoit qu'elles le seront pour les 4 ou 5 prochaines années, surtout parce qu'elles sont liées à la défense.

Seulement 20 à 25 p. 100 du chiffre d'affaires des entreprises aérospatiales canadiennes provient du domaine de la défense. Nous avons les avions d'affaires, les aéronefs navettes, l'avionique, l'électronique, CAE et son entreprise de simulateur, qui sont toutes des applications commerciales, et je suis très fier de dire que ce sont des applications doubles.

Ce que je veux dire c'est que nous ne demandons pas la charité, nous ne cherchons pas des subventions, mais les sommes importantes d'argent nécessaires et les délais très longs pour l'élaboration des produits nécessitent un partenariat. Je pense que ce gouvernement comprend très bien qu'il doit se pencher sur la question. Il ne s'agit pas de chercher de nouveaux fonds. Je pense qu'il est plutôt question de réaliser des économies au sein des enveloppes de dépenses gouvernementales actuelles pour permettre l'utilisation de cet argent.

Je répète, monsieur Silye, que je ne connais aucun autre secteur représenté dans cette salle aujourd'hui qui peut affirmer avec fierté avoir investi 1,4 milliard de ses propres dollars dans la recherche et le développement l'an dernier.

M. Silye: Eh bien, merci beaucoup, monsieur Smith. Je me souviens de tous les ballons que vous avez bloqués à mon intention à l'Université d'Ottawa et je tiens à vous remercier. N'oubliez pas la Ligue canadienne de football.

Le président: Merci, monsieur Silye.

Madame Stewart, s'il vous plaît.

Mme Stewart (Brant): Merci, monsieur Peterson, et merci à vous tous, messieurs, pour avoir été aussi directs dans vos recommandations sur les stratégies que nous pourrions adopter pour réduire le déficit et la dette.

Vous avez tous recommandé que nous prenions immédiatement des mesures pour réduire le déficit à zéro et nous attaquer ensuite à la dette, par le biais surtout de coupures de dépenses. Vous ne voulez pas de nouvelles taxes.

Plus précisément, j'ai constaté que c'était M. Stinson - et je vous prie de me corriger si je me trompe, monsieur Stinson - qui a identifié, comme d'autres l'ont fait, la nécessité de couper les subventions aux entreprises. Mais je crois que vous avez également parlé de coupures dans les programmes de redistribution, comme la formation. Vous avez fait allusion à d'autres... Je ne sais pas si vous avez parlé de l'assurance-chômage. Peut-être que ce n'était pas vous, mais quelqu'un d'autre qui fait partie de cette catégorie du centre.

Il faut dire que la création d'emplois est un objectif difficile à réaliser, et que nous avons, comme tout le monde le sait, beaucoup de chômage. Nous apportons des améliorations. Quelqu'un - et je crois que c'était l'ancien premier ministre - a dit que jamais le taux de chômage ne tomberait sous la barre des 10 p. 100, c'est pourtant maintenant le cas. Au pays, nous faisons toujours face à un problème important et énorme qui consiste à trouver du travail pour ceux qui ont été mis à pied ou déplacés.

Le ministre des Finances répète constamment que ceux qui sont les plus aptes à faire un travail devraient le faire. Nous avons toujours pu compter sur l'assurance-chômage. Notre parti politique s'est attaché à veiller à ce que le gouvernement puisse aider ceux qui sont dans le besoin. Mais si nous coupons le financement des programmes de formation, surtout lorsque nous savons déjà que même ces emplois secondaires que nous créons exigent un recyclage... Il va falloir réorienter ces gens. Nous savons que certains Canadiens - et ici je vous parle surtout des travailleurs âgés - ne seront jamais capables de réintégrer le marché du travail et ne sont pas admissibles aux gains ouvrant droit à pension avant cinq ou sept ans.

Est-ce que les entreprises pourraient faire quelque chose de créatif pour aider ceux qui se trouvent coincés pendant cette période où nous nous affairons à réorganiser, à reconcevoir, à rééquiper, à comprimer les effectifs et à les équilibrer, et Dieu sait quoi?

Vous nous demandez de dépenser moins d'argent pour aider ces Canadiens et Canadiennes qui se trouvent coincés. Y a-t-il d'autres stratégies que nous pourrions envisager? Ne me dites pas qu'il faut surtout se débarrasser des tricheurs et des gens de ce genre, parce que nous savons que ces derniers ne représentent pas une grande partie de la population qu'il faut aider. Avez-vous quelques idées à cet effet?

M. d'Aquino: Monsieur le président, j'aimerais lancer la discussion sur ce sujet.

Il s'agit, bien entendu, de la grande question à laquelle toutes les sociétés occidentales industrialisées doivent faire face. Contrairement à ce que certains croient, la plus grande préoccupation de l'entreprise n'est pas de réduire les effectifs. Pour n'importe quelle entreprise, la décision la plus difficile c'est d'annoncer à quelqu'un que ses services ne sont plus requis. On veut surtout éviter cette situation, premièrement parce qu'il s'agit d'une décision si difficile à prendre et, deuxièmement, parce que le coût humain et familial est tellement élevé.

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Par conséquent, nous luttons depuis les dix dernières années, tout comme vous, pour trouver une solution visant la réintégration sur le marché du travail de ces gens sans emploi. Des pays cherchent ces mêmes solutions. Prenons l'exemple du Sommet sur l'emploi de Détroit et du sommet sur l'emploi que le président de la France veut convoquer à Lyon. Il est intéressant de constater que les éminences grises du monde industriel essayent de régler ce problème.

Il semble qu'on revienne toujours à la même question, c'est-à-dire qu'on ne peut pas régler le problème en dépensant plus d'argent. Comment expliquer le niveau d'endettement des pays de l'Europe de l'Ouest et de l'Amérique du Nord et leur taux de chômage à deux chiffres? Dépenser plus ne règle rien.

Deuxièmement, on semble tous être d'accord pour dire qu'une partie du problème est d'ordre structurel - les taxes, les obstacles qui existent sur le marché du travail. Pourquoi est-ce que le propriétaire d'une petite entreprise prend la décision de ne pas embaucher quelqu'un plutôt que de l'embaucher? Encore une fois, il faut revenir à cette grande pléthore de charges sociales. J'aimerais attirer votre attention sur une observation formulée par la Banque du Canada - et j'ai été ravi d'apprendre que la Banque vous avait fait part de ses observations - à savoir que les hausses apportées au revenu supplémentaire de travail, aux charges sociales comme les cotisations des employeurs à l'assurance-chômage, à l'assurance-maladie, à l'indemnisation des accidents de travail, au Régime de pensions du Canada et au Régime des rentes du Québec, ont réduit d'environ 1 p. 100 le niveau d'emploi en 1993. Il est évident qu'il faut se pencher sur cette question structurelle.

Les gens d'affaires doivent faire davantage en matière de formation. Ce que nous faisons n'est pas suffisant. Nous le reconnaissons tous. Nous devons faire plus.

Mme Stewart: Réfléchissez-vous à cette question?

M. d'Aquino: Oui, nous y réfléchissons. Si on consulte les chiffres réels portant sur la formation - et dans une certaine mesure, je dois faire amende honorable - , ils sont plus bas qu'ils ne le sont en réalité. Cela est en partie attribuable au fait que nous n'avons pas bien réussi à prendre en compte les activités qui se font dans une entreprise, petite ou grande, et à les englober sous le volet formation. Mais chose certaine, il faut faire plus.

N'oubliez pas qu'après chaque récession que nous avons traversée, le niveau de chômage a baissé, mais est resté légèrement plus élevé qu'après la récession précédente. Comment expliquer cela? À mon avis, cela est attribuable en partie à des raisons structurelles, en partie à des obstacles à la création d'emplois découlant de la politique gouvernementale et en partie à des pertes d'emplois au profit des États-Unis et d'ailleurs. Il n'y a pas de solution unique à ce problème. Comme l'ont montré les sommets sur l'emploi, ce phénomène est dû à de multiples raisons.

En conclusion, si nous avons tant critiqué la formation offerte par les gouvernements, c'est entre autres parce que tout le monde reconnaît qu'elle est inefficace. Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec vous pour dire qu'il faut faire davantage de formation, mais la véritable question est de savoir qui devrait s'en charger et si l'argent des contribuables est utilisé à bon escient dans les programmes de formation actuels.

Les milieux d'affaires, mais aussi les milieux universitaires et de nombreux premiers ministres de provinces où le chômage est élevé reconnaissent que les méthodes de formation du passé n'ont pas été couronnées de succès. Voilà pourquoi nous devons essayer de recourir à certaines...

Mme Stewart: C'est précisément ma question. Si nous acceptons cette prémisse, le milieu des affaires est-il disposé à envisager différemment ses responsabilités d'offrir aux Canadiens ce qu'ils souhaitent le plus, soit un emploi, compte tenu de la nécessité de contrôler les dépenses gouvernementales?

M. d'Aquino: Les employeurs vont toujours vouloir employer des personnes fortement scolarisées qui peuvent apporter une contribution valable à la population active.

Mme Stewart: [Inaudible - Éditeur]

M. d'Aquino: Je sais que ce n'est peut-être pas le moment pour en parler, mais le principal déterminant de la création d'emplois est l'éducation. Nous le savons, et nous savons aussi que cela ne résoudra pas le problème du métallo de 55 ans en chômage à qui l'on dit de s'inscrire à un cours de formation en vue d'un recyclage éventuel.

Mme Stewart: Que répondez-vous aux personnes qui nous incitent à réduire les dépenses gouvernementales parce que...

M. d'Aquino: Comment se fait-il que nous ayons enregistré de forts taux de chômage alors que le pays ploie sous une dette formidable? Manifestement, l'injection de fonds par le gouvernement n'est pas la solution. Il faut la chercher dans de nombreux secteurs: l'éducation, les milieux d'affaires, etc.. Il n'existe pas de solution simple pour régler ce problème.

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Cela dit, vous avez tout à fait raison. Il serait inacceptable que les pouvoirs publics n'essaient pas de régler le problème des travailleurs de 45 et 55 ans qui sont déplacés. On ne peut pas leur dire de retourner sur les bancs de l'école pour refaire toute leur scolarité de la maternelle à la 12e année. C'est ce qui est le plus difficile; ces gens-là ont besoin d'aide et il faut les aider. Cette aide doit surtout venir du gouvernement car il serait fort difficile pour les entreprises de consacrer des fonds au recyclage des travailleurs âgés de 55 ans.

Vous constaterez que les entreprises vont dépenser de plus en plus d'argent pour former les jeunes. Cette formation des jeunes est garante d'emplois pour l'avenir, garante de croissance et de prospérité.

Mme Stewart: Si nous pouvions cristalliser ces investissements d'une façon ou d'une autre, si les gens d'affaires pouvaient nous suggérer de nouvelles stratégies - car, comme vous l'avez dit, la solution réside dans la collaboration des milieux d'affaires, la politique gouvernementale, etc. - cela serait très important pour nous alors que nous essayons de faire ce que vous nous demandez de faire, mais parallèlement, ce que nous sommes censés faire, c'est veiller au bien-être des Canadiens.

M. Smith: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Vous comprendrez que de par son niveau d'expertise et de spécialisation, l'industrie de l'aéronautique est fort différente d'autres secteurs, mais j'inviterais le gouvernement à examiner un certain nombre d'obstacles que j'ai constatés. Un grand nombre de licenciements dans le domaine de l'aéronautique ont donné lieu à un phénomène intéressant, soit la création de petites entreprises dans le domaine de l'entretien et de la réparation de moteurs et autres choses du genre.

Il y a une chose qui continue de me frustrer et comme je représente les milieux d'affaires, j'avoue ne pas avoir examiné la chose de très près, sauf que j'ai entendu des plaintes à ce sujet. Il y a de nombreux cadres intermédiaires qui ont perdu leurs emplois au cours de la récession et qui pourraient apporter une aide précieuse aux petites et moyennes entreprises. Je crois savoir qu'il existe des obstacles systémiques les empêchant de tirer parti d'une transition vers le secteur privé, notamment pour ce qui est de l'accès aux prestations d'assurance-chômage ou à des indemnités de cessation d'emploi. Même s'ils n'ont pas de diplômes officiels, l'expérience que ces personnes peuvent apporter à la croissance d'une PME, constituerait un atout formidable pour le pays.

Mme Stewart: Envisageriez-vous de les payer pendant un certain temps s'ils faisaient ce genre de travail?

M. Smith: Oui, certainement. Je pense qu'il faut se pencher sur ce genre de mesures. Manifestement, il y aurait des risques d'abus, mais compte tenu de l'expérience de notre secteur, si l'on considère les retombées positives pour les PME, il faut envisager de tirer parti de cette mine de compétences. Peut-être que ces gens-là ne feraient rien pendant deux ou trois mois, mais par ailleurs ils pourraient offrir le stimulant dont une entreprise a besoin pour formuler un plan d'affaires et aller chercher des capitaux, toutes ces choses que les dirigeants n'ont pas le temps ou la compétence de faire. Il serait peut-être avantageux d'explorer cette avenue en particulier. Il y a un bassin de travailleurs compétents qui sont disponibles du fait qu'ils ont été victimes des circonstances économiques.

Mme Stewart: Monsieur le président, j'ai une autre brève question. À l'exception d'un seul d'entre vous, vous êtes d'accord pour que l'on réduise les subventions aux entreprises. Je me demande ce que vos membres respectifs pensent de cela. Franchement, lorsque des entreprises envisagent de s'établir dans ma propre circonscription, leurs dirigeants continuent à demander ce qu'on peut leur offrir. Ils veulent savoir ce qu'on peut leur offrir s'ils viennent s'installer dans notre région. Je me demande combien de temps il faudra pour changer cette politique gouvernementale qui existe depuis des années.

M. Orr: À la Chambre de commerce du Canada, depuis plusieurs années, nous discutons de cela et d'après les résolutions adoptées à la réunion annuelle au sujet des subventions aux entreprises, il est évident que la majorité de l'argent consacré aux subventions aux entreprises est considérée par nos membres comme leurs revenus. C'est-à-dire qu'ils ne recommandent pas de réduction sans y avoir mûrement réfléchi, car c'est un exercice plutôt douloureux pour eux. S'ils le font, c'est qu'ils savent pertinemment que le problème de la dette est très sérieux et qu'ils sont prêts à assumer leur part du fardeau.

Mme Stewart: Ils sont aussi prêts à sensibiliser leurs membres aux raisons qui les poussent à recommander cela?

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M. Orr: Il y a eu énormément de discussions, de réunions, etc., qui ont été consacrées aux subventions aux entreprises. Je signalais tout simplement que ces subventions représentent en fait, directement ou indirectement, les revenus de nos membres, et qu'ils ont convenu d'une résolution. Comme vous le savez, on prévoit de réduire de 60 p. 100 ces subventions d'ici deux ans, d'ici 1996-1997. Et c'est en sus de la baisse des dépenses de programmes du gouvernement, qui est de l'ordre d'environ 9 p. 100.

À l'assemblée annuelle de cette année, les membres de la Chambre ont recommandé que le gouvernement aille encore plus loin dans la réduction des subventions aux entreprises. Le texte de la résolution réclamait «l'élimination complète de la plupart de ces subventions». Il pourrait donc y avoir quelques rares subventions pour des activités particulières, mais si l'on suivait la résolution de la Chambre, les subventions aux entreprises ne seraient plus qu'un pâle reflet de ce qu'elles étaient il y a plusieurs années.

M. Bulmer: Dans notre secteur, nous avons assisté à la réduction du budget de l'APECA. Nous nous en servions. La subvention au transport des produits en provenance du Canada Atlantique était un grand avantage.

Nous ne sommes pas contre l'élimination de tout cela, mais ce qui nous préoccupe, c'est que personne au gouvernement ne semble additionner tout cela pour calculer l'incidence cumulative, parce que si cela disparaît et que le montant ainsi retranché s'ajoute aux coûts réels de l'entreprise, il ne restera peut-être plus suffisamment d'argent pour payer d'autres taxes que l'on ajouterait par ailleurs.

Nous avons donc essayé de faire une mise en garde à l'intention du gouvernement: Vous ne pouvez pas gagner sur tous les tableaux; vous ne pouvez pas introduire de nouveaux droits, de nouvelles taxes, et supprimer en même temps les subventions, ajoutant ainsi aux coûts réels de livraison de nos produits. En fait, il n'y a aucun effort, aucun mécanisme dans l'appareil gouvernemental pour calculer le résultat global de tout cela pour le secteur de la pêche, ou encore des forêts, ou des mines, etc.

Mme Stewart: Il faut donc adopter une approche équilibrée et reconnaître que si l'on doit opérer des changements, il faut le faire dans un cadre contrôlé et stable, par opposition à une action brutale qui vous obligerait à subir le contrecoup de tout cela en même temps.

M. Bulmer: Il vous faudra choisir. Si la marge de manoeuvre est mince, quelqu'un devra choisir entre réduire une subvention ou percevoir une nouvelle taxe. Vous ne pouvez pas agir sur les deux plans.

Au sujet de la formation, je voulais ajouter que nous avons constaté qu'il était utile de faire appel aux entreprises pour mettre la formation à la portée des gens. Surtout dans les petites localités où nos entreprises sont situées, le problème est que l'on n'arrive pas à convaincre les gens de se rendre en voiture jusqu'à St. John's pour suivre des cours dans un cadre officiel. Nous avons constaté que si on installe l'école à la cafétéria de l'usine, les gens s'y sentent à l'aise. Nous trouvons donc beaucoup plus fructueux d'offrir la formation par l'entremise des entreprises plutôt que de s'en remettre aux écoles et aux structures existantes qui aiment bien s'en charger parce que cela ajoute de l'argent à leur budget, mais nous croyons que c'est loin d'être aussi efficace.

Mme Stewart: Nous devons pouvoir compter sur votre aide dans tout cela.

Le président: Avez-vous autre chose à dire au sujet de cette question précise, ou bien pouvons-nous passer à autre chose? Très brièvement, monsieur d'Aquino.

M. d'Aquino: Madame Stewart, la raison pour laquelle l'entreprise réclame l'élimination de la plupart des subventions, c'est parce que ces subventions sont injustes, de façon flagrante. En effet, si une entreprise reçoit une subvention, tandis que son concurrent n'en a pas, cela crée un problème. Aux gens qui me demandent, mais pourquoi donc ne cessez-vous pas d'en demander, je réponds que c'est parce que l'argent est offert.

Maintenant, monsieur le président, pour dissiper toute ambiguïté, on vous a dit ce matin que le Conseil des chefs d'entreprise préconise l'élimination totale des subventions. Je vous ai écrit à ce sujet et il est très important de préciser clairement que, depuis plus longtemps que la plupart des gens, nous soutenons qu'il faut supprimer entièrement tous les cadeaux aux entreprises. Mais nous avons également soutenu que lorsque les compagnies doivent soutenir la concurrence dans un environnement économique mondial sans être défavorisées, il est très important de nuancer cet argument en introduisant le principe, non pas d'une subvention prenant la forme d'un cadeau comme celle que nous avons connue, mais plutôt d'une - je n'utiliserai même pas le mot «subvention» - forme de prêt remboursable ou de partenariat entre le gouvernement et l'entreprise, c'est-à-dire que l'entreprise remboursera le montant qui lui est accordé, principal et intérêt. Je sais que dans leur grande hâte de supprimer toutes les subventions, les membres de votre parti à la Chambre ont peut-être reconsidéré leur position et j'espère que l'on tiendra davantage compte de cette nuance ou de cette subtilité.

Le président: Je dois dire que je suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire, monsieur d'Aquino. Nous devons être conscients de la réalité de la concurrence internationale. Je suis certain que M. Smith serait très réconforté par vos propos.

Monsieur Campbell, vous avez la parole.

M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président.

Les commentaires sur la disponibilité des subventions me rappellent la vieille plaisanterie à propos des pigeons dans la boîte de Skinner. L'un des pigeons se tourne vers son voisin et dit: à chaque fois que j'appuie sur ce bouton, ils me nourrissent. Je pense que les psychologues s'imaginaient qu'ils étaient en train d'entraîner les pigeons.

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Il arrive souvent à ce comité que l'on doive se faire l'avocat du diable pour compenser l'absence de porte-parole d'un point de vue différent; aujourd'hui ne fait pas exception à la règle. En l'absence d'un véritable dialogue entre vous-mêmes et d'autres qui auraient un point de vue différent, amorçons donc un dialogue virtuel. Il y a tout un groupe de gens qui auraient fortement sourcillé en entendant vos propos. En vous entendant dire que toute nouvelle compression devrait se faire du côté des dépenses, ils vous demanderaient: Que faites-vous des impôts sur les sociétés?

Revenons donc à la question fiscale, puisque vous en avez tous touché un mot. Nous avons entendu et nous continuerons d'entendre tout au long de ces consultations que les impôts sur les sociétés ne sont pas assez élevés, que l'impôt sur le revenu des particuliers représente un pourcentage accru des recettes fiscales totales et que les particuliers ont souffert de la compression des tranches d'imposition, et les gens se demandent pourquoi les sociétés ne sont pas mises davantage à contribution, pourquoi vous n'êtes pas disposés à absorber une plus grande part des impôts? Au nom des gens qui exprimeraient ce point de vue et qui brûleraient d'entendre votre réponse, je vous pose cette première question.

M. Orr: La réponse est assez simple. C'est une question de compétitivité et je réponds qu'il faut tenir compte de la comparaison du fardeau fiscal au Canada et aux États-Unis. De temps à autre, quelqu'un sort une comparaison entre le Canada et divers pays industrialisés ou en développement et nous ne nous en tirons pas si mal, mais ce n'est pas ça qui compte. Quatre-vingt pour cent de nos échanges commerciaux se font avec les États-Unis et si l'on examine l'investissement ou que l'on fait toutes sortes d'autres comparaisons, cela peut sous-estimer l'importance de la compétitivité vis-à-vis des Américains.

Les études actuelles montrent que les impôts des sociétés sont à peu près les mêmes qu'aux États-Unis. Il n'y a pas un écart important à l'heure actuelle, mais je le répète, les impôts sur les sociétés vont baisser aux États-Unis au cours des prochaines années. Si nous n'en faisons pas autant, nous perdrons des emplois. On se demandait tout à l'heure ce que l'on pourrait faire pour créer des emplois; ce qu'il faut absolument faire, c'est faire en sorte que la fiscalité des sociétés demeure compétitive face aux Américains. Si nous ne le faisons pas, il n'y a pas de meilleur moyen que cela de perdre des emplois.

M. d'Aquino: J'ajoute rapidement à ce que M. Orr vient de dire qu'il ne faut pas perdre de vue qu'une entreprise ne paie pas seulement des impôts sur les sociétés. Elle paie également des impôts fonciers et une grande diversité de charges salariales, de sorte que le comité doit toujours tenir compte du coût d'exploitation total d'une entreprise. Si l'on additionne l'impôt sur les sociétés et les charges sociales, on s'aperçoit qu'il y a un écart important non seulement par rapport aux États-Unis, mais de plus en plus par rapport à nos autres partenaires du G-7. L'écart s'élargit plutôt que de se rétrécir et comme l'a montré l'étude de la Banque du Canada que j'ai citée il y a quelques instants, le meilleur moyen de faire disparaître des emplois, c'est de s'assurer que cette tendance se poursuive.

M. Smith: J'ajoute à ce qu'a dit M. Orr qu'il faut également tenir compte de la compétitivité. Comme je l'ai dit, plus de 70 p. 100 de nos produits dans le secteur de l'aérospatiale sont exportés. J'ai dit qu'environ 60 p. 100 de nos entreprises sont des filiales canadiennes appartenant à des étrangers, mais je voudrais rappeler au comité que ces entreprises perçoivent du premier coup d'oeil la différence entre les activités de la maison-mère et celles de leurs filiales. Nous avons un certain nombre de compagnies indigènes, notamment Bombardier-Canadair qui possède Learjet aux États-Unis et Shorts en Irlande, et il y a aussi Pratt & Whitney qui possède une entreprise en coparticipation en Russie. Ces gens-là voient bien où il leur est le plus avantageux de mener leurs activités, que ce soit en termes de relations avec le gouvernement, de relations de travail ou d'impôt sur les sociétés.

Je pense que notre secteur et plusieurs autres secteurs représentés ici aujourd'hui sont des industries mondiales. Il ne faut pas longtemps pour comprendre quelle est la situation la plus avantageuse financièrement. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que l'industrie est frivole, mais il est bien évident qu'il s'agit d'hommes et de femmes d'affaires qui essayent de faire progresser leurs secteurs respectifs.

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M. Campbell: Pour conclure ce dialogue virtuel sur la question, je vous répondrai en vous disant que des gens qui examinent la question sous un autre angle diraient que vous parlez de taux fiscaux, mais qu'il faudrait en fait parler de pourcentage de l'ensemble des revenus fiscaux. Si vous regardez ce tableau, vous constaterez que la part totale des recettes provenant des sociétés a diminué comparativement à celle des particuliers. Vous allez sans doute me répondre du tac au tac que si l'on mesure cela en fonction des années où les profits ont été en baisse, c'est effectivement ce qui se passe.

C'est un autre problème, mais je voulais tout de même signaler que nous entendons aussi cet autre son de cloche.

M. Keyes: J'allais justement aborder ce dernier point. Il ne faut pas se polariser sur des années isolées; il faut voir le rendement du capital, des investissements, sur la totalité du cycle, et si l'on voit les choses sous cet angle, je n'ai pas l'impression qu'il y ait de dérapage.

M. Campbell: J'ai une autre petite question à vous poser. M. d'Aquino a parlé de partenariats, et pourtant votre groupe parle de privatisation et de renforcement de la privatisation. Monsieur d'Aquino, vous ne vouliez pas dire que le gouvernement devrait s'associer au monde des affaires à titre d'actionnaire. C'est ce que vous vouliez dire ou c'était autre chose?

M. d'Aquino: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire.

M. Campbell: Pourriez-vous expliquer?

M. d'Aquino: Je ne pense pas avoir à m'expliquer. Comme on le constate avec des entreprises comme Petro-Canada et le CN, il semble enfin généralement admis, par votre parti et pratiquement tous les autres, qu'il vaut mieux laisser faire le secteur privé.

Les partenariats dont je vous parle ont pour but de fusionner les idées et les efforts. Quel meilleur exemple à cet égard que cette entreprise que vous avez contribué à inventer, Équipe Canada?

M. Campbell: Cela m'amène à ma dernière remarque, qui s'inscrit dans le prolongement de la discussion intrigante qui a suivi les questions de Mme Stewart.

Un partenariat pour quoi? Élaborer des buts, des stratégies visant à atteindre certains objectifs, contrôler les performances, des conseils de l'industrie, c'est ce genre de modèle? Dans ce cas, ne pourrait-on pas le reproduire dans le domaine de la mobilité de la main-d'oeuvre, des normes d'enseignement et de toutes ces choses qui contribuent à faire du Canada un concurrent solide sur la scène internationale, ce dont vous avez tous parlé?

Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans ce cas? Certains ont dit que puisque nous n'avons manifestement pas beaucoup d'argent à consacrer aux problèmes, il y a d'autres solutions. Nous pouvons soit nous mettre en marge, soit jouer un rôle nouveau avec des ressources plus limitées. À mon avis, ce rôle plus restreint pourrait consister à faire ce que je viens de vous dire - fixer des buts, contrôler les performances, élaborer des objectifs à atteindre dans le domaine... Je pense que vous convenez tous que la mobilité de la main-d'oeuvre est une composante essentielle de la compétitivité internationale, et vous avez aussi tous parlé des normes d'enseignement.

Quelqu'un veut-il répondre à ces remarques?

M. Smith: Le comité ne devrait pas perdre de vue le potentiel d'un authentique partenariat des secteurs public et privé. M. d'Aquino a bien expliqué qu'il ne s'agissait pas d'avoir un partenariat au niveau de la propriété avec le gouvernement, mais je pense qu'il y a eu des exemples comme celui de la liaison avec l'Île-du-Prince-Édouard.

Je pense qu'il peut y avoir d'autres exemples analogues de véritables partenariats entre le secteur privé et le secteur public, partenariats auxquels le secteur des affaires pourrait apporter sa contribution et pour lesquels on déterminerait ultérieurement les questions de propriété. Je suis bien d'accord avec vous, nous avons besoin de partenariats permettant au pays de progresser dans la direction dont nous avons parlé ce matin, c'est-à-dire des partenariats qui fixent véritablement des objectifs, etc., mais il ne faut pas écarter... Par exemple, quand le gouvernement envisage de se retirer de domaines où il estime ne pas avoir sa place, il faudrait peut-être établir des partenariats pour faire le pont.

M. d'Aquino: Monsieur le président, pour répondre à cette remarque de M. Campbell, qui nous rapproche encore plus d'un débat vers lequel le pays s'achemine rapidement, ne risquons-nous pas, en fonçant tête baissée dans la dévolution, sinon des pouvoirs, des responsabilités, de fragmenter non seulement les marchés du travail, mais toute l'union économique? La réponse c'est que oui, ce danger existe véritablement.

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Sachez que les grands dirigeants de ce pays ont déjà commencé à travailler sérieusement sur la question. En fait, dès le lendemain du référendum, nous nous sommes attaqués à ces problèmes car il faut aussi examiner le mantra d'une décentralisation massive, de la dévolution, appelez cela comme vous voulez, sous l'angle de ses répercussions au niveau de l'union économique. Sachez bien que nous serons très vigilants à ce niveau, et que nous ne serons pas de ceux qui prêchent la décentralisation à tout va, car cela nous coûterait très cher.

M. Campbell: Monsieur le président, en conclusion, je dirais que M. d'Aquino est allé lui-même là où je voulais en venir. J'allais vous demander si les dirigeants du monde des affaires que vous êtes réfléchissent aux conséquences de ce que vous avez dit car nous allons être plongés dans ce débat. En tant que dirigeants d'entreprises ayant une vision régionale et nationale de la question, vous devez vous interroger sur cette question fondamentale du rôle que doit exercer le gouvernement et du niveau auquel doit s'exercer ce rôle.

Le président: Monsieur Grubel.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Monsieur le président, j'ai constaté avec énormément d'intérêt que vos suggestions pour l'élimination du déficit rejoignaient tout à fait celles des économistes que nous avons entendus la semaine dernière. L'objectif zéro d'ici la fin de ce mandat électoral semble idéal. J'espère que le gouvernement va s'y tenir, mais vous pouvez nous y aider.

D'autres groupes que nous avons entendus ici, nous ont dit que cet objectif les inquiétait pour deux raisons. D'une part, cela va se traduire par des réductions de services pour les mères célibataires et autres personnes de ce genre de leurs circonscriptions. Il s'agit fondamentalement d'un problème politique, et il faut savoir si nous pouvons encore continuer à avoir le même niveau de services ou non. Mais je suis bien content que ce soit au Parti libéral de se débrouiller avec ce problème.

La deuxième objection, c'est que cela aura des répercussions énormes au niveau de la demande de main-d'oeuvre, que cela entraînera une diminution de cette demande. Par conséquent, ces objectifs risquent d'aggraver le chômage et de faire empirer encore la situation.

Enfin, certains disent que ces initiatives nous pénaliseraient dans la mesure où elles alourdiraient le chômage parce que les gens auraient peur et cesseraient de dépenser, etc.

Un groupe de personnes nous a dit que des mesures décisives comme celles-ci relanceraient au contraire la confiance - et vous l'avez dit vous-même, monsieur d'Aquino ou monsieur Orr - des pays étrangers qui se diraient que le Canada redresse la barre, ce qui fait que nous pourrions nous attendre à voir diminuer les primes de risques et remonter la confiance et que la réduction des taux d'intérêt stimulerait la demande.

Nous avons donc ces deux points de vues contradictoires. Je me demande si, forts de votre expérience, vous pouvez nous dire lequel des deux l'emportera, et dans combien de temps.

Puisque j'ai la parole, j'aimerais aborder un autre point qui ne l'a pas encore été. Comme vous le savez, nous avons déjà pris plusieurs initiatives de réforme du programme d'assurance-chômage, et je pense que ce n'est pas fini. De nombreux économistes estiment que la générosité de nos programmes d'assurance-chômage et de bien-être social contribue à aggraver le taux de chômage en réduisant la main-d'oeuvre disponible. Je pourrais vous citer d'éminents économistes qui ont la conviction que ce problème est grave.

Nous savons que le gouvernement fédéral et les provinces ont entrepris une réforme des programmes d'aide sociale. A votre avis, dans quelle mesure ces réformes du marché du travail que recommande aussi l'OCDE vont-elles nous permettre de surmonter le problème qui inquiète tellement Mme Stewart? Les meilleurs programmes de formation, ce sont ceux que des entreprises peuvent offrir aux employés dont elles ont besoin.

J'aimerais donc avoir votre réaction sur ces deux points: d'une part, les répercussions sur l'emploi de la baisse des taux d'intérêt dont s'accompagneraient des mesures budgétaires radicales par opposition aux répercussions keynésiennes d'une diminution de la demande; et deuxièmement, les retombées sur le taux de chômage et la prospérité économique générale que risqueraient d'entraîner les modifications au régime d'assurance-chômage et de bien-être social.

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Le président: Ce sont deux questions critiques. Vous voulez commencer, monsieur Orr?

M. Orr: Pour ce qui est de votre premier point, monsieur Grubel, la baisse des services accordés aux Canadiens à faible revenu, je pense qu'il y a deux éléments de réponse.

D'une part, nous recommandons de réduire la dette pour permettre au gouvernement de répondre de nouveau par la suite à ces besoins. Il est évident qu'il n'en a plus la possibilité actuellement. Il s'agit donc de lui redonner cette possibilité. Si l'on se bornait à n'envisager la situation qu'à court terme, on créerait des problèmes encore plus graves que ceux que j'ai esquissés dans mes remarques préliminaires.

Deuxièmement, une bonne partie des dépenses du gouvernement sont déjà programmées. D'après le programme présenté l'an dernier par le ministre des Finances, 108 milliards de dollars vont être consacrés aux dépenses de programmes en 1996-1997. Une bonne partie de cet argent ne sera pas consacrée aux économiquement faibles. Par exemple, même d'après ce programme pour 1996-1997, les réductions du budget du Parlement et du gouverneur général ont été inférieures à la moyenne. Je n'ai pourtant pas l'impression que ces gens-là soient des économiquement faibles. Les réductions du budget de la défense ont aussi été inférieures à la moyenne.

Je pense donc qu'il ne faut pas croire qu'on n'atteindra pas cet objectif de réduction de la dette sans réaliser des coupures qui ne toucheront pas les personnes dans le besoin. J'espère que si nous respectons ce programme, nous pourrons les aider à l'avenir.

Pour ce qui est de votre deuxième remarque au sujet des répercussions sur le chômage, tous les économistes qui se sont succédés ici ont été assez unanimes. Je vais simplement vous répéter ce que j'ai déjà dit trois ou quatre fois déjà, et qui a déjà été dit par pratiquement tous les économistes que vous avez entendus, à savoir que pour relancer le marché du travail, il faut réduire la dette. C'est comme cela qu'on fera diminuer les taux d'intérêt: en créant un meilleur climat d'investissement et en créant des emplois. On ne le répétera jamais assez.

À cet égard, il ne s'agit pas simplement des économistes. Tous les hommes et femmes d'affaires de la Chambre de commerce consultés sur ce point disent la même chose. Si vous n'êtes toujours pas convaincu, prenez le problème dans l'autre sens et demandez-vous ce qui se passera si nous ne nous occupons pas de la dette. Les taux d'intérêt vont grimper, le climat d'investissement va se détériorer et il va y avoir moins d'emplois. C'est évident pour la plupart des gens.

Le président: Vous avez d'autres questions, monsieur Grubel?

M. Grubel: Je voudrais simplement aborder un autre point qui n'a pas été soulevé, mais qui est lié à la question de notre dette massive. J'ai assisté la semaine dernière à une conférence sur l'avenir du RPC, où l'on a présenté un chiffre très inquiétant. D'ici 20 ou 25 ans seulement, les trois piliers de l'aide aux retraités, la sécurité de la vieillesse, le RPC et l'assurance-santé vont nécessiter, en raison du vieillissement de la génération du baby boom, un accroissement de dépenses de l'ordre de 50 milliards de dollars, c'est-à-dire une augmentation de 50 p. 100 des impôts des travailleurs dans 20 ou 25 ans seulement. Ce fardeau viendra s'ajouter à celui que nous allons léguer à cette génération, c'est-à-dire la nécessité de consacrer 30 p. 100 de nos recettes au service de la dette comme vous l'avez dit dans votre propre exposé.

Je crois que ces faits plaident encore plus en faveur d'une prompte élimination du déficit et d'une diminution de la dette. Je crois que nous sommes aveugles. Nous faisons preuve d'une irresponsabilité monumentale envers les générations à venir. C'est une honte qu'on ne soulève pas régulièrement cette question dans le contexte de ce domaine précis.

M. d'Aquino: Monsieur le président, j'ai quelque chose à dire à ce propos. Le professeur Grubel a vraiment mis le doigt sur ce qui est, en réalité, une énorme bombe à retardement. Franchement, le plus surprenant, pour moi, c'est que cette question n'est pas encore le point central d'un débat canadien et, Dieu merci, qu'elle n'a pas encore attiré l'attention des marchés internationaux de capitaux qui se tournent vers le Canada. C'est une bombe à retardement.

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Je dois vous dire que, de toute évidence, cela signifiera à tout le moins qu'une partie de la solution sera de prendre sa retraite à un âge plus avancé, professeur Grubel, sans oublier les primes plus élevées ainsi que des normes d'admissibilité plus serrées pour les pensions versées en cas d'invalidité. Ce ne sont là que certaines des choses qu'il faudra faire pour attaquer ce problème. Nous serons tous des plus malheureux si les gens, et surtout les étrangers, devaient s'intéresser à cette question parce que, jusqu'ici, elle a attiré très peu d'attention.

Le président: Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venus, messieurs. J'aimerais faire porter le débat sur le secteur des ressources pendant quelques instants. Je représente la circonscription d'Algoma, dans le nord de l'Ontario, et j'ai donc quelque expérience dans le domaine de la foresterie et des mines en particulier, mais mes questions porteront aussi sur les pêches.

Quelques-uns d'entre vous pourraient peut-être me renseigner sur le pourcentage de participation détenu par des non-Canadiens dans le secteur que vous représentez et vous pourriez peut-être aussi me dire le pourcentage de recherche et de développement dans ce même secteur qui se fait à l'extérieur du pays.

Voici à quoi je veux en venir. En écoutant M. Smith et son rapport optimiste sur l'investissement dans le secteur de l'aérospatiale, qui est très «haute technologie», sans oublier les emplois afférents, je me suis rappelé que dans le secteur des mines, le Canada a les meilleurs mineurs au monde, très franchement. C'est en partie à cause de la technologie.

Nous convenons tous que l'avenir se trouve dans les secteurs de la haute technologie et de l'information, mais où en sommes-nous dans nos efforts pour passer de l'état de simples extracteurs d'une ressource à celui de pourvoyeurs? Inventons-nous l'équipement qui nous permet d'extraire les minéraux du sol, d'abattre les arbres de la forêt et de pêcher le poisson dans la mer? Inventons-nous notre propre équipement, ici même, chez nous, créant ainsi ce deuxième niveau d'emploi? Exportons-nous notre expertise?

J'aimerais ajouter que dans le domaine minier, à Elliot Lake, par exemple, il y a 100 ou 150 mineurs mis à pied qui se rendent maintenant travailler un peu partout au Canada pour partager...parce que ce sont de bons mineurs. Nous avons donc beaucoup à offrir.

Réussirons-nous jamais à transformer nos compétences et avantages historiques au niveau des ressources en expertise au niveau de la technologie et de la compétence de nos travailleurs?

M. Smith: En réponse à l'une de vos questions sur le développement du matériel, je crois pouvoir vous dire au nom de l'industrie de l'aérospatiale que le lancement du RADARSAT vous donne une idée du genre d'aide que nous pouvons offrir aux industries de la forêt et des pêches en matière de surveillance.

Quant aux applications commerciales du bras robotique mis au point par Spar Aerospace - vous l'avez vu dans l'espace - sans oublier ce que peuvent faire les compagnies comme General Electric et d'autres, n'oublions pas que ces gens-là ont tous contribué à ces deux secteurs. Je crois franchement que les diverses façons dont on peut se servir de la technologie aérospatiale dans d'autres domaines fournissent un appoint sérieux à ces autres secteurs qui sont représentés ici.

Le président: Monsieur Keyes.

M. Keyes: La question de M. St. Denis comportait plusieurs volets. Je vais essayer d'y répondre rapidement.

Quant au pourcentage de participation canadienne, je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je me rappelle de quelque chose de l'ordre de 65 et de 70 p. 100. C'est un chiffre qui changera au gré des diverses bourses, sans oublier les acquisitions et fusions d'entreprises et autres manoeuvres du genre, mais il me semble que c'est le chiffre habituellement cité.

Pour ce qui est de la recherche et du développement, l'industrie canadienne en fait beaucoup qui n'est peut-être pas reconnue comme telle. On fait de la recherche et du développement sur les lieux. On expérimente beaucoup au niveau de sa propre production. Cela ne se retrouve pas toujours dans les chiffres de recherche et de développement. Il y a beaucoup d'exploration qui constitue de la recherche et du développement, à notre avis, parce que nous investissons dans l'avenir, mais la dépense est imputée à une catégorie différente.

Certaines sociétés canadiennes mettent au point leur propre technologie, d'autres l'importent. On ne peut pas plaire à tout le monde et à son père et l'industrie minière canadienne a une certaine expertise dans certains créneaux où elle se retrouve à la fine pointe mondiale.

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Nous sommes à la fine pointe dans le domaine de l'exploration et de la géoscience, par exemple. Nous sommes à la fine pointe technologique dans certains domaines de la récupération de mine et nous exportons cette connaissance. Nous avons mis au point une technologie en fonderie qui sert maintenant partout au monde. Nous avons élaboré des techniques et les avons mises en oeuvre dans des situations bien précises. Nous avons pris des techniques minières générales et les avons adaptées. Par exemple, certaines choses que font certaines compagnies de Sudbury au niveau des systèmes automatisés se trouvent à la fine pointe dans le domaine.

Est-ce que nous manufacturons les gros camions, les grosses pelles, le gros équipement qui engloutit les gros capitaux? Non, parce que ce marché n'est pas un marché global. Cette base ne se trouve pas ici. La recherche et le développement dans ce domaine ne se fait pas principalement ici, même si nous fabriquons des gros camions pour usage hors route chez General Motors à London.

Nous exportons notre technologie, nos techniques, nos connaissances et notre expertise. C'est pourquoi vous constatez ces succès de certaines compagnies canadiennes. C'est une des raisons de leur succès en Amérique latine et en Amérique du Sud. Ces compagnies y apportent leur expertise canadienne et s'en servent à partir de ces pays.

Le niveau de recherche et de développement n'est peut-être pas aussi élevé que vous pourriez le croire pour une industrie de taille internationale. Mais c'est la nature de l'industrie globale et la technologie est mise au point globalement pour une industrie qui fonctionne à l'échelle internationale et les choses se passent ainsi de plus en plus.

Le président: Le Conseil des sciences du Canada a fait une excellente étude soulignant qu'à cause de leur nature même, certaines industries ne comportent pas un degré élevé de R & D comme tel.

Monsieur Stinson.

M. Stinson: Je crois que M. St. Denis a soulevé une très bonne question et si vous étudiez la croissance de l'industrie des produits forestiers au Canada, c'est plutôt bizarre qu'une industrie de la machinerie forestière ne soit pas développée en parallèle. Michael Porter dit que c'est là une des faiblesses du secteur des produits forestiers chez nous.

En gros, il s'agit surtout d'une industrie internationale puisque les fournisseurs de machinerie se trouvent surtout dans les pays scandinaves tandis que les propriétaires étrangers dans le domaine de l'industrie forestière au Canada, quoique pas en majorité, sont surtout des Américains.

Il faut voir aussi ce qui compte comme recherche et développement. Pour beaucoup de compagnies membres de notre association qui ont des divergences de vues avec Revenu Canada au sujet des crédits d'impôt pour la recherche et le développement, etc., leurs machines à papier sont leurs laboratoires. Elles achètent les technologies de pointe chez ces fournisseurs d'équipement finlandais, par exemple - de nouvelles machines à papier. Elles doivent ensuite adapter ces machines à la ressource dont elles disposent et doivent donc modifier la recette de la pâte et jouer avec la machinerie pour pouvoir l'exploiter. On fait appel à beaucoup de ressources dans le domaine de l'ingénierie avant d'y arriver.

Il ne faut pas oublier non plus le fait qu'il y a de grandes sociétés d'experts-conseils dans notre pays qui ont la responsabilité de superviser l'installation de machines à papier dans des pays, comme en Indonésie et ailleurs dans le monde, qui attirent le gros des nouveaux investissements.

Il s'agit en réalité d'un patrimoine historique, et il ne serait pas sage à mon avis de soutenir l'industrie dans notre pays, mais il faut que cette industrie ait accès aux technologies de pointe, qui proviennent pour la plupart de fournisseurs étrangers.

Il faut se rappeler aussi que les contraintes au niveau des fibres constituent un facteur très motivant dans le développement des produits qu'envisagent certaines entreprises, et tout cela vise à utiliser nos ressources d'une façon plus efficiente. Le Canada est un leader mondial en matière de pâte chimico-thermomécanique blanchie, presque 70 p. 100 de la production internationale se situant ici, je crois. Il s'agit d'une pâte à haut rendement dont le procédé de fabrication a été conçu dans les pays scandinaves mais qui a été perfectionné au Canada. Il se fait aussi beaucoup de choses au niveau des produits composites du bois, et cela consiste à utiliser les déchets des procédés de fraisage. L'on trouve ainsi des produits commercialisables qui déplacent les produits plus conventionnels, ce qui devrait leur donner une assise pour leur développement futur.

M. St. Denis: Quel est le pourcentage de propriété étrangère dans l'industrie?

M. Stinson: Je n'en suis pas sûr, mais si vous regardez les grandes sociétés comme MacMillan Bloedel, Avenor, elles n'appartiennent pas à des capitaux étrangers. Il y a Weyerhaeuser et d'autres qui ont des intérêts au Canada, mais je ne crois pas que l'industrie soit dominée par des propriétaires étrangers.

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M. St. Denis: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, monsieur Peterson. J'ai deux petites questions et une autre qui nécessitera un peu plus d'attention.

Monsieur Stinson, vous avez parlé de l'élimination des chevauchements. L'un des exemples que vous avez cités était le ministère de l'Environnement, où il y a beaucoup trop de services ou d'activités qui se chevauchent. J'aimerais savoir si votre organisation a fait des études sur les chevauchements dont le gouvernement fédéral pourrait faire l'économie. Je veux aussi savoir si, à votre avis, le gouvernement fédéral devrait se retirer complètement des secteurs forestier et minier.

M. Stinson: Au sujet des chevauchements, un certain nombre de nos sociétés membres collaborent actuellement avec Industrie Canada à un projet qui concerne les critères servant à mesurer les effets sur les entreprises. L'un des thèmes de ce projet est l'harmonisation de la réglementation environnementale. On se penche donc là-dessus. Industrie Canada, par l'entremise de son consultant, va bientôt sonder les entreprises participantes. Nous avons aussi entrepris de rédiger un rapport et nous avons engagé des consultants qui vont se pencher sur les problèmes entravant la compétitivité de nos produits, et l'environnement est l'un de ces problèmes. Donc, nous agissons en ce sens.

Ayant discuté de cette question avec les gens que cela intéresse, je constate qu'il y a divers degrés de compétence dans les provinces. Il y en a qui, comme qui dirait, laissent le champ libre au gouvernement fédéral, qui doit alors en quelque sorte appliquer le règlement. Mais ils doivent aussi composer avec deux groupes qui.... Il y a des règlements fédéraux qui permettent en quelque sorte d'exercer une supervision générale et...

M. Discepola: Je vais vous poser ma question plus directement. Etes-vous favorable à un retrait total du gouvernement fédéral des secteurs minier et forestier?

M. Stinson: Eh bien, je parlais de l'environnement et des chevauchements.

Du côté des ressources, je ne suis pas disposé à exprimer ma préférence. Mais chose certaine, ce que nous préférons, ce sont des responsabilités claires. Il y a lieu de se demander si le gouvernement fédéral doit intervenir ou non.

M. Discepola: Il y a tout un débat qui a lieu sur les grandes entreprises et l'effet de la fixation des prix de cession interne qui dispense les entreprises de payer leur juste part d'impôt, car elles invoquent le prix exorbitant des matières premières pour transférer les profits d'un pays à un autre où elles estiment que c'est plus...ou elles invoquent leurs frais de gestion. Le secteur des affaires, les grandes entreprises notamment, qui ont recours à cette pratique, sont-ils disposés à recommander à notre comité qu'on mette un terme à tous ces avantages injustes ou lacunes au niveau de la fixation des prix de cession interne, ou est-ce qu'on n'a pas recours à cette pratique?

M. Keyes: Permettez-moi de répondre d'abord à votre première observation. Dans le monde du minerai, la plupart des métaux sont vendus à un prix qui est affiché à la Bourse des métaux de Londres, qui reflète l'état de l'offre et de la demande du jour. C'est comme ça que nous vendons nos produits. Nous n'avons aucun contrôle sur nos prix. Nous prenons le prix qui est affiché à la Bourse des métaux de Londres l'après-midi ou le matin, selon le cas, et c'est comme ça que les prix...

M. Discepola: Je connais un exemple concret. L'industrie pharmaceutique, par exemple, se procure ses matières premières aux États-Unis et les revend à des prix gonflés aux acheteurs canadiens.

M. Keyes: C'est peut-être le cas de l'industrie pharmaceutique; ce n'est pas le cas de l'industrie minière.

M. Discepola: Vous ne parlez qu'au nom de votre industrie...

M. Keyes: Ah, absolument.

M. Discepola: ...mais, en général, on a recours à cette pratique. À votre avis, le gouvernement aurait-il le droit d'examiner cette situation et de limiter le recours à cette pratique?

M. Keyes: Je ne peux me prononcer là-dessus. Je ne peux parler que de mon industrie à moi.

J'aimerais revenir à votre question au sujet du gouvernement fédéral et du secteur minier. Je peux le faire maintenant ou après.

M. Discepola: J'ai une autre question, je m'en remets donc au président.

M. Keyes: D'accord, permettez-moi de vous parler du gouvernement fédéral et du secteur minier.

Le gouvernement fédéral ne s'occupe pas des mines. Ressources naturelles Canada joue un rôle qui est tout à fait conforme à la compétence fédérale dans ce domaine. Ce sont les provinces qui voient aux décisions quotidiennes, à la planification, au contrôle et à la réglementation des mines.

La compétence de Ressources naturelles Canada en matière scientifique, en matière d'économie et de politique minière, tout particulièrement au niveau international, n'est pas incompatible avec la responsabilité juridictionnelle de l'État fédéral. Ressources naturelles Canada et ses homologues provinciaux se complètent; il n'y a pas de chevauchement. On peut toujours rationaliser et améliorer les choses. C'est un processus continu. Mais dans ce domaine, les deux paliers de gouvernement travaillent fort bien ensemble.

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L'exception, c'est l'environnement. J'ai remis à la greffière notre mémoire au Comité permanent sur les ressources naturelles qui traite des chevauchements et du double emploi en matière de réglementation, chose qui concerne essentiellement l'environnement. Lisez ce texte, vous saurez exactement ce que nous pensons de cette question.

Mais le gouvernement fédéral occupe peu de place dans le secteur minier.

M. Discepola: Ma dernière question, monsieur le président, a trait à une obsession. Il y a deux ans que je suis ici et que je vois les grandes entreprises obsédées par la maîtrise du déficit fédéral et de la dette nationale. Je comprends cela et je partage ce point de vue dans une certaine mesure. Il est évident que les grandes entreprises ont intérêt à ce que nous contrôlions notre déficit et notre dette. Cela nous permettra, nous l'espérons, de contrôler nos taux d'intérêt. Si nous abaissons nos taux d'intérêt, nous pourrons stimuler l'activité économique. Et si nous stimulons l'activité économique, nous obtiendrons le résultat que recherche notre gouvernement, à savoir la création d'emplois.

Cependant, si je considère les grandes entreprises rien que dans ma circonscription à moi, je constate que nous y avons perdu 600 ou 800 emplois parce que celles-ci se restructurent à grande échelle. Rien qu'hier, CP Rail a annoncé que 480 emplois allaient quitter Montréal. Pratt et Whitney, qui a promis 250 emplois avant le référendum, a du mal à recruter son monde.

Je considère tout cela avec les yeux d'un politicien. Quand j'entends le ministre des Finances annoncer un surplus de 2,2 milliards, je m'arrête un instant et je me demande qu'est-ce qu'il y a de si magique dans ce ratio de 3 p. 100 du PIB. J'ai compris cela et je l'ai accepté. Mais maintenant, on dit qu'il faut descendre à zéro. Je vois tout de suite ce que sera le débat de l'an prochain: descendons à moins 2 ou moins 3. À mon sens, il doit y avoir un point d'équilibre où nous devons tenir compte de nos responsabilités politiques et économiques mais sans oublier pour autant nos responsabilités socio-politiques.

Que seriez-vous disposés à accepter? Il me semble qu'après deux ans, en dépit de cette attaque concertée - et je peux fort bien imaginer ce qu'auraient été les répercussions si nous n'avions pas attaqué le déficit avec autant de vigueur. Par exemple, je ne vois pas les grandes entreprises créer des emplois. Je n'ai pas vu d'abaissement des taux d'intérêt. M. d'Aquino l'a dit. Nos vrais taux d'intérêt se situent maintenant autour des 5,5 p. 100. Allons-nous atteindre cette situation où tout le monde est gagnant? Pourquoi devons-nous aller plus bas que 3 p. 100 du PIB?

M. d'Aquino: Monsieur le président, c'est une question qui revient tout le temps. Il y a des gens qui ont dit à votre comité que ce n'était pas important. Il y a des gens dans notre pays qui, depuis les 15 dernières années, font constamment valoir que les déficits sont sans importance ou que l'augmentation de la dette n'a pas vraiment d'importance non plus.

Examinons les choses sérieusement ici. Ce n'est pas... 3 p. 100 ce n'est pas assez. Je ne vous dis pas qu'on vous attaque, ce n'est certainement pas les grandes entreprises qui vous attaquent. Ce sont les Canadiens qui attaquent. Aujourd'hui, si vous prenez la dette du gouvernement fédéral - qui augmente, qui ne baisse pas - et que vous la combinez à celle des provinces, le ratio dette-PIB est d'environ 100 p. 100. Il n'y a que l'Italie dans le G-7 dont la dette est supérieure à la nôtre. Ce que nous payons en intérêt dépasse ce que nous dépensons pour la plupart de nos programmes sociaux et la défense combinés, et cela augmente aussi. Les impôts augmentent. Les investissements quittent le pays. Les gens sont malheureux.

J'aimerais ajouter autre chose ici. À mon avis, l'unité nationale ne serait pas en crise dans notre pays s'il n'y avait pas au Québec un parti qui a réussi à faire valoir au cours des quatre et cinq dernières années que ce n'est pas la peine de vivre dans un pays qui est en faillite. Nous pouvons mieux nous débrouiller nous-mêmes. Je dis que c'est cela qui nous a donné des taux d'intérêt élevés et un malaise dans les relations fédérales-provinciales. Vous voulez savoir pourquoi les taux d'intérêt sont élevés. Ils sont élevés parce que nous sommes très endettés.

Je vous réponds donc que si nous ne comprenons pas le fait que 3 p. 100 ce n'est pas assez, qu'il faut descendre à zéro et commencer à rembourser la dette, notre marasme ne sera que plus grand. Et savez-vous ce qui va se passer alors? Les Canadiens, élections après élections, chassent les politiciens qui n'admettent pas cette réalité.

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Il y a cinq ans, monsieur, des gens qui comparaissaient devant votre comité ont ricané lorsque j'ai dit qu'il fallait un budget équilibré. Aujourd'hui, tous les gouvernements de notre pays, y compris les gouvernements néo-démocrates, je me permets de l'ajouter, se font la course pour savoir qui pourra équilibrer son budget le plus vite, et non seulement cela, ils commencent aussi à rembourser leurs dettes. Telle est la dure réalité. C'est cela qui créera des emplois, abaissera les impôts et nous enrichira tous.

M. Discepola: Monsieur d'Aquino, il y aura un prix politique et social à payer pour les mesures que vous proposez. Dans votre allocution, vous avez parlé de prix constitutionnels, d'incertitude post-référendaire, de prime de risque pour l'instabilité politique. Je dis pour ma part que si nous atteignons nos objectifs, nous devrions peut-être prendre une partie de ces 2 milliards, dire àM. Martin qu'il peut garder un milliard, mais que nous allons prendre un milliard de dollars et le réinvestir dans l'éducation, dans les programmes de recyclage, dans d'autres mesures positives de création d'emplois.

À mon avis, la raison que vous invoquez au sujet de la menace que pose la séparation à l'unité canadienne, monsieur d'Aquino, est la même raison pour laquelle beaucoup de gens, qui étaient fédéralistes, ont voté oui cette fois. Quand on est au chômage, on n'a rien à perdre. Quand on est à l'assistance sociale, on n'a rien à perdre. On est prêt à prendre un risque. Le réinvestissement d'une partie de cet argent ne serait-il pas préférable à cette idée fixe qu'est le zéro magique ou le 3 p. 100 aussi vite que possible?

M. d'Aquino: Je pense que les responsables politiques ont le devoir de dire la vérité aux gens. La vérité, c'est que plus le gouvernement est endetté, plus l'argent du contribuable ne sert qu'à payer l'intérêt, ce qui ne crée pas d'emplois et ne laisse rien aux programmes nécessaires comme la garde d'enfants, l'environnement ou quoi que ce soit d'autre, et c'est un état de chose dont les générations futures nous tiendront tous responsables.

De dire à M. Martin de tout simplement prendre un milliard de dollars de plus et de les dépenser alors que nous sommes... et permettez-moi de vous faire peur si je ne l'ai pas déjà fait. Nous en sommes à la cinquième année d'un cycle économique. Il nous reste peut-être une année ou, si nous avons de la chance, peut-être deux. Et nous passerons ensuite à une récession. Cette dernière ne se produira pas parce que les grandes entreprises l'ont créée ou la veulent, mais plutôt parce que c'est ainsi que l'économie fonctionne. Que direz-vous à vos électeurs lorsque la prochaine récession commencera d'ici deux ans et que le déficit, que vous avez essayé avec tant de difficultés de réduire à 20 milliards de dollars et on espère à 13 milliards et à 8 milliards, montera jusqu'à 50 milliards de dollars, ajoutant ainsi 20 milliards ou 30 milliards de dollars à notre dette? Que leur direz-vous?

Les Suédois et les Italiens ont tiré les leçons de leur expérience. Ils se sont trouvés acculés au pied du mur. Ils ont payé un prix énorme sur le plan social et politique. Est-ce vraiment ce que vous demandez aux contribuables et à vos électeurs de faire? J'espère que non.

Le président: Nous en sommes venus maintenant au moment où je demanderai à nos participants de résumer brièvement leur position. Nous commencerons avec M. McNeil.

M. McNeil: Le secteur des services publics appuie les mesures que le gouvernement a prises pour réduire la dette. J'ai dit dans ma déclaration liminaire qu'au cours des années les services publics canadiens ont accumulé des dettes s'élevant à 88 milliards de dollars. De toute évidence ce secteur a appris que si vous ne faites pas attention à votre niveau de dette, vous limitez considérablement vos perspectives d'avenir. Nous recommandons que le comité accorde un caractère prioritaire à la résolution du problème de la dette.

M. Keyes: En guise de conclusion, j'aimerais réitérer ce que j'ai dit au sujet de la réforme réglementaire. Vous avez l'autre mémoire que nous avons déposé. Je crois que le ministre des Finances a maintenant l'occasion de renforcer le travail qu'on a déjà commencé, et il faut qu'il agisse dans ce sens.

J'aimerais reprendre brièvement les trois points dont nous avons parlé. En premier lieu, nos niveaux d'imposition sont déjà élevés et nous ne pouvons pas les augmenter davantage. En deuxième lieu, quelqu'un a parlé de la récupération des coûts et du danger d'établir un système comportant des inefficacités inhérentes et donc, essentiellement, de créer de nouveaux impôts. Il faut faire très attention avec le système de récupération des coûts et de ses modalités d'application, afin d'éviter qu'il devienne tout simplement une autre façon d'augmenter les impôts. En troisième lieu, j'ai parlé brièvement des impôts non reliés aux bénéfices. C'est un domaine en pleine expansion. La structure du régime fiscal et des recettes gouvernementales a considérablement changé. Cela a des conséquences importantes pour notre position concurrentielle, et je crois qu'il serait utile de demander au ministre des Finances de prêter une attention particulière à cette question.

Le président: M. Bulmer a dû partir pour prendre son avion et il m'a demandé de l'excuser. Monsieur Stinson.

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M. Stinson: Il me semble assez clair qu'au moins de notre côté de la table, nous sommes d'accord sur le fait que le gouvernement doit continuer de réduire le déficit et, en dernière analyse, d'équilibrer le budget. C'est une préoccupation très importante pour l'Association canadienne des pâtes et papiers, surtout en ce qui concerne les coûts de nos biens d'immobilisation. Nous voyons le déficit comme un problème majeur qui pourrait nous empêcher de maintenir notre position concurrentielle à l'échelle internationale et d'obtenir le niveau d'investissement qui nous semble souhaitable.

Nous nous rendons bien compte que la décision d'imposer des coupures n'est pas facile, mais je dois dire au gouvernement qu'un nombre de plus en plus important de Canadiens en reconnaissent la nécessité. Certains vont s'y opposer, mais je crois que ce serait une erreur de ne pas agir maintenant. Le prix à payer plus tard serait beaucoup plus élevé et pourrait avoir des conséquences bien plus graves pour beaucoup des programmes que les Canadiens tiennent ont à coeur.

Le président: Merci, monsieur Stinson.

Monsieur Orr.

M. Orr: En guise de conclusion, monsieur le président, il y a trois points que j'aimerais aborder.

Je recommande que le gouvernement se concentre sur le rapport entre le PIB et la dette. Il faut tenir compte de ce principe important. Pour 1997-1998, je recommande qu'on fixe pour objectif que la dette ne dépasse pas 71 p. 100 du PIB. Nos délibérations ont fait ressortir qu'un tel pourcentage correspondrait au déficit de 1996-1997, qu'on avait évalué à 20 milliards de dollars plutôt que les 24 milliards que l'on prévoit maintenant.

Si le déficit se chiffrait l'année suivante, soit 1997-1998, à 10 milliards de dollars, cela nous permettrait d'atteindre notre objectif. Nous pourrions espérer faire encore mieux, soit un rapport de 71 p. 100 en 1997-1998, qui me semble un objectif raisonnable et réalisable.

Mon deuxième point concerne les charges sociales. Dans environ un an, le compte d'assurance-chômage aura 5 milliards de dollars. La plupart des spécialistes, y compris ceux du ministère des Finances, estiment qu'il est équilibré du point de vue cyclique. Il est important de s'assurer que l'injection de nouveaux fonds dans le compte d'assurance-chômage soit compensée par des réductions des cotisations sociales. Cela est très important. C'est une des choses les plus importantes que le ministre des Finances puisse faire au cours des prochaines années pour créer des emplois. Tom d'Aquino a fait référence à une observation de la Banque du Canada, qui appuyait sans réserve son point de vue. D'autres analyses ont fait ressortir que toute augmentation d'environ 1 p. 100 des cotisations sociales fait perdre environ 40 000 emplois. C'est un outil de création d'emplois très important dont le ministre peut se servir.

Mon troisième point est le suivant. Monsieur le président, dans son rapport, votre comité a recommandé l'an dernier l'imposition d'une surtaxe comme mesure éventuelle pour réduire le déficit.

Le président: Nous ne l'avons pas recommandée. Nous avons dit que c'était une possibilité, si toutes les autres mesures échouaient.

M. Orr: J'ai dit que c'était une éventualité.

Le président: D'accord.

M. Orr: J'espère que vous ne la proposerez pas dans votre rapport cette année. Je ne crois pas qu'il faille augmenter les impôts pour réduire le déficit, il faut plutôt couper les dépenses.

Le président: Monsieur d'Aquino.

M. d'Aquino: Monsieur le président, je voudrais tout simplement vous demander de réfléchir sérieusement aux quatre points que nous avons soulevés et de les communiquer par la suite au ministre des Finances.

Nous sommes à un moment critique de notre histoire, tant sur le plan économique que politique. Il est important que vous puissiez vous dire que vous avez pris beaucoup de bonnes décisions, que vous avez fait beaucoup de sacrifices nécessaires, et maintenant que vous entrevoyez la ligne d'arrivée, c'est-à-dire un budget équilibré, il est essentiel que vous poursuiviez vos efforts et que vous preniez la décision très importante d'équilibrer le budget avant le début de la prochaine récession. Cela pourrait se produire d'ailleurs juste au moment où votre parti doit se présenter devant les électeurs canadiens.

Je suis sûr que vous ne voudriez pas être obligés d'expliquer à la population canadienne qu'après tant d'années de souffrances, il faut constater maintenant que malheureusement le pays entre dans une période de récession où le déficit va augmenter davantage et le gouvernement exigera encore des sacrifices. Sans parler de chiffres précis, je vous prie donc de demander à M. Martin d'équilibrer son budget et d'élaborer un plan sérieux pour réduire la dette avant le début de la prochaine récession.

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En deuxième lieu, je vous prie de demander au ministre, surtout en 1996, de préparer un plan pour répondre à la possibilité d'instabilité politique. Le 30 octobre nous avons frôlé la catastrophe. J'utilise le terme catastrophe, parce que si 50 000 Québécois avaient voté dans l'autre sens, les conséquences pour nous tous auraient été impossibles à prévoir mais sans aucun doute extrêmement graves.

Les Canadiens, et pas seulement le milieu des affaires, ont besoin d'un plan pour réagir à une éventuelle instabilité. Le plan doit pouvoir s'appliquer à toute province qui cherche à obtenir la souveraineté ou l'indépendance. Il faut prévoir un processus ordonné pour faire face à cette situation, pour que l'on ne se sente pas pris au dépourvu, comme ça été presque le cas le 30 octobre. Il faut donc avoir un plan pour garantir la stabilité politique.

Troisièmement, nous vous demandons de bien vouloir poursuivre les réformes structurelles qui ont déjà été entamées, les réformes structurelles politiques qui seront sans doute débattues à la Chambre. Il va sans dire qu'il reste des choses à améliorer du côté des chevauchements et du double emploi et qu'il y a place pour de la simplification. Il serait peut-être raisonnable de procéder à une dévolution de certains pouvoirs, mais il ne faut pas voir cela d'un seul point de vue. Le gouvernement fédéral a une responsabilité importante, non seulement envers le milieu des affaires, mais également envers tous les Canadiens. Il ne doit rien faire qui risque d'affaiblir l'union économique.

Il faut réfléchir à une utilisation plus créative du pouvoir du commerce, et à un rôle plus proactif pour le gouvernement fédéral dans la défense de l'union économique. Il faut se demander si nous avons besoin de huit agences de réglementation des valeurs mobilières, ou si une telle agence suffirait. Autrement dit, il faut examiner la question de la restructuration des deux côtés.

En dernier lieu, j'estime qu'il faut dire la vérité aux Canadiens concernant la situation économique. Le chômage va baisser lentement, pour toutes sortes de raisons. Mme Stewart nous a demandé de vous expliquer certaines de ces raisons. Je répète qu'il y a beaucoup de raisons pour cela, mais si nous voulons améliorer la situation, il faut d'abord s'attaquer à nos problèmes financiers.

Il y a douze ans, monsieur le président, nous réclamions des budgets équilibrés, et les comités qui vous ont précédé se sont moqués de nous. On disait que les mesures que nous proposions étaient scandaleuses, inutiles et trop à droite. Si on avait suivi nos conseils, notre pays aurait maintenant un surplus, on n'aurait pas tant à payer pour le service de la dette, et nous aurions amplement d'argent pour mettre en place les programmes nécessaires. Nous avons échoué, mais ne répétons pas la même erreur pour les quinze années à venir. Essayons de nous organiser comme il faut.

Monsieur le président, il y a une question que nous n'avons pas abordée, et elle est bien mineure à côté des grandes questions dont nous venons de parler. Le milieu des affaires appuie à 100 p. 100 toute tentative musclée de la part du gouvernement fédéral d'intégrer la TPS aux taxes de vente provinciales. La question est primordiale et je tiens à la mentionner.

Le président: Merci, monsieur d'Aquino.

Monsieur Smith.

M. Smith: Je tiens à féliciter le gouvernement de sa performance jusqu'à présent, et je l'encourage à poursuivre ses efforts, aussi vigoureusement que possible, pour s'attaquer au déficit. Je pense que le recours aux sommes économistes... Je ne suis pas d'accord avec le député de Montréal. Je comprends sa position, mais je pense qu'il faut assurer une stabilité économique pour que nos concurrents sachent que nous tenons à corriger le problème et à éliminer le déficit et la dette dans un délai raisonnable.

J'encourage le comité à examiner la performance du secteur aérospatial et peut-être à s'en servir comme modèle pour d'autres secteurs. Il faut non seulement s'occuper de façon musclée du déficit de la dette, mais également donner de bonnes nouvelles au contribuable canadien. Le gouvernement national doit démontrer qu'il va aider ceux qui ont besoin de règles du jeu équitables pour pouvoir être compétitifs sur les marchés mondiaux. Peut-être qu'un réglage minutieux des réductions des dépenses de programmes permettrait la création d'un fonds d'investissement dans les nouvelles technologies pour encourager des secteurs autres que le secteur aérospatial à créer les emplois et la richesse que le gouvernement recherche si désespérément.

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Enfin, je suis d'accord avec mes collègues pour dire que ce n'est pas le moment de faire des retouches au régime fiscal, ni pour les sociétés, ni pour les particuliers.

Le président: Merci, monsieur Smith. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de vos commentaires.

Il est évident que vous êtes tous d'accord pour dire qu'il faut ramener le déficit à zéro d'ici 1998-1999. M. Stinson a bien résumé votre position lorsqu'il a dit que c'est l'objectif à atteindre, mais que ce n'est pas à vous de nous dire comment le faire. Je ne suis pas d'accord, monsieur Stinson. Ce sera notre décision, mais nous avons besoin de votre aide à tous. Vous avez dit qu'il ne faut pas augmenter les impôts. Supposons que nous l'acceptions. Il y aura moins d'emplois dans tous vos secteurs, à l'exception d'un d'entre eux. Le chômage ne sera pas réduit rapidement pendant cette période, et aura donc une incidence sur nos efforts d'atteindre l'objectif que nous nous fixerons.

Nous avons besoin de votre aide. Vous avez des employés. Vous avez des enfants. Vous avez des familles. Vous faites partie d'une collectivité. Vous voyez le chômage qui existe. Vous savez que des gens dépendent du bien-être social. Nous voulons savoir lesquels de ces programmes il faudrait couper. Nous voulons savoir où nous pouvons aller chercher des fonds, grâce à la réduction des dépenses, qui nous permettront d'atteindre vos objectifs.

Nous voulons qu'en plus de nous fixer des objectifs, vous travailliez avec nous d'une façon constructive comme vous l'avez déjà fait par le passé. Aidez-nous à trouver des domaines où nous pourrons faire des coupures sans détruire le sens d'appartenance qui est si nécessaire au Canada, et dont M. d'Aquino a parlé très éloquemment. Nous ne voulons pas que ces mesures provoquent l'explosion du pays ni la création de forces politiques que nous ne pouvons pas maîtriser.

Supposons que nous soyons prêts à accepter votre défi qui consiste à ramener le déficit à zéro d'ici 1998-1999. Pourriez-vous nous dire par écrit dans quels domaines nous pouvons réduire davantage les dépenses? Qui va y gagner et qui va y perdre? Cela nous serait très utile.

L'année dernière, lorsque nous avons fait nos consultations pré-budgétaires pour la première fois, les 600 témoins nous ont tous dit qu'il fallait contrôler le déficit. Cependant, seulement deux acceptaient de faire leur part.

Nous avons vécu des moments difficiles. Nous avons commencé la tâche, mais elle va devenir de plus en plus difficile, car il y a de moins en moins de gras à couper, et nous nous approchons des muscles et des os. C'est la raison pour laquelle il est important d'avoir votre participation, car vous êtes des intervenants importants de notre économie.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'avoir comparu devant nous pour nous faire part de vos idées. Nous serons heureux de travailler avec vous à l'avenir.

Il faut que les membres du comité règlent certains détails de gestion interne. Nous allons tenir une réunion d'affaires rapide, et ensuite nous lèverons la séance.

Il y a une motion qui permettrait au comité d'octroyer un contrat pour obtenir les services d'un rédacteur et d'un éditeur à partir d'aujourd'hui jusqu'au 12 décembre. Le salaire maximum serait de 11 000$ pour le rédacteur et de 8 800$ pour l'éditeur. On prévoit également l'octroi d'un contrat à une société pour nous aider à communiquer avec les médias avant nos voyages dans l'est et dans l'ouest la semaine prochaine. Le montant sera très minime, car personne ne va voyager avec nous. Nous faisons appel à ces services uniquement pour faire les premières communications pour nous. Le total serait certainement de moins de 5 000$. Quelqu'un veut-il proposer la motion?

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M. Campbell: J'en fais la proposition.

La motion est adoptée

Le président: Merci beaucoup. La séance est levée.

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