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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 décembre 2004




¿ 0905
V         Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.))

¿ 0910
V         Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic)

¿ 0915
V         Mme Clara Ho (avocate, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic)

¿ 0920
V         Le président
V         M. Nick Summers (président, Conseil canadien pour les réfugiés)

¿ 0925
V         Mme Amy Casipullai (vice-présidente, Conseil canadien pour les réfugiés)

¿ 0930
V         Le président
V         M. Sanjiv Kumar (président, Comité d'action pour les droits de l'homme)

¿ 0935

¿ 0940
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC)
V         M. Sanjiv Kumar

¿ 0945
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ)
V         M. Nick Summers

¿ 0950
V         Mme Meili Faille
V         Mme Avvy Yao-Yao Go

¿ 0955
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Mme Amy Casipullai

À 1000
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Sanjiv Kumar
V         Mme Amy Casipullai
V         Le président
V         L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.)

À 1005
V         M. Sanjiv Kumar
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         M. Nick Summers

À 1010
V         Le président
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         M. Nick Summers

À 1015
V         Mme Amy Casipullai
V         Le président
V         M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.)
V         M. Nick Summers

À 1020
V         Le président
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         M. Nick Summers
V         M. Sanjiv Kumar

À 1025
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Nick Summers

À 1030
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC)
V         M. Sanjiv Kumar
V         M. Nick Summers

À 1035
V         Le président
V         M. Mario Silva (Davenport, Lib.)
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         M. Nick Summers

À 1040
V         Mme Amy Casipullai
V         M. Sanjiv Kumar
V         M. Bill Siksay
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         M. Rahim Jaffer

À 1045
V         M. Nick Summers
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Sanjiv Kumar
V         M. Rahim Jaffer
V         M. Sanjiv Kumar

À 1050
V         M. Nick Summers
V         M. Sanjiv Kumar
V         Le président
V         Mme Helena Guergis
V         M. Sanjiv Kumar
V         Le président
V         M. Nick Summers
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go

À 1055
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         Mme Meili Faille
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 décembre 2004

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte.

    Nous allons commencer par les travaux du comité. Aujourd'hui, je vais présenter le budget de nos déplacements au Sous-comité des budgets du comité de liaison. Si nous réussissons à obtenir les fonds, je demanderai alors aux leaders parlementaires un ordre de renvoi autorisant le comité à voyager.

    Je voudrais demander aux critiques de tous les partis et aux vice-présidents d'informer leurs leaders parlementaires respectifs qu'ils recevront bientôt cette demande. Je crois que tous les partis sont d'accord pour voyager et il serait souhaitable que nous en obtenions l'autorisation avant que la Chambre ne s'ajourne pour le congé de Noël. Le greffier pourra ainsi commencer à appeler les témoins pour qu'ils aient le temps de préparer leurs mémoires. La dernière fois, ils n'ont pas eu un préavis aussi long qu'ils l'auraient souhaité.

    Le comité a l'intention de sillonner le Canada en février et mars et de consulter les Canadiens sur trois sujets dont le premier est la nouvelle Loi sur la citoyenneté.

    En ce qui concerne nos témoins qui sont ici aujourd'hui, je vous informe que le comité a produit un rapport, que nous avons déposé à la Chambre mardi et qui indique à la ministre ce que nous aimerions trouver dans la Loi sur la citoyenneté. Je souligne qu'elle nous a demandé ce rapport, nous le lui avons remis et nous nous attendons à recevoir sa réponse au début de la nouvelle année. Nous recevrons le projet de loi après la première lecture, ce qui est très important parce que cela laisse au comité davantage de latitude pour apporter des changements. Cherchez donc ce rapport dans le site Web du gouvernement. Il est là et je pense que vous serez agréablement surpris et satisfaits, mais c'est à vous de voir.

    L'autre sujet que nous examinerons au cours de notre voyage est la reconnaissance des diplômes et de l'expérience professionnelle étrangers et j'aimerais que le mot « étrangers » soit remplacé par « internationaux ». Le troisième sujet prévu jusqu'ici est la réunion des familles.

    Je demande toutefois aux critiques et aux vice-présidents d'en parler à leurs leaders parlementaires respectifs.

    Ce matin, nous recevons trois groupes et nous allons commencer par le Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, qui sera suivi du Conseil canadien pour les réfugiés, puis du Comité d'action pour les droits de l'homme.

    Nous allons limiter la durée des exposés à 10 minutes. C'est important, parce que nous voulons que le comité puisse participer le plus possible.

    Quoi qu'il en soit, Avvy Yao-Yao Go va commencer.

¿  +-(0910)  

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic): Merci.

    Je voudrais d'abord remercier le comité de nous avoir invités à parler de trois des huit priorités qu'il a mises en lumière. Je voudrais féliciter le comité d'avoir établi ces priorités dans son plan de travail. Toutes ces questions sont très importantes pour les communautés que nous desservons à la clinique.

    Je m'appelle Avvy Go et je suis la directrice de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Clinic. Je suis accompagnée de Clara Ho, notre avocate. Nous allons essayer de diviser notre exposé en trois parties, en fonction des priorités. Je parlerai brièvement de la réunion des familles et je céderai la parole à Clara afin qu'elle puisse aborder cette question, de même que celle de la Section d'appel des réfugiés. Pour terminer, je parlerai des immigrants sans statut juridique.

    En ce qui concerne la famille, je commencerai par dire que, pendant longtemps, jusqu'à il y a une dizaine ou une quinzaine d'années, les immigrants parrainés par un membre de leur famille représentaient la majorité de tous les immigrants qui arrivaient au Canada. Jusqu'au début des années 90, ils constituaient plus de 50 p. 100 de tous les immigrants, mais depuis, leur nombre a diminué graduellement et ne représentait plus, cette année, qu'environ 25 p. 100 de l'immigration totale. Il y a donc eu, sans aucun doute, une réduction de cette catégorie d'immigrants au profit des travailleurs qualifiés et des gens d'affaires.

    À l'exception des « conjoints » de même sexe et des conjoints de fait, la définition de la « famille » n'a pas vraiment changé. Il s'agit surtout du concept occidental de la famille nucléaire. Il ne reconnaît pas les familles élargies qui sont très courantes dans de nombreux pays, notamment la Chine et l'Asie du Sud-Est.

    Il y a eu un resserrement des restrictions quant aux personnes qui peuvent être considérées comme un membre de la famille et celles qui peuvent parrainer un parent. En fait, pour la première fois, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés interdit aux assistés sociaux de parrainer un membre de leur famille. À notre avis, cela montre qu'on laisse de côté le parrainage familial, la réunion des familles et qu'on privilégie de plus en plus les considérations économiques plutôt qu'humanitaires.

    Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous pensons que le parrainage familial est problématique, de même que l'ensemble du système. Je vais en souligner un certain nombre—et je laisserai Clara en aborder quelques autres. Par exemple, il y a la difficulté de prouver qui fait partie de votre famille. Cela nous ramène à la question de la définition du conjoint et à la nécessité de prouver que les relations sont véritables et de prouver qui sont vos enfants, y compris les enfants adoptés.

    Puis il y a la question du conjoint. Dans notre clinique, où nous aidons les citoyens canadiens et les immigrants qui veulent parrainer leur conjoint qui se trouve à l'étranger, nous constatons que la façon dont on détermine qui est un conjoint et qui n'en est pas un est très subjective. Cela dépend des préjugés des agents des visas, surtout dans notre cas où nous avons de nombreux immigrants originaires de Chine. Souvent, nous nous demandons si la demande a été rejetée parce qu'on soupçonnait que la relation n'était pas véritable. Je me souviens d'un de ces cas. Comme la femme, qui était citoyenne canadienne, voulait parrainer un homme trois ans plus jeune qu'elle, cette simple différence d'âge a déclenché une sonnette d'alarme.

    Les autorités font donc toutes sortes de suppositions culturelles lorsqu'elles examinent les relations au sein d'une culture. Parfois, c'est l'agent qui fait des suppositions quant à savoir s'il s'agit ou non d'un membre de la famille ou d'un conjoint, si bien que tout ce processus est très subjectif.

    Lorsque ces demandes sont rejetées, les gens doivent faire appel. Ils finissent parfois par gagner leur appel, mais la famille a déjà été séparée depuis plusieurs années. Et cela cause un retard dans la réunion des membres de la famille. C'est aussi une procédure coûteuse. Certaines personnes ont la chance de bénéficier de l'aide juridique, mais d'autres doivent payer de leur poche un avocat pour interjeter appel.

    En ce qui concerne les enfants adoptifs, nous constatons que les enfants adoptés par des Canadiens avec qui ils ne sont pas apparentés ne sont pas traités de la même façon que les enfants qui sont connus de leurs parents adoptifs. Par exemple, nous savons qu'à cause de la difficulté d'adopter des enfants au Canada, de plus en plus de Canadiens se tournent vers la Chine et adoptent des petites Chinoises. Ces demandes sont approuvées sans difficulté. L'authenticité des relations n'est pas mise en doute, même si ces enfants ne sont pas connus des parents et n'ont aucun lien avec eux, y compris aucun lien culturel.

    Par contre, lorsque des parents adoptent des enfants qu'ils connaissent déjà… Et c'est très commun dans certaines cultures et dans certains pays comme la Chine et l'Inde où l'on a tendance à adopter des enfants que la famille connaît déjà. Ces familles ont toutefois beaucoup de difficulté à prouver que cette adoption n'est pas seulement dans un but d'immigration. Je crois qu'on fait deux poids, deux mesures selon le genre d'adoption dont il s'agit.

¿  +-(0915)  

    Je vais passer à la question des retards et je sais que mes amis en parleront également.

    Nous constatons qu'une des principales causes de retard en ce qui concerne le parrainage familial est la répartition inégale des ressources entre les bureaux des visas. La plupart des demandes de parrainage familial émanent des pays d'Asie, d'Afrique, etc., mais ce sont également les pays dans lesquels les bureaux des visas obtiennent le moins de ressources, ce qui entraîne de longs retards dans les délais de traitement des demandes. Il faut sans doute deux fois plus de temps pour parrainer une famille de Chine que pour faire venir une famille de Londres, par exemple.

    J'ai eu à m'occuper d'un cas, non pas de parrainage familial, mais d'un immigrant indépendant. Ce client est Chinois, mais il vivait en Allemagne lorsqu'il a demandé à immigrer au Canada. Il lui a fallu trois mois pour venir au Canada entre le moment où il a fait sa demande et celui où il a obtenu son visa. Si vous prenez mes autres clients chinois, ils doivent attendre trois à quatre ans en moyenne.

    Je vais maintenant donner la parole à Clara qui parlera d'autres problèmes concernant le parrainage familial.

+-

    Mme Clara Ho (avocate, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic): Bonjour, membres du comité.

    Comme Avvy, je vous remercie de nous avoir invités ici ce matin.

    Avvy a mentionné les exigences financières concernant le parrainage familial. Nous trouvons très inquiétant qu'on exige un niveau de revenu minimum correspondant au seuil de bas revenu des personnes qui désirent parrainer des membres de la famille, à l'exception des conjoints et des enfants à charge. À la clinique, nous constatons que, pour cette raison, les familles pauvres ne peuvent pas faire venir des membres de leur famille à moins de répondre aux exigences financières. Les personnes qui touchent l'aide sociale sont totalement dans l'incapacité de parrainer des membres de leur famille. Cela nous paraît contraire au droit humain fondamental qui est de pouvoir regrouper sa famille ici au Canada.

    Une autre chose qui nous inquiète—et j'ai vu de nombreux cas de ce genre à la clinique—c'est l'exclusion de la catégorie du regroupement familial. Si des personnes qui sont venues au Canada omettent d'inscrire les membres de leur famille sur leur demande de résidence permanente, elles ne peuvent plus les parrainer par la suite. C'est ce qui se passe lorsque, pour diverses raisons, les enfants à charge n'ont pas été inscrits dans la demande au moment où leur futur parrain arrive au Canada. Cela peut être, par exemple, parce qu'un parent n'a pas la garde de l'enfant au moment de son arrivée au pays et que, plus tard, l'autre parent qui en a la garde dans le pays d'origine renonce à cette garde. Les dispositions de la loi actuelle empêchent alors de parrainer un enfant à charge qui est pourtant un enfant biologique.

    J'ai également une cliente qui ne peut pas parrainer un enfant qu'elle a eu à la suite d'une agression sexuelle. Elle a fait adopter cet enfant par des parents nourriciers. Elle est venue au Canada, et elle a ensuite retrouvé son enfant, mais elle ne peut pas le parrainer, même si c'est son enfant biologique, parce qu'elle ne l'a pas déclaré sur sa demande de résidence permanente. Cette femme s'est vu refuser le droit de parrainer sa fille simplement parce qu'à l'époque elle ignorait où elle se trouvait. C'est pour cette raison qu'elle ne l'avait pas inscrit sur sa demande. Ce sont là des motifs empêchant le parrainage et c'est ce qui nous préoccupe à l'égard de la loi actuelle.

    Je voudrais également dire quelques mots au sujet de la Section d'appel des réfugiés. Nous souscrivons à ce que vous diront plus tard nos collègues du Conseil canadien pour les réfugiés. Nous estimons que la mise en place de la Section d'appel des réfugiés revêt une importance cruciale, mais cette section n'existe toujours pas.

    À notre avis, l'incapacité du système actuel de corriger ses erreurs est une source de problèmes.

    C'est tout ce que j'avais à dire.

    Merci.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous reviendrons à vous quand nous en serons aux questions.

    Nous passons maintenant au Conseil canadien pour les réfugiés.

+-

    M. Nick Summers (président, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci.

    Bonjour. Il est agréable de rencontrer de nouveau toutes les personnes que je connais déjà, et les quelques personnes que je n'ai pas encore rencontrées.

    Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui. Disons qu'il est gratifiant d'être invités à venir, car d'habitude c'est nous qui devons le demander. J'espère que cela augure bien pour l'avenir et que nous aurons de bonnes relations de travail avec votre comité.

    Je voudrais surtout remercier votre vice-présidente, Mme Faille, qui, à ma connaissance, est la première députée en exercice qui soit venue participer aux consultations du Conseil canadien pour les réfugiés. J'espère qu'elle s'est sentie bien accueillie et qu'elle a trouvé l'expérience très instructive.

    Je tiens seulement à vous dire que tous les membres du comité qui désirent en faire autant ou nous envoyer un membre de leur personnel sont les bienvenus. Je crois que cela pourrait vous aider grandement dans votre travail.

    Lorsqu'on nous a demandé de venir discuter avec vous, le comité a proposé un assez grand nombre de sujets. Je vais essayer d'aborder très brièvement chacun d'eux et je céderai également la parole à ma collègue, Amy Casipullai, qui est la vice-présidente du Conseil canadien pour les réfugiés et qui conclura notre exposé.

    Il y a plusieurs questions dont nous voudrions parler, mais d'abord, pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas le Conseil canadien pour les réfugiés, je dois vous expliquer que nous sommes un organisme national qui regroupe environ 180 à 190—en fait près de 200—organismes des quatre coins du pays. Il s'agit d'organismes au service des immigrants et des réfugiés dont le principal objectif est de protéger les droits des réfugiés et des immigrants.

    Un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement est l'absence de procédure d'appel pour les demandeurs d'asile. Comme vous le savez sans doute, la Loi sur la protection des réfugiés que le Parlement a adoptée et qui a été mise en oeuvre au cours de l'été de 2002, contient une disposition qui prévoit l'ajout d'une Section d'appel des réfugiés à la Commission de l'immigration et de la détermination du statut de réfugié, de l'immigration et du statut de réfugié. Cette section devait entendre les appels concernant les décisions de la CISR. Cela faisait partie intégrante des mesures prévues dans la loi pour le traitement des demandes d'asile. Le fait que le gouvernement n'ait pas encore appliqué cette disposition a causé énormément de problèmes au niveau tant de la mise en oeuvre de la loi que du fonctionnement du processus. Mais surtout, cela a sérieusement compromis les droits des demandeurs d'asile.

    Aux termes de l'ancienne loi sur l'immigration, toutes les demandes d'asile étaient examinées par deux membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Si un des commissaire rejetait la demande tandis que l'autre l'acceptait, la réponse donnée au demandeur d'asile était positive, car on lui accordait le bénéfice du doute. Ce n'était pas un système parfait, mais au moins il protégeait le revendicateur contre un commissaire qui était de mauvaise humeur ce jour-là ou parfois, malheureusement, contre certains membres de la Commission qui n'étaient pas—ou ne sont pas—particulièrement compétents. Il y a eu des améliorations au niveau de la compétence. Il reste des problèmes à ce niveau-là, mais le système a été amélioré dans une large mesure.

    Toutefois, la nouvelle loi permet maintenant de tenir des audiences devant un seul commissaire et malheureusement, comme il y a encore des membres de la Commission qui ne sont pas très compétents et que les gens peuvent parfois être de mauvaise humeur ou se tromper, certains demandeurs d'asile sont déboutés, sans pouvoir interjeter appel.

    La ministre déclare qu'il y a 20, 30 ou 40 niveaux d'appel, selon le communiqué que vous lisez. Mais en réalité, il n'y a pas d'appel. La décision de la Commission de la CISR peut faire l'objet d'un contrôle judiciaire, mais ce n'est pas la même chose qu'un appel. C'est très limité et les résultats positifs sont rares. Il y a un certain nombre de procédures qui permettent d'éviter le renvoi et de réintégrer le système d'immigration, mais elles ne tiennent pas compte du bien-fondé de la demande d'asile et il est très rare qu'elles donnent des résultats positifs pour les revendicateurs du statut de réfugié.

    Il y a donc un grand nombre de gens dont la demande est rejetée et qui n'ont aucun recours, ce qui donne des résultats pour le moins bizarres. Nous avons actuellement au Canada le cas de deux frères palestiniens : même ville, même situation; l'un a été accepté par la CISR, l'autre a été débouté sans qu'il soit possible d'y remédier.

¿  +-(0925)  

    J'aurais bien d'autres choses à vous dire au sujet de la Section d'appel des réfugiés, mais j'espère que vous me poserez des questions à ce sujet ou que vous en poserez à mes collègues.

    Nous voulions également parler des retards à l'étranger. Il y a la question des parrainages privés et nous avons distribué un document intitulé « Y a-t-il un moyen plus rapide? », dans lequel nous mettons en lumière un certain nombre de problèmes que pose le programme de parrainage privé en présentant quelques études de cas.

    Il y a des gens, des groupes confessionnels et des groupes communautaires qui ont fait des parrainages privés ici, au Canada, pour faire venir des gens qui ont été reconnus comme des réfugiés outre-mer. Nous avons un programme qui devrait leur permettre de venir au Canada, mais à cause d'un manque de ressources et d'un manque de volonté politique, il faut deux, trois ou quatre ans pour les faire venir ici. Cela cause énormément de problèmes pour les réfugiés qui restent vivre dans des conditions difficiles à l'étranger, en plus de compromettre un programme qui jouissait d'une excellente réputation sur la scène internationale, notre programme de parrainage privé. Nous perdons le soutien du public, parce que la motivation et l'intérêt des groupes communautaires faiblissent quand il s'écoule quatre ans entre le moment où ils sont prêts à faire venir quelqu'un et celui où la personne arrive enfin. Un bon nombre de gens se sont lancés dans d'autres projets entre-temps.

    Nous nous inquiétons également beaucoup du long délai qui s'écoule avant que les réfugiés retrouvent leur famille. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés contient une disposition qui permet aux familles des personnes reconnues comme réfugiés de venir au Canada retrouver leur conjoint, leur père ou leur mère. Pourtant, il s'écoule un an, deux ans ou parfois trois ans avant que ces familles n'arrivent au Canada. Ce retard n'est pas vraiment justifié, c'est une simple question de processus et nous recommandons qu'on fasse venir ces familles au Canada et qu'on traite leur demande ici afin de les sortir des conditions dans lesquelles elles vivent et qu'elles puissent s'intégrer beaucoup plus rapidement. Une famille ne peut pas améliorer son sort pendant qu'elle est séparée.

    Je vais donner le micro à ma collègue.

+-

    Mme Amy Casipullai (vice-présidente, Conseil canadien pour les réfugiés): Merci, Nick.

    Je voudrais d'abord répéter que nous vous remercions de nous avoir invités à vous faire part de nos inquiétudes. Moi aussi, je rencontre certains d'entre vous pour la première fois et, comme l'a dit Nick, j'espère que vous viendrez participer aux futures consultations du CCR.

    Je crois important de dire que nous partageons les préoccupations générales des personnes de la clinique et du Comité d'action pour les droits de l'homme.

    Je vais vous parler très brièvement de trois questions qui font suite à ce dont Nick vient de vous parler. Premièrement, nous nous préoccupons de la situation des gens sans statut juridique. Il y a un grand nombre de gens dans cette situation qui vivent et travaillent au Canada, qui apportent une contribution importante à notre économie et à notre société—ce sont des membres de notre société—mais qui se voient refuser les droits et privilèges fondamentaux des autres membres de la société, que ce soit sur le plan de la protection des travailleurs ou de l'éducation de leurs enfants.

    Je tiens également à souligner, pour faire suite à ce qu'a dit Nick quant à l'absence de Section d'appel des réfugiés, qu'une des raisons pour lesquelles de nombreux réfugiés sont sans statut juridique est qu'ils n'ont aucun recours. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, car je sais que Sanjiv va sans doute vous en parler un peu plus tard.

    Je voudrais passer à l'entente sur les pays tiers sûrs. C'est une entente à laquelle nous nous opposons totalement et je crois que nous avons été assez clairs là-dessus. Elle doit entrer en vigueur le 29 décembre. Cela veut dire que les réfugiés qui demandent la protection du Canada seront renvoyés aux États-Unis qui, dans certains cas, refuseront de les protéger. Nick vient de parler de deux frères palestiniens qui venaient du même camp de réfugiés et dont l'un a été accepté, mais pas l'autre. Le deuxième frère, celui qui a été expulsé, a été envoyé aux États-Unis où il se trouve actuellement en prison. Je crois que cela explique nos inquiétudes, notre crainte que certains réfugiés n'obtiendront pas la protection dont ils ont besoin s'ils sont renvoyés de l'autre côté de la frontière.

    Nous savons également que la Chambre des représentants des États-Unis a adopté un projet de loi dont les dispositions réduiront la protection accordée aux réfugiés. Si ces dispositions sont adoptées, il deviendra encore plus évident que les États-Unis ne sont pas un pays sûr pour les réfugiés.

    En attendant, le gouvernement s'empresse de mettre cette entente en oeuvre en pleine saison des Fêtes, le 29 décembre. Nous savons qu'une bonne partie du personnel posté aux frontières n'a pas reçu la formation nécessaire au sujet des dispositions de cette entente. Cela nous inquiète, car la frontière commence déjà à se resserrer alors que les réfugiés s'y précipitent pour devancer l'échéance et que les postes frontières disposent de ressources très limitées pour faire face à cet afflux.

    Je voudrais aborder une dernière question qui résume un grand nombre des préoccupations que vous avez soulevées au sujet des réfugiés et des mesures de sécurité. Nous nous inquiétons de voir le Canada s'éloigner des meilleurs aspects d'une de ses traditions les plus chères, dont nous devrions être fiers en ce qui concerne la protection des réfugiés à cause de l'importance excessive et, selon nous, irrationnelle qui est accordée à la sécurité. Nous tenons à souligner que les réfugiés ne sont pas une menace pour la sécurité. Ce sont des gens qui recherchent la sécurité au Canada et c'est là une notion très importante qu'il ne faudrait pas oublier. Pourtant, on les associe injustement aux menaces pour la sécurité et on leur fait payer le prix de notre politique à cet égard. Nous croyons que la sécurité est importante, mais que les réfugiés se trouvent pénalisés injustement.

    Nous nous inquiétons également du fait que le gouvernement s'est engagé à réformer le système de sécurité, mais dans le contexte de sa politique de sécurité nationale.

    Comme il ne me reste presque plus de temps, pour résumer, je me fais l'écho de tout ce qu'ont dit mes collègues et je suis certaine et de ce que Sanjiv dira certainement en soulevant certaines questions.

    Merci.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Kumar.

+-

    M. Sanjiv Kumar (président, Comité d'action pour les droits de l'homme): Tout d'abord, je tiens à remercier le président, qui nous a permis de faire connaître nos opinions.

    Le Comité d'action pour les droits de l'homme est un organisme de réfugiés créé par des réfugiés pour les réfugiés. Un grand nombre des personnes présentes dans cette salle aujourd'hui n'ont pas de statut juridique au Canada et sont venues pour exprimer leurs sentiments. Il y a des centaines et des centaines de gens qui pourraient venir témoigner de leur situation, mais M. Bill m'a dit que les locaux seraient trop petits. Il y a toutefois des gens qui souffrent vraiment.

    J'apprécie vraiment que le Parlement envisage sérieusement de régulariser la situation des personnes sans statut juridique, et s'intéresse aux problèmes des réfugiés. Mais que ferons-nous des gens qui ont souffert par le passé à cause des erreurs des commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié? S'ils sont renvoyés du pays avant la mise en place d'un programme pour régulariser leur situation ou de la Section d'appel des réfugiés, comment pourront-ils en bénéficier?

    J'exhorte donc tous les membres du comité permanent à proposer une motion pour que tout soit fait, d'abord pour arrêter les mesures d'expulsion afin que les personnes qui ont souffert à cause des erreurs des commissaires de la CISR ne souffrent pas doublement et pour qu'elles puissent bénéficier des mesures que le Parlement prendra pour remédier à la situation. Nous savons que chaque jour, l'Agence des services transfrontaliers du Canada renvoie beaucoup de gens du pays et c'est donc un aspect très important à considérer.

    J'aurais de nombreux cas à vous présenter, mais mon temps est limité. La CISR a rejeté la demande d'une personne qui est assise ici, M. Sharma. Nous ne demandons pas au comité d'intervenir dans ces cas particuliers, mais nous voulons les porter à l'attention du comité afin qu'il ait des exemples concrets. Son commissaire écrit que sa femme a déclaré, au cours de l'audience, qu'elle avait été violée, mais sa femme n'a jamais assisté à l'audience. Deuxièmement, il n'a jamais écrit ou dit que sa femme avait été violée. Il y avait d'autres problèmes. Quand une personne rédige sa décision de cette façon, cela montre peut-être qu'elle a pris sa décision en pensant à d'autres dossiers. Voilà la situation.

    Une autre personne qui se trouve ici a été déboutée parce que le commissaire a dit que, puisqu'elle est venue avec son propre passeport, cela veut dire qu'elle n'avait pas de problème. Il y a, dans l'auditoire, un autre homme dont la demande d'asile a été rejetée principalement parce qu'il n'a pas de passeport et qu'on ne connaît pas son identité. Les décisions sont donc tirées à pile ou face.

    Cette situation fait clairement entendre aux gens qu'ils ne sont pas les bienvenus. Cela va à l'encontre des valeurs du Canada. Le Canada est le seul pays à avoir obtenu le prix Nansen du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés pour avoir protéger les réfugiés et c'est donc un lieu de refuge pour tous ceux qui sont persécutés.

    En mai 2003, j'ai envoyé une lettre à tous les députés. J'aurais aimé qu'Inky Mark soit ici aujourd'hui, car il a répondu à ma lettre et a lui-même écrit au ministre de l'Immigration. Cela a eu des effets miraculeux. Quand la CISR a rejeté ma demande, j'ai exposé tous les faits à tous les députés, si bien qu'en fin de compte la Commission a rouvert mon dossier et m'a accepté. Le président de la Commission lui-même m'a écrit pour dire qu'il s'était passé ceci ou cela et que ma demande était acceptée. Mais le plus important c'est qu'on a accepté pour me faire taire.

    Les problèmes que j'ai soulevés existent toujours aujourd'hui. Dans la lettre que j'ai écrit il y a deux ans environ, j'ai soulevé certaines questions. Je ne nommerai pas ces gens, mais si on me demandait demain de le faire, je le ferais. La proportion de cas acceptés est de 80 p. 100; il y a un avocat, un commissaire de la CISR qui accepte 80 p. 100 des cas tandis qu'un autre commissaire en rejette 80 p. 100. Qu'est-ce que cela veut dire? Il y a un commissaire qui accepte 10 p. 100 des cas des demandeurs d'asile qui viennent d'un pays tandis qu'un autre commissaire accepte 90 p. 100 des demandes émanant du même pays, de la même région. Qu'est-ce que cela signifie?

¿  +-(0935)  

    Cela témoigne d'un manque d'uniformité. De plus, les revendicateurs qui sont déboutés sont doublement exploités en ce sens qu'ils n'ont aucun recours, malgré tous les mécanismes et systèmes à leur disposition. Cela les aide seulement à se faire exploiter par leurs avocats et tous les autres.

    Pour ce qui est du cas d'une personne présente dans la salle, son avocat n'a pas présenté ses documents à la CISR, si bien que sa demande a été rejetée. Le commissaire de la CISR n'a pas accepté les documents le jour de l'audience. Plus tard, à la Cour fédérale, un autre avocat a omis de soumettre son formulaire de demande. Ensuite, cette personne a engagé un autre avocat—un avocat bien connu que je ne nommerai pas—qui a dit aux médias qu'il ne défendait pas la cause de ce monsieur devant la Cour. Ce même avocat a également omis de soumettre ses documents à la Cour fédérale.

    Savez-vous ce qui s'est passé en fin de compte? La Cour fédérale a déclaré que les requérants étaient responsables du comportement ou des agissements de leurs avocats. Cette personne a donc porté plainte au Conseil de l'ordre des avocats, mais ce dernier lui a dit qu'il ne pouvait rien y faire. Il a simplement promis d'enquêter. Depuis deux ans, le Conseil de l'ordre n'a toujours rien fait.

    Ces personnes sont donc exploitées et vous devez vous occuper d'elles.

    Il y a beaucoup d'autres problèmes. J'ai apporté certains documents pour tous les membres du comité permanent et nous allons vous les remettre à la fin de la journée afin que vous puissiez les examiner. Nous vous en enverrons d'autres bientôt. J'ai de nombreux DVD et CD avec des vidéos de gens qui ont souffert.

    J'ai rencontré à Toronto un homme qui a vécu au Canada dans l'illégalité pendant 19 ans et demi. Il y a des enfants qui sont venus d'un pays où ils sont allés à l'école pendant six ans et qui se trouvent maintenant au Canada où ils étudient depuis six ans. Ils ont oublié leur langue maternelle. Ils ont appris le français au Québec. Leurs parents vont être expulsés et ils le seront également. Cela va totalement à l'encontre des droits des enfants.

    Nous avons beaucoup de choses à dire, mais nous devons respecter le temps du comité. Je demanderais que les recommandations…

    Une autre question importante que j'ai suivie de près c'est qu'on entend dire bien souvent que les nominations politiques à la CISR posent un problème. Je comprends que cela pose un problème, mais les bureaucrates nommés à CIC posent un problème plus grave. CIC est plus brutal avec les gens que les commissaires de la CISR et je pense donc que les nominations politiques ne posent pas de problème. Le problème c'est qu'il faudrait nommer à la CISR des gens ayant des qualités de tête et de coeur pour prendre les décisions concernant les réfugiés plutôt que des gens qui possèdent des connaissances techniques ou bureaucratiques.

    Le Comité d'action pour les droits de l'homme estime qu'il faudrait régulariser la situation des gens sans statut juridique. La Section d'appel des réfugiés est une solution, mais pas la solution idéale.

    D'autre part, les employés de CIC devraient avoir des comptes à rendre et je vais vous donner un exemple. Nous avons envoyé tous les documents concernant une personne qui devait être expulsée le 6 novembre aux fonctionnaires de CIC et à l'Agence des services frontaliers du Canada. Ils nous ont dit qu'ils nous répondraient le lendemain, mais ils n'ont jamais répondu.

    J'ai soulevé cette question avec la vice-présidente de l'Agence des services frontaliers du Canada, Mme Claudette, à une conférence du CCR à Victoria. Elle s'est excusée publiquement en disant que ce n'était pas bien. Elle m'a promis qu'elle me répondrait d'ici le lundi suivant. Cela fait plus de 20 jours, mais personne ne m'a encore répondu. Il faudrait donc que les gens de CIC aient des comptes à rendre. C'est très important.

    Enfin, nous sommes convaincus qu'il faudrait arrêter immédiatement les procédures contre les personnes qui doivent être expulsées. Il faudrait les arrêter en attendant qu'un comité parlementaire puisse examiner la situation, résoudre les problèmes et corriger ce qui ne va pas afin que les personnes qui pourraient bénéficier de ces changements ne soient pas renvoyées.

    Merci beaucoup.

¿  +-(0940)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous allons passer aux questions. Nous commençons par un tour de sept minutes pour la question et la réponse, alors essayez de laisser suffisamment de temps aux témoins pour répondre.

    Le premier à nous donner le bon exemple sera M. Jaffer. Je pourrais mentionner que M. Jaffer est venu au Canada comme réfugié, tout comme moi. Je crois que nous sommes les deux seuls à la Chambre.

    Allez-y, monsieur Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais d'abord remercier tous nos témoins. Je crois que vous faites un excellent travail malgré les défis que pose notre système actuel.

    Comme l'a dit notre président, quand je pense aux membres de ma famille qui sont venus ici comme réfugiés au début des années 70, je me dis que les choses ont certainement changé depuis. Le processus est devenu beaucoup plus compliqué et ne sert peut-être pas les intérêts des réfugiés, comme vous l'avez souligné. Je voudrais donc vous poser quelques questions.

    Monsieur Kumar, vers la fin de votre exposé, vous avez soulevé une question qui montre bien que la législation actuellement en place en ce qui concerne la procédure d'appel ne fonctionne pas bien. De toute évidence, il faut réexaminer cela et trouver une meilleure solution.

    Une des choses sur lesquelles j'aimerais des précisions…vous avez commencé à en parler, monsieur Kumar, en disant que ce n'était pas seulement la nomination des juges, mais aussi les nominations au sein de CIC qui posaient un problème. Peut-être qu'il faudrait réviser la procédure à ce niveau-là.

    J'aimerais savoir ce que vous suggérez, car on a évidemment reproché à beaucoup de juges de la CISR d'avoir été nommés par favoritisme politique. Ils ne sont pas nécessairement les plus compétents pour examiner ces dossiers ou n'ont peut-être pas le bon état d'esprit pour les examiner comme il faut, comme quelqu'un l'a dit, je crois. Que ce soit au niveau de CIC ou de la CISR, que suggérez-vous pour que ces personnes aient davantage de comptes à rendre?

    Je sais qu'on a déjà suggéré, par le passé, de faire examiner les candidatures par une commission indépendante avant de nommer ces personnes. Cela dépolitiserait complètement le processus et peut-être qu'après le Parlement pourrait réexaminer la liste des candidats et voter pour l'approuver. Mais que suggérez-vous, en dehors de la procédure d'appel?

    Et j'aurais ensuite une autre question concernant l'appel.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Tout d'abord, quand j'ai parlé des « nominations politiques », j'ai dit très clairement que le problème ne se situait pas là, car l'essentiel est que les personnes nommées possèdent non seulement les connaissances juridiques ou autres nécessaires, mais qu'elles aient la réputation de travailler pour les réfugiés de n'importe où dans le monde. Il n'est pas nécessaire que ce soit des citoyens canadiens. Ce devrait être des personnes qui ont acquis une réputation en travaillant au niveau international à la cause des réfugiés, qui comprennent les réfugiés et qui ont été elles-mêmes des réfugiés. Cela peut être très utile.

    Souvent, lorsque j'examine la liste des nominations à la CISR, je vois qu'il y a de nombreux avocats. Ils ont peut-être d'excellentes connaissances techniques, mais pas nécessairement les qualités de tête et de coeur qui sont très importantes pour prendre des décisions à l'égard des réfugiés. En effet, lorsqu'ils arrivent ici, les réfugiés n'ont pas de documents pour prouver qui ils sont.

    Par conséquent, une personne peut être compétente à bien des égards, mais il serait utile de tenir compte de ce genre d'antécédents.

¿  +-(0945)  

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Pourrais-je ajouter quelque chose au sujet de l'immigration?

    À propos d'une des procédures en place pour les demandeurs qui ont été déboutés, comme il n'y a pas de droit d'appel, il y a une procédure d'examen des risques avant renvoi pour les gens dont la demande a été rejetée. Avant d'être expulsés, ils peuvent demander à se prévaloir de ce processus et à faire évaluer leurs risques. Cette évaluation est faite par des agents d'immigration.

    Le taux de succès de l'examen des risques avant renvoi est de 3 p. 100. Trois pour cent de tous les demandeurs déboutés, y compris un des frères palestiniens, obtiennent gain de cause grâce à ce processus. On peut se demander pourquoi ce n'est pas plus que 3 p. 100 étant donné tous les problèmes dont nous avons parlé à l'égard de la détermination du statut de réfugié.

    Je ne sais pas si c'est un problème de nomination politique ou autre. La formation des agents joue certainement un rôle, de même que les directives et politiques mises en place pour les aider à faire cet examen. C'est un ensemble de facteurs, c'est-à-dire les antécédents et connaissances des agents à l'égard de la situation qui règne dans un pays ou des diverses conventions internationales. Tous ces facteurs ont une influence importante sur leurs décisions.

+-

    M. Nick Summers: Reste-t-il du temps?

+-

    Le président: En fait, il vous reste deux minutes et demie.

+-

    M. Nick Summers: Je vais voir si je peux les utiliser, car il y a un certain nombre de questions.

    En ce qui concerne les nominations politiques, l'année dernière, en décembre, le gouvernement a annoncé qu'il allait réformer le système. En fait, beaucoup de travail a été réalisé dans ce sens. La CISR a fait un excellent travail en révisant sa procédure de demande. J'ai d'ailleurs été invité à siéger à un comité qui examine toutes les candidatures et je peux vous dire que la qualité des candidatures s'est effectivement améliorée énormément. Les candidats doivent satisfaire à un certain nombre de critères, y compris la sensibilité culturelle.

    Je suis d'accord avec mon ami. De nombreux candidats sont des avocats. Étant avocat moi-même, je ne vois pas cela comme un si grand inconvénient. En fait, les avocats figurent parmi les candidats qui réussissent le mieux au test et aussi parmi ceux qui réussissent le moins bien. Ce sont des gens qui possèdent toutes sortes d'expériences et d'antécédents différents.

    Pour en revenir au personnel de CIC, ce sont des gens qui travaillent pour la fonction publique. La façon dont ils ont obtenu leur emploi dépend de leur ancienneté et de leur expérience au sein de la fonction publique. Le problème est qu'un grand nombre des personnes qui doivent prendre les décisions dont dépend le sort des gens n'ont reçu aucune formation pour ce genre de travail.

    L'examen des risques avant renvoi, le processus ERAR, n'a jamais été conçu comme une procédure d'appel. Ce devait être un examen rapide juste avant l'expulsion pour qu'une personne ne soit pas renvoyée dans un pays en guerre ou dont la situation a changé. Les personnes qui examinent ces dossiers ont une énorme quantité de documents à étudier parce qu'en l'absence de procédure d'appel, les gens utilisent à la place l'examen des risques avant renvoi. Les personnes chargées de cet examen sont tout simplement submergées. Elles n'ont pas la formation voulue et n'ont pas le temps de la recevoir. Il y a donc un sérieux problème de ce côté-là.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à Mme Faille.

+-

    Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je vais poser ma question en anglais.

    Pourriez-vous préciser au comité ce que les organismes internationaux pensent de la façon dont le Canada traite les réfugiés. Qu'en pense le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Amnistie Internationale ou les autres organismes reconnus qui peuvent porter ce genre de jugement?

+-

    M. Nick Summers: Un certain nombre d'organismes internationaux se sont prononcés sur notre système de détermination du statut de réfugié. Je dois d'abord mentionner que de nombreux organismes internationaux et de pays qui sont venus examiner notre système ont trouvé que les éléments fondamentaux de notre système étaient excellents. Le processus de la CISR a d'ailleurs été copié par un certain nombre de pays. En fait, le président de la Commission est souvent invité à l'étranger pour expliquer pourquoi le Canada a réussi à faire fonctionner son système, ce qui ne correspond pas du tout à l'opinion que nous avons ici au Canada.

    Le système présente des problèmes. Des organismes internationaux comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, l'Inter-American Human Rights Association, Amnistie Internationale aussi, je crois et peut-être deux ou trois autres—mais je n'ai pas le rapport sous les yeux—ont fait des commentaires négatifs ou formulé des critiques à l'endroit du Canada ou reproché au Canada de ne pas avoir de procédure d'appel pour juger du bien-fondé des demandes d'asile. On considère qu'il s'agit d'un élément fondamental de tout système de détermination du statut de réfugié et cela entache donc la réputation internationale de la CISR. À part cela, le système de la Commission fonctionne très bien.

    Et c'est prévu dans la loi. Quand la loi a été présentée et qu'elle a fait l'objet de vastes consultations auxquelles un certain nombre d'entre nous ont participé, il était évident que ce processus devait faire partie intégrante de la loi. Cela devait former un tout. Si vous en enlevez l'élément central, le processus ne fonctionne plus aussi bien. C'est le reproche qui a été fait.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Meili Faille: Avvy voulait ajouter quelque chose tout à l'heure. Je voudrais lui donner une partie de mon temps afin qu'elle puisse compléter sa réponse.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Merci.

    Avant cela, je voudrais seulement dire que, si je me souviens bien, l'Inter-American Commission on Human Rights est venue au Canada, il y a plusieurs années, pour examiner toute la question des expulsions et qu'elle a produit un rapport assez accablant quant à la façon dont nous traitons certaines personnes, y compris les demandeurs d'asile qui ont été déboutés. La Commission s'inquiétait de la façon dont on procédait à l'expulsion. Il y a eu aussi un rapport spécial… Je ne me souviens pas si c'était sur les droits des migrants ou les droits des enfants. Mais la Commission est venue au Canada examiner le problème de la détention des enfants. Voilà certains des problèmes qui ont été soulevés au niveau international.

    La question dont je n'ai pas eu le temps de parler est celle des immigrants sans statut juridique et je voudrais seulement répéter tout ce qui a été dit. Nous devons reconnaître la situation de ces personnes. C'est un problème que nous avons créé nous-mêmes. Des gens sont ici sans statut parce que le système ne les a pas reconnus comme des membres d'une famille ou comme réfugiés alors que leur renvoi du pays aurait de véritables conséquences humanitaires et humaines. Ces personnes sont donc ici avec nous. Nous en voyons arriver tous les jours à notre clinique... Un bon nombre d'entre elles travaillent dans des restaurants ou dans des usines. Nous comptons sur cette main-d'oeuvre à bon marché pour nous faciliter la vie et je suis également une des bénéficiaires de ce système.

    Nous voulons aussi reconnaître que le Canada a parfois pris conscience de ce problème au cours de son histoire et essayé d'y remédier. Le premier exemple de programme d'amnistie que nous ayons eu au Canada visait à régulariser la situation des immigrants chinois qui étaient ici illégalement, parce qu'à l'époque une loi interdisait l'accès au pays à certains immigrants chinois. Dans les années 60, nous avons instauré un programme d'amnistie pour régulariser la situation de ceux qu'on appelait des « enfants chinois sur papier ». On les appelait ainsi parce que, d'après leurs papiers,ils étaient les enfants de quelqu'un d'autre et c'est ainsi qu'ils avaient pu venir au Canada. Il y a 11 000 personnes dont la situation a été régularisée grâce à ce programme.

    Il y a eu des programmes dans les années 60 et 70. Le programme d'ajustement de 1972, par exemple, a permis de régulariser la situation de 39 000 personnes au Canada.

    Plus récemment, notre clinique a participé au programme de mesures de renvoi à exécution différée. Ce programme a été mis en place en 1994 parce qu'à l'époque, certains demandeurs d'asile qui avaient été déboutés ne pouvaient pas être renvoyés dans leur pays d'origine à cause de la situation qui y régnait. Parmi ces pays se trouvaient alors la Chine et l'Iran. On a autorisé ces personnes à rester, mais elles se sont retrouvées sans statut juridique. En 1994, Citoyenneté et Immigration Canada a donc autorisé ces personnes à demander le statut d'immigrant et je crois que 4 000 d'entre elles ont ainsi pu régulariser leur situation.

    Je crois qu'il est maintenant temps de réfléchir aux problèmes que nous avons créés à cause de tous ces obstacles et de tous les défauts que présente notre système. Peut-être est-il temps de remettre en place un nouveau programme de régularisation afin que ceux qui sont victimes de nos propres erreurs aient la possibilité de faire régulariser leur situation. Ces personnes vivent ici, leur famille est ici et leurs enfants vont à l'école après avoir vaincu de nombreux obstacles. Si les enfants sont nés au Canada, c'est plus facile, mais s'ils ne sont pas nés ici, il faut plus longtemps pour convaincre le conseil scolaire et les autorités. Mais finalement, ils resteront ici.

    Par conséquent, du point de vue économique et du point de vue de la sécurité, il vaut mieux permettre à ces personnes de vivre au grand jour plutôt que de rester vivre dans l'illégalité pendant une période indéfinie. J'exhorte donc le comité à envisager un programme de régularisation.

    Nous avons apporté un mémoire, mais je sais qu'il ne vous est pas distribué parce qu'il n'est pas traduit. J'espère qu'il sera distribué une fois qu'il sera traduit. Nous y énonçons un certain nombre de principes qui pourraient servir à guider ce processus.

    Merci.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous passons à M. Siksay, pour sept minutes.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    J'apprécie que vous soyez tous venus ce matin. Sept minutes, c'est très court quand il y a autant de questions à examiner.

    Je tiens également à dire que j'apprécie, Sanjiv, que vous ayez emmené avec vous ce matin un grand nombre de personnes avec qui vous travaillez. Il est étonnant de voir combien elles sont nombreuses. Je me rends compte qu'il y a beaucoup d'autres gens qui ne sont pas là et c'est donc vraiment formidable.

    J'ai des questions à vous poser à vous tous. Je n'aurai sans doute le temps d'en poser que deux, mais nous verrons si nous avons droit à un deuxième tour.

    Avvy, vous avez mentionné que la catégorie du regroupement familial avait cédé du terrain à la catégorie de l'immigration économique. Pourriez-vous nous dire comment nous pourrions modifier la définition du « regroupement familial ». Vous avez mentionné qu'elle ne reconnaissait pas l'existence des familles élargies. J'ai un projet de loi d'initiative parlementaire qui résulte d'un engagement du NPD d'élargir, une fois au cours de la vie des gens, la définition du « regroupement familial » ou de l'interpréter de façon plus large. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?

    Quant à ma deuxième question—et je vais vous demander de partager votre temps de parole afin de nous faciliter les choses—je sais qu'Amy a mentionné qu'elle voulait s'étendre un peu plus sur la réforme du système de détermination du statut de réfugié dans le contexte actuel de la sécurité. J'aimerais que vous m'en disiez plus à ce sujet.

    La parole est à vous, Avvy.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Certainement.

    Un des problèmes que pose la définition actuelle, c'est qu'elle est axée sur la famille nucléaire, ce qui veut dire votre conjoint, vos enfants et vos parents. Elle ne comprend pas les frères et les soeurs, par exemple.

    Je vais vous donner un exemple. Je suis venue en tant que membre d'une famille. J'ai été parrainée par mon frère aîné parce qu'à l'époque j'étais âgée de moins de 22 ans. Bien entendu, même la définition de « l'enfant à charge » a changé avec le temps et je suis donc venue avec mes parents. J'ai trois autres frères. Même s'ils sont mes frères, ils ne sont pas considérés comme des membres de la famille, parce qu'ils ont plus de 22 ans. Ils ont quand même tous réussi à venir. Certains d'entre eux sont venus dans le cadre du programme pour les parents aidés qui était alors en place.

    Les gens qui avaient des liens familiaux obtenaient des points supplémentaires qui leur permettaient de venir au Canada. Ce système a permis aussi à certains membres de la famille élargie de venir. Mais comme le système de points a également été annulé, les frères et soeurs doivent maintenant venir comme immigrants indépendants, sans les points supplémentaires. Le simple élargissement de la famille pour inclure les frères et soeurs serait une bonne chose.

    Je mentionnerais également une étude qui a été réalisée par le professeur James, il y a des années. Je ne me souviens pas de son nom exact, mais il parlait de la famille de facto ou famille de fait. Il s'agit des gens qui ont vécu ensemble comme une famille. C'est un concept également très utile.

+-

    Mme Amy Casipullai: Je dois dire que j'ai bénéficié du programme de parents aidés. J'étais une réfugiée, mais c'est de cette façon que j'ai pu entrer au Canada.

    Pour répondre à votre question, le CCR ne croit pas nécessaire de réformer le système à l'égard des réfugiés. La façon dont il est administré pose certainement un certain nombre de difficultés, mais à part quelques problèmes importants, notamment la question des appels, le système est excellent et jouit d'une bonne réputation au niveau international, malgré les critiques que nous avons reçues du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, par exemple. Et c'est à cause de l'audience devant un tribunal quasi judiciaire, de la commission d'un seul membre, etc.

    C'est en septembre 2002 que nous avons entendu parler pour la première fois d'une réforme du système à l'égard des réfugiés. C'était il y a plus de deux ans. Depuis, le ministre et divers analystes politiques et bureaucrates en ont souvent parlé, mais cela n'a débouché sur rien de concret. Ce que je trouve regrettable c'est qu'on ait relié cette question aux préoccupations qui ont surgi depuis au sujet de la sécurité. La ministre en a parlé plus en détail dans un discours du 11 mai. Pratiquement tout ce qu'elle a dit visait à réduire les droits des réfugiés pour les empêcher d'arriver au Canada ou pour les renvoyer le plus vite possible.

    Le nombre de demandes d'asile que la CISR reçoit a beaucoup baissé depuis quatre ou cinq ans. Avec la mise en oeuvre de l'entente sur le pays tiers sûr, il va baisser encore plus. Nous trouvons vraiment regrettable que la réforme du processus du détermination du statut de réfugié soit envisagée dans ce contexte. La priorité devrait être d'établir la Section d'appel des réfugiés. Nous avons un système. Arrangeons-nous pour qu'il fonctionne.

À  +-(1000)  

+-

    M. Bill Siksay: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

+-

    Le président: Vous avez deux minutes.

+-

    M. Bill Siksay: Très bien, je vais les utiliser.

    Sanjiv et d'autres ont soulevé la question de la régularisation. Pourriez-vous nous dire exactement comment vous envisager cela et préciser davantage ce qu'il faudrait proposer à cet égard.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Oui, il y a deux questions interreliée, celle de la Section d'appel des réfugiés et celle de la régularisation. La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déclaré à plusieurs reprises que l'argent était le principal problème qui empêchait la mise en place de la Section d'appel des réfugiés. Nous avons une solution bien simple : si vous régularisez la situation des gens sans statut, ils participeront à l'économie, ils rapporteront d'importantes recettes fiscales et tout cet argent pourra servir à mettre en place la Section d'appel des réfugiés. C'est une simple proposition.

    Le plus important est qu'un programme de régularisation devrait être inclusif au lieu d'exclure certaines personnes. C'est une des choses les plus importantes dont on a discuté à la conférence. D'autre part, les gens estiment qu'il ne faudrait pas qu'on accepte seulement une personne sur 50. Il faudrait que ce soit inclusif.

    Bien entendu, nous nous soucions de la criminalité et des autres problèmes de ce genre. Ceux qui représentent une menace sérieuse pour la sécurité nationale ne doivent pas être autorisés à rester au Canada. Nous partageons les préoccupations de tous les Canadiens. Mais il ne faudrait pas expulser les gens, il faudrait pas les renvoyer à cause d'une erreur mineure qu'ils ont commise. Oui, le vol à l'étalage est répréhensible, et nous ne voulons pas l'encourager, mais ce n'est pas une raison pour expulser une personne.

    Merci beaucoup.

+-

    Mme Amy Casipullai: Pourrais-je ajouter rapidement quelque chose?

    Une des questions sur lesquelles le CCR s'est penché, parce que CIC et le gouvernement du Canada l'ont déjà fait avant, c'est la possibilité d'examiner le cas des personnes qui sont ici et dont la demande a été rejetée pour une raison quelconque, mais qui sont originaires de pays vers lesquels on ne peut pas les renvoyer à cause de ce qui pourrait leur arriver. Il y a au Canada de nombreuses personnes qui entrent dans cette catégorie. Il faudrait peut-être commencer par là, par voir qui cela toucherait.

+-

    Le président: Merci. Vous êtes dans les temps.

    Monsieur Anderson.

+-

    L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci beaucoup.

    Je voudrais d'abord remercier les témoins qui sont venus aujourd'hui pour la contribution très importante qu'ils ont faite aux travaux du comité.

    Mon premier contact avec le système date de 1984, lorsque j'étais membre de l'ancienne Commission d'appel de l'immigration et je suis donc au courant de ce qui s'est passé depuis 20 ans. Je dirais que le processus fonctionne assez bien lorsque le statut de réfugié est clair. Par exemple, le cas des réfugiés ismaïliens dont un député conservateur a parlé ce matin a abouti parce que les choses étaient claires. Même si certains d'entre eux voulaient améliorer leur situation économique, il s'agissait certainement de réfugiés, et ils répondaient aux critères.

    C'était la même chose pour les réfugiés hongrois en 1956. La situation était la même quand la gouverneure générale est arrivée ici au début des années 40. En fait, elle est née à Hong Kong et ma soeur appartenait exactement à la même catégorie de réfugiés lorsqu'elle est arrivée au Canada, à un jeune âge, pendant la guerre.

    Par conséquent, quand il est clair que nous nous trouvons devant des réfugiés, le Canada n'a pas vraiment de problème à régler leur cas et la tradition se poursuit. Ce qui m'inquiète toutefois, même si vous avez fait d'excellents commentaires, c'est que tout cela ne représente que le sommet de la montagne ou, pour utiliser une autre métaphore, les arbres et non pas la forêt. Depuis plus de 20 ans que je m'intéresse à la question, j'ai constaté qu'on déployait des efforts pour s'occuper des arbres. Tous ces efforts ont échoué. Bien entendu, c'est la raison pour laquelle vous êtes de retour ici. Si nous avions réussi par le passé, vous ne seriez pas là.

    En réalité, la question est de savoir comment distinguer les migrants économiques qui cherchent à profiter indûment des systèmes mis en place à l'intention des réfugiés pour venir au Canada, ce qui entraîne énormément de dépenses, de retards et de souffrances pour les véritables réfugiés. Voilà le problème que je vois. Je vous demanderais donc de prendre le problème par l'autre bout et de réfléchir aux difficultés des réfugiés, pour voir comment ceux qui gèrent le système peuvent mieux en écarter les migrants économiques.

    Il ne sert à rien de s'en prendre à la Commission, comme l'a dit quelqu'un. En fait, je vous remercie beaucoup d'avoir dit, monsieur Kumar, que ce n'est pas nécessairement le système de nomination des politiciens ou les qualifications des avocats qui posent un problème. Ce n'est pas vraiment ce genre de choses. Ce n'est pas vraiment la fonction publique, me permettrais-je de vous dire. Ce n'est pas vraiment la loi. Ce n'est pas vraiment le manque de procédure d'appel. C'est quelque chose de plus fondamental, à savoir que dès que vous mettez ce genre de système sur pied, les gens s'y précipitent.

    Je vous demande donc seulement de regarder les choses par l'autre bout de la lorgnette et de me dire comment nous pouvons remédier à cela.

À  +-(1005)  

+-

    M. Sanjiv Kumar: Ma réponse sera très simple. Les gens ont des droits au niveau international. L'un des principaux droits est celui de quitter son pays et de demander asile. Tout le monde a ce droit.

    La loi prévoit des procédures et elles devraient être justes et équitables. C'est tout. Si les gens arrivent au Canada, ils devraient être traités équitablement. Un faux réfugié devrait certainement être écarté du processus. Mais notre système ne doit pas paraître injuste. Tout le monde a le droit de quitter son pays et c'est donc sous cet angle que je considère tout cette question.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Me permettez-vous de dire rapidement quelques mots?

    Il est naïf de croire qu'au Canada les considérations économiques n'influent pas sur le système de détermination du statut de réfugié. Par exemple, si vous prenez la gouverneure générale, elle est arrivée à une époque où le Canada n'acceptait pas d'immigrants chinois. Entre 1923 et 1947, moins de 50 Chinois ont pu entrer au pays. C'était donc une époque où ne laissions pas les réfugiés chinois entrer au Canada. La gouverneure a pu venir parce que son père travaillait au consulat canadien à Hong Kong, en tant que réfugiée, bien entendu. Toutefois, des milliers d'autres réfugiés chinois n'ont pas pu venir. Pendant la même période, nous avons refoulé des réfugiés juifs qui fuyaient les persécutions en Allemagne.

    Il est donc naïf de croire que notre système fait vraiment une distinction entre les considérations politiques et les considérations économiques. C'est toujours un problème. Dans le cas des gens qui migrent pour des raisons économiques, il est difficile de séparer les facteurs politiques des facteurs économiques. Mais même si nous les séparons, nous pouvons nous demander pourquoi certains migrants économiques ne sont pas acceptés. C'est parce que notre système d'immigration est un système élitiste. Nous ne voulons pas des gens qui n'ont pas de compétences particulières, même si nous les faisons travailler. Ils viennent ici comme travailleurs migrants. Ils n'ont aucun droit et travaillent parfois dans la construction, dans les usines ou ailleurs. S'ils avaient la possibilité de venir comme immigrants, ils n'essaieraient pas de venir comme réfugiés.

+-

    M. Nick Summers: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec certaines de vos hypothèses de départ. Le fait est que la plupart des gens qui viennent au Canada comme demandeurs d'asile ne sont pas de mauvaise foi. Nous pouvons décider en fin de compte qu'ils ne sont pas admissibles au statut de réfugié, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont venus en se disant qu'ils allaient profiter de ces braves gens qui ont des règles stupides. La plupart d'entre eux pensent être persécutés.

    Il ne suffit pas de dire : « Vous venez parce que vous êtes pauvre et vous n'êtes donc pas un réfugié. » Ces gens sont peut-être pauvres parce qu'ils appartiennent à une race ou à une tribu qui est victime de discrimination dans leur pays d'origine. Il se peut qu'ils viennent chez nous parce qu'on ne les autorise pas à faire des études en raison de leurs opinions politiques et c'est pour cela qu'ils sont pauvres, etc.

    Ces questions n'ont rien de simple. La majorité des gens qui viennent demander asile au Canada cherchent vraiment un refuge. Il se peut qu'après avoir étudié leur dossier, nous déclarions qu'ils ne répondent pas à notre définition d'un réfugié. Malheureusement, nous ne pouvons pas accueillir toutes les personnes qui ont besoin d'assistance dans le monde. Nous ne pouvons pas accepter tout le monde, car notre capacité d'accueil est limitée. Nous avons donc une définition à laquelle il faut correspondre. Mais nous avons un processus pour l'examen des demandes. Nous avons la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui fait un excellent travail de sélection.

    La Commission pose des problèmes au niveau du processus de nomination et surtout de la procédure d'appel, mais nous avons un système qui fonctionne bien. Malheureusement—et c'est la raison pour laquelle les mesures de renvoi prennent autant de temps—la coordination laisse à désirer. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié fait de son mieux avec les ressources dont elle dispose, mais elle manque constamment de ressources ou les nominations ne sont pas faites. CIC met des bâtons dans les roues de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié la moitié du temps. Comme plusieurs rapports en ont fait état, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration s'est donné la répression pour mission. Il garde jalousement les portes du pays. Il considère que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié cherche à laisser passer tout le monde. Il y a des querelles internes.

    La procédure en place pour le suivi des demandes d'asile qui ont été rejetées laisse beaucoup à désirer et manque largement de ressources.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Monsieur Summers, votre temps de parole est écoulé.

+-

    M. Nick Summers: Quelqu'un va peut-être me demander de continuer.

+-

    Le président: Nous allons passer à Mme Guergis, pour un tour de cinq minutes.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Bonjour et merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui. Je l'apprécie.

    J'ai jeté un coup d'oeil sur un document qui m'a été remis. Il émane du Conseil canadien pour les réfugiés et s'intitule « Plus qu'un cauchemar ». D'après ce que je peux lire ici, ce doit être très frustrant. Je ne peux pas imaginer ce que ce serait d'être séparée de ma famille pendant aussi longtemps.

    Il y a tellement d'examens à subir, comme les examens médicaux ou différents rapports qu'il faut attendre. Je voudrais savoir pourquoi tout cela ne peut pas être fait simultanément afin qu'on n'ait pas à courir à gauche et à droite? J'espère que quelqu'un pourra m'éclairer à ce sujet.

    D'autre part, à la dernière page de votre mémoire, vous dites en conclusion « Que les conjoints et les enfants des personnes reconnues réfugiées au Canada soient immédiatement ramenés au Canada, afin que leur dossier soit traité ici ». Combien de personnes cela représente-t-il? Avez-vous une idée du nombre de personnes dont vous parlez?

    J'ai travaillé au niveau provincial et je me souviens qu'à plusieurs reprises, le gouvernement ontarien s'est plaint que le gouvernement fédéral ne lui donnait pas les ressources voulues pour s'occuper des nouveaux Canadiens. Je me demande donc combien de personnes cela représente, et si vous avez chiffré les coûts supplémentaires que cela imposerait aux services sociaux afin que nous ayons une idée de l'ampleur du problème.

+-

    M. Nick Summers: Malheureusement, je ne peux pas vous citer de chiffres. Nous n'avons pas pu les établir. Nous savons qu'environ 10 000 à 15 000 personnes obtiennent le statut de réfugié chaque année. Ce nombre est en baisse parce qu'il y a moins de gens qui viennent au Canada. Mais si vous supposez que la moitié d'entre eux ont une famille qu'ils veulent faire venir et que chaque famille compte en moyenne trois personnes, cela donne sans doute aux alentours de 20 000 personnes par année.

    Je reconnais que cela pose souvent un problème financier. Il doit y avoir des négociations entre les provinces et le gouvernement fédéral. Même si le système d'accueil des réfugiés est, bien entendu, une responsabilité qui incombe au gouvernement fédéral et si ce dernier verse des sommes importantes, les provinces ont un rôle à jouer en ce qui concerne les soins médicaux, l'éducation, etc. Mais ce sont des gens qui vont venir de toute façon. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une nouvelle catégorie de nouveaux arrivants. Il coûte moins cher de les faire venir maintenant que de les laisser attendre deux ou trois ans.

    En ce qui concerne la santé, si vous laissez ces familles vivre dans un camp de réfugiés ou dans des conditions, où elles ne reçoivent pas de bons soins médicaux, où il y a des maladies, etc., elles risquent davantage d'arriver chez nous avec des maladies chroniques qui exigeront davantage de soins médicaux. Sur le plan de l'éducation, plus vous laissez les enfants longtemps sans éducation, plus il est probable qu'à leur arrivée au Canada, ils auront besoin d'une aide spéciale pour rattraper leurs condisciples. Nous le constatons déjà. Les provinces doivent investir de grosses sommes d'argent dans des programmes d'éducation spéciale et de rattrapage pour ces enfants.

    Il y a aussi un coût qu'on ne peut même pas chiffrer, un coût intangible. Une famille peut commencer beaucoup plus rapidement à contribuer à l'économie canadienne, à payer des impôts, si elle est réunie et peut reprendre une vie normale. Ce sont des choses très difficiles à chiffrer.

    Vous avez également demandé la raison de ces retards. Ils sont dûs en partie au manque de ressources à l'étranger. Le Canada n'investit pas suffisamment d'argent dans ses bureaux des visas à l'étranger. Ces bureaux n'ont tout simplement pas le personnel nécessaire pour traiter les demandes simultanément. Quelqu'un va vous dire d'aller subir votre examen médical et, six mois plus tard, on réexaminera votre dossier et on vous dira qu'on a également besoin de votre contrôle sécuritaire. C'est une des raisons pour lesquelles nos estimons que ces formalités devraient être remplies au Canada, car elles pourraient toutes être réglées en même temps.

    Un autre problème—qui a déjà été mentionné—est que le gouvernement a décidé que l'immigration serait à 60 p. 100 économique et à 40 p. 100 humanitaire. Il arrive souvent que le quota soit atteint. Comme les 40 p. 100 sont déjà atteints pour l'année, le regroupement familial retombe au bas de la pile et la priorité est donnée à l'immigration économique. C'est seulement quand commence le nouveau exercice financier que le traitement de ces demandes reprend. La validité des examens médicaux est alors expirée, celle des contrôles sécuritaires aussi et le cycle recommence.

À  +-(1015)  

+-

    Mme Amy Casipullai: Si vous me permettez d'ajouter un mot très rapidement, en fait, je viens de l'Ontario. Je travaille aussi pour l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants et la question que vous soulevez au sujet des ressources en est une que nous connaissons bien. Oui, le manque de ressources pose un problème et je crois que c'est vrai un peu partout au Canada. Mais nous devons aussi examiner les coûts à long terme au niveau provincial et municipal.

    Je ne parle pas au nom des provinces ou des gouvernements municipaux, mais c'est une question sur laquelle nous nous sommes penchés au niveau du budget municipal. Plus une famille tarde à se regrouper, plus cela coûte cher à la ville ou à la municipalité et à la province. Les services dont ces personnes ont besoin pour retomber sur leurs pieds et commencer à fonctionner comme membres de la société coûtent extrêmement cher. C'est tout à fait ridicule. Plus tôt les familles sont regroupées, moins elles dépendent de services comme le Canadian Centre for Victims of Torture qui doivent s'occuper de beaucoup plus de gens que si les immigrants avaient leur famille avec eux pour les soutenir.

    Le coût est donc un argument insidieux. Tout dépend comment vous voyez les choses, mais si les demandes des familles étaient traitées ici, je crois que le Canada économiserait énormément à long terme.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Vous êtes tout à fait dans les temps.

    Monsieur Temelkovski.

+-

    M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Je voudrais aussi remercier nos témoins d'être venus ce matin.

    La situation des réfugiés n'est jamais facile. Dans certains cas, cela marque les gens pour le reste de leur vie. Des gens perdent la vie en devenant des réfugiés.

    Je voudrais demander à nos témoins de nous dire quels sont les problèmes qu'ils voient en ce qui concerne l'entente sur les tiers pays sûrs, comment ils envisagent cette politique et s'ils voient des possibilités d'amélioration.

    Deuxièmement, vous vous occupez de réfugiés qui viennent à votre bureau une première fois et qui reviennent vous voir lorsque leur demande a été rejetée et qu'ils doivent repartir. Comment contribuez-vous à sauvegarder la tradition canadienne en aidant les réfugiés, en renvoyant certains d'entre eux dans leur pays parce qu'ils n'ont pas obtenu une réponse positive à leur demande?

+-

    M. Nick Summers: Je vais répondre à la question concernant l'entente sur les tiers pays sûrs et je laisserai mes collègues répondre à l'autre question. Du point de vue du CCR, la meilleure façon d'améliorer cet accord serait de s'en débarrasser. Nous ne pensons pas que les États-Unis soient un pays tiers sûr. Nous avons un certain nombre d'objections quant à la façon dont les États-Unis traitent les demandeurs d'asile. Un trop grand nombre d'entre eux sont mis en détention. La façon dont les États-Unis traitent les femmes et les enfants laisse énormément à désirer. Par exemple, si vous avez vécu dans le pays pendant plus d'un an, vous ne pouvez pas y demander le statut de réfugié. De nombreuses personnes n'ont pas de raison de demander ce statut lorsqu'elles arrivent pour la première fois dans un pays. Elles arrivent comme étudiants ou comme visiteurs et pendant qu'elles se trouvent dans le pays, des événements qui surviennent chez elles les empêchent d'y retourner. Ces personnes ont besoin de l'asile qu'elles pourraient obtenir ici au Canada, du moins d'après notre législation et nos précédents. Pourtant, elles ne seront pas autorisées à venir au Canada à cause de l'entente sur les pays tiers sûrs. Aux termes des obligations internationales que nous confère la Convention sur les réfugiés et plusieurs autres accords que nous avons signés, les réfugiés ont le droit de demander asile dans le pays de leur choix, là où ils se sentent en sécurité, et non pas là où on leur dit d'aller. Nous croyons que nous trahissons nos obligations internationales en les empêchant d'entrer au Canada.

    Sur le plan pratique, nous nous inquiétons très sérieusement de la façon dont ce système va fonctionner. Cet accord prévoit un certain nombre d'exceptions. Par exemple, si vous arrivez à la frontière canado-américaine et que vous annoncez votre intention de demander le statut de réfugié, si vous avez un frère ou une soeur qui est un résident permanent au Canada, on est censé vous laisser entrer au Canada pour revendiquer le statut de réfugié. Malheureusement, il n'y a pas de procédure d'appel. Si l'agent d'immigration que vous rencontrez à la frontière dit qu'il ne vous croit pas et que vous devez repartir, tant pis pour vous. Même si vous revenez le lendemain avec un échantillon d'ADN et la photo de votre frère et vous en train de célébrer votre deuxième anniversaire, c'est trop tard. La loi dit que vous pouvez faire une seule demande d'asile au Canada au cours de votre vie et vous avez déjà fait cette demande la veille. Il n'y a aucun moyen de remédier à la situation.

    Nous craignons fort que les personnes qui savent que les exceptions à l'entente sur les pays tiers sûrs ne s'appliquent pas à elles ne se présenteront pas à la frontière. Elles s'adresseront à des passeurs, elles essaieront de traverser la rivière à la nage, de se cacher dans le coffre d'une voiture et nous craignons fort que des gens vont mourir. C'est ce qui se passe à la frontière mexicaine et aux frontières de divers pays du monde.

    Au lieu que ces personnes arrivent au Canada, se présentent à la frontière où on prendra leur photo et leurs empreintes digitales et où on leur indiquera les formalités à remplir pour demander le statut de réfugié, nous les obligeons à se faufiler illégalement et nous ne les verrons peut-être jamais. Nous allons nous retrouver avec des gens sans statut juridique et nous ne saurons même pas qu'ils sont là. Nous ne voyons pas en quoi cela réglera les problèmes de sécurité. Cela ne réglera certainement pas les problèmes humanitaires.

    Je vais m'arrêter là, car je sais que nous n'avons que peu de temps.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Il ne reste pas de temps pour la deuxième partie.

+-

    M. Nick Summers: Désolé.

+-

    Le président: Mme Faille va peut-être vous tendre une perche.

+-

    Mme Meili Faille: Je ne sais pas si je peux vous tendre une perche, mais je voudrais aussi vous poser une question sur les personnes qui se sont réfugiées dans une église. Dites-nous si le système d'appel des réfugiés leur aurait donné la possibilité d'apporter des faits nouveaux ou aurait permis de résoudre certains des problèmes que nous connaissons actuellement.

    Allez-y, nous n'avons que quelques minutes.

+-

    M. Nick Summers: Je serai bref, car je sais que d'autres que moi désirent également la parole.

    Le CCR n'emmène pas les gens se réfugier dans des églises, je tiens à bien le préciser. Toutefois, nous sympathisons avec les groupes qui le font, car nous savons, pour leur avoir parlé, qu'ils agissent ainsi parce qu'ils estiment que ces personnes n'ont pas été traitées équitablement au Canada. Leurs demandes d'asile sont rejetées pour des raisons que toute personne sensée qualifierait d'injustes, et elles n'ont pas bénéficié d'une procédure équitable.

    Je sais, pour avoir parlé aux groupes confessionnels, que s'il y avait eu une procédure d'appel, ils n'auraient pas été aussi portés à emmener les gens se réfugier dans des églises et je ne pense pas que nous nous retrouverions dans cette situation. Je ne prétends pas que le problème disparaîtrait complètement, je ne suis pas naïf, mais je suppose que les cas seraient moins nombreux et que les choses seraient beaucoup claires.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Je voudrais dire que la meilleure solution dans les circonstances actuelles, et aussi la plus simple et la plus économique, est de régulariser la situation des gens, d'avoir une section d'appel, d'améliorer les recours juridiques, de rendre le système plus juste afin qu'au bout de cinq ou 10 ans nous n'ayons pas à régulariser la situation d'autres personnes.

À  +-(1025)  

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je vais essayer de répondre à la deuxième partie de votre question. Vous me demandez si nous allons aider les clients qui viennent nous voir, parce que leur demande d'asile a été rejetée, à retourner dans leur pays d'origine. Les clients qui viennent nous voir sont généralement des gens qui se trouvent coincés pour les diverses raisons dont on a déjà parlé, parce qu'il n'y a pas de procédure d'appel, parce que le processus est injuste, parce qu'il n'y a pas de procédure équitable, etc.

    Je dirais que les clients que nous voyons sont des gens qui ne devraient pas retourner dans leur pays d'origine. Je pense que je respecte la tradition canadienne en essayant de voir s'il n'existe pas d'autres moyens pour eux de rester au Canada. La seule solution que nous avons actuellement est l'examen des risques avant renvoi, pour lequel le taux de succès est de 3 p. 100, ou les demandes pour des raisons d'ordre humanitaire, dont le taux de succès est d'environ 5 p. 100. Voilà pourquoi nous sommes ici pour parler de la régularisation et de la procédure d'appel.

+-

    Le président: C'est au tour de la Dre Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Je tiens à vous remercier tous d'être venus. Je suis très impressionnée par les personnes qui se trouvent dans la pièce et je tiens à dire que M. Summers a su présenter toute cette question dans une perspective que je crois importante. De toute évidence, vous comprenez parfaitement le système.

    Certains des problèmes dont vous avez parlé viennent certainement du fait que la CISR fonctionne bien, mais qu'il y a les questions dont M. Anderson a parlé, à savoir qu'elle est la définition d'un réfugié, qu'est-ce qu'un migrant économique, que recherchent les gens qui viennent ici pour avoir une vie meilleure? Cela résume, je pense, la situation devant laquelle se trouve le gouvernement et le ministre. Nous voyons les quatre systèmes, soit le système d'immigration, le système des réfugiés, le système des visas de visiteurs et le système des travailleurs temporaires entrer en conflit les uns avec les autres, ce qui crée des problèmes et des engorgements. Nous devons nous pencher sur les moyens de résoudre certains des problèmes bien réels dont vous avez parlé et trouver des solutions pour combler le besoin bien réel , comme vous l'avez dit, de faire venir des travailleurs de la construction ou des gens qui restent en marge du marché du travail. Comment les faire venir autrement qu'au moyen d'un système qui n'est pas le bon. Il faudrait trouver des moyens de réformer nos systèmes.

    Bien entendu, je suis prête à écouter tous les autres avis, mais j'aimerais particulièrement que vous répondiez à cela, monsieur Summers. Étant donné l'accumulation énorme de demandes en attente, même si elles ont été déposées récemment, du fait que la Commission a modifié certaines de ses méthodes de travail, comment pensez-vous que nous pourrions résoudre certains de ces problèmes de façon pratique? Si vous avez soudainement un énorme afflux de gens, les provinces ne peuvent pas toujours répondre aux besoins sur le plan de l'aide sociale et de la santé, si bien qu'on ne peut pas faire entrer tout le monde dans le système immédiatement. Quelles sont les solutions pratiques à envisager pour résoudre certains des problèmes bien réels dont vous avez parlé aujourd'hui?

+-

    M. Nick Summers: Tout cela en cinq minutes.

À  +-(1030)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: En moins de cinq minutes. C'est un sérieux défi pour un avocat.

+-

    M. Nick Summers: Permettez-moi de faire quelques distinctions. Il y a une différence énorme entre les réfugiés qui sont parrainés par le gouvernement ou par des particuliers et ceux qui font leur demande lorsqu'ils sont au Canada. Dans ce dernier cas, ce sont eux qui prennent cette décision et il est impossible de faire des prévisions à long terme étant donné qu'on ne sait jamais exactement combien il y aura de demandes. Les chiffres ont baissé énormément ces dernières années; ils ont pratiquement diminué de moitié depuis trois ans. Il n'y a eu que 24 000 à 25 000 demandes cette année contre 50 000 il y a trois ans.

    Quant aux solutions pratiques, je ne pense pas que vous puissiez accélérer beaucoup plus la procédure de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En fait, elle travaille de façon assez efficace. Il y a certains problèmes dus au fait que beaucoup de gens ont présenté leur demande à Toronto plutôt qu'ailleurs et qu'il faut donc réaligner les ressources, mais en général, la Commission fonctionne bien et entend les causes dans un délai de six, huit ou neuf mois, ce qui est mieux que dans la plupart des autres pays.

    À part cela, il y a plusieurs choses que nous pouvons faire. Nous pourrions mettre en place une procédure d'appel, car cela va accélérer les choses. Pour le moment, nous perdons énormément de temps avec les appels à la Cour fédérale, les demandes d'examen des risques avant renvoi, les demandes pour des raisons humanitaires. Pour ce qui est des raisons humanitaires, cet examen pourrait être fait avant le début de la procédure de détermination du statut de réfugié ou parallèlement à ce système. C'est ce qui a été suggéré au ministère. De nombreuses personnes qui ne sont pas admissibles comme réfugiés le seraient pour des raisons humanitaires, mais le système est conçu de telle façon que nous les invitons pratiquement à commencer par demander le statut de réfugié. Le système d'examen des risques avant renvoi ne devait pas être un processus long et compliqué. Il faut mettre en place une procédure d'appel afin que l'examen des risques avant renvoi devienne la procédure rapide et expéditive qu'il devait être. Si les gens ont la possibilité d'interjeter appel, ils n'auront plus à consacrer beaucoup de temps et d'efforts à aller devant la Cour fédérale, ce qui est un processus extrêmement lent. Si la Cour fédérale savait qu'une procédure d'appel existe, elle pourrait rejeter davantage de requêtes en autorisation. Pour le moment, la Cour se considère comme le seul recours et accepte donc de nombreuses causes qu'elle devrait rejeter. Je travaille dans une commission d'aide juridique provinciale et je peux dire que les appels à la Cour fédérale seraient autorisés moins souvent s'il y avait une procédure d'appel.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Grewal.

+-

    Mme Nina Grewal (Fleetwood—Port Kells, PCC): Merci, monsieur le président.

    Je voudrais remercier les témoins d'avoir pris le temps de venir ici. Vos exposés nous ont certainement été très utiles.

    J'ai sous les yeux un document qui mentionne les raisons des retards dans le regroupement familial des réfugiés. Environ 80 p. 100 des cas prennent plus de 26 mois, mais il faut refaire l'examen médical au bout d'un an, sans compter les autres retards. De nombreux réfugiés n'ont pas les preuves qu'on leur demande et tous les documents à produire retardent les choses. La quatrième raison est que les tests d'ADN représentent des coûts importants à assumer par les réfugiés. Pour ce qui est de la cinquième raison, le ministère a des exigences inutiles et qui sèment la confusion. La sixième raison est que les contrôles de sécurité prennent trop de temps. La septième raison est l'incapacité de parler avec le représentant de CIC; le réfugié ne parle pas l'anglais et cela cause un retard.

    Tout cela a certainement de graves conséquences pour les familles. Que peut faire le gouvernement pour accélérer le traitement de ces cas?

+-

    M. Sanjiv Kumar: Une solution très simple est de faire venir les gens et de traiter leur dossier ici-même. La demande de résidence permanente d'un réfugié qui se trouve ici est traitée au Canada. Pourquoi ne pas en faire autant pour sa famille? S'il y a des problèmes, cela pourra être vérifié. C'est la façon la plus facile et la plus simple.

+-

    M. Nick Summers: Je pourrais peut-être répondre également à cela brièvement.

    Comme l'a dit Sanjiv, lorsque le réfugié est déjà au Canada, la solution la plus facile et la plus rapide serait de faire venir les membres de sa famille au Canada, car la majorité des gens dont nous parlons sont des enfants. Ce sont les enfants et les conjoints des demandeurs d'asile, qui ne posent pas de problème pour la sécurité.

    Un terroriste qui voudrait venir au Canada trouverait des moyens plus rapides et plus efficaces d'entrer au pays que de vivre plusieurs années dans un camp de réfugiés dans l'espoir qu'un parent le parrainera pour aller au Canada. Ces gens finissent par venir au Canada de toute façon. En fait, nous les parquons à l'étranger jusqu'à ce que nous ayons les moyens de les faire venir.

    Si nous les faisons venir tout de suite, bien entendu, leur nombre doublera la première année. Cela représentera certaines dépenses, car au lieu que ces personnes attendent deux ou trois ans avant de venir, elles arriveront immédiatement. Par la suite, nous aurons seulement le nombre normal d'arrivants chaque année. Le nombre global n'augmentera pas.

    D'autres objections ont été soulevées. Au moins une personne à cette table m'a posé la question à l'occasion d'une réunion précédente : Et s'ils apportent des maladies? Des visiteurs arrivent au Canada. Des centaines de milliers de gens arrivent au Canada chaque année. Nous ne les obligeons pas à rester un an à l'étranger pendant qu'ils subissent des examens médicaux. Nous avons un excellent système de santé publique. Si c'est une source d'inquiétude importante, nous pourrions avoir des centres d'examen où les gens passeraient un jour ou deux avant de pouvoir circuler librement.

    Comme je l'ai dit, la sécurité ne pose pas vraiment de problème. Des centaines de milliers de gens arrivent au Canada. Nous pouvons faire des contrôles de sécurité ici-même, sans obliger ces gens à vivre dans des conditions déplorables et sans forcer les réfugiés qui se trouvent au Canada à vivre sans leur famille et dans l'incertitude.

    Il y a donc beaucoup de choses que nous pouvons faire.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Silva.

+-

    M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci.

    Pour la plupart, nous serons sans doute d'accord pour dire que nous avons un des meilleurs systèmes au monde, en ce qui concerne tant l'immigration que les réfugiés. Cela ne veut pas dire que le système ne peut pas être amélioré. Notre rôle est certainement de veiller à nous doter d'un système encore meilleur.

    Une chose qui m'inquiète beaucoup—et dont les médias ont beaucoup parlé—c'est que tout cela semble varier d'une province à l'autre et que l'acceptation d'une demande d'asile dépend de l'endroit où la demande est faite et de la personne qui préside le tribunal. Cela m'inquiète énormément et j'essaie de comprendre. Connaissant la nature humaine et la limitation de ce système comment pouvons-nous l'améliorer si nous continuons à nommer des gens à qui nous donnons carte blanche pour prendre des décisions?

+-

    M. Nick Summers: Je suis désolé de revenir constamment sur le sujet, mais une solution très rapide et très simple serait la mise en place d'une procédure d'appel. Un des objectifs de la Section d'appel des réfugiées était de créer une jurisprudence qui serait contraignante pour la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cette dernière—et je le sais pour avoir parlé avec ses dirigeants—s'inquiète beaucoup du manque d'uniformité. Elle a essayé d'émettre des directives et diverses solutions, mais il y a là un grand nombre de personnes qui sont mandatées par le Cabinet et non pas par un directeur qui les emploie.

    Si nous créons une section d'appel en précisant bien que ses décisions doivent être appliquées aux cas similaires, nous obtiendrons beaucoup plus d'uniformité à l'échelle du pays. C'est ce que nous constatons dans le système judiciaire. Dans les affaires pénales, familiales, etc., la jurisprudence rend le système plus équitable. Il s'agit donc d'une solution rapide et facile.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer à M. Siksay.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Comment pensez-vous que les responsabilités de l'Agence des services transfrontaliers du Canada vont se répercuter sur le processus de détermination du statut de réfugié étant donné que c'est l'Agence qui se chargera du traitement initial des demandes aux points d'entrée. L'Agence a comparu devant le comité au début de la semaine, et quand j'ai posé la question aux fonctionnaires de Citoyenneté et Immigration et à ceux de l'Agence, ils m'ont dit qu'ils n'avaient constaté aucun changement.

    Il y a une différence entre les gens qui font leur demande à l'intérieur du pays et ceux qui la font à la frontière. Ce sont des organismes différents qui reçoivent leur demande. Je suis donc curieux de savoir ce que vous en pensez.

+-

    M. Nick Summers: Je suis désolé d'accaparer la parole, mais mes collègues pourront peut-être intervenir.

    Nous avons des inquiétudes. Pour le moment, ce sont les mêmes personnes qui travaillent pour des organismes différents et la façon dont les gens sont traités ne devrait donc pas beaucoup changer. On continue d'exiger la même chose des personnes qui se présentent à la frontière, du moins pour le moment. En fait, il y a simplement eu un changement d'uniforme.

    Nous craignons qu'à l'avenir, quand la façon de faire des deux organismes va évoluer, l'Agence des services transfrontaliers considère que son rôle est de fermer la porte, contrairement à un agent d'immigration qui considère peut-être que son rôle est d'aider les gens à entrer. Comme je l'ai dit, selon certaines études, le ministère de l'Immigration se voit dans un rôle répressif. Dans quelle mesure les choses vont-elles empirer lorsque ces agents feront partie d'un organisme dont le rôle est de faire appliquer la loi? Nous craignons que la situation s'aggrave.

    Je dirais seulement que ce changement a des conséquences parce que les demandeurs d'asile peuvent être refoulés à la frontière. Nous l'avons déjà constaté dans certains cas. Des gens arrivent à la frontière pour revendiquer le statut de réfugié, mais ils rencontrent un agent qui les en dissuade ou qui les induit carrément en erreur au sujet de leurs droits. Avant qu'ils aient le temps de réagir, ils se retrouvent sur le chemin des États-Unis où nous apprenons qu'ils sont en détention. Nous craignons que cela se produise plus souvent à l'avenir.

À  +-(1040)  

+-

    Mme Amy Casipullai: J'ajouterais très rapidement que nous devrions aussi voir cela dans le contexte de la mise en oeuvre immédiate de l'entente sur les pays tiers sûrs, le 29 décembre, qui aggravera la situation. Nous parlons de la frontière terrestre entre les États-Unis et le Canada et c'est l'ASFC qui sera chargée du traitement des demandes d'asile à la frontière.

    Comme Nick l'a déjà souligné, le Canada agit déjà comme si l'accord était en place, car il refoule des réfugiés. Ils arrivent à la frontière, mais on ne les autorise pas à présenter leur demande immédiatement; on leur indique la date à laquelle ils pourront se représenter. Il faut donc qu'ils aient des ressources pour retourner aux États-Unis, y séjourner et pouvoir revenir. Dans certains cas, des membres du CCR ont constaté, je crois, que ces personnes finissent par se retrouver en détention aux États-Unis et qu'il est alors impossible de retrouver leur trace. Même si elles réussissent à obtenir une aide juridique, une fois qu'elles se perdent dans le système, cela devient très difficile.

    Pour en revenir à la question de l'ASFC, nous nous demandons comment les renseignements sont fournis aux personnes qui se présentent à la frontière? Comment l'Agence compte-t-elle procéder? Au cours des rencontres que nous avons eues avec les représentants de l'Agence jusqu'ici, on n'a pas pu nous dire clairement quelles étaient les fonctions qui seraient remplies par l'ASFC et par CIC.

+-

    M. Sanjiv Kumar: En ce qui concerne l'ASFC, de nombreux agents d'immigration sont inquiets. Nous avons eu nous-mêmes affaire à eux, ainsi que de nombreuses personnes qui sont présentes dans l'auditoire. Nous travaillons à un livre. Il s'intitule Brutal and Important et dénoncera de nombreux faits. La possibilité de prendre la parole ici aujourd'hui nous a donné une idée et nous serons en mesure de fournir des renseignements complémentaires aux membres du comité permanents afin qu'ils puissent faire quelque chose, parce qu'il y a de sérieux problèmes auxquels les gens sont confrontés quotidiennement. Il faut que ces personnes soient écoutées et qu'elles soient entendues des membres du comité.

+-

    M. Bill Siksay: Le CCR a publié un communiqué sur les pays tiers sûrs. Vous avez mentionné ce matin que les États-Unis envisageaient une loi plus restrictive pour les demandeurs d'asile. Pouvez-vous nous renseigner davantage au sujet de cette loi?

+-

    M. Nick Summers: Vous me prenez un peu au dépourvu. Je sais que c'est dans mes notes.

    Il y a deux versions du Patriot Act : le Sénat en a adopté une et le Congrès en a adopté une autre. Je crois que c'est celle du Congrès qui contient plusieurs dispositions concernant les réfugiés. J'essaie désespérément de me souvenir exactement de ces dispositions, mais un de mes collègues pourra peut-être m'aider.

    De toute évidence, les demandeurs d'asile seront détenus plus souvent. Il y a des restrictions quant au genre de personnes qui peuvent faire une demande. Je ne me souviens pas de ces conditions, mais les catégories de personnes admissibles sont réduites et la procédure d'appel est également réduite. En fait, nous critiquons souvent le système américain, mais il a une procédure d'appel contrairement au nôtre.

+-

    Le président: Je regrette, mais il ne reste plus de temps.

    Monsieur Jaffer.

+-

    M. Rahim Jaffer: Merci, monsieur le président.

    Monsieur Summers, vous avez peut-être de la chance. Vous allez pouvoir continuer sur votre lancée.

    Je voudrais revenir sur une chose que vous avez mentionnée à propos de la procédure d'appel. Vous disiez, je crois, que si cette section d'appel était mise en place, cela accélérerait l'examen des demandes, parce qu'il ne serait plus nécessaire d'aller devant la Cour fédérale. Ce que je crains—et j'ai deux autres questions—c'est que même si la section d'appel est mise en place, les demandeurs qui sont déboutés pourront quand même aller devant la Cour fédérale, ce qui retardera les choses encore davantage. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    D'autre part, si la section d'appel est créé, j'ai l'impression que le manque de ressources du ministère pose un énorme problème. Vous avez présenté d'excellents arguments, mais n'est-il pas vrai que si vous mettez en place la Section d'appel des réfugiés sans résoudre la question des ressources, il y aura toujours des problèmes au ministère?

À  +-(1045)  

+-

    M. Nick Summers: Premièrement, pour ce qui est des ressources, la Section d'appel des réfugiés ne relèverait pas du ministère, mais de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est du moins ce que prévoit la loi. Mais il y a toujours un problème de budget. La structure que prévoit la loi n'est pas idéale. La loi prévoit un droit d'appel, avec instruction sur dossier. On envisage une section constituée d'un certain nombre d'anciens dirigeants de la CISR, ou peut-être de personnes spécialement nommées, et qui serait centralisée à Ottawa. Il n'y aurait pas de frais de déplacement ou de frais pour mettre en place une nouvelle infrastructure dans toutes les régions du pays. Cette section travaillerait à partir d'Ottawa, dans les locaux existants. Les frais se limiteraient donc aux salaires et au personnel de soutien. C'est un examen sur dossier. On n'a pas besoin de salles d'audience. L'examen des dossiers pourrait être relativement rapide. Nous ne nous attendons pas à des retards ou à des coûts importants. Les ressources nécessaires seraient compensées par l'amélioration du traitement des demandes et les demandeurs déboutés passeraient moins de temps à attendre ici, au Canada.

    Cela m'amène à votre deuxième question concernant la Cour fédérale. Je suis d'accord pour dire qu'à l'heure actuelle rien n'empêche les demandeurs dont l'appel a été rejeté d'aller devant la Cour fédérale. Ils seraient toutefois moins nombreux, car nous sommes convaincus qu'un certain nombre de gens seraient acceptés en appel. À part cela, comme je l'ai dit, les organismes qui viennent en aide aux demandeurs d'asile sont prêts actuellement à consacrer beaucoup de ressources aux appels devant la Cour fédérale parce que c'est le seul recours. Nous en avons discuté au CCR et je crois que nous serions moins prêts à investir toutes ces ressources dans les appels devant la Cour fédérale, car le besoin serait moins grand. Les appels à la Cour fédérale ne sont pas vraiment des appels, mais des contrôles judiciaires. La Cour peut seulement se pencher sur les erreurs en droit. Dans de nombreux cas, ce n'est pas ce qui pose problème, mais plutôt la crédibilité ou les faits. Ces cas ne devraient pas aller devant la Cour fédérale. Le gouvernement pourrait modifier la loi de façon à resserrer les conditions à remplir pour pouvoir aller devant la Cour fédérale.

    Il y a également la question de l'examen des risques avant renvoi. Comme je l'ai déjà dit, cela permettrait de gagner énormément de temps. Le ministère a déjà le pouvoir d'imposer des conditions très strictes à l'égard de l'examen des risques avant renvoi et de sa durée. Pour le moment, il se montre très laxiste, car c'est le seul recours, mais cela pourrait se faire très rapidement, juste avant le renvoi.

+-

    M. Rahim Jaffer: Savez-vous quel est le pourcentage approximatif de demandeurs qui obtiennent gain de cause ou qui sont déboutés devant la Cour fédérale?

+-

    M. Sanjiv Kumar: C'est moins de 5 p. 100.

+-

    M. Rahim Jaffer: Le taux de succès?

+-

    M. Sanjiv Kumar: Oui.

    Une autre chose importante est que la section d'appel ne doit pas servir à gagner du temps, mais plutôt à donner aux gens un procès équitable. C'est le bien-fondé de la demande qui doit être examinée. Tout est là.

À  +-(1050)  

+-

    M. Nick Summers: Il y a deux étapes à suivre pour renvoyer une cause devant la Cour fédérale. Il faut d'abord obtenir l'autorisation d'interjeter appel et cette autorisation est donnée dans environ 25 p. 100 des cas. Sur ces 25 p. 100, 5 à 10 p. 100 des causes aboutissent, ce qui représente un très petit nombre.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Pour ce qui est des ressources, on pourrait prévoir des incitatifs pour les gens qui travaillent bien, qui sont bien intégrés dans l'économie et qui y contribuent. Personne n'ignore qu'il y a des milliers de personnes qui vivent illégalement au Canada et qui ne contribuent pas à l'économie comme elles le pourraient. Elles pourraient certainement payer des impôts et tout le reste si elles faisaient partie du système. Il faudrait donc trouver des incitatifs.

    En réalité, il faudrait régulariser la situation des gens qui sont ici depuis des années et qui resteront encore des années afin qu'ils puissent participer à l'économie. Modifions ensuite notre système afin qu'il ne soit pas nécessaire d'amnistier les gens ou de régulariser leur situation à l'avenir et que notre système soit non seulement meilleur, mais qu'il ait l'air meilleur. Tout le monde a parlé de la cause palestinienne. Il y a des milliers de cas de ce genre. Vous avez deux frères dont l'un est expulsé tandis que l'autre est accepté. Cela montre bien que le système ne fonctionne pas et qu'il y a de véritables problèmes.

+-

    Le président: Merci.

    Je vais donner à Helena 90 secondes sur mon temps, car je vais participer au prochain tour. Je lui couperai la parole quelques secondes plus tôt, car je veux lui laisser poser sa question.

    Allez-y, Helena.

+-

    Mme Helena Guergis: Merci, monsieur le président. Je serai brève.

    Cela fait suite à ma question précédente et aux réponses que vous n'avez données au sujet de ce que cela coûte à long terme lorsqu'on laisse attendre les réfugiés avant de les faire venir au Canada. J'aimerais que vous fournissiez ultérieurement davantage de renseignements au comité à ce sujet. Votre recommandation m'intéresse, mais je dois savoir combien de personne cela représente. Je voudrais avoir une meilleure idée des coûts que cela imposerait aux provinces, car il y en aura. Il faudrait que nous le sachions avant de pouvoir prendre une décision.

+-

    M. Sanjiv Kumar: Je pense que c'est CIC qui pourra vous donner les renseignements les plus précis.

+-

    Le président: Merci.

    J'ai seulement deux questions rapides. La première concerne l'absence de section d'appel. La Cour fédérale est davantage portée à entendre un appel du fait qu'il n'y a pas de procédure d'appel. C'est ce que vous avez constaté?

+-

    M. Nick Summers: Oui.

+-

    Le président: C'est important, parce qu'il faut que ce soit équitable. Tous les députés se sont certainement retrouvés devant des cas problématiques. J'ai eu un cas de ce genre à l'époque où il y avait deux commissaires, mais l'intéressé pouvait choisir d'aller devant un seul commissaire. J'étais secrétaire parlementaire. C'était en 1999, je crois, au moment où l'OTAN s'apprêtait à bombarder l'ex-Yougoslavie. Nous avons eu le cas d'une jeune femme qui devait rentrer à Belgrade à 10 heures du matin alors que l'OTAN commençait à bombarder à midi. Ce que j'ai trouvé particulièrement inquiétant— pas seulement dans ce cas-là—c'était la décision de l'arbitre. Il ne croyait pas à une collaboration entre le gouvernement, les médias et la police. Il s'agissait pourtant de Milosevich, qui est accusé de crimes de guerre. C'est ce qu'a déterminé l'arbitre de la Commission de détermination du statut de réfugié. Je ne suis certainement pas le seul qui se soit trouvé devant un cas de ce genre. C'est en tout cas ce qui est arrivé.

    D'autre part, vous savez que les États-Unis s'orientent vers un système de régularisation. Ils le font pour des raisons de sécurité, mais aussi parce qu'ils reconnaissent que s'ils réussissaient à se débarrasser de tous les immigrants illégaux, cela coûterait très cher à leur économie. Vous suivez certainement ce que qui se passe là-bas.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: J'ai quelque chose à dire à propos des États-Unis et je vais essayer de voudrais revenir sur la question que la Dre Fry a soulevée tout à l'heure.

    Le problème, en ce qui concerne les États-Unis, c'est qu'ils envisagent d'accorder aux immigrants illégaux le statut de résident temporaire pendant deux ans et de les traiter comme des travailleurs migrants, je suppose, au lieu de leur accorder la résidence permanente. Cela ne va donc pas résoudre vraiment le problème. Si le Canada met en place un processus de régularisation, nous espérons que ce ne sera pas pour accorder le statut de résident temporaire au lieu de la résidence permanente que nous réclamons. Autrement, vous retardez seulement le problème de deux ou trois ans.

    Enfin, pour répondre à la question de la Dre Fry quant aux moyens de résoudre ces problèmes, il faut examiner non seulement le système de détermination du statut de réfugié, mais également le système de parrainage familial…car certaines des personnes sans statut qui sont ici sont là parce que leur famille est au Canada, mais notre loi sur l'immigration ne les reconnaît pas comme des membres de la famille. Il faut également examiner la situation des immigrants indépendants afin d'inclure ceux qui travaillent chez nous sans avoir le statut d'immigrant, les travailleurs de la construction ou de la restauration, ou encore les ouvriers d'usine qui fournissent les services dont nous avons besoin, mais à qui nous n'accordons pas le statut qu'ils méritent.

    Finalement, il y a peut-être une chose que nous pourrions emprunter aux États-Unis. Je n'en connais pas les détails, mais les américains réservent chaque année un certain pourcentage de places aux personnes qui n'entrent dans aucune autre catégorie. Nous pourrions avoir aussi ce genre de système pour aider les personnes qui… Il vous suffit d'attendre et si vous attendez suffisamment longtemps, ou quelque chose de ce genre.

À  -(1055)  

+-

    Le président: Le système de loterie.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Le système de loterie, oui. Nous pourrions donc mettre en place quelque chose de ce genre afin que les gens puissent venir ici même s'ils n'entrent pas dans une des catégories prévues.

+-

    Le président: Très bien. Nous allons devoir conclure maintenant, car nous devons étudier un avis de motion de Mme Faille.

    Je tiens à remercier infiniment tous ceux qui sont venus, de même que tous les membres de l'auditoire. Merci beaucoup d'être venus.

    Nous allons maintenant nous occuper de votre avis de motion, madame Faille.

+-

    Mme Meili Faille: Oui, je voudrais lire ma motion, après quoi j'en parlerai brièvement étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps. Il reste seulement quelques minutes. Je vais la lire en français et en anglais.

[Français]

Attendu que:
la Section d'appel des réfugies est incluse dans la Loi surl'immigration et la protection des réfugiés;
le Parlement a voté la Loi sur l'immigration et laprotection des réfugiés et qu'il est donc en mesure des'attendre à sa mise en oeuvre;

la Chambre des communes et les parlementaires sont endroit de s'attendre à ce que ses engagements soientrespectés par le gouvernement du Canada,

le Comité de la citoyenneté et de l'immigration exige que legouvernement, par sa ministre, mette en application la Section d'appel desréfugiés, et ce, sans délai.

    Je vais la lire en anglais:

[Traduction]

Attendu que

La Section d'appel des réfugiés est incluse dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;

Le Parlement a voté la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, et qu'il est donc en mesure de s'attendre à sa mise en oeuvre; et

La Chambre des communes et les parlementaires sont en droit de s'attendre à ce que ses engagements soient respectés par le gouvernement du Canada;

Le Comité de la citoyenneté et de l'immigration exige que le gouvernement, par sa ministre, mette en application la Section d'appel des réfugiés, et ce, sans délai.

[Français]

    J'ai déposé cette motion simplement pour illustrer la situation légale actuelle. La loi est là, elle a été adoptée. L'article de la loi a été adopté par le Parlement et il y avait un engagement de la part du ministère de le mettre en place dans un délai d'un an.

    J'attendais aussi d'entendre les commentaires des gens qui sont venus témoigner devant nous. Je crois fermement que nous devons demander au gouvernement de mettre sur pied la Section d'appel des réfugiés ou de venir dire au comité s'il a d'autres avenues, d'autres moyens. À tout le moins, nous devrions, à titre de comité, appuyer une motion à l'effet que le gouvernement respecte ses engagements.

    Peut-on débattre la motion à une prochaine réunion?

[Traduction]

-

    Le président: Très bien. Nous pourrions le faire, si le comité est d'accord.

    Bien.

    Dans ce cas, je vous rappelle à tous que vous devez parler à vos leaders parlementaires de notre voyage et que cela porte sur l'autre dimension de notre mandat, à savoir la citoyenneté. J'espère que vous allez tous vérifier cela sur notre site Web. Nous demandons également des mémoires au sujet du serment de citoyenneté ainsi que le préambule de la Loi sur la citoyenneté. C'est la première fois que nous poserons ces questions aux Canadiens et aux aspirants à la citoyenneté canadienne.

    Merci beaucoup.

    La séance est levée.