Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
PDF

38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 17 mai 2005




Á 1110
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))
V         Mme Andrée Lortie (présidente, La Cité Collégiale)

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)
V         M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ)
V         Mme Andrée Lortie

Á 1125
V         M. Roger Clavet
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Roger Clavet
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Roger Clavet
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)

Á 1130
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Denis Hubert (vice-président, Innovation et développement des marchés, La Cité Collégiale)
V         M. Bill Siksay
V         Mme Andrée Lortie

Á 1135
V         M. Bill Siksay
V         Mme Andrée Lortie
V         Le président
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)
V         Mme Andrée Lortie
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Andrée Lortie
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Andrée Lortie
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Denis Hubert

Á 1140
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Andrée Lortie
V         L'hon. David Anderson
V         Mme Andrée Lortie
V         L'hon. David Anderson
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         Mme Andrée Lortie

Á 1145
V         M. Denis Hubert
V         Mme Helena Guergis
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Denis Hubert
V         Mme Helena Guergis
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)
V         Mme Andrée Lortie

Á 1150
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Lui Temelkovski
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         M. Roger Clavet
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Roger Clavet
V         M. Denis Hubert
V         M. Roger Clavet

Á 1155
V         Mme Andrée Lortie
V         M. Roger Clavet
V         Le président
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Monique Fay (coordonnatrice, Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Monique Fay

· 1315
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Laurie Joe (avocate, Regroupement de: Clinique juridique francophone de l'Est d'Ottawa / Clinique juridique communautaire (Centre-ville) / Services juridiques de l'Ouest d'Ottawa / Services juridiques communautaires du Sur d'Ottawa, Regroupement des cliniques juridiques communautaires d'Ottawa)

· 1320

· 1325
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Sungee John (présidente par intérim, Comité canadien d'action sur le statut de la femme)

· 1330
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC)

· 1335
V         Mme Sungee John
V         Mme Laurie Joe
V         M. Inky Mark
V         Mme Laurie Joe

· 1340
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         Mme Sungee John
V         L'hon. Hedy Fry
V         Mme Sungee John
V         L'hon. Hedy Fry
V         Mme Sungee John

· 1345
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Lui Temelkovski
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         Mme Laurie Joe
V         Mme Sungee John
V         Mme Laurie Joe
V         M. Lui Temelkovski
V         Mme Sungee John
V         Mme Laurie Joe
V         Mme Sungee John
V         Mme Laurie Joe
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. David Anderson

· 1350
V         Mme Laurie Joe
V         L'hon. David Anderson
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. David Anderson
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. David Anderson
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)
V         L'hon. David Anderson

· 1355
V         Mme Sungee John
V         La vice-présidente (Mme Meili Faille)










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 061 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte. Nous accueillons aujourd'hui des témoins qui vont présenter leurs vues sur la question de la reconnaissance de l'expérience et des compétences acquises à l'étranger.

    Notre premier témoin est Mme Lortie. Vous disposez de cinq à sept minutes pour faire votre exposé liminaire, et après cela, nous ouvrirons la période des questions.

[Français]

+-

    Mme Andrée Lortie (présidente, La Cité Collégiale):

    Merci beaucoup.

    C'est moi qui vais faire la présentation. Denis Hubert est ici parce qu'il travaille beaucoup avec notre clientèle. Il m'aidera à répondre aux questions.

    Merci beaucoup de nous recevoir. C'est un sujet qui nous tient à coeur, et je dois vous dire que nous étions très heureux que vous puissiez nous recevoir aujourd'hui.

    D'abord, j'aimerais vous parler d'une certaine perspective qui est peut-être différente de celles que vous avez entendues jusqu'à maintenant. Je sais que l'Association des collèges communautaires du Canada a fait une présentation. Moi, je suis présidente de La Cité collégiale, c'est-à-dire que je suis responsable d'un collège qui dessert à peu près 12 000 étudiants annuellement, dont 3 500 au postsecondaire, dans des programmes d'un an, de deux ans et de trois ans. Presque tous les autres étudiants sont dans des secteurs de métiers, des programmes d'appui et d'intégration comme Connexion Emploi et des programmes d'éducation permanente.

    Je suis ici aujourd'hui pour vous présenter la réalité de La Cité collégiale, un collège de langue française en Ontario créé il y a 15 ans grâce à l'appui du gouvernement fédéral, dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale.

    Le profil de nos étudiants a beaucoup changé. Il y a 15 ans, nous avions essentiellement une clientèle de souche francophone, qui venait de l'Ontario et un peu du Québec, alors que 32 p. 100 de notre clientèle étudiante provient maintenant de 80 pays différents. Donc, 32 p. 100 de 3 500 étudiants, cela représente une communauté qui commence à être importante. Nous offrons également beaucoup de programmes de métiers et de programmes d'employabilité. Là encore, environ 70 p. 100 de notre clientèle étudiante est ethnoculturelle, c'est-à-dire qu'elle provient de communautés culturelles.

    Je veux vous entretenir des deux objectifs prioritaires du gouvernement canadien. On connaît ses objectifs dans le domaine de l'immigration, et je dois vous dire que Marc Arnal et Diane Vincent coprésident un comité directeur qui traite des communautés en milieu minoritaire et qui a fait des recommandations que nous appuyons. Il y a donc toute la question de l'accueil et de l'intégration de la population immigrante, mais il y a également l'autre objectif du gouvernement fédéral, qui est celui des langues officielles et qui touche les communautés minoritaires de langue officielle.

    Il y a un lien très étroit entre ces deux objectifs. J'aimerais vous proposer aujourd'hui certaines recommandations qui pourraient aider le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière d'accueil et d'intégration des immigrants en même temps que ses objectifs qui concernent les communautés de langue officielle.

    Je sais que le projet de loi touche toute la question de la reconnaissance des acquis. Il est certain que les collèges communautaires ont une expertise, de l'expérience et un réseautage qui permettent d'augmenter nos capacités de reconnaître les acquis de nos communautés immigrantes. C'était le premier élément dont je voulais vous parler.

    Le deuxième élément dont j'aimerais vous parler est l'accueil de nos communautés. Je vois que nous avons la capacité d'attirer les communautés mais que, lorsque nous les avons dans nos institutions, nous avons souvent des problèmes à devenir de réelles communautés d'accueil. Il faudrait éviter ce qui est arrivé à nos communautés vietnamiennes, qui parlaient le français mais qui ne se sont pas intégrées à la communauté francophone parce que le contexte d'accueil n'était pas présent. Nous vivons actuellement cela avec nos communautés africaines, les gens du Congo, de Djibouti et d'autres pays. Il ne faudrait pas refaire la même erreur qu'on a faite avec les communautés vietnamiennes.

    La réalité dans les collèges est qu'il y a souvent eu un gros investissement gouvernemental, si bien que beaucoup de choses peuvent se faire. L'Association des collèges communautaires du Canada en a parlé bien mieux que je ne pourrais le faire. Par contre, on ne se rend pas à l'étape ultérieure, qui serait un investissement permettant deux choses: premièrement, de faire beaucoup plus de reconnaissance des acquis, que ce soit la scolarité ou l'expérience, et, deuxièmement, d'aller un peu plus loin pour mettre en place des mécanismes qui permettent réellement l'intégration de notre communauté immigrante et, surtout, qui leur offrent la possibilité de trouver des emplois bien rémunérés dans des secteurs où une carrière est possible.

Á  +-(1115)  

    J'aimerais vous faire part rapidement des recommandations assez précises qu'on aimerait faire. Il existe présentement des ententes fédérales-provinciales avec toutes les provinces. Je proposerais à ce comité qu'il y ait certaines ententes, entre le fédéral et les provinces, qui toucheraient la question de l'intégration et de l'accueil des immigrants, afin de donner à des collèges communautaires, par exemple la Cité collégiale, des ressources qui nous permettraient vraiment d'appuyer nos communautés culturelles.

    Lorsque je regarde les statistiques de la Cité collégiale et que je compare le nombre d'étudiants qui commencent des études avec le nombre d'étudiants qui les réussissent, je constate que le « taux de diplômation » des étudiants issus des communautés culturelles est de beaucoup inférieur.

    Nous avons aussi des statistiques sur la satisfaction de la clientèle, compilées à partir de sondages effectués par le gouvernement ontarien, et non par la Cité collégiale. Or, ces statistiques, encore une fois, sont assez basses, mais elles sont beaucoup plus basses pour nos communautés immigrantes.

    Alors, la première recommandation serait qu'il y ait certaines ressources par le biais d'ententes fédérales-provinciales.

    La deuxième recommandation porte sur la reconnaissance des acquis. On en fait, on a commencé à en faire, mais je dirais que c'est à un stade embryonnaire. Beaucoup de travail reste à faire, non seulement à l'intérieur des institutions, mais dans le cadre de réseaux. Des choses ont été faites au Nouveau-Brunswick, au Québec, et en Ontario. Or, présentement, la capacité de ne pas réinventer la roue est quasi inexistante.

    Cependant, certains organismes existent. Il y a le Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada, un organisme qui regroupe toutes les institutions de langue française de niveau collégial au Canada. Par le biais de cette institution, je crois qu'il serait possible de nous assurer, en la subventionnant, qu'il y ait de meilleures pratiques et que ce qui a été développé dans diverses provinces puisse être partagé par l'ensemble du Canada.

    On parle également de pénurie de main-d'oeuvre, par exemple dans le secteur des métiers. Plusieurs immigrants optent pour des programmes de services communautaires, des programmes qui correspondent à des réalités culturelles du pays. Je vous donne l'exemple des métiers. Il y a une pénurie incroyable dans ce domaine. Vous avez certainement vu toutes les statistiques à cet égard. On prévoit que, d'ici quelques années, le nombre de plombiers et d'électriciens qui prendront leur retraite est quelque peu épeurant, car nous en manquerons. Je pense que nous devons travailler afin d'indiquer aux immigrants quels sont les milieux où il y a des emplois, et des emplois bien rémunérés. Bref, un travail doit être fait à ce niveau.

    Le milieu collégial est un autre élément qui attire mon attention. On remarque que les étudiants nous arrivent de pays ou éducation postsecondaire est synonyme d'éducation universitaire; c'est très connu. Donc, quand les gens font des études postsecondaires, ils vont à l'université. Or, le milieu collégial n'est pas connu. Pourtant, c'est un endroit où on forme des gens dans des domaines tels que la santé, les médias, la police, enfin dans tous les domaines. Il est vraiment nécessaire de faire connaître le milieu collégial, parce que lorsque les immigrants font un choix de formation, ils ne choisissent pas toujours les domaines où il y a des emplois bien rémunérés et des emplois où on peut, bien souvent, reconnaître certaines expériences. C'est le cas, par exemple, dans le domaine de la santé.

    Je travaille beaucoup au CNFS, le Consortium national de formation en santé. Ce consortium, subventionné par Santé Canada, est un véritable succès. Son objectif premier est de former plus de professionnels de la santé en milieu minoritaire, donc des professionnels francophones, et d'assurer la rétention en région.

    Quand on voit quels sont les problèmes en santé et que l'on pense au nombre d'immigrants qui nous arrivent et dont on ne reconnaît pas les compétences... La formation collégiale ne permet peut-être à une personne de devenir infirmière, mais elle permet de devenir infirmière auxiliaire ou préposée en soins de santé. Toutefois, pour y arriver, il faut bien orienter les immigrants et leur faire connaître le milieu collégial.

    Ensuite, il faut ensuite appuyer les institutions collégiales dans leur capacité d'intégration. Je vous fais grâce des détails. D'autres recommandations sont faites. Je vous parle de l'est ontarien. Vous savez qu'il y a un modèle à Toronto, le TRIEC, qui fonctionne bien. C'est un consortium.

Á  +-(1120)  

    Je termine par une recommandation qui me semble majeure. Quand on parle des francophones à l'extérieur du Québec, il y a une chose qui fonctionne et une autre qui fonctionne peu. Quand les francophones font des choses pour et par les francophones, les résultats sont habituellement assez incroyables. Quand on travaille par le biais d'institutions bilingues, qui ont le mandat de faire des choses en anglais et en français, la majorité étant anglophone — je ne parle pas de mauvaise volonté —, il en résulte qu'on manque de temps pour faire des choses en français. La priorité n'est pas là, et cela ne se fait pas.

    Quand on met en place des structures d'accueil pour nos immigrants, des mécanismes pour favoriser une meilleure intégration, il faut vraiment tenter de créer et de stimuler des consortiums francophones. Cela ne veut pas dire qu'on exclut les anglophones. Les employeurs peuvent être là par le biais de tables sectorielles, etc. Cependant, la priorité, pour le consortium, devient de savoir ce que l'on fait de nos immigrants parlant français? Quand on favorise la mise en place de ces regroupements par et pour les francophones, on obtient de meilleurs résultats. On l'a vu dans le cas du Consortium national de formation en santé: ce sont sept universités et trois collèges qui avaient des cibles en santé et qu'on tenait responsables de résultats. Or, on est vraiment en bonne voie d'atteindre ces résultats. Il faut faire la même chose pour l'accueil et de l'intégration des immigrants.

    Je termine là-dessus, monsieur le président. Je serai très heureuse de répondre aux questions. Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Faille.

+-

    Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je suis heureuse d'être la première à parler aujourd'hui.

    En fait, mon collègue et moi, nous nous partageons les dossiers de spécialisation en matière d'immigration. Je vois qu'il a plusieurs questions à vous poser. Je n'empiéterai donc pas sur son temps, mais je veux vous remercier de votre intervention.

    Monsieur Clavet.

+-

    M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Merci beaucoup, Meili.

    Merci, monsieur le président.

    Il me fait plaisir d'accueillir les gens de la Cité collégiale, une institution francophone qui est un objet de fierté pour tous les francophones, qu'ils soient au Canada ou au Québec. En effet, vous avez des ponts avec d'autres institutions qui dépassent largement les frontières de l'Ontario.

    Dans votre présentation, je ressentais évidemment beaucoup de passion de la part de la présidente, Mme Lortie, mais en même temps, je sentais qu'il y avait des défis énormes. Pour être allé à quelques reprises au campus de la Cité collégiale, j'ai effectivement pu constater que la présence des communautés ethnoculturelles y est très importante. En plus d'être francophone, cette communauté est confrontée à l'obstacle majeur de toujours devoir chercher son financement. C'est un perpétuel combat pour tous ceux qui ont vécu au Canada en milieu minoritaire.

    Dans votre rapport, vous disiez qu'il y a des défis importants. Par exemple, plusieurs représentants des communautés ethnoculturelles inscrits à la Cité collégiale ont de la difficulté à réussir leurs études, justement à cause de la réalité financière, sociale, etc.

    Est-ce que vous avez des exemples à nous donner? Est-ce qu'on parle vraiment de difficultés profondes chez les représentants des communautés ethnoculturelles qui commencent en septembre, soit en même temps que les autres, et qui doivent abandonner?

    Pourriez-vous nous faire part de l'ampleur du phénomène?

+-

    Mme Andrée Lortie: Nous avons des statistiques à cet égard. En Ontario, le gouvernement a mis en place des indicateurs de rendement pour évaluer la performance des collèges. Un de ces indicateurs de rendement est le « taux de diplômation ». Chaque année, on a un processus pour évaluer le « taux de diplômation » par programme. Nous avons mis sur pied un tracking de nos étudiants. Les étudiants se sont, de façon surprenante, prêtés à l'identification. On a fait un questionnaire pour savoir qu'elle était la provenance de nos étudiants. Par la suite, nous sommes capables de voir qui commence et qui termine sa formation. Or, on a pu identifier très clairement que notre clientèle des communautés culturelles ou immigrantes commence des études, mais qu'elle les abandonne souvent, après le premier ou le deuxième semestre.

    On sait que diverses choses sont reliées à cela, parce qu'on fait des entrevues de départ. On s'assoit avec nos étudiants qui abandonnent et on leur pose des questions. Certains d'entre eux se prêtent à ces entrevues et nous disent des choses comme: le pourcentage du personnel scolaire provenant de communautés culturelles est très petit; les modèles ne sont pas toujours là.

    Je vais vous donner un exemple anecdotique qui illustre bien la situation.

    On a des étudiants en soins infirmiers auxiliaires. Ils font des stages au Centre de santé Élisabeth-Bruyère à Ottawa, qui est un centre de soins de longue durée. On voyait que nos étudiantes allaient en stage et abandonnaient leur formation. On en a discuté avec le personnel, et ce qui est ressorti de ces discussions est que la clientèle du Centre de santé Élisabeth-Bruyère est composée de personnes âgées de 80, 85 ans qui sont en soins de longue durée et qui ne sont pas habituées à être traitées par des infirmières auxiliaires de communautés culturelles. Elles deviennent agressives, un petit peu violentes: « Je ne vieux rien savoir, je ne veux pas me faire traiter par cette noire-là », par exemple.  Conséquemment, l'étudiante, qui a 20 ans, décide d'abandonner: elle ne veut pas vivre ce traumatisme.

    Cela nous a poussés à mettre sur pied, avec le Centre de santé Élisabeth-Bruyère, des séances pour enseigner à nos étudiantes comment composer avec cela. Ce n'est pas un problème personnel, et la clientèle adulte, âgée de 80 ou 85 ans, ne changera pas. Il n'est pas question de dire que ces gens vont changer leur attitude.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Roger Clavet: N'est-ce pas là un cercle vicieux? Parce qu'il y a une sous-représentation des communautés ethnoculturelles au sein du personnel, on renvoie le message que, finalement, ça sera difficile à la base, mais ça le sera en haut aussi.

    Est-ce que la Cité collégiale peut faire quelque chose? Par exemple, peut-elle augmenter sa représentation ethnoculturelle au conseil d'administration?

+-

    Mme Andrée Lortie: Absolument.

+-

    M. Roger Clavet: Est-ce qu'on peut envoyer de tels messages?

+-

    Mme Andrée Lortie: Oui.

    Dernièrement, par exemple, il y a eu une nouvelle nomination. Il s'agit de Mme Bermingham, une personne très connue dans la région d'Ottawa qui travaille avec les communautés culturelles et qui est au conseil.

    De plus, nous avons un plan d'action très précis pour embaucher plus de personnel scolaire et de soutien administratif provenant des communautés culturelles. On a mis sur pied des groupes de travail dans nos communautés pour les aider à préparer leur curriculum vitae, pour leur enseigner la façon de se présenter, etc.

    Cela entraîne une grande problématique, à laquelle vous avez touchée très clairement, monsieur Clavet, soit la question des ressources. Je vous dirai qu'à la Cité collégiale, présentement, mon personnel à temps complet donne 48 p. 100 des cours du programme postsecondaire, ce qui veut dire qu'on embauche très peu d'enseignants.

    Le gouvernement ontarien vient de faire de très bonnes annonces. Nous devrions obtenir plus de subventions pour l'enseignement postsecondaire. Je ne vous cache pas que je suis très heureuse des ententes qui ont été conclues entre le gouvernement ontarien et le gouvernement fédéral, parce que je pense que cela devrait nous aider au niveau de l'enseignement postsecondaire. Mais c'est une question de ressources.

+-

    M. Roger Clavet: En terminant, vous m'avez ouvert une porte. Je veux parler des subventions au Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada. Comment fonctionne ce réseau? Qui l'alimente? Qui peut le financer? Est-ce un financement provincial-fédéral?

+-

    Mme Andrée Lortie: Présentement, le réseau est financé par le ministère du Patrimoine canadien, et c'est un des seuls réseaux à l'échelle nationale qui inclut le Québec. Tous les cégeps du Québec en sont membres, de même que toutes les institutions offrant de la formation collégiale à l'extérieur du Québec.

    Il est dirigé par deux directeurs généraux de cégep et par deux présidents de collège à l'extérieur du Québec. Ce réseau est là parce que le gouvernement fédéral a voulu créer un réseau francophone au niveau national. C'est un réseau qui fonctionne avec un budget quand même très minime, mais qui a la capacité de regrouper toutes ces institutions et de présenter certains projets au niveau national.

    Je souhaiterais qu'il soit beaucoup plus appuyé, mais on est très heureux qu'il existe et on veut qu'il continue. C'est un bon mécanisme.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci.

[Traduction]

    Monsieur Siksay.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, madame Lortie et monsieur Hubert, de votre présence parmi nous ce matin. Je me joins à M. Clavet pour vous féliciter de la passion que vous apportez à votre travail. Cet enthousiasme était manifeste même avant le début des audiences de ce matin. Alors, je tiens à vous remercier de votre présence aujourd'hui.

    Je me demande si, s'agissant de la reconnaissance de l'expérience des titres de compétences, les étudiants venant de pays francophones font face à des problèmes particuliers, par rapport aux étudiants venant de pays anglophones ou si, dans le cadre de vos discussions avec des collègues, vous auriez constaté une différence entre les deux groupes.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Andrée Lortie: Il y a plusieurs volets. Celui de la langue, évidemment, qui est critique. On peut parler français à l'extérieur du Canada, comme on peut le parler au Canada, mais nous constatons, de par nos contacts avec les employeurs, que les mots n'ont pas la même signification culturelle. Voilà quelque chose qui a créé beaucoup de problèmes. Donc, il y a des problèmes d'ordre linguistique à régler--et je sais que je ne réponds pas vraiment à votre question--qui concernent tout particulièrement les francophones. Il est possible que les mêmes problèmes existent en anglais, mais je ne suis pas au courant.

    Mais s'agissant de reconnaissance--et je vais demander à Denis d'en parler aussi, parce qu'il connaît la situation dans certains secteurs, comme les métiers spécialisés, beaucoup mieux que moi--je dirais que dans les programmes postsecondaires, il existe peu de mécanismes permettant de faire reconnaître les crédits ou l'expérience acquis en français à l'étranger.

    Donc, vous n'êtes peut-être pas très avancés du côté anglophone, mais comparativement à ce qui a été fait en français, où la masse critique est plus petite, il faut reconnaître que les ressources investies sont également moins importantes. Du côté français, on est moins avancé. Quand je parle à mes collègues des 22 collèges de langue anglaise en Ontario, je constate que beaucoup plus d'efforts ont été déployés dans ce sens, que ce soit dans le secteur des soins infirmiers, du génie, ou d'autres domaines. Nous n'avons pas fait autant de choses. Nous sommes toujours en retard du fait de n'avoir pas une masse critique. Moins de gens sont concernés.

    Il y a aussi la question du réseautage. Nous commençons à peine à faire du réseautage. Je vous parlais du travail que nous effectuons en Colombie-Britannique. Nous commençons aussi à travailler en Saskatchewan, et en Nouvelle-Écosse, mais tout cela commence à peine. C'est en cours depuis deux ou trois ans seulement. Le réseau de collèges de langue française du Québec existe depuis 15 ans au grand maximum, alors que partout ailleurs, les réseaux sont en place depuis les années 1960.

    Voilà donc quelques observations générales. Je ne peux pas être plus spécifique.

    Denis.

+-

    M. Denis Hubert (vice-président, Innovation et développement des marchés, La Cité Collégiale): En ce qui concerne les métiers spécialisés, par exemple, la grande majorité de nos nouveaux clients viennent de pays d'Afrique ou d'Haïti. Comparativement aux 22 autres collèges, dont les clients immigrants viennent d'un plus grand nombre de pays--c'est-à-dire, d'Asie, d'Indonésie, etc.--nous avons chez nous très peu de ces clients-là. Notre clientèle est surtout originaire des pays de l'Afrique subsaharienne et centrale, qui sont souvent très pauvres et bénéficient de très peu d'infrastructures. Par conséquent, il nous est difficile, s'agissant surtout de métiers spécialisés, d'analyser leurs connaissances en électricité, en plomberie, etc.

    Ce qui est vraiment difficile, c'est le drame personnel qu'on impose à la personne qui arrive au Canada. Vous lui dites : «Comment pouvez-vous nous prouver que vous savez tout cela?» Très souvent, ils arrivent ici avec très peu de documentation ni d'encadrement, qui pourraient leur permettre d'expliquer où ils en sont dans leur carrière professionnelle.

    Le deuxième problème que nous rencontrons dans un problème que nous-mêmes avons établi est celui de l'intégration des immigrants sur le marché du travail. Dans le secteur des arts culinaires, par exemple on peut facilement se retrouver dans une salle de classe avec 55 étudiants ayant tous des profils différents--c'est-à-dire des gens qui ont travaillé de très près avec un expert en arts culinaires, ou un cuisinier, et d'autres qui ont très peu de connaissances, selon leur pays d'origine. En tant qu'enseignant, on doit toujours essayer de les traiter de façon hétérogène. C'est très difficile, et nous n'avons pas les moyens d'acquérir plus d'outils qui nous faciliterait ce travail. Malheureusement, nous devons traiter ces étudiants comme tous les autres. Nous ne prenons pas le temps nécessaire de faire l'encadrement qui s'impose.

+-

    M. Bill Siksay: En ce qui concerne la reconnaissance des compétences et des acquis, existe-t-il au Québec des systèmes qui seraient parallèles ou dont on pourrait tirer profit dans d'autres régions du Canada? Autrement dit, existe-t-il des liens coopératifs?

    J'ai l'impression que dans la province de Québec ils sont plus avancés, ou du moins que plus de ressources sont investies dans cette activité-là.

+-

    Mme Andrée Lortie: L'un des grands défis que nous avons à relever concerne l'attribution des pouvoirs entre les provinces et le gouvernement fédéral. L'éducation est une responsabilité fédérale, mais il ne faut pas se laisser limiter par cette situation-là. La création du réseau des collèges et des CEGEP, entre autres, nous a permis de commencer au moins à nous parler, parce que si nous passons par les voies normales, que ce soit les ministères ou autres choses, il ne se passe pas grand-chose. Comme vous le savez, il existe un minimum de possibilités en anglais, mais quand on est francophone, c'est encore moins.

    Je dirais que cela commence à peine. Nous commençons à faire des progrès en ce qui concerne le matériel didactique. Dans tous les autres domaines, nous avons la possibilité de partager des ressources pour ne pas réinventer la roue, mais dans ce secteur-là, nous n'avons même pas commencé à explorer les possibilités. Nous commençons à peine à dialoguer.

Á  +-(1135)  

+-

    M. Bill Siksay: J'ai remarqué qu'une de vos recommandations consiste à inciter la communauté francophone de l'est de l'Ontario à devenir une véritable communauté d'accueil auprès des immigrants. Cette remarque-là nous a déjà été faite pendant notre périple, et notamment en Saskatchewan, au Manitoba, et dans d'autres provinces. Je me demande si vous avez d'autres détails à ajouter au sujet de cette recommandation.

+-

    Mme Andrée Lortie: Je vais commencer par faire un commentaire, et Denis voudra peut-être ajouter quelque chose, comme vous le constatez vous-mêmes, en voyant l'expression sur son visage.

    Ottawa et l'est de l'Ontario sont perçus comme étant une région où il n'y a pas d'immigrants. Je fais partie d'un comité provincial, et on dirait que tous les habitants du centre-ville de Toronto sont des immigrants, et peut-être aussi de London, mais dès lors qu'on parle d'Ottawa, on vous dit que ce n'est pas la même chose.

    Or nous avons un collège dont 32 p. 100 des clients émanent de différents groupes ethnoculturels. Voilà pourquoi nous affirmons que dans l'est de l'Ontario, étant donné que les employeurs sont principalement de langue française et anglaise et de race blanche, l'un des problèmes supplémentaires auquel nous sommes confrontés--et je trouve que les activités de placement au collège sont, dans ce contexte, particulièrement importantes--consiste à nous assurer que les employeurs comprennent bien la valeur ajoutée qu'apporte la diversité. Disons que ce n'est pas naturel, comme à Toronto. Il faut vraiment travailler de près avec les employeurs pour s'assurer que les placements se fassent, et que les étudiants bénéficient du soutien qu'il leur faut. Sinon, le résultat, c'est que 98 p. 100 des étudiants de race blanche trouvent un bon placement, alors que le taux de placement des étudiants d'origine ethnoculturelle est moindre.

    Donc, ce que j'essaie de vous dire, c'est que la population est là. Elle est souvent de langue française, et nous vient via Montréal, mais il reste que ces personnes s'établissent ici. C'est une bonne nouvelle pour la communauté de langue française parce que, vu le problème de l'assimilation, nous obtenons plus de francophones, ce qui bénéficie à notre communauté. En même temps, on ne semble pas reconnaître les défis additionnels que cela suppose.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Anderson.

[Français]

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci beaucoup. Je suis très heureux d'entendre quelqu'un qui aime vraiment son travail et qui a quelque chose de très important à nous dire. En fait, c'est très impressionnant. Je vous félicite.

    Quel est le système de financement pour les 34 p. 100 d'étudiants qui viennent d'autres pays? Est-il au même niveau que celui des étudiants de la province d'Ontario ou des autres provinces?

+-

    Mme Andrée Lortie: Il est exactement au même niveau. Ils sont traités exactement de la même façon.

    Dans mon mémoire, vous pourrez voir que j'ai présenté à mon conseil d'administration un plan majeur, avec des stratégies très précises, pour améliorer le « taux de diplômation ». En ce qui a trait au financement, il n'y a absolument pas de différence entre un étudiant canadien de souche et un étudiant immigrant.

+-

    L'hon. David Anderson: Est-ce grâce à l'accord fédéral-provincial?

+-

    Mme Andrée Lortie: En Ontario, le financement des collèges est accordé par étudiant.

+-

    L'hon. David Anderson: Mais quelle est la situation pour les étudiants eux-mêmes? Je parle du coût de la vie, par exemple. C'est exactement la même chose?

+-

    Mme Andrée Lortie: C'est la même chose.

+-

    L'hon. David Anderson: Je vois qu'on a noté les réalités de la langue. Dans plusieurs pays, on donne une formation en langue française, même si ce n'est pas la langue du pays. Alors, ils arrivent ici avec une connaissance assez faible de la langue française.

    Offrez-vous des cours pour remédier à ce problème?

+-

    Mme Andrée Lortie: Oui. D'ailleurs, c'est une des choses qui, pour nous, est très coûteuse. Cette année, j'avais 28 groupes qui suivaient des cours de mise à niveau en français. Ces cours leur ont été offerts afin de leur permettre d'atteindre un niveau suffisant pour réussir leur programme d'études, et ce, au niveau postsecondaire seulement. On l'a fait parce que le niveau d'échec, autrement, est trop élevé. Alors, les cours sont offerts, mais ils sont subventionnés par le collège, c'est-à-dire que nous avons décidé d'investir de l'argent dans une telle formation, au détriment, quant à moi, d'autres secteurs. Il n'y a pas de financement spécial pour ces cours. C'est un peu la raison pour laquelle je croyais qu'il était important de me présenter ici aujourd'hui. Les ressources pour permettre une bonne intégration n'y sont pas.

+-

    M. Denis Hubert: Je voudrais ajouter quelque chose. On vit constamment le phénomène de la double minorité. Cela fait en sorte que le client qui nous arrive d'un autre pays et qui a certaines difficultés langagières ne veut pas se sentir doublement minoritaire en adoptant le français, même s'il a une connaissance, bonne ou à un autre niveau, de la langue. Face au responsable de RHDCC, face au responsable du bureau provincial, il se sent mal à l'aise.

    Dans mon secteur, j'accueille plus de 8 000 clients par année, dont à peu près 70 p. 100 sont des nouveaux Canadiens de première et de deuxième génération. Quand ils arrivent, ils sont en situation de perte de pouvoir. Ils sont dans une situation où ils ne veulent pas déranger les choses. Ils veulent s'adapter le plus facilement possible.

    Je perds trop souvent des clients francophones venant d'un autre pays qui se dirigent vers des organismes anglophones parce qu'ils ne veulent pas arriver et dire qu'ils ont le droit, ici, de travailler en français, d'apprendre en français. Alors, ils laissent tomber ce facteur, et on les perd.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. David Anderson: Vous avez indiqué clairement que les choses fonctionnent quand elles sont faites pour et par des francophones. Les termes que vous avez employés étaient très précis.

    Toutefois, y a-t-il assez d'organisations où il leur est possible de trouver des emplois et de vraiment vivre en français?

+-

    Mme Andrée Lortie: Non seulement c'est le cas, mais le bilinguisme, à Ottawa, est une valeur ajoutée.

    Nous remarquons que nos étudiants, à la fin de leur programme d'études, sont bilingues. L'anglais s'attrape. Il est partout: dans les médias, les magasins, etc.

    Si vous êtes bilingue, vous augmentez vos chances de trouver un emploi dans une région comme l'Est ontarien; on le voit. Alors, ce n'est pas un handicap, c'est une valeur ajoutée. Je vais même vous dire ceci, monsieur Anderson: nous venons de finir une campagne de collecte de fonds, dont un des coprésidents était John Kelly — vous le connaissez peut-être—, un anglophone unilingue qui dit vouloir des employés bilingues. Il veut appuyer un collège de langue française parce que c'est une valeur ajoutée.

    Alors, ce n'est pas un handicap, dans la région de l'est de l'Ontario, loin de là. C'est un avantage.

+-

    L'hon. David Anderson: Si j'en ai le temps, j'aimerais vous poser une dernière question. Il est difficile de généraliser, mais y a-t-il des groupes de personnes, qu'il s'agisse d'immigrants d'Haïti ou du Congo par exemple, qui trouvent des emplois en français, et d'autres qui dénichent des emplois bilingues ou en anglais? Y a-t-il, à cet égard, des groupes bien différents des autres?

+-

    Mme Andrée Lortie: C'est une très bonne question. Je ne pourrais cependant pas y répondre, car nous ne nous sommes pas penchés sur cet aspect. Nous n'avons pas fait ce type de suivi. Nous effectuons un sondage auprès des étudiants six mois après qu'ils ont quitté le collègue, afin de savoir s'ils ont un emploi et si c'est un emploi lié à leur programme de formation. Par ailleurs, je ne sais pas s'ils travaillent en anglais ou en français, car nous n'avons jamais fait ce type de suivi.

    C'est une très bonne question, mais je ne sais pas du tout quelle est la réponse. Cependant, je peux vous dire qu'ils travaillent.

+-

    L'hon. David Anderson: Merci beaucoup et félicitations.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci.

    Nous allons faire un deuxième tour de questions et réponses. Les interventions devront être assez courtes, car nous devrons terminer bientôt.

    Nous poursuivons donc avec Mme Helena Guergis.

[Traduction]

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci, madame la présidente.

    Bienvenue au comité. Je suis vraiment contente que vous soyez parmi nous aujourd'hui. Je vous présente mes excuses d'être arrivée en retard. J'ai effectivement manqué votre exposé et beaucoup de questions qui vous ont été posées par les membres, alors j'espère ne pas vous poser une question à laquelle vous avez déjà répondu.

    Personnellement, je voudrais que les compagnies qui ont des contrats avec le gouvernement fédéral, et même la bureaucratie gouvernementale, reflètent davantage le caractère multiculturel du Canada. Ma question est donc la suivante : Offrons-nous aux néo-Canadiens des cours de formation linguistique en français qui soient équivalents à ceux qui sont offerts en anglais? À mon avis, nous devrions le faire. Pour moi, il importe d'offrir aux néo-Canadiens la possibilité de travailler à tous les paliers de gouvernement, et il semble que certains nouveaux arrivants n'aient pas cette possibilité, parce qu'ils ont besoin d'apprendre le français. À mon avis, nous devons leur donner la même possibilité d'apprendre la langue française.

    J'aimerais connaître votre réaction.

+-

    Mme Andrée Lortie: S'agissant de savoir si nous leur fournissons une formation linguistique équivalente en français, je défère au jugement de Denis qui travaille beaucoup plus dans ce domaine que moi. Mais quand on établit des comparaisons entre ce qui se fait à l'extérieur du Québec--et là je vous présente des informations bien précises--à l'égard des communautés minoritaires de langue française, avec ce qui se fait ailleurs, on constate toujours que les deux ne sont pas au même niveau. La masse critique n'est pas la même, et il y a des priorités qui visent des situations majoritaires. Il arrive souvent que des communautés, notamment des communautés de langue française, aient du mal à survivre et à s'épanouir, de sorte que les ressources disponibles ne sont pas les mêmes.

    Ce que me disent actuellement les différents groupes établis dans toutes les provinces, c'est que les communautés francophones se développent beaucoup. Il y a une véritable énergie qu'on ressent quand on travaille avec les communautés en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, ou dans les Maritimes--on sent cette énergie. Mais il s'agit maintenant de prévoir les mesures incitatives et les ressources requises pour permettre d'établir les réseaux, de sorte que la communauté ne soit jamais seule, et qu'elle puisse profiter de ce qui a été fait ailleurs. Voilà qui leur permet d'aller un peu plus loin.

    Donc, quand vous parlez de formation linguistique, je vous dirais que les capacités ne sont pas les mêmes que du côté anglophone, simplement en raison des populations concernées et des ressources disponibles.

Á  +-(1145)  

+-

    M. Denis Hubert: Oui. Nous sommes l'un des établissements chargés d'assurer le programme CLIC pour Citoyenneté et Immigration Canada, et moi-même j'ai dispensé les cours de langue en anglais et en français.

    Évidemment, pour le cours de langue en anglais, les ressources sont beaucoup plus importantes, il y a plus d'étudiants, plus d'enseignants, etc. Pour ce qui est du cours en français que je dispense, moi, c'est plus difficile, parce que les groupes sont plus petits--c'est-à-dire, quatre, cinq, ou six étudiants. Ce n'est pas du tout une critique du programme. C'est un excellent programme; nous aimerions même qu'il soit élargi. Nous souhaitons qu'on incorpore dans le programme CLIC des éléments qui dépassent les difficultés linguistiques.

    Nous aimerions disposer de plus de ressources, pour être en mesure d'améliorer les capacités commerciales, l'employabilité, les compétences familiales, l'intégration sociale, etc., des immigrants qui viennent s'établir au Canada. Nous avons 24 collèges en Ontario. Nous assurons déjà une présence; d'ailleurs, nous sommes financés en partie par le gouvernement fédéral pour assurer cette présence. Il faut se servir de l'infrastructure communautaire et essayer d'en profiter au maximum pour que les frais généraux soient moindres, et il faut également élargir certains des programmes déjà assurés par l'entremise de Citoyenneté et Immigration Canada--le CLIC, par exemple.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci. Je suis d'accord avec votre recommandation à ce sujet.

    Êtes-vous affiliés à d'autres établissements scolaires au Canada?

+-

    Mme Andrée Lortie: Il y a deux choses à vous dire à ce sujet. Nous faisons partie de l'association des collèges communautaires de l'Ontario; donc, nous sommes l'un des 24 collèges qui font partie du réseau. En français, nous faisons partie du réseau des collèges et des CEGEP du Québec--un groupe national qui réunit tous les établissements qui dispensent des cours de niveau collégial en français. Il y a aussi le consortium de la santé pour la formation des professionnels de la santé Comme vous le savez, ce regroupement est subventionné par Santé Canada. À l'échelle nationale, il englobe sept universités et trois collèges situés en dehors du Québec.

+-

    M. Denis Hubert: Nous sommes également membres de l'ACCC, c'est-à-dire de l'Association des collèges communautaires du Canada.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci pour cet exposé très intéressant que vous nous avez fait. Je me permets d'attirer votre attention sur la rubrique intitulée «Programme de formation pour les infirmiers et infirmières de pays étrangers» à la page 12. Je vois que vous expliquez en détail dans ce paragraphe les conditions du programme par l'entremise duquel des infirmiers et infirmières peuvent obtenir progressivement leurs titres de compétence canadiens.

    Ma question concerne les médecins. Seraient-ils admissibles à ce genre de programme?

+-

    Mme Andrée Lortie: Je ne peux pas vraiment répondre à votre question, parce que ce genre de formation se fait plutôt au niveau universitaire. Je sais que dans le cadre du consortium, l'Université d'Ottawa, comme vous le savez, a vraiment cherché activement à accroître le nombre de médecins accrédités qui peuvent travailler en français en dehors du Québec, et il est certain que la question des médecins ayant fait leur formation à l'étranger est une grande priorité pour le gouvernement de l'Ontario. Cette question n'est pas facile à régler, mais mes commentaires à ce sujet s'appuient davantage sur ce que m'a dit le recteur de l'université, à savoir que les défis sont de taille dans ce domaine.

    Je sais que, dans certains cas, ils essaient de faire venir des gens au Canada pour qu'ils travaillent, non pas comme médecins, mais dans le secteur de la santé publique en général, de façon à reconnaître au moins une partie de leur formation et de leur expérience, et de s'en servir dans les secteurs où les besoins sont les plus impérieux. Ainsi les intéressés peuvent travailler comme médecins, dans le domaine de la santé publique, ou dans d'autres secteurs éventuellement.

    D'ailleurs, je peux vous parler d'une initiative parallèle qui concerne les soins infirmiers. C'est tout nouveau pour nous de travailler avec les infirmières et d'assurer de la formation dans ce domaine, comme vous le voyez. Ce programme existe depuis janvier 2005 seulement, et vous comprenez donc qu'il s'agit d'un programme tout à fait nouveau. Très souvent nous n'arrivons pas à faire travailler comme infirmière quelqu'un qui a une formation dans ce domaine, et ce pour toutes sortes de raisons, mais il est possible que cette infirmière puisse travailler comme infirmière auxiliaire. Il est possible qu'elle puisse travailler comme aide soignante. Dans certains cas, l'intéressé peut travailler comme infirmier ou infirmière, après avoir suivi une partie de la formation, mais au moins nous ne gaspillons pas toute l'expertise acquise par l'intéressé dans son pays d'origine, alors que ce secteur--celui des soins de santé--revêt une importance critique pour le Canada.

    Je suis très réticente à répondre à cette question, étant donné que la médecine n'est pas un secteur qui relève de la responsabilité des collèges.

Á  +-(1150)  

+-

    M. Lui Temelkovski: Je voulais surtout savoir si ces personnes décident d'opter pour la profession infirmière, au lieu de continuer d'être médecins.

+-

    Mme Andrée Lortie: Ah, bon. Vous savez, c'est une question intéressante. Il faudrait que je me renseigne pour pouvoir vous répondre. Il faudrait que je parle avec ceux qui participent au programme, et étant donné qu'il est si nouveau--ayant été créé en janvier 2005--je ne suis pas convaincue que nous ayons encore suffisamment de données pour vous répondre.

+-

    M. Lui Temelkovski: Il y a un certain nombre de médecins qui se sont dit intéressés à devenir infirmiers, au lieu de pratiquer la médecine.

+-

    Mme Andrée Lortie: Je peux vous dire qu'en ce qui nous concerne, ce serait très bien reçu. Il est clair qu'on ne créerait pas d'obstacles qui puissent les empêcher de le faire.

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Faille.

[Français]

+-

    Mme Meili Faille: Comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est M. Clavet qui posera des questions.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup. La Cité collégiale est comme une petite ville dans une plus grande ville; c'est une minicité. On ne le réalise peut-être pas toujours, mais quand on voit les chiffres de cette institution, on constate à quel point elle est grosse, majeure. Je crois qu'il y a certainement une dizaine de pavillons. Il y a 70 programmes, plus de 3 000 étudiants à temps complet et entre 7 000 et 8 000 étudiants à temps partiel. En soi, c'est un défi de gestion, de logistique et de croissance.

    Ma question porte sur les partenariats indispensables que vous devez nécessairement établir avec la communauté où se situe la Cité collégiale. A-t-on tenté de faire des partenariats avec des centres de formation ou avec des gens qui faciliteraient, par exemple, la préparation d'entrevues quand quelqu'un arrive à la Cité collégiale? Y a-t-il des partenariats avec des organismes qui travaillent auprès des communautés multiculturelles?

+-

    Mme Andrée Lortie: Oui, il y a des partenariats. Vous en trouverez des exemples dans notre mémoire.

    Par contre, à titre de présidente du collège, je pense qu'on n'en a pas fait assez et qu'on a beaucoup plus de travail à faire en matière de développement de partenariats. On a établi certains partenariats avec nos diverses communautés quand on a commencé à s'apercevoir qu'on affichait nos programmes à leur intention et quand on a voulu embaucher du personnel provenant des communautés culturelles et que les gens nous disaient qu'il n'y avait pas de demande. À un certain moment, on s'est dit que s'il n'y avait pas de demande, il y avait cependant des gens formés, qu'il n'était pas possible qu'il n'y en ait pas dans la région de l'est d'Ottawa. On n'a peut-être pas trouvé la bonne façon pour les joindre. Peut-être nos entrevues érigent-elles des barrières sans que nous le voulions.

    On a commencé, avec nos ressources humaines, toute une stratégie de rencontres avec les diverses communautés culturelles pour parler des possibilités d'emploi, pour essayer de créer un environnement où les gens seraient mieux préparés, comprendraient le processus, et pour adapter et changer notre processus, qui était parfois vraiment discriminatoire sans qu'on le veuille. Des pratiques étaient en place depuis dix ans. On pensait que cela fonctionnait. Certaines choses ont été mises en place.

+-

    M. Roger Clavet: Donc, vous êtes sur la bonne voie, mais il y a encore du travail à faire.

+-

    M. Denis Hubert: Dernièrement, nous avons répertorié plus d'une trentaine d'organismes à Ottawa qui s'occupent de près ou de loin de la situation immigrante et de l'intégration à l'emploi. L'automne dernier, on a fait un focus group avec des étudiants qui sont chez nous. À cette occasion, on leur a demandé quelle avait été la plus grande difficulté rencontrée quand ils sont venus à Ottawa pour recevoir de la formation. Ils nous ont dit que c'était un peu une ombre: ils ne savaient pas où aller, à quelle porte frapper. Au YMCA? À RHDCC?

    C'est une des raisons pour lesquelles on préconise la présence d'un point d'accès central où le nouveau Canadien peut venir chercher toutes sortes de réponses et être directement aiguillé vers le milieu propice.

+-

    M. Roger Clavet: En terminant, à la page 6, il y a une ventilation par secteur de tous les répondants qui sont nés à l'extérieur du Canada. On voit que, dans certains cas, 80 p. 100 d'entre eux optent pour les arts et les sciences. Par contre, 16 p. 100 se dirigent en hôtellerie, en tourisme. La liste est longue: médias et communications, sciences de la santé, etc.

    Dans lesquels de ces secteurs les besoins de la communauté francophones sont-ils le plus urgent? Quels sont les secteurs où on aurait besoin de beaucoup plus de travailleurs, mais où, d'après cette ventilation, il n'y en aura pas?

Á  +-(1155)  

+-

    Mme Andrée Lortie: Un secteur frappant est celui des métiers. Dans la région, les employeurs nous le disent systématiquement. On a besoin de personnel dans les métiers, tant dans le domaine de l'électricité que d'autres. Le besoin est criant. On s'aperçoit qu'on a un énorme travail à faire pour attirer notre communauté dans le secteur des métiers. Ma réponse est spontanée.

    Le deuxième secteur où, on le sait, il y a un besoin, c'est celui des médias. Il y a deux institutions au Canada qui forment des gens en médias: le Cégep de Jonquière et la Cité collégiale. Si vous me demandiez quelle est la proportion d'immigrants et de représentants de communautés ethnoculturelles qui étudient dans les médias à la Cité collégiale, je vous dirais que c'est très petit. Pourtant, c'est une communauté qui souvent écrit très bien. Ce sont des gens qui pourraient faire des choses extrêmement intéressantes. Ils ne sont pas portés à aller dans le secteur des médias, probablement parce que nos immigrants viennent d'Afrique. Avec tout ce qu'on connaît quant aux réalités des médias et politiques, ce n'est pas facile d'aller là. Mais il y a de l'emploi dans ce domaine. Il s'agit de convaincre nos communautés de se diriger vers ces secteurs.

+-

    M. Roger Clavet: Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame, et monsieur Hubert, pour vos témoignages.

    Nous allons faire une brève pause, et nous reprendrons ensuite nos travaux à huis clos. À 13 heures, nous rouvrirons une séance publique pour entendre d'autres témoins.

    Merci.

Á  +-(1155)  


·  +-(1310)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je voudrais vous remercier. Nous discuterons maintenant de la question de la réunification familiale. Trois groupes sont appelés à témoigner devant nous. Nous accueillons le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue, représenté par Monique Fay; le Regroupement des cliniques juridiques communautaires d'Ottawa, représenté par Mme Laurie Joe, ainsi que le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, représenté par Sungee John.

    Bienvenue.

    Nous vous remercions, Madame Fay, d'avoir fait un si long voyage. Je crois que vous êtes partie ce matin.

+-

    Mme Monique Fay (coordonnatrice, Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue): Oui.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous remercie d'être ici. Sans plus attendre, j'aimerais préciser que nous allons d'abord vous demander de vous en tenir à une présentation de cinq minutes. Vous aurez ensuite la chance de la compléter en répondant aux questions que les collègues vous poseront. C'est la façon dont nous procédons.

    Nous débutons avec Mme Monique Fay, qui représente le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue. Merci.

+-

    Mme Monique Fay: Bonjour à tous. Il me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui. Comme Mme Faille l'a dit, je représente le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue. Je veux m'excuser auprès des membres du comité de ne pas avoir réussi à faire traduire le document à temps.

    Le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue est un organisme qui a été mis sur pied par des ministères dans le but de dispenser chez nous des services d'accueil et d'intégration aux nouveaux arrivants. L'Abitibi-Témiscamingue, une très grande région située au 47e parallèle. Sa superficie de 65 000 km2 est sillonnée par 2 814 km de routes. Elle comprend cinq MRC, 66 municipalités et une population d'un peu plus de 145 000 personnes.

    La région de l'Abitibi-Témiscamingue applique des mesures concrètes pour favoriser l'insertion en emploi et la rétention des immigrants. Elle met également en valeur divers éléments pour démontrer qu'elle est active et prête à faire des efforts pour accueillir plus d'immigrants, faciliter leur insertion en emploi et enfin, tenter de les retenir par la suite. On a mis sur pied une table de concertation en immigration, de même que le Carrefour de l'immigration de l'Abitibi-Témiscamingue. Ces organismes assurent la concertation des intervenants en matière d'immigration en Abitibi-Témiscamingue. Ils positionnent la région en tant que destination d'accueil et d'établissement pour les personnes immigrantes, fait de l'immigration un des facteurs de développement socioéconomique et démographique de la région et favorise l'établissement durable des personnes immigrantes en Abitibi-Témiscamingue.

    Aujourd'hui, nous prenons position et soulignons l'importance de la réunification familiale. Nous avons choisi de nous faire entendre sur ce sujet parce que selon nous, cette question est d'une importance capitale pour la régionalisation de l'immigration. Le Carrefour de l’immigration de l’Abitibi-Témiscamingue est d'avis que la réunification des membres d'une famille est cruciale afin que les nouveaux arrivants se sentent rapidement chez eux au Canada. Cette orientation favorise une immigration stable, l’augmentation de la composante familiale et, par le fait même, une progression de la classe économique. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés doit prioriser une croissance progressive du taux d’immigration vers les régions. Nous sommes également d’avis qu’il faut restreindre les délais d’attente dans les cas de réunification familiale impliquant les conjoints et les enfants.

    La séparation des membres d’une même famille a un impact non négligeable sur la dynamique familiale, à la fois pendant la séparation et après les retrouvailles. On pourrait même dire que l'intégration commence réellement au moment où la famille est réunie. Nous croyons en l’importance de la réunification familiale pour une meilleure intégration, pour une immigration stable, pour les nouveaux arrivants s’établissant en région et enfin, pour assurer le bien-être socioéconomique de ces personnes.

    Les immigrants au Canada se heurtent à différentes barrières qui entravent la réunification familiale. Ces personnes sont confrontées à d’inacceptables obstacles qui compromettent ou retardent la réunification avec des membres de leur famille qui vivent à l'extérieur du Canada. Toutefois, cette situation découle d’un problème bien particulier: les longs délais de traitement des demandes.

    Je vais maintenant vous faire part de la situation qui prévaut en région. Elle y est encore plus dramatique. Les difficultés auxquelles sont confrontés les nouveaux arrivants affectent un des trois principaux facteurs de réussite de l’intégration des immigrants, c'est-à-dire les services offerts dans le milieu. Nous sommes d’avis que l’offre de services de CIC dans le contexte actuel ne répond pas adéquatement aux besoins des nouveaux arrivants dans les régions du Québec. Par exemple, en Abitibi-Témiscamingue, nous sommes desservis par les bureaux de Citoyenneté et Immigration Canada en Outaouais, qui sont situés à plus de 500 kilomètres de chez nous. Dans d'autres cas, les services sont situés dans la région de Montréal, qui est à plus de 700 kilomètres de l'Abitibi-Témiscamingue, parfois plus, selon le point de départ.

    Malgré la bonne volonté du personnel de CIC, il est difficile de desservir un aussi vaste territoire. De plus, l’information et la documentation en matière d’immigration sont difficiles d’accès, les services Internet n’étant pas à la portée de tous.

·  +-(1315)  

    Enfin, le succès de l'établissement permanent de nouveaux arrivants en région est réalisable dans la mesure où l'on arrime les services aux besoins des immigrants. La disponibilité de services réguliers sur le territoire de  l'Abitibi-Témiscamingue est une condition favorisant la rétention. La régionalisation, à notre avis, s'appuie sur des structures locales et régionales solides et sur une décentralisation des pouvoirs. À cet égard, la volonté de CIC de procéder à la régionalisation nous semble mitigée.

    Nous aimerions faire des recommandations. Elles sont formulées dans un esprit de collaboration avec les diverses instances concernées par l'immigration.

    L'Abitibi-Témiscamingue souhaite obtenir les services d'un médecin désigné en région.

    L'Abitibi-Témiscamingue souhaite vivement obtenir, à court terme, un service mensuel itinérant et régulier de la direction régionale de Citoyenneté et Immigration Canada.

    L'Abitibi-Témiscamingue souhaite que Citoyenneté et Immigration Canada signe un contrat de partenariat soit avec un service fédéral présent en région et sur chaque territoire de MRC, soit avec un organisme officiel du type MRC, université ou autre.

    L'Abitibi-Témiscamingue souhaite que les services et les agents de Citoyenneté et Immigration Canada aient une parfaite connaissance ainsi qu'une meilleure perception de la région d'Abitibi-Témiscamingue, afin que nous puissions bénéficier d'une meilleure visibilité et d'une meilleure crédibilité auprès des agents de Citoyenneté et Immigration Canada, surtout dans les postes frontaliers.

    Pour conclure, la région ne se considère pas bien desservie par les services actuels d'immigration. Nous souhaitons que cette situation soit modifiée dans le sens des attentes de l'Abitibi-Témiscamingue. Le contexte actuel nous indique que la région est prête à miser davantage sur l'immigration et la rétention des immigrants pour assurer son développement social, culturel et économique. L'Abitibi-Témiscamingue doit, de concert avec les gouvernements, se donner les moyens d'attirer plus d'immigrants et de s'occuper autant de leur insertion que de leur rétention.

    Mesdames et messieurs, je vous remercie.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous remercie beaucoup de ce témoignage. Nous allons poursuivre avec Mme Laurie Joe.

+-

    Mme Laurie Joe (avocate, Regroupement de: Clinique juridique francophone de l'Est d'Ottawa / Clinique juridique communautaire (Centre-ville) / Services juridiques de l'Ouest d'Ottawa / Services juridiques communautaires du Sur d'Ottawa, Regroupement des cliniques juridiques communautaires d'Ottawa):

    Merci. Mon nom est Laurie Joe. Je suis avocate dans la région d'Ottawa. Nous avons soumis un document qui comprend cinq recommandations. Je vais mettre le document de côté, mais je vais vous en parler et discuter de deux des cinq recommandations. Ensuite, nous parlerons du résumé de ces cinq recommandations. Mon premier point sera présenté en français; le deuxième, en anglais, si vous le permettez.

    Le premier point porte sur la réunification des enfants des réfugiés avec leur parents. On entend par réfugiés des gens qui sont au Canada et qui ont été reconnus comme réfugiés en vertu de la loi canadienne.

    Ces gens, comme vous le savez, doivent faire une demande pour devenir immigrants reçus au Canada. Les délais sont parfois de deux, trois ou quatre ans. Actuellement, les enfants à charge de ces gens, qui sont hors du pays, n'ont pas le droit d'entrer au pays. Nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada et le comité appuient le droit des enfants à charge de ces réfugiés de venir au Canada pendant la période d'établissement. Nous recommandons aussi que les examens médicaux et tout autre examen soit fait au Canada, et non à l'étranger.

    Si cette recommandation est appuyée et mise en vigueur, nous aurons alors deux solutions au problème de la séparation des enfants. Premièrement, comme Mme Fay l'a souligné, l'intégration sera plus rapide, plus facile et probablement plus durable pour les gens qui sont ici, au Canada.

    Nous recommandons aussi que les enfants qui sont souvent dans des camps de réfugiés dans de lointains pays et qui ne bénéficient pas de la surveillance de leurs parents puissent s'intégrer plus facilement à la communauté canadienne et qu'ils puissent commencer l'école et apprendre l'anglais et le français, si ce n'est pas leur langue maternelle. Ainsi, ces enfants seront protégés et ne seront plus à risque.

    Comme vous le savez tous, les enfants qui sont séparés de leurs parents, qui sont hors du Canada et qui ne bénéficient pas de la surveillance d'un organisme ou d'un membre de la famille proche de leurs parents sont souvent — je dirais presque toujours — à risque. Notre première recommandation est donc de faciliter l'entrée au Canada des enfants des réfugiés, même si les enfants ne sont pas encore des immigrants reçus, parce que les parents ont été reconnus comme réfugiés, ont déjà passé les étapes de l'identification et de la détermination des raisons pour lesquelles ils ont été reconnus comme réfugiés.

·  +-(1320)  

[Traduction]

    La deuxième de nos cinq recommandations dont je voudrais vous parler concerne le fait que ni les immigrants reçus, ni les citoyens canadiens n'ont le droit de faire une demande de parrainage s'ils dépendent de l'assistance sociale pour vivre. Le règlement d'application indique que cette condition relative à l'assistance sociale s'applique à l'ensemble de la période, c'est-à-dire dès le dépôt de la demande jusqu'au moment où la décision est prise.

    Or les délais de traitement sont plus longs ce qui donne lieu à des retards en ce qui concerne la réunification des familles. S'il arrive un moment où la famille qui parraine doit demander l'assistance sociale, et bien le règlement s'applique et elle ne peut plus parrainer d'autres membres de la famille.

    En vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration--c'est-à-dire jusqu'en 2002--dans une telle situation, un immigrant reçu ou un citoyen canadien avait le droit d'interjeter appel devant la Section d'appel de l'immigration en invoquant des considérations humanitaires. Mais le droit d'appel est beaucoup plus circonscrit aux termes de la nouvelle loi, c'est-à-dire ce qu'on appelle la LIPR, c'est-à-dire la loi qui remplaçait celle qui était en vigueur jusqu'en 2002.

    Pour nous, ce règlement fait fi de tous les principes d'ordre humanitaire en matière d'immigration et de protection des réfugiés qui sous-tendent la loi canadienne. De plus, il est contraire aux intérêts des enfants.

    Tous les membres assis autour de cette table aujourd'hui, quelle que soit leur allégeance politique ou leur opinion au sujet du vote qui aura lieu sur le budget, s'accordent à reconnaître que la réunification des familles est positive puisqu'elle favorise l'intégration des citoyens canadiens et des immigrants reçus. Je suis d'avis que la création de cet obstacle au parrainage est tout à fait contraire à tous les principes que défendent les partis politiques au Canada. Tous les partis réclament une loi fondée sur l'intégrité et la justice envers tous.

    Nous recommandons par conséquent que cet article du règlement soit révoqué et que l'on donne la priorité aux principes d'ordre humanitaire. Avant 2002, de tels principes étaient pris en compte à la fois par la Section d'appel de l'immigration et Citoyenneté et Immigration Canada.

    Avant de répondre à vos questions, je voudrais vous rappeler rapidement nos cinq points.

    Premièrement, les manuels de procédures prévoient qu'on puisse prioriser les demandes qui concernent la catégorie de la famille ou la réunification familiale. Nous encourageons le comité à se prononcer vivement en faveur de cette priorisation. La réunification des familles est d'une importance critique dans le contexte du programme d'immigration actuel.

    Deuxièmement, nous vous exhortons à envisager de permettre aux enfants de réfugiés de venir rejoindre leurs parents, même si leurs parents n'ont pas encore obtenu leur statut d'immigrant reçu. Comme ces derniers ont officiellement été reconnus comme des réfugiés au Canada, ils devraient jouir de certains droits et de certaines protections.

    Troisièmement, nous vous encourageons à renforcer le principe selon lequel les analyses de l'ADN doivent être effectuées en dernier recours seulement.

    Quatrièmement, nous vous demandons d'éliminer l'interdiction visant le parrainage dans certaines conditions.

    Cinquièmement, nous vous demandons de réexaminer le paragraphe 117(9) de la partie 7 du Règlement d'application. Il s'agit de l'interdiction de parrainer des membres de sa famille qui n'ont pas été déclarés au moment où le parrain a été reçu comme immigrant ou réfugié au Canada. La loi comporte également un nouvel article prévoyant cette même condition. Cela ne fait qu'aggraver les problèmes en matière de parrainage.

    Merci infiniment de m'avoir écoutée.

·  +-(1325)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup, madame Joe.

    Nous poursuivons avec madame John.

[Traduction]

+-

    Mme Sungee John (présidente par intérim, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Merci.

    Je m'appelle Sungee John. Je suis la présidente par intérim du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, ou le CCASF. Le CCASF est le plus important organisme féministe au Canada. Depuis plus de 30 ans, ce dernier défend le droit à l'égalité des femmes, présente les doléances des femmes en ce qui concerne la garde d'enfants et la lutte contre la violence, et défend le droit des femmes à la parité salariale pour fonctions équivalentes.

    Bon nombre des personnes qui ont témoigné devant le comité ont fait des exposés très détaillés, très convaincants et très passionnés, et je n'ai donc pas l'intention de revenir sur les excellents arguments qu'ils vous ont déjà fait valoir. Pendant le temps qui m'est imparti pour mes remarques liminaires, je voudrais surtout parler de l'impact de la politique relative à la réunification familiale sur les femmes, et notamment les femmes immigrantes, parce que ce sont elles qui font les demandes le plus souvent.

    Pour beaucoup de femmes, surtout les immigrantes et les néo-Canadiennes, la réunification familiale n'est pas un objectif réalisable. D'ailleurs, nous tenons à vous signaler que nous appuyons la position d'autres témoins qui ont comparu devant le comité, tels que l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, le Conseil national des Canadiens chinois, et le Conseil canadien pour les réfugiés.

    S'agissant de la situation économique en tant qu'obstacle, il se trouve que beaucoup de femmes viennent au Canada, normalement après avoir été parrainées, en tant que membres de la catégorie de la famille. Aux termes du règlement actuel, les femmes dans beaucoup de pays ne peuvent pas émigrer au Canada en raison de l'actuel système des points qui récompense les personnes qui possèdent certaines compétences linguistiques et ont fait des études--c'est-à-dire qui sont titulaires d'un diplôme postsecondaire ou ont fait des études supérieures. Souvent les femmes n'ont pas le même accès aux études supérieures, ou au système d'éducation en général, par rapport aux hommes, dans leurs pays respectifs. Cela veut donc dire que le plus souvent, elles dépendent du revenu de leur conjoint lorsqu'elles sont parrainées et qu'elles doivent espérer que leur mari sera disposé à parrainer les membres de leur famille.

    Pour les femmes immigrantes qui souhaitent parrainer des membres de leur famille en leur propre nom, le seuil de faible revenu est à ce point élevé qu'il leur est presque impossible de respecter les conditions, étant donné que bon nombre d'entre elles ont des emplois faiblement rémunérés ou à temps partiel. Les statistiques démontrent que les femmes canadiennes ne gagnent que 70¢ pour chaque dollar que touche un homme canadien. Chez les femmes immigrantes, les salaires sont encore moins élevés. Si elles élèvent des enfants, les possibilités de recyclage et de perfectionnement professionnel sont soit sacrifiées, soit perdues faute de pouvoir accéder aux informations pertinentes.

    Dans les cas où il y a eu rupture de la famille, les femmes se heurtent à d'autres obstacles encore en essayant d'obtenir la garde de leurs enfants ou peut-être l'assistance sociale. Dès lors qu'elles demandent l'assistance sociale, il leur est interdit de faire une demande de parrainage en vertu de la catégorie de la famille, ce qui les prive d'une source essentielle de soutien émotionnel. On peut donc se demander combien de demandes de parrainage sont faites par des femmes.

    Vu cette réalité, nous recommandons l'élimination du seuil de faible revenu, de même que les obstacles au parrainage visant les demandeurs qui sont bénéficiaires de l'assistance sociale. Nous recommandons également qu'une vérification soit effectuée en vue de déterminer quel pourcentage des demandes de parrainage d'un parent sont faites par des femmes, afin que nous sachions avec précision dans quelle mesure ce mécanisme de parrainage est vraiment accessible aux femmes.

    Il y a une autre question que je voudrais aborder avec vous aujourd'hui qui n'a pas été soulevée dans les témoignages que j'ai eu l'occasion d'examiner jusqu'à présent, et c'est celle de la réunification familiale pour les réfugiés dont la demande d'asile est en voie de traitement. Bien que cela ne représente pas un très grand pourcentage des immigrants, le fait est qu'on ne parle pas assez des difficultés que connaissent les réfugiés dont le statut officiel n'a pas été confirmé pour faire traiter leurs demandes de réunification familiale. C'est pour cette même raison que leur situation doit être examinée avec plus d'ouverture et de transparence.

    Je suis accompagnée aujourd'hui de Mme Nawal Haj Khalil, qui, avec ses deux enfants, s'est vu refuser le statut de résidente permanente depuis qu'on lui a accordé le statut de réfugié au sens de la convention il y a 11 ans. Depuis 11 ans--et certainement pas par choix--Mme Haj Khalil ne peut pas être réunie avec son mari, ni ses enfants avec leur père, parce qu'elle n'a pas le droit de le parrainer. Quelles considérations pourraient justifier qu'on lui refuse depuis si longtemps le statut de résidente permanente, si ce n'est le désir de lui infliger une peine cruelle et inhabituelle?

·  +-(1330)  

    Pour les réfugiés dont le statut n'est pas clair, le fait qu'ils aient été admis comme réfugiés devrait suffire pour leur accorder le statut de résidents permanents... à moins que le gouvernement ne souhaite perpétuer leur statut d'apatride.

    Souvent, le plus gros obstacle auquel se heurtent les immigrants est l'agent d'immigration lui-même, dont les décisions sont difficiles à remettre en question et sont souvent subjectives. À cet égard, nous recommandons de régler le problème des réfugiés sans statut officiel en leur accordant le statut de résident permanent.

    En conclusion, pour de nombreuses femmes immigrantes, la vie au Canada est une lutte constante. Elles se sentent isolées dans un pays ayant une culture différente et marginalisées en tant que membres d'une communauté qui n'est pas nécessairement bien acceptée par tous les Canadiens. Elles subissent les contrecoups des difficultés que connaissent leurs conjoints qui cherchent à obtenir un emploi intéressant ou sont frustrés en constatant qu'il est difficile de relever ce défi. Entre-temps, leur opinion d'elle-même, leur santé et leur bien-être en souffrent. Si elles avaient l'appui de membres de leur proche famille près d'elles, les femmes immigrantes pourraient plus facilement s'adapter et s'épanouir dans leur nouveau pays.

    La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a néanmoins apporté quelques changements positifs au système actuel; mais d'autres mesures s'imposent pour garantir tant l'équité que la cohérence de ce système.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Merci beaucoup.

    Nous passons maintenant à un premier tour de questions. Nous essaierons de faire de courtes interventions, compte tenu du fait que nous devons être à la Chambre à 14 heures. Faisons donc de courtes questions et de courtes réponses, s'il vous plaît.

    Monsieur Mark.

[Traduction]

+-

    M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci, madame la présidente.

    Je voudrais remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui.

    Il ne fait aucun doute que nous sommes d'accord pour reconnaître que nos familles sont importantes et qu'elles devraient être avec nous. Mais il y a un problème encore plus fondamental que nous devons examiner, à mon avis, ce qui ne veut pas dire que tous les autres points que vous avez fait valoir au sujet des défauts du système actuel ne sont pas très importants, eux aussi.

    Pour moi, le véritable problème que pose le système actuel tient au fait que nous avons un système de contingentement, ce qui fait que plus il y a de nouveaux arrivants, plus le nombre de demandes de parrainage de parents augmente. Voilà pourquoi nous en avons déjà 120 000 qui font la queue--il s'agit de gens qui attendent que leurs parents puissent venir au Canada.

    Comment donc contourner cette difficulté? Faut-il en accepter davantage? À vrai dire, je n'en sais rien. Nous savons que la demande est forte. Cela ne fera qu'augmenter les pressions qui s'exercent sur le système, et comment donc s'en sortir sans augmenter le nombre de personnes qu'on accepte? Comme vous le savez, les travailleurs qualifiés par opposition aux demandeurs de la catégorie des réfugiés et de la famille sont admis selon un rapport de 60 à 40.

·  +-(1335)  

+-

    Mme Sungee John: L'une des mesures que l'on pourrait prendre immédiatement consisterait à accroître le contingent. Le niveau actuel de 225 000 est beaucoup trop faible pour un pays aussi vaste que le Canada, surtout si nous avons dit que nous admettrons des immigrants dans une proportion de un pour cent. Il est évident que 225 000 ne correspond pas à un pour cent d'une population de 31 millions.

    Le rapport de 60 à 40 doit également être réexaminé, bien entendu, puisqu'il n'est pas appliqué de manière à tenir vraiment compte de la contribution qu'apportent les immigrants au Canada. Ces derniers peuvent arriver en tant qu'immigrants parrainés, mais ils vont finir par apporter une contribution tout aussi importante à l'économie canadienne. Dans certains cas, leur contribution est plus importante, puisqu'ils travaillent dans des secteurs où beaucoup de Canadiens n'acceptent pas de travailler. Ils font leur contribution. Ils paient des impôts set participent à la vie de leur collectivité. Dans un sens, cela compense très largement le fait qu'ils ont été admis au départ pour des raisons d'ordre humanitaire après avoir été parrainés par un parent.

+-

    Mme Laurie Joe: Merci.

    Mme John a mentionné deux choses en particulier. Je voudrais justement revenir sur son deuxième point, c'est-à-dire le rapport de 60 à 40. Je suis plus âgée que je n'en ai l'air—il est difficile de croire qu'une femme serait prête à dire une telle chose—et je peux vous affirmer que ce chiffre de 250 000 s'applique depuis très longtemps et n'a vraiment pas tendance à augmenter, d'après ce que j'ai pu voir. Partons du principe que le comité ou le Parlement décide de ne pas recommander d'augmenter les contingents dans chaque catégorie. Par contre, si l'on réexaminait le rapport 60 à 40 pour éventuellement le rajuster un peu, il y aurait un certain nombre d'avantages non seulement dans l'immédiat, mais à long terme. Vous avez déjà mis le doigt sur bon nombre d'entre eux.

    L'avantage qu'il peut y avoir dans l'immédiat pour un citoyen canadien, un immigrant reçu, une personne qui présente une demande sans être au Canada, ou quelqu'un qui n'a pas de statut juridique officiel, c'est qu'au moins ces personnes auront des attentes plus réalistes par rapport à leur situation. De façon générale, c'est justement ça le problème des ratios; disons que le Parlement, la loi, les rapports déposés par Citoyenneté et Immigration, et ce que leur disent les différentes communautés qui aident les immigrants et transmettent de l'information aux immigrants potentiels ont tendance à créer dans leur esprit des attentes—je ne veux pas employer le mot «irréaliste», mais des attentes bien claires. Il existe tout un réseau, qu'il soit clandestin ou non. Ça, c'est donc la première grande priorité : une explication plus honnête et transparente—je crois que c'est ça le terme que vous avez utilisé—des ratios. Encore une fois, nous partons du principe qu'il n'y aura pas d'augmentation des contingents.

    À mon avis—et j'en ai parlé dans mon exposé—la priorisation des dossiers par le ministère serait déjà une mesure très positive qui nous aiderait à régler le problème. Vous avez dit au départ que beaucoup de pressions s'exercent sur le système. Mais ces pressions sont peut-être le résultat, non pas du nombre de demandes, mais des retards, à cause de l'incertitude, et des coûts économiques, sociaux et culturels pour les familles ou les personnes qui sont déjà sur place et ont le droit légal de parrainer un parent. À cause des retards accusés pour la réunification des familles, il y a des coûts économiques et sociaux non seulement pour l'intéressé, à cause du traumatisme que ça lui cause—parce que c'est tout à fait traumatisant d'être séparé de sa famille, ou en tout cas, difficile, comme vous dites, et ce non seulement pour eux mais pour les Canadiens en général. Encore une fois, j'ai cité l'exemple d'une personne qui bénéficie de l'assistance sociale ne serait-ce que provisoirement.

+-

    M. Inky Mark: Le problème, c'est que ceux qui ont déjà l'impression qu'il y a «trop d'immigrants au Canada» diront que tout cela va coûter cher à notre système de soins, etc., etc. Ceux qui défendent la cause des immigrants doivent clairement faire comprendre à la population qu'ils apportent au contraire une contribution importante au Canada.

+-

    Mme Laurie Joe: Oui. Là vous parlez davantage de programmes d'éducation publique que je vous laisse le soin d'établir, mais en ce qui concerne les avocats du milieu avec lesquels je travaille, il est possible de prendre de petites mesures, comme celles dont on a parlé dans notre mémoire, qui ne vont pas nécessairement faire augmenter le nombre de personnes admises au Canada mais peuvent néanmoins atténuer les pressions qui s'exercent sur le système.

    Je voudrais revenir sur le problème de l'assistance sociale reçue provisoirement par les demandeurs.

·  +-(1340)  

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Il va falloir y revenir tout à l'heure. Je suis désolée, Inky.

    Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup.

    Vous avez parlé un peu de la possibilité de rajuster le rapport de 60 à 40. J'aimerais vous entendre parler davantage de la manière dont on pourrait le rajuster. Je suis très favorable à l'idée que les femmes immigrantes puissent bénéficier d'une plus grande stabilité et qu'elles puissent, une fois qu'elles sont sur place, recevoir de la formation et faire tout ce qu'il faut faire pour s'intégrer et faire partie intégrante de la vie économique, sociale, politique et culturelle du Canada. Pour moi, c'est critique.

    Mais il y a une autre question à laquelle il faut réfléchir, et j'aimerais savoir ce que vous proposez comme solution dans ce domaine. Le Canada a actuellement un taux de natalité très faible et une population vieillissante, si bien que nous avons besoin de travailleurs; nous avons besoin de gens qui vont travailler et apporter une contribution à l'économie. Il faut trouver un bon équilibre au sein d'une économie dynamique qui doit pouvoir soutenir et intégrer des réfugiés et d'autres qui ne sont peut-être pas en mesure pour le moment d'obtenir du travail ou de s'intégrer complètement.

    Comment établir cet équilibre? En quoi consiste-t-il? Comment s'assurer que l'économie est bien soutenue et continuera à favoriser l'établissement et l'intégration des immigrants et des réfugiés? C'est ça la grande question.

    J'avoue que, pour moi, l'idée de faire venir les conjoints à titre de résidents temporaires pour qu'ils puissent rejoindre le plus tôt possible le parent qui est réfugié ou immigrant indépendant est très importante. Sinon, nous voilà ramenés à l'époque où l'on ne permettait pas aux gens de faire venir leur famille, ce qui a créé d'énormes problèmes dans notre société il y a bien longtemps.

    Vos recommandations me semblent très positives, mais il faut aussi être réaliste, car si on veut que ces choses-là se concrétisent, il faudra trouver le moyen d'assurer le soutien que cela suppose. Autrement dit, comment s'assurer d'avoir les ressources économiques qui seront nécessaires dans dix ans, pour favoriser la création d'une main-d'oeuvre dynamique, une société en pleine expansion et une économie forte et concurrentielle qui pourra soutenir économiquement l'intégration?

    C'est ça la vraie question.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vous rappelle que vos interventions doivent être rapides et assez brèves. Merci.

    Madame John.

[Traduction]

+-

    Mme Sungee John: Personnellement, j'ai une opinion différente en ce qui concerne le ratio de 60 à 40 et le contingent. Pour ma part, je suis convaincue qu'on devrait augmenter le contingent et que notre économie peut soutenir une telle augmentation. Comme nous l'avons déjà expliqué, ce rapport de 60 à 40 est tout à fait arbitraire. Il ne reflète aucunement la contribution potentielle qu'apportent les membres des deux catégories—le 60 ou le 40—à notre économie. Faire notre choix en fonction de ces deux pourcentages me semble donc problématique, parce que personnellement, je dirais qu'il faut augmenter le contingent pour les deux. Je suis fermement convaincue que notre économie est suffisamment forte pour pouvoir soutenir cette augmentation, car les immigrants ont prouvé au fil des ans et au cours de notre histoire qu'ils contribuent à améliorer la situation économique d'un pays.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Oui, madame John, mais on ne peut pas augmenter les deux sans dépasser les 100 p. 100. Il faudrait que vous nous disiez qu'il devrait plutôt s'agir d'un rapport de 55 à 45, ou autre chose. Voilà ce que je vous demande, puisque vous avez parlé du rapport. Avez-vous une suggestion à faire en ce qui concerne un rajustement qui serait possible? Voilà la question que je vous pose. Avez-vous fait des recherches en vue de déterminer quel rapport serait plus approprié? Voulez-vous dire qu'il faut garder le même rapport mais augmenter le nombre de personnes admises dans chaque catégorie? Je croyais vous avoir entendu dire qu'il faut changer le rapport.

+-

    Mme Sungee John: À mon avis, il faut augmenter le contingent, et pour ce qui est du rapport, je dirais qu'il n'est pas approprié d'appliquer à la lettre le rapport de 60 à 40.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Quel rapport vous semble préférable?

+-

    Mme Sungee John: Pour l'instant, je préfère ne pas parler du rapport.

    Pour moi, la catégorie de la famille doit être traitée comme une catégorie tout à fait distincte. À mon sens, si un réfugié ou un immigrant indépendant est admis au Canada, il semble logique qu'on lui donne plus de marge de manoeuvre pour parrainer son conjoint, ses enfants, et ses parents, parce que de façon générale, cela ne fera qu'améliorer son bien-être, de sorte qu'il lui soit plus facile d'apporter une contribution à la société canadienne.

·  +-(1345)  

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): D'autres personnes voudraient-elles intervenir rapidement?

[Traduction]

+-

    M. Lui Temelkovski: Pourrais-je poser une question?

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Allez-y.

[Traduction]

+-

    M. Lui Temelkovski: Merci.

    Vous avez dit qu'il faut éliminer le seuil de faible revenu. Pourriez-vous nous dire ce qui motive cette recommandation?

+-

    Mme Sungee John: Beaucoup de femmes immigrantes ont des emplois faiblement rémunérés, sans possibilité de recyclage, et sans avoir accès à des programmes de recyclage ou de perfectionnement professionnel. Il faut aussi reconnaître que leurs compétences ne sont pas reconnues, puisqu'on sait que les organismes de réglementation créent des obstacles qui empêchent les immigrantes de trouver de bons emplois et de refaire une carrière au Canada. Comme elles ne peuvent profiter de ces possibilités, bon nombre d'entre elles se voient dans l'obligation d'accepter un travail faiblement rémunéré. Souvent elles touchent le salaire minimum, ou un peu plus. Cela veut donc dire que ce sont des travailleuses économiquement faibles, dont le salaire est inférieur au seuil fixé dans le règlement d'application pour avoir le droit de parrainer un parent.

+-

    M. Lui Temelkovski: Et le seuil de faible revenu est-il supérieur au revenu minimum?

+-

    Mme Sungee John: Bon nombre des femmes qui espèrent parrainer un parent n'ont pas le niveau de revenu exigé.

+-

    M. Lui Temelkovski: À raison de 8 $ de l'heure, cela donnerait un salaire d'environ 15 000 ou 16 000 $.

+-

    Mme Sungee John: Toutes ces femmes ne gagnent pas 18 $ de l'heure. Comme vous le savez, dans certains secteurs, surtout si...

+-

    M. Lui Temelkovski: Non, j'ai parlé de 8 $ de l'heure.

+-

    Mme Sungee John: Oui, mais toutes ne gagnent pas 8 $. Dans certains secteurs, leurs employeurs ont le droit de les payer moins.

+-

    M. Lui Temelkovski: Moins que le salaire minimum?

+-

    Mme Sungee John: En Ontario, le salaire minimum est encore de 7,15 $, si je ne m'abuse.

+-

    Mme Laurie Joe: À mon avis, vous supposez toutes que ces femmes sont salariées et travaillent 40 ou 45 heures par semaine. C'est 45 heures par semaine en Ontario?

+-

    Mme Sungee John: Maintenant je crois que c'est 44.

+-

    Mme Laurie Joe: Pour moi, ce n'est pas la bonne supposition. Mme John disait que les femmes sont sous-employées, ou parce qu'elles n'ont pas de proches au Canada qui pourraient s'occuper des enfants ou aider la famille d'une autre manière, elles ne peuvent pas... Et bien sûr, il y a tous les obstacles dont vous avez entendu parler ce matin en ce qui concerne la reconnaissance des titres de compétences, etc.

+-

    M. Lui Temelkovski: Serait-il préférable de prévoir dans la loi qu'à condition qu'elles travaillent, qu'elles soient salariées, elles auraient le droit de parrainer un parent?

+-

    Mme Sungee John: Mais encore une fois, comment vous définissez le terme «salariées», surtout si elles ont des emplois faiblement rémunérés...?

    Beaucoup de femmes, si elles ont des enfants, ne peuvent travailler qu'à temps partiel. Elles ne peuvent pas travailler à plein temps, parce qu'elles doivent s'occuper de leurs enfants.

+-

    Mme Laurie Joe: Ou de membres de leur famille qui sont âgés.

+-

    Mme Sungee John: Oui, exactement.

+-

    Mme Laurie Joe: Les soins à donner aux personnes âgées va constituer un problème très important. C'est déjà le cas aujourd'hui, et ce sera encore pire dans 10 ans.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Monsieur Anderson, avez-vous une question à poser?

[Traduction]

+-

    L'hon. David Anderson: Merci, madame.

    Je voudrais vous remercier pour vos exposés. Je les ai trouvés très intéressants.

    Votre réponse aux questions qu'on vous a posées, si je peux me permettre un petit préambule avant de poser ma propre question, met en relief l'un des dilemmes auxquels le comité se trouve confronté. Nous essayons sans arrêt de déterminer quelles proportions sont les plus appropriées, de manière à limiter le pouvoir discrétionnaire des agents dans la mesure du possible, mais, comme Mme Joe nous l'a signalé, il y a aussi les considérations humanitaires, qui n'ont rien à voir avec les chiffres, les montants, le salaire horaire, combien d'heures les gens travaillent, combien de personnes se trouvent sur telle liste, ou le rapport de 60 à 40.

    Ma question s'adresse donc à Mme Joe. Par rapport au système dans son ensemble, vous avez insisté sur l'importance des considérations humanitaires, et je dois dire que je suis entièrement d'accord avec vous à ce sujet, mais dans votre exposé, vous avez un peu circonscrit la question en ne parlant que des cas de réfugiés dont il est question dans vos cinq recommandations. En faisant cette recommandation, est-ce que vous nous dites en quelque sorte que vous faites confiance aux agents d'immigration de bien exercé leur pouvoir discrétionnaire et de prendre de bonnes décisions qui tiennent compte de considérations humanitaires?

    Si vous avez des doutes à ce sujet, comme beaucoup de témoins, vous encouragez les responsables politiques, les administrateurs, et les comités comme celui-ci à se dire : «Ah, bon; dans ce cas, nous allons limiter leur pouvoir discrétionnaire en prévoyant des repères, des chiffres, et des échéanciers», ce qui ne fait que limiter, à mon avis, la possibilité de créer un système plus humanitaire.

    Peut-être pourriez-vous donc nous dire comment vous voyez cette question un peu philosophique, puisque vous avez parlé de considérations humanitaires, et dans quelle mesure on peut faire confiance aux responsables de prendre les bonnes décisions, vu les systèmes administratifs qui sont en place à l'heure actuelle.

·  +-(1350)  

+-

    Mme Laurie Joe: Merci de m'avoir donné l'occasion d'aborder mon point numéro quatre, concernant l'interdiction de parrainer un parent pour les assistés sociaux.

    À titre d'information, je précise que je ne parlais pas uniquement des réfugiés. Je parlais aussi des immigrants reçus et des citoyens canadiens. Notre deuxième point, qui concernait l'idée de faire venir au Canada les enfants de réfugiés dont le statut juridique n'est toujours pas sûr, portait exclusivement sur les réfugiés, mais au point quatre, qui touche l'interdiction de parrainer un parent, en fait, dans la plupart des cas que j'ai eu à traiter, les demandeurs sont déjà des immigrants reçus ou citoyens canadiens. Je vais donc vous répondre sur cette base-là.

    S'agissant de l'application des principes qui sous-tendent les considérations humanitaires, je précise que ces derniers étaient inscrits dans les anciennes lois sur l'immigration. Ils continuent d'être inscrits dans la LIPR, mais le droit d'appel est à présent plus limité et les conditions dans lesquelles on peut invoquer les considérations humanitaires devant la Section d'appel de l'immigration sont également plus restrictives. C'est de cela que je vous parlais aujourd'hui, et c'est effectivement une question très difficile.

    En tant que plaideuse ou en tant qu'avocate, ai-je confiance dans les capacités des agents d'immigration individuels de bien exercer leur pouvoir discrétionnaire? Si nous parlons d'un agent d'immigration hypothétique, je dirais que oui, mais ce dans le contexte d'une structure appropriée et transparente qui fournit l'aide et la formation nécessaires à l'agent en lui permettant de prendre connaissance de toute la gamme des décisions qui sont prises et des facteurs invoqués dans chaque cas.

    Je pourrais vous citer comme exemple de l'application inégale des considérations humanitaires l'affaire Baker. Dans un monde hypothétique et parfait, oui, je leur fais parfaitement confiance, mais nous ne vivons pas dans un monde parfait. Nous faisons face à certaines réalités, comme l'honorable Mme Fry nous l'a fait remarquer, et s'agissant des recommandations que vous ferez en tant que parlementaires sur les mesures qui permettront...

    Je pense que vous faisiez surtout allusion à des questions économiques, s'agissant du problème de l'assistance sociale, je vous fais remarquer que les intéressés travaillaient au moment de faire une demande de parrainage de leur parent.

    Je peux vous citer une situation hypothétique. Supposons que l'intéressé devienne un handicapé. En Ontario, il faut de huit mois à deux ans pour obtenir une pension d'invalidité. Une fois que vous avez commencé à toucher votre pension d'invalidité, d'après le règlement, vous pouvez parrainer un membre de la famille, mais que se passe-t-il au cours de cette période allant de huit mois à deux ans? Vous n'avez plus le droit d'être parrain. Donc, le système n'est pas parfait.

+-

    L'hon. David Anderson: S'il me reste du temps, madame la présidente...

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Vous disposez de 30 secondes.

[Traduction]

+-

    L'hon. David Anderson: Je voudrais faire une autre petite observation. J'avoue ne pas du tout comprendre le manque d'appui--en dehors des témoins qui représentent les groupes d'immigration--à l'égard de la réunification familiale. Nous sommes bombardés de lettres au sujet de l'importance de la famille et des valeurs familiales, mais on ne semble pas attacher beaucoup d'importance à ce problème tout à fait critique des enfants qui sont séparés de leurs parents à cause d'une décision prise sciemment par le gouvernement.

    Je voudrais savoir si vous avez remarqué dans votre pratique--et la question s'adresse à vous tous, si vous souhaitez intervenir--que cette préoccupation à l'égard des enfants des réfugiés est généralisée ou non. Je trouve vraiment curieux que l'on en parle si rarement, sauf dans le contexte du système d'immigration. On dirait qu'on fait face à un problème générique qui résulte de la quasi-indifférence de notre société, du moins dans certaines circonstances, pour les valeurs familiales.

[Français]

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Vous disposiez de 30 secondes.

[Traduction]

+-

    L'hon. David Anderson: Madame la présidente, je vous présente mes excuses, mais vous et moi avons souvent été aux prises avec cette question des considérations humanitaires, en tant que commissaires. J'étais commissaire lors de la dernière commission et ma collègue a été commissaire au sein d'une plus récente commission. Je suis convaincu qu'il nous est déjà arrivé à plusieurs reprises de ne pas être d'accord avec nos collègues, et de ne pas arriver à comprendre pourquoi les autres ne partageaient pas nos vues en ce qui concerne les considérations humanitaires et la compassion.

+-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): Je vais faire preuve de compassion à votre égard, monsieur Anderson. Si vous pouvez terminer en 30 secondes ou...

+-

    L'hon. David Anderson: En dehors des cas particuliers dont on parle, auriez-vous remarqué--et je sais que Mme John fait partie d'une organisation à mandat plus large qui ne représente pas strictement les immigrants--s'il existe des préoccupations à l'égard de la famille comme celles exprimées par Mme Joe, et avec lesquelles je suis parfaitement d'accord, au sein de la société en général?

·  -(1355)  

+-

    Mme Sungee John: Pour moi, ces préoccupations existent, mais les Canadiens en général, c'est-à-dire le public canadien dont vous parlez, je suppose, n'a pas vraiment commencé à s'y intéresser de très près, ne connaissant pas vraiment... Comme il y a eu beaucoup de publicité négative et d'articles négatifs au sujet de l'immigration, notamment en 1999 et lors de l'arrivée des réfugiés de la mer, et le discours souvent négatif au sujet des réfugiés et des immigrants qu'il y a eu par le passé et qui continue encore au sein de la société canadienne, je dirais que les Canadiens deviennent à présent xénophobes et craignent les gens qui viennent d'ailleurs.

[Français]

-

    La vice-présidente (Mme Meili Faille): C'est là-dessus que se termine la séance. Vous avez fait de très beaux témoignages. Je vous remercie et j'invite certaines d'entre vous à continuer à défendre leurs positions sur la question de la réunification familiale. Le comité a entendu plusieurs personnes, dans l'ensemble du Canada, exprimant les mêmes préoccupations. Le comité travaille de façon apolitique. Nous sommes très préoccupés par ce problème. Nous allons rédiger un rapport très bientôt — à moins qu'il n'arrive quelque chose au cours des prochains jours — qui, je l'espère, sera à la hauteur de vos attentes. Merci beaucoup.

    La séance est levée.