Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 octobre 1995

.0913

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, je crois que nous pouvons commencer.

Je voudrais tout d'abord remercier sincèrement la Fédération canadienne de l'agriculture d'avoir accepté de comparaître et de nous présenter un mémoire malgré un si court préavis. Normalement, nous essaierons de vous donner beaucoup plus de temps, mais puisqu'il nous faut démarrer et qu'il y a des tas de choses à faire, nous avons demandé à Jack et à Sally s'ils pouvaient se préparer aussi rapidement. Je vous remercie beaucoup d'avoir accédé à notre demande.

Je veux vous assurer, Jack et Sally, ainsi que vos collaborateurs que notre comité est là pour vous entendre et pour collaborer, de façon officielle ou officieuse, afin que les voies et portes de communications soient constamment ouvertes. Tous les membres du comité ont pour objectif le développement de l'agriculture et du secteur agro-alimentaire au Canada. Aussi, même s'ils nous arrivent d'afficher parfois certaines tendances politiques, nos objectifs sont tous les mêmes. Nous sommes ici pour essayer de vous aider à définir les problèmes et à préciser les préoccupations et vous aider à les régler.

Merci donc encore d'être venus aujourd'hui.

Là-dessus, Jack, je vous cède la parole. Peut-être pourriez-vous présenter vos collaborateurs avant de commencer.

M. Jack Wilkinson (président, Fédération canadienne de l'agriculture): Merci, monsieur le président et félicitations. J'espère que vous êtes heureux de présider ce comité.

.0915

Je suis accompagné de Joyce Henry qui s'occupe des communications et de suivre ce qui se fait à Ottawa. Yves Leduc est à la direction des politiques ou de ce que nous avons toujours considéré comme la direction des politiques. Nous espérons pouvoir bientôt remplacer la direction des politiques d'Agriculture Canada. Nous essayons de conclure une entente avec le ministre afin qu'il se contente de nous donner l'argent voulu pour que nous lui fournissions les avis nécessaires; il ne lui resterait plus qu'à suivre nos avis et la situation s'en trouverait considérablement améliorée pour tous. Cette entente n'a malheureusement pas encore été tout à fait conclue. Frank Claydon a quitté ce poste et nous nous proposons de présenter Yves comme sous-ministre adjoint responsable de la direction des politiques si nous ne parvenons pas à conclure cette entente.

Des voix: Oh, oh!

M. Wilkinson: Et Sally Rutherford, que vous connaissez tous, qui est la directrice générale de la FCA.

Si vous nous donnez plus de temps pour nous préparer à l'avenir, nous ferons l'impossible pour vous envoyer un mémoire à l'avance afin que vous puissiez en prendre connaissance avant que nous ne venions et que nous ayons ainsi une discussion plus approfondie. Il se trouve que cette fois nous avions plusieurs exposés à présenter presque simultanément, qu'il s'agisse de notre comparution au Comité des banques ou de trois ou quatre... C'est toujours la même chose. Nous n'avons donc pu vous envoyer ce mémoire à l'avance et nous vous prions de nous en excuser parce que je sais que cela complique les choses.

Néanmoins, notre exposé est assez concis et bref. Je ne m'arrêterai que sur les points saillants s'il est entendu qu'il fera partie du compte rendu de vos délibérations et qu'ainsi rien ne sera omis même si j'oublie quelque chose.

Vous constaterez également que nous avons ajouté un certain nombre d'autres sujets de discussion qui dépassent la question des engrais, du carburant et des pesticides. Cela, en partie parce que nous savons qu'il y a un certain nombre d'intrants qui vont représenter de fortes hausses pour les agriculteurs et sur lesquels le gouvernement fédéral peut en quelque sorte agir alors que dans d'autres domaines, il n'a peut-être pas autant de marge de manoeuvre. Nous voulions ainsi signaler certains des champs de compétence directs du gouvernement fédéral car il est encore temps de changer la politique du gouvernement et d'éviter certaines hausses de prix majeures. Nous aimerions que vous puissiez ainsi revenir là-dessus.

Comme nous le savons tous, je crois, nous avons constaté cette année une forte augmentation dans le prix des engrais, ce qui a dans une large mesure motivé l'étude de la question des intrants. Dans certains cas, les prix ont augmenté de plus de 50 p. 100.

Il faut dire que cela touche les régions différemment. Trois provinces des Prairies utilisent environ 68 p. 100 des engrais; comme il s'agit essentiellement d'une région de cultures commerciales, il est évident que les céréaliculteurs ont été beaucoup plus touchés par cette situation que les agriculteurs d'autres régions comme l'Ontario et le Québec où il y a beaucoup plus de bétail et une agriculture plus diversifiée... L'impact n'a pas été le même partout. Certes les producteurs de cultures commerciales, si c'est leur principale production, ont dû supporter cette année de très fortes augmentations du prix des engrais.

Nous pensons que pour le prix des grains de provende, il y aura des intrants très importants l'année prochaine. Si l'on considère les différents secteurs, vous pouvez vous reporter au tableau que nous avons présenté à la page 7 sur les différents intrants. Nous donnons une liste avec les taxes foncières, les loyers en espèces, etc. Vous constaterez que les postes les plus importants sont les aliments commerciaux à 13,3 p. 100, les salaires à 11,6 p. 100 et, évidemment, les engrais et les pesticides considérés ensemble qui tendent à devenir un poste important. Nous avons absorbé des augmentations substantielles dans ces domaines qui vont demeurer au cours de la période suivante.

Si l'on peut arriver à une conclusion, c'est que les intrants ont continuellement augmenté au cours des dernières années. À la page 3, nous présentons un graphique sur l'augmentation du prix des engrais entre 1990 et 1995, avec la hausse subite cette année sans que nous ne sachions ce que nous réserve l'année prochaine... Pour ce qui est des pesticides, la courbe indique une augmentation de 20 p. 100 à peu près au cours des cinq dernières années. Les produits du pétrole ont connu une augmentation subite en 1991 pendant la Guerre du Golfe puis sont retombés un peu et, ces deux dernières années, ont eu tendance à remonter.

Si vous jetez un coup d'oeil sur l'ensemble des intrants, ces tendances à la hausse, à diverses périodes selon les produits, ne sont pas nouvelles. Toutefois, beaucoup des analyses de Statistique Canada et d'Agriculture Canada ne portent que sur les rentrées en espèces plutôt que sur le revenu agricole net. Il est tout à fait évident que dans la situation qui nous occupe, il faut s'intéresser au revenu agricole net, aux fluctuations et à la politique à adopter dans le contexte.

.0920

Une chose que nous aimerions beaucoup que fasse Agriculture Canada, c'est d'ailleurs peut-être une recommandation que le Comité pourrait faire, c'est que toutes les publications et tous les communiqués de presse tiennent compte du revenu agricole net et non pas simplement des recettes agricoles. Sinon, c'est tout à fait injuste et faussé.

Si l'on considère le produit dont il est souvent question dans les communiqués de presse, c'est lui qui fait les manchettes et l'on se contente de parler du Canola qui a augmenté de tant de points de pourcentage cette année et du blé de provende, également de tant de points de pourcentage. Personne ne parle de la diminution dans les prix du bétail ni de l'augmentation des coûts des facteurs de production. Même si cela existe, on a tendance à ne parler que des remontées et de présenter ainsi un tableau tout à fait faussé du secteur agricole.

Nous aimerions donc dans toute la mesure du possible que votre comité nous aide à cet égard afin que l'on présente un tableau plus équilibré du secteur.

L'autre chose qui nous semble tout à fait critique, c'est que les variations très sensibles que l'on constate dans les intrants indiquent aussi très clairement qu'il est nécessaire d'avoir un programme de protection du revenu très ferme. Nous sommes extrêmement déçus - et ce n'est pas faute de communications avec le gouvernement fédéral et le ministre - de l'absence de véritables progrès en ce qui concerne le CSRN. Certains gouvernements provinciaux font obstacle et nous nous inquiétons du fait qu'il ne soit toujours pas question, dans le système, des produits agricoles autrement que sous forme de coefficients pour les provendes du bétail. Il y a beaucoup de produits agricoles qui ne sont pas couverts dans certaines provinces du fait de divergences entre les gouvernements.

Il est évident que si certaines provinces donnent suite à leurs intentions, il est possible qu'elles se soustraient au CSRN. Un certain nombre ont d'ailleurs réduit leurs contributions aux programmes parallèles.

La révision en cours de l'assurance-récolte pourrait pour certaines provinces n'être en fait qu'un exercice de coupures budgétaires.

Tout cela relève du gouvernement fédéral, et il pourrait poser des gestes fermes pour s'assurer que nous avons des programmes qui permettent aux familles agricoles d'absorber les chocs dus aux variations du prix des intrants et des recettes agricoles. Cela devient critique, à notre avis.

L'autre secteur de réglementation qui relève clairement de l'administration fédérale est toute la question des programmes de recouvrement des coûts. Là encore, dans l'accord du GATT, cela comprend les programmes conformes aux règles du GATT. Il s'agira dans tous les cas de transfert de coûts aux agriculteurs qui, en général, seront absorbés par ce qu'ils touchent pour leurs produits. Il est déraisonnable de supposer que dans bon nombre de ces cas, à moins que vous ayez un prix négocié ou une formulation de type coût de production, les coûts vont être transmis au consommateur.

Pour beaucoup de nos produits agricoles, nous devons respecter le prix mondial. Tout le reste ne compte pas. Si quelqu'un doit donc payer des droits d'inspection pour des pommes de terre allant aux États-Unis, je ne pense pas me tromper en disant que cela devra sortir de la poche des agriculteurs. Ce ne sera pas le consommateur lui-même qui payera. C'est ainsi pour la viande rouge, les céréales et les oléagineux ainsi que pour l'horticulture. Cela relève de la politique gouvernementale.

Ces transferts ont essentiellement été décidés à différents niveaux; pour certains produits agricoles, cela va représenter un prix important qui n'existait pas avant. Ça s'applique aux semences, pour les producteurs de semences; ils sont en pleine négociation. La liste est terriblement longue dans certains cas et, selon les chiffres, cela pourrait être très dommageable pour divers secteurs.

.0925

Il y a les préoccupations environnementales. C'est ce que nous considérons être le coût futur de quelque chose qui est peut-être très réel. Jusqu'ici, je crois que les agriculteurs ont relativement bien réussi à travailler avec divers groupes environnementaux ainsi qu'avec les ministères provinciaux et fédéral de l'Environnement et le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire et qu'ils se sont montrés suffisamment pro-actifs pour que nous puissions contenir et, dans une certaine mesure contrôler les choses. Le fait que nous agissions a poussé les environnementalistes à reconnaître que nous allions dans le bon sens et qu'il faut nous laisser au moins choisir notre rythme.

Il y a évidemment des coûts importants associés à l'environnement. C'est un problème, par exemple, pour la production de porc au Québec. Au Manitoba, les grandes unités de production qui se développent dans les Prairies à l'heure actuelle soulèvent de graves problèmes à certains endroits, surtout en ce qui concerne la production de porc. Il n'y a aucune raison de supposer qu'à l'avenir les coûts ne seront pas plus élevés et, là encore, ce sera une augmentation qui, dans la plupart des cas, ne pourra être répercutée.

C'est là encore une erreur de principes. Je sais que cela ne relève pas nécessairement d'Agriculture Canada, mais il est évident que le ministère de l'Environnement n'a pas indiqué qu'il y aurait un deuxième Plan vert qui serait un Plan libéral. Cela nous inquiète beaucoup.

Nous avons remarqué que les pays européens se sont montrés extrêmement dynamiques - tous autant qu'ils sont - en compensant les programmes interdits par le GATT par des programmes qui se conforment à ses règles. On dépense des sommes énormes dans ces pays pour l'agriculture et peu importe sous quelle forme. S'il s'agit d'une subvention de 50 000$ sans intérêt et non remboursable pour l'entreposage de fumier et que vous êtes producteur de bétail, cela compense la perte d'un programme spécialement lié à un produit agricole parce que tout cela représente des coûts pour l'agriculteur. Il existe un certain nombre de programmes environnementaux dans les États américains et même des programmes nationaux américains alors que nous n'avons pratiquement rien de comparable au Canada.

Tous les programmes de type environnemental qui existaient au Canada ont été sérieusement entamés et il en est allé de même du budget de l'agriculture. Il semble que le ministère de l'Environnement en fera autant lorsque le budget du Plan vert aura été épuisé. J'espère donc que nous pourrons collaborer avec le comité à ce sujet.

Le Comité de l'environnement et du développement durable est en train de compiler certains des succès du Plan vert dans le secteur agricole et nous estimons qu'il y en a beaucoup. Il y a eu de gros succès et, dans certains cas, ces succès ne pourront être maintenus sans un certain budget pour des mesures compensatoires... et je ne parle pas de subventions de 50 000$. Les agriculteurs canadiens se satisferaient très bien de certains prêts à relativement faible intérêt pour mener certaines de leurs activités. Mais comment convaincre son banquier, si cela ne favorise pas le bilan, de dépenser 50 000$ pour l'entreposage de fumier alors qu'un groupe du GATT est en train de siéger et que l'on est producteur de volaille? Ce sont des questions dont il va falloir s'occuper quand elles seront soulevées.

Quant à savoir ce que l'on peut faire dans plusieurs secteurs, j'ai déjà dit que les changements apportés à la politique des transports vont faire augmenter sensiblement nos coûts. Les mesures de déréglementation vont également beaucoup ajouter à nos coûts. Il y a des changements dans les services d'emploi agricoles, le programme a été éliminé, et certains produits, horticoles en particulier, vont accuser des augmentations de coûts importantes.

La politique fiscale, les programmes de recherche et de développement, la réglementation, toutes choses qui relèvent de la politique agricole, vont représenter des augmentations de coûts importantes pour les agriculteurs et nous estimons que le gouvernement pourrait faire quelque chose à ce sujet.

Par-dessus le marché, nous avons de toute évidence eu de fortes augmentations cette année du prix des engrais. Nous n'avons pas la possibilité d'analyser l'augmentation des prix pour déterminer quelle part de cette augmentation est due à l'offre et à la demande, quelle part était justifiée ou quelle part représentait les augmentations dans les substrats. La Fédération n'a pas les moyens de faire autre chose que de sortir les chiffres et de dire que ces coûts sont importants. Je ne sais pas si l'on peut justifier cela en parlant d'augmentation dans le prix du gaz naturel, de pénurie quelconque. Nous ne pouvons produire nous-mêmes ces chiffres, mais ils existent.

.0930

Du point de vue de la réglementation, plus il y a de concurrence sur le marché des pesticides, plus cela tend à absorber toute augmentation. Lorsqu'il y a un marché très solide et compétitif - par exemple, dans le sud-ouest de l'Ontario et dans certaines des régions des Prairies, la concurrence est forte - il n'y a pratiquement pas de hausse dans les prix. Si l'on compare aux États-Unis, nous nous en tirons assez bien, selon la marque. Tout ce que l'on peut donc dire à ce sujet, c'est que les hausses de prix sont moins fortes si la concurrence est plus forte. Nous revenons au fait qu'il faudrait pouvoir donner des chiffres reflétant mieux la réalité.

Maintenant, quant à savoir ce que pourrait faire le gouvernement pour freiner cela, nous nous inquiétons de ces hausses de prix parce qu'elles risquent d'être beaucoup plus importantes que les hausses de prix constatées sur le marché libre.

Le président: Merci beaucoup, Jack. Merci.

Comme tous les membres du comité, je dois vous dire que nous vous savons gré de nous avoir en quelque sorte tendu la main en déclarant que nous devions collaborer. Les relations entre votre organisation et le comité sont extrêmement importantes et je suis certain que les préoccupations que vous avez soulevées sont partagées par tous les députés qui sont ici, quel que soit le parti qu'ils représentent.

Nous essayons d'examiner des choses très précises au cours des quelques journées d'audience que nous avons à ce sujet. Je comprends que vous n'ayez pu donner les chiffres dans certains des domaines que vous avez mentionnés comme les engrais, les carburants, etc. Nous espérons, toutefois, qu'avec votre participation et lorsque nous examinerons le bureau de la concurrence et les organisations représentant les producteurs d'engrais eux-mêmes, nous pourrons parvenir à comprendre de façon logique ce qui s'est produit ou que nous pourrons modifier un peu le cours des choses. C'est vraiment notre but à tous.

Je vais demander aux membres du comité d'essayer de ne pas dépasser dix minutes chacun. Je vous redonnerai la parole et toute la latitude possible pour poser vos questions, en faisant si nécessaire deux ou trois tours.

[Français]

M. Landry (Lotbinière): En matière d'environnement, compte tenu des coûts élevés des pesticides au Canada, leur utilisation est plus faible qu'aux États-Unis et dans les pays d'Europe. Croyez-vous que les prix plus élevés au Canada ont contribué à rendre les pratiques culturales environnementalement saines?

[Traduction]

M. Wilkinson: Nous sommes sensiblement en-dessous, par exemple, de la Communauté européenne. Par acre, je crois que cela représente 50 p. 100 de la Communauté européenne et environ 25 p. 100 par rapport aux États-Unis.

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une question de prix en soi. Je crois que c'est que l'agriculture est moins intensive au Canada. La production par hectare ne donne pas un tableau complet de la situation, parce que si l'on prend...

Par exemple, Bill a utilisé des engrais et des pesticides. Dans des pays comme la France, on applique des fongicides et beaucoup d'engrais pour la production du blé parce qu'il pleut et que la production est beaucoup plus intensive. Dans des climats plus secs, il ne sert à rien d'utiliser autant d'engrais parce que le climat dicte la capacité de rendement. C'est donc une agriculture de type différent. C'est donc une chose.

Je crois par ailleurs que les environnementalistes, en particulier lorsqu'il s'agit d'herbicides, etc... Si l'on prend, par exemple, l'horticulture et la production de fruits tendres, pour lesquels on utilise beaucoup de fongicides et d'insecticides, depuis quelques années, nous sommes passés à des systèmes intensifs de gestion des parasites. Ce sont de très bons systèmes qui permettent de limiter la population de parasites avant de pulvériser systématiquement. En passant à des pratiques différentes, on a obtenu de meilleurs résultats, des réductions de plus de 50 p. 100 en dix ans. Cela a très bien marché au Canada et c'est quelque chose que l'on veut continuer à faire.

.0935

Nous sommes passés à certains nouveaux produits où le taux d'application par acre ou par hectare est nettement inférieur à celui de certains produits anciens. Les agriculteurs souhaitent beaucoup passer rapidement à l'utilisation de quantités minimales à la fois pour optimiser le revenu net et pour minimiser les dégâts environnementaux que représentent les engrais en utilisant des insecticides et des herbicides.

Il s'agit de kilogrammes d'ingrédients actifs par kilomètre carré, ce qui n'importe pas vraiment mais cela donne un avantage. En France, c'est environ 500, en Allemagne environ 250, aux États-Unis environ 200 et au Canada environ 75. Cela nous permet de comparer le genre de volume et de masse que l'on utilise par unité de superficie. Nous en utilisons nettement moins que beaucoup de nos concurrents.

[Français]

M. Landry: Sur le tableau que vous venez de présenter, quel pays le dernier petit carreau à droite représente-t-il?

[Traduction]

M. Wilkinson: C'est le Canada. Le moins, c'est le Canada.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Cowling.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Merci, monsieur le président.

Étant donné que j'ai été moi-même membre de la FCA, je sais qu'à un moment ou à un autre vous avez participé à une conférence de la Fédération internationale des producteurs agricoles; je crois que c'était à Québec il y a quelque temps. Une partie de la discussion - en fait, une bonne partie de la discussion, avait porté sur le coût des intrants.

Si je me souviens, vous avez parlé à ce moment-là de coopératives. Peut-être que les agriculteurs devraient recommencer à prendre le contrôle du mouvement coopératif, ce qui leur permettrait de prendre le contrôle des coopératives. Pourriez-vous nous dire où nous en sommes à ce sujet?

M. Wilkinson: L'avantage que vous avez si vous avez une coopérative, tant du point de vue de la commercialisation que du point de vue des intrants, c'est que vous avez la possibilité d'influer sur le marché. Certaines très grosses coopératives n'exercent pas toujours le pouvoir comme elles le devraient, mais nous avons tous des directeurs qui veulent améliorer les bilans. Dans ce cas, si l'agriculteur est propriétaire de la coopérative, vous recevez au moins des dividendes si bien que l'argent reste dans le système.

De notre point de vue, pour certaines de ces hausses de prix, bien qu'il soit très difficile de le prouver et qu'il serait intéressant de discuter avec le Fertilizer Institute, le marché est très serré depuis plusieurs années. C'est assez clair, avec les faibles prix des céréales, etc. Ils essayent essentiellement de réduire leur marge dans toute la mesure du possible et je suppose qu'ils ont réussi à faire quelques bénéfices. Quand on voit le prix des céréales qui augmente de 40 p. 100, on dit, ma foi, le marché va supporter un peu plus cette année.

Je ne veux pas du tout dire qu'il y a eu collusion. Rien ne le prouve et rien ne permet de le supposer, mais nous sommes tous des commerçants, n'est-ce pas? Si l'on pense que l'on peut vendre quelque chose un peu plus cher cette année parce que c'est possible, on le fait. Cela entre donc dans l'équation.

Tout cela pour dire que les coops et d'autres systèmes peuvent influencer le marché. Elles peuvent représenter une concurrence qui n'existe pas autrement.

C'est très difficile à analyser. Ces prix auraient-ils été supérieurs s'il n'y avait pas de grosses coopératives au Québec, dans les Maritimes et dans les Prairies qui ont peut-être fixé le prix? Ils auraient peut-être été de 10 à 20 p. 100 supérieurs. C'est finalement très difficile à analyser.

Tout ce que nous essayons de signaler, c'est que les coopératives donnent le contrôle aux agriculteurs. Comme je l'ai dit, si l'on ne l'a pas sur le prix des intrants parce qu'ils suivent un marché plutôt que d'établir un marché, si on est propriétaire, au moins, on reçoit un chèque représentant les dividendes. La coopérative a réalisé une bonne marge bénéficiaire, cette année-là et cela vous revient par derrière et il en va de même pour la commercialisation.

.0940

Dans les pays où les producteurs n'ont rien - ni capacité ni infrastructure à commercialiser - soit parce que les superficies sont très limitées, soit parce qu'ils n'ont pas de pouvoir d'achat, ou même, dans une certaine mesure, parce qu'ils luttent contre l'État, nous préconisons très fort d'examiner la possibilité de constituer des coopératives d'agriculteurs afin qu'ils aient cette influence collective sur les achats, les transports, l'entreposage, la transformation et la commercialisation.

Mme Cowling: J'aurais une question encore sur les machines agricoles. Il semble que ce soit l'un des intrants les plus élevés dans beaucoup d'exploitations de l'ouest du Canada et peut-être même dans l'Est. Que diriez-vous des exploitations au Canada? Sont-elles bien équipées? Peuvent-elles faire face à la concurrence d'autres exploitations, par exemple, sur la scène internationale, sommes-nous bien équipés pour ce qui est des machines agricoles?

M. Wilkinson: Jusqu'aux deux ou trois dernières années, nous avions beaucoup de matériel usé dans le secteur céréalier. Je crois toutefois que maintenant il y a eu des ventes assez importantes de machines et je crois qu'il était grand temps dans ce secteur. Il faut se réoutiller.

Considérez un secteur cyclique comme la production de bétail. Le matériel s'use. Il doit être modernisé. Avec un peu de chance, sur un cycle de sept ans, si vous avez deux ou trois très bonnes années, vous pouvez moderniser et remplacer beaucoup de ces ventilateurs et systèmes de ventilation et adopter des technologies d'alimentation nouvelles, etc. Si vous réduisez trop les marges pendant trop longtemps, vous ne réussissez tout simplement pas à adopter de nouvelles technologies. Le reste du monde vous dépasse et il devient très difficile de remonter la pente. Je suis donc très satisfait de constater que les prix des céréales et des oléagineux ont sensiblement monté parce que cela devenait nécessaire depuis quelque temps et que nous avions perdu un peu de terrain dans certains secteurs.

Mais, même avec les deux dernières années de tendance à la hausse, et cette année qui s'est révélée relativement bonne pour certains de ces produits agricoles, si l'on considère les coupures qui ont été apportées dans les programmes de soutien du revenu agricole, le résultat est en fait une réduction du revenu agricole net. Les prix n'étaient pas tellement bons quand le revenu net a diminué. Avec les coupures budgétaires, c'est vraiment une chance qu'il y ait des prix forts pour compenser.

En ce qui concerne la protection du revenu, il faut que ces programmes soient en place et qu'ils fonctionnent très bien afin que les agriculteurs puissent déposer le plus d'argent possible dans ces comptes au cours de deux ou trois bonnes années. Si vous êtes dans l'agriculture depuis longtemps, vous savez parfaitement que trois ou quatre années de vaches grasses sont suivies par des années de vaches maigres puisque c'est un secteur cyclique. Il faut donc avoir suffisamment d'argent en banque pour faire face aux mauvaises années. Plus ces exploitations sont importantes, plus il est difficile de survivre aux mauvaises années.

Mme Cowling: Merci.

M. Hermanson (Kindersley - Lloydminster): Je vous remercie Jack, vous et vos collaborateurs, d'avoir bien voulu comparaître devant le comité malgré le court préavis. J'ai été très heureux d'entendre ce que vous aviez à dire.

Plus particulièrement, je conviens que bien qu'il faille examiner ces trois composantes des facteurs de production, de nombreux autres éléments entrent en ligne de compte. C'est certainement l'opinion du comité. Nous sommes plusieurs à penser comme vous qu'il faut examiner plusieurs autres éléments, y compris les coûts du financement, les coûts de la réglementation, les impôts, le coût de la machinerie dont a parlé Mme Cowling. Tout cela est important. Je suis heureux de constater que vous avez regardé plus loin que les seuls trois éléments.

Puisque vous avez beaucoup parlé du coût des engrais et puisque que cela s'insère dans le mandat du comité, j'aimerais commencer là. Pouvez-vous nous conseiller, en ce qui concerne les engrais...?

Permettez-moi peut-être de retourner en arrière. Je tiens en effet à souligner que j'ai été heureux de vous entendre dire que si les agriculteurs avaient quelques dollars en poche, on pourrait leur demander de payer un peu plus. Manifestement, s'ils gagnent plus d'argent, c'est parce qu'il y a pénurie et qu'ils veulent rendre leurs terres plus productives. C'est en général ainsi que fonctionne le marché. Nous le comprenons tous, je pense.

.0945

Nous ne pouvons nous plaindre de devoir payer plus cher un intrant parce qu'il est rare et que nous voulons nous en procurer une plus grande quantité d'une part, et, nous plaindre lorsque ce que nous produisons est inférieur à la demande mais que le prix que nous touchons n'augmente pas, d'autre part. Il est évident que s'il y a pénurie de blé, comme c'est plus ou moins le cas actuellement, nous nous attendons à ce que le prix augmente et nous nous attendons à ce que nos clients paient ce prix. Ainsi, si nous voulons plus d'engrais, c'est la loi du marché que si la demande augmente et les prix aussi. C'est ce que vous avez dit et je partage votre avis.

Ces facteurs de production comprennent d'autres coûts, notamment celui des engrais. Il y a aussi le gaz naturel. Les taxes constituent une autre composante importante. Avez-vous une idée de ce que représentent ces coûts, c'est-à-dire les taxes versées au gouvernement sur les engrais? Vous voudrez peut-être aussi nous parler du coût du carburant et des autres facteurs de production aussi. Savez-vous quel pourcentage de l'augmentation globale du coût des facteurs de production provient des augmentations de taxes?

M. Wilkinson: Non, nous ne le savons pas exactement. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'augmentation des taxes sur les engrais au cours des 12 derniers mois. Aucune nouvelle taxe n'a été imposée, à ma connaissance, ni au niveau provincial, ni au niveau fédéral, qui explique cette hausse des prix au cours de la dernière période.

Je ne conteste pas ce que vous avez dit, que l'on peut prévoir les augmentations de coût lorsque les revenus sont à la hausse, et que les gens voient une occasion à saisir. Mais je pense que la collectivité agricole s'interroge sur quelque chose que ses membres trouvent particulièrement ennuyeux.

Incontestablement, on utilise beaucoup plus d'engrais en Amérique du Nord, parce que les prix y sont meilleurs. On a tendance à investir un peu plus et à se procurer des engrais. Dans certaines régions, je sais que les agriculteurs avaient réduit considérablement les engrais au cours des dernières années. Leur sol commençait à s'épuiser parce qu'ils avaient tenté de réduire leurs dépenses de façon importante. Dans certains cas, on épuisait les sols. Il a fallu réagir à cela.

Je pense que l'on peut présumer que les fabricants d'engrais étaient au courant du prix prévu. Ce que nous leur demanderions, s'ils étaient ici dans cette salle c'est: si vous avez vu les prévisions, pourquoi n'avez-vous pas accumulé de stocks afin d'éviter toute pénurie? Cela ne signifie pas qu'ils ne pouvaient pas demander un meilleur prix, légèrement supérieur, mais je ne suis pas convaincu... On prétend qu'il y a eu des dégâts à certaines usines à quelques endroits aux États-Unis, ce qui a entraîné des problèmes d'approvisionnement.

Nous n'avons pas les chiffres. À ma connaissance, il n'y a eu aucune augmentation de taxes dans ce secteur. Nous pouvons facilement nous procurer les chiffres, mais nous ne les avons pas inclus dans notre mémoire parce qu'à notre connaissance, il n'y avait eu aucun changement.

Je pense même qu'il y a eu un léger changement dans le prix du gaz naturel. Mais que je sache, la demande de gaz naturel n'a pas changé suffisamment pour justifier une augmentation du prix du nitrogène.

Il y a donc des questions auxquelles il faudrait trouver réponse, mais nous n'en avons pas les moyens. Voilà pourquoi nous avons suggéré que le ministère de l'Agriculture examine ces questions un peu plus avant, car nous sommes incapables de suivre la piste du gaz naturel, étape par étape, pour voir si ces augmentations étaient ou non raisonnables.

M. Hermanson: Je sais qu'en Saskatchewan, le coût du gaz naturel a augmenté considérablement, gaz naturel qui fait évidemment partie de SaskEnergy et dont la composante provinciale est assez élevée.

Vous avez déclaré ne laisser entendre d'aucune façon qu'il y a eu collusion.

M. Wilkinson: Je n'en ai aucune preuve; donc, je n'en ferai pas la suggestion.

M. Hermanson: On a toujours l'impression qu'il y a peut-être eu fixation des prix, profitage, une certaine complicité. C'est assez difficile à prouver et je n'ai pas pu le faire moi non plus.

Pensez-vous que les lois fédérales qui interdisent de fixer les prix et qui interdisent la collusion sont suffisamment strictes? Votre association serait-elle disposée à nous faire des propositions de changements aux lois fédérales actuelles afin d'en resserrer les dispositions, afin de les rendre plus efficaces de sorte que s'il y avait fixation des prix, ce serait plus facile à déceler? Si c'était le cas, nous pourrions nous montrer un peu plus durs à l'égard des entreprises qui ont participé à la fixation des prix, à la collusion et au profitage.

M. Wilkinson: Sally se penche vers l'avant lorsque vous posez ce genre de questions, parce qu'elle sait que le président de la FCA n'a jamais d'opinions. La FCA a une politique.

.0950

Je n'essaie pas d'être désinvolte, mais si je n'ai pas sous-entendu qu'il y avait collusion, c'est qu'il n'y a aucune raison de le présumer nécessairement. C'est une accusation très grave, comme vous l'avez dit, et nous n'avons aucune raison de croire que c'était le cas.

Tout ce que nous savons, c'est que les facteurs de production ont connu quelques augmentations importantes. Dans le cas de certaines formules, les augmentations ont en fait dépassé les 50 p. 100, selon le taux de nitrogène. Cela nous semble exagéré, et la collectivité agricole a été durement touchée par ces augmentations au printemps.

On nous a donc demandé d'effectuer une étude sur les facteurs de production dans les cas où il y avait eu des augmentations considérables afin de déterminer si celles-ci étaient justifiées, afin de voir si c'était vraiment une question d'offre et de demande, ou s'il y avait pénurie considérable de matières premières, augmentation de prix de ces matières premières, pour des raisons légitimes. Si l'enquête révèle qu'il s'est passé quelque chose, alors je pense que ce sera le moment de poser votre question.

Je sais, par exemple, qu'il y a à cet effet un projet de loi privé en Ontario. Si ce projet est adopté, le prix du carburant se trouverait réglementé à l'échelle de la province. Il faudrait justifier tout prix supérieur à ce prix provincial - par exemple, dans le Nord - si le prix y était supérieur, il faudrait le justifier en donnant les coûts de transport supplémentaires qui viendraient alors s'ajouter au prix provincial.

S'il ressort de l'enquête que nous devons examiner certaines questions, nous le ferons en très étroite collaboration avec le comité pour voir s'il est nécessaire d'apporter des modifications soit à la loi, soit au règlement.

Mme Sally Rutherford (directrice générale, Fédération canadienne de l'agriculture): Il y a quelques années, nous avons examiné la question de la concurrence au Bureau de la politique de la concurrence, mais pas nécessairement expressément du point de vue des facteurs de production. Comme l'a dit Jack, la question essentiellement c'est d'obtenir de l'information du Bureau. L'un de nos membres a présenté une demande, qui a été rejetée, au Bureau de la politique de la concurrence pour que celui-ci examine la question du prix du gaz naturel. Il a reçu une lettre polie lui disant essentiellement d'oublier tout cela.

Nous savons également, du fait de nos transactions avec, par exemple, l'Office national de l'énergie, sur une question tout à fait différente qui portait sur les facteurs de production mais pas expressément sur la question de la fixation des prix, que cet organisme n'est pas organisé en fonction du public. Il n'est pas non plus organisé pour traiter avec des organismes tels que le nôtre. Il est organisé en fonction des grandes sociétés.

Nous travaillons avec le ministère des Ressources naturelles pour tenter d'apporter des changements à la Loi sur l'Office national de l'énergie ou du moins à ses activités. Il serait peut-être approprié d'effectuer le même genre d'examen du Bureau de la politique de concurrence. Plus la petite entreprise prendra de l'importance, plus le Bureau devra modifier son fonctionnement afin de pouvoir traiter avec des organismes comme le nôtre qui réunissent les préoccupations des agriculteurs. Nous sommes en mesure de colliger tous les chiffres pour présenter une affaire, mais non pas de faire face à toutes les exigences juridiques. Il faut que l'on se montre plus réceptif aux petites entreprises plutôt que de traiter uniquement avec les grandes sociétés, l'objectif, je dois le reconnaître, à l'origine de la création de l'organisme.

M. Hermanson: Je pense que vous avez dit qu'il faudrait peut-être une nouvelle loi. Si c'est le cas, j'espère que vous nous aiderez à élaborer quelque chose.

J'ai encore une très brève question. Les agriculteurs canadiens achètent des engrais canadiens de distributeurs américains parce que c'est moins cher ainsi, et vice versa - pourquoi?

M. Wilkinson: Ce n'est pas vrai dans le cas de tous les engrais canadiens. Toutefois, nous importons des produits tels que les phosphates. Le nitrogène est surtout fabriqué ici.

Vous voulez dire essentiellement que les fabricants canadiens vendent le produit fini aux distributeurs américains qui ensuite nous le revendent.

M. Hermanson: Le produit canadien est expédié aux États-Unis et les détaillants canadiens se le procurent d'un distributeur aux États-Unis à un meilleur prix que ce qu'il leur en coûterait à Brampton. Pourquoi en est-il ainsi?

M. Wilkinson: Êtes-vous certain que le produit a été expédié ou s'agit-il simplement d'un transport sur papier?

M. Hermanson: Non, le produit traverse la frontière en camion.

M. Wilkinson: Dans les Prairies, vous adorez les camions; c'est incontestable. Et vous aurez l'occasion de les utiliser de plus en plus à l'avenir. Vous serez en mesure de faire des aller-retour, comme nous le faisons dans le Nord, où nous faisons venir des engrais et où nous réexpédions les céréales, ce qui réduit le coût du transport des céréales.

.0955

On voit le même genre de choses, je pense, tout le long de la frontière, partout au Canada, où des groupes qui ont un pouvoir d'achat énorme peuvent... Je pense qu'il y a beaucoup d'entreprises qui sont en mesure de conclure, et qui le font, des contrats à terme comme le font les agriculteurs. Je sais qu'il y avait certains agriculteurs qui avaient suffisamment d'argent en banque pour prendre des contrats à terme. Ils se trouvaient à tout payer à l'avance les engrais et n'ont donc pas subi les augmentations de prix de cette année. Je présume que certaines des grandes entreprises américaines ont fait la même chose ou encore achètent des volumes suffisants qui peuvent faire réduire les marges de profit. Il y a donc toutes sortes de raisons qui expliquent ce phénomène. Je ne peux présumer, un seul instant, qu'un distributeur canadien d'engrais ne serait pas aussi compétitif que son confrère américain. J'ose espérer que ce n'est pas ce que vous laissez entendre.

Le président: Monsieur Vanclief.

M. Vanclief (Prince Edward - Hastings): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais faire quelques commentaires, monsieur Wilkinson. Au haut de la page 5, à la rubrique «Recouvrement des coûts», vous mentionnez la politique prévoyant le recouvrement intégral des coûts. Je dirais qu'il faut plutôt parler d'une politique prévoyant le recouvrement d'une plus grande partie des coûts.

Le ministère de l'Agriculture n'a pas l'intention de passer au recouvrement intégral des coûts. Je tiens simplement à souligner que dans notre politique de recouvrement d'une plus grande partie des coûts, nous avons déclaré et continuerons à le faire, que nous ne placerons pas l'industrie canadienne dans une situation non compétitive, surtout vis-à-vis de ses homologues - surtout dans notre cas, ceux au sud de la frontière. Je n'ai guère vu d'indication qui porte à croire que nous nous dirigeons vers le recouvrement intégral des coûts. Il y aura recouvrement, oui, mais non pas intégral.

J'aimerais également mentionner, car cela a une incidence considérable sur l'ensemble des facteurs de production de l'industrie, la question de la protection du revenu. Je pense que vous avez bien résumé la situation dans laquelle nous nous trouvons malheureusement, c'est-à-dire qu'il nous faut prendre la protection du revenu bien en mains. Je me demande si vous avez obtenu de meilleurs résultats que certains de nous dans vos tentatives d'attirer les provinces et certains autres intervenants dans un programme global de protection du revenu.

Je pense que nous avons tous comme objectif de nous assurer que chaque agriculteur au Canada reçoit un traitement le plus équitable possible, mais vous savez tout aussi bien que moi que dans certaines régions du pays, nous éprouvons quelques difficultés. Nous nous frappons à un mur. S'il nous est impossible de concerter tous nos efforts dans le peu de temps dont nous disposons, quelle suggestion pouvez-vous nous faire pour que nous allions de l'avant?

M. Wilkinson: Depuis un an et demi, nous en avons discuté à de nombreuses reprises avec le ministre et ses collaborateurs, mais les progrès sont vraiment décourageants. En ce qui concerne la protection du revenu par exemple, nous avons vu les budgets considérablement réduits. Je n'accuse personne de se traîner les pieds, mais nous tentons d'obtenir les chiffres. J'ai l'impression que nous ne réussirons même pas à dépenser les sommes prévues au budget au titre de la protection du revenu, tout simplement parce qu'il a fallu trop de temps pour faire inclure certains produits et à cause de la réticence de certaines provinces qui ne veulent pas assurer pleinement les produits prévus.

Je n'ai aucune hésitation à vous confier qu'il semblerait que l'Alberta se retirera du programme, aussitôt le protocole d'entente signé, si jamais la province le signe. Les responsables provinciaux ont déclaré que s'ils n'obtenaient pas les changements qu'ils réclament au programme CSRN, ils donneraient avis de leur retrait du programme. Ils donneront avis qu'ils se retirent au bout d'un an plutôt qu'au bout de deux ans. Quant au Nouveau-Brunswick, depuis un an et demi, cette province se montre peu désireuse de rester dans le programme sous sa forme actuelle.

Nous nous retrouvons dans une situation où nous n'avons pas de gestion de l'offre. La «Canadian Cattlemen's Association» (Association canadienne des éleveurs de bovins) a déclaré ne pas vouloir participer. Dans certaines provinces, le porc est exclu. Dans certaines autres, c'est l'horticulture. Nous risquons fort de voir le tout s'effondrer.

Si une province ne veut pas participer, par exemple l'Alberta, nous avons dit au ministre qu'il a la responsabilité d'offrir un programme dans cette province, avec ou sans la participation officielle de celle-ci. Ce sera un grand sujet de discussion à notre prochaine réunion du conseil lundi.

.1000

Après avoir parlé aux dirigeants des associations agricoles de par le pays, je serais porté à dire que si une province ne veut pas participer au programme CSRN et si le gouvernement fédéral offre un programme dans cette province, il faut que la province s'engage à investir les économies qu'elle aura réalisées dans un autre programme de soutien du revenu agricole. Dans le cas de l'Alberta, on pourrait s'entendre pour investir le 1 p. 100 que la province ne versera pas au titre du programme CSRN, au programme GATT 70. Il ne faut pas que les provinces puissent se soustraire à leurs obligations.

Nous avons aussi parlé au ministre de la possibilité d'un échec des négociations avec les provinces qui l'obligerait à prendre en charge seul le programme CSRN, perspective qui ne nous plaît pas du tout.

Les rumeurs de compressions budgétaires dans certaines provinces... Certains ministres de l'Agriculture provinciaux estiment que si l'obligation contractuelle de participation au CSRN, au RARB et à l'assurance-récolte disparaît, leurs collègues trésoriers... Si on redistribue les cartes, si on reprend tous les crédits de la protection du revenu... C'est ce qu'on entend dire par exemple en Ontario. On a promis pendant les élections de continuer à participer au CSRN, au RARB et à l'assurance-récolte. Le Cabinet vient de prévenir que si le taux de participation est changé, la promesse ne tiendra plus. Il n'y a aucun engagement électoral concernant les filets de sécurité. C'est ce que je me suis fait dire par un certain nombre de ministres de l'Agriculture et de responsables d'organisations agricoles dans diverses provinces.

Donc, que le fédéral soit seul en charge du CSRN ne déclenche pas l'enthousiasme. Par contre, il est absolument indispensable de prévoir les provisions nécessaires au financement de la protection du revenu des agriculteurs. À mes yeux, le gouvernement fédéral a la responsabilité de veiller à une répartition aussi équitable que possible. Si les provinces restent sur leur refus, il faudra que le ministre finisse par se mettre d'accord avec celles qui veulent bien continuer à participer au programme. Avec celles qui ne le voudront pas, il faudra qu'il s'entende directement avec les agriculteurs et leurs représentants. Ce CSRN nouvelle version et l'assurance-récolte constitueront le nouveau programme ou bien si le nombre de provinces participantes est insuffisant, retournons à la table de négociation et recommençons.

Il est intéressant de constater qu'alors que presque personne n'en veut plus, ces programmes semblent nettement intéresser les Américains ou tout au moins ce concept de programmes dissociés. Je ne pense pas qu'ils figureront dans le Farm Bill américain de cette année, mais l'intérêt croissant manifesté par certaines des organisations agricoles nationales américaines est très net. Glickman a dit que ce concept l'intéressait et il n'est pas le seul au sein de l'administration. D'après moi, ils ont encore pas mal de chemin à faire.

Il reste que je ne tiens absolument pas à renoncer à quelque programme de soutien du revenu qui soit. En ce qui me concerne, nous avons fait notre part pour le service de la dette avec toutes les coupures infligées à l'agriculture au cours des 10 derniers mois. Ce n'est pas demain la veille que nous donnerons en offrande sur un plateau d'argent à M. Martin nos programmes et nos économies simplement parce que les ministres de l'Agriculture n'arrivent pas à se mettre d'accord.

M. Vanclief: J'ai eu l'occasion au cours des derniers mois de rencontrer un certain nombre de ministres de l'Agriculture de différents pays. Permettez-moi de vous dire que beaucoup d'entre eux trouvent très intéressants ces programmes globaux car ils permettent d'offrir à tous les agriculteurs le même filet de sécurité.

Si le fédéral assumait seul la responsabilité de ce filet de sécurité, pensez-vous que nous pourrions mettre quelque chose en place pour prévenir toute guerre de surenchère des provinces par le biais de leurs programmes parallèles? C'est ce que nous avons connu pendant des années au Canada. Les producteurs de porc, par exemple, d'une province, se plaignaient que leurs confrères de la province d'à côté ou d'une province plus éloignée avaient bénéficié d'un bien meilleur arrangement qu'eux. Si le fédéral assumait seul le CSRN, il serait possible par manque d'argent que notre contribution à ces programmes parallèles soit moindre et que par conséquent nous ayons beaucoup moins notre mot à dire. Quand on ne mène pas la danse, on ne peut pas choisir la musique. Est-ce un danger, Jack?

M. Wilkinson: Absolument. Nous ne nous en cachons pas. Il est clair que notre premier choix c'est une entente tripartite entre les producteurs, les provinces et le gouvernement fédéral. Dans ce contexte, nous pourrions apporter quelques modifications au protocole afin que les agriculteurs soient aussi signataires. J'estime que mettre 50 p. 100 de l'argent sur la table vaut amplement une participation à la décision et non pas une simple consultation, pour être honnête. C'est difficilement admissible, mais oublions-le pour le moment. Il reste que c'est notre premier choix.

.1005

À l'heure actuelle, les provinces ont un pouvoir de veto. Les provinces, avec leur 1 p. 100 de participation au CSRN, peuvent en fait choisir les produits qui seront couverts et ceux qui ne le seront pas. Ce n'est pas normal. Elles représentent 20 p. 100 ou moins des fonds engagés et pourtant leur droit de veto leur donne tous les pouvoirs.

Si une province finit par décider de ne plus offrir ce programme à l'encontre du désir de ses propres agriculteurs, nous estimons qu'il incombe au gouvernement fédéral de trouver le moyen d'offrir ce programme dans cette province, d'offrir la partie fédérale correspondant au minimum à la participation des agriculteurs. C'est ce que nous avons recommandé au ministre.

Mais en même temps, si par exemple l'Alberta ne veut pas signer et si x millions de dollars doivent être injectés par le gouvernement fédéral pour offrir ce programme aux agriculteurs, pour que ces dollars soient distribués, un engagement de la province est indispensable. Si vous n'aimez pas ce programme, offrez un programme approprié à vos agriculteurs à hauteur de ce que vous ne payez plus maintenant.

En d'autres termes, s'ils disent vouloir leur GATT 70, très bien. S'ils ont x millions de dollars en couvrant toute la production agricole qui est couverte, si les fédéraux interviennent, ils ont alors tout intérêt à mettre ces x millions de dollars dans le GATT 70. Et ils ont intérêt à les mettre dans un programme de protection du revenu, non pas dans un programme de production, dans un entrepôt de pommes de terre, dans un programme d'achat d'agneau, dans un programme d'élevage, etc. Il faut qu'ils soient versés dans un programme de protection du revenu agricole.

Si une province veut offrir un programme de production quelconque avec son propre argent, pour être honnête, je ne vois pas vraiment ce que le fédéral pourrait y faire. Mais il reste que dans un protocole, on peut voir clairement ce qu'on considère comme des dépenses acceptables dans le contexte du filet de sécurité. Il faudrait une définition précise avec des paramètres.

M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Bonjour, monsieur Wilkinson. Je suis heureux de vous voir. Je connais votre enthousiasme et votre vivacité quand on vous pose les bonnes questions. C'est un bon signe pour un agriculteur.

M. Wilkinson: La veille de mes comparutions devant votre Comité permanent, je bois exprès beaucoup de café et je me couche tard pour être sûr d'être grognon le lendemain matin.

Des voix: Oh, oh!

M. Hoeppner: J'ai beaucoup aimé quand vous avez dit envisager prendre le contrôle d'Agriculture Canada. J'ai pensé, excellente initiative. Mais quand j'ai entendu vos commentaires concernant la fixation des prix, je me suis demandé si cela serait vraiment positif. C'est à ce niveau que j'ai quelques problèmes avec la Fédération. Elle est parfois très politique dans ses décisions et semble ignorer les vrais problèmes.

Je trouve intéressant que vous disiez que la concurrence se fait au niveau des coûts de production. Pourquoi ne pas aussi la transférer au niveau du prix de vente de ces produits? Ce n'est pas possible?

M. Wilkinson: Je crois, sans vérifier mon texte, que j'ai dit ne pas avoir la preuve de fixation de prix donc j'en conclus qu'il n'y en a pas. Je ne vois pas le rapport exact avec la concurrence.

Que voulez-vous dire? Voulez-vous dire que le système de marché libre ne marche pas? Est-ce la question posée par le député réformiste?

M. Hoeppner: En toute logique, actuellement, les agriculteurs exigent l'accès à un marché aux États-Unis où les prix sont beaucoup plus élevés qu'au Canada. S'ils y avaient accès, les prix de vente étant plus élevés, leurs coûts de production seraient moindres.

Je crois que c'était au printemps, un professeur de Floride est venu nous dire que c'était la législation anticoalition qui sauverait les agriculteurs canadiens car c'est ce que respectent les plus les Américains. Je ne sais si c'est exact ou non, mais j'ai reçu ce matin à mon bureau un document indiquant que l'ex-premier ministre Brian Mulroney allait être chargé d'une enquête sur la fixation de prix des ADM. Je me pose donc la question.

En 1978, une moissonneuse-batteuse coûtait 55 000$. Aujourd'hui, elle dépasse les 200 000$ alors que le prix de vente du grain a été au plus multiplié par deux. Il y a donc une très grosse disparité entre les prix de revient et les prix de vente.

Je suis convaincu que le prix de vente de nos produits est insuffisant. Il n'y a pas véritablement de prix mondial pour le grain. Ce prix est manipulé et politisé. C'est la raison pour laquelle votre commentaire sur la fixation du prix de revient m'a un peu déçu.

.1010

M. Wilkinson: Il y a une chose que j'ai apprise comme président de la Fédération, c'est que les gens font suffisamment attention à ce que le président de la Fédération dit, qu'ils soient ou non d'accord avec lui, pour qu'il soit bien certain de ces faits. Nous avons la preuve d'augmentation des prix, mais nous n'avons pas la preuve de fixation des prix.

Prenez une de nos recommandations. Par exemple, il y a des ressources à Agriculture Canada et dans d'autres services du gouvernement auxquelles nous pourrions faire appel pour analyser en détail toutes les étapes de la chaîne de distribution et déterminer ainsi si, à un moment ou à un autre, il y a fixation des prix.

Je conviens avec vous que l'augmentation du prix de vente des grains n'a certes pas compensé l'augmentation du prix d'une moissonneuse-batteuse. C'est la raison pour laquelle les agriculteurs cultivent souvent des superficies trois fois supérieures à ce qu'ils cultivaient il y a deux décennies - s'ils en ont les moyens. Je ne le conteste pas un instant.

Il est clair que le système de fixation des prix pour régulariser la production n'a pas la faveur des producteurs de grains canadiens. En fait, avant même que nous concluions notre entente avec les Américains, le système de double prix pour le blé avait été abandonné même pour les ventes sur le marché intérieur. Votre parti en particulier ne manifeste pas un grand intérêt pour ce genre de philosophie. La signature des nouveaux accords du GATT ne nous donne même plus cette possibilité même si nous la voulions.

Il faut donc se demander où introduire le maximum de concurrence sur le marché afin d'éviter toute collusion... C'est la raison pour laquelle nous sommes d'ardents supporteurs des offices de commercialisation et des coopératives. Au moins l'agriculteur a la possibilité d'être actionnaire de la compagnie qui vend ses produits.

M. Hoeppner: C'est le contraire de ce que nous avons vécu l'année dernière, monsieur Wilkinson. Les prix des carburants et des engrais vendus par les coopératives étaient les plus élevés. Les compagnies privées offraient des produits bien meilleur marché.

Vous dites qu'il n'y a pas de preuves. Prenez l'industrie des engrais. Tous les agriculteurs se trouvant à moins de 100 milles de la frontière achètent des engrais aux États-Unis, engrais fabriqués au Canada. Il faut qu'il y ait fixation de prix. Le prix du propane en 1993 a augmenté de 30 p. 100 à 40 p. 100, mais le propane de Brandon dans le Dakota du Nord était vendu à moitié prix. Je ne pouvais pas m'y ravitailler parce que c'était illégal. Grand Dieu, si ce n'est pas une preuve, qu'est-ce que c'est? Est-ce que vous fermez délibérément les yeux? Quel genre de preuves vous faut-il?

Le président: Je crois que Jack vous a donné son point de vue et je ne pense pas que cela nous mènera très loin.

Mme Cowling: J'invoque le Règlement. Un député du troisième parti de la Chambre des communes a insinué que les coopératives pratiquaient la fixation de prix. J'aimerais qu'il dépose...

M. Hoeppner: Je n'ai pas dit qu'elles pratiquaient la fixation de prix; j'ai dit qu'elles vendaient leurs produits plus cher.

Mme Cowling: ...pour le moins des documents apportant la preuve de ce qu'il dit.

Le président: C'est un sujet très délicat. Nous en sommes tous conscients. Jack, je crois que vous avez très bien répondu...

M. Hoeppner: Qu'est-ce que nous voulons savoir, monsieur le président? Nous sommes là pour étudier les coûts de production.

Le président: Oui.

M. Wilkinson: Il y a une chose que j'aimerais dire. Je n'ai peut-être pas répondu directement à cette question à certains propos, mais prenez l'utilisation des pesticides. Il est clair qu'à partir du moment où on peut rendre plus difficile l'accès à des produits extérieurs au marché intérieur, on peut aussi augmenter la concurrence sur ce marché. En fait, en Ontario, il y a parfois plus de différence de prix d'une région à l'autre qu'entre le prix ontarien et le prix américain. C'est une étude qui a été faite dans le sud-ouest de l'Ontario. Je cite cet exemple parce que c'est le seul que je connais.

En fait, pour un assez grand nombre de produits, le prix ontarien, pour les herbicides, était inférieur au prix du Michigan. Le Round-up, par exemple, coûtait moins cher, mais ce n'était certainement pas le cas il y a quelques années. Le Round-up coûtait plus cher que ce qui était calculé pour les mêmes ingrédients qui étaient vendus en Australie. À Keystone comme pour un certain nombre d'organisations agricoles des Prairies comme la Fédération, c'était un problème majeur. Il était déjà question de construire une usine au Canada il y a moins d'une décennie pour contrer ce qui était considéré comme une pratique de prix déloyale sur le marché. Tout simplement, sur ce produit, il n'y avait pas de concurrence.

.1015

Je dis simplement que s'il est possible d'acheter ces produits ailleurs, la concurrence joue. S'il est plus logique pour un agriculteur d'acheter ici plutôt qu'ailleurs, je suppose qu'il le fait. Je ne peux imaginer un agriculteur des Prairies continuant à acheter - si ce que vous dites est exact - ses produits à sa coopérative s'ils sont beaucoup plus chers. Je ne pense pas que la loyauté des gens aille jusque-là. À dire la vérité, je crois que les agriculteurs passent beaucoup de coups de téléphone avant de se faire livrer.

Prenez mon exemple dans ma région. S'il n'y a pas de concurrent, en fonction du prix du transport par route, nous nous fournissons ailleurs tout comme nous vendons nos produits ailleurs.

Nous disons simplement qu'il n'y a pas la preuve que des gens, comme vous semblez le dire, fixent les prix au Canada parce que le prix de revient du propane est plus élevé. Si tel est le cas, enquêtons. S'il est nécessaire de renforcer la législation de la concurrence, nous avons dit être tout à fait prêts à participer à ce genre d'exercice.

Nous disons simplement que la petitesse de notre organisation ne nous permet pas d'analyser toutes les étapes des circuits de mise en marché de l'industrie des engrais et des carburants depuis le point de production jusqu'à la vente aux consommateurs, pour déterminer s'il y a collusion, absence de concurrence ou pratique de fixation des prix déloyale. Nous aimerions que cette question soit étudiée, c'est une de nos recommandations. Si votre comité le recommande, nous collaborerons. Nous essaierons de vous aider. Au-delà, tout ce que nous pouvons faire c'est signaler des augmentations au sujet desquelles vous pouvez faire quelque chose.

M. Hoeppner: J'aimerais simplement faire une observation au sujet de la remarque du député de Dauphin - Swan River. Les coopératives d'engrais de l'Ouest se sont retrouvées au pied du mur parce qu'elles ne pouvaient pas se concurrencer et il a fallu les remettre à flot. D'après ce que je crois comprendre, elles étaient pratiquement en faillite. Pourquoi? Était-ce dû aux fixations de prix ou était-ce dû à une mauvaise gestion? Il faut que nous déterminions l'origine du problème. Comment faire?

M. Wilkinson: Comme je l'ai déjà dit, je crois avoir fait des remarques sur la majorité de ces sujets. Je ne veux pas faire de remarques sur un sujet particulier...

M. Hoeppner: C'est ça le problème, il n'y a plus de concurrence.

Le président: Il serait probablement préférable de poser la question au Bureau de la concurrence. Je crois que Jack a essayé de nous donner le maximum de renseignements qu'a en sa possession son organisation et il serait préférable de passer à autre chose si cela ne vous dérange pas.

M. Calder (Wellington - Grey - Dufferin - Simcoe): Jack, je regardais ce rapport. Je crois qu'il y a un problème en attente. Vous n'y avez consacré qu'un paragraphe. L'environnement.

Il va y avoir des ventes de terres. Les évaluations environnementales seront probablement plus agressives. Il y a le problème en Ontario des ANSI, des systèmes de drainage souterrains, du rejet de nitrate dans les nappes d'eau, de l'entreposage du fumier - on en a déjà parlé, des empiétements immobiliers sur les terres agricoles, etc.

J'estime personnellement que c'est un problème qui concerne tous les paliers de gouvernement. Comment verriez-vous le gouvernement, les agriculteurs et l'industrie agro-alimentaire travailler ensemble à la résolution de ce problème.

M. Wilkinson: S'il n'y a qu'un seul paragraphe, c'est parce qu'il est limité aux seules considérations d'augmentation de prix depuis 12 mois. Nous disons pour le moment que ce n'est pas un gros problème.

Nous avons les mêmes préoccupations que vous. Ce problème pourrait être considérable demain. Voyez ce qui se passe en Europe et dans d'autres pays. Les conséquences au niveau des coûts pourraient être considérables pour les agriculteurs qui ne peuvent pas faire grand-chose puisque c'est le marché qui fixe les prix. Ces coûts pourraient être déterminants pour le bétail. Ils pourraient être le facteur déterminant pour toutes sortes de productions au Canada en fonction de son évolution. Je crois que c'est un sujet en or pour la recherche et le développement. Il y a beaucoup de choses à faire.

Les changements technologiques, par exemple, et la situation dans les Prairies ont permis d'aboutir à des gains importants. Il y avait beaucoup d'érosion provoquée par le vent qui entraînait une perte d'eau. Si la culture sans labour est arrivée c'est parce que la technologie a donné de bons résultats. Les entreprises privées se sont lancées dans des initiatives avec le gouvernement de la Saskatchewan créant l'IMAP, et un certain nombre de programmes du gouvernement fédéral ont été mis en place. Ils ont encouragé les intéressés à changer leurs méthodes de production et ce problème d'appauvrissement des terres qui était énorme il y a cinq ou dix ans a disparu avec les nouvelles méthodes.

.1020

Je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour déterminer avec plus de précision le tonnage d'épandage par acre pour ne pas risquer de fuites dans les réseaux de drainage souterrain et d'infiltration des nappes phréatiques. Beaucoup plus de travail pourrait être fait et devra être fait dans ces domaines.

Dans certaines provinces où des cours sur l'utilisation des pesticides et sur la gestion des parasites sont offerts, l'état d'esprit des agriculteurs face à l'environnement a changé. Ils évaluent leurs besoins et il n'y a pas 36 solutions: une fois identifiés les divers remèdes, il faut trouver le moyen d'en absorber le coût.

Si les prix pour le produit cultivé sont stables ou solides, la décision est relativement simple à prendre. Si vous considérez que c'est une priorité pour vous ou pour votre collectivité, ou qu'il y a risque de réglementation, n'hésitez pas. Mais que faire quand les prix descendent pratiquement plus bas que terre comme pour le porc, il y a quelques mois? C'est une dépense considérable. Il faut en tenir compte.

Ces choses coûtent très cher. On ne peut pas simplement conseiller de trouver le moyen d'en absorber le coût. Il est indispensable de faire quelque chose tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral. Il faudra lui donner la priorité dans les programmes et le budget ne peut simplement l'ignorer ou autrement tout va encore se retrouver bloqué.

Les États-Unis ont essayé une approche réglementaire de l'environnement et ça n'a pas marché. Obliger de force les agriculteurs à respecter cette réglementation, envoyer sur place des flics de l'environnement a coûté très cher et n'a pas marché. L'antagonisme aux États-Unis est incroyable. Cette approche réglementaire a donné de bien moins bons résultats que nous n'en avons obtenus au Canada avec l'approche volontaire.

Mais comme je l'ai déjà dit, ces remèdes coûtent de l'argent et il va falloir en trouver quelque part. C'est un poste auquel les compressions budgétaires ne doivent pas toucher. Des subventions ne sont pas nécessaires, à mon avis. Je crois qu'il faudrait s'inspirer de ce que font certaines provinces concernant les drainages souterrains, par exemple. Elles offrent aux agriculteurs un prêt sur 10 ans à des taux d'intérêt relativement faibles, ce qui met ces remèdes à portée de leur bourse. Dans certains cas, il n'est pas nécessaire de pratiquer des taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché, mais il ne faudrait pas qu'ils puissent être considérés comme une subvention agricole. En théorie, si on essaie d'amener Dow Chemical à dépolluer la rivière St. Clair, on ne considère pas que c'est une subvention industrielle. Toutes sortes de montants sont dépensés une fois le problème avéré pour faire disparaître toute pollution.

Si c'est aujourd'hui le tour de l'agriculture, il faudra le considérer de la même manière.

Le président: Monsieur Easter.

M. Easter (Malpèque): Merci, monsieur le président.

Je n'arrive à trouver qu'une seule recommandation dans votre texte. Il ne fait aucun doute qu'il y a eu des augmentations de coût substantielles dans les trois secteurs que nous sommes censés examiner. Je conviens volontiers avec vous qu'il n'y a pas de preuve de fixation de prix.

Au sujet de votre recommandation, quel genre de calendrier peut-on envisager? Je trouve que c'est une bonne solution. Je comprends que vous n'ayez les ressources ni financières ni humaines à la Fédération pour faire ce genre d'analyse. Mais comme votre tableau numéro 1 le montre, les augmentations de coût sont considérables. Quel genre de calendrier voudriez-vous que nous recommandions au ministère pour faire ce genre d'analyse?

M. Wilkinson: De toute évidence, le plus tôt sera le mieux si votre comité convient que c'est un aspect important à examiner. Souvent, dans ce genre d'initiative, le problème commence à se résoudre de lui-même avant même que les recommandations ne soient écrites. Ce n'est pas de l'impudence de ma part. Nous l'avons constaté dans un certain nombre de domaines. Donc, si ce genre d'exercice peut commencer le plus tôt possible, il y a une industrie qui va faire très attention.

.1025

Si, comme je l'ai dit, certains profitaient de la situation - et je dis bien «si» - je crois qu'ils suivront de très près les prix que les gens paieront ce printemps pour ces produits en particulier. Il serait donc bon d'agir rapidement et de devancer ceux qui pourraient être tentés d'acheter ces coûts de production. Comme vous le savez, c'est ce qui arrive dans de nombreuses régions du pays en mars et, en avril, c'est le régime de croisière.

M. Easter: Vous avez parlé des communiqués de presse d'Agriculture Canada et je suis d'accord avec vous sur ce point. Les citadins ont l'impression chaque fois que ces communiqués de presse sont publiés que les agriculteurs sont tous millionnaires. On ferait mieux de citer les chiffres de revenu net qui sont souvent négatifs.

À propos de votre demande de mention de ces revenus nets, un des problèmes que me posent les chiffres d'Agriculture Canada, c'est qu'ils incluent dans ces revenus nets les revenus hors-exploitation. Qu'en pensez-vous?

M. Wilkinson: Je n'ai jamais aimé la manière de rapporter les revenus d'exploitation agricole familiale. C'est comme quand on parle des salaires des enseignants. On prend les revenus d'exploitation agricole familiale des enseignants, mais je n'ai jamais vu de chiffres nulle part dans le Globe and Mail sur les salaires de gens mariés et enseignants. Et quand il s'agit d'agriculteurs, on met tous les salaires dans le même pot et on dit qui voudrait voir les vrais chiffres? Effrayant.

Je sais qu'il y a un problème de répertoriage auprès de Statistique Canada. Il y a un fort pourcentage de tous petits producteurs qui, en réalité, ne produisent pratiquement rien. Le chiffre est de 2 500$. Ils sont tous en bas de l'échelle. Cela fait descendre la moyenne qui ne traduit pas la réalité de l'industrie. Nous n'aimons pas non plus d'ailleurs utiliser les revenus d'exploitation agricole familiale comme indice.

M. Easter: Il faudrait uniquement considérer le revenu agricole.

Votre annexe de la page 6 me pose quelques problèmes. Est-ce que c'est un coût de production par unité ou le coût global pour l'industrie?

M. Wilkinson: Il serait préférable que Yves vous réponde.

M. Easter: Je ne vois rien concernant le transport et le transport est certainement un de vos gros facteurs de coût.

[Français]

M. Yves Leduc (analyste des politiques, Fédération canadienne de l'agriculture): Dans le tableau qui est présenté en annexe, on utilise les données économiques agricoles de Statistique Canada. Si je ne me trompe pas, les coûts de transport sont inclus sous la rubrique «Autres dépenses», mais il faudrait que je vérifie.

[Traduction]

M. Easter: Je crois qu'il faudra vérifier, monsieur le président, car dans certains domaines le coût du transport est élevé. Il faudra peut-être que quelqu'un d'autre nous éclaire sur ce point.

Au sujet des audiences de ce comité, vous avez dit au début que le gouvernement fédéral exerçait un certain contrôle sur certains secteurs, mais pas sur d'autres. Voilà précisément un des secteurs sur lesquels nous ne pouvons pas exercer grand contrôle.

Les nouvelles règles commerciales que notre gouvernement a été forcé d'adopter, les coupures budgétaires, tout cela me préoccupe beaucoup. La Communauté européenne et les États-Unis, par exemple, sont loin de faire les coupures que nous faisons dans le secteur agricole. Ils réaménagent l'aide financière vers d'autres programmes qui sont acceptables dans le cadre du GATT, par exemple des programmes de recherche ou de développement ou des programmes verts. À votre avis, comment notre comité devrait-il aborder le problème à l'avenir?

Personnellement, j'aimerais voir une analyse de toute cette situation. Quels sont les nouveaux schémas de dépense des Européens dans le secteur agricole dans le cadre des nouvelles règles du GATT? Que font les Américains? Que faisons-nous nous-mêmes? Je ne voudrais pas m'apercevoir que nos producteurs canadiens sont désavantagés. À votre avis, comment faut-il aborder le problème? Avez-vous des recommandations à nous faire sur l'orientation de nos travaux futurs dans ce domaine?

.1030

M. Wilkinson: Il semble évident que nous désavantageons les producteurs canadiens. En effet, on leur a imposé des coupures plus importantes.

Je dois assister à une réunion du COPA en Europe et, la semaine prochaine, il y a également une réunion coopérative des pays de l'ALÉNA. J'en profiterai pour essayer de trouver une partie de cette information.

D'après certains travaux préliminaires que nous avons vus, l'année dernière, l'Union européenne n'a pas réduit son budget destiné à l'agriculture, mais au contraire, l'a augmenté de 1 p. 100. Les réductions imposées par le GATT ont été compensées par une augmentation des dépenses dans les programmes verts. En Angleterre seulement, et je cite cela de mémoire, si bien que je peux me tromper, mais nous allons vérifier: une somme de 2 milliards de dollars a été consacré à des dépenses vertes dans le secteur agricole. Par conséquent, d'après les informations que nous obtenons, les budgets ne sont pas dans l'ensemble réduits.

En ce qui concerne les chiffres préliminaires qui nous arrivent des États-Unis, en ce qui concerne le Farm Bill, je ne sais pas ce qui en ressortira à cause des dissensions entre les comités permanents et le Sénat, et je ne sais pas non plus si le président choisira d'intervenir.

Effectivement, les coupures ont été effectuées, mais d'après tout ce que nous avons vu, il y a une réduction de 20 p. 100 de l'EEP (Export Enhancement Program), si c'est allé jusque-là, ce qui est parfaitement absurde. Ici, nous avons des chargements de maïs qui naviguent à quelques encâblures de notre programme d'encouragement des exportations pour pouvoir en profiter. C'est de la folie totale.

On annonce actuellement les territoires de conservation, et pourtant, il y a encore un certain nombre de programmes environnementaux.

Pour être honnête, on peut dire tout de suite qu'au Canada, dans la plupart des cas, le producteur agricole est loin de bénéficier des mêmes soutiens que ceux des deux grands blocs avec lesquels nous avons des échanges, et d'ici la fin de cette période, il va se retrouver avec pratiquement aucun soutien.

Il ne s'agit pas uniquement des coupures budgétaires du gouvernement, il y a également eu des coupures provinciales importantes sur le plan de la programmation. Quand vous considérez l'ensemble, il s'agit de réductions majeures.

En ce qui concerne cette analyse dont vous parlez, nous pourrions commencer tout simplement par l'impact des coupures fédérales sur certains secteurs, ce sont des analyses que nous avons effectuées. Quel sera l'impact sur le plan de la politique?

Je sais que le ministre de l'Agriculture pourrait difficilement déclarer du jour au lendemain: d'accord, nous avons changé la LTGO, l'ATAB; essayons maintenant de faire une étude pour déterminer dans quelle mesure ma politique a joué au détriment de ces secteurs. Cela dit, ce serait très utile, effectivement.

Après tout, pourquoi nous leurrer? Pourquoi prétendre que les Maritimes ne vont pas souffrir des nouvelles formules d'établissement des prix et de la gestion des approvisionnements dans certains secteurs? Il ne faut pas oublier que dans beaucoup de secteurs, leurs capacités de transformation ne sont pas suffisantes pour leur permettre d'être concurrentiels sur la scène internationale. Il faut ajouter à cela une politique gouvernementale qui a pour effet de faire passer le coût des aliments du bétail de 16 à 55$ la tonne.

Il ferait mieux d'être honnête, de ramasser les pots cassés et de se faire une raison en sa qualité de ministre fédéral. C'est terminé, que ce soit dû à des raisons commerciales ou autres, il faut se rendre à cette évidence qu'il va y avoir du dommage et des changements. Reconnaissons cela et essayons de réduire les dommages au minimum au lieu de marcher sur des oeufs autour de la direction des communications en prétendant qu'il ne s'est rien passé. Il est évident que quelque chose ne va pas, il faut regarder les choses en face.

Si vous aviez fait partie du gouvernement qui était au pouvoir avant la signature des accords du GATT, si vous aviez l'intention de couper dans tous les programmes verts, pourquoi diable ne vous êtes-vous pas battus pour vous assurer que d'autres pays ne pourraient pas le faire non plus? Nous avons coupé dans tous les programmes jaunes beaucoup plus qu'il n'était nécessaire, nous avons supprimé toutes les mesures d'encouragement des exportations avant même d'être forcés de le faire, et aujourd'hui, nous supprimons également tous les programmes verts alors que nous aurions pu sauvegarder ce financement-là. Cela dit, je ne peux pas vous blâmer trop fort car c'était les Conservateurs qui étaient au pouvoir à l'époque de ces négociations, et je n'en vois aucun ici aujourd'hui.

Sérieusement, si nous savions qu'il n'était pas possible d'obtenir cela pour nos propres producteurs, nous aurions dû nous battre comme des chiens pour nous assurer que personne d'autre ne pourrait en profiter. À l'heure actuelle, tout le monde passe par la porte d'en arrière.

M. Easter: Merci beaucoup, Jack. Voilà justement le genre de témoignage dont nous avons besoin pour défendre...

M. Wilkinson: J'essaierai de vous rapporter le plus d'informations possible la semaine prochaine quand je reviendrai de l'UE.

M. Easter: Merci.

M. Benoit (Végréville): Avant de vous poser des questions, Jack, j'aimerais faire une déclaration qui, si nous étions à la Chambre des communes, serait une question de privilège. Marlene Cowling a quelque peu déformé la vérité tout à l'heure, ce qui n'est pas étonnant de la part d'une bonne Libérale. Elle a dit que Jake Hoeppner avait dit que les coopératives faisaient de la fixation de prix. Si vous vérifiez les bleus, vous constaterez qu'il n'a jamais dit cela. Il a dit que dans sa région les coopératives vendaient à des prix plus élevés que les autres fournisseurs. J'aimerais donner à Mme Cowling l'occasion de sauver la face devant les membres du comité et devant ses électeurs et également l'occasion de s'excuser d'avoir dit cela.

.1035

Le président: Quelles que soient les déclarations qui...

M. Hoeppner: Cela ne m'inquiète pas du tout, monsieur le président. Je suis sûr que nous aurons d'autres observations déplaisantes à nous faire mutuellement. Je sais très bien me défendre, et je vivrai aussi vieux, même sans avoir eu des excuses. Ne vous inquiétez pas.

Le président: Merci.

M. Benoit: Une bonne discussion bien dure est un signe de santé, mais il vaudrait mieux nous en tenir aux faits.

Monsieur Wilkinson, nous sommes là pour discuter des prix des intrants et des circonstances qui les ont fait augmenter très rapidement depuis quelque temps. Vous nous avez apporté une recommandation. Encore une fois, je vous pose la question: avez-vous d'autres suggestions? Premièrement, pensez-vous que le prix des intrants constitue un problème? S'agit-il d'une augmentation déraisonnable? Vous avez fait des observations à ce sujet, mais que feriez-vous si vous aviez le pouvoir de faire quelque chose? Si vous étiez le gouvernement du Canada, que feriez-vous aujourd'hui en ce qui concerne les prix des intrants, feriez-vous quelque chose? Comment résoudriez-vous le problème, si toutefois problème il y a?

M. Wilkinson: Honnêtement, si la FCA disposait des ressources dont dispose la direction de la politique d'Agriculture Canada, je ferais exactement ce que nous leur avons demandé de faire. Je ferais une analyse exhaustive pour déterminer s'il y a véritablement un problème à un niveau quelconque, pour déterminer si certaines augmentations sont justifiées ou injustifiées et s'il y a de bonnes raisons de croire que ces augmentations de prix sont attribuables à une forme de collusion. Si c'était le cas - nous avons offert de travailler avec le comité - il faudrait alors se demander si certains aspects de la législation canadienne méritent d'être réexaminés au regard de cette situation.

Très honnêtement, pour l'instant nous disons uniquement que certaines augmentations de prix auxquelles on a assisté cette année, les prix des engrais, entre autres, ont un impact majeur sur la communauté agricole. Par ailleurs, c'est un impact qui va se répercuter sur l'année suivante, en particulier si on tient compte d'une augmentation considérable des coûts de transport. Pour certains produits, il faudrait également compter une augmentation des coûts de la main-d'oeuvre importante à cause de l'élimination du programme.

D'ici un an ou deux, plusieurs autres secteurs vont subir des augmentations considérables, des augmentations qui viendront s'ajouter à celles que nous avons déjà vues. Dans la plupart de ces cas, les réalités actuelles vont nous empêcher de répercuter ces augmentations sur les paliers suivants. Grâce au ciel, cette année, il a été possible d'absorber une bonne partie des augmentations.

L'agriculture canadienne, ce n'est pas seulement le Canola et le blé. Par exemple, dans le secteur de l'horticulture, on utilise une forte proportion d'intrants et les prix sont pires qu'ils ne le sont depuis 20 ans. Dans ce secteur, dans une période où les prix de vente étaient très bas, on a été forcé d'absorber une augmentation du prix de l'azote et une augmentation du coût de la main-d'oeuvre.

C'est une chose que je ne cesse de répéter: notre organisation n'a pas les moyens d'effectuer elle-même une analyse approfondie. Si le comité partage une partie de nos préoccupations, il serait bon de demander à Agriculture Canada d'effectuer une telle analyse immédiatement. Pour prouver tout cela, une analyse approfondie est nécessaire, tout le reste, c'est de l'hypothèse.

M. Benoit: Par conséquent, si Agriculture Canada, aux termes d'une analyse, s'apercevait d'un certain type de collusion, ce qui est évidemment très difficile à déterminer, que faudrait-il faire alors? C'est la question que je vous pose.

Je vais vous donner un peu plus de contexte. Pendant les années soixante-dix, un fabricant d'engrais, et peut-être plus d'un, a été accusé de fixation de prix. À l'époque, nous avions une des législations les plus faibles du monde industrialisé en ce qui concerne les cartels. Nous n'avons pas la législation sur la concurrence loyale dont nous avons besoin.

Pour qu'une économie de marché fonctionne, le gouvernement doit s'assurer, entre autres choses, de l'existence d'une bonne législation sur la concurrence équitable, il doit s'assurer que la concurrence des autres pays est équitable et également mettre en place un bon système anti-dumping. Pour un gouvernement, c'est un rôle tout à fait légitime. Ces fabricants d'engrais ont été poursuivis et l'affaire est restée devant les tribunaux pendant dix ans avant de s'éteindre de sa belle mort. La législation que nous avions à l'époque ne fonctionnait pas.

.1040

Dans ces conditions, si Agriculture Canada s'apercevait de l'existence d'une collusion quelconque, que faudrait-il faire? Je vous demande des suggestions plus précises. Pensez-vous que notre législation actuelle sur la concurrence constitue un problème, celle que nous avons ou que nous n'avons pas?

M. Wilkinson: Comme Sally Rutherford l'a déjà dit tout à l'heure en réponse à une question, il y a un problème du fait qu'il est extrêmement difficile d'établir un dossier fondé sur la législation. Elle a dit qu'il serait facile d'apporter certains changements, des changements comparables à ceux que l'on envisage en ce qui concerne l'énergie nationale, des changements qui permettraient à des groupes comme le nôtre d'entamer des poursuites. En effet, avec le système actuel, il n'est pas facile pour un groupe, quel qu'il soit, de recueillir les informations nécessaires, de constituer un dossier juridique, à moins d'avoir des poches particulièrement profondes.

Chaque fois que des travaux préliminaires sont effectués, si l'on s'aperçoit que certains comportements sont douteux, il serait logique de s'adresser à un groupe comme celui-là, un groupe qui serait habilité à faire enquête

M. Benoit: Je me demande s'il ne serait pas plus facile...

M. Wilkinson: Deuxièmement, comme nous l'avons dit également tout à l'heure, si la législation n'est pas suffisamment sévère, nous nous ferons un plaisir d'étudier des suggestions sur la façon de resserrer les dispositions. Je ne suis pas avocat ou spécialiste de cette législation, mais nous nous ferons certainement un plaisir d'examiner tous les changements que vous pourriez recommander, de nous assurer qu'ils ont bien les effets recherchés en cas d'irrégularités.

M. Benoit: D'accord, Jack. Vous venez de mettre le doigt sur un aspect de première importance: cette législation sur la concurrence que nous n'avons tout simplement pas. Nous n'avons pas de lois anti-cartel suffisantes et si votre groupe pouvait travailler sur cette question, vous rendriez un service à la fois à vos propres membres et à tous les agriculteurs, et même au delà, car tous les secteurs de l'économie sont concernés, et pas seulement l'agriculture.

M. Wilkinson: Tous les travaux préliminaires que vous-mêmes ou d'autres membres de votre parti pourraient avoir nous seraient précieux. Si vous pouviez nous les faire parvenir, cela nous intéresserait beaucoup.

M. Benoit: Je me ferai un plaisir d'en discuter avec vous. Partant de là, en cas de collusion démontrée, vous pourriez vous appuyer sur des lois et sur des procédures bien établies. Ce n'est pas le cas actuellement.

À mon avis, nous perdons notre temps en essayant de déterminer si le prix des intrants ont augmenté d'une façon excessive. Nous ferions mieux de concentrer nos efforts sur la législation, de faire le point de ce qui existe et de déterminer ce dont nous avons besoin pour que le marché fonctionne convenablement.

M. Wilkinson: Je suis d'accord avec vous là-dessus, mais je pense que vous avez tort quand vous dites que cet exercice est une perte de temps. Je sais qu'on a fait des sondages sur les prix des intrants dans certaines régions, je sais que des organisations agricoles, des collèges, universités ou gouvernements provinciaux ont effectué de tels travaux, et il est étonnant de constater à quel point le marché réagit à ce genre de chose. Il suffit de publier les coûts d'un herbicide donné, les coûts du diesel ou du propane dans une région donnée pour relâcher la vapeur et encourager les gens à magasiner. C'est étonnant. Dans certains cas, cela aiguise également les crayons des fournisseurs.

Si on a des raisons de penser que la situation est injustifiée, il s'agit de soulever le couvercle pour voir ce qui se passe en dessous, et le cas échéant, d'exposer ce qui doit être exposé. D'un autre côté, il y a aussi des cas où le système s'autodiscipline.

Beaucoup d'agriculteurs vont chercher des prix plus concurrentiels à l'extérieur de leur région. Par exemple, dans mon coin de pays, un litre de propane coûte .42c. mais il n'y a qu'un seul fournisseur et le prix moyen dans le sud-ouest de l'Ontario est de .21 à .24c. le litre. Je pourrais m'adresser à la presse et prétendre que les prix sont fixés, ou autre chose, mais je n'en ai aucune preuve. S'ils se sont mis d'accord pour qu'il y ait une seule compagnie dans notre région parce que la population n'est pas très élevée et si le fournisseur en question décide que le propane doit coûter .42 cents le litre, ce qui me force à aller acheter ailleurs, ce n'est pas de la fixation de prix, n'est-ce pas? Tout simplement, ce fournisseur se dit que ce type de marché peut supporter un tel prix.

La fixation de prix, c'est quand tout le monde se met d'accord... Il y a une définition.

M. Benoit: Mais il y a différents types de collusion.

J'ai une dernière observation. J'ai probablement exagéré quand j'ai dit que ce type d'exercice était totalement inutile. C'est certainement utile, et dans cette mesure, c'est une bonne chose. Mais on devrait attaquer le problème sous un angle différent car, à mon avis, cela serait utile.

.1045

Le président: Merci, monsieur Benoit. Là, vous avez entièrement raison. Si nous nous penchons sur ces informations aujourd'hui, c'est pour décider de la nécessité de poursuivre des recherches dans certains secteurs. Cet exercice est nécessaire pour orienter nos travaux futurs.

Si vous avez des preuves qu'il existe des problèmes dans ces secteurs, cela m'intéresserait beaucoup également. Si vous pouviez communiquer ces renseignements à nos chargés de recherche et à notre personnel, cela nous aiderait beaucoup à donner suite à votre cause.

Monsieur Szabo.

M. Szabo (Mississauga-Sud): À la page 1 de votre mémoire, on dit que les coûts des intrants ont augmenté de 4,8 p. 100 par rapport à l'année précédente. J'aimerais revenir sur cette déclaration et m'assurer que je l'ai bien comprise car ces 4,8 p. 100, cela veut dire une chose pour une personne et autre chose pour une autre, cela dépend des hypothèses sur lesquelles on se fonde.

Dans l'annexe à votre mémoire, vous dites que les coûts de production s'élèvent à près de 20 milliards de dollars, ce qui représente une augmentation de 4,8 p. 100. Et cette augmentation des coûts dépend d'un certain nombre de choses, dont la plus évidente est la fluctuation des prix au niveau des prix unitaires des intrants. En second lieu, il y a aussi un facteur volume. D'après cette analyse et cette déclaration, dans cette augmentation de 4,8 p. 100, on ne sait pas quelle proportion est attribuable à l'augmentation de la productivité, du volume, de la production agricole.

D'autre part, 75 p. 100 de ce que les gens font sur leurs terres se propagent au-delà de ces dernières. Autrement dit, lorsqu'il y a des impacts financiers positifs et négatifs sur l'agriculteur, ces impacts découlent très souvent de ce que font les fournisseurs du secteur agricole.

Dans ces conditions, il faudrait en savoir un peu plus sur les implications sur l'industrie agricole et ne pas considérer uniquement ce qui se passe dans l'enceinte des entreprises agricoles. D'autres implications entrent en ligne de compte.

En ce qui concerne les engrais, et c'est un domaine où je m'y connais un peu, monsieur le président, ayant été trésorier du groupe United Cooperatives of Ontario pendant cinq ans et la FC...

M. Wilkinson: Nous avons tous un passé chargé, n'est-ce pas?

M. Szabo: Oui, mais si on considère les statistiques, il est intéressant de noter que le groupe UCO perdait de l'argent à l'époque où il était en activité et, pendant de très nombreuses années, il n'a pas dû payer d'apport commercial. Cet apport commercial ne figure pas dans le calcul. J'imagine qu'on le trouve dans les factures, mais peut-être pas. En ce qui concerne la clientèle du groupe, les acheteurs de produits chimiques et d'engrais, ils représentaient environ 25 p. 100 des activités totales du groupe UCO. On perdait de l'argent.

À l'heure actuelle, ces activités sont entre les mains de GROWMARK Inc., qui, elle, a affiché l'année dernière des bénéfices de 40 millions de dollars. C'est significatif et je peux vous dire que pendant les années du groupe UCO, on importait la plupart des engrais d'une compagnie qui s'appelait CF Industries Inc., un gros producteur américain d'engrais. CF Industries avait de véritables pratiques usuraires et soutiraient de l'argent du groupe UCO. Si on ne payait pas immédiatement en faisant la commande, ils n'acceptaient même pas la commande. Les coûts nets et les coûts reportés étaient donc beaucoup plus élevés qu'ils ne l'auraient été pour quelqu'un d'autre.

La même chose vaut pour la compagnie CIBA-Geigy Canada Ltd. Cette compagnie également a profité des faiblesses du système coopératif et en a tiré des avantages considérables.

Quand j'entends M. Hoeppner parler de la faillite des producteurs d'engrais occidentaux, et quand je vois que les coûts de production des engrais ont augmenté de 18,5 p. 100 par rapport à l'année précédente, je suis forcé de me demander si ces producteurs d'engrais font vraiment de tels bénéfices. Je suis forcé de me demander comment, dans ces conditions, ces mêmes producteurs peuvent faire faillite. Tout cela me fait penser que ces faillites sont peut-être attribuables à d'autres raisons. Les pratiques de gestion pourraient fort bien être en cause. Je ne connais par les raisons, mais c'est difficile à croire.

.1050

Cela dit, puisque vous avez déclaré que l'augmentation était de 4,8 p. 100, j'aimerais préciser un peu et m'assurer qu'il ne s'agit pas d'une déclaration en l'air et qu'on peut la confirmer sur la base de véritables augmentations de coûts, toutes autres choses restant égales. Ce n'est pas le cas.

Si vous considérez les chiffres, les intrants agricoles directs, les engrais, les produits chimiques, les aliments du bétail et les carburants ont tous augmenté de façon considérable. Quant au reste, c'est à dire les conditions du marché qui sont les mêmes pour tous les consommateurs et pour les autres entreprises, en général c'est resté plus ou moins au niveau de l'inflation et des marges bénéficiaires normales. Si j'analyse cette annexe, j'ai l'impression qu'on y trouve des augmentations considérables des coûts de productions agricoles, mais des augmentations qui sont dues non seulement aux prix, mais également au volume. Il est important de savoir comment ces deux aspects se répartissent pour pouvoir comprendre véritablement, comme le président l'a dit, l'impact que cela a sur le marché.

Ensuite, en ce qui concerne la fixation des prix, il faut se demander qui est le fournisseur, qui est le fournisseur d'engrais, par exemple, et déterminer si c'est un problème canadien ou un problème commercial.

M. Wilkinson: Ces chiffres que nous avons soumis au comité ont été produits par Statistique Canada.

La solution que vous proposez donnerait évidemment une idée bien plus exacte de la situation, mais c'est une tâche énorme. Ne serait-ce que pour un secteur comme celui des insecticides, il faudrait passer en revue chaque produit, tenir compte du pourcentage de ce produit qui a été vendu, et également des fluctuations de prix et de volume pour ce même produit. Il faudrait ensuite faire la même chose pour le mélange de produits qui constitue les insecticides. Et chaque fois, il faudrait considérer littéralement des centaines de produits et faire l'opération que vous avez décrite pour chacun d'entre eux.

Je ne conteste pas ce que vous avez dit, cela donnerait effectivement une meilleure image de la situation, mais ce serait un travail énorme.

M. Szabo: Statistique Canada publie également des rapports sur les différents types de production. Même sur la base de la production, ce serait possible.

M. Wilkinson: Statistique Canada ne donne pas des informations sur les insecticides qui permettraient de faire ce que vous dites car ce type d'information n'est pas recueilli. Il faudrait donc déterminer quelle quantité de Round-Up est utilisé, voir si ça augmente, voir quelles sont les fluctuations de prix de ce produit puis mettre cela de côté. Il faudrait ensuite prendre le cas de Touchdown et passer en revue la liste de tous les produits chimiques enregistrés. Il faudrait faire la même chose pour tous les insecticides. Ce serait un travail énorme.

Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, mais nous n'avons ni les informations nécessaires pour faire ce travail ni la possibilité de trouver ces informations qui, effectivement, donneraient une meilleure idée de la situation.

D'un autre côté, on peut se demander également si les pratiques d'achat des distributeurs et des fournisseurs ne secouent pas la chaîne d'un bout à l'autre. Par exemple, le cas de l'UCP que vous avez cité. Là encore, nous n'avons pas les moyens d'obtenir ces informations mais il nous semble important d'étudier ces aspects-là.

Monsieur le président, je sais que nous avons presque terminé, mais le comité pourrait accomplir une tâche très utile dans le cadre de ses recommandations, s'il pouvait se pencher sur la législation anti-coalitions et produire un court résumé des délais créés par cette législation. Sally a fait des observations au sujet de l'accès à la législation. À notre avis, c'est un problème qui ne date pas d'hier et si le comité pouvait trouver d'autres éléments, ce serait très utile. Même indépendamment de cette question des coûts de production, ce serait une bonne chose à avoir.

Le président: Nous prenons note de vos observations. Des témoins du secteur anti-coalitions doivent venir témoigner et c'est certainement un sujet que nous allons approfondir plus tard au cours de nos audiences.

J'ai encore les noms de M. McKinnon et M. Maloney et deux autres questions. Avec un peu de patience, nous pourrions peut-être dépasser 11 h, et si on ne nous oblige pas à quitter la salle trop vite, je vais essayer de m'assurer que toutes les questions obtiennent une réponse. Je vous demande à tous d'aller le plus vite possible.

M. McKinnon.

M. McKinnon (Brandon - Souris): Tout à l'heure, quelqu'un d'en face a parlé des taxes imposées par le gouvernement et j'aimerais savoir ce que vous pensez des effets de la TPS sur tout ce secteur.

.1055

Deuxièmement, on a parlé des coûts du carburant. Si vous vérifiez dans l'annexe, vous constaterez que ce n'est pas considéré comme un facteur majeur. Pensez-vous qu'il serait toujours possible de réaliser certaines efficiences en modifiant le système de distribution et de raffinage, en particulier dans l'ouest du Canada? Je pense à ma région de Brandon: nous sommes à mi-chemin entre Regina et Winnipeg. Le pipeline passe à travers notre territoire mais nous n'en profitons pas et nous devons aller chercher notre carburant à 300 km dans un sens ou dans l'autre.

Troisièmement, vous nous avez dit que votre organisme était en faveur de l'existence d'offices pour divers produits. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la Commission du blé.

M. Wilkinson: Je suis en faveur de la Commission du blé. D'accord, deuxième question...

Je ne pense pas que cette idée de se disputer les parts de marchés intérieurs et les parts de marchés internationaux soit une philosophie très utile. Nous représentons 3 p. 100 du commerce mondial des céréales. Si vous considérez le nombre d'entreprises agricoles qui produisent ces 3 p. 100, il doit y avoir des moyens plus efficaces de mettre ce produit en marché. Ce moyen c'est de constituer suffisamment de volume pour satisfaire un acheteur, et cela veut forcément dire un certain regroupement des ressources. Le Canada a la réputation de fournir un produit de haute qualité, d'offrir à l'acheteur ce qu'il veut, et je suis convaincu que cette réputation est due en grande partie aux pools et à la Commission canadienne du blé qui ont réussi à mettre en place et à maintenir un système de contrôle de la qualité efficace et qui ont réussi à rassembler suffisamment de production pour satisfaire les acheteurs. À mon avis, c'est le seul moyen de nous imposer sur les marchés internationaux.

Quant à... Que diable étaient vos deux autres questions?

M. McKinnon: La TPS.

M. Wilkinson: Nous ne sommes pas ici pour discuter du sujet de la TPS. C'est un coût d'entreprise, c'est un coût administratif. Nous avons d'autres coûts de ce genre dans le secteur agricole, mais avec le système actuel, si on fait les comptes à la fin de la journée, c'est plus un problème sur le plan de la paperasserie administrative qu'un coût véritable. Comme je l'ai dit, il y en a peut-être une petite fraction qui pourrait être considérée comme des frais financiers pendant la période de paiement, cela dépend du type d'exploitation agricole.

Nous ne voulons pas qu'on change notre système actuel à moins qu'il ne s'agisse d'harmonisation. La mise en place du système a déjà été assez pénible. La plupart des agriculteurs ou leurs comptables ont adapté leur système de comptabilité et par conséquent, à moins d'harmoniser le programme fédéral et le programme provincial, ou encore si on décide d'appliquer la taxe sur l'alimentation, nous ne tenons pas du tout à ce que l'on touche au système. Si les gouvernemnents sont prêts à agir et si quelque chose se fait... Nous avons pris position à ce sujet et je me ferai un plaisir de vous envoyer la documentation pertinente si vous voulez savoir ce que nous pensons de la TPS.

En ce qui concerne les économies qu'on pourrait réaliser sur le transport des produits bruts, vous connaissez votre région mieux que moi. Personnellement, je pense que le prix du carburant agricole est toujours un problème. En changeant leurs pratiques, les agriculteurs ont réussi à réduire leur consommation par acre. Cela dit, vous dites que vous n'êtes pas branchés sur les principaux pipelines et qu'il y a de meilleurs moyens de procéder. Je ne connais pas suffisamment votre situation pour pouvoir commenter.

Le président: John.

M. Maloney (Erie): Au paragraphe 2 de vos conclusions vous recommandez qu'Agriculture Canada surveille et analyse toute modification des coûts de production pour vous permettre de mieux évaluer la situation. En 1987 ce comité permanent avait recommandé que les gouvernements provinciaux et fédéral surveillent l'évolution des coûts de production des agriculteurs, entre autres données. Pensez-vous que ce comité devrait faire une recommandation comparable en 1995? De toute évidence, à l'époque la propositon n'avait pas été retenue.

M. Wilkinson: C'est comme pour toute autre chose. Ce n'est pas simplement parce que vous recommandez quelque chose que cela va se produire. Je ne cherche pas à faire le malin ici, mais je suppose que si votre comité faisait une recommandation, il ferait de son mieux pour s'assurer qu'on la met en application.

Je sais qu'il y a certaines provinces qui ont des systèmes d'information sur les prix qui ont connu un certain succès. Je répète que je suis convaincu qu'en raison de la publication de ce genre d'information, les agriculteurs portent davantage attention aux différences de prix et multiplient leurs efforts pour obtenir le meilleur prix disponible.

.1100

Ce mécanisme fournit aussi une base d'information. Si les informations sont publiées régulièrement, les organisations agricoles voient les chiffres et peuvent donc s'en servir à des fins politiques et pour exercer des pressions.

Je répète que les modifications de politiques qui se réalisent aux niveaux provincial et fédéral pourraient avoir à long terme des conséquences beaucoup plus importantes que celles découlant de l'augmentation du prix des engrais ou du carburant. Si on veut élaborer une politique qui répondra aux besoins de demain, il faut évaluer les répercussions de la politique actuelle, même si le parti au pouvoir serait gêné de voir les incidences plus ou moins négatives de sa politique sur le secteur agricole. Je crois que c'est le seul moyen de régler certains de ces problèmes. C'est quelque chose que nous prenons très au sérieux.

Pour décider des mesures qui s'imposent, il faudra déterminer les répercussions à moyen terme sur les transports de la politique agricole et des modifications réglementaires.

Le président: Est-ce que le milieu agricole dispose d'une bonne base d'information sur les coûts des facteurs de production, et comment peut-on l'améliorer? Votre organisation devrait se pencher sur ces questions, et nous avons besoin de telles informations pour faire des recommandations à ce sujet.

M. Wilkinson: Selon ce que les agriculteurs me racontent, la situation diffère sensiblement selon la région. Je crois que le Collège Ridgetown, situé dans le sud-ouest de l'Ontario, fait une très bonne enquête sur les prix. Je pense que c'est le gouvernement provincial et des groupes de producteurs qui la financent, mais je n'en suis pas certain. Il s'agit d'une enquête mensuelle très détaillée portant sur le carburant, le propane, certains herbicides, insecticides et engrais, selon la région de la province. Cela vous donne beaucoup d'information. Certaines des revues agricoles publient mensuellement ou trimestriellement les mêmes informations, qui sont donc aisément disponibles et connues de beaucoup de gens.

Je sais que dans les Prairies on avait déjà fait du travail dans ce domaine. Lors de la réunion de notre conseil d'administration la semaine prochaine, nous vérifierons pour savoir si toutes les provinces ont des enquêtes sur les prix. D'après les informations dont nous disposons, il semble que la situation varie considérablement selon la région.

Ce serait un très bon outil. Mais pour que l'enquête soit vraiment utile, il faut avoir un système de collecte de données très détaillées et portant sur une large gamme de produits. Il faudrait donc y consacrer des ressources.

Après la réunion de lundi, je vous ferai savoir si l'utilisation de telles enquêtes est très répandue. Je sais qu'on s'en sert dans certaines régions mais pas dans d'autres.

M. Hermanson: J'aimerais en revenir au filet de sécurité dont vous traitez dans votre rapport, car cela représente aussi un coût de production. Les producteurs ont de l'assurance-récolte dans le cadre du CSRN et du RARAB là où ce dernier existe toujours. Je suis d'accord avec votre formule à trois volets, A, B et C, mais j'ai des réserves à l'égard de C parce que nous ne savons pas exactement quels sont ces programmes parallèles. Nous ne pouvons pas les appuyer sans savoir en quoi ils consistent.

En ce qui concerne les négociations sur les programmes de filet de sécurité et la volonté de les soutenir, il faut dire que les résultats ont été décevants. Sous le gouvernement conservateur, les résultats étaient désastreux. Il suffit de penser aux groupes de travail, aux consultations avec les producteurs, à la participation au RARAB et au CSRN, et même à l'assurance-récolte.

La situation devient très sombre sous le gouvernement fédéral actuel. Il semble presque impossible d'établir des relations fédérales-provinciales ou de la coopération.

Vous avez dit que vous préconisez une formule tripartite de financement de ces programmes, mais cela ne semble pas fonctionner très bien. J'ai parlé avec des représentants provinciaux qui semblent être prêts à répartir les responsabilités. Vous semblez être très hésitants car vous pensez que les provinces ne donneront peut-être pas aux producteurs leur juste part. Il va sans dire que les gouvernements provinciaux doivent rendre des comptes aux électeurs, il y aurait donc des pressions politiques au niveau provincial.

.1105

Dans quelle mesure le gouvernement fédéral devrait-il vraiment pratiquer ce qu'il prêche? M. Goodale a laissé entendre qu'il serait peut-être prêt à s'occuper tout seul du CSRN, et que les provinces pourraient assumer la responsabilité des programmes parallèles et même participer davantage à l'assurance-récolte par exemple. Tout dépend de la formule de financement, mais est-ce que cela n'augmenterait pas l'efficacité du système tout en atténuant les frictions qui existent actuellement? Peut-être que ce serait dans l'intérêt des agriculteurs et qu'on pourrait mettre un terme à toutes ces querelles stériles, ou peut-être qu'il faudrait éliminer le CSRN parce que nous ne pouvons pas travailler ensemble.

M. Wilkinson: Avant la réunion des ministres de l'Agriculture à Terre-Neuve, nous mettions des pressions considérables sur M. Goodale pour qu'il prenne une décision. Nous avons dit clairement que si on n'arrivait pas à une entente à la suite de cette réunion, il serait obligé d'agir unilatéralement pour régler la question. On a donc fixé le délai au 30 septembre, et nous en sommes maintenant presque à la fin d'octobre.

La raison pour laquelle nous préférons la formule tripartite est la suivante. Dans les années 1970 et au début des années 1980 - et je sais que les pressions budgétaires étaient différentes à l'époque - les provinces avaient établi différents programmes dont certains étaient axés sur la production. Le gouvernement fédéral s'occupait de la stabilisation en vertu de la Loi de stabilisation concernant le grain de l'Ouest et de la Loi sur la stabilisation des prix agricoles pour répondre aux besoins des agriculteurs de l'Ouest et de l'Est. Les provinces avaient un grand nombre de programmes d'incitation à la production, ce qui a créé toutes sortes de problèmes commerciaux. Essentiellement, les provinces achetaient des produits d'une autre province, ce qui allait à l'encontre de l'objectif initial des programmes.

M. Hermanson: Mais est-ce que l'ALENA n'empêchera pas que cela se reproduise? Est-ce qu'on ne peut pas empêcher cela?

M. Wilkinson: On pourrait, par exemple, offrir un programme vert de 100 000$ à tous les producteurs de porc québécois pour construire des installations de stockage d'engrais. Qu'est-ce que cela va changer s'il s'agit d'une ferme de 1 000 truies, et que vous offrez 100$ la truie à l'achat? En fin de compte, une piastre est une piastre. En toute franchise, on pourrait le faire en utilisant le programme vert, qui peut être ciblé pour s'adresser à un produit précis.

C'est la seule raison pour laquelle nous ne voulons pas retourner à ce système. À condition d'avoir trois noms, trois signatures, ou trois personnes ayant un carnet de chèques, tout le monde dispose d'un mécanisme de contrôle. Mais si on finit par constater que le système ne marche pas, et je crois que nous en sommes maintenant à ce point, il faut passer à autre chose. On n'a pas le choix.

Si la seule solution est de répartir le gâteau, il faut préciser que les provinces doivent continuer de contribuer aux filets de sécurité. Si elles présentent un plan qui a été approuvé, elles peuvent s'en servir ouvertement comme programme d'incitation à la production.

Nous n'avons rien contre le GATT 70, par exemple, que l'Alberta a proposé, sauf pour dire que compte tenu des chiffres présentés et des mécanismes établis, nous ne sommes pas convaincus que l'agriculteur va en bénéficier financièrement. S'il y a des catastrophes qui se produisent en même temps dans plus d'un secteur important, tout est calculé au prorata, et donc personne ne sait ni quand ni combien le programme va payer. Nous demandons constamment au gouvernement de l'Alberta de nous faire parvenir les chiffres et la formule, mais il répond toujours qu'il faut attendre parce qu'on y apporte des modifications et qu'il y aura encore des consultations.

Si l'on peut aller à Genève pour savoir si c'est neutre du point de vue commercial, il doit sûrement être possible de le présenter un jour au Canada pour que les gens puissent l'examiner. Mais en théorie nous n'avons rien contre ce genre de programme.

M. Hermanson: [Inaudible-Éditeur]

M. Wilkinson: Oui, mais il y a beaucoup de programmes parallèles. Si l'Alberta ne participe pas au CSRN, elle aimerait mettre sur pied le GATT 70. En principe le GATT 70 doit être conçu de façon neutre afin d'éviter de promouvoir un produit plutôt qu'un autre.

Le président: J'aimerais vous remercier de votre comparution. Votre témoignage de ce matin était excellent, et vous avez donné matière à réflexion au comité. Je vous remercie de vos recommandations auxquelles nous donnerons suite. Nous vous garderons au courant de nos progrès.

M. Hoeppner: Je vous prie de m'excuser, monsieur le président. À titre d'éclaircissement, j'aimerais poser une question très courte.

Le président: Je vous demanderais d'être bref, s'il vous plaît.

M. Hoeppner: À la page 6 de votre document, je vois la rubrique «Variation 1994-1993». S'agit-il d'une augmentation de prix?

M. Leduc: C'est l'augmentation des dépenses pour chacun de ces éléments. C'est calculé en fonction du volume et du prix.

M. Hoeppner: Je crois que cela pourrait prêter à confusion, car mon expérience personnelle m'apprend que le prix des engrais a augmenté de plus de 18 p. 100. Dans le cas des produits chimiques, le document cite un chiffre de 15 p. 100 mais je pense qu'en réalité le prix unitaire a baissé. Il faut donc conclure que ces informations ne sont pas très valables, n'est-ce pas?

.1110

M. Leduc: Il faut comprendre que ce sont les dépenses de tous les fermiers au Canada. Il s'agit donc d'un niveau global.

Vous trouverez à la page suivante une ventilation des augmentations de prix selon qu'il s'agit de l'Est ou de l'Ouest du Canada. Dans le cas des engrais, l'indice était à 90 au premier trimestre de 1994, et à environ 135 au deuxième trimestre de 1995.

M. Wilkinson: J'aimerais faire une autre observation. Les gens qui s'étaient déjà entendus sur le prix - et ils étaient nombreux - n'auraient pas subi cette augmentation de 35 p. 100. Mais ceux qui ont acheté pendant ce trimestre l'auraient effectivement subie. Il faut tenir compte de cela pour arriver à ce chiffre de 18 p. 100.

Le président: J'aimerais signaler à tous les membres du comité avant qu'ils ne partent que mardi prochain nous commencerons notre étude article par article du projet de loi C-61. Si vous désirez proposer des amendements, je vous demanderais de bien vouloir les soumettre d'ici vendredi, ce qui nous donnera le temps de les faire imprimer et traduire d'ici mardi.

Je vous remercie de votre coopération et de vos questions brèves.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;