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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mai 1995

.1532

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte, maintenant que le général Richardson est arrivé. Nous avons le quorum et pouvons donc entendre des témoignages. Sans doute que ceux dont l'absence n'a pas été motivée arriveront bientôt.

Avant de souhaiter la bienvenue à nos témoins, je voudrais signaler que nous avons l'honneur d'accueillir cet après-midi un groupe d'étudiants de partout au pays qui nous visitent dans le cadre du programme Forum des jeunes Canadiens. Beaucoup d'entre nous avons déjà assisté à des dîners organisés par le Forum et continuerons à le faire. Les étudiants sont de Victoria en Colombie-Britannique, de Chatham, Ontario, de Winnipeg, et j'en passe. Vous êtes les bienvenus. J'espère que vous allez comprendre ce qui se passe ici et si c'est le cas, ayez l'obligeance de nous l'expliquer à nous.

Je tiens également à souhaiter la bienvenue à nos invités du ministère de la Défense nationale et de la Marine royale du Canada qui sont ici pour nous parler du programme des frégates. Comme d'habitude, nous allons entendre la déclaration des témoins et ensuite, nous allons poser des questions. Je dois vous avertir que lorsque le ministre de la Défense nationale a témoigné devant nous, il a félicité les membres du comité d'avoir bien préparé leurs questions. Donc, vous pouvez vous attendre à une excellente prestation de leur part aujourd'hui.

Les membres du comité sont comme les Nordiques de Québec; ils sont là pour répondre aux attentes et même pour les dépasser.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Et ils courent le risque de se faire déplacer.

Le président: Vraiment? Je n'y avais pas pensé, mais en fait c'est vrai...

Alors, bienvenue. Je vais demander à M. Lagueux, sous-ministre adjoint, Gestion des programmes d'équipement à faire sa déclaration liminaire. Vous avez la parole.

M. M.P. Lagueux (sous-ministre adjoint, Gestion des programmes d'équipement, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur le président et honorables membres du comité. Nous sommes heureux d'être ici cet après-midi pour vous parler du Programme de frégates canadiennes de patrouille.

[Français]

Comme vous l'avez dit, je m'appelle Pierre Lagueux et depuis le 1er avril 1995, je suis le sous-ministre adjoint, Gestion des programmes d'équipement, au ministère de la Défense nationale.

[Traduction]

Je voudrais tout d'abord faire quelques brefs commentaires durant les prochaines minutes, puis nous serons heureux de répondre à vos questions sur le projet de frégates canadiennes de patrouille.

Je suis accompagné aujourd'hui du contre-amiral Saker, officier principal du génie des Forces canadiennes et le chef du projet des FCP, du commodore Gibson, jusqu'à tout récemment le gestionnaire de projet pour la frégate canadienne de patrouille et du capitaine Sylvester, le gestionnaire actuel du projet.

[Français]

M'accompagne aussi le commander Thiffault, commandant du navire Ville de Québec, qui revient tout juste d'une mission de l'OTAN.

.1535

[Traduction]

Au cours des prochaines minutes, je vous parlerai du projet de FCP proprement dit et j'aborderai les points suivants: un bref historique du projet, certains des problèmes éprouvés au début de cette grande entreprise, le succès obtenu jusqu'à présent, et enfin, quelques détails que vous avez demandés au sujet du contrat distinct conclu avec Unisys pour la fourniture de simulateurs supplémentaires pour la Marine.

Le projet de FCP demeure l'un des plus grands projets d'acquisition de l'État dans l'histoire du Canada. Il a débuté il y a près de vingt ans, soit en 1977 et visait à planifier, à concevoir, à construire et à livrer aux Forces canadiennes des frégates opérationnelles, complètement autonomes et polyvalentes. Ces nouveaux bâtiments devaient remplacer la flotte vétuste des destroyeurs à vapeur.

Le projet a été approuvé en deux étapes. En juillet 1983, on a approuvé la conception et la construction des six premiers navires. Cette approbation portait également sur les installations de formation pour les équipages de ces navires. Le coût budgétaire approuvé pour cette première étape était de 5,5 milliards de dollars.

[Français]

En décembre 1987, la construction de six autres navires fut approuvée, ce qui porta le budget autorisé à 10,4 milliards de dollars pour les 12 navires, les installations de soutien, les pièces de rechange et autres.

[Traduction]

À l'heure actuelle, le Ministère estime que le coût définitif du projet - en tenant compte des données réelles à ce jour et des coûts futurs prévus - s'élèvera à 9,05 milliards de dollars. Ce montant est inférieur d'environ un milliard et demi au budget approuvé.

Le projet progresse très bien. Le rendement des navires est conforme ou même supérieur à nos attentes. Il s'agit là, bien entendu, d'un commentaire à la fois quantitatif et qualitatif, mais la preuve de succès d'un projet d'une telle envergure est donnée par les opérateurs de l'équipement, c'est-à-dire les hommes et les femmes qui utilisent cette technologie en mer pour défendre les intérêts du Canada.

C'est pourquoi nous avons avec nous le capitaine d'une nouvelle frégate qui sera en mesure de répondre à vos questions. Je vous encourage à demander au commandat Thiffault de vous faire part de ses expériences personnelles à bord de son navire. Si vous le permettez, monsieur le président, il serait peut-être indiqué que le commandant Thiffault prenne la parole dès maintenant pour faire quelques commentaires aux membres du comité. Si vous êtes d'accord, je vais lui passer la parole et je terminerai mes commentaires tout à l'heure.

[Français]

Le commander P. Thiffault (commandant du NCSM Ville de Québec, ministère de la Défense nationale): Merci, monsieur Lagueux.

Monsieur le président, honorables députés, je suis officier de marine depuis 23 ans. J'ai vécu l'âge des destroyers avec chaudières et de systèmes de combat qui avaient bien dépassé leur utilité et efficacité dans la marine. Je suis donc enchanté d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui de mon joyau, le NCSM Ville de Québec, et de partager avec vous les impressions de mon équipage vis-à-vis du rendement du navire en situation de combat et dans les manoeuvres en haute mer.

[Traduction]

J'ai été nommé commandant du NCSM Ville de Québec avant qu'il ne soit livré à la Marine en 1993. J'ai assisté à tous les essais en mer de cette frégate menés par le constructeur, et j'ai moi-même mené les essais en mer après la livraison qui mettaient à l'épreuve les capacités des systèmes de combat et de marine de la frégate. Bien évidemment, les résultats ont été très impressionnants.

Entre temps, le NCSM Ville de Québec a eu la chance de prendre la relève du NCSM Annapolis qui a éprouvé des problèmes techniques alors qu'il faisait respecter l'embargo contre Haïti. Même si le NCSM Ville de Québec n'avait patrouillé que pendant neuf jours et n'avait terminé qu'un peu plus de la moitié de ses essais en mer, le navire a néanmoins reçu des louanges de la part du commandant de la force opérationnelle interarmée pour la façon dont il a répondu à l'appel et a fait respecter l'embargo.

[Français]

Depuis le début de nos préparations au combat, le Ville de Québec a navigué au-delà de 35 000 milles nautiques, a tiré à maintes reprises avec ses systèmes d'armes, obtenant d'excellents résultats contre des cibles réelles et dans des conditions tactiques assez complexes. Nous avons opéré côte à côte avec nos alliés dans des exercices navals de tous genres, recueillant à maintes reprises des louanges à l'égard de l'efficacité et de la tenacité de la frégate de patrouille canadienne.

Le Ville de Québec vient tout juste de compléter une croisière de 44 jours dans l'Atlantique du Nord, y compris une visite de quatre jours en Belgique.

.1540

Nous avons participé à cette occasion à un exercice de l'OTAN, au large de la Norvège, en compagnie de plus de 50 navires alliés. Encore une fois, le Ville de Québec s'est distingué à la hauteur des navires en sa compagnie, a su démontrer une capacité de guerre supérieure à celle des autres navires. L'opération du système de combat informatisé fut soutenue pour la durée de l'exercice de façon remarquable.

Par exemple, nous avons pu maintenir une liaison électronique avec les réseaux de défense nord-américains, avec les navires alliés, avec les réseaux de défense aérienne de la Norvège et du Royaume-Uni sans difficulté; nous étions souvent le seul navire capable de soutenir une liaison électronique avec ces unités-là.

Il faut aussi dire que le navire s'est très bien comporté dans les intempéries de la mer dans le Nord de l'Atlantique. Nous étions souvent le seul navire à avoir complété des opérations de vols d'hélicoptères ou des opérations d'approvisionnement avec les navires de soutien et cela, dans des états de mer de force 6, 7 ou plus.

[Traduction]

Le Ville de Québec a navigué sans aucune difficulté en mer pendant 32 jours consécutifs, ce qui réflète la capacité opérationnelle remarquable de ces frégates. Mon équipage est tout simplement ravi des capacités de combat de ces frégates et considère que le Ville de Québec ainsi que les autres frégates sont parmi les meilleurs au monde.

Au cours des deux dernières années, j'ai reçu à bord du Ville de Québec plusieurs officiers supérieurs de la Marine des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de la Belgique et d'autres pays. Tous étaient fort impressionnés par le système de combat et de machinerie du Ville de Québec. Ils étaient étonnés de ses capacités. Les frégates de patrouille canadiennes sont des navires de guerre redoutables prêts à servir notre pays pour bien des années à venir.

[Français]

Il me fera plaisir de répondre à vos questions au sujet de la capacité de guerre du navire et des opérations navales.

[Traduction]

M. Lagueux: Si vous me le permettez, monsieur le président, je dois dire que personne ne peut nier le fait qu'il a fallu un long processus pour amener ces navires là où ils se trouvent maintenant.

[Français]

Il y a eu des problèmes dès le départ, surtout des retards dans les calendriers de travail, alors que l'industrie canadienne devait, comme nous, réapprendre à concevoir et à construire des navires de guerre. Cependant, la majorité des retards initiaux de conception et de construction ont été rattrapés et les quelques problèmes mineurs qui persistent sont en train d'être résolus.

[Traduction]

C'est au fruit qu'on juge l'arbre. Cinq navires, les NCSM Halifax, Vancouver, Toronto, Montréal, Ville de Québec et Regina ont terminé les essais. Ils sont en service opérationnel et ils ont exercé des fonctions de protection de la souveraineté et participé à des missions internationales de maintien de la paix.

Quant aux NCSM Fredericton, Calgary, Winnipeg et Charlottetown, ils ont été livrés, subissent actuellement des essais et entreprendront sous peu des fonctions opérationnelles.

Les deux autres navires sont en construction à Saint-Jean et seront prêts à livrer l'an prochain. Le dernier des navires, le NCSM Ottawa, devrait être livré en juin 1996, trois mois avant la date initialement prévue au contrat.

[Français]

La Saint John Shipbuilding Limited est le principal entrepreneur et assume l'entière responsabilité de la mise en oeuvre de tous les volets du projet. Parmi ses responsabilités, signalons la gestion, la conception et la construction des navires, l'assurance de la qualité, les essais, le soutien matériel, la formation, les installations côtières et de nombreux autres services, ainsi qu'un ambitieux programme de retombées industrielles.

Le contrat conclu avec la SJSL s'élève à 6,2 milliards de dollars.

[Traduction]

La SJSL a travaillé avec deux principaux sous-traitants, Unisys GSG de Montréal - anciennement Paramax Electronics - et Marine Industries Limited (MIL) de Lauzon.

Les navires de la MIL sont terminés et en service. Dans l'ensemble, l'équipe de la Saint John Shipbuilding Limited effectue du bon travail et construit d'excellents navires, ce qui était le but visé dès le départ, c'est-à-dire développer l'expertise canadienne en matière de construction navale.

Je devrais peut-être vous dire quelques mots au sujet d'Unisys étant donné que je vais m'y reporter plus tard. Unysys GSG est responsable de la conception, de l'intégration et de la livraison des systèmes de combat des navires. Cette firme a réalisé un véritable exploit en ce qui concerne l'intégration par ordinateur des capteurs et des armes des FCP, et elle est reconnue mondialement pour son travail.

.1545

Par ailleurs, il y a une foule d'autres fournisseurs canadiens qui participent au projet des FCP, quelque 300 d'entre eux au premier niveau seulement.

Les objectifs du projet de FCP continuent d'être atteints, dans les limites des fonds alloués, et de produire des retombées importantes pour l'industrie canadienne et le pays tout entier. L'expérience opérationnelle confirme maintenant le grand succès de la conception des FCP.

[Français]

Le Canada dispose donc pour la première fois de son existence d'un navire de guerre doté d'un système de combat et d'une machinerie qui sont automatiquement intégrés et contrôlés par ordinateur. Le capitaine du Ville de Québec pourra certainement vous dire dans quelle mesure ces systèmes améliorent sa capacité.

Les frégates sont des navires d'une grande souplesse. Elles peuvent en effet mener des opérations prolongées en mer dans toutes sortes de conditions météorologiques et elles peuvent remplir une vaste gamme de fonctions maritimes nationales et internationales.

[Traduction]

Cdr Thiffault: Un autre aspect important de la construction des frégates au Canada est le programme de retombées industrielles que j'ai mentionné précédemment.

[Français]

Le projet des frégates a effectivement engendré de considérables retombées industrielles.

[Traduction]

Au plus fort de la production, l'entrepreneur principal et ses principaux sous-traitants employaient à eux seuls plus de 6 000 personnes qui travaillaient directement au projet. Plus de 70 p. 100 des sommes consacrées au projet ont été dépensées au Canada, créant ainsi plus de 50 000 années-personnes de travail direct. Quant aux retombées industrielles directes et indirectes, elles totalisent 6,9 milliards de dollars, soit plus que la valeur totale de l'engagement contractuel de la SJSL.

Avant de passer au projet d'entraînement d'Unisys, je dois souligner que le projet de FCP a posé, comme prévu, quelques problèmes au début. Or, il imcombait aux équipes de gestion du gouvernement et de l'industrie de régler ces questions au cours des douze années d'existence du projet, et elles ont fait bien leur travail.

Je pense qu'il y aura aussi d'autres problèmes mineurs qui surviendront de temps en temps, d'ici à ce que le projet prenne fin et à mesure que les navires accumuleront des années de service. Selon nous, c'est normal.

Lorsque l'État produit de l'emploi pour 50 000 personnes et qu'il conçoit et construit un navire de guerre à la fine pointe de la technologie, il faut bien s'attendre à quelques pépins. Or, la gestion de projet consiste précisément à reconnaître les problèmes et à déterminer comment les corriger. C'est exactement ce qu'a fait et ce que continue de faire l'équipe de gestion de projet des FPC.

Au cours des prochaines minutes, j'aimerais vous parler tout particulièrement du contrat de formation conclu avec Unisys, l'un des nombreux projets auxiliaires gérés par le bureau de projet des frégates, en plus du contrat principal.

[Français]

Le Conseil du Trésor a octroyé ce contrat à fournisseur unique à la firme Unisys le 19 avril 1991, car cette entreprise était la seule à posséder l'expérience et les données techniques sur la technologie des systèmes de combat pour les frégates. Après tout, c'était là un des objectifs du projet.

Ce contrat comprenait deux sous-projets qui visaient à fournir des simulateurs de procédure pour la maintenance des systèmes de combat - en anglais, the maintenance procedures trainer or MPT - et un simulateur pour l'équipe de la salle des opérations - en anglais, the operational room team trainer (ORTT).

[Traduction]

Ces simulateurs sont devenus essentiels pour former les marins supplémentaires requis lorsque le projet de FCP est passé de six à douze navires, étant donné que tous les cours de formation pour les opérateurs et les spécialistes de la maintenance sont donnés à l'établissement d'essais techniques.

Unisys, à son tour, a engagé en sous-traitance diverses compagnies expérimentées dans la conception et la construction de systèmes de formation par simulation. Malheureusement, les projets MPT et ORTT ont tous deux subi des retards, et les deux camps avaient sous-estimé le travail de mise au point nécessaire pour la simulation informatisée de la formation. Ce problème a été aggravé par le fait que la compétence d'Unisys en matière de formation n'était pas aussi grande qu'on l'avait pensé ou prévu. Par conséquent, certains délais importants n'ont pas été respectés et la firme Unisys n'a pas été payée.

Finalement, un examen de niveau supérieur de la part du gouvernement et de d'Unisys a dû être effectué en janvier 1993 à la suite de rapports négatifs reçus tant de l'équipe du bureau de projet que de l'équipe d'Unisys. Or, cet examen a révélé que les projets continuaient de poser des problèmes qui retarderaient encore davantage des travaux et qui feraient grimper les coûts. En outre, la responsabilité de ces problèmes était attribuable aux deux parties.

.1550

[Français]

À ce stade, trois options étaient envisagées: poursuivre le contrat, y mettre fin ou le restructurer. Après avoir étudié toutes ces options, on a décidé de modifier le contrat ou d'en restructurer les divers aspects.

L'équipe sur place du gouvernement a été réduite et relocalisée à Ottawa en raison de la nature du travail et des difficultés éprouvées. Nous pourrons discuter de ces décisions, si vous le voulez. On avait alors clairement expliqué la situation aux gestionnaires. Ceux-ci n'étaient pas tous d'avis que ces décisions étaient les bonnes, mais cette démarche a toutefois fonctionné.

En effet, le projet du ORTT en est maintenant à l'étape de définition des besoins, et les spécifications de conception préliminaires devraient être terminées en juin aux coûts prévus dans la modification. On va ensuite procéder à la conception et à la production.

[Traduction]

Pour ce qui est du projet MPT, le prototype a déjà été livré à l'école navale à Halifax. Il a été soumis à une évaluation tout à fait réussie, et les marins s'en servent maintenant pour leur formation. Ce système a également été acclamé sur les scènes nationale et internationale. Tout semble indiquer que le prototype pourrait être utilisé pour d'autres programmes et simulateurs de formation. Une décision quant à la production est à l'étude.

En résumé, ces simulateurs demeurent nécessaires. Les deux projets ont connu des problèmes, mais on s'efforce de les régler. Le projet des simulateurs est conforme au prix plafond de 90 millions de dollars et sera exécuté en deçà de cette limite.

Enfin, nous croyons toujours que la décision de modifier les deux contrats au milieu de 1993 était la bonne et qu'elle servait le mieux les intérêts des contribuables.

[Français]

Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir accordé ce temps. J'espère ne pas en avoir abusé. Nous sommes tous très fiers des frégates canadiennes de patrouille.

[Traduction]

Je vous redonne donc la parole, et si vous ou votre comité avez besoin de quelque renseignement que ce soit, mes collègues et moi-même sommes disposés à répondre à vos questions.

[Français]

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Vous avez dit que le NCSM Ottawa serait la dernière frégate du programme. Je me demande pourquoi Ottawa vient toujours en dernier lieu, qu'il s'agisse de la Ligue nationale de hockey ou de ce programme de frégate canadienne de patrouille. Je me demande si on n'a pas jeté un mauvais sort sur cette ville.

Mais je devrais aussi...

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Je peux vous dire, monsieur le président, que le NCSM Ottawa est dernier mais que le NCSM St. John's est l'avant-dernier.

Le président: Très bien.

Tous les députés à cette table ont siégé au comité mixte chargé de revoir notre politique de défense. Dans le cadre de nos travaux, nous avons voyagé en ex-Yougoslavie et nous avons visité les navires qui faisaient respecter l'embargo dans l'Adriatique. Nous avons tous visité le NCSM Halifax. En fait, M. Jacob était le seul à passer en filière d'envergure entre le NCSM Halifax et le NCSM Preserver.

M. Mifflin: Jack l'a fait aussi.

Le président: C'est vrai?

Vous l'avez fait aussi?

M. Mifflin: Et souvent.

Le président: D'accord. Ces députés ont beaucoup d'expérience, alors vous pouvez vous attendre à... Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, lorsque le ministre a comparu devant nous, il a trouvé que les députés lui posaient des questions bien préparées. Ils sont là pour impressionner.

[Français]

Monsieur Jacob.

M. Jacob (Charlesbourg): Bienvenue, messieurs. C'est un peu moi qui ai demandé ce questionnement sur les frégates ainsi que sur les contrats des logiciels ORTT et MPT.

Ma première question porte sur le budget global. J'ai rencontré le 30 novembre 1994 le commodore Gibson et j'avais posé des questions sur les logiciels, mais aussi sur l'ensemble du contrat des frégates. Au moment où on s'était rencontrés, 10 frégates étaient terminées. Il en reste encore deux. J'avais demandé où en étaient les coûts du programme en général.

J'ai ici ce que j'avais inscrit à ce moment-là. Il restait toujours deux frégates à obtenir et le commodore m'avait mentionné que les coûts initiaux étaient de 10,4 milliards de dollars.

.1555

En ce qui a trait aux coûts initiaux, on peut toujours en discuter et en douter.

J'ai ici une coupure d'article qui est parue lors de la décision relative au programme des frégates. Le premier contrat était de 3 millions de dollars pour les six premières frégates. Un mois plus tard, c'était rendu à 3,2 milliards de dollars et deux mois plus tard, c'était rendu à 3,8 milliards, toujours pour les six premières frégates. Là, on additionne, à partir de 1987, six autres frégates et on fait un «englobage» en disant que le tout va s'élever à 10,4 millions de dollars.

Dans votre document, on affirme maintenant que le total sera de 9,05 milliards de dollars. Je voudrais qu'on me dise précisément ce que comportent ces 9,05 milliards de dollars. Selon les informations qui m'ont été fournies en partie par le commodore Gibson ou par d'autres, ça dépasse drôlement les chiffres que vous mentionnez ici. J'aimerais que vous me détailliez ces 9 milliards de dollars.

M. Lagueux: Monsieur Jacob, le coût approuvé par le Conseil du Trésor pour le projet des 12 frégates était bien de 10,4 milliards de dollars, ce qui inclut les 12 frégates et, comme je l'ai mentionné dans mon exposé d'ouverture, tous les systèmes de soutien rattachés aux 12 frégates.

En ce moment, on s'attend à ce que le projet complété coûte 9,05 milliards de dollars, ce qui, comme je l'ai mentionné, est presque 1,5 milliard de dollars de moins que le coût approuvé par le Conseil du Trésor.

Ce sont les chiffres qui apparaissent dans les prévisions du ministère et ce sont les chiffres officiels pour le projet.

M. Jacob: Si je comprends bien votre réponse, les 9,05 milliards de dollars comprennent tout le programme des 12 frégates, et on aura la dernière vers la fin de l'été 1996.

M. Lagueux: Exactement.

M. Jacob: Ça comprend tous les systèmes d'intégration, les logiciels, les radars et l'armement. Ce montant ne sera pas dépassé d'un cent. Vous me l'affirmez? Je vous en remercie.

M. Lagueux: Ça, c'est pour le projet d'acquisition.

M. Jacob: Simplement le projet d'acquisition. Le programme des frégates, ce n'est pas juste l'acquisition. Vous avez eu des ajouts, au niveau de l'informatique, etc. Je veux savoir le coût exact des frégates au complet. Qu'on arrête d'en enlever ou d'en ajouter.

M. Lagueux: Oui, c'est exact. Naturellement, il y a des coûts de maintenance et de soutien une fois les frégates en service et cela n'est pas inclus dans les 9,05 milliards de dollars.

M. Jacob: Ça n'inclut pas non plus l'armement, sauf les canons fixes. Tout l'armement additionnel qui est ajouté n'est pas compris dans les 9,05 milliards de dollars.

M. Lagueux: L'armement et les munitions qui viennent initialement avec les frégates sont inclus dans ce coût de 9,05 milliards de dollars.

M. Jacob: L'armement est inclus dans le coût des frégates?

M. Lagueux: Oui, l'armement initial ainsi que les munitions initiales pour équiper le navire, afin qu'il soit prêt à aller en mer et fonctionner. Toutes ces choses sont incluses dans le projet et dans les coûts initiaux d'acquisition.

Une fois la frégate en service, au cours des années, il va falloir naturellement acheter d'autres munitions, ce qui ne fait pas partie du coût initial. Le coût de 9 milliards de dollars comprend tout ce qu'il faut pour que les frégates puissent prendre le service en mer.

M. Jacob: Au complet.

Dans votre rapport, il y a une chose qui me dérange drôlement et ce n'est pas la première fois que ça me dérange. D'ailleurs, j'ai posé des questions au ministre à la Chambre à ce sujet. On parle de Paramax et d'Unisys comme étant les seules compagnies capables de fournir ces choses; lorsqu'on a signé le contrat des logiciels d'entretien et de formation en 1991, on a mentionné que cette dernière compagnie, dont le siège social est situé aux États-Unis, était une compagnie de réputation mondiale.

.1600

Le gouvernement est-il au courant de tous les problèmes qu'Unisys a connus avec le ministère de la Défense américain en ce qui a trait aux fraudes, aux pots-de-vin? J'ai ici une note où on lit, qu'en 1991, Unisys avait plaidé coupable pour fraude et corruption dans le cadre du scandale Ill Wind concernant des achats pour l'armée américaine et avait été condamnée à rembourser 190 millions de dollars au gouvernement américain.

On répète sans cesse qu'il s'agit d'une compagnie installée au Québec, alors que l'on sait très bien que tout ce qu'il y a eu de logiciels ou d'information est carrément dirigé vers les États-Unis. Lorsqu'on regarde le processus de fonctionnement d'Unisys avec le ministère de la Défense nationale, et je pourrais continuer... En 1993, Unisys a été condamnée à 70 millions de dollars pour fraude et malversation, pour fausses représentations et bris de contrat, et on vient me dire qu'Unisys est une compagnie parfaite, qu'elle va très bien.

On a beaucoup de problèmes avec les projets MPT et ORTT. Jusqu'à ce jour, on a versé 26 millions de dollars et on n'a rien reçu. On en est rendu à traiter des données et on vient me dire en toute candeur que tout va très bien.

Les problèmes d'Unisys aux États-Unis et au Canada ressemblent drôlement aux nôtres parce que les dirigeants de ces compagnies sont généralement d'anciens militaires, comme c'est le cas d'Unisys au Québec.

J'aimerais qu'on me dise d'une façon claire pourquoi on est en adoration devant Unisys alors que, viv-à-vis de la formation, vous vous êtes rendu compte vous-mêmes que cette compagnie n'avait pas l'envergure nécessaire et qu'on continue à lui donner de l'argent.

Pourquoi maintient-on toute entente avec cette compagnie?

M. Lagueux: Monsieur Jacob, je ne sais pas si on pourrait dire qu'on est en adoration devant la compagnie, mais on a certainement une bonne relation contractuelle avec elle. Comme vous le savez, la compagnie Paramax s'est établie à Montréal pour assurer au Canada la capacité d'intégrer des logiciels, particulièrement pour le programme des frégates. C'était une importante retombée industrielle pour le Canada. Cela a permis au Canada d'avoir la capacité de faire l'intégration de logiciels complexes.

Dans le programme des projets ORTT et MPT, ces systèmes d'entraînement sont basés sur des logiciels installés dans les frégates elles-mêmes. La compagnie Paramax, qui avait construit le système réel sur les navires, était mieux en mesure de comprendre le logiciel et de construire les systèmes de formation et de simulation qui devaient simuler le système réel sur les navires. Donc, il était logique de demander à Paramax de nous fournir les simulateurs pour les systèmes réels qu'elle avait déjà développés et qu'elle avait installés dans les frégates.

M. Jacob: Je ne comprends pas, étant donné qu'ils étaient les seuls à avoir déjà fourni les systèmes pour les frégates, qu'ils n'aient pas réussi à développer les systèmes d'ORTT. Vous dites qu'un prototype a déjà été livré à l'École navale de Halifax. Est-ce Paramax ou plutôt Omicron qui l'a réalisé?

Je trouve ce système très compliqué. Après la rencontre avec le commodore Gibson, j'étais encore plus mêlé et je pense l'être encore plus maintenant. Vous me parlez de firmes canadiennes qui, pour fournir des simulations intégrées... Il y a plein de compagnies canadiennes: Éduplus, SNC-Lavalin, Litton Systems et CAE sont capables de fournir ce genre de systèmes.

J'ai des données de firmes qui me disent qu'en ce qui a trait aux données techniques séparées de Paramax, n'importe quel fournisseur pouvait fournir vos systèmes d'entraînement et d'entretien alors que Paramax n'a pas réussi à le faire. On leur a donné 24 millions de dollars, on n'a rien reçu, on continue à leur donner des sommes et l'on nous dit que l'on respectera le budget de 90 millions de dollars.

.1605

J'aimerais qu'on m'explique cela de façon plus claire parce qu'il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans.

M. Lagueux: Monsieur Jacob, je pourrais peut-être demander à l'amiral Saker d'ajouter quelques mots.

M. Jacob: S'il vous plaît.

[Traduction]

Le président: Amiral Saker, je veux simplement mentionner que nous enregistrons maintenant de façon électronique les témoignages. Il est donc important que nous indiquions sur le ruban la personne à qui nous accordons la parole.

[Français]

Contre-amiral M. Saker (officier senior du génie des Forces canadiennes, ministère de la Défense nationale): Je vais tenter de répondre à votre question.

[Traduction]

Je crois qu'il faut bien comprendre que la société, Paramax Electronics Inc., et le personnel qui se trouvent à Montréal, sont, à mon avis, un peu à part de l'organisation globale d'Unisys. Après tout, la Paramax a été créée spécialement en fonction du programme de la frégate canadienne de patrouille. Une trentaine d'Américains sont venus constituer la société, mais les employés de l'entreprise à Montréal sont en fait canadiens pour la plupart. Le talent qui a permis de monter ce projet est essentiellement canadien.

Pour ce qui est de savoir si quelqu'un d'autre peut faire le travail, nous avons choisi la Paramax en premier lieu parce qu'elle connaissait à fond le système de combat, elle possédait toutes les données techniques - elle les avait constituées - nécessaires à la réalisation de la frégate, et nous étions convaincus, et nous le sommes toujours, qu'elle est la mieux placée pour exécuter le travail. Elle le fait avec l'aide d'autres sociétés et de sous-traitants.

Il vous faut comprendre que le simulateur des méthodes de maintenance, notamment, est un concept de formation à la fine pointe du progrès pour ce qui est des nouveaux horizons qu'il ouvre et des nouvelles façons de travailler. Enfin, la force maritime a accueilli avec un très grand enthousiasme cette nouvelle approche d'instruction. Je ne veux pas entrer ici dans les détails, mais tous ceux qui l'ont vu ne tarissaient pas d'éloges.

Nous avons, en effet, éprouvé quelques difficultés. En partie parce que, selon moi, nous tentions toujours d'aller plus loin. Mais je crois que le produit mis au point, et les produits ultérieurs qui serviront à l'appuyer, répondront très bien aux besoins.

Merci, monsieur le président.

[Français]

M. Jacob: J'ai une autre question sur le projet des frégates dans son ensemble.

Le 22 juillet 1994, le gouvernement actuel a signé un overall agreement accordant 323 millions de dollars à la Saint John Shipbuilding Limited, au Nouveau-Brunswick, afin de réorganiser les systèmes informatisés des frégates et de régler une fois pour toutes les nombreux différends qui opposaient le gouvernement, Unisys et les sous-traitants.

J'ai une copie de cet accord-là. J'aimerais qu'on me dise pourquoi, dans cet accord-là, les parties s'engagent à ne pas se poursuivre mutuellement et à ne faire aucune publicité de façon à ce que cette entente-là soit acceptée.

Si je comprends bien, cela veut dire que peu importe le travail réalisé par les sous-traitants tel qu'Unisys ou SJSL, le gouvernement a maintenant les mains liées. Il ne peut plus y avoir de poursuites judiciaires.

J'ai beau fouiller dans tout ce qu'il y a de programmes d'immobilisation de l'Armée canadienne, je n'ai jamais vu une telle entente et je me demande pourquoi on l'a signée.

Y a-t-il quelque chose à cacher dans ce programme-là?

M. Lagueux: Il n'y a absolument rien à cacher, monsieur Jacob, et je demanderais encore une fois à l'amiral Saker, qui est impliqué dans les détails de cela, de répondre à votre question.

[Traduction]

Cam Saker: Merci beaucoup.

Dans le cadre de tout contrat ou projet d'envergure, il y a parfois des désaccords. On ne s'entend pas toujours nécessairement sur ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Il y a deux façons de régler de tels différends. Des ajustements peuvent être faits au fur et à mesure. On peut aussi mettre la question de côté, convenir de la façon dont le travail doit se poursuivre, et régler le problème par la suite.

.1610

Pour la gestion de ce contrat, conclu avec la Saint John Shipbuilding Inc., nous avons préféré la deuxième option. Certaines des demandes ou des modifications qui se présentaient se sont donc accumulées jusqu'à un certain point dans le processus. Un accord a ensuite été conclu pour régler les points en suspens.

Dans ce cas, on pouvait raisonnablement soutenir que le total des demandes s'élevait à plusieurs millions de dollars. Nous avons donc négocié ces accords avec la société et nous avons conclu un règlement final, qui s'élève à 323 millions de dollars - bien en deçà de ce que représentait le total des demandes. Lorsque vous procédez ainsi, il est très courant de pratiquement remettre le compteur à zéro. Vous convenez que toutes les questions précédentes ont été réglées.

C'est ce qui s'est produit l'été dernier. Je ne comprends pas votre remarque au sujet de la publicité, parce qu'un communiqué de presse a effectivement été diffusé l'été dernier pour annoncer que nous étions parvenus à un règlement.

[Français]

M. Jacob: Neuf mois plus tard.

[Traduction]

Le président: Nous devons poursuivre la séance, mais nous pourrons aborder le sujet à nouveau ultérieurement, si vous le désirez.

[Français]

M. Jacob: J'en ai d'autres, mais...

[Traduction]

Cam Saker: Si je peux me permettre, monsieur le président, le communiqué a été diffusé le jour où l'accord a été signé, et non pas neuf mois plus tard.

Le président: Merci.

Monsieur Mifflin.

M. Mifflin: Je veux moi aussi souhaiter la bienvenue au groupe du programme de la frégate canadienne de patrouille. Des questions fort intéressantes ont déjà été posées.

Je veux poursuivre dans le même sens que M. Jacob, mais d'un point de vue un peu différent. Je veux aussi poser une question qui servira peut-être à mettre en relief la façon dont le projet est géré.

Permettez-moi de poser d'abord ma deuxième question, afin que vous puissiez y réfléchir. Elle est très simple. Monsieur Lagueux, vous et votre équipe pourriez peut-être nous expliquer très brièvement la façon dont le projet a été géré au sein du MDN et ce que l'on entend véritablement par «gestion de projet». Vous pourriez peut-être nous fournir d'autres exemples de gestion de projet et nous expliquer de quelle façon votre projet s'y comparait et s'y compare actuellement.

Deuxièmement, j'aimerais qu'on m'explique quelque chose. Il y a quelques semaines - à l'occasion d'un débat ou dans le cadre des travaux de la Chambre - un des collègues de M. Jacob a mentionné que... Je crois qu'il a dit que d'après le vérificateur général, le projet des frégates accusait un déficit de 2 milliards de dollars. D'où vient cette information? Comment peut-on recueillir des renseignements aussi farfelus et les présenter à la Chambre des communes?

M. Lagueux: Comme je l'ai déjà dit, monsieur Mifflin, les coûts indiqués dans les prévisons budgétaires de la Défense nationale présentés à la Chambre des communes par le gouvernement montrent bien qu'un budget de 10 à 10,5 milliards de dollars avait été approuvé pour le projet. Nous prévoyons qu'il en coûtera 9,05 milliards de dollars. Ce sont les chiffres officiels, et le ministère les maintient.

Je suis désolé, monsieur Mifflin, nous ne savons absolument pas comment on peut conclure qu'il faudra 2 milliards de dollars de plus. Aucun des chiffres mentionnés dans les documents officiels que nous avons présentés ne permet d'établir un tel calcul. Comme je l'ai dit, les documents officiels se trouvent dans la partie III du Budget des dépenses pour la Défense nationale, et il y est bien indiqué que le coût estimatif du programme FCP une fois terminé est maintenant de 9 milliards de dollars,soit environ 1,5 milliard de dollars de moins que le montant officiellement approuvé par le Conseil du Trésor.

M. Mifflin: Vos chiffres sont très clairs, mais le vérificateur général a-t-il vraiment fait un commentaire de ce genre? J'ai fait des recherches, mais je n'ai rien pu trouver.

M. Lagueux: Après avoir entendu cette question posée à la Chambre, nous avons certainement cherché d'où pouvaient provenir ces chiffres. Nous avons examiné les anciens rapports du vérificateur général et nous avons été incapables d'y trouver les données en question, monsieur Mifflin.

M. Mifflin: Très bien. Voilà au moins une question de réglée.

.1615

Qu'en est-il de la gestion du projet? Peut-être pourriez-vous nous dire comment ce programme est géré.

M. Lagueux: Je crois, monsieur Mifflin, que celui qui est le mieux à même de répondre à cette question est le contre-amiral Saker qui a été directeur du projet de la FCP pendant de nombreuses années et qui est actuellement le chef du projet pour quelques jours encore avant son départ du ministère.

Cam Saker: La gestion des projets au sein du gouvernement suit un processus bien établi. C'est le Conseil du Trésor qui donne les lignes directrices. Il exige que certains membres du personnel se consacrent à la gestion des projets. Dans la cas de la frégate, il y a une équipe d'environ 300 personnes provenant essentiellement du ministère de la Défense nationale, puisque nous sommes le client; des gens de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), qui s'occupent de la gestion des contrats; des gens d'Industrie Canada, qui s'occupent des avantages industriels; et des gens du ministère de la Justice qui aident TPSGC pour toutes les questions de contrat afin de veiller à ce que nous menions nos affaires correctement.

En plus de cela, le bureau responsable de la gestion du projet n'est pas livré à lui-même. Je suis ce que l'on appelle le chef du projet. Un échelon au-dessus du bureau de projet, au sein du ministère de la Défense nationale, il y a un chef de projet qui est nommé. En l'occurrence, c'est moi. J'ai dans tous les autres ministères que je viens de citer des collègues qui forment ce que l'on appelle le comité consultatif principal du projet. Ce comité réunit notamment des représentants du Conseil du Trésor, parfois du Bureau du vérificateur général, qui peuvent assister aux réunions s'ils le souhaitent, du ministère des Finances, des Affaires étrangères, etc.

Nous recevons des rapports périodiques sur l'évolution du projet. Nous nous réunissons - dans le cas de la frégate, jusqu'à il n'y a pas très longtemps, c'était tous les trois ou quatre mois. L'équipe du projet nous mettait au courant. Nous examinions le projet et nous assurions que tout allait comme il fallait.

En plus de cela, on exige aussi, pour le projet qui nous occupe, la présentation de rapports bisannuels détaillés au Conseil du Trésor. Ces rapports sont soumis aux analystes du Conseil du Trésor qui le présentent ensuite aux ministres du Conseil. Il y a donc un processus d'examen constant au sein de l'équipe de gestion du projet. C'est le cas pour tous les projets et en particulier pour celui-ci.

M. Mifflin: Quand se termine la gestion du projet en question? À quel moment du déroulement du projet le bureau est-il dissout et la gestion revient-elle aux services généraux de gestion?

Cam Saker: On est en train de dissoudre le bureau actuellement.

M. Mifflin: Vous n'arrivez pas à couper le cordon?

Cam Saker: Je vais m'en séparer, mais certains resteront.

Le projet continue d'exister jusqu'à ce que tous les décaissements soient faits, tous les paiements effectués, tous les biens livrables reçus. En effet, le bureau du projet, l'équipe du projet confient la gestion interne, si vous voulez, des navires en service - ceux qui ont été livrés - au commodore Gibson, qui se trouve du côté de la réception de la ligne hiérarchique et qui s'occupe des choses en aval.

Nous procédons aussi à une certaine réorganisation du ministère. Cela n'a pas vraiment de rapport, si ce n'est que ce que je viens de dire représente la façon dont nous avions l'habitude de procéder et il est possible que l'équipe du projet reste en service, mais bien sûr les 9 milliards de dollars vont être épuisés et les opérations et l'entretien seront assurés avec le budget normalement prévu pour cela.

M. Mifflin: Le bureau du projet existera donc une fois que l'Ottawa aura été livré.

Cam Saker: Il devrait exister un certain temps après que l'Ottawa aura été livré.

M. Mifflin: À cause des décaissements.

Cam Saker: Oui. Sans doute une bonne année après cela. Mais il passe ensuite très rapidement à une unité beaucoup plus restreinte.

M. Mifflin: Merci beaucoup. J'ai une autre question qui, à mon avis, doit être posée.

L'émission W5 a créé une certaine consternation en diffusant un reportage tellement exagéré que même les membres de l'Opposition n'ont pas posé de questions à la Chambre des communes. Je me demande donc simplement comment cela s'est fait - et j'ai trouvé la réponse excellente. J'ai trouvé qu'elle traitait avec sérieux des diverses questions et permettait de calmer toute inquiétude qu'aurait pu avoir le public canadien.

Plutôt que de vous demander de faire des observations générales sur l'émission - car vous l'avez déjà fait - j'aimerais que vous me disiez pourquoi une organisation journalistique suffisamment sérieuse a consacré autant de temps et d'énergie à se documenter et à diffuser un reportage qui dépassait l'entendement.

.1620

M. Lagueux: Comme vous le savez, monsieur Mifflin, plusieurs intéressés se sont opposés à la présentation faite de la FCP à W5. Les constructeurs de la frégate se sont certainement offusqués du reportage et je dois dire qu'au ministère de la Défense nationale, nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec tout ce qui y figurait.

Pour ce qui est de savoir pourquoi W5 a décidé de faire cela, je ne peux malheureusement pas vous répondre. Il faudrait poser la question aux réalisateurs de W5, à CTV. Il est clair qu'ils ont décidé de faire un reportage sur un projet très important de la Défense nationale, un projet à haute visibilité.

Nous osons croire qu'il a une haute visibilité car ce sont de bons navires, des navires qui donnent de bons résultats, et nous voulons véhiculer ce message le plus possible. Nous pensons qu'ils sont parmi les meilleurs navires du monde, un hommage à l'habileté professionnelle des Canadiens, et certainement un hommage à la Marine canadienne. C'est ce genre de message que nous aimerions voir transmettre dans les émissions comme W5. Nous avons certainement été déçus de la façon dont on a décidé de faire le reportage, mais bien sûr, chacun est libre de rendre compte de tel ou tel aspect du projet. Après tout, ce sont 9 milliards de dollars des contribuables canadiens qui sont dépensés et je crois que les Canadiens s'intéressent à ce projet.

M. Mifflin: Merci beaucoup.

M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Monsieur le président, les compressions que nous avons fait subir à Radio-Canada n'étaient peut-être pas suffisantes. Peut-être pourrions-nous faire des économies sur tout ce temps supplémentaire pour concevoir des reportages à l'intention du public canadien.

Le président: Je ne prendrai pas cela comme une motion, mais comme une simple suggestion.

Monsieur Frazer.

M. Frazer: Monsieur Lagueux, contre-amiral Saker, commodore Gibson, capitaine Sylvester, commandant Thiffault, soyez les bienvenus.

Je veux répéter ce qu'a dit notre président. Nous avons beaucoup apprécié notre expérience sur le NCSM Halifax lorsqu'il était dans l'Adriatique.

En tant qu'aviateur, j'avais quelques réticences à devoir aller de Brindisi aux navires et en revenir en Sea King, car les hélicoptères, comme vous le savez, reposent sur une aérodynamique impossible. Tout semble se passer comme par magie. J'avais donc quelques inquiétudes, mais tout s'est bien déroulé.

Les manoeuvres du navire étaient très impressionnantes et je crois que nous sommes sortis enrichis de nos échanges avec les personnes qui étaient à bord.

Si vous me le permettez, j'aimerais approfondir certains problèmes que vous avez connus. Je ne désire pas faire des reproches; je veux simplement savoir ce qui s'est produit et ce qui a été fait pour résoudre le problème. Je veux parler plus précisément des fissures remarquées dans les bielles du moteur diesel. Je crois que les bielles ont été achetées à une entreprise française. J'aimerais savoir, si c'est le cas, ce qui a été fait pour résoudre le problème et quelle responsabilité le fabricant du moteur a assumée dans tout cela.

M. Lagueux: Je vais peut-être pouvoir répondre à une partie de la question et je vais laisser le contre-amiral Saker vous donner des détails, si vous le voulez bien, monsieur Fraser.

Vous avez raison en ce qui concerne les moteurs, ce sont des moteurs diesels Pielstick. Des fissures ont été découvertes dans les bielles des pistons et dans les boulons des bielles du moteur. C'est ce qu'on a découvert après une panne de moteur du NCMS Halifax, le premier navire de la série. Il faut savoir qu'il y a plus d'un moteur à bord de ces navires pour leur permettre de continuer à fonctionner avec les autres moteurs, les turbines à gaz.

Le fabricant est actuellement en train de réparer les moteurs sans frais, même si la période de garantie a expiré, je crois. Ainsi, le fabricant du moteur, Pielstick, veut vraiment nous aider à résoudre ce problème le plus vite possible. Il collabore de façon magnifique.

Pour ce qui est de savoir pourquoi nous avons acheté ces moteurs, j'imagine que c'est en raison du jeu de la concurrence, mais je demanderai à l'amiral Saker d'ajouter des détails à ce sujet.

Cam Saker: Il semble que ce soit le principal entrepreneur, la Saint John Shipbuilding, qui a procédé à ce choix au moment où il a fallu décider entre les différents concurrents.

.1625

Je dois préciser que le bateau proposé par l'autre consortium, cela remonte à 1981-1982, ne possédait pas de moteur diesel de croisière. Le moteur diesel de croisière est une caractéristique de la conception de la Saint John qui nous permettait d'avoir un troisième moteur sur le navire pour pouvoir naviguer de façon plus économique au besoin. Le navire peut d'ailleurs toujours naviguer grâce aux moteurs diesels jusqu'à 15 noeuds à un régime de croisière économique.

On a donc opté pour la Saint John.

Malheureusement, ces choses arrivent. Je m'occupe de ce projet, depuis 1983; étant donné la complexité d'un projet de ce genre et ayant participé à d'autres programmes d'achat de navires dans le passé, je m'attendais vraiment à ce que l'on ait beaucoup plus de problèmes qu'on n'en a eus, je l'avoue bien franchement. L'affaire Pielstick est regrettable, mais on est en train de s'en occuper. En réalité, l'entreprise fait le maximum pour répondre à nos besoins.

M. Frazer: Ai-je raison de croire que l'incident ne se reproduira pas parce que tous les autres navires ont été vérifiés? Est-ce bien cela? On est en train de les réparer avant le montage, je crois?

Cam Saker: On pourrait demander cela au directeur du projet, sauf qu'il a l'habitude de donner beaucoup de détails.

Tous les navires ont été vérifiés. Des mesures correctrices ont été prises.

M. Frazer: Cela a-t-il été fait pour chaque navire?

Cam Saker: Chaque navire a été inspecté.

Y en a-t-il qui n'avaient pas de problème, Jim?

Le capitaine (N) J. Sylvester (directeur actuel du projet de la FCP, ministère de la Défense nationale): Très peu. Dans la plupart des navires, on s'est aperçu que de toutes petites fissures commençaient à se produire.

M. Frazer: S'agissait-il d'un problème de conception?

Capt Sylvester: Je crois que le fabricant nous le dira à la fin. Il essaie toujours de voir pourquoi cela s'est produit, s'il s'agit d'un problème de fabrication ou de conception. Il ne nous a pas encore donné la réponse. Il continue les vérifications. Mais je suis sûr que lorsqu'il aura terminé, il viendra nous dire: «Voilà la cause du problème».

M. Frazer: La réparation consiste-t-elle à remplacer la pièce défectueuse?

Capt Sylvester: Il a remplacé les bielles. Il est arrivé avec une bielle légèrement nouvelle, dont la fabrication et les dimensions sont légèrement différentes. Il y en a actuellement dans certains navires, et certains autres ont de nouvelles bielles. Donc, il y a un peu des deux à l'heure actuelle, et il s'occupe encore de vérifier le mécanisme fautif et de mettre à l'essai les nouveaux mécanismes.

M. Frazer: Commandant Thiffault - si vous me permettez de m'adresser au commandant, monsieur Lagueux - pourriez-vous me dire, sans aller trop dans le détail, car je ne suis qu'un piètre pilote de chasse - comment vous voyez l'utilisation des moteurs, des moteurs diesels par rapport aux turbines à gaz, et quel genre d'avantage cela vous donne?

Cdr Thiffault: Le moteur de croisière est évidemment utilisé pour réduire la consommation de carburant en mer. Nous consommons à peu près la moitié de ce qu'il nous faudrait avec nos principaux moteurs...

M. Frazer: À quelle vitesse?

Cdr Thiffault: ...jusqu'à 15 noeuds. Nous pouvons en gros traverser l'Atlantique et revenir avec le moteur diesel de propulsion en ayant encore environ 30 p. 100 à 40 p. 100 de carburant. C'est donc un moyen très économique de se rendre du point A au point B. Cela nous permet d'avancer pour l'instant à une vitesse maximum de 15 noeuds. Bien sûr, lorsque les réparations auront été faites, on peut espérer qu'on ne nous limitera plus et que l'on pourra aller à des vitesses maximales de 18 noeuds, car c'est dans cette fourchette-là que nous avancerions pour nos opérations normales en mer.

Les principaux moteurs réagissent très bien. Ils entrent en jeu très rapidement. Il en va d'ailleurs de même pour le moteur diesel de propulsion. Donc, lorsque la situation l'exige et que nous avons besoin de réagir rapidement, bien sûr nous avons les turbines à gaz qui sont disponibles; il y en a en fait deux. Nous en utilisons une jusqu'à 26 noeuds et les deux pour aller pleins gaz au-dessus de 28 noeuds. Selon l'opération en cours, nous allons utiliser les turbines à gaz pour réagir rapidement, et les moteurs diesels de propulsion pour nous déplacer à des vitesses économiques.

M. Frazer: Monsieur Lagueux, puis-je revenir encore une fois sur des problèmes que vous avez connus. Je veux parler des tirs intermittents qui se sont produits. Pourriez-vous me redire tout ce qui s'est passé, pourquoi cela s'est passé et ce qui a été fait pour remédier à la situation?

.1630

M. Lagueux: Je demanderai peut-être au commodore Gibson de répondre à cette question. Ces tirs au hasard sont, je crois, survenus à bord du Ville de Québec et...

M. Frazer: Je n'allais pas en parler.

M. Lagueux: ...comme nous avons ici le commandant du navire, nous pourrions peut-être lui demander de nous donner plus de détails à ce sujet.

Le commodore F.W. Gibson (directeur général, gestion du matériel maritime, ministère de la Défense nationale): En fait, monsieur le président, nous avons eu deux incidents qui ont été décrits dans la presse sous le générique de «tirs au hasard». Dans un cas, il s'agissait d'un tir de canon inopiné. Dans l'autre, deux missiles ont été mis à feu, alors qu'un seul devait être tiré.

Dans le cas du tir au canon, on a déterminé que le servant de l'arme avait utilisé le mauvais mode. En fait, la FCP comporte un mode d'engagement automatique pour permettre le tir dans les situations où le commandant estime que la zone d'engagement est tellement restreinte que le mode automatique est préférable. Mais celui-ci n'est utilisé qu'à sa discrétion.

Dans ce cas particulier, comme je le disais, le servant de l'arme a choisi le mauvais mode. Comme l'incident s'est produit dans le cadre d'un exercice de tir, il n'y avait pas de danger. Quand le système a été basculé sur automatique, à cause de la présence d'une cible dans la zone d'engagement, il a fait ce pour quoi il a été conçu. Donc, les comptes rendus qui font état d'un mauvais fonctionnement du système sont inexacts. Dans ce cas particulier, le système a fait exactement ce pour quoi il a été conçu.

Par la suite, nous avons apporté des modifications techniques au logiciel afin qu'il soit moins facile, pour le servant de l'arme, de se tromper dans la sélection du mode de tir. Désormais, pour actionner ce mode, il doit enfoncer non plus une fois, mais deux fois, un bouton.

Donc, nous estimons avoir réglé le problème. Mais comme je le disais, il est évident que dans ce cas particulier, le système a fait ce pour quoi il avait été conçu.

Dans le cas du tir de missile, comme je l'ai précisé, le compte rendu fait état de la mise à feu de deux missiles alors qu'un seul aurait dû être tiré et, là encore, l'exercice s'est déroulé dans un polygone de tir en conditions contrôlées. C'était lors des essais du système en vue d'en vérifier la capacité. Un missile à trajectoire rasante avait été signalé en rapprochement, pour simuler le genre de condition que l'on rencontrerait en combat réel. Dans ce cas également, le servant de l'arme a sélectionné le mode automatique, pour respecter les conditions d'essai. Quand la cible fut perdue par inadvertance, le servant a programmé une deuxième cible. Le système, détectant la deuxième cible, a estimé que deux missiles étaient en rapprochement et qu'il fallait les intercepter tous les deux.

Encore une fois, dans ce genre de circonstances, il est clair que le système a fait ce pour quoi il avait été conçu. Ces deux incidents sont attribuables à un servant d'arme utilisant le système dans un mauvais mode... plutôt qu'au passage intempestif du système d'un mode à l'autre. Il ne s'agit absolument pas d'un défaut de conception. Ces incidents sont survenus dans des conditions d'essai particulièrement contrôlées, mais avec des servants d'armes qui en étaient encore à découvrir toutes les possibilités des systèmes.

M. Frazer: Merci. Je craignais que le système ait mal fonctionné, mais il s'agissait d'une erreur humaine.

Commander Thiffault, est-ce que vous pratiquez encore le passage sous la quille, ou...

Cdr Thiffault: Non, monsieur.

Je vais ajouter quelque chose à ce qu'a dit le commodore Gibson. Tout d'abord, nous étions dans un polygone de tir contrôlé. Le canon n'a pas été chargé avant que nous ne soyons prêts à effectuer l'exercice de tir en mer, en milieu contrôlé. Le canon a été chargé uniquement après que nous ayons estimé que toutes les mesures de sécurité étaient en place, ce qui s'entend des mesures de précaution internes et externes. Malheureusement, quand le servant a actionné la commande de tir, il a commis une erreur.

Cela s'est produit en situation d'entraînement, dans un milieu destiné à l'entraînement, dans un environnement contrôlé, où l'on se préoccupe d'abord et avant tout de sécurité. L'avion qui remorquait la cible n'a jamais été en danger. Avant que l'ordre de charger le canon ne soit donné, nous nous sommes assurés qu'il avait correctement acquis la cible. Ce n'est qu'alors que nous avons chargé le canon et ouvert le feu sur la cible.

Dans le cas des missiles, nous nous trouvions aussi en situation de tir contrôlée et toutes les mesures de sécurité avaient été respectées. Nous avons retiré certains des dispositifs de sécurité équipant le système de missiles afin de tirer le maximum de l'exercice. Nous avons armé deux missiles pour ce tir, au cas où la mise à feu du premier ne fonctionnerait pas.

.1635

Comme les cibles coûtent très cher et qu'il n'y en avait pas beaucoup de disponibles, nous avons voulu tirer le maximum de ce seul tir. Malheureusement, une fois que le système d'acquisition s'est verrouillé sur le missile à vol rasant, qui était censé représenter un missile de type Exocet, il a acquis une première fois la cible à grande distance, puis l'a perdue momentanément à cause du clutter de mer. À partir du retour vidéo, le servant a pris l'initiative d'entrer une seconde cible. Le système a bien reconnu qu'il avait deux cibles à engager, alors qu'en fait il n'en avait qu'une, si bien qu'il a cherché à contrer la menace en rapprochement par un tir de deux missiles.

En situation réelle, j'aimerais beaucoup que mon système réponde de cette façon pour défendre le navire. J'estime que, dans les deux cas, les systèmes ont réagi comme ils le devaient. Quand il a fait feu, le canon a réagi à une commande de tir urgent sur une menace imminente.

Je le répète, jamais ni la sécurité du personnel ni celle de l'avion remorquant la cible ni même celle de l'avion contrôlant le missile n'ont été menacées.

M. Frazer: Y a-t-il...

Le président: À ce comité non plus nous ne faisons passer personne sous la quille, sauf ceux qui dépassent le temps qui leur est alloué et nous allons maintenant donner la parole à M. Richardson.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Merci beaucoup, monsieur le président.

Moi aussi, je souhaite la bienvenue au groupe du projet de la frégate de patrouille. Monsieur Lagueux, j'aimerais vous poser une question. Mais avant, je tiens à dire à ces messieurs de la Marine à quel point j'ai été ravi de pouvoir monter à bord du Halifax et de le regarder manoeuvrer pour nous. J'ai été impressionné par son accélération déparamétée, par sa capacité de virage à grande vitesse, par son engagement des cibles et par l'efficacité du personnel de la salle des opérations. J'ai pu observer assis et j'ai été vraiment impressionné.

J'ai également été impressionné par la qualité de la vie à bord du bâtiment, tout comme j'avais été impressionné par l'habitabilité des F-18. Ayant servi dans l'armée, je n'ai pas profité de ce genre de confort. Mais sachez que je suis fier de voir que notre Marine dispose d'un matériel aussi bon et qu'elle peut compter sur un personnel aussi qualifié.

Cela dit, j'ai deux ou trois questions que j'aimerais vous poser et qui peuvent ne pas... comme toutes les questions à saveur exotique ont déjà été posées.

Il y a la question de l'interopérabilité qui se pose à présent et qui revient dans nos lectures et je crois savoir qu'il est un peu tard dans le programme mais dans l'avenir - je crois, monsieur Lagueux, que cette question s'adresse sans doute à vous - , quand nous achèterons des systèmes de communication et des ordinateurs, on cherchera sans doute à intégrer les trois environnements. Ainsi, quand nous achèterons des systèmes d'informatique ou de communication, ou les deux, le matériel devra comporter tous les branchements nécessaires pour favoriser l'interopérabilité afin de permettre leur exploitation combinée. Il est significatif de constater que toutes les armées du monde occidental évoluent dans ce sens. J'aimerais savoir si cela est déjà en place au Canada. Cette question s'adresse sans doute à vous, monsieur Lagueux.

M. Lagueux: Merci. Vous venez d'aborder un sujet très important, celui de l'interopérabilité et de l'intercommunication, deux éléments qui revêtent une importance extrême de nos jours pour les opérations interarmées et interalliées. C'est la raison pour laquelle, au sein du ministère, l'année dernière nous avons, dans le cadre de la réorganisation, mis sur pied l'OSID - Organisation des services d'information de défense - qui est chargée de tous les systèmes d'informatique installés dans les Forces canadiennes et dans les systèmes de communication associés. Et c'est précisément ce que nous recherchons, nous voulons une organisation parapluie qui chapeaute l'ensemble des Forces armées canadiennes pour nous garantir que ces projets respectent en fait les critères d'interopérabilité et d'intercommunication.

Malheureusement, comme vous l'avez dit, nous avons hérité de nombreux systèmes qui ne se prêtent peut-être pas à cela. Mais au fur et à mesure que nous remplaçons ces systèmes, nous songerons à l'interopérabilité et à l'intercommunication qui sont certainement très importantes, de toute évidence pour les Forces armées canadiennes, mais aussi pour nos alliés. Comme le commandant Thiffault l'a mentionné dans ses remarques liminaires, notre frégate de patrouille canadienne a fait la liaison, notamment pendant l'exercice de l'OTAN au large de la Norvège, avec plusieurs de nos alliés en assurant la communication entre eux.

.1640

Donc, il existe déjà un degré élevé d'interopérabilité, et il est également très important au sein de l'OTAN que les alliés développent cette même capacité.

M. Richardson: Merci beaucoup. Je suis très content que vous ayez parlé des alliés.

J'aimerais savoir si le ministère de la Défense nationale est en mesure d'élaborer son propre programme ou ses propres systèmes de formation, comme ceux qui ont été donnés en sous-traitance à Paramax. Cette capacité existe-t-elle à l'interne, ou le ministère est-il obligé de donner cela en sous-traitance à des entreprises privées?

M. Lagueux: Je voudrais demander à l'amiral Saker de vous répondre.

Cam Saker: Je pourrais vous donner une réponse générale, et d'autres voudront peut-être ajouter à mes propos par la suite.

Vous me demandez si le ministère a la capacité de le faire, et je suppose que si nous étions prêts à consacrer les ressources nécessaires, nous pourrions assumer cette fonction. C'est un choix à faire.

Je pense que nous disposons actuellement d'excellentes ressources et de très bonnes compétences au sein du ministère. Cependant, comme vous le savez, nous sommes actuellement en train de réduire nos effectifs. Depuis quelques années, nous nous efforçons dans la mesure du possible de confier à l'industrie privée les tâches qu'elle est le plus apte à accomplir. En ce qui concerne l'acquisition de matériel et l'élaboration de systèmes, etc., la politique du gouvernement et du ministère consiste depuis un certain temps à sous-traiter ce genre d'activités.

Donc, quand il s'agissait d'obtenir un simulateur de système de combat, pour nous, la meilleure solution était de s'adresser à l'industrie privée.

Nous aurions été obligés de consacrer des ressources substantielles à l'élaboration d'un tel système.

Je suppose que cela répond à votre question.

M. Richardson: Oui, je comprends très bien, mais étant donné les changements qui s'effectuent au sein des Forces armées, nous allons finir par limiter considérablement le rayon d'action de notre appareil militaire. Si vous avez déjà eu à prendre rapidement de l'expansion pour répondre à un besoin particulier, je suppose qu'il vous serait utile d'avoir cette capacité à l'interne.

Cam Saker: Vous avez parfaitement raison. En procédant à la réduction de nos effectifs, nous essayons de maintenir une masse critique qui nous permette de mobiliser de telles ressources ou encore, au fur et à mesure que notre orientation change, de diriger, de gérer et de contrôler l'élaboration de ces outils par l'industrie privée. Le ministère évolue de plus en plus en ce sens depuis quelques années, et donc sur ce plan-là, notre optique n'a pas changé.

La plupart de nos projets sont gérés par une équipe de moins de 50 personnes. La majeure partie des travaux se font au sein de l'industrie, mais en même temps nous essayons de nous assurer du respect de critères de performance raisonnables. Nous savons ce que veulent les techniciens et nous pouvons donc définir avec précision leurs besoins en traitant avec l'industrie privée. Ensuite, nous devons nous assurer du respect de ces critères.

M. Richardson: Je ne veux pas parler trop longtemps, mais je pense qu'il doit me rester encore quelques secondes. Bon, j'exagère peut-être. Merci beaucoup de vos réponses.

M. Mifflin: Vous êtes fort généreux.

[Français]

M. Jacob: J'ai deux petites questions techniques et un commentaire.

Les frégates sont équipées de systèmes de refroidissement et de suppression d'émissions afin qu'elles ne puissent être détectées à l'infrarouge. C'est exact?

Ce même système de refroidissement a-t-il aussi été - je sais qu'il ne l'était pas auparavant - installé au niveau des compartiments des génératrices?

M. Lagueux: Je ne peux répondre à votre question, monsieur Jacob, mais le capitaine Sylvester le pourrait.

Capt Sylvester: Le groupe de propulsion est doté d'un système d'ouverture de ventilation alors que le moteur auxiliaire, c'est-à-dire les génératrices, sont dotées de ce qu'on appelle un système à induction. Ce dernier assure le refroidissement du moteur, et de façon quelque peu différente, puisqu'il envoie de l'air.

M. Jacob: La réponse est oui?

[Traduction]

Capt Sylvester: Oui.

[Français]

M. Jacob: A-t-on effectué des tests sur les effets des émissions micro-électriques des 57 systèmes intégrés de la frégate et des émissions d'ondes occasionnées par les radars principaux et le radar au laser sur la santé des membres de l'équipage?

.1645

[Traduction]

Capt Sylvester: Oui, tous ces systèmes ont fait l'objet de tests exhaustifs. Les émissions, les propriétés de tous les radars et les effets de ces systèmes ont tous été étudiés en profondeur et mesurés avec précision.

[Français]

M. Jacob: Y a-t-il eu des tests d'effectués sur le navire durant son fonctionnement?

Cdr Thiffault: Oui, monsieur Jacob. Je puis vous assurer que des essais complets sur les émissions de radars, les émissions des systèmes de télépointeurs, etc., ont été effectués à bord du navire par des représentants du gouvernement fédéral qui sont montés à bord avec leurs instruments. Ils ont mesuré les émissions pour s'assurer de leur sécurité pour le personnel. Les émissions de communications ou de radars ont été mesurées et documentées, et ces tests ont été fournis aux dirigeants du navire pour leur permettre d'élaborer une directive pour la sécurité à bord. Cela a été fait et j'ai toute la documentation à bord du navire pour le prouver.

De plus, en ce qui a trait aux émissions de la cheminée et de la génératrice, etc., je viens tout juste de compléter un essai au large de l'Écosse, où nous avons éprouvé nos systèmes de leurre et les systèmes qui suppriment les émissions de cheminée principale et des cheminées secondaires du navire. Je puis vous assurer que les résultats sont très encourageants. Nos systèmes de leurre, qui protègent le navire de façon passive, sont aussi très efficaces. Les gens qui ont été impliqués dans les essais ont été impressionnés. Nous avons toute la documentation nécessaire pour le prouver.

M. Jacob: J'aurais un commentaire. M. Lagueux nous disait plus tôt qu'il y aura une économie d'environ 1,4 milliard de dollars dans le contrat des frégates. Le 18 novembre 1994, l'honorable ministre de la Défense disait que, dans le cas des frégates de patrouille canadiennes ainsi que d'autres équipements des Forces armées, les dépenses dépassaient souvent les prédictions en raison de la mise au point de nouvelle technologies.

Il y a eu des problèmes au départ. Il y a eu des dépassements de coûts. Il faudrait peut-être avertir le ministre que vous avez fait des économies. Également, si nos frégates sont aussi performantes qu'on le dit, je souhaiterais qu'à un moment donné, on puisse en vendre à d'autres pays comme on a tenté de le faire jusqu'à présent, mais sans succès. Merci.

[Traduction]

M. Hopkins: Je voudrais aborder un autre aspect. Nous avons effectivement eu l'occasion de monter à bord d'un des navires et d'obtenir des renseignements fort complets au sujet des possibilités qu'il offre. Il s'agit d'un navire tout à fait exceptionnel.

Pourriez-vous aborder la question de la vente de ces navires? Quelles sont les possibilités, et s'il en existe, de quel pays pourrait-il s'agir?

M. Lagueux: Je vais demander à l'amiral Saker de vous répondre, monsieur Hopkins.

Cam Saker: Comme vous le savez, bien entendu, la Saint John Shipbuilding essaie de vendre différentes versions de la frégate. L'Arabie saoudite a été approchée lors de la dernière tentative, mais aucune vente n'a été conclue pour des raisons que j'ignore. En ce qui concerne la frégate et les systèmes dont elle est dotée, je peux vous assurer que dans tous nos contacts avec eux, les représentants d'autres pays et d'autres marines ont toujours été fort impressionnés par les capacités de nos navires, et notamment par nos systèmes de combat automatique et nos systèmes de commande et de contrôle.

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Même s'il est toujours risqué de se livrer à des prévisions, je pense qu'il y a de bonnes chances que, dans le programme d'équipement de leur flotte militaire, les autres pays optent pour les différents systèmes qui intègre actuellement ce navire. C'est sans doute la façon la plus probable dont les ventes seront réalisées dans l'avenir. En fait, il est certains aspects de la frégate - par exemple, la version du système de commande des machines pour les moteurs principaux ainsi que tout le matériel sous les ponts, système qui a été conçu et mis au point par CAE à Montréal - qui ont été vendus à l'étranger pour plusieurs applications.

Le système de limitation des avaries qui contrôle tout le système d'extinction des incendies et de ventilation ainsi que les autres systèmes du genre à bord du navire, a remporté un succès sur le plan international. En fait, le système d'extinction des incendies, de Securiplex, équipe le tunnel sous la Manche. Donc, ces technologies ont des retombées là où on ne s'y attend normalement pas.

Plusieurs personnes se sont intéressées au système de communication de bord, parce qu'il permet... Vous avez vu ce système qui permet d'appeler tout aussi bien à la maison, de l'autre côté de l'océan, qu'en bas, à la buanderie.

Donc, ce navire est équipé de plusieurs systèmes notoires dont la technologie, pour parler avec un peu d'humilité, a été élaborée essentiellement sous l'impulsion de la Marine canadienne, grâce au genre d'exigences qu'elle a formulées il y a 15 ou 16 ans. C'est la Marine qui a formulé toutes ces idées.

Et effectivement, l'idée d'un système automatique et entièrement intégré de conduite du tir, ainsi que le système d'évaluation de la menace et de désignation des armes ont été développés sous l'impulsion des Canadiens. Tout le monde savait certes que telle était l'orientation à suivre dans l'avenir, mais c'est le Canada qui a eu le courage de s'engager le premier sur cette voie. Quand les gens voient ce bâtiment à l'étranger, je suis sûr que c'est ce qu'ils ne peuvent s'empêcher de penser. Ils le regardent et ils voient que ça fonctionne.

M. Hopkins: Quels navires équipant actuellement les flottes étrangères, se comparent avec celui-ci, sur le plan de la technologie employée et des équipements et des opérations spécialisés?

Cam Saker: Eh bien, les frégates soeurs, si vous voulez les appeler ainsi, sont britanniques, hollandaises, françaises et même américaines et elles bénéficient toutes d'une technologie semblable. Il y a une chose qui doit nous revenir, c'est que nous avons ouvert la voie en matière d'intégration.

Le degré d'intégration des systèmes automatisés à bord de notre frégate nous place en avance de tous les autres, pour ce tonnage de navires. Normalement, pour retrouver des systèmes d'intégration à peu près semblables, il faut passer à des navires beaucoup plus gros. Dans l'évaluation que je fais de la situation à l'heure actuelle, je dirais que personne d'autre que nous dans le monde n'a encore atteint le même degré d'intégration. Mais ils ne sont pas très loin derrière; dans deux ou trois ans d'ici, d'autres pays opteront pour cette approche, parce qu'ils se rendent compte qu'elle a marché pour nous.

M. Hopkins: Lors de nos audiences du comité d'examen de la défense, nous avons beaucoup entendu parler des régions présentant un intérêt pour les Canadiens. Certes, nous nous intéressons à la ceinture du Pacifique et aux autres pays, partout dans le monde, sur un plan commercial - et récemment, vous avez eu affaire au problème des pêcheries, et ainsi de suite - si bien que certains Canadiens peuvent se demander pourquoi nous avons besoin de 12 frégates. Je crois qu'il serait intéressant que vous nous en expliquiez la raison, en des termes simples.

Ma deuxième question porte sur le personnel. De toute évidence, vous avez à bord de vos navires un personnel parfaitement entraîné, formé par le ministère de la Défense nationale, qui demeure le plus grand centre de formation que nous ayons au Canada.

À présent que vous devez réduire la taille des Forces armées, jusqu'à quel point avez-vous de la difficulté à retenir ce personnel hautement qualifié? Si, à un moment donné dans l'avenir, nous devions faire face à une crise, nous aurions besoin de plus de personnel; mais étant donné le monde technologique dans lequel les civils évoluent à l'heure actuelle, sera-t-il facile aux Forces armées de recruter les gens pour leur donner ces emplois à bord des navires, qui sont à la fine pointe de la technologie?

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M. Lagueux: Pour répondre à la première partie de votre question, monsieur Hopkins, je laisserai la parole à l'Amiral Saker. Et peut-être que le Commander Thiffault pourra vous parler de l'équipage du navire et du personnel de bord, pour répondre à la deuxième partie de votre question.

Cam Saker: Monsieur Hopkins, vous avez à la table toute une bande d'ingénieurs et je sais que M. Mifflin meurt d'envie de répondre à votre question.

Comme vous le savez fort bien, nos côtes sont immenses et nous sommes bordés par de vastes étendues océaniques. Pendant plusieurs décennies, nous avons eu des forces navales pour surveiller ces côtes, qui étaient en mesure de répondre à des besoins, partout dans le monde, selon ce que décidait le gouvernement canadien.

Notre marine est petite et sa taille continue de diminuer. Donc, notre philosophie est de nous doter de navires de la taille des frégates, polyvalents, efficaces, pouvant répondre à toute une variété de besoins, de la simple surveillance côtière par hélicoptère, qui peut tout de même porter sur des centaines de milliers de milles carrés, jusqu'à une éventuelle intervention comme dans le cas du golfe Persique. Malheureusement, nous n'avions pas de frégates à l'époque. Comme vous le savez, nous avons dû rééquiper une partie de notre flotte pour pouvoir intervenir là-bas.

Je vois que la situation du Golfe montre que, très souvent, il n'y a pas d'avertissement. Il faut soudainement répondre d'une façon ou d'une autre et c'est ce que l'on peut déployer sur le terrain des opérations qui compte. Si ce n'avait été du projet des frégates et du projet TRUMP, qui étaient sur le point de livrer leurs premiers navires, nous n'aurions pas, à l'époque, disposé des ensembles nécessaires pour équiper les bâtiments que nous avons fini par dépêcher dans le Golfe. Ce n'est que parce que nous disposions alors de ces équipements et que les entrepreneurs étaient en train de les installer à bord des frégates et des navires de la classe Tribal, que nous avons pu en utiliser une partie pour équiper les navires que nous avions en service.

Voilà qui explique sans doute pourquoi nous avons besoin d'une marine. Je crois que votre question concernait bien la marine ou les frégates. Cela sous-entend les navires de surface, les avions qui survolent les mers et notre capacité sous-marine également.

M. Hopkins: J'estime qu'il est important que cela soit consigné au procès-verbal parce que certains membres de notre société ne croient pas que nous avons aujourd'hui besoin d'une marine. Je crois qu'il est important que cela soit dit pour mémoire et répété. On ne le répétera jamais assez.

Cam Saker: Avant de laisser le soin au commander Thiffault de vous parler de la question du personnel, permettez-moi de vous raconter un peu ce qui s'est passé quand nous avons mis en service les navires à turbines à gaz, les navires qui n'étaient plus propulsés à la vapeur et les systèmes électroniques de bord, au début des années soixante-dix, au moment de l'entrée en service des destroyers de la classe Tribal. Je me rappelle l'inquiétude des gens à l'époque, quand nous demandions comment nos marins allaient pouvoir s'adapter à la nouvelle situation.

Eh bien, cette fois-ci, je n'ai rien entendu de tel. Une fois que les frégates ont été mises en service, le personnel est monté à bord, après avoir suivi une formation, et je n'ai rien entendu de tout cela. J'en étais fort étonné. Je m'y attendais, mais je n'ai rien entendu. Très franchement, je vais vous dire que si nous devions recruter des jeunes sortant de l'école aujourd'hui - surtout des écoles techniques - nous pourrions très rapidement les embarquer à bord et leur apprendre comment exploiter et entretenir ces navires. C'est ce que je pense. Et le Commander Thiffault ferait mieux de partager mon point de vue. Il a une expérience pratique des équipages.

Cdr Thiffault: Sur le premier point, j'ajouterais que l'impératif opérationnel, selon moi, n'est pas différent de ce qu'il était. Nous sommes encore à la limite de nos ressources et nous continuons de nous acquitter de nos obligations opérationnelles. Nous sommes le pays au monde qui a les plus longues côtes océaniques. Nos eaux épicontinentales sont immenses. Et pour patrouiller toute cette superficie et exercer notre présence dans nos zones de responsabilité, de même que pour contribuer de façon valable à la paix mondiale, dans l'Adriatique et partout ailleurs, nous avons besoin de matériel.

.1700

Peu le savent, mais la marine a également participé aux opérations de restauration de la démocratie au Cambodge. Aujourd'hui, nos ressources sont étirées aux maximum, mais nous continuons de nous acquitter assez bien de notre tâche avec le matériel que nous avons.

Je crois que nous n'avons rien à envier aux autres pays quand on songe au système d'information dont nous disposons aujourd'hui. Les jeunes hommes et les jeunes femmes qui se retrouvent à bord du navire aux grades les plus bas, de matelot de troisième classe et de matelot de deuxième classe, sont bien formés. Leur avancement professionnel est équilibré et, avec le temps, ils acquièrent de nouvelles compétentes par le biais de la formation en cours d'emploi ainsi que des cours de recyclage et de formation professionnelle dans les centres de formation sur la base.

Nous n'avons plus de difficulté à retenir le personnel. Nous avons de nouveaux bâtiments et de nouveaux équipements. Les gens sont véritablement emballés par le nouvel équipement et par l'idée de travailler sur du matériel de haute technologie. En outre, la philosophie en matière de réparation a changé. Par exemple, ne ne répare plus les cartes des grandes composantes en intervenant au niveau du transistor. Désormais, on remplace la carte tout entière, ce qui en un sens exige moins de compétences mais qui nécessite un esprit d'analyse et une compétence technique suffisante pour cerner le problème.

Dans l'ensemble, je crois que nous devrons réduire nos effectifs le moment venu et ce sera difficule, parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui veulent quitter les forces armées aujourd'hui. Le moral chez nous est très bon.

Je me sens très soutenu quand je suis en mer. J'ai un équipage d'environ 200 ou 220 personnes, en comptant le détachement aériene. Le bâtiment qui fait 440 pieds de long peut avoir un équipage de plus de 300 personnes. Quand la moitié de l'équipage est de veille et que l'autre est de repos, on se croirait sur un bateau fantôme. C'est un gros navire aux capacités excellentes, parce qu'il est particulièrement automatisé.

Il est certain que, de nos jours, les gens sont ravis de pouvoir servir dans la marine et de travailler à bord de ces nouveaux navires.

Voilà Kelly, à peu près, la situation sur ce plan. Je ne pense pas qu'il soit difficile pour nous de retenir le personnel et, en plus, nous offrons une formation hors pair. Je ne connais pas d'autres programmes ailleurs qui soient aussi bons que le nôtre.

Le président: Merci. Nous avons également suivi un excellent programme de formation à ce comité, comme M. Frazer va à présent en faire la démonstration.

M. Frazer: Après une telle introduction, j'ai même des craintes de poser des questions. Mais je vais en poser deux ou trois petites.

À propos d'Unisys, de la formation sur le MPT et de l'OTT, vous avez dit que le prototype était maintenant opérationnel à Halifax. Cela veut dire qu'il y aura d'autres simulateurs. Combien coûteront-ils? Combien y en aura-t-il? Où seront-ils situés?

M. Lagueux: Je crois que le commodore Gibson pourra vous répondre en détail à votre question, mais, avant cela, je vous confirme que le prototype de simulateur à Halifax est actuellement utilisé par la marine.

Cmdre Gibson: Comme vient de le dire M. Lagueux, le prototype se trouve maintenant à Halifax. Nous avons l'intention d'élaborer les autres logiciels qui fonctionneront sur le même matériel que nous avons déjà acheté.

Il faudra acquérir d'autres équipements pour constituer les salles de classe nécessaires, mais vous devez comprendre que le prototype et l'armature sur laquelle nous élaborerons les autres logiciels à partir de leçons apprises dans l'exploitation du prototype.

Pour l'instant, nous avons l'intention de simuler ou de reproduire 11 à 12 équipements supplémentaires de la frégate. Il s'agira de 12 en fonction des prévisions relatives à l'encombrement de la formation, pour pouvoir former les gens sur le MPT. À présent que nous maîtrisons le MPT, nous passons à la phase de production pour élaborer d'autres applications informatiques afin d'en arriver au genre d'équipement dont nous estiomons avoir besoin.

M. Frazer: Donc, il y aura un seul simulateur, mais vous en accroissez la capacité. J'avais cru comprendre, d'après ce que vous aviez dit, qu'il y aurait plus d'un simulateur. Y en aurait-il un dans l'Est, un dans l'Ouest et un au Québec, par exemple...

Le président: Dites-nous où...

M. Frazer: À Esquimalt.

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Cmdre Gibson: Encore une fois, il a été décidé que le simulateur serait celui de la frégate canadienne de patrouille. Et en fait, le commandement maritime a décidé que c'est à Halifax que se donnerait la formation sur la frégate canadienne de patrouille.

Esquimalt a été retenue pour la formation sur les navires de la classe Tribal. Vous devez comprendre que le simulateur correspond simplement à une série de postes de travail. À l'heure actuelle, le simulateur a une capacité d'accueil de 10 opérateurs. Nous installerons 20 autres places grâce au logiciel de simulation supplémentaire pour en arriver aux 11 à 12 systèmes dont je vous parlais.

M. Frazer: Comme je le disais, c'est moi qui avait mal compris. Je croyais que par prototype vous entendiez qu'il y aurait un deuxième, voire un troisième simulateur et je me demandais où ils seraient installés.

Mais vous n'avez pas répondu à ma question au sujet de coûts. Vous me l'avez sans doute indiqué dans votre exposé, quand je vous ai rendu visite, mais j'ai oublié depuis.

Cmdre Gibson: Sur le contrat total de 90 millions de dollars, la partie du simulateur de procédures de maintenance, des simulateurs des systèmes de combat, équivaut à 25 millions de dollars. Jusqu'ici, nous avons dépensé 12,6 millions de dollars et nous pensons que les 11 à 12 systèmes supplémentaires représenteront la différence jusqu'à hauteur de 25 millions.

M. Frazer: Allez-vous respecter le budget?

Cmdre Gibson: Oui. Le mandat accordé dans le cadre du budget est très clair, il y a un montant à ne pas dépasser et nous allons respecter le budget et même dépenser moins.

M. Frazer: Avant que nous ne partions, je veux vous poser une dernière question, si je le peux. Est-ce que le budget total de 9,05 milliards de dollars que représente le programme des frégates comprend les frais de perfectionnement du personnel, nécessaires à l'exploitation de ces bâtiments en mer, ou faut-il les ajouter à cette somme?

Cmdre Gibson: Les 9,05 milliards de dollars englobent tout ce qui touche à la mise en service des frégates canadiennes de patrouille. Cela s'entend des navires eux-mêmes, du contrat avec Saint John Shipbuilding Ltd. d'environ 6,2 milliards de dollars, de toutes les pièces de rechange que nous avons achetées, de tous les frais de gestion du programme et de toutes les munitions. En fait, tout ce qui a été nécessaire à la mise en service de la fégate canadienne de patrouille est inclus dans les 9,05 milliards de dollars.

M. Frazer: Y compris la formation est équipages.

Cmdre Gibson: Effectivement, y compris la formation des équipages.

M. Frazer: Je me posais la question, parce que cette façon de faire est de plus en plus courante et je pense que c'est une bonne chose. Vous savez exactement ce que la mise en service d'un bâtiment va coûter.

Cmdre Gibson: Une petite précision. Pour en venir à la question de la formation initiale du personnel, je précise que le COMAR a besoin des simulateurs pour continuer d'assurer la formation permanente des équipages.

M. Frazer: Merci.

M. Richardson: Je me propose d'enchaîner sur la question du matériel de haute technologie, puisque c'est certainement ce qui fait que le programme des frégates est tellement exceptionnel au sein des forces canadiennes.

Quand on songe à la durée de vie utile de 25 ans du bâtiment, avec un carénage de mi-vie - et je dois m'en remettre à mon bon ami l'amiral Mifflin pour vous citer toutes ces données - , vous devrez être certainement moderniser régulièrement tout ce qui est haute technologie plus régulièrement.

Pouvez-vous intervenir au niveau de la gestion du programme, ici et là, pour avoir la certitude que les frégates demeureront à la pointe du progrès, comme c'est maintenant le cas? J'ai l'impression que c'est là quelque chose de très important pour ce genre de matériel.

Cam Saker: Je vais répondre à cette question, si vous me le permettez. Vous avez tout à fait raison. Vous ne pouvez vous lancer dans un programme d'équipement maritime en vous disant que les choses s'arrêtent là et que vous pouvez vous détendre jusqu'à ce que de nouveaux besoins se fassent sentir. Par contre, vous devez aussi vous montrer prudent, parce que le budget est limité.

Nous avons déjà prévu un carénage de mi-vie pour les frégates canadiennes de patrouille, bien après le tournant du siècle. Nous avons déjà cerné certaines technologies qui, pensons-nous, conviendront parfaitement à ce bâtiment, d'ici là.

D'ailleurs, nous collaborons avec certains de nos alliés à la mise au point de quelques-unes de ces technologies que nous mettrons en oeuvre dans l'avenir. Je vous dirais qu'une des choses que nos alliés vont chercher à installer à bord de leur prochain modèle de navire, c'est essentiellement l'architecture du système de combat que nous avons déjà.

Nous partons sur d'excellentes bases. Dans l'avenir, il nous faudra être en mesure de réagir plus rapidement, la menace se faisant plus rapide et plus complexe, et il nous faudra sans doute couvrir un spectre d'émissions électroniques plus large pour pouvoir capter ce qui est intéressant, par le recours aux infrarouges ou à d'autres systèmes.

.1710

Donc, vous avez tout à fait raison, monsieur. Nous ne pouvons baisser la garde et, au moment même où nous mettons ces bâtiments en service, plusieurs personnes au ministère se concentrent sur nos besoins futurs.

M. Richardson: Merci.

Le président: Je tiens à remercier nos invités. Je me réjouis de voir que notre programme de formation a fonctionné aujourd'hui, parce que tout le monde a dit son nom avant de prendre la parole, comme nous le voulions. Merci beaucoup de vous être rendus à notre invitation.

Je vais réitérer ce que je disais au début, à savoir que peu importe notre appartenance politique, tous ceux qui se sont retrouvés à bord du NCSM Halifax, dans l'Adriatique, se sont sentis très fiers d'être Canadiens. Merci d'être venus aujourd'hui.

M. Lagueux: Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: La séance est levée.

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