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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 octobre 1995

.1535

[Traduction]

Le vice-président (M. Telegdi): La séance est ouverte.

Je signale, à l'intention des membres du comité, que nous accueillons aujourd'hui un certain nombre de parlementaires d'autres pays. Des assemblées d'États d'Afrique du Sud, les présidents et présidents suppléants; le Vérificateur général adjoint de l'Estonie, M. Söörd ainsi que M. Martin Votteler, d'Allemagne. Non seulement notre vérificateur est sur la sellette, tout le comité l'est également.

Nous souhaitons la bienvenue à tout le monde. Nous entendrons aujourd'hui notre vérificateur général, M. Desautels. Il est accompagné de deux sous-vérificateurs généraux, M. Raymond Dubois et M. Larry Myers.

Monsieur Desautels.

M. L. Denis Desautels (Vérificateur général du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Je vais essayer d'être plutôt bref.

Je suis heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui pour parler de notre rapport d'octobre 1995 à la Chambre des communes et plus précisément des sujets que je vous ai proposé d'étudier en priorité dans ma lettre du 5 octobre.

Aujourd'hui, nous aimerions discuter avec votre comité des sujets prioritaires proposés et répondre à vos questions sur les chapitres du rapport d'octobre et sur toute autre question soulevée.

Comme vous l'avez dit, les sous-vérificateurs généraux Raymond Dubois et Larry Meyers sont ici pour m'aider à répondre à vos questions. Comme celles-ci pourraient porter sur n'importe quel aspect du rapport, nous sommes accompagnés de personnes qui ont participé aux travaux de vérification et qui pourraient fournir des détails supplémentaires.

[Traduction]

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais dire quelques mots au sujet du chapitre 9, «Les déficits et la dette», qui a suscité passablement d'attention tant de la part des parlementaires que des médias écrits. Vous vous demandez peut-être pourquoi cette question n'est pas inscrite sur notre liste de sujets prioritaires, justement au moment où l'information destinée au Parlement à cet égard est, de toute évidence, une question qui mérite l'attention du gouvernement.

Je n'ai pas inclus le chapitre 9 dans la liste que je vous ai transmise tout simplement parce que je croyais que le comité permanent des finances pourrait vouloir l'examiner dans le cadre des consultations prébudgétaires et parce que je sais que votre horaire est déjà assez chargé. Il y a peut-être encore des éléments dans le rapport de mai 1995 que le comité voudrait examiner. Il ne faut pas oublier non plus, que nous comptons déposer le rapport annuel dans seulement cinq semaines et qu'il contiendra d'autres sujets d'intérêt pour votre comité.

Toutefois, nous serons très heureux de discuter du chapitre 9 avec vous si vous voulez en faire l'étude dans un avenir rapproché.

Monsieur le président, ma lettre du 5 octobre à M. Belisle décrivait brièvement les chapitres 10, 12 et 13 et indiquait les raisons pour lesquelles nous en recommandions l'étude par le comité lors de ses prochaines réunions. Sans répéter ce qui se trouve dans la lettre, j'aimerais situer chacun des chapitres.

.1540

Le chapitre 10, intitulé «Sociétés d'État: s'acquitter des responsabilités en matière d'intendance», traite d'un sujet important pour l'ensemble du gouvernement, les sociétés d'État, lequel n'a pas été examiné récemment par le comité. Il pourrait donc se révéler digne d'intérêt.

Pour ce qui est du chapitre 12, les «systèmes en développement», c'est un sujet qui pose un réel défi au gouvernement fédéral mais qui offre beaucoup de possibilités. Le gouvernement semble accepter nos conclusions dans ce chapitre, mais nous pensons qu'une discussion pourrait néanmoins se révéler constructive.

[Français]

Enfin, le chapitre 13, qui porte sur l'ACDI, pourrait fort bien intéresser le comité. Le comité s'était d'ailleurs montré très intéressé lorsque nous avions déposé ce rapport en 1993 et il avait même souhaité que nous fassions un suivi rigoureux du plan d'action qui avait été présenté par l'ACDI à ce moment-là.

Monsieur le président, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

[Traduction]

Le vice-président (M. Telegdi): Monsieur Williams.

M. Williams (St-Albert): Félicitations au Vérificateur général pour un autre excellent rapport. Malheureusement, l'information dont il parle ne doit pas toujours être adéquate puisque le gouvernement ne réussit pas très bien à gérer les deniers publics.

Vous avez mentionné l'ACDI, monsieur Desautels. Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de lire le chapitre sur l'ACDI, mais je me souviens de notre rencontre avec sa présidente il y a quelque temps. Ce rapport fait suite à un rapport précédent.

Y a-t-il eu une amélioration significative dans la gestion de l'ACDI? Nous avons, à d'autres occasions, sévèrement critiqué la gestion de l'ACDI. Sous la nouvelle présidente, qui devait mettre de l'ordre dans tout cela, y a-t-il eu une amélioration?

M. Desautels: Monsieur le président, le chapitre de notre dernier rapport qui traite de l'ACDI tente de répondre à certaines des questions que soulève M. Williams. Il découle essentiellement de l'évaluation effectuée par l'ACDI elle-même de ses progrès depuis notre dernier rapport et depuis sa dernière comparution devant le comité.

Nous avons examiné cette auto-évaluation. Nous avons constaté qu'elle répondait assez bien aux principaux points que nous avions soulevés, mais il est trop tôt pour dire si le système est suffisamment bien implanté.

Le rapport indique pour l'instant que l'ACDI est en voie de corriger les lacunes que nous avons identifiées. Nous nous demandons si l'élan initial pourra être maintenue. Je pense que le fait de publier cette auto-évaluation met encore plus de pression sur l'ACDI pour qu'elle continue sur la lancée.

Je pense également que l'intérêt du comité pour ce chapitre ne fera que renforcer la volonté de l'ACDI de poursuivre son programme de réforme.

M. Williams: Le chapitre 12, «Les systèmes en développement», vise essentiellement des logiciels très coûteux et très complexes.

Lorsque nous avons examiné les forces armées l'année dernière, je pense que c'est M. Meyers qui a utilisé l'expression «la pointe du couteau» plutôt que «la fine pointe du progrès», ce qui signifiait que ces programmes étaient horriblement coûteux et que nous devions nous interroger sur la valeur qu'ils pourraient représenter pour nous.

.1545

Nous avons maintenant l'exemple de ce programme pour la paye qui nous a coûté 60 millions de dollars, mais qui n'est «ni la fine pointe de la technologie», ni «la pointe du couteau», simplement une pure perte.

Le gouvernement comprend-il maintenant qu'il doit penser moins grand et que pour les programmes de paye, par exemple, il pourrait adopter une approche ministère par ministère? Nous n'avons que faire de ces systèmes monstrueux, coûteux, rapidement dépassés et impossible à réaliser à temps et en respectant les budgets. Le gouvernement a-t-il appris sa leçon?

M. Desautels: Monsieur le président, nous ne pouvons pas encore dire que le gouvernement a décidé de penser moins grand et d'abandonner ses projets très élaborés en matière de technologie de l'information.

Il semble que les discussions en cours auraient eu pour effet de l'amener à repenser son approche en ce qui concerne les méga-projets, mais il n'a pas encore décidé consciemment de changer de cap.

C'est un aspect de la gestion qui est difficile à maîtriser, mais qui offre énormément de possibilités s'il est abordé de la bonne façon. Il serait surement utile que le comité aille plus loin et demande au gouvernement s'il désire réagir à ce chapitre.

M. Williams: Vous dites que les coûts suivent la courbe d'apprentissage, qu'ils sont à la hausse.

En ce qui concerne les sociétés d'État, vous signalez que la dette augmente, qu'il y a un manque de focalisation, etc. Vous ne mentionnez cependant pas de sociétés en particulier. Pourquoi parlez-vous des sociétés d'État en termes généraux plutôt que vous arrêtez à une en particulier? Ont-elles toutes des lacunes? Devrions-nous en choisir une que nous examinerions en détails?

M. Desautels: Monsieur le président, nous avons choisi, dans ce chapitre, de parler du cadre général de la gestion des sociétés d'État, plutôt que de mentionner des cas précis. C'était pour faire ressortir les grandes questions touchant la gestion. Nous ne voulions pas que l'attention soit détournée par certaines sociétés d'État ou par ce que nous appellerions des micro-questions à l'intérieur de certaines sociétés d'État. C'est donc consciemment que nous avons décidé de voir comment l'ensemble des sociétés d'État étaient gérées, la mesure dans laquelle le cadre de gestion était approprié ainsi que les améliorations qui pouvaient être apportées à ce cadre.

Il y avait une autre raison pour laquelle nous nous sommes abstenus de nommer des sociétés, comme certains l'auraient souhaité. Notre mandat vis-à-vis les sociétés d'État ne découle pas de la Loi sur le vérificateur général, mais est plutôt défini dans la Loi sur la gestion des finances publiques. Comme vous le savez, les sociétés d'État n'ont pas les mêmes rapports avec le gouvernement et le Parlement que les ministères, par exemple. C'est une autre raison pour laquelle nous avons adopté cette approche.

.1550

M. Williams: Si le comité des Comptes publics examinait la façon dont les sociétés d'État s'acquittent de leurs responsabilités en matière d'intendance... Prenons le CN. L'année dernière c'était une société d'État; cette année, le CN deviendra une société privée. Je ne sais pas s'il y a vraiment une différence entre le mandat dont il s'acquittait l'année dernière et celui dont il a l'intention de s'acquitter l'an prochain, sauf qu'il espère sans doute commencer à réaliser des profits.

Je crois qu'il a englouti environ 96 milliards de dollars en deniers publics depuis sa création en 1915 ou 1916. Nous allons le vendre pour environ 1,5 million de dollars. Il n'a jamais réussi à desservir les petites localités, à faire des profits, à offrir des services rapides, ainsi qu'assez modernes. En tant que comité des Comptes publics, devrions-nous examiner cette situation ou encore devrions-nous réclamer une commission d'enquête qui examine toutes les sociétés de la Couronne compte tenu de l'importance de leur endettement?

M. Desautels: Une des principales critiques que nous faisons à l'endroit des sociétés d'État dans notre chapitre, est que les objectifs d'un certain nombre d'entre elles sont imprécis. Tous les parlementaires et votre comité sont en droit de se poser des questions à cet égard. Et cette critique pourrait s'adresser à de nombreuses sociétés d'état.

Le comité aurait certainement avantage à examiner les sociétés d'État de façon générale, en particulier pour ce qui est de cette lacune que nous avons identifiée au niveau de la gestion. Il y a cependant une marge entre une telle étude et la création d'une commission d'enquête. La gestion des sociétés d'État peut être améliorée. La première étape pourrait consister en une étude du problème par votre comité. Ensuite, si le comité décidait d'aller plus loin, ce serait son choix.

M. Williams: Ce serait un travail auquel le comité devrait consacrer beaucoup de temps. Si nous voulions nous attaquer au manque de focalisation, tant sur le plan de la gestion que de la politique d'intérêt public, de nombreuses sociétés d'état, nous serions encore là dans un an. C'est pourquoi je disais qu'un autre comité pourrait se concentre sur ce problème du manque de focalisation.

M. Desautels: Je ne tirerais pas cette conclusion trop rapidement. Je pense que si vous teniez des réunions sur le sujet, vous seriez mieux en mesure de juger de l'étendue du problème et des mesures à prendre pour en arriver à de bons résultats.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Telegdi): Toujours en ce qui concerne les sociétés d'État, serait-il utile que des parlementaires fassent partie de leur conseil d'administration? Ils ne seraient pas rémunérés à ce titre, mais ils pourrait apporter un point de vue...

Une voix: Ils ne seraient pas rémunérés.

Le vice-président (M. Telegdi): Non. Vous êtes déjà rémunérés.

Je me demande si vous y avez songé, comme moyen d'injecter un certain sens politique dans les discussions des sociétés d'État.

Nous avions auparavant une commission hydroélectrique où étaient appelés à siéger des gens qui représentaient la localité. Ces commissions avaient l'habitude de se soucier assez peu de l'environnement. Elles faisaient abattre des arbres pour un oui ou pour non. Elles sont devenues plus prudentes et ont pu éviter beaucoup de problèmes après que des représentants locaux eurent été nommés.

.1555

M. Desautels: Je pense que l'idée de nommer des députés au conseil d'administration des sociétés d'État s'éloignerait considérablement des pratiques actuelles du gouvernement fédéral du Canada.

L'endroit n'est peut-être pas indiqué pour vous l'expliquer, mais permettez-moi de dire que je pense que s'il en est ainsi, c'est parce qu'il importe de maintenir le principe de l'indépendance des sociétés d'État vis-à-vis du gouvernement central. Vous comprendrez facilement pourquoi, encore plus dans le cas de certaines sociétés d'État que d'autres, il est très important de maintenir une certaine distance.

Comme je l'ai dit, on s'éloignerait ainsi de façon marquée d'une politique de longue date du gouvernement fédéral.

[Français]

M. Assad (Gatineau - La Lièvre): Est-ce qu'on a terminé la discussion sur les sociétés d'État? Peut-on aborder un autre sujet?

Monsieur Desautels, je m'intéresse plutôt au chapitre 9 et à la nécessité d'un débat public sur les conséquences du déficit et de la dette sur l'ensemble du pays.

Croyez-vous qu'un tel débat serait utile? Je trouve qu'on devrait établir des paramètres. Comme vous l'avez mentionné dans l'un de vos documents, le déficit et la dette ne sont pas survenus du jour au lendemain; ils datent des 20 dernières années. Il faut dire qu'il y a eu des erreurs dans le domaine de l'administration financière, mais on est maintenant aux prises avec ce problème. La dette est le résultat des dépenses du gouvernement, inutiles ou excessives, de la façon dont notre politique monétaire a été administrée au cours des 15 ou 20 dernières années et de notre régime fiscal qui a besoin d'être réformé.

La dernière tentative de réforme remonte à la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, appelée la Commission Carter. Il est vrai que cette commission date des années 1960, mais il n'empêche que son rapport a été quasi révolutionnaire par la démonstration qu'il faisait des améliorations importantes à apporter au régime, non seulement pour le gouvernement, mais pour tous les contribuables.

Même si le Bureau du vérificateur général ne peut se prononcer ni sur la politique monétaire ni sur le politique fiscale, il n'en reste pas moins qu'un débat public sur le sujet, comme celui que vous souhaitez, est nécessaire. Il faut qu'on comprenne bien ce qui a causé la dette, parce qu'il y a encore un segment de la population canadienne qui voudrait nous faire croire que les programmes sociaux en sont responsables.

.1600

Donc, ma question est la suivante. Serait-il possible et utile d'avoir un débat public sur la dette afin qu'on comprenne bien ce qu'il en est?

M. Desautels: Monsieur le président, le préambule de la question de M. Assad est presque une déclaration politique.

D'un autre côté, comme M. Assad l'a mentionné, les questions qui entourent tout le débat sur l'endettement et les finances publiques sont des questions politiques, parce qu'elles découlent de philosophie politique, et elles ne font partie de notre mandat comme vérificateur législatif.

Nous devons rester neutres dans tout ça. Ce que nous suggérons, par contre, ce sont certaines façons d'améliorer la qualité de l'information disponible aux parlementaires et à ceux qui vont prendre les décisions politiques qui s'imposent.

On a été relativement précis quant à l'information qui pouvait être utilisée dans un débat politique. On a dit que l'information sur le niveau d'endettement qu'on peut soutenir à plus long terme était en soi un sujet utile pour des consultations prébudgétaires comme celles qu'on a eues au Comité des finances, ces dernières années.

Donc, d'après moi, il serait préférable de concentrer le débat sur la question que nous avons identifiée au chapitre 9. Il y a bien d'autres causes, comme vous l'avez soulevé, à notre niveau d'endettement. Il y a également toute une foule de questions qu'on pourrait poser sur les politiques à plus long terme de la gestion des finances publiques, mais personnellement, je pense qu'il serait préférable de canaliser les discussions prébudgétaires sur le niveau d'endettement et le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut qu'on peut soutenir, à moyen et à plus long termes.

[Traduction]

Mme Whelan (Essex - Windsor): J'aimerais revenir à ce que M. Dubois a dit dans son exposé. Vous avez mentionné, qu'à votre avis, le chapitre 9 méritait une discussion approfondie de la part peut-être des membres du comité des finances au cours de leurs consultations prébudgétaires. Toutefois, à la fin du chapitre 9, vous précisez que nous ne disposons pas vraiment de toute l'information pertinente pour nous entendre sur ce qui constituerait un niveau acceptable d'endettement. Je me demande comment nous pouvons tenir une discussion entière, ouverte et franche si nous ne disposons pas de certains renseignements. Est-ce que nous aurons cette information? Comment pouvons-nous l'obtenir?

M. Desautels: Comme nous le mentionnons dans le chapitre 9, il serait utile, dans le cadre d'une discussion de ce genre d'obtenir certains renseignements qui ne sont pas normalement ou facilement disponibles actuellement. Je ne pense pas toutefois qu'il soit très difficile de les obtenir et de les distribuer ensuite aux députés.

Je ne pense pas qu'il s'agisse de données qui prendront des années à préparer. D'après moi l'information en question pourrait être réunie assez rapidement et mise à la disposition d'un comité de la Chambre. De l'avis de certains, je sous-estime peut-être la difficulté, mais je ne le pense vraiment pas. Je crois qu'il suffirait de quelques semaines plutôt que d'un an pour préparer cette information.

.1605

Mme Whelan: J'ai dû mal comprendre alors. Je pensais que vous aviez suggéré que les membres du Comité des finances devraient probablement examiner le chapitre 9 au cours de leurs consultations prébudgétaires. Vous ne vouliez pas dire qu'on en discute publiquement, mais que les membres du Comité en discutent entre eux.

J'essaie simplement de voir où vous voulez en venir. Vous avez déclaré très clairement que le Parlement ne dispose pas de l'information qui faciliterait un débat éclairé. Je ne vois pas à quoi il sert de se lancer dans ce débat bien que je reconnaisse qu'il faut discuter de ce qui serait un niveau acceptable d'endettement. Toutefois, si nous ne disposons pas de l'information nécessaire pour entreprendre ce débat, il serait probablement prématuré de le faire.

C'est la position que j'ai adoptée en ce qui concerne d'autres questions et je le fais ici encore. Je pense que la situation est très grave et que si nous voulons commencer à en parler et si nous invitons toutes les parties à la table - ce qui à mon avis devrait se faire, tous les Canadiens devraient participer à la discussion sur notre avenir financier et ce qui représente un niveau acceptable d'endettement, sur ce que nous pouvons nous payer vu nos revenus - il faut que nous disposions de toute l'information.

Je ne sais tout simplement pas ce qui nous manque. Je ne comprends pas combien de temps il faudra pour obtenir cette information et je ne pense pas qu'on puisse avoir une discussion éclairée et franche à la fin du mois de novembre. Malheureusement, l'esprit des Canadiens au mois de décembre n'est pas normalement tourné vers la politique fiscale; nous savons que pour un grand nombre de personnes, ce temps est consacré à la famille. Ce serait le moment d'avoir ce genre de discussion, mais s'il faut trois ou quatre semaines pour réunir l'information, nous allons tout simplement escamoter la discussion. Vouliez-vous plutôt dire que le comité des finances devrait en discuter au début de l'an prochain? Mais si vouliez dire que le comité des finances devrait le faire au cours des deux ou trois prochaines semaines, alors je dirais qu'il faut obtenir cette information de toute urgence.

M. Desautels: Monsieur le président, évidemment je suis d'accord avec Mme Whelan lorsqu'elle dit qu'il est impossible d'avoir un vrai débat si l'on ne dispose pas d'information fiable. Il va sans dire aussi que le ministère des Finances pourrait vous expliquer mieux que moi combien de temps il faudrait pour préparer ce genre d'information. Je ne voudrais pas essayer de répondre à la question au nom du ministère.

Cependant, je répète qu'à mon avis cela ne prendrait pas des mois ou des années mais plutôt des semaines. Je ne sais pas si elle pourrait être prête pour les délibérations de cette année, mais je crois qu'il serait utile de proposer qu'on les compile. C'est un problème qui sera avec nous pendant longtemps et il ne va pas disparaître l'an prochain.

Mme Whelan: Je ne crois qu'il disparaisse du jour au lendemain. Nous avons tous lu l'affirmation selon laquelle la seule fois où le Canada a eu des ratio d'endettement plus élevés c'était pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous reconnaissons tous que la situation varie selon les circonstances, et que le Canada a connu d'autres périodes de difficultés économiques depuis la Seconde Guerre mondiale qui expliquent l'augmentation de nos ratios d'endettement. Le problème est qu'on a pas bien expliqué pourquoi la situation ne s'est pas modifiée par la suite. Il est important de préciser la voie dans laquelle le Canada doit s'engager. Nous savons qu'un nouveau budget établissant de nouveaux objectifs sera déposé en février. À mon avis, les consultations pré-budgétaires devraient porter sur ces questions.

Je ne sais pas s'il cela serait opportun d'entamer des discussions à long terme en novembre. J'aimerais qu'on examine à fond l'orientation de notre dette et le niveau qu'on juge acceptable. Cependant, je crois qu'on se penchera plutôt sur des éléments particuliers du budget, car il y tant de groupes différents qui participent aux consultations.

J'aimerais qu'on débatte de cette question de façon franche et ouverte, mais peut-être qu'on devrait commencer en février car nous avons déjà fixé notre objectif pour 1996-1997. On l'a déjà établi.

Merci.

Le vice-président (M. Telegdi): Je crois qu'un débat pareil sera utile, et d'ailleurs il est certain qu'il sera permanent. Il y avait un article intéressant dans The Globe and Mail samedi dernier sur les niveaux de dettes tolérables ou pas. De toute évidence, ce n'est pas une science exacte mais plutôt une forme d'art. Mais c'était très intéressant, et selon le Livre rouge le gouvernement veut se fixer des objectifs financiers réalisables que nous nous engagerons à atteindre.

.1610

Monsieur Laurin.

[Français]

M. Laurin (Joliette): J'aimerais revenir au nouveau mandat que la Chambre a accordé au vérificateur général lorsqu'elle a modifié la Loi sur le vérificateur général, l'an passé.

Ce faisant, nous cherchions à permettre au vérificateur général d'informer la Chambre d'un problème plus tôt qu'il ne le faisait par l'intermédiaire de son rapport annuel. Les amendements permettaient au vérificateur général de présenter, au maximum quatre fois par année, des rapports intérimaires lui permettant d'attirer notre attention sur des problèmes graves qui risquent de s'aggraver si le rapport n'est pas fait tout de suite.

Compte tenu du fait que le rapport annuel du vérificateur général doit être présenté dans cinq ou six semaines, j'aimerais lui demander en quoi le rapport intérimaire traitant des chapitres 9, 10, 12 et 13 qu'il a déposé au mois d'octobre était de nature à atteindre l'objectif qu'on visait. Est-ce que le fait que le rapport ait été déposé en octobre plutôt qu'en novembre ou décembre va nous permettre d'épargner davantage que si on avait attendu le rapport annuel?

M. Desautels: Monsieur le président, je remercie M. Laurin pour sa question. Il soulève un point très important.

Il y a, dans le rapport du mois d'octobre, certains chapitres qui, d'après moi, auraient avantage à être étudiés plus tôt, afin qu'on puisse dégager des solutions ou apporter des changements qui pourraient empêcher que des fonds publics soient engagés de façon irresponsable.

Je vous donne l'exemple du chapitre 12 qui porte sur les systèmes en développement. Nous n'avons pas attendu que ces systèmes soient terminés et mis en oeuvre. Nous avons examiné des systèmes en voie de développement dans lesquels plusieurs centaines de millions de dollars ont été engagés et nous indiquons que ces sommes d'argent sont à risque. Plus tôt on en parlera, plus tôt les correctifs seront apportés par le gouvernement. C'est un exemple où il y a des sommes importantes en jeu et où il y a avantage à discuter de ces questions plus tôt.

Le chapitre 14, sur Industrie Canada, parle d'un programme d'aide aux entreprises en transition dans lequel il y a des risques de sous-gestion de certains programmes qui sont en voie d'être modifiés, mais où il y a quand même plusieurs millions de dollars en jeu.

Le chapitre 16, sur Revenu Canada et la taxe de transport aérien, est un sujet plus pointu, et il y a là également des sommes assez importantes en jeu.

Il y a aussi le chapitre 15 sur le projet de raccordement du détroit de Northumberland. Nous avions l'intention de vous faire rapport le plus tôt possible sur ce projet important qui était en marche, parce que dans le cas d'autres mégaprojets, nous avions constaté qu'il y avait des problèmes de gestion importants. On voulait établir le plus rapidement possible s'il y avait de tels problèmes dans le projet de raccordement du détroit de Northumberland. Dans ce cas-ci, nous n'avons pas constaté les mêmes problèmes, mais cette information est utile aux parlementaires.

.1615

Sur les huit chapitres, il y en a au moins trois ou quatre qui traitent de sujets présentant des problèmes qui mériteraient d'être réglés de façon plus ponctuelle.

Pour revenir à la question du chapitre 9, que d'autres ont déjà soulevée, nous avions l'intention, dans ce chapitre, de parler de ce sujet le plus rapidement possible, quelques mois avant que le prochain budget ne soit déposé, en espérant que ce soit d'une certaine utilité dans la préparation du prochain budget.

Ce sont toutes des choses qui auraient avantage à être étudiées tout de suite plutôt qu'au mois de novembre.

M. Laurin: Prenons l'exemple du chapitre 12 qui porte sur les systèmes en développement. Il me paraît assez évident qu'une intervention rapide pourrait probablement limiter les dégâts.

Mais en ce moment précis où on en traite en comité, est-ce qu'on continue de tenter de mettre ces systèmes en oeuvre? Si on n'arrête pas l'opération, au moment où on aura fini, les systèmes seront déjà désuets et on ne pourra plus les utiliser.

Si, au moment où on se parle, ils sont encore en opération, quels moyens pouvez-vous nous suggérer pour limiter les dégâts et faire cesser ces dépenses?

M. Desautels: Monsieur le président, sur les quatre systèmes que nous avons examinés dans le chapitre 12, il y en trois qui sont encore en voie de développement. Le quatrième a simplement été annulé, comme vous le savez peut-être.

En plus des systèmes dont on parle de façon particulière dans ce chapitre, il y a de 20 à 25 autres projets en marche qui pourraient bénéficier de l'analyse qu'on a faite sur les quatre dont on parle dans le chapitre.

Les enjeux sont relativement importants. En en parlant plus rapidement, on peut avoir une certaine influence sur les trois systèmes qui sont encore en marche et sur les 20 ou 25 autres dont on n'a pas parlé dans le chapitre.

M. Laurin: Quels sont les moyens à notre disposition pour arrêter le déluge? S'il y a déjà 20 ou 25 autres systèmes qui sont en développement et qui aboutissement au même résultat que les quatre systèmes dont vous nous parlez, il est clair que dans un an ou deux, on va avoir dépensé des centaines de millions de dollars qui n'auront servi à rien.

Quel remède pourrait-on administrer immédiatement pour arrêter les choses? Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire là-dessus?

M. Desautels: Depuis que nous avons déposé notre rapport, le 5 octobre, on m'a dit que le gouvernement avait entrepris une révision systématique de tous les projets en marche à l'heure actuelle, afin d'évaluer le risque que présente chacun de ces projets et de voir dans quelle mesure il pourrait mettre en application les recommandations qu'on a faites au chapitre 12.

Monsieur Laurin, je pense qu'il serait bon de poser ce genre de questions aux responsables du côté gouvernemental. Premièrement, est-ce qu'ils ont fait une analyse des autres systèmes en voie de développement? Qu'est-ce qu'ils ont trouvé dans leur analyse et qu'est-ce qu'ils entendent faire pour limiter les risques?

Il serait très utile d'utiliser le chapitre 12 pour interroger les responsables du développement de systèmes informatiques.

M. Laurin: Dans les recommandations que vous nous faites, vous nous recommandez d'étudier en priorité les chapitres 10, 12 et 13. Est-ce que vous les avez présentés dans l'ordre dans lequel vous souhaiteriez qu'on les étudie?

M. Desautels: Non, monsieur le président. Nous avons simplement mentionné ces trois-là sans choisir l'ordre de priorité.

M. Laurin: D'accord.

Monsieur le président, est-ce que le Comité disposera d'un moment pour voir comment on fera pour donner suite aux recommandations du vérificateur général sur ces sujets-là?

.1620

[Traduction]

Le vice-président (M. Telegdi): Oui, il y aura une réunion du sous-comité demain, où nous formulerons une recommandation que le comité étudiera à sa prochaine réunion. Cela permettra à tout le monde de l'évaluer.

[Français]

M. Laurin: Ma dernière question concerne l'Agence canadienne de développement international. Compte tenu des recommandations que nous avons faites l'an passé, qu'est-ce qui vous a poussé à faire un rapport sur l'ACDI dès octobre? Avez-vous l'impression que le fait de l'avoir fait plus tôt va changer beaucoup de choses, compte tenu de la nature de l'organisme et du fait qu'il est en train d'implanter de nouvelles méthodes de gestion, ce qu'on lui avait d'ailleurs demandé de faire? Qu'est-ce qui vous a motivé à faire tout de suite des recommandations et à présenter un rapport sur cet organisme? C'est moins évident que dans les autres cas.

M. Desautels: Dans le cas de l'ACDI, nous aurions pu attendre deux mois ou plus avant de vous faire rapport de ses progrès dans le suivi qu'elle a fait de notre chapitre.

M. Laurin: C'était pour alléger votre rapport du mois de décembre?

M. Desautels: Ce chapitre n'a pas la même urgence que le chapitre 12, par exemple, et je suis le premier à le reconnaître.

Maintenant, avec les rapports périodiques, on essaie de mieux répartir les différents rapports au cours de l'année pour mieux faire ressorte chacun d'entre eux et rendre plus facile la tâche du comité et des autres parlementaires. On a donc devancé quelque chose qui aurait pu faire partie du rapport du mois de novembre. C'était simplement pour mieux équilibrer nos différents rapports. Cela aurait pu facilement attendre au mois de novembre.

M. Laurin: Depuis que la nouvelle loi existe, vous en êtes à votre deuxième ou troisième rapport, n'est-ce pas?

M. Desautels: Au deuxième.

M. Laurin: Est-ce qu'on doit en conclure que vous avez décidé de faire de cela une norme et qu'à l'avenir, vous en aurez toujours au moins deux à présenter chaque année dans le but d'alléger le rapport annuel?

M. Desautels: M. Laurin a raison. Nous essayons d'équilibrer notre travail et nos rapports pour que chacun des rapports soit plus facile à digérer et pour que le comité puisse organiser son travail plus facilement.

Jusqu'à maintenant, monsieur Laurin, je suis raisonnablement satisfait de la façon dont cela s'est déroulé. Je pense que notre rapport du mois de mai touchait des sujets très intéressants. Le comité s'est immédiatement penché sur au moins un de ces sujets et a réussi à faire corriger certaines choses immédiatement. C'est conforme au but des amendements à notre loi. Je pense que le rapport du mois d'octobre traite de sujets qui méritent d'être étudiés plus rapidement.

Pour l'instant, je me propose de vous présenter au moins deux rapports par année en plus du rapport annuel et d'essayer d'équilibrer les trois rapports. Dans une année ultérieure, si nous pensions qu'il y aurait avantage à le faire, nous pourrions produire un quatrième rapport, tel que la loi nous le permet.

M. Laurin: Il est important de souligner le caractère d'urgence parce qu'on avait beaucoup insisté là-dessus. Compte tenu du fait que vous en faites une règle qui vous permettra de déposer régulièrement deux rapports, quand vous allez nous annoncer un rapport, nous devrons nous attendre moins à une chose urgente qu'à une situation normale que vous déciderez de présenter pour alléger votre rapport annuel.

.1625

Je dois vous avouer que nous avons été un peu déçus des deux premiers rapports, parce que nous nous attendions à quelque chose d'extrêmement urgent. Nous nous sommes dit: Ce que vous dénoncez est sérieux, mais il y a là certaines choses qui sont moins urgentes. Je pense que c'est comme cela qu'il faudra considérer vos rapports intérimaires à l'avenir. Il ne faudra pas s'attendre à des rapports intérimaires dénonçant chaque fois des situations sensationnelles.

M. Desautels: C'est un point très important, et je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu là-dessus. L'intention de la Chambre, quand elle a modifié notre mandat, était de nous permettre de faire rapport plus souvent qu'une fois l'an et d'obtenir de cette façon que des mesures correctives soient apportées plus rapidement aux différents problèmes soulevés. Il s'agit, à la longue, d'améliorer plus rapidement l'administration publique. En bout de ligne, c'est le contribuable qui bénéficiera de tout cela.

On ne dit pas que chacun des chapitres que nous publions doit nécessairement être sensationnel. Ce sont des choses qui doivent être corrigées. Certains des sujets vont exiger une attention particulière de gens qui s'intéressent juste à cette question-là. Ce ne seront pas toujours des choses d'intérêt national qui vont capter l'attention de tout le monde. D'ailleurs, tel n'était pas le but de l'amendement à notre loi.

Les questions sur lesquelles nous avons fait rapport, notamment les questions environnementales que nous avions soulevées dans notre rapport du mois de mai, sont toutes extrêmement importantes, à mon avis. Je ne sais pas si cela correspond à votre critère de «sensationnalisme», mais je pense que ce sont des sujets sérieux et importants qu'il faut étudier.

M. Laurin: C'est important, mais pas nécessairement urgent!

[Traduction]

Le vice-président (M. Telegdi): Je m'excuse de devoir vous interrompre mais nous avons largement dépassé notre temps et le vérificateur général a terminé ses observations, donc on va conclure la discussion.

Monsieur Williams.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

J'ai trouvé intéressantes les préoccupations de M. Laurin quant à la nécessité d'établir des priorités pour notre étude des chapitres que le vérificateur général nous a signalé. Je croyais qu'il allait démissionner à la fin du mois, ou peu de temps après, parce que le Bloc québécois sera parti.

Monsieur Desautels, au chapitre 9 vous parlez d'un niveau de dette tolérable. Je ne veux pas parler de pourcentage précis, car en 1974 ou 1975 c'était environ 18 p. 100 tandis que nous approchons maintenant de 80 p. 100. Il doit bien y avoir une limite qu'on ne peut dépasser, n'est-ce pas?

M. Desautels: Monsieur le président, je pense que le niveau tolérable est relatif. L'endettement que vous êtes prêt à tolérer et les sommes que vous êtes disposées à consacrer au service de la dette, tout cela dépend des priorités que vous vous fixez ou que les contribuables fixent à leur gouvernement...

M. Williams: Mais il nous faut...

M. Desautels: Lorsque le fardeau de la dette est supérieur une année à ce qu'il était quelques années auparavant, vous devez affecter une plus grande partie des recettes fiscales au service de cette dette, ce qui vous en laisse moins pour la prestation de services aux contribuables. Toutefois, c'est relatif. Comme je l'ai dit auparavant, il s'agit de choix politiques que vous devez faire. On doit décider si l'on veut consacrer plus d'argent au service de la dette et moins aux services, ou vice-versa.

M. Williams: On peut toutefois supposer qu'il vient un moment que ce soit à 80 ou à 180 p. 100 où il n'est plus possible de faire marche arrière. Il y a un moment, en théorie, où tout sera perdu. Vous parlez de ce que l'on peut supporter, c'est-à-dire ce que nous pouvons nous permettre avec nos moyens. Toutefois, il y a un moment où, même si c'est dans un avenir éloigné, on franchit un point de non-retour.

.1630

M. Desautels: Justement, monsieur le président. Comme je l'ai dit, ce que nous pouvons tolérer et le niveau d'endettement que nous sommes prêts à assumer, voilà des concepts relatifs. Mais si vous voulez pousser l'argument à sa limite, il y a un point auquel vos propres créanciers vous feront la leçon et vous rappelerons à l'ordre.

Je ne pense pas que l'on puisse prétendre à ce moment-ci que c'est ce qu'ont fait les créanciers du gouvernement du Canada. Je pense que l'on continue à prêter au gouvernement du Canada.

M. Williams: À votre avis, la population du Canada - et je parle de ceux qui ne s'intéressent pas normalement aux finances gouvernementales - comprennent qu'il nous faut discuter du niveau d'endettement tolérable? Je le dis en ces termes, parce que le contraire de ce qui peut être toléré c'est intolérable. Si notre dette continue à s'accumuler, il viendra un moment où nous ne pourrons plus faire marche arrière. Pensez-vous que la population canadienne comprenne à quel point nous sommes vraiment endettés?

M. Desautels: Monsieur le président, je pense qu'il règne une certaine confusion sur le niveau de notre endettement. Différentes personnes avancent un tableau très différent et publient de l'information divergente sur le niveau d'endettement. Il serait donc, à mon avis, utile que le gouvernement prépare lui-même un rapport et une analyse à ce sujet.

Je pense qu'alors on risquerait moins de mal interpréter les données ou d'avancer des chiffres différents ou encore de parvenir à des conclusions différentes. Je suis également persuadé qu'il serait très avantageux de mieux informer les contribuables car ainsi, avec le temps, nous pouvons parvenir à un consensus sur les mesures qu'il nous faudra peut-être prendre.

Depuis quatre ou cinq ans, je pense que la population du Canada a évolué et comprend mieux sa situation financière et celle des provinces. C'est probablement sain et ce consensus va nous aider à trouver des solutions qui soient plus acceptables. À mon avis, nous avons beaucoup à gagner en jouant cette carte.

M. Williams: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Telegdi): Il va sans dire que cette question entraînera beaucoup de discussions. Je sais qu'au cours de la dernière campagne électorale, nous avons investi dans un programme d'infrastructures qui a donné lieu à de grandes discussions. Le gouvernement considérait certainement qu'il investissait dans l'avenir. Je sais que les nombreux projets financés par ce programme d'infrastructures, que j'ai visités, ouvraient la porte à des secteurs industriels qu'il fallait financer. Mais il a aussi facilité la croissance industrielle qui créera des emplois qui augmentera les recettes de l'État et on peut même prétendre que ces mesures ont eu une incidence très favorable sur l'économie. Il va sans dire que c'est ce que le gouvernement a affirmé. Un parti n'y trouvait aucun mérite mais ce n'était pas notre cas.

Il y a toujours un aspect politique à la question et je peux d'ores et déjà vous prédire quels arguments le parti Réformiste présenterait à la Chambre. Qu'il en soit ainsi.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?

Monsieur Hopkins.

M. Hopkins (Renfrew - Nipissing - Pembroke): Je voulais tout simplement mentionner l'Institut des comptables agréés. Je remarque un article de Michel Vastel, journaliste compétent bien connu, qui examine comment le vérificateur général Denis Desautels s'efforçe de convaincre le gouvernement fédéral d'améliorer ses pratiques comptables.

.1635

Selon lui, M. Desautels a quelque succès à son actif. D'ailleurs, le budget déposé en février dernier renfermait une réponse aux recommandations de son rapport de 1994.

Il semble donc que vos confrères vous appuient dans votre travail... et vous félicitent de vos observations.

J'ai été vivement intéressé par la partie de votre exposé portant sur les sociétés d'État. Vous mentionnez quelque part que leurs actifs totalisaient 57 milliards de dollars à la fin de l'année dernière et que leur dette totale au même moment s'élevait à 38 milliards. Parmi les sociétés d'État dont vous avez examiné les avoirs, y en a-t-il dont le passif dépassait l'actif?

M. Desautels: Monsieur le président, je pense que non, mais il faudrait vérifier. Si je me fie à ma mémoire, toutes les sociétés de la Couronne affichent des actifs comptabilisés supérieurs à leur passif comptabilisé. Il y a peut-être quelques petites organisations qui ont accumulé des déficits et qui ont été financées par des avances du gouvernement du Canada, mais non par des créanciers de l'extérieur. Si une société d'État affichait un déficit le gouvernement du Canada lui avancerait les fonds nécessaires. Mais d'habitude, le problème est réglé par une injection de capitaux propres fournis par la Couronne.

M. Hopkins: Vous avez aussi mentionné que dans certains cas, les mandats des sociétés de la Couronne sont plutôt vagues, dénués d'orientation claire, pouvez-vous nous donner un exemple de cela?

M. Desautels: Je peux vous parler d'un cas car il a déjà fait l'objet d'une discussion au Parlement et la loi visant cette société d'État a été changée depuis. Il s'agit de l'institution qui s'appelait la Banque fédérale de développement.

Lorsque nous avons entrepris notre examen spécial de cette société d'État, nous avons fait certaines observations au sujet de ce fonds. L'été dernier, comme vous le savez, une nouvelle loi était adoptée afin de préciser le mandat de cette société d'État vis à vis des petites et moyennes entreprises.

Voilà un exemple, M. Hopkins, d'un cas où nous étions d'avis que le mandat devait être précisé. Je n'ai pas d'autres détails sous la main, mais si le comité souhaite poursuivre la discussion à ce sujet, nous pourrions vous en fournir davantage.

M. Hopkins: Vous avez aussi mentionné qu'il arrive parfois que les conseils d'administration des sociétés d'État ne travaillent pas aussi étroitement qu'ils le devraient avec la direction pour ce qui est de formuler une stratégie à long terme, ainsi que des objectifs d'évaluation du rendement significatifs. Si c'est effectivement le cas, cela pose un problème très sérieux.

Qui est chargé d'établir les mécanismes de gestion interne d'une société d'État? Où se situe la ligne de démarcation entre les fonctions de la direction et du conseil d'administration? Leurs champs de compétence respectifs sont-ils bien définis ou est-ce qu'il règne une certaine ambiguité à cet égard?

.1640

M. Desautels: Avec votre autorisation, monsieur le président, je demanderais à M. Radburn de venir à la table pour répondre à cette question en tant qu'expert des sociétés de la Couronne.

M. William Radburn (vérificateur général adjoint, Société de la Couronne, Bureau du vérificateur général du Canada): Je pense que vous soulevez un problème très important, soit qu'il arrive parfois que les rôles respectifs du conseil d'administration et de la direction ne sont pas définis clairement. Souvent, nous sommes en présence de cas ou le conseil d'administration est à la merci de la direction. Dans chaque société d'État, ces rapports sont façonnés au fil des années mais je pense qu'il importe que le conseil d'administration - et nous le disons clairement dans le chapitre - prenne l'initiative en matière de planification stratégique, d'orientation et de l'évaluation du rendement.

M. Hopkins: Quel processus recommandez-vous dans ce cas? Le conseil d'administration a besoin de conseils et de directions. Ce ne sont pas des professionnels qui connaissent en détail le fonctionnement d'une société d'État en particulier. Ils sont là pour exercer leur jugement. Où trouvent-ils leur véritable mandat et les conseils dont ils ont besoin?

M. Radburn: Le mandat du conseil d'administration émane de la Loi sur la gestion des finances publiques. Ses membres sont responsables de toutes les activités de la société. Il va de soi qu'ils ne peuvent participer à la gestion quotidienne, mais les échanges entre la haute direction et le conseil d'administration doivent se faire au stade et de la planification et de la communication des résultats.

À la page 10-14, pièce 10.5, nous précisons que le conseil d'administration ne doit pas faire cavalier seul, qu'il s'agit d'une responsabilité partagée, et nous faisons certaines suggestions sur les moyens que peuvent prendre individuellement les intervenants pour améliorer leurs activités.

Au paragraphe 10.53, nous abordons la question de la formation et d'autres aspects qui seraient susceptibles d'améliorer la compréhension qu'a le conseil d'administration de son rôle et des moyens à prendre pour s'en acquitter.

M. Hopkins: Une dernière question, monsieur le président.

C'est moins vrai aujourd'hui, mais chose certaine ces dernières années, on a souvent vu grossir les rangs des cadres moyens dans ces organisations. Je pense que ce phénomène a contribué dans une certaine mesure à l'indécision qu'on constate car ce niveau de gestion a tendance a empêché la propagation des idées du bas vers le haut et en surveiller la communication du haut vers le bas.

Dans votre examen des sociétés d'État, avez-vous constaté que l'on prenait des mesures correctives pour assurer une gestion plus directe du haut vers le bas et une meilleure communication du bas vers le haut sans qu'il y ait cette masse au milieu qui entrave la diffusion des idées dans les deux sens?

M. Radburn: Depuis les quelques dernières années, j'ai constaté dans un certain nombre de sociétés une amélioration à cet égard. Je pense que cela est attribuable à la récession et au manque de fonds, deux facteurs qui ont incité un certain nombre d'entreprises à rationaliser leurs opérations.

Dans le cadre de certains de nos examens spéciaux, nous avons examiné le coût de la prestation des services. Nous avons effectué des études comparatives. Ce coût semble encore quelque peu élevé dans un certain nombre de cas, et nous en avons fait état dans nos examens spéciaux, mais ce qui est réjouissant, c'est que certaines sociétés se penchent précisément sur le problème à l'heure actuelle. Il y a d'ailleurs certaines améliorations qui ont déjà vu le jour.

Je ne pense pas que le problème dont vous parlez soit aussi répandu maintenant qu'il l'était peut-être il y a quelques années.

M. Hopkins: Merci, monsieur le président.

.1645

Le vice-président (M. Telegdi): Comme il semble que plus personne n'a de questions, je vais mettre un terme à la séance.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

La séance est levée.

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