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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 octobre 2001

• 0934

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous ce matin.

Comme vous le savez, le comité des finances poursuit ses consultations prébudgétaires. Nous avons sillonné tout le pays et nous sommes maintenant de retour à Ottawa pour nos deux ou trois derniers jours. Par la suite, nous commencerons à rédiger le rapport que nous allons déposer à la Chambre des communes et qui sera certainement lu par le ministre des Finances qui s'apprête à rédiger son budget au mois de décembre.

• 0935

Nous accueillons les témoins suivants qui, j'en suis certain, nous feront part de réflexions riches d'enseignement dont notre comité a besoin sur un certain nombre de questions. Nous entendrons d'abord un député au Parlement, Ghislain Fournier. Ensuite, de l'Association canadienne des télécommunications sans fil, nous avons M. Peter Barnes, président-directeur général, et David Farnes, vice-président aux affaires réglementaires. De la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, nous avons la Dre Patricia Clements, présidente, et Denise Pelletier, vice-présidente aux communications extérieures. Du Conseil canadien de développement social, nous avons Marcel Lauzière et Lori Harrop, directrice des affaires publiques. De la Coalition pour l'astronomie au Canada, nous avons Peter Janson, président et chef de la direction de AMEC Inc., et le Dr Russell Taylor, professeur d'astrophysique et président de la Société canadienne de l'astronomie. Nous attendons également M. Harvey Weiner, qui prendra la parole au nom de l'Alliance nationale pour les enfants.

Vous avez environ de cinq à sept minutes chacun pour nous donner les faits saillants des principales questions dont vous aimeriez discuter, et ensuite nous aurons une période de questions et réponses. Nous allons procéder selon l'ordre dans lequel les noms et les organisations apparaissent à l'ordre du jour, ce qui veut dire que nous donnerons d'abord cinq minutes au député Ghislain Fournier. Je vous souhaite la bienvenue.

Monsieur Fournier, vous avez la parole.

[Français]

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Merci, monsieur le président.

Dans un premier temps, je voudrais remercier le comité de m'avoir invité et de m'entendre aujourd'hui, particulièrement mon collègue Yvan Loubier, qui a fait en sorte que je sois ici ce matin. Il travaille très fort et fait un excellent travail. Je l'en remercie sincèrement.

Ma présence à titre de député de Manicouagan ici ce matin me donne l'occasion de vous résumer la situation économique actuelle qu'on vit sur la Côte-Nord.

Vous savez que la région de la Côte-Nord constitue le deuxième plus grand territoire au Québec, après l'Abitibi, où on a fusionné le Nunavik et le Nunavut.

La crise économique qu'on vit à l'heure actuelle sur la Côte-Nord est sans précédent. Bien sûr, c'est attribuable à la crise mondiale, à la baisse du fer dans le monde et aux événements du 11 septembre, mais aussi à des choses qui relèvent strictement du fédéral, par exemple la surtaxe de 19 p. 100, qui a eu un impact extraordinaire dans mon comté.

Sur la Côte-Nord, nous avons trois secteurs d'activité importants, et même quatre avec le tourisme.

Nous avons notamment le secteur forestier. Nous avons des forêts immenses. N'eût été la baisse de production, nous aurions produit 50 millions de tonnes de minerai de fer et nous nous serions classés premier producteur au monde, mais vu la baisse de 20 millions de tonnes, nous avons glissé à 30 millions de tonnes de production de minerai de fer.

À l'ouest de mon comté, à Baie-Trinité, il y a une scierie qui a des difficultés, qui a été obligée de fermer pendant des mois et qui fonctionne maintenant au ralenti. Sur trois quarts de travail, il y en a seulement un de jour, et on annonce une fermeture pour deux semaines encore.

À Rivière-Pentecôte, c'est la même chose. Nous avons une scierie à Rivière-Pentecôte. Il y a juste un quart de travail par jour et il y a eu 60 mises à pied. Vous allez comprendre que 60 mises à pied dans un tout petit village de 900 habitants, c'est presque la totalité des emplois. Donc, 90 p. 100 des gens deviennent chômeurs. C'est considérable.

• 0940

Je disais au tout début qu'en hiver, sur la Côte-Nord, il n'y a rien dans l'industrie touristique. C'est aussi le cas de la pêche. L'hiver, les usines de transformation sont toutes fermées. Donc, l'hiver ne s'annonce pas très, très rose.

À Port-Cartier, il y a Uniforêt, une scierie. On nous a dit que c'était la plus performante et la plus sophistiquée, et qu'on y trouvait la plus haute technologie. Elle a annoncé encore un arrêt de travail de deux semaines.

Il y a la compagnie Quebec Cartier Mining, qui produisait 17 millions de tonnes de fer et qui va réduire sa production à 12 millions de tonnes. Elle est encore en arrêt de travail et elle a annoncé un autre arrêt d'un mois durant la période des Fêtes et la mise à pied de 300 employés parce qu'il y a un manque à produire.

Dans les silos à grain, il y a une baisse considérable aussi. On annonce des mises à pied.

Il y a aussi Wabush Mines, une compagnie de fer dont un actionnaire détenant 15 p. 100 des actions a déclaré faillite. Il achetait 15 p. 100 de la production et il y a une baisse de la production. On produisait 6,5 millions de tonnes et on va en produire 4,2 millions cette année. Dans l'usine, il y a trois lignes en production et cette année, il y en aura seulement deux. De plus, on annonce un arrêt de production et la fermeture de l'usine pour presque deux mois.

Il y a aussi IOC, où c'est la même chose. On produisait 17 millions de tonnes de minerai. On s'apprêtait à en produire 22 millions avec l'usine de boulettes quand on a arrêté la modernisation de cette dernière. On ne va donc produire que 12 ou 13 millions de boulettes. Donc, là aussi, ça frappe très, très dur.

Il y a aussi tous les travailleurs forestiers pour qui, en ce moment, il n'y a pas d'opérations forestières.

Par exemple, on a sur la table beaucoup de prospection et d'exploration. Dans ce cas-ci, je pense que toutes les entreprises qui faisaient de la prospection et de l'exploration ne sont pas très, très enthousiastes face à la crise mondiale. C'est très coûteux. La prospection permet de découvrir une sorte de minerai et, après qu'on a découvert une sorte de minerai, on fait de l'exploration pour en connaître la quantité, la teneur, la richesse et pour faire des études de marché afin de voir si on pourra éventuellement exploiter cette mine-là.

Un géologue résidant à Sept-Îles, Serge Perreault, nous disait qu'en l'an 2000, l'investissement était à la hausse dans la prospection et l'exploration, c'est-à-dire que de 472 000 $ en 1999, l'investissement était passé à 1,8 million de dollars en l'an 2000. Cette année, ça ne dépassera pas 900 000 $. Je pourrais vous donner des tonnes d'exemples de prospection en cours plus au nord, mais vu que vous me dites qu'il me reste seulement deux minutes, je vais essayer de simplifier.

Entre Port-Cartier et Sept-Îles, au lac Knife, on a fait des découvertes extraordinaires de minerai. Par exemple, au lac Knife, la société minière Mazarin s'apprête à exploiter un gisement de graphite. Ce gisement de graphite est le plus gros et le plus riche au monde.

Marum Resources et Ressources Appalaches, par exemple, ont découvert du cuivre, du cobalt et du nickel entre Port-Cartier et Pentecôte, et entre Schefferville et Ungava.

La Côte-Nord est riche en minerai. Elle est riche en forêts et en pêche. On n'a pas d'autres vocations. J'ai parlé plus tôt du tourisme et de la pêche en été. On n'a pas de terres arables. Donc, j'aurais besoin, à l'heure actuelle, d'aide de la part de votre comité pour mettre sur pied quelque chose de concret, une société de développement des richesses naturelles de la Côte-Nord. Bien sûr, pour que ce soit efficace, pour que cette société soit rentable, il faut y rattacher de l'argent, et je pense que je suis à la bonne place pour demander de l'argent.

• 0945

Durant la campagne électorale, on avait promis une nouvelle agence de développement. Le parti qui est au pouvoir avait promis une agence de développement, et on disait à ce moment-là qu'on voulait que ce soit efficace. Si on regarde les autres sociétés, on voit que ça équivaut à 400 ou 500 millions de dollars.

Pour la Côte-Nord, je pense qu'il s'agirait d'investir 100 millions de dollars dans une société qui aurait pour but de développer et d'aider à la prospection, à l'exploration de nouveaux marchés et à la transformation des produits que nous avons.

Je pense que ce serait un incitatif très important pour la Côte-Nord. Nous avons besoin d'aide à l'heure actuelle parce que le chômage, au premier trimestre, était à 15 p. 100. Avec ce que je viens de vous mentionner, le chômage va monter jusqu'à 20 ou 25 p. 100. Donc, on se prépare à vivre un hiver terrible sur la Côte-Nord, un hiver qui ne sera pas drôle. On a besoin d'espoir. On a besoin de gens qui vont travailler à remonter l'économie.

Le président me fait signe que c'est tout. J'aurais beaucoup de choses à ajouter mais...

Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Fournier.

Soyez assuré que le comité lira le texte intégral de votre mémoire bien documenté sur la situation à laquelle votre région est confrontée. Nous le prendrons bien sûr très au sérieux.

Nous entendrons maintenant M. Peter Barnes, président-directeur général de l'Association canadienne des télécommunications sans fil. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Peter Barnes (président-directeur général, Association canadienne des télécommunications sans fil): Merci, monsieur le président.

Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.

[Français]

Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Je suis ravi d'être ici aujourd'hui au nom de l'industrie canadienne des télécommunications sans fil. Je suis honoré de faire partie de vos consultations et j'ai hâte de discuter avec vous, si le temps nous le permet et si vous avez des questions à poser au sujet de notre mémoire. Je tiens assurément à vous remercier de nous avoir donné cette importante occasion de témoigner devant vous.

Je suis accompagné de David Farnes, qui est le vice-président aux affaires réglementaires de notre association. Il a participé avec moi à la rédaction de notre mémoire et il sera bien sûr disposé à répondre à des questions, le cas échéant.

Je voudrais aborder avec vous trois grandes questions aujourd'hui. La première, c'est qu'une solide présence gouvernementale et un partenariat de l'industrie ont favorisé l'émergence d'une industrie des télécommunications sans fil compétitive et innovatrice au Canada. Deuxièmement, je parlerai de l'importance croissante de la technologie sans fil dans la nouvelle économie du Canada. Troisièmement, je traiterai de ce dont notre industrie a besoin dans le prochain budget fédéral.

Pour commencer, je vais résumer les réalisations de notre partenariat avec le gouvernement. Aujourd'hui, les Canadiens bénéficient d'un réseau abordable et de grande qualité de services de télécommunications sans fil. Par exemple, plus de 94 p. 100 des Canadiens ont accès à un réseau de communication sans fil, dont la plus grande partie est entièrement numérique. Le prix des services de communications sans fil au Canada a diminué de 80 p. 100 depuis 1996, plus du double de la moyenne mondiale.

[Français]

L'industrie prend rapidement de l'expansion. Dans les 12 derniers mois, 2 millions de Canadiens et Canadiennes se sont ajoutés à la clientèle des services de télécommunications mobiles. D'ici trois ans, cette clientèle qui réunit aujourd'hui 10 millions d'utilisateurs englobera plus de la moitié de la population du pays. Comme il ressort de plusieurs études menées par l'ACTS, les Canadiens prisent beaucoup la commodité, la qualité et le coût abordable des services sans fil.

D'après moi, s'il en est ainsi, c'est en grande partie parce que le gouvernement et l'industrie ont su collaborer pour créer une industrie innovatrice et très concurrentielle.

[Traduction]

Ce partenariat entre le gouvernement et l'industrie a résulté en un système efficace d'attribution de permis et de fréquences radio et se poursuit aujourd'hui avec une excellente collaboration entre Industrie Canada et l'industrie canadienne des télécommunications sans fil.

[Français]

Je crois également que cette collaboration a fait des télécommunications mobiles un élément vital de l'économie canadienne à l'ère de l'Internet.

[Traduction]

Toutes les grandes entreprises canadiennes de télécommunications sans fil offrent maintenant des services qui permettent aux clients d'utiliser des dispositifs mobiles pour se brancher de façon fiable sur l'Internet et divers réseaux intranet d'entreprise sur l'ensemble des réseaux sans fil du Canada. Les entreprises canadiennes de communications sans fil offrent aussi aux Canadiens un vaste éventail de services commerciaux mobiles, que l'on appelle familièrement les services «m-com», ainsi qu'un choix de plus en plus vaste de services d'information et interactifs sans fil.

Dans un avenir très rapproché, l'Internet sans fil sera encore meilleur, apportant tous les avantages des communications par Internet à un plus grand nombre de Canadiens et ce, à des vitesses plus élevées.

• 0950

Des réseaux à large bande sans fil sont maintenant déployés d'un bout à l'autre du pays rapidement et à un coût considérablement inférieur à celui des réseaux câblés. C'est particulièrement vrai dans les régions où il n'est pas économiquement ou techniquement faisable d'installer des réseaux câblés. En fait, une grande compagnie de téléphone utilise des réseaux fixes sans fil pour éliminer les lignes à plusieurs abonnés et pour donner des services dernier cri aux clients qui habitent dans les régions rurales ou éloignées.

[Français]

Bref, l'Internet sans fil offre un moyen plus rapide et relativement peu coûteux, et le réseau sans fil de même, de mettre en place une infrastructure Internet à grande vitesse et à large bande. C'est la clé de la solution pour créer un Canada véritablement branché, à notre avis.

Ce sera aussi un pivot de la compétitivité du Canada à l'ère du mondialisme et un outil essentiel à la réalisation des objectifs énoncés dans le rapport du Groupe de travail national sur les services à large bande.

Toutefois, l'industrie du sans-fil a maints défis à surmonter, des défis que seul un partenariat productif et continu avec le gouvernement lui permettra d'aplanir.

[Traduction]

Parmi les défis que l'industrie doit relever pour réaliser son plein potentiel, il y a le fardeau financier actuel. Par exemple, les compagnies canadiennes de communications sans fil ont payé 1,4 milliard de dollars pour acheter des fréquences additionnelles lors des récentes mises aux enchères de fréquences pour les communications personnelles. Ce coût est déjà important en soi, mais si l'on y ajoute la baisse brutale de la valeur des actions de bon nombre de compagnies de communication et de technologie, son effet est ressenti d'autant plus fortement.

Les marchés des capitaux sont devenus férocement compétitifs et répugnent à prendre des risques. Les compagnies de communications sans fil ne disposent pas de beaucoup d'argent pour investir dans l'infrastructure, les services et la recherche et le développement. D'autres obligations réglementaires, comme de contribuer à un fonds pour subventionner le service de téléphonie local, nuisent à l'investissement et à la croissance. Au Canada, par exemple, le coût de contribution des entreprises canadiennes de communications sans fil a augmenté de plus de 1 200 p. 100 en 2001.

Pour relever ces défis et réaliser tout le potentiel des communications Internet sans fil, l'industrie canadienne des communications sans fil est convaincue que le prochain budget du gouvernement fédéral doit d'abord et avant tout continuer à réduire le fardeau financier des Canadiens et des entreprises canadiennes en réduisant les impôts personnels, les impôts des sociétés et les charges salariales.

Deuxièmement, il faut accélérer l'élimination de la dette nationale pour continuer à favoriser un environnement de faibles taux d'intérêt et d'inflation. Cela facilitera l'accès aux marchés des capitaux qui sont tellement essentiels à la croissance des compagnies de communications sans fil.

Troisièmement, continuer à investir de façon stratégique dans la recherche et le développement. Par l'entremise de la Fondation canadienne pour l'innovation, du Conseil national de recherches du Canada et du Centre de recherches en communications, le gouvernement fédéral a réussi à accélérer la mise au point de nouvelles technologies de communications sans fil. Ces investissements, conjugués à de nouveaux encouragements à l'investissement des entreprises en R et D, sont essentiels pour maintenir l'avance mondiale du Canada dans le domaine des communications.

Quatrièmement, le gouvernement doit réduire le fardeau réglementaire, qui ralentit actuellement la croissance du secteur des communications sans fil au Canada.

Construire une infrastructure de communications à large bande pour tous les Canadiens, voilà un projet que l'on a qualifié de nouveau rêve national du Canada.

[Français]

Au XXIe siècle, la construction d'une infrastructure de communications à large bande sera tout aussi importante pour l'avenir du pays que celle du chemin de fer transcontinental et, par la suite, celle du réseau routier l'ont été au cours des siècles derniers. Cela définira notre identité nationale sur les plans économique, social et culturel. Les défis sont énormes, mais les avantages à en tirer le sont autant, sinon plus.

Une industrie du sans-fil dynamique et vigoureuse peut aider le Canada à se pourvoir plus rapidement de l'infrastructure qui lui permettra de concrétiser sa vision de l'avenir.

[Traduction]

Je suis convaincu qu'en poursuivant et en renouvelant notre partenariat, nous pouvons favoriser la réalisation du nouveau rêve national du Canada. J'espère que le prochain budget fédéral nous permettra de franchir un pas important dans cette direction.

Merci.

[Français]

Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Barnes.

Nous entendrons maintenant Mme Patricia Clements, présidente de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales.

[Français]

Mme Patricia Clements (présidente, Fédération canadienne des sciences humaines et sociales): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir donné l'occasion de nous adresser à vous ce matin sur un sujet d'une aussi grande importance, c'est-à-dire la recherche et l'enseignement dans les universités canadiennes.

[Traduction]

La Fédération des sciences humaines et sociales tient à vous remercier chaleureusement de l'avoir invitée à faire partie de vos délibérations ce matin.

Nous défendons les intérêts de l'enseignement, de la recherche et de l'érudition dans les universités canadiennes dans les domaines des sciences sociales et humaines. Nous osons croire que nous sommes la voix des sciences humaines au Canada.

• 0955

Je suis accompagnée ce matin, comme vous le savez déjà, de Mme Denise Pelletier, qui est de l'Université du Québec à Montréal et qui est notre vice-présidente; et de MM. Paul Ledwell et Douglas Lauriault, qui travaillent à la fédération à Ottawa. Quant à moi, j'enseigne à l'Université de l'Alberta.

À titre de présidente de la fédération, je représente plus de 24 000 chercheurs répartis dans 67 sociétés savantes et 69 universités et collèges d'un bout à l'autre du pays.

Monsieur le président, le mémoire que la fédération vous a fait parvenir il y a un certain temps a été rédigé en août. Quand nous l'avons écrit, des questions comme le terrorisme et la sécurité étaient très loin de retenir notre attention soutenue. Aujourd'hui, ces problèmes nous préoccupent tous au plus haut point, individuellement et collectivement, et ont complètement chambardé nos priorités. Nous comprenons à quel point et avec quelle urgence ces questions occupent vos pensées.

Nous trouvons également remarquable à quel point notre réalité sociale quotidienne est en train de se réorganiser autour de ces événements et de ces dossiers qui occupaient auparavant fort peu de place. Les images diffusées à la télévision et les manchettes traitant des événements de septembre et de ce qui s'ensuit contribuent puissamment à définir le monde dans lequel nous vivons actuellement—et je ne parle pas seulement de ces images bouleversantes du 11 septembre, mais de tous les reportages sur les longues files de camions canadiens qui font la queue à la frontière, les congédiements dans les compagnies aériennes et les secteurs des communications et de l'automobile, et les marins canadiens qui prennent la mer pour aller au combat.

Aujourd'hui, je veux aborder une autre question d'intérêt public, bien que celle-ci ne risque guère de donner lieu à autant d'interventions dignes de mention que certaines grandes questions de l'heure. C'est une question qui était à l'ordre du jour avant le 11 septembre et qui l'est toujours. Cette question, c'est la recherche et l'éducation: comment faire en sorte que les jeunes Canadiens aient les compétences et l'instruction dont ils ont besoin pour participer pleinement à notre société et permettre à notre pays de maintenir sa place de chef de file dans l'économie mondiale; et comment faire en sorte que nos universités aient la capacité de recherche qui est nécessaire, d'abord pour permettre à notre pays d'atteindre ses objectifs économiques et sociaux, mais aussi pour que tous les Canadiens aient une éducation excellente et à la page.

La Fédération des sciences humaines et sociales croit qu'il y a de graves problèmes auxquels il faut s'attaquer dans la gestion des systèmes canadiens d'enseignement postsecondaire et de recherche. Ces problèmes ont trait à la politique en matière d'innovation, au financement de la recherche et à l'éducation des Canadiens.

À ce jour, la politique canadienne en matière d'innovation a ciblé essentiellement un petit groupe de disciplines scientifiques, notamment les sciences biomédicales, le génie et certaines sciences naturelles. Dans ces domaines, cette politique a assuré un appui vraiment extraordinaire et a fait énormément de bien.

Je tiens à être bien claire: la Fédération des sciences humaines et sociales se félicite des initiatives clés et vitales du gouvernement à l'appui de la recherche et du développement au Canada. Mais en même temps, il devient clair que le soutien étroitement ciblé de la recherche au Canada débouche sur certains résultats qui nous interpellent et exigent que l'on y accorde d'urgence notre attention.

Cette politique a divisé nos campus et créé un système de classes entre les diverses disciplines. De l'argent a été injecté dans certains domaines ciblés, mais on en a retranché dans d'autres domaines importants, au point que le vice-président de l'université où j'enseigne m'a dit il y a quelques mois que pour lui, le problème consistait maintenant à trouver le moyen d'assurer la survie du système tout entier.

Une conséquence négative du soutien étroitement ciblé de la recherche, comme l'a dit le président de l'Association des universités et collèges du Canada, est que cela a entraîné des réductions draconiennes des budgets d'enseignement. C'est une conséquence négative du soutien étroitement ciblé de la recherche.

Plus de la moitié des étudiants dans les universités canadiennes travaillent dans les domaines des sciences sociales et humaines, mais les besoins de ce groupe majoritaire d'étudiants sont à l'heure actuelle tout à fait marginalisés par la politique d'innovation du gouvernement, même si l'un des éléments fondamentaux de cette politique est la formation de personnel hautement qualifié.

La question est de savoir si nous pouvons nous permettre de continuer à marginaliser ces disciplines. La réponse est assurément non. La première raison pour laquelle il faut répondre non à cette question, c'est que les diplômés de ces programmes fournissent les idées, les connaissances et le travail intellectuel qui, à bien des égards, assurent le fonctionnement de notre économie et de notre société et qui sont rendus encore plus nécessaires, et non pas moins nécessaires, par la nouvelle économie du savoir.

Deuxièmement, on s'aperçoit de plus en plus que l'innovation, la découverte et la créativité sont le fruit du jeu réciproque de perspectives diverses. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser des pans entiers du savoir et de l'intelligence en dehors de la chaîne de l'innovation, ni de dissocier la recherche technologique de ses conséquences économiques et sociales.

Troisièmement, les questions sur lesquelles se penchent les chercheurs en sciences sociales et humaines ne vont pas disparaître simplement parce que nous les marginalisons dans nos politiques. Au contraire, la nouvelle économie, les nouvelles technologies et la mondialisation de la culture sont autant de dossiers marqués par d'importantes transitions sociales et culturelles qui ne font qu'intensifier le besoin de faire de la recherche de grande qualité dans les domaines des sciences humaines, sociales et de la culture.

• 1000

Nous sommes tous conscients que nous approchons d'un moment critique dans la vie des universités canadiennes. Plus de la moitié des chercheurs universitaires canadiens travaillent en sciences sociales et humaines. Ils sont appuyés par environ 12 p. 100 du budget de la recherche. Dans ces circonstances, le Conseil de recherches en sciences humaines ne peut pas répondre aux besoins actuels. Mais ce qui exige encore plus sérieusement notre attention, c'est le prochain chapitre qui se dessine dans l'évolution démographique, c'est-à-dire qu'un exode massif du corps professoral universitaire coïncidera avec une hausse que l'on prévoit considérable des inscriptions scolaires et aussi avec le fait que nos besoins en matière de détenteurs de doctorats au Canada sont supérieurs à notre production.

Nous devons établir un juste équilibre dans la politique de l'innovation au Canada. La Fédération canadienne des sciences humaines et sociales recommande instamment que le prochain budget traite spécifiquement de ces questions et que l'on y accorde la priorité aux trois éléments suivants: le budget du Conseil de recherches en sciences humaines; la requête des universités qui demandent que l'on finance les coûts indirects; et le problème imminent du recrutement et du maintien en service de nouveaux professeurs, en particulier dans le domaine des sciences humaines et sociales.

En août, notre fédération a présenté une proposition au premier ministre en vue de la création d'un programme de bourses de recherche des cycles supérieurs. Cette proposition est affichée sur notre site Web. Nous demandons avec force au gouvernement du Canada de poursuivre énergiquement sa politique d'innovation imaginative et créatrice, mais d'en étendre la portée.

En conclusion, je voudrais dire deux choses. Je voudrais revenir à la question du 11 septembre et poser la question suivante: quand les médias canadiens ont eu besoin d'analystes pour comprendre la culture, le contexte, l'histoire et les religions qui sont en cause dans la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, vers qui se sont-ils tournés? On s'est adressé, bien sûr, aux spécialistes dans les universités canadiennes qui avaient, sur le long terme, acquis cette expertise.

Je pense que les événements tragiques du 11 septembre nous ont rappelé à tous ce que nous ne devrions jamais perdre de vue: que les problèmes auxquels nous devons nous attaquer sont profondément enracinés dans le social et le culturel, et que ce sont précisément là les domaines d'étude des sciences humaines.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Clements.

Nous entendrons maintenant Marcel Lauzière, du Conseil canadien de développement social.

[Français]

M. Marcel Lauzière (directeur général, Conseil canadien de développement social): Merci, monsieur le président. Je ferai ma présentation en anglais, mais il me fera ensuite plaisir de répondre aux questions en français et en anglais. J'aimerais aussi vous présenter ma collègue Lori Harrop, qui est la directrice des affaires publiques au conseil.

[Traduction]

Le Conseil canadien de développement social s'était préparé l'année dernière à comparaître devant le comité pour présenter une solide argumentation à l'appui de sa position, à savoir que le gouvernement devrait prendre des mesures pour répondre à certains besoins fondamentaux des Canadiens. Bien que le comité n'ait pas tenu d'audience, le CCDS avait rédigé un mémoire exposant les priorités que nous suggérions en termes d'action.

Sortant tout juste d'une période d'essor économique et armés d'un important surplus budgétaire, nous estimions que le moment était mûr pour que le gouvernement réinvestisse dans les Canadiens, dans le bien-être de leurs enfants, dans leurs aliments et leurs logements, leurs soins de santé, leurs compétences et leur soutien communautaire. En période de prospérité, pourquoi aurait-on besoin de tels soutiens?

Les preuves s'accumulent. Même si les revenus ont augmenté rapidement à la fin des années 1990, la pauvreté, plutôt que de diminuer, devenait plus profonde. C'est encore vrai aujourd'hui. La reprise économique à elle seule n'a pas été suffisante pour stopper l'agrandissement de l'écart entre les familles pauvres qui ont des enfants et le reste de la société. Elle n'a pas réduit le besoin de meilleurs services de santé pour une population vieillissante ou de programmes destinés aux jeunes à risque. Elle n'a pas construit de logements abordables et n'a pas rendu plus supportable la vie de tous ceux qui se débattent pour joindre les deux bouts.

L'année dernière, le conseil a demandé au gouvernement fédéral de renforcer le programme national pour les enfants et de travailler à l'élimination de la pauvreté chez les enfants; d'appuyer l'intégration pleine et entière des personnes handicapées dans la population active; d'aider les travailleurs pauvres en augmentant l'exonération fiscale de base pour les prestations pour enfants; et d'investir dans une stratégie nationale du logement abordable.

Malheureusement, le gouvernement a choisi, essentiellement, d'accorder la priorité à d'importantes baisses d'impôt au lieu de faire des investissements sociaux. Nous reconnaissons les progrès réalisés par le gouvernement actuel, par exemple dans le dossier du développement de la petite enfance, et nous l'en félicitons, mais il faut faire beaucoup plus en termes d'investissement social.

Avant de poursuivre cette présentation, je voudrais insister sur un point. J'affirme que ceux qui prétendent que le développement économique et le développement social sont des objectifs mutuellement exclusifs ne tiennent pas compte d'une abondante recherche démontrant exactement le contraire. Les progrès sociaux et économiques vont de pair. Dans les sociétés plus justes et plus équitables, les gens ont la chance d'être des citoyens plus productifs, mais pour que ce progrès social se produise, les gouvernements doivent aider à créer des chances égales pour tous.

Cette année, nous savons que le paysage économique a changé. Nous en sommes conscients. De plus, depuis le 11 septembre, ce qui compte avant tout, c'est de financer les mesures de sécurité, les services de renseignements, le franchissement des frontières et les compagnies aériennes. Nous savons que les événements du 11 septembre et l'évolution économique auront bien sûr de profondes répercussions sur les délibérations du comité. Il importe toutefois que le gouvernement ne se laisse pas distraire par ces événements au point d'oublier complètement les avantages potentiels de l'investissement dans les grands programmes sociaux qui ont de profondes répercussions sur la vie des plus vulnérables parmi les Canadiens. C'est également une question de sécurité. Beaucoup de choses ont changé depuis le 11 septembre, mais une chose est demeurée la même, c'est le sort des pauvres au Canada.

• 1005

C'est pourquoi nous sommes venus vous présenter aujourd'hui une proposition qui non seulement aiderait les quasi 20 p. 100 de nos citoyens dont le revenu est tellement bas que, très souvent, ils n'arrivent même pas à répondre aux besoins de base de leur famille, mais aussi, à notre avis, stimulerait l'économie et créerait des emplois, beaucoup d'emplois.

Le conseil, comme d'autres organisations, exhorte le gouvernement à faire un investissement clé d'un milliard de dollars dans un fonds d'investissement pour le logement abordable. Le gouvernement actuel a déjà commencé à s'orienter dans la bonne direction quand le ministre Gagliano a annoncé au mois d'août l'octroi de financement pour le logement.

Nous nous félicitons de cette mesure et nous l'avons accueillie à bras ouverts, mais nous estimons que le moment est vraiment venu d'aller encore plus loin. Ce fonds devrait être créé au moyen du surplus qui aura été accumulé cette année. Bien sûr, si le surplus de cette année devait être beaucoup plus bas que ce que bon nombre d'analystes prévoient, nous nous attendrions alors à ce que notre recommandation soit modifiée en conséquence.

Cela dit, en fin de compte, nous demandons que l'on fasse dès maintenant un investissement massif qui aidera l'économie en relançant le secteur de la construction tout en aidant les pauvres.

Monsieur le président, les abris communautaires temporaires ne sont plus temporaires. Ils sont en train de devenir des résidences permanentes pour des familles qui ne voient aucun moyen de s'en sortir. Ces abris évoluent exactement comme l'ont fait les banques alimentaires, c'est-à-dire qu'ils s'installent pour devenir une ressource essentielle et non plus une mesure temporaire. À un moment donné, le Canada était considéré comme un chef de file mondial dans le domaine du logement social. Nous croyons que le temps est venu de réclamer ne serait-ce qu'une partie minime de ce patrimoine.

Notre présentation d'aujourd'hui n'est pas simplement un cri de désespoir pour les plus marginalisés de notre société. Nous voulons qu'on l'interprète comme un rappel à l'ordre qui tombe à point pour ce gouvernement, lequel a d'un côté introduit d'importantes améliorations, comme des investissements dans le développement de la petite enfance et des prestations pour enfants aux familles des travailleurs pauvres, mais qui, d'autre part, semble se préoccuper très peu de l'érosion de ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant.

Un enfant qui grandit dans une chambre de motel ou un appartement surpeuplé ou insalubre risque d'être en mauvaise santé, d'avoir des difficultés d'apprentissage, de subir des mauvais traitements et d'être aux prises avec tellement d'autres maux sociaux que nous essayons d'enrayer par d'autres formes d'investissements sociaux. Les valeurs d'un pays se reflètent dans la façon dont ce pays traite ses citoyens et renforce sa société civile. En cette époque troublée, pendant cette guerre contre le terrorisme dans laquelle nous nous sommes lancés, nous aurons besoin, plus que jamais à notre avis, de renforcer notre structure de soutien de la société civile, et cela comprend le logement. C'est encore une question de sécurité.

Ce qu'il nous faut en décembre, c'est un budget qui comportera des mesures pour maintenir et créer des emplois et pour améliorer le sort des personnes marginalisées. En outre, dans la conjoncture économique actuelle, nous croyons que le gouvernement doit envisager de stimuler l'économie canadienne.

Alors comment réaliser tout cela?

Nous croyons que le moment est venu d'investir dans le logement abordable. L'allocation que nous demandons pourrait faire une énorme différence, non seulement pour les pauvres du Canada, mais pour l'ensemble de l'économie canadienne.

Monsieur le président, il vaut la peine de le faire. Après tout, nous devons tous nous demander quelle est la nature de ce pays que nous nous efforçons tellement de rendre sûr.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Lauzière.

Nous entendrons maintenant Peter Janson et Russell Taylor, de la Coalition pour l'astronomie au Canada.

Je vous souhaite la bienvenue.

M. Russell Taylor (professeur d'astrophysique; président, Société canadienne d'astronomie; Coalition pour l'astronomie au Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à vous présenter notre vision nationale pour l'avenir de l'astronomie canadienne.

Je m'appelle Russ Taylor. Je suis président de la Société canadienne d'astronomie et coprésident de la Coalition pour l'astronomie au Canada. Je suis accompagné de M. Peter Janson, qui est président-directeur général de AMEC Inc., la plus grande firme d'ingénierie au Canada, et qui est également un autre coprésident de notre coalition.

C'est avec grand plaisir que j'ai rencontré ce matin un groupe d'étudiants de l'école secondaire qui sont venus à cette réunion dans l'espoir que l'astronomie a un avenir au Canada.

La Coalition pour l'astronomie au Canada est bien consciente que les événements tragiques du 11 septembre dernier ont modifié les priorités de votre comité et du gouvernement fédéral. Nous croyons toutefois qu'il est essentiel que le gouvernement continue à poursuivre sa marche vers l'innovation. Cela contribuera puissamment à rétablir la confiance des Canadiens dans notre société collective et ce serait aussi un important investissement à long terme dans l'économie canadienne.

Le gouvernement a déclaré qu'il veut prendre place parmi les pays les plus innovateurs au monde. Il veut augmenter son niveau d'investissement dans la recherche et le développement pour que nous passions de la quinzième place mondiale que nous occupons actuellement à la cinquième ou mieux. Le plan à long terme du Canada pour l'astronomie est une façon efficiente de se diriger vers ce but. En fait, nous y sommes déjà et nous perdrons du terrain si nous n'agissons pas.

Le plan à long terme est un plan national d'une durée de dix ans visant à promouvoir l'astronomie; il a été élaboré par un groupe de scientifiques experts canadiens et internationaux. Le plan table sur la bonne position du Canada dans le monde dans le domaine de l'astronomie et aidera à faire en sorte que nous ne perdions pas de terrain par rapport à notre troisième place mondiale actuelle. Moyennant un investissement relativement modeste, ce plan crée des possibilités au Canada dans la technologie de pointe, le génie et les sciences. Il permettra de créer au cours des prochaines années un champ d'action pour les scientifiques et les technologues qui travaillent dans les domaines de la technologie et de l'innovation aux frontières des connaissances humaines. Je voudrais vous donner un très bref aperçu de ce plan à long terme et expliquer pourquoi il importe tellement pour l'avenir de notre pays.

• 1010

La prochaine génération d'observatoires astronomiques, les outils que nous utilisons pour observer l'univers, sont des mégaprojets tellement complexes et tellement avancés sur le plan technologique que pas un seul pays ne peut en construire un à lui seul. Des groupes de pays industrialisés travaillent ensemble pour construire la prochaine génération d'observatoires, et le Canada est un participant important à ces efforts internationaux.

Nous sommes un participant clé parce que le Canada, c'est-à-dire les astronomes canadiens, les ingénieurs canadiens, sont parmi les plus productifs et les plus avancés dans le monde. Le Canada se situe au troisième rang mondial dans le domaine de l'astronomie et parmi toutes les disciplines scientifiques au Canada, l'astronomie vient au premier rang pour ce qui est de ses répercussions sur la recherche internationale.

Nous avons accompli de grandes choses au Canada au moyen d'un investissement de 22 millions de dollars par année, ce qui représente un investissement de 98 cents par habitant. Cet investissement est sept fois moindre que l'investissement par habitant aux États-Unis, et il représente un cinquième de l'investissement des pays d'Europe qui ont un PIB équivalent.

Monsieur le président, nous avons joint des annexes à notre mémoire. En plus des réalisations énumérées à l'annexe 1, l'un des facteurs les plus importants qui contribuent à la position enviable du Canada, ce sont les excellentes relations de travail entre le secteur universitaire et le Conseil national de recherches du Canada.

Conformément au mandat qui lui a été donné par le Parlement, le CNRC négocie quatre accords internationaux pour mettre au point conjointement de nouveaux télescopes et assurer l'entretien des télescopes et laboratoires canadiens où les technologies de pointe sont élaborées et les jeunes Canadiens sont formés. Le CNRC est également un partenaire dans trois grandes installations à l'étranger, et le génie canadien a littéralement été la pierre angulaire de ces impressionnants observatoires.

Le coût total du plan à long terme est de 264 millions de dollars. L'Agence spatiale canadienne versera 100 millions de dollars au cours des dix prochaines années pour la partie du plan qui vise à placer des télescopes dans l'espace. La coalition cherche à obtenir la somme qui reste, soit 164 millions de dollars, ou 16,4 millions de dollars par année sur dix ans, pour les composantes terrestres du plan.

Ce montant pourra être réduit si la demande que nous avons présentée à la Fondation canadienne pour l'innovation relativement à l'un des éléments du plan est couronnée de succès. Le total serait réduit de 24 millions de dollars.

L'investissement du Canada dans le plan à long terme donnerait aux Canadiens la possibilité de participer à l'élaboration de technologies et de logiciels et aux travaux de conception, de construction et d'entretien de ces installations. Cet investissement donne aussi aux Canadiens l'accès à ces nouveaux télescopes. Les observatoires du monde aideront le Canada à rester au premier plan, alors que nous continuerons d'élucider les secrets de l'univers au cours des dix prochaines années.

Dans le cas du projet Atacama large millimetre array, qui est le premier grand observatoire international, le Canada investira environ 50 millions de dollars dans un projet d'un milliard de dollars. Le Canada deviendra un partenaire des États-Unis pour former un bloc nord-américain et signer des accords internationaux avec l'Europe et le Japon.

Pour les scientifiques canadiens, cet investissement de 50 millions de dollars, ce qui représente moins de 1 p. 100 du coût en capital, nous donnera accès à plus de 30 p. 100 du temps d'utilisation du télescope, ce qui est un accès compétitif.

La compagnie de Peter Janson, AMEC, est un excellent exemple de l'impact qu'un investissement dans l'astronomie peut avoir sur l'économie canadienne. Je voudrais maintenant lui demander de vous faire part de son expérience et de ses observations.

M. Peter Janson (président-directeur général, AMEC Inc.; Coalition pour l'astronomie au Canada): Merci, Russ.

Le Dr Taylor a exposé bon nombre de raisons, du point de vue scientifique, pour lesquelles un investissement dans le plan à long terme est logique. Je voudrais pour ma part vous parler des avantages sur le plan des affaires.

À bien des égards, nous nous trouvons à la croisée des chemins, un peu comme la situation dans laquelle se trouvait le Canada en 1989-1990, quand le pays a décidé de participer au projet de télescopes Gemini. À cette époque, le gouvernement canadien a investi 38 millions de dollars pour acheter une situation de partenaires dans le projet des télescopes jumeaux de huit mètres Gemini. Ma compagnie, AMEC Dynamic Structures, qui s'appelait autrefois AGRA Coast, a décroché le contrat pour construire les dômes Gemini, après avoir rivalisé avec des compagnies du monde entier. Notre contrat pour la construction à elle seule valait 44 millions de dollars. Les travaux que nous effectuons sur les télescopes nous ont apporté des revenus bruts de 50 millions de dollars au cours des dix dernières années.

Plus de 80 compagnies de technologie de pointe et de génie d'un bout à l'autre du Canada qui participent à des projets dans le domaine de l'astronomie n'auraient pas été admissibles à l'obtention de ces contrats si le Canada n'avait pas choisi de participer au projet Gemini. Les télescopes Gemini font ressortir clairement l'excellente valeur ajoutée que le Canada a reçue au moyen de cet investissement ciblé.

Grâce à l'expérience que la compagnie AMEC a acquise dans le domaine des structures pour l'astronomie, nous nous retrouvons maintenant à l'avant-garde d'un autre secteur, l'industrie internationale du divertissement, qui vaut des milliards de dollars. AMEC est devenue l'entrepreneur de premier plan pour les manèges de réalité virtuelle qui font appel à des techniques très complexes. Nous fournissons des solutions clés en main à certaines des plus grandes compagnies de parcs d'amusement d'Amérique du Nord et à des constructeurs internationaux de parcs thématiques.

• 1015

L'activité économique découlant de la construction et de l'exploitation de grandes installations d'astronomie se répercute très largement. Il ressort d'une estimation même très prudente que pour chaque dollar consacré par le Canada à des projets d'astronomie, les Canadiens obtiennent plus du double de l'argent investi sous forme de retombées et de travaux que les Canadiens sont particulièrement bien placés pour effectuer.

La réalisation intégrale du plan à long terme permettra non seulement de préserver la position de tête du Canada dans l'astronomie mondiale, mais en plus, nos conceptions serviront de modèle à d'autres pays qui s'en influenceront. Dans le cas de Gemini, nous avons présenté une offre pour construire des structures suivant un cahier des charges. La réalisation du plan à long terme permettra au Canada de rédiger le cahier des charges que d'autres devront ensuite offrir de réaliser. Nous serions alors les maîtres d'oeuvre d'un produit conçu au Canada, par des Canadiens, pour le monde entier.

Une chose est sûre. Si nous n'investissons pas dans la nouvelle série de projets décrits dans le plan à long terme, la technologie canadienne n'en fera pas partie. Ces ententes internationales stipulent que seules les compagnies des pays signataires peuvent soumissionner pour décrocher des contrats dans ces projets. Par conséquent, si le Canada ne finance pas le plan à long terme, les compagnies canadiennes ne pourront pas rivaliser pour l'obtention de plus de quatre milliards de dollars de travaux décrits dans le plan. Et surtout, nos étudiants et nos scientifiques n'auront pas accès à ces installations.

Ne nous y trompons pas: ces projets seront réalisés, avec ou sans la participation du Canada. Nous travaillons à ce processus depuis plus de deux ans. Le Comité de l'industrie, des sciences et de la technologie a adopté à l'unanimité une résolution demandant au ministre de financer le plan. Le moment approche à grands pas où le Canada devra engager des fonds pour remplir sa partie du contrat. Si nous ne sommes pas bientôt présents à la table, le potentiel du Canada pour ce qui est de participer à la conception des projets décrits dans le plan en sera amoindri, et la technologie et l'expertise canadiennes seront laissées de côté au profit de celles d'autres pays qui sont prêts à aller de l'avant.

Les États-Unis, notre partenaire au sein du contingent nord-américain, ont l'intention de s'engager avant la fin de l'année. Les États-Unis viennent tout juste d'adopter un projet de loi par lequel ils s'engagent à verser leur quote-part dans le cadre du premier projet du plan à long terme, c'est-à-dire 150 millions de dollars US. Cela signifie que les ententes internationales pour donner le feu vert au projet seront signées en février. Ces ententes vont se concrétiser, que nous soyons ou non partenaires.

Les gens d'affaires membres de la coalition veulent participer à ces projets. Nous voulons avoir la possibilité de rivaliser pour l'obtention de ces contrats, de sorte que le Canada puisse gagner sur deux plans, scientifique et économique. Nous vous demandons de nous appuyer dans ce projet et de recommander que le plan à long terme soit financé dans le prochain budget.

Russ.

M. Russell Taylor: Merci, Peter.

En plus de ce que Peter Janson vient de vous dire au sujet des avantages économiques pour sa compagnie, la recherche en astronomie comporte beaucoup d'autres retombées. Je ne veux pas m'appesantir là-dessus, mais je voudrais signaler que l'Internet, les jeux vidéo pour ordinateur—la compagnie Matrox, qui est bien connue pour ses cartes vidéo, a acquis cette expertise dans le cadre de ses travaux effectués au Québec sur le traitement des images en astronomie—et les précurseurs des détecteurs qui sont utilisés pour le contrôle des bagages dans les aéroports, tout cela a été mis au point dans la foulée de la recherche en astronomie. Quels nouveaux produits seront le fruit de l'imagination des scientifiques, technologues et ingénieurs canadiens qui travaillent dans le domaine dans l'astronomie, cela reste à voir, mais si nous n'investissons pas, nous ne le saurons jamais. Nous savons par contre qu'il y aura des avantages concrets et durables.

En résumé, je voudrais signaler que le plan à long terme comporte deux objectifs incontournables. Le premier est de s'assurer que le Canada demeure un chef de file mondial dans ce domaine. Le deuxième est de faire en sorte que nous récoltions les avantages scientifiques et économiques des nouveaux développements en astronomie et que nous soyons partie prenante de ce développement.

C'est une question d'innovation, de levier, de garder au Canada nos esprits créateurs. Le plan à long terme nous permettra de raffiner encore davantage l'expertise qui nous donne un avantage concurrentiel en technologie de pointe, et le rendement sera un multiple de l'investissement, comme le démontre l'expérience de la compagnie AMEC.

Le plan à long terme en astronomie est cohérent. Il bénéficie de l'appui généralisé des astronomes, des universitaires, des gens d'affaires et des professeurs d'astronomie. Ses objectifs sont à la fois abordables et réalisables.

La communauté canadienne de l'astronomie a réalisé de grandes choses dans le passé. Nous voulons poursuivre la tradition de l'excellence canadienne. Nous exhortons les membres du Comité permanent des finances à se joindre à leurs collègues du Comité permanent de l'industrie des sciences et de la technologie, lesquels ont déjà adopté une résolution appuyant le plan et demandant au gouvernement de faire cet investissement. C'est bon pour le Canada. Merci.

Le président: Merci beaucoup, messieurs Taylor et Janson.

Nous allons maintenant entendre M. Harvey Weiner, de l'Alliance nationale pour les enfants. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Harvey Weiner (Alliance nationale pour les enfants): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir et un privilège de vous présenter ce mémoire au nom des 37 organisations nationales du secteur bénévole et des ONG qui sont membres de l'Alliance nationale pour les enfants. Une liste de ces organisations figure avant le texte du mémoire. L'un des membres de cette alliance, dont les représentants sont assis directement en face de moi, est le Conseil canadien du développement social, représenté par mes collègues Marcel Lauzière et Lori Harrop.

• 1020

Nous sommes convaincus, à titre de membres de l'alliance, qu'en dépit des temps difficiles que nous avons vécus ces derniers mois, il est absolument vital que le gouvernement fédéral, en partenariat avec les provinces, renouvelle et renforce son engagement envers des plans à long terme et financièrement soutenables qui visent à répondre aux besoins tout à fait fondamentaux des enfants et des jeunes un peu partout au Canada.

Nous entendons parler des menaces extérieures qui pèsent sur la sécurité nationale. Depuis des décennies, nous sommes confrontés à des menaces intérieures qui mettent en péril les besoins fondamentaux des enfants et des jeunes au Canada, tout ce dont ils ont besoin pour vivre une vie de qualité raisonnable et avoir accès à des services publics équitables et de qualité qui leur donneront au bout du compte la capacité de devenir des citoyens et des contribuables participant pleinement à la société, au lieu de devenir des fardeaux pour leur collectivité et leur pays. Les deux dimensions sont importantes.

On peut comprendre que l'on accorde ces jours-ci une attention urgente aux menaces extérieures, qui sont très complexes et difficiles à enrayer, mais c'est quand même paradoxal, car nous négligeons, à nos risques et périls, les menaces intérieures qui ont pourtant fait l'objet de recherches et pour lesquelles on a trouvé des solutions viables qui ont été validées depuis des décennies par de la recherche crédible, autant au Canada qu'à l'étranger.

L'Alliance nationale pour les enfants représente de nombreux professionnels et travailleurs—des centaines de milliers, en fait, qui ont une expérience quotidienne dans les diverses questions qui touchent la santé et le bien-être des enfants et des jeunes. Nous croyons que le plan en trois volets que nous proposons dans notre mémoire pourrait garantir qu'à moyen et à long terme, nos enfants, nos jeunes et nos familles auront toutes les possibilités voulues de faire de notre pays un pays encore plus grand où il fait meilleur vivre.

Ces trois dimensions sont les suivantes: garantir un niveau de vie assurant le bien-être des enfants et des familles; créer un environnement socio-économique qui aidera à préparer la prochaine génération à la nouvelle économie naissante; et faire activement la promotion de la participation des citoyens, de la citoyenneté active et de la responsabilité, pour tout ce qui touche les services et les dossiers mettant en cause les enfants et les jeunes.

Au chapitre du niveau de vie nécessaire pour assurer le bien-être des enfants et des familles, nous proposons que le gouvernement fédéral continue de travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour étendre la prestation nationale pour enfants à toutes les familles à faible revenu. Il faudrait plus précisément réexaminer l'incidence des politiques fiscales sur les familles qui élèvent des enfants ayant des besoins spéciaux, et tenter de répondre à ces besoins particuliers de façon plus efficace. Il faudrait porter immédiatement le montant de la prestation de congé parental de 55 p. 100 à 75 p. 100 du revenu gagné, et éliminer le délai de carence. Nous croyons qu'il s'agit d'une mesure qui améliorera le sort des familles et des enfants dans ces circonstances particulières.

Pour ce qui est de l'environnement socio-économique en vue de la nouvelle économie, je pense que nous reconnaissons tous que les mesures de sécurité du revenu à elles seules ne peuvent pas assurer un revenu optimal aux enfants. Les familles doivent avoir accès à une gamme complète de services et de soutien communautaire, pour garantir le développement en santé des enfants et des jeunes, y compris ceux qui peuvent être à risque de ne pas pouvoir réaliser leur plein potentiel.

Nous avons cerné certaines lacunes grâce au travail que nous faisons sur le terrain avec des familles, des enfants et des jeunes. Ces lacunes sont le manque de coordination des services de santé et sociaux, et le manque de stabilité du financement des programmes et services clés.

• 1025

Nous reconnaissons l'importance de l'entente-cadre sur l'union sociale et nous nous félicitons de la réalisation de cette entente. Pour la première fois, tous les ordres de gouvernement reconnaissent le besoin de travailler ensemble pour financer et appuyer une infrastructure de prestation intégrée des services répondant aux besoins des collectivités.

Nous croyons qu'il est maintenant vital de mettre au point des mécanismes durables de collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et la société civile. Notre organisation, l'Alliance nationale pour les enfants, qui représente de nombreux secteurs de la société civile, doit participer à part entière au processus et aux tables où l'on discute et l'on met au point ces mécanismes de collaboration, pour que les programmes et les services puissent répondre vraiment aux besoins des enfants et des jeunes du Canada.

Nous proposons dans notre mémoire une série de mesures qui auraient pour résultat d'étendre la portée de l'initiative sur le développement de la petite enfance. Nous félicitons le gouvernement fédéral d'avoir fait preuve de leadership dans ce dossier. Cette initiative doit toutefois être renforcée et étendue pour répondre aux besoins urgents des enfants et des jeunes de 6 à 18 ans, dans une multiplicité de programmes que nous énumérons à la page 6 de notre mémoire.

Nos collègues du Conseil canadien de développement social ont mentionné le besoin urgent de logements pour beaucoup de familles qui vivent dans la pauvreté. À titre de coalition d'organisations nationales, nous souscrivons à leurs propos et réitérons l'urgence de cette situation. Le secteur privé n'a pas été capable à lui seul de fournir des solutions aux familles qui ont désespérément besoin de logements. Le programme de subventions d'immobilisations d'une durée de quatre ans lancé par le gouvernement fédéral avec les provinces et les territoires est le bienvenu et représente un bon point de départ, mais le niveau actuel de ressources est encore loin de correspondre aux besoins de nouveaux logements locatifs.

En terminant, je voudrais réitérer et renforcer la notion d'engagement et de responsabilisation des citoyens, et notre désir, notre volonté et notre offre de travailler ensemble, avec le gouvernement, pour que nous puissions nous attaquer plus efficacement à tous ces problèmes.

Je demande au Comité des finances de recommander avec beaucoup de force que l'on donne à l'Alliance nationale pour les enfants les moyens voulus pour jouer un rôle plus actif, en partenariat avec le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, pour que l'engagement des citoyens puisse fleurir et s'épanouir.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weiner.

Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses. Je vous demanderais de garder vos questions brèves, pour que l'on puisse en poser le plus possible.

Dans un premier temps, chaque intervenant aura cinq minutes, à commencer par M. Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie tous les intervenants. Je vous suis reconnaissant de vos réflexions et de vos exposés.

Je voudrais commencer par mon collègue député. L'expérience qu'il vit dans son comté se répète dans la plupart des circonscriptions. Je voudrais donc d'abord et avant tout le féliciter d'avoir pris l'initiative de se présenter devant nous et de témoigner, car il est le premier député à le faire.

Comment pouvons-nous, en tant que Comité des finances, mettre en équilibre les besoins de votre circonscription et ceux de beaucoup d'autres circonscriptions qui connaissent une situation semblable?

[Français]

M. Ghislain Fournier: Merci de votre question. Je pense qu'on vit à l'heure actuelle la pire crise qu'aucune des régions n'est prête à vivre à l'heure actuelle. La Côte-Nord et la MRC Manicouagan n'ont jamais demandé quoi que ce soit au gouvernement, fédéral ou provincial, bien que le gouvernement du Québec soit beaucoup intervenu et intervienne encore beaucoup dans ces régions.

• 1030

Le ministre Ralph Goodale disait que le gouvernement fédéral cherchait à apaiser les craintes des gens de l'industrie minière. C'est la raison de mon intervention. Nous sommes dans l'industrie minière et dans l'industrie forestière. Indiquant que le ministre des Finances tenait une série de discussions avec les responsables des sociétés de ce secteur afin de trouver une solution viable pour tous, il a déclaré: «Voilà donc quelques-unes des mesures à prendre de manière urgente par un gouvernement responsable.»

Nous pensons que si le gouvernement est responsable, il doit intervenir à l'heure actuelle dans la région de la Côte-Nord, parce que nous n'avons que deux employeurs principaux, étant donné que les secteurs des pêches et du tourisme sont saisonniers. Il ne nous reste donc que deux secteurs d'activité, très importants bien sûr, soit les mines et la forêt. Nous nous sommes attaqués de plein front à ce domaine et, comme vous le savez, nous n'avons pas de solutions de rechange.

Comme je le disais plus tôt, nous n'avons pas de terres cultivables, pas de terres fertiles qui se prêtent à l'élevage. Nous dépendons entièrement de nos richesses naturelles. Nous ne nous en plaignons pas. C'est tout un potentiel, mais il faut le développer. Pour ce faire, le gouvernement fédéral a la responsabilité de mettre sur pied une société de développement des richesses naturelles qui agirait dans tout le pays, mais principalement, à l'heure actuelle, dans ma circonscription, qui est durement touchée. Nous croyons qu'une telle société, pour être efficace, devrait avoir des moyens financiers d'au moins 400 millions de dollars.

Étant donné que ma circonscription est le deuxième plus gros producteur de fer au monde et qu'elle en deviendra le premier quand l'économie reprendra, il faut investir au moins 100 millions de dollars dans cette société, somme qui serait applicable à ma circonscription.

[Traduction]

M. Ken Epp: Bien. Merci. Je voudrais traiter de ce point plus longuement, mais je veux aussi poser des questions à d'autres intervenants et j'ai très peu de temps.

Je m'adresse donc à l'Association canadienne des télécommunications sans fil. Vous avez dit entre autres choses que votre contribution au fonds de subvention a augmenté de 1 200 p. 100, ce qui est une augmentation gigantesque. Maintenant, si vous deviez payer 5c. auparavant, vous payez maintenant 65c. Pour des compagnies qui brassent des milliards de dollars, 65c., ce n'est pas grand-chose.

Quels sont les chiffres absolus? Une augmentation exprimée en pourcentage est toujours énorme si le chiffre de départ est très petit. C'est pourquoi, par exemple, notre parti politique a réussi aux dernières élections à augmenter considérablement le nombre des voix obtenues au Québec, en pourcentage, parce que notre appui y était très limité au départ. Je vous demanderais donc de m'expliquer l'ampleur de ces subventions et de me dire pourquoi c'est un fardeau tellement lourd. Pourquoi faudrait-il en tenir compte dans le budget?

M. Peter Barnes: Merci.

Vous avez tout à fait raison de dire que les pourcentages peuvent être trompeurs. Dans le cas qui nous occupe, je pense que vous constaterez que les chiffres absolus sont tout aussi convaincants.

Avant la décision du CRTC, l'industrie des communications sans fil payait environ 14 millions de dollars par année pour aider à compenser l'écart de coût entre les services téléphoniques locaux et interurbains. Ce montant a été augmenté pour atteindre plus de 200 millions de dollars. Cela s'applique à une industrie dont le chiffre d'affaires total est de l'ordre de cinq milliards dollars, ce qui est évidemment énorme, mais cette taxe n'en représente pas moins une taxe de 4,5 p. 100 sur les revenus des télécommunications sans fil.

Le CRTC a décidé qu'il voulait répartir le fardeau, qui était assumé auparavant seulement par les compagnies d'interurbain et les compagnies de communications sans fil pour leur transmission sur longue distance; le fardeau a donc été réparti sur l'ensemble des compagnies de télécommunications.

Le problème, en plus de la difficulté évidente que représente un tel paiement, c'est que les compagnies de communications sans fil ont déjà l'obligation de fournir un service dans certaines régions, de fournir leurs services dans des échéanciers précis et d'investir dans la recherche et le développement. Ce qui aggrave le problème, c'est qu'il y a deux organismes gouvernementaux en cause: Industrie Canada, qui impose des obligations en matière de recherche et développement et de déploiement des services, et le CRTC, qui surajoute une taxe de 4,5 p. 100.

Notre plaidoyer, c'est que nous trouvons qu'il faut que cette tendance s'arrête quelque part, que l'on ne peut pas avoir deux organismes qui se mettent, chacun de leur côté, à taxer et à surtaxer une industrie. C'est une industrie qui accuse des pertes sur ce chiffre d'affaires de cinq milliards de dollars par année; nous allons perdre environ 750 millions de dollars cette année. Chaque année, les investissements se chiffrent dans les centaines de millions de dollars, tout près du milliard de dollars. C'est donc une industrie qui exige énormément de capitaux, qui continue à perdre de l'argent et qui s'attend à en perdre encore pendant un certain temps. Il est franchement très difficile d'accepter de se faire imposer des taxes sans crier gare par un organisme de réglementation.

• 1035

M. Ken Epp: Merci. Monsieur le président, je voudrais revenir à la charge, car j'aurais des questions à poser aux autres groupes. Alors s'il reste du temps...

Le président: Oui. Je vais en tenir compte.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci monsieur le président.

J'adresserai d'abord une question à M. Lauzière. Vous avez mentionné tout à l'heure le besoin urgent de logements sociaux. À combien évaluez-vous les besoins actuels qui apparaissent criants à certains groupes?

M. Marcel Lauzière: La présentation qu'on a faite ce matin fait état de ce que le CCDS, qui est essentiellement un organisme de recherche, se rend compte de l'importance du logement pour les enfants et les personnes défavorisées. On a fait un certain nombre de recherches pour la Société canadienne d'hypothèque et de logements, par exemple.

Cependant, il y a au moins quatre grandes coalitions qui ont adopté des positions et une stratégie là-dessus, dont le FRAPRU au Québec, de même que la Fédération canadienne des municipalités et l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, lesquelles seraient mieux à même que moi de répondre en ce qui touche les besoins, que ce soit en nombre d'unités ou autrement.

Le CCDS veut mettre de l'avant le fait qu'il existe un besoin criant qui, de fait, a été démontré et reconnu par le gouvernement fédéral et les provinces à leur réunion du mois d'août. Ils vont se rencontrer encore au mois de novembre pour continuer à travailler là-dessus.

Or, ce qu'on voulait souligner ici, c'est que le besoin est criant et qu'il faut du financement. On recommandait un milliard de dollars au moment où on croyait, ce qu'on espère toujours, qu'il y aurait un excédent supplémentaire important. Si ce n'était pas le cas, il faudrait revoir ce chiffre. Il n'en demeure pas moins que le besoin est criant et reconnu par tout le monde, je pense.

Je pourrais vous fournir les chiffres avancés par ces coalitions.

M. Yvan Loubier: Je vous conseillerais de continuer à faire des pressions, parce qu'il va y avoir des surplus à la fin de l'année, malgré les événements récents et le ralentissement qu'on connaît depuis six mois en particulier. Ils pourraient être d'environ 13 milliards de dollars à la fin de l'année.

Ma deuxième question s'adresse à mon collègue Ghislain Fournier. J'ai fait la liste des mises à pied depuis à peu près huit mois dans votre circonscription pour m'apercevoir qu'il y en avait eu 9 000. C'est un précédent. Je pense que ça ne s'est jamais vu sur la Côte-Nord, des mises à pied aussi importantes dans les secteurs ressources, qui souffrent non seulement de la conjoncture économique, mais aussi des faiblesses au niveau de l'exploration minière.

J'aimerais que vous précisiez d'où provient l'idée de la société dont vous avez parlé tout à l'heure, de l'établissement d'une société de développement des ressources naturelles. Ce concept n'est pas tombé du ciel; il vous avait déjà été proposé auparavant. J'aimerais que vous en reparliez davantage. On parle d'une société pour l'ensemble des régions ressources du Québec et du Canada, qui pourrait faire la promotion des débouchés et des nouvelles possibilités de production, en particulier dans le secteur minier.

M. Ghislain Fournier: Vous avez raison. À l'heure actuelle, je pourrais vous énumérer 10 entreprises, 10 sites intéressants. Par exemple, la Western Mining, une entreprise majeure australienne qui est le troisième plus gros producteur de nickel au monde, va investir 4,2 millions de dollars au nord de Schefferville en 2001. Cette entreprise a obtenu du ministère des Ressources naturelles un permis d'exploitation couvrant un territoire de 13 000 kilomètres carrés.

Mais il y en a d'autres. Il y en a une dizaine d'autres. Il existe un potentiel de prospection et d'exploration. Donc, une telle société de développement pourrait aider. À l'heure actuelle, la seule aide qu'obtiennent ces entreprises pour la prospection et l'exploration provient du gouvernement du Québec. Ces entreprises se demandent pourquoi elles investiraient autant d'argent dans la conjoncture actuelle, celle d'une crise économique, et elles nous disent qu'il leur faudrait de l'aide pour faire cette exploration. L'exploration coûte terriblement cher. C'est loin dans le nord.

M. Yvan Loubier: Est-ce que je me trompe ou si les candidats fédéraux, au cours des dernières élections fédérales, avaient promis l'établissement d'une société de développement des ressources naturelles?

M. Ghislain Fournier: D'une agence de développement. Si on veut l'appeler «agence», je vais vivre avec ça. Dans mon mémoire, j'ai utilisé l'appellation «société de développement». Ils avaient promis une agence de développement pour l'ensemble, mais pour le Grand Nord du Québec, dont ma circonscription fait partie, on avait rattaché à cela des sommes d'argent. Certains parlaient de 350 à 400 millions de dollars.

• 1040

Pour ma part, je disais qu'au moins une centaine de millions de dollars pourraient être affectés à la circonscription de Manicouagan, laquelle fait partie du Grand Nord du Québec, compte tenu de son potentiel et des richesses naturelles qui s'y trouvent.

Donc, l'annonce de cette nouvelle société de développement avait mon accord. Il faut absolument, à l'heure actuelle, mettre sur pied une société et prévoir des fonds dans le prochain budget qui sera présenté en décembre.

M. Yvan Loubier: Ma dernière question s'adresse à M. Janson.

Combien d'investissements du gouvernement fédéral faudrait-il pour qu'on s'inscrive dans la nouvelle génération de télescopes, un peu comme comme on l'avait fait il y a au moins une douzaine d'années pour le projet Hubble? Il faudrait des investissements d'à peu près quel ordre?

M. Russell Taylor: Les Canadiens n'ont pas investi.

M. Yvan Loubier: Non, mais pour s'inscrire dans la nouvelle génération de télescopes, en 2010 et dans les années suivantes, quelle contribution du Conseil national de recherches ou du gouvernement fédéral en général faudrait-il? De quelle ampleur cette contribution devrait-elle être environ?

M. Peter Janson: Il faudrait probablement, dans le moment, un investissement de 164 millions de dollars pendant 10 ans. Une partie pourrait être donnée par la CFI. Ce pourrait être environ 90 millions de dollars pendant 10 ans. Cela irait surtout à la recherche. Un des à-côtés que cela procure est l'occasion donnée à nos compagnies d'obtenir des contrats. C'est vraiment une utilisation efficace de l'argent.

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

Nous avons dix minutes, mais nous avons trois députés de ce côté-ci, M. Cullen, M. Murphy et Mme Bennett. Je vous demande donc de partager ces dix minutes.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie tous les témoins. Ils nous ont fait de bonnes présentations, mais nous n'avons pas assez de temps.

Je m'adresse à messieurs Taylor et Janson.

L'année dernière, je crois, le Parlement a changé les règles permettant à la FCI de participer à des projets internationaux. Je pense que cette décision était en grande partie fondée sur l'argumentation de votre secteur en particulier. J'espère que cela aide ou va aider, et je remarque que vous avez présenté une demande à la FCI.

Ma question est d'une portée plus générale, mais si vous voulez faire des commentaires là-dessus également, n'hésitez pas. Compte tenu des pressions conflictuelles qui s'exercent sur le Trésor fédéral, pour la recherche et le développement et beaucoup d'autres investissements, vous évoquez les retombées des investissements en astronomie. Pourriez-vous faire à l'intention du comité une comparaison entre, disons, des investissements en astronomie et des investissements dans d'autres disciplines scientifiques ou autres qui feraient pencher la balance en faveur de votre proposition? Quels sont les avantages pour les Canadiens? J'ai remarqué que dans les annexes à votre mémoire, vous dites que nous sommes des chefs de file dans ce domaine. Mais quel avantage cela apportera-t-il aux Canadiens d'être à la fine pointe en astronomie? Quels sont les avantages concrets dont nous allons bénéficier?

M. Russell Taylor: Les avantages concrets sont nombreux. Ce sont les avantages technologiques résultant de notre participation aux activités de recherche et de développement de pointe qui sont nécessaires pour construire ces télescopes. Je ne saurais trop insister sur le fait qu'il s'agit là de technologie de pointe. Nous devons inventer de nouveaux procédés pour construire ces télescopes. Les compagnies canadiennes mettent au point cette expertise très pointue, ce qui les rend ensuite plus compétitives sur le marché international de la recherche et du développement. M. Janson en a parlé.

Deuxièmement, nous sommes déjà, comme pays, à l'avant-garde mondiale grâce aux compétences technologiques de pointe et à notre expertise scientifique. Le monde continuera de tourner sans nous si nous ne sommes pas présents à la table, et nous perdrons une génération de nos meilleurs et de nos plus brillants scientifiques. Il n'y a aucun doute là-dessus. Nos étudiants diplômés, notre prochaine génération de scientifiques, ne pourront pas participer à ces installations, n'y auront pas accès. Nous serons exclus. Nous sommes actuellement troisième au monde. Nous pourrions devenir un pays du tiers monde dans le domaine de l'astronomie. Je ne pense pas que nous puissions nous le permettre.

En plus des avantages techniques directs obtenus par des compagnies comme AMEC et d'autres un peu partout au Canada, il y a aussi des percées technologiques imprévues. Comme je l'ai dit, beaucoup de compagnies au Canada doivent leur naissance à l'astronomie. La compagnie qui produit des cartes vidéo pour ordinateur, Matrox, a été créée au Québec. La compagnie Softimage, qui fait de l'imagerie visuelle, a été créée à partir de l'astronomie au Canada. Il y en a beaucoup d'autres exemples. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas investir dans ce secteur au Canada.

M. Roy Cullen: Merci.

• 1045

[Français]

Monsieur Fournier, votre présentation m'a laissé un peu perplexe. À mon avis, nous avons un ministre fédéral, M. Cauchon, qui est responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec. Avez-vous discuté avec lui du défi particulier que doit affronter votre région? Est-ce qu'il vous a répondu ou non?

M. Ghislain Fournier: J'ai déjà parlé avec le directeur de Développement économique Canada à Sept-Îles. Les critères à l'heure actuelle sont tellement exigeants, tellement durs que les grosses entreprises ne sont pas intéressées. De plus, les budgets ne sont pas assez élevés.

Donc, on est intervenu au moyen de petites entreprises, par des petits budgets de petites PME. Quant aux grosses entreprises, on m'a dit, par l'intermédiaire du directeur régional, qu'il faudrait refaire la réglementation ou la loi pour permettre des montants assez substantiels. C'est qu'on parle de gros sous quand on parle d'usines de boulettes ou de transformation; on parle d'un demi-milliard ou d'un milliard de dollars.

Donc, il faudrait une société spécifique qui ait strictement pour mission le développement des richesses naturelles, et non pas un ministère dont le mandat est vaste et qui se perd parmi toutes sortes de produits ou d'entreprises. C'est pourquoi la mission de cette société en serait une strictement de développement. D'ailleurs, c'est de cela qu'il avait été question durant la campagne électorale; c'était en vue du développement du Grand Nord, des richesses naturelles du Grand Nord. Or, les richesses naturelles se trouvent surtout dans le Grand Nord du Québec.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen. Je suis certain que vous auriez beaucoup d'autres questions à poser aux autres témoins, mais malheureusement le temps nous manque.

M. Murphy et ensuite Mme Bennett.

M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Lauzière—et peut-être que M. Weiner voudrait y répondre aussi—et porte sur toute la question du logement abordable et sur le besoin du logement abordable, surtout dans nos grandes villes.

Actuellement, nos taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas. L'année dernière, je pense qu'ils ont baissé de près de 350 points de base. Je sais que cela ne se reflète pas dans les taux à long terme, mais les taux à long terme ont quand même baissé considérablement. Je me rends compte que le secteur privé ne répond pas aux besoins en matière de logements abordables. Y a-t-il quelque chose que le gouvernement puisse faire pour stimuler le secteur privé? De mon point de vue, c'est préférable que le secteur privé réponde aux besoins. Quant à savoir s'il faut une aide complémentaire du gouvernement... Quand je fais mes calculs, la baisse des taux d'intérêt devrait représenter au moins 200 $, 300 $, 400 $ par appartement en baisse de loyer. Que pouvons-nous faire pour inciter le secteur privé à recommencer à construire des logements abordables, surtout dans nos grandes villes?

M. Harvey Weiner: Eh bien, je ne prétends certainement pas être un expert et vous dire ce qu'il faudrait faire pour le secteur privé. Je sais qu'un certain nombre d'initiatives ont été prises dans le secteur privé, mais elles n'ont manifestement pas produit les résultats souhaités. Je ne suis pas vraiment certain que le secteur privé soit tellement intéressé à répondre spécifiquement aux besoins de ceux qui éprouvent cette difficulté précise de trouver un logement abordable. C'est pourquoi nous disons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle. Le secteur privé pourrait être un élément de la solution, et je pense qu'il le serait en fait inévitablement d'une manière ou d'une autre. Il est évident qu'il faut des encouragements, à ce qu'il me semble, pour aider les gens qui ont le plus grand besoin d'un logement à en trouver un qui soit abordable.

Peut-être que mon collègue Marcel Lauzière aurait quelque chose à ajouter.

M. Marcel Lauzière: Je veux seulement souscrire aux propos de Harvey Weiner... Vous reconnaissez que le secteur privé n'a pas joué le rôle qu'il aurait dû assumer. Je pense que depuis une dizaine d'années, on attendait du secteur privé qu'il prenne le relais et qu'il joue le rôle que jouaient auparavant les gouvernements fédéral et provinciaux. Cela n'est pas arrivé et je pense que tout le monde en est conscient.

Cela dit, ce n'est pas seulement le gouvernement fédéral. Il y a certainement un rôle pour le secteur privé. C'est vraiment une stratégie globale qu'envisagent la plupart des coalitions à l'heure actuelle, avec des discussions entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les municipalités, le secteur privé et aussi les organisations bénévoles, les organisations qui travaillent sur le terrain. Il y a donc des solutions.

• 1050

Si cela vous intéresse, je pourrais vous envoyer certaines propositions qui sont formulées au sujet des taux d'intérêt et d'autres questions.

Le président: Merci, monsieur.

Madame Bennett.

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le président, j'ai une question qui s'adresse à l'Alliance nationale pour les enfants. Dans la partie de votre document intitulée «Engagement et responsabilités des citoyens», on trouvait trois rubriques: le contrôle des dépenses, l'engagement de la collectivité dans les affaires publiques, et la recherche et les affaires publiques. Je me demandais combien d'argent cela représente à votre avis et dans quelle mesure l'Alliance nationale pour les enfants est avancée dans l'élaboration d'un bulletin qui vous apparaîtrait approprié. Avez-vous envisagé d'y mettre des éléments comme l'accessibilité à un logement abordable, étant donné que, du moins de mon point de vue, les familles qui consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu au loyer devraient relever d'un programme pour les enfants. Où en est l'Alliance nationale pour les enfants pour ce qui est d'inciter les intervenants à mettre au point une telle fiche de rendement?

M. Harvey Weiner: Je vous remercie beaucoup d'avoir posé cette question.

C'est certainement un aspect du rapport que nous voulons mettre en relief et je pense que vous nous en donnez l'occasion. Je ne crois pas que ce serait tellement coûteux. Ce que nous cherchons à obtenir, comme ONG du secteur bénévole, c'est un soutien nous permettant d'assumer cette responsabilité. Chose certaine, le logement ferait partie des éléments qu'on prendrait en compte.

Il y a un certain nombre de dimensions, par exemple le contrôle des dépenses actuellement consenties par les provinces. Mais il y a aussi un autre aspect important, à savoir s'entendre sur une série d'indicateurs positifs qui montreraient sur une certaine période les progrès que nous réalisons dans certains de ces dossiers à la suite d'initiatives que nous avons lancées. Il y a eu des difficultés considérables pour ce qui est d'amener le gouvernement fédéral et les provinces à s'entendre sur des indicateurs.

Le mécanisme de rapport est assez nébuleux et donne une latitude presque totale aux provinces quant à ce qu'elles doivent prendre en compte comme référence. Nous ne savons pas trop comment cela va fonctionner, mais nous avons beaucoup d'expérience à l'Alliance pour les enfants. Nous aimerions travailler à ces dossiers et collaborer directement avec les gouvernements pour mettre au point ces mécanismes. Nous pensons que cela peut se faire de façon efficace et à un coût relativement minime.

Marcel, j'ignore si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Marcel Lauzière: À l'appui de ce que Harvey vient de dire, j'ajouterais qu'il y a beaucoup d'expertise autour de la table. Il y a un certain nombre d'organisations de recherche—l'Institut canadien de la santé infantile, l'Institut Vanier et le CCDS—qui font du travail pour mettre au point des indicateurs et qui ont déjà un certain nombre de projets dans ce domaine pour les enfants. Ce que nous recherchons, c'est l'occasion de faire notre part en travaillant à ce dossier aux côtés du gouvernement.

Mme Carolyn Bennett: Merci.

Le président: Merci, madame Bennett.

Monsieur Nystrom.

L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.

Je reviens de nouveau à M. Weiner. Pouvez-vous nous donner une idée de notre situation en matière de pauvreté des enfants, par rapport à beaucoup d'autres pays industrialisés du monde? Je songe aux pays scandinaves. Qu'ont-ils fait que nous n'avons pas fait, et que pouvons-nous apprendre d'eux? Ils ont un système de gouvernement différent en Scandinavie; ce sont des États unitaires tandis que nous sommes une fédération où les compétences sont partagées. Ils ont fait des choses que nous n'avons pas faites dans notre pays et peut-être pourrions-nous apprendre de leur expérience.

Pouvez-vous nous donner des comparaisons et des exemples? Cela pourrait nous aider à circonscrire un peu notre programme de lutte contre la pauvreté des enfants. Nous avons adopté une résolution au Parlement en 1999, nous engageant à éliminer la pauvreté chez les enfants avant la fin du millénaire. Nous n'avons pas réalisé cet objectif et peut-être que vous auriez des idées à nous communiquer là-dessus.

M. Harvey Weiner: Il y a pas mal de documentation disponible. De mon point de vue, monsieur Nystrom, je dirais que dans la culture qui a été établie dans les pays scandinaves au fil de nombreuses générations, on reconnaît clairement l'importance de s'occuper des enfants littéralement depuis la naissance. Leur système comprend des soutiens et des services qui relèvent des responsabilités fondamentales du gouvernement, et c'est ce qui explique les différences très marquées en termes de pourcentage de la population bénéficiant d'un grand nombre d'initiatives. Dans d'autres pays, dont le Canada, cela n'est pas aussi profondément inscrit dans notre culture.

Comme je l'ai dit dans mon allocution, si l'on jette un coup d'oeil en arrière sur les événements du 11 septembre, nous avons bien réagi. Évidemment, il y a des choses que nous devons faire et cela a changé le contexte. Nous réagissons à une crise très éphémère, difficile à cerner, accompagnée de menaces dont nous ne connaissons pas toujours l'origine ni la nature précise. Nous sommes disposés à investir des sommes énormes dans cette affaire, et à juste titre. Nous devons nous protéger contre ces menaces extérieures.

• 1055

Mais sur le plan intérieur, nous sommes encore aux prises avec une foule de problèmes dans les dossiers des enfants, des jeunes et des familles. Beaucoup n'ont pas accès aux services dont ils ont besoin. C'est vraiment une menace intérieure qui pèse sur notre propre société et sur son épanouissement. Nous avons pourtant fait la recherche voulue et obtenu l'information nécessaire et nous avons des éléments de solution qui aideraient à sortir bon nombre de ces gens-là de leur misère et à en faire des membres de notre société qui apportent leur pleine contribution. Pourtant, à nos risques et périls, nous n'investissons pas autant que nous le devrions dans ces problèmes particuliers.

Pour revenir à la Scandinavie, je dirais qu'en termes de taux d'alphabétisation, d'indicateurs de la santé, etc., le pays est certainement très en avance sur nous. Je ne vois qu'une explication à cela, à savoir une culture profondément enracinée dans laquelle on reconnaît que les familles et les enfants sont d'une importance vitale, ce qui a incité les gouvernements à consentir des investissements qui ont influé sur la vie quotidienne des populations.

M. Lorne Nystrom: Avez-vous fait beaucoup de travail sur les conditions des enfants des Premières nations dans les réserves indiennes? Je viens de la Saskatchewan et il se trouve 12 réserves indiennes dans ma circonscription. J'ai dans ma circonscription un centre-ville où habitent beaucoup d'Autochtones. Il y a là une pauvreté extrême, un taux de criminalité très élevé, beaucoup de désespoir et un taux élevé de prostitution. Nous avons malheureusement le taux de meurtres le plus élevé du Canada dans la ville de Regina, le taux le plus élevé d'agressions, etc. Cela se passe en grande partie dans le secteur vraiment pauvre de la ville, qui est peuplé en grande majorité d'Autochtones.

Pouvez-vous nous donner des conseils sur la façon dont vous vous attaqueriez aux problèmes particuliers des Premières nations et des communautés métisses dans notre pays? Regina n'est pas un cas unique. Nous avons des problèmes semblables à Saskatoon, à Edmonton et à Winnipeg, pour nommer trois autres villes, et aussi partout dans le nord de l'Ontario et ailleurs au Canada. Quels conseils pouvez-vous donner au comité sur la façon dont nous devrions nous attaquer à certains de ces problèmes qui sont particuliers à un élément de notre société?

Le président: Monsieur Weiner, pouvez-vous répondre à cette question?

M. Harvey Weiner: Je vais vous donner une réponse en deux parties, la première du point de vue de ma propre fédération, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Nous avons un comité qui a précisément travaillé à ces questions et qui comprend des enseignantes et des enseignants d'origine autochtone qui s'efforcent de régler ces problèmes. Nous avons une foule de recommandations dont je serais ravi de vous faire part sur l'école et le rôle de l'école et de la collectivité dans ces dossiers.

Quant à l'Alliance nationale pour les enfants, que je représente ce matin, tout au moins durant la première séance, nous reconnaissons que le gouvernement fédéral a établi une distinction dans le cadre de l'accord sur le développement de la petite enfance. Il y a un élément autochtone dont nous ne nous occupons pas expressément, mais nous essayons d'y travailler en collaboration avec les organisations autochtones. Je ne suis vraiment pas le mieux placé pour vous dire ce que ces organisations autochtones recommandent quant à cet élément séparé de cette initiative pour la petite enfance.

Peut-être que certains de mes collègues autour de la table aimeraient...

Mme Patricia Clements: Merci beaucoup.

Je veux intervenir là-dessus parce que j'ai en tête un projet de recherche précis, mais je veux d'abord faire une observation générale, à savoir que ces questions dont nous discutons au comité et que MM. Weiner et Lauzière ont soulevées sont justement les questions fondamentales qui font l'objet de la recherche en sciences sociales, et c'est précisément pourquoi nous avons besoin de cette recherche.

Sur la question précise que vous soulevez, monsieur Nystrom, celle des jeunes Autochtones, je veux vous parler en quelques mots d'un projet de recherche qui fait une démonstration globale. Il y a un projet en cours à l'Université de l'Alberta, mené par un linguiste et la nation de Cold Lake. Il s'agit de préserver les langues autochtones, de les empêcher de disparaître. Les répercussions sociales de ce projet sont directement liées à votre question. On vise essentiellement à réduire le taux de décrochage scolaire parmi les jeunes Autochtones. Cela prouve, à mon avis, le grand besoin de recherche sérieuse en sciences sociales et aussi de recherche sérieuse sur les cultures. Ce qui est en cause, c'est la préservation des langues et de l'éducation dans certaines cultures. Cela s'applique directement à votre question, à mon avis.

Le président: Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Merci, monsieur le président.

• 1100

Merci à vous tous de vos précieuses interventions ce matin.

Mes premières questions s'adressent à M. Fournier. Je le félicite, au nom de ses commettants, d'avoir pris l'initiative de témoigner devant nous aujourd'hui. Comme il le sait, je l'admire pour son geste et j'ai également beaucoup de respect pour un ancien député de cette circonscription qui a joué un rôle, je crois, dans la création de possibilités économiques plus riches, pas seulement pour ses commettants, mais pour tous les Canadiens.

J'ai quelques réserves quant à l'efficacité des organismes de développement régional. Voyez ce qui se passe dans le Canada de l'Atlantique. À titre de Canadien de l'Atlantique, je peux parler avec une certaine autorité là-dessus, que ce soit le nord du Nouveau-Brunswick, le Cap-Breton ou partout dans le Canada de l'Atlantique. Les agences de développement régional se créent parfois de petits empires qui n'entraînent pas nécessairement les avantages souhaités pour les populations cibles. Parfois, une stratégie axée sur la fiscalité peut être plus efficace. Une mesure qui aurait à mon avis un plus grand impact sur sa circonscription concernerait les actions accréditives, un traitement fiscal avantageux des actions accréditives qui aurait une influence sur le secteur minier.

Il n'a pas dit dans son exposé que les règles fiscales actuelles favorisant les investissements dans des actions accréditives viennent à échéance en 2004. Je voudrais savoir ce qu'il pense de cette mesure, s'il croit qu'elle a aidé sa circonscription et s'il recommanderait au comité que nous recommandions au gouvernement de ne pas mettre fin à cette disposition en 2004 et de la reconduire de façon plus permanente.

[Français]

M. Ghislain Fournier: Merci beaucoup de vos bons mots à mon endroit.

Pour ce qui est de vos craintes, je dirai que dans mon comté, il est urgent d'intervenir. Il est urgent d'intervenir sur la Côte-Nord. En ce moment, c'est un peu comme un malade qu'il faut traiter de toute urgence. On n'attend pas que le mal empire ou que le malade meure. On ne doit pas attendre qu'il y ait une catastrophe sur la Côte-Nord. Il est urgent d'intervenir maintenant.

Pour ce qui est des actions accréditives, je peux prendre note de votre question parce que je ne suis pas très au courant de ces actions accréditives dont vous parlez. Tout ce que je sais, c'est que les grosses entreprises ont en ce moment des actionnaires privés. Est-ce qu'elles ont des actions à la Bourse? Je n'en sais rien. Il y a la Quebec Cartier Mining et IOC. La compagnie qui est propriétaire de Fer et Titane, à Havre-Saint-Pierre, est maintenant la même que celle qui est propriétaire d'IOC, parce qu'elle a acheté les actions d'IOC, qui était une entreprise privée.

Encore une fois, j'insiste fortement pour qu'on ait une société ayant le mandat spécifique de développer les ressources naturelles dans le Grand Nord et d'y aider les gens.

[Traduction]

M. Scott Brison: Si vous voulez, monsieur Fournier, nous pourrions discuter plus tard des actions accréditives, car je crois que leur élimination aurait une incidence importante sur votre circonscription.

J'ai des questions à poser à l'Association des communications sans fil et à l'Association pour l'astronomie.

De façon générale, j'ai de vives inquiétudes au sujet de notre environnement au Canada pour la commercialisation, en particulier en comparaison des États-Unis. Nous vivons au nord du marché des capitaux des États-Unis, avec lesquels nous avons énormément de difficulté à rivaliser, à cause de leur richesse et de leur solidité. La difficulté au Canada tient en partie au fait que nos impôts sur le capital, que ce soient les gains en capital ou plus précisément les impôts sur le capital lui-même, ont une incidence négative très marquée sur l'investissement et entraînent parfois le blocage de capitaux qui auraient plus de chance d'être canalisés vers les nouvelles technologies et autres possibilités économiques si ce n'était de ces impôts.

• 1105

Je n'ai vu dans ni l'une ni l'autre de vos présentations la moindre mention des impôts sur le capital. Maintenant, M. Barnes a évoqué certains impôts insensibles au profit, je pense qu'il a notamment nommé les charges salariales, mais il me semble que nous devrions cibler précisément les impôts sur le capital.

À l'heure actuelle, les impôts sur le capital au Canada rapportent environ 1,5 milliard de dollars par année et il n'y a pas de taxe plus coûteuse du point de vue de son impact sur l'économie. Chaque dollar récolté par le gouvernement en impôt sur le capital coûte environ 1,50 $ du point de vue de l'efficience et de la productivité.

Je vous serais reconnaissant de me faire connaître vos points de vue sur ce que l'élimination des impôts sur le capital et d'autres mesures fiscales pourraient faire pour favoriser l'instauration au Canada d'un marché plus vigoureux du capital de risque et un environnement généralement plus favorable aux capitaux.

M. Peter Barnes: Merci.

En rédigeant notre mémoire de cette année à partir de celui de l'an dernier, nous avons fait une enquête auprès de nos membres et nous avons travaillé à partir de la base. Je sais que les impôts sur le capital représentent un problème du point de vue de leurs bilans respectifs, mais franchement, au niveau des dirigeants, cela n'a pas été soulevé comme étant un irritant important. Les questions que j'ai soulevées sont celles qui ont été signalées.

C'est certainement une question que j'aimerais étudier à votre intention, mais elle ne faisait pas partie des trois ou quatre questions prioritaires que nos membres nous ont signalées.

M. Scott Brison: Je pense que vous constateriez qu'il y a un consensus là-dessus parmi les sociétés qui financent les compagnies de communications sans fil au Canada, que ce soit en termes de capital de risque ou des banques d'affaires. Bien sûr, cela se répercute au bout du compte sur les résultats scientifiques, en un sens, et j'aimerais donc beaucoup vous en parler.

M. Peter Barnes: D'accord.

M. Scott Brison: Monsieur Janson.

M. Peter Janson: Je voudrais ajouter un mot de notre point de vue. Nous n'avons pas vraiment étudié l'aspect fiscal. Dans le cas de l'une de mes compagnies qui oeuvre dans ce domaine, le capital n'est pas un problème.

Je pense que la raison d'être de notre présentation d'aujourd'hui, c'est qu'il y a une occasion de permettre aux scientifiques canadiens de continuer d'être à l'avant-garde mondiale dans un domaine très intéressant et passionnant de l'astronomie, et de permettre aux compagnies canadiennes d'être présentes et de rivaliser pour l'obtention de contrats. Nous avons là une fenêtre qui va se refermer vers la fin de l'année si nous ne décidons pas de financer le plan à long terme.

Les impôts n'ont aucune espèce d'importance si nous n'avons pas d'affaires à brasser. Alors donnez-nous la possibilité d'être présents sur le terrain et de jouer selon les règles; nous nous ferons un plaisir de payer les impôts.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brison.

Y a-t-il d'autres observations?

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

Je tiens à signaler aux témoins ainsi qu'aux membres du comité qu'il est indéniable que tout au long de nos audiences, pas seulement ici à Ottawa mais dans l'ensemble du pays, certains thèmes ont émergé. Par exemple, les Canadiens veulent que nous appuyions fermement un programme national de sécurité; ils ne veulent pas revenir à une situation déficitaire; et ils veulent que nous respections les engagements pris dans la déclaration d'octobre 2000 relativement aux transferts aux provinces pour les soins de santé et l'éducation, et aussi au sujet des baisses d'impôt de 100 milliards de dollars. C'est la base.

Mais aussi, bien sûr, à mesure que nous écoutons un grand nombre de témoins, et encore aujourd'hui, nous entendons aussi d'autres demandes, auxquelles nous allons tenter de donner suite. Et certaines de ces demandes, comme celles de la Coalition pour l'astronomie au Canada, comportent des échéances importantes, parce que la Coalition ne sera peut-être pas en mesure de participer à la coalition internationale qui se crée dans le domaine de l'astronomie si le gouvernement n'agit pas rapidement. Nous allons prendre bonne note de ces questions.

En outre, monsieur Barnes, vous avez parlé de la réglementation. Je pense que dans le domaine de la réglementation, même en période de ralentissement économique, les gouvernements peuvent consacrer davantage de temps à ce dossier et c'est la raison pour laquelle notre comité a préconisé la création d'une commission de la bureaucratie pour étudier le cadre réglementaire en vigueur ici au Canada.

C'est dans cet esprit que nous continuerons de présenter des instances au ministre des Finances et au gouvernement pour le convaincre que malgré le ralentissement, nous pouvons apporter des améliorations dans certains domaines, notamment dans certains dossiers évoqués par Mme Bennett en ce qui a trait à la responsabilisation dans les soins de santé et dans de nombreux autres domaines.

Les défis sont nombreux, mais soyez assurés que nous sommes à la hauteur de la tâche.

Je vous remercie beaucoup de votre contribution.

Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques minutes

• 1110




• 1115

Le président: Nous allons poursuivre la séance. À ce qu'il semble, nous allons avoir aujourd'hui une table ronde sur l'éducation. C'est habituellement l'une des plus intéressantes que nous tenons dans de nos consultations prébudgétaires et je suis sûr qu'il en sera de même aujourd'hui.

Nous accueillons les organisations suivantes: l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université; l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires; la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants; la Fédération canadienne des étudiants; l'Association des collèges communautaires du Canada; et l'Alliance canadienne des associations étudiantes.

Nous allons les entendre dans l'ordre selon lequel elles figurent à l'ordre du jour. Autrement dit, nous allons commencer par l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Je crois que ses porte-parole sont David Robinson, directeur, Politiques et communications, et James L. Turk, directeur général. Comme vous le savez, vous avez entre cinq et sept minutes pour faire votre exposé.

Merci. Bienvenue.

M. James L. Turk (directeur général, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, monsieur le président.

Au nom de l'Association des professeures et professeurs d'université et des 30 000 enseignants que nous représentons dans toutes les universités du Canada, nous sommes heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.

Je demanderais à mon collègue, David Robinson, qui est notre directeur général adjoint en matière de politiques ainsi que notre économiste en chef, de présenter notre point de vue.

M. David Robinson (directeur général associé, Politiques et communications, Association canadienne des professeures et professeurs d'université): Merci, Jim.

Depuis que l'ACPPU a présenté son mémoire en août, beaucoup de choses ont changé radicalement. Les attaques terroristes aux États-Unis ont assombri encore davantage les perspectives économiques du Canada. La plupart des économistes s'attendent maintenant à ce que la croissance du PIB marque un temps d'arrêt d'ici la fin de l'année. Je tiens à souligner que le marché de l'emploi a particulièrement été durement touché. Déjà chancelant, ce marché vient d'absorber des dizaines de milliers de nouveaux licenciements annoncés au cours des dernières semaines.

Néanmoins, je continue à penser qu'il importe de rappeler que l'économie se portait déjà mal avant le 11 septembre. Nous devons nous attaquer aux problèmes fondamentaux, tout en reconnaissant que les retombées du 11 septembre ont été plus négatives que prévu. Que faut-il faire au sujet du ralentissement actuel ou, osons-nous le dire, de la récession?

À en juger par ce qu'ont rapporté récemment les médias, on semble croire à Ottawa qu'il n'y a pas grand-chose que le gouvernement fédéral puisse ou même doive faire. Les revenus sont à la baisse et les dépenses en matière de sécurité à la hausse, comme l'a récemment déclaré le ministre des Finances. Le gouvernement a très peu de marge de manoeuvre pour stimuler l'économie ou pour s'attaquer à d'autres problèmes prioritaires sans accumuler de déficit.

C'est plutôt étrange. Il me semble me rappeler avoir entendu le ministre des Finances affirmer à maintes occasions dans le passé que l'élimination du déficit n'avait jamais été considérée comme une fin en soi. On voulait ainsi donner au gouvernement la possibilité d'offrir aux Canadiens les services qu'ils veulent et chérissent le plus. Pourtant, encore une fois, on nous répète que nous ne pouvons nous le permettre. Nous ne pouvons nous permettre d'assurer la sécurité sociale et économique. Nous ne pouvons nous permettre de réparer les torts causés au régime des soins de santé et à l'éducation. Nous ne pouvons nous permettre de faire les choses que les gouvernements sont censés faire.

Notre association est d'un avis différent. Nous pensons qu'il est plus important que jamais que le gouvernement agisse sans tarder. En fait, le gouvernement est mieux placé pour agir qu'il ne l'a été dans le passé maintenant que nous avons éliminé des déficits structurels. À court terme, il faut prendre des mesures pour stimuler l'économie et faire en sorte que le ralentissement actuel soit faible et de courte durée. À long terme, nous devons tout de même prendre dès aujourd'hui des mesures pour assurer le bien-être futur et le niveau de vie de tous les Canadiens.

Ces mesures exigeront peut-être que le gouvernement affiche un déficit au cours du présent exercice financier. Je pourrais faire valoir que les finances du gouvernement ne sont pas aussi mauvaises qu'on nous le dit mais quoi qu'il en soit, il faut se rappeler que c'est une politique financière valable pour les gouvernements que d'équilibrer leur budget au cours d'un cycle économique. Selon cet étalon, le gouvernement est en très bonne posture. Même si Ottawa devait accuser un déficit énorme de 10 milliards cette année—ce qui n'est pas prévu, mais c'est une supposition—il aurait toujours en réserve un surplus cumulatif de près de 26 milliards de dollars accumulé depuis 1997.

• 1120

Bref, nous ne recommandons pas nécessairement au comité un déficit, mais un déficit si nécessaire.

L'an dernier, compte tenu de l'imposant surplus budgétaire dont disposait le gouvernement, l'ACPPU avait estimé que l'excédent s'établirait autour de 15 milliards de dollars. Nous nous étions trompés de 2 milliards. Le ministre des Finances lui, s'était trompé de 17 milliards. L'ACPPU a recommandé de réinvestir prioritairement cet argent dans les programmes sociaux. Dans notre mémoire de cette année, que vous avez en main, nous préconisons encore la même chose.

Plus particulièrement, nous pensons que le secteur de l'enseignement postsecondaire doit être une priorité nationale. Si le gouvernement fédéral convient que l'éducation est la clé de la croissance économique et du développement social, il est grand temps de faire en sorte que les collèges et universités du Canada soient pleinement accessibles, abordables et de la plus haute qualité. Le gouvernement doit manifester la volonté politique d'améliorer le financement d'exploitation de base de ces établissements par le biais de mécanismes transparents et axés sur la responsabilisation pour s'assurer que la contribution fédérale est dépensée selon ses voeux.

L'essence même du message que nous avons transmis à votre comité depuis plusieurs années est que les problèmes auxquels sont confrontés nos établissements aujourd'hui, le problème de la hausse des frais de scolarité, de l'endettement croissant des étudiants, de la pénurie de professeurs et de la détérioration de l'infrastructure ont tous leur origine dans le déclin des subventions d'exploitation de base émanant des gouvernements. Ce sont ces revenus qui permettent de financer l'enseignement de base et la vocation de recherches indépendantes de l'université. Les programmes et les initiatives lancés dans le passé n'ont pas permis de résoudre ce problème fondamental. On se contente de mesures superficielles au lieu de s'attaquer au coeur du problème.

Il est vrai que les gouvernements provinciaux doivent assumer une bonne partie du blâme dans cette affaire. Au nombre des principaux facteurs expliquant les compressions dans les budgets, citons la réduction des transferts en espèces du gouvernement fédéral aux provinces. Même avec les hausses récentes au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), les versements en espèces par habitant demeurent bien en deçà des niveaux antérieurs. En fait, les versements supplémentaires en espèces au TCSPS ne se sont pas traduits par des déboursés accrus de la part des autorités provinciales.

L'an dernier, les dépenses provinciales réelles par habitant dans le domaine de l'éducation postsecondaire ont chuté de 3 p. 100. Résultat, les étudiants et leurs familles sont forcés d'assumer une part croissante des coûts de l'enseignement postsecondaire. Il n'y a aucune responsabilisation et aucune transparence quant à la façon dont l'argent est dépensé, si tant est qu'il soit dépensé. Nous pensons qu'il faut se pencher non seulement sur le niveau de financement requis, mais aussi sur les mécanismes et les règles en vertu desquels les gouvernements fédéral et provinciaux appuient les collèges et les universités.

Tant au Canada qu'à l'étranger, l'expérience a prouvé sans conteste qu'un meilleur accès à l'éducation engendre des avantages nets, en enrichissant tant les particuliers que l'ensemble de la société. Ne pas supprimer les obstacles qui empêchent quiconque d'acquérir l'éducation qui lui permettra de participer pleinement à la vie économique et sociale de notre pays revient à enterrer une fortune. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser ce trésor enfoui, aujourd'hui encore moins que jamais auparavant.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robinson.

Nous allons maintenant entendre le président de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, M. Gary Shaddock.

Je vous souhaite la bienvenue.

M. Gary Shaddock (président, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Bonjour, et merci.

Monsieur le président, membres du comité, je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui au nom de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires. Nous sommes la voix nationale des conseils scolaires et des conseillers et conseillères scolaires élus dans tout le Canada. Ensemble, les neuf associations provinciales de conseils scolaires qui composent l'ACCCS représentent au-delà de 400 conseils scolaires servant plus de quatre millions d'élèves de niveaux primaire et secondaire au pays.

Le monde a changé considérablement depuis que l'ACCCS a envoyé son mémoire au comité permanent en août dernier. Dans la foulée des événements du 11 septembre, les priorités de dépenses du Canada ont dû être rajustées pour refléter les nouvelles réalités dans un monde où notre pays doit augmenter les mesures destinées à assurer la sécurité nationale, à équiper nos forces armées et à fournir de l'aide aux autres pays dans le besoin.

Nous reconnaissons qu'une grande partie de l'argent dépensé cette année, et au cours des prochaines années, sera consacré à répondre à ces besoins. Nous savons aussi qu'il est essentiel d'assurer la stabilité économique du pays alors que l'économie mondiale se dirige possiblement vers une récession.

Cependant, pour reprendre les propos du premier ministre Chrétien en réponse au discours du Trône de janvier 2000, il a fallu qu'une génération se serre les coudes pour réduire l'incidence de la pauvreté chez les personnes âgées. Nous pouvons et devons accomplir des progrès analogues pour les enfants. Nous devons nous assurer que les enfants demeurent notre priorité nationale.

• 1125

En marge de la conjoncture mondiale actuelle, les trois objectifs énoncés dans le rapport prébudgétaire du comité demeurent valables. Nous souhaitons présenter les suggestions suivantes.

Le gouvernement fédéral doit reconnaître que le Canada ne saurait être un acteur important dans l'économie mondiale s'il n'offre pas à tous les Canadiens l'infrastructure sociale qui leur permettra de réaliser pleinement leur potentiel. À cette fin, l'ACCCS recommande en premier lieu d'inverser l'ordre des objectifs visés. La création de l'environnement socio-économique permettant à tous les Canadiens de jouir d'un niveau de vie optimal doit être la première priorité.

L'ACCCS félicite le gouvernement fédéral pour sa prestation nationale pour enfants et est heureuse que celui-ci se soit engagé à continuer d'augmenter la contribution gouvernementale au cours des quatre prochaines années.

L'ACCCS applaudit également à l'accord conclu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux pour un plan d'action concernant l'initiative de développement de la petite enfance. Toutefois, pendant que les gouvernements et les dirigeants politiques négocient et discutent des prochaines politiques et ententes à instaurer, des enfants de notre pays continuent d'être défavorisés. C'est le moment d'adopter des mesures et d'établir des budgets à l'appui des promesses, afin d'actualiser le Plan d'action national pour les enfants.

Dans le cadre du discours du Trône de janvier 2001, le gouvernement soulignait le besoin de créer une société plus inclusive qui permette aux enfants de prendre un bon départ dans la vie. Un tel énoncé signifie que notre prospérité actuelle n'est pas partagée par tous. Un nombre effrayant d'enfants canadiens vivent dans la pauvreté. Ce nombre n'a cessé d'augmenter de façon exponentielle au cours de la dernière décennie et avec le ralentissement actuel de l'économie, le nombre de jeunes Canadiens défavorisés augmentera encore davantage.

Le rôle de chef de file du gouvernement fédéral en ce qui a trait à cette initiative cruciale doit comprendre un engagement financier significatif dans le cadre du budget de 2002. Une augmentation des montants alloués par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, même symbolique compte tenu des contraintes actuelles, réaffirmerait la volonté du gouvernement fédéral de renouveler l'infrastructure sociale du pays.

L'ACCCS salue également les efforts du gouvernement fédéral pour contribuer à faire du Canada l'un des pays les plus branchés au monde. Il a fait preuve d'un grand leadership en ce qui a trait à deux programmes d'Industrie Canada: le RESCOL canadien et le Programme des ordinateurs pour les écoles. En outre, le groupe de travail national sur les services à large bande a fourni au gouvernement certaines options pour l'aider à rendre accessible l'accès à large bande à toutes les communautés d'ici 2004. Toutefois, en raison des nombreux progrès technologiques, il est difficile de fournir à tous les étudiants des solutions d'accès haute vitesse à prix abordable, de l'équipement moderne et les logiciels les plus récents. De plus, offrir un contenu multimédia de qualité présentant la culture et les valeurs canadiennes via Internet représente tout un défi.

Enfin, il y a un manque de cohérence évident au niveau de la politique fédérale. Bien que l'on fasse la promotion de l'utilisation de la technologie en éducation et d'une connectivité accrue, la Loi sur le droit d'auteur rend illégaux de nombreux projets réalisés par des étudiants et des professeurs sur Internet. D'éventuels changements à la Loi sur le droit d'auteur en matière d'environnement numérique pourraient rendre les coûts des conseils scolaires prohibitifs et par conséquent, réduire l'utilisation possible de l'Internet en tant que ressource.

L'ACCCS exhorte le gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces, les territoires et les conseils scolaires à créer à l'échelle du Canada un programme d'enseignement technique et professionnel afin de permettre à tous les étudiants d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour pouvoir livrer concurrence dans l'économie mondiale.

L'ACCCS invite également le gouvernement fédéral à collaborer avec les provinces, les territoires, les conseils scolaires ainsi que le secteur privé pour formuler une stratégie cohérente permettant l'accès aux services à large bande à toutes les communautés, y compris les établissements d'enseignement public, d'ici 2004.

En conclusion, l'ACCCS invite instamment le comité à recommander au gouvernement fédéral de reconnaître dans le budget 2002 que les jeunes et les enfants sont une priorité. Le Canada ne peut jouer un rôle important dans l'économie mondiale sans offrir une infrastructure sociale bien développée afin que la prospérité ne soit pas l'apanage d'un petit nombre, mais accessible à tous; que tous les enfants puissent connaître un bon départ et que tous les Canadiens aient la possibilité de réaliser leur plein potentiel.

La jeunesse est l'avenir du Canada. Léser nos enfants, c'est compromettre notre avenir.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Shaddock.

Nous allons maintenant entendre MM. Harvey Weiner et John Staple de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Encore une fois, bienvenue.

M. Harvey Weiner (sous-secrétaire général, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): Merci, monsieur le président. C'est toujours un plaisir de venir ici.

Mon collègue, John Staple, est directeur des services économiques de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants.

• 1130

[Français]

La Fédération canadienne des enseignantes et des enseigants, qui est le porte-parole national de la profession enseignante, fait la promotion de la qualité de l'éducation, de la situation des membres de la profession et de l'égalité des chances au moyen de l'éducation publique.

La fédération coordonne et facilite la mise en commun d'idées, de connaissances et de compétences parmi les 14 organisations provinciales et territoriales qui lui sont affiliées, qui regroupent au total plus de 240 000 enseignants et enseignantes aux paliers élémentaire et secondaire au Canada.

On va traiter de trois dossiers en priorité dans notre présentation de ce matin. Il y a d'abord l'investissement dans les enfants et les jeunes. On en a beaucoup parlé dans la présentation de l'Alliance nationale pour les enfants. On veut renforcer le fait que la première priorité est l'investissement dans les enfants et les jeunes. Tous les Canadiens se partagent la responsabilité de veiller à ce que les enfants et les jeunes du Canada reçoivent les soins et l'éducation dont ils et elles ont besoin. S'ils réussissent, nous réussirons.

La fédération estime que nous devons adopter de nouveaux schèmes de pensée dans notre pays. Pour nous, les enfants du Canada ne devraient plus être considérés tout simplement comme vos enfants ou comme mes enfants. Ils sont nos enfants, et l'ensemble de la société canadienne doit en assumer la responsabilité.

[Traduction]

Il y a deux autres questions que nous voulons aborder. Premièrement, nous faisons face à un problème croissant qui, dans certains cas, atteint des proportions épidémiques, soit la pénurie de professeurs. Deuxièmement, il y a aussi un certain nombre de questions relatives au régime fiscal.

Étant donné que la fédération représente les professeurs de niveaux élémentaire et secondaire, nous ne saurions trop insister sur la nécessité pour tous les pouvoirs publics de collaborer afin de financer adéquatement les services d'éducation publique.

Nous sommes confrontés à une pénurie de professeurs qui risque de se transformer en véritable crise. À notre avis, le gouvernement fédéral a la responsabilité de collaborer avec les provinces et territoires, avec nous et avec toutes les autres parties intéressées pour convaincre les étudiants les plus brillants d'envisager l'enseignement comme carrière et aussi pour formuler et mettre en oeuvre des mesures susceptibles d'accroître le maintien en poste des enseignants actuels. D'après nos données, qui ont été renforcées par Statistique Canada, plus de 25 p. 100 des enseignants canadiens quittent la profession après cinq ans. À notre avis, cela dénote un problème sérieux.

Le gouvernement fédéral a une longue tradition d'intervention pour aider à régler les problèmes fondamentaux liés au marché du travail national. La situation actuelle, qui va en s'aggravant, tombe dans cette catégorie.

Récemment, le gouvernement fédéral est intervenu dans les secteurs de l'agriculture et de la technologie. Chose certaine, à un moment où la promotion de l'innovation et de l'acquisition du savoir et de compétences pointues est au premier plan des objectifs du Canada, il serait illogique que le gouvernement fédéral ne fasse pas tout en son pouvoir pour rehausser l'image de la profession d'enseignant et pour promouvoir l'enseignement comme profession de choix.

Je vais m'arrêter ici. Nous avons des propositions spécifiques pour favoriser les progrès dans chacun de ces dossiers. John Staple abordera un certain nombre de questions fiscales que nos membres nous ont demandé de soulever auprès du comité en ce qui concerne diverses dépenses professionnelles et autres qu'ils assument dans l'exercice quotidien de leur profession, mais qui ne sont pas reconnues à l'heure actuelle par le régime fiscal.

Le président: Merci, monsieur Weiner.

Monsieur Staple.

M. John Staple (directeur des services économiques, Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants): À la suite des observations de M. Weiner, je parlerai brièvement de deux problèmes fiscaux importants que nous essayons de régler depuis un certain temps: premièrement, les dépenses professionnelles des enseignants et, deuxièmement, le traitement fiscal qui leur est réservé.

• 1135

À la suite de sondages menés auprès de nos membres d'un bout à l'autre du Canada, il appert, comme c'est le cas dans d'autres études similaires, que la moyenne des dépenses annuelles engagées par les étudiants pour l'achat de matériel scolaire nécessaire à leur travail en classe s'élève à près de 600 $. Cela représente approximativement 140 millions de dollars de contributions de la part des enseignants des niveaux primaire et secondaire pour aider le financement du système d'éducation dans le cadre duquel ils oeuvrent.

Qui plus est, nous sommes confrontés depuis longtemps à des difficultés concernant le traitement des dépenses des enseignants liées à la formation professionnelle. Ces questions sont expliquées plus en détails dans notre mémoire. Nous estimons que le traitement fiscal accordé aux employés, et plus particulièrement aux enseignants professionnels, comme pour ce qui est des dépenses qu'ils engagent en matière de formation professionnelle, n'est pas le même que pour des dépenses analogues liées aux activités de l'employeur.

Enfin, et je conclurai là-dessus, il y a aussi des problèmes liés aux REER et aux RPA. Depuis un certain nombre d'années, nous tentons de faire avancer le dossier. En collaboration étroite avec un groupe appelé la Coalition pour le revenu de retraite, que vous connaissez et qui, sauf erreur, comparaîtra devant vous plus tard cette semaine, j'ai fait des démarches pour obtenir le relèvement du plafond des cotisations à un REER ainsi que du maximum visant les RPA. Nous avons déjà expliqué en détail ces questions au comité à d'autres occasions. Je répondrai volontiers aux questions des députés concernant cet aspect après les exposés.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Staple.

Nous allons maintenant entendre Ian Boyko, président de la Fédération canadienne des étudiants. Bienvenue.

M. Ian Boyko (président, Fédération canadienne des étudiants): Bonjour. Tout d'abord, je souhaite remercier le comité de nous donner l'occasion aujourd'hui de parler au nom de plus de 425 000 étudiants de niveau postsecondaire regroupés dans 61 syndicats d'étudiants d'un bout à l'autre du Canada.

Comme vous avez pu le lire dans notre mémoire, la fédération propose plusieurs recommandations en vue de redresser les défis de taille auxquels est confronté le système d'enseignement postsecondaire au Canada. Mais compte tenu des courts délais qui nous sont impartis, je me bornerai à vous faire part de notre réflexion sur l'acquisition des compétences, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, ainsi que l'innovation et la recherche. Si les membres du comité souhaitent obtenir des précisions sur les propositions énoncées dans le mémoire, je les leur fournirai volontiers au cours de la période de questions-réponses.

À l'occasion de la table ronde nationale de DRHC sur les compétences et le savoir tenue en mars dernier à Edmonton, les participants ont souscrit sans réserve à deux principes: premièrement, le gouvernement fédéral a un rôle de premier plan à jouer dans le financement et l'administration d'une stratégie nationale et, deuxièmement, l'accès universel doit être un élément essentiel de l'acquisition de compétences.

Comme le gouvernement fédéral l'a reconnu, l'approche fragmentaire actuelle, qui représente une mosaïque de programmes divers, a absolument besoin d'être réformée. L'octroi de bons d'étude pouvant être acceptés dans les établissements tant privés que publics a simplement eu pour effet d'engendrer la prolifération de collèges de qualité inférieure et avec l'échec lamentable des bourses du millénaire, on a fait très peu pour réduire l'endettement des étudiants.

Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que le livre blanc sur l'innovation et l'acquisition de compétences préconisera la mise en oeuvre au Canada de régimes enregistrés d'apprentissage personnel (REAP), calqués sur le modèle britannique. Le fait que la secrétaire à l'éducation britannique, Mme Estelle Morris, a annoncé la semaine dernière que ce programme allait être supprimé en dit long sur ses chances de succès ici. En fait, compte tenu des normes ridiculement laxistes régissant l'accréditation des collèges privés au Canada, l'introduction de régimes enregistrés d'apprentissage personnel ne fera qu'exacerber le chaos causé par une approche fragmentaire en matière d'éducation continue. Il est clair que les fournisseurs privés sont les seuls bénéficiaires de ce programme très coûteux.

Au lieu de répéter toutes les iniquités des régimes enregistrés d'apprentissage personnel, le gouvernement fédéral devrait recommencer à acheter en vrac des places dans les établissements publics pour assurer le recyclage. En outre, nous adhérons entièrement au plaidoyer du Congrès du travail du Canada en faveur du congé de formation payé au moyen de l'assurance-emploi, comme cela se fait en Europe.

Si les REAP et les REEE excluent les Canadiens défavorisés, les changements apportés en 1998 à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité les singularise particulièrement. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants attend toujours d'entendre une justification rationnelle pour les changements discriminatoires qui retirent aux étudiants croulant sous les dettes leur ultime protection en vertu de la loi. Il est également navrant de voir avec quelle rapidité les politiques régressives du budget de 1998 ont été mises en vigueur alors que les étudiants attendent toujours une mesure sur la réduction de l'endettement étudiant au Canada.

Enfin, nous recommandons dans notre mémoire au comité que les responsables de projets de recherche ne soient pas obligés de fournir des fonds de contrepartie du secteur privé pour obtenir des fonds auprès de la Fondation canadienne pour l'innovation. C'est bien simple, obliger des chercheurs de toutes les disciplines à prouver que leurs recherches ont un intérêt pour le secteur privé étouffe l'innovation au lieu de la promouvoir. Cela exclut de façon explicite la recherche en sciences sociales et humaines, ainsi que la recherche en sciences pures, qui n'a de moteur que la curiosité. C'est ainsi que la FCI représente une atteinte fondamentale à la vocation des universités publiques de se livrer à la recherche pour le plus grand bien de la population.

• 1140

Le meilleur exemple de cette menace est le cas de la Dre Nancy Olivieri. D'ailleurs, l'ACPPU a fait de l'excellent travail pour ce qui est de publiciser cette affaire depuis environ deux ans maintenant, et j'invite instamment tous les membres du comité à lire le rapport du comité d'enquête qui s'est penché sur cette affaire mettant en cause la Dre Nancy Olivieri, Sick Kids Hospital, l'Université de Toronto et Apotex Inc.

En conclusion, la Fédération canadiennes des étudiantes et étudiants trouve aberrant que devant les répercussions économiques des événements du 11 septembre, on ait envisagé toutes les mesures régressives possibles, du gel des dépenses sociales à l'accumulation de déficits alors qu'il n'a même pas été fait mention de la possibilité de retarder ou de suspendre les compressions budgétaires inconsidérées qui ont nui à la capacité du gouvernement actuel d'atténuer les répercussions d'un ralentissement économique. Le gouvernement fédéral ne doit pas hésiter à jouer son rôle et à financer convenablement les programmes sociaux essentiels dans notre pays.

Je vous remercie beaucoup et je répondrai volontiers à vos questions par la suite.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Boyko.

Nous allons maintenant entendre M. Gerald Brown, président et chef de la direction de l'Association des collèges communautaires du Canada. Bienvenue.

[Français]

M. Gerald Brown (président et chef de la direction, Association des collèges communautaires du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir invité à être parmi vous ce matin.

[Traduction]

L'Association des collèges communautaires du Canada est la voix nationale et internationale des 150 collèges communautaires, instituts de technologie, collèges universitaires et cégeps situés dans 900 collectivités disséminées dans dix provinces et trois territoires et financées par les fonds publics. L'ACCC est heureuse d'avoir l'occasion de participer aux consultations préalables au prochain budget.

À l'instar d'un grand nombre de nos collègues, nous sommes conscients des besoins urgents créés par les événements du 11 septembre. La sécurité de la nation, notre adhésion à une alliance mondiale contre le terrorisme, l'importance d'éviter un retour à l'endettement et la nécessité de stimuler l'économie du pays sont autant de priorités immédiates qui préoccupent nos décideurs politiques. Nous savons tous, cependant, que les choses reprendront éventuellement leur cours normal, quelle que soit la nouvelle définition que l'on donnera au terme «normal». Nous invitons instamment le gouvernement fédéral à ne pas perdre de vue les priorités établies avant le 11 septembre, qui sont tout aussi importantes maintenant qu'elles l'étaient le 10 septembre.

Une caractéristique unique distingue les collèges et instituts canadiens, à savoir leurs liens avec l'industrie et le monde des affaires ainsi qu'un réseau d'établissements communautaires au Canada, ce qui permet leur intégration au développement économique. Respectueux de leur vocation première, les instituts et collèges du Canada répondent aux besoins éducatifs de la population étudiante, des milieux d'affaires, de l'industrie, de l'entrepreneuriat, du secteur public ainsi que du secteur professionnel. Profondément ancrés dans quelque 900 collectivités, les collèges et instituts sont les principaux véhicules offrant l'accès à l'enseignement postsecondaire, à l'éducation continue, au perfectionnement des compétences, aux transferts universitaires et à l'éducation non formelle. Grâce à leur rôle socio-économique stratégique, ces établissements contribuent à la prospérité au Canada. Les collèges et instituts embrassent pleinement ce rôle, mais ils ont besoin de soutien pour continuer à appuyer la prospérité future des Canadiens dans une économie dynamique axée sur le savoir.

S'il convient d'applaudir à ses efforts pour mettre en oeuvre des programmes, des politiques et des mesures qui ont posé le Canada comme une société concurrentielle sur les connaissances, le gouvernement a néanmoins raté diverses occasions d'aider les collèges et instituts du Canada à offrir une éducation et une formation accessibles et abordables.

Dans le cadre du processus de planification du budget à venir, nous souhaitons aborder les questions suivantes, qui sont d'une importance cruciale pour les collèges et instituts. La nécessité d'investir dans une main-d'oeuvre qualifiée doit demeurer une priorité stratégique. Les compétences, les connaissances et l'innovation seront les principaux moteurs de la prospérité sociale et économique du Canada. Pour être en mesure de bâtir une main-d'oeuvre solide capable de relever les défis d'une économie en évolution constante, il faut encourager les Canadiens à perfectionner leurs compétences et à accroître leurs connaissances grâce à l'éducation continue.

Certes, les besoins de notre communauté en matière d'éducation changent constamment. Il est impératif de mettre l'accent sur le perfectionnement de la main-d'oeuvre actuelle, lequel passe par la prestation d'une formation dans les métiers spécialisés, l'application de nouvelles technologies et l'acquisition de compétences par les travailleurs dépourvus de diplômes d'études secondaires. Avec près de 2,5 millions d'élèves à temps plein et à temps partiel, les collèges et instituts du Canada sont les principaux fournisseurs dans les domaines de l'enseignement postsecondaire, de l'éducation continue et de la formation. Il va de soi que ces établissements doivent être à l'avant-garde et collaborer étroitement avec le gouvernement fédéral pour élaborer des stratégies de formation susceptibles de combler les pénuries de compétences, de répondre aux besoins changeants des entreprises canadiennes et de contribuer à la croissance économique du Canada en tant que nation.

Nous devons également identifier les mécanismes qui permettront aux collèges et instituts techniques du Canada d'être partie intégrante d'une économie vigoureuse et novatrice. Compte tenu de la concurrence internationale dans l'économie du savoir du nouveau millénaire, le Canada devra investir judicieusement dans la recherche, le développement et l'innovation. Plus particulièrement, les industries et les entreprises de petite et moyenne taille ont besoin de soutien pour transformer les technologies actuelles en produits tangibles destinés aux marchés.

• 1145

En tant qu'établissements communautaires, les collèges et instituts ont acquis une expertise dans le domaine du soutien industriel en ce qui a trait au transfert de technologie, à la conception de produits et à la commercialisation. Les collèges et instituts sont devenus les laboratoires de recherche appliquée des petites et moyennes entreprises canadiennes.

En dépit du rôle de premier plan que jouent les collèges et instituts pour répondre aux besoins techniques et de formation de l'industrie, les gouvernements n'ont pas su reconnaître la portée, la profondeur et l'incidence économique de la recherche appliquée émanant du système collégial. Si nous voulons concrétiser intégralement notre programme d'innovation nationale, il convient de reconnaître l'apport de tous les intervenants et le gouvernement fédéral doit réviser ses modalités actuelles de financement. La capacité novatrice des collèges et instituts représente sur le plan des installations, de l'équipement et du personnel un investissement considérable qu'il faut utiliser pour assurer une compétitivité optimale.

Troisièmement, il faut rehausser la capacité des collèges et instituts d'adapter, de développer et de mettre en oeuvre un apprentissage fondé sur la technologie. Les collèges et instituts ont, depuis 20 ans, été à l'avant-garde pour ce qui est d'offrir des possibilités d'apprentissage au moyen de divers modes. Ces instituts sont reconnus dans le monde entier pour leur travail de pionniers en matière d'éducation à distance et de prestation de programmes.

Les possibilités et les défis auxquels font face nos établissements ont trouvé écho dans le rapport qu'a récemment publié le comité consultatif sur l'éducation en ligne. Ces établissements ont pris des engagements considérables à l'égard d'un apprentissage technologiquement supérieur hors ligne et en ligne. Les collèges et instituts sont disposés à capitaliser encore davantage ces technologies. Nous jugeons essentiel qu'il soit prioritaire d'améliorer sensiblement la capacité des collèges et instituts du Canada d'adapter, de développer et de mettre en oeuvre un apprentissage fondé sur la technologie.

Enfin, il est urgent d'élargir les débouchés éducatifs et économiques des collectivités rurales et éloignées. Celles-ci ont été fortement ébranlées par les changements rapides et irrésistibles de la société nationale et mondiale. Un grand nombre de Canadiens vivant en milieu rural voient leur qualité de vie et leur perspective d'un meilleur avenir menacées par le manque d'éducation et de formation, un taux de chômage élevé, une croissance lente et une réduction des possibilités, la migration urbaine et le manque de ressources technologiques.

Les collèges et instituts établis en milieux ruraux et éloignés sont idéalement placés pour être des catalyseurs favorisant l'accroissement des possibilités économiques et éducatives dans leur communauté. Les collèges et instituts ont depuis longtemps fait la preuve de leur capacité de surveiller les fluctuations économiques, de préparer leurs étudiants et d'utiliser divers indicateurs pour déceler les possibilités de développement. Mais ces établissements ne peuvent réussir seuls. Pour assurer le succès économique et la santé sociale de nos collectivités éloignées et rurales, il faudra un effort concerté de la part d'étudiants motivés, de politiques et de décideurs bien informés, de planificateurs économiques et d'éducateurs.

Compte tenu du temps dont je dispose, je m'arrêterai là, sauf pour mentionner que nous avons des préoccupations à propos de l'infrastructure, avec l'entretien différé accumulé, comme d'autres l'ont mentionné; l'importance d'assurer une meilleure mobilité des étudiants canadiens, à l'échelle nationale et internationale; et la nécessité de réviser tout le dossier de l'endettement étudiant.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brown.

Pour la gouverne de tous les participants, je signale que lorsque vous présentez et déposez un mémoire au comité, il est pris en considération dans son intégralité. Le comité tient compte de tous les points que vous soulevez.

Nous allons maintenant donner la parole au directeur national de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, M. Liam Arbuckle. Bienvenue.

M. Liam Arbuckle (directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes): Merci.

Bonjour et merci de nous donner l'occasion de participer à cette table ronde.

Je suis le directeur national de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, l'ACAE, qui représente plus de 310 000 étudiants des niveaux collégial et universitaire, soit une personne sur 100 au Canada. L'alliance est une organisation non partisane sans but lucratif qui défend les intérêts de 23 associations étudiantes disséminées dans tout le pays. Nous cherchons à promouvoir des changements positifs dans le système d'enseignement postsecondaire du Canada au moyen de propositions stratégiques concrètes et de discussions sérieuses avec les décideurs clés.

Les événements du 11 septembre et leur contrecoup ont eu un effet profondément négatif sur l'économie du Canada. Les échanges avec les États-Unis sont au ralenti, des industries importantes sont ébranlées, de nouvelles mesures de sécurité sont mises en oeuvre et on note une érosion de la protection du revenu du gouvernement.

Parallèlement, notre monde et notre économie changent d'une autre façon très importante. Depuis des années, on nous annonce l'avènement de l'économie fondée sur le savoir. En fait, elle est déjà arrivée et si nous voulons que notre économie croisse et que le niveau de productivité du Canada augmente, nous devons prendre des mesures financières qui reconnaissent la réalité de l'économie du savoir.

D'après la ministre du Développement des ressources humaines, Mme Jane Stewart, un emploi sur quatre exigera un diplôme universitaire en 2004. Comme c'était un sur six en 1998 seulement, cela marque un bond de 10 p. 100 dans le nombre d'emplois exigeant un diplôme universitaire. On constate donc un changement d'envergure dans la nature de notre main-d'oeuvre en l'espace de six ans seulement.

• 1150

De toute évidence, l'éducation offre aux citoyens canadiens la garantie d'une meilleure rémunération et d'un avenir plus prospère, mais il importe de noter que ces avantages s'étendent à la société dans son ensemble. D'après Consolider nos acquis, un rapport publié en 1998 par Industrie Canada sur la science et la technologie:

    Des preuves nombreuses et croissantes appuient le concept voulant que les perspectives économiques d'une nation et la qualité de vie de ses citoyens dépendent au plus haut point des connaissances et des compétences de sa population.

Il faut saluer le Comité des finances qui a reconnu ce fait dans son rapport sur le budget 2000:

    Dans notre économie du savoir, les gains de productivité sont fonction du développement du capital humain qui est lui-même le moteur du progrès technologique. Cependant, les économistes se sont rendu compte que le taux d'innovation est déterminé par des éléments endogènes dans l'économie. La capacité d'instaurer des incitatifs et des conditions économiques favorables peut augmenter le rythme du changement technologique et, partant, le niveau de productivité.

Je suis ici aujourd'hui parce que l'ACAE pense que ces idées peuvent contribuer à instaurer les incitatifs et les conditions devant permettre que l'enseignement postsecondaire joue son rôle nécessaire dans le développement du capital humain. Plus particulièrement, je tiens à soulever deux grandes questions d'intérêt primordial pour les étudiants des établissements postsecondaires: l'abordabilité et la qualité.

Notre mémoire initial au Comité des finances a manifestement été rédigé avant le 11 septembre. Les recommandations qu'il contenait étaient audacieuses mais raisonnables et se fondaient sur les projections gouvernementales de la mise à jour économique du mois de mai. Les circonstances ont changé depuis, mais les fondements de ces propositions demeurent valables. Dès que le gouvernement sera en mesure de prendre de nouveaux engagements à long terme, il devra accorder une attention très sérieuse à ces propositions. Avant de les décrire, je voudrais vous parler d'une idée fort opportune dont nous n'avons pas fait état dans notre mémoire initial.

Cette idée concerne l'abordabilité, qui est une préoccupation croissante pour de nombreux étudiants. Ce qui est sans doute plus important aux yeux du comité, c'est que le problème de l'abordabilité empêche sans doute de nombreux étudiants potentiels d'entreprendre des études postsecondaires et si le Canada veut être concurrentiel dans l'économie mondiale, il faut que la population étudiante augmente. Souvenez-vous que tout à l'heure j'ai dit qu'en 2004, un emploi sur quatre exigerait un diplôme universitaire. Malheureusement, d'après Statistique Canada, en 1998, un jeune sur cinq âgé de 18 à 24 ans fréquentait l'université à temps plein.

Certaines données préliminaires d'un rapport qui n'a pas encore été rendu public sur la Fondation canadienne des bourses du millénaire apportent des réponses intéressantes qui expliquent pourquoi certains élèves de niveau secondaire décident de ne pas aller au cégep ou à l'université. La principale raison invoquée pour ne pas poursuivre des études postsecondaires était le coût: 22,5 p. 100 des répondants à l'échelle du pays ont cité le coût comme le principal facteur dans leur décision de ne pas poursuivre leurs études. Les chiffres les plus bas étaient au Québec, avec 13,2 p. 100 des répondants et les plus élevés en Colombie-Britannique, avec 32,4 p. 100. La Fondation canadienne des bourses du millénaire affiche ces résultats d'après les données de Statistique Canada de 1991 et de 1995. Il est plus que probable que le coût est un obstacle encore plus grand à la suite de la hausse des frais de scolarité.

Examinons maintenant certains chiffres concernant ces frais. Tous les chiffres que je vais citer proviennent de Statistique Canada. Entre 1990-1991 et 2000-2001, les frais de scolarité pour un diplôme en sciences humaines ont augmenté de 126,2 p. 100, soit six fois plus rapidement que la hausse de l'inflation, évaluée à 20,6 p. 100 selon l'Indice des prix à la consommation. C'est toute une augmentation! L'acquisition de ce diplôme coûte maintenant 3 452 $ par an en frais de scolarité seulement. Malheureusement, l'épargne des parents n'a pas augmenté au même rythme que les frais de scolarité.

Fait à signaler, 87 p. 100 des parents souhaitent que leurs enfants fassent des études supérieures, mais seulement 41 p. 100 d'entre eux ont des économies pour leur offrir cette éducation. La valeur médiane de ces économies s'établit approximativement à 3 000 $, ce qui ne couvre même pas les frais de scolarité pour une année, sans compter les livres et les dépenses courantes.

L'impossibilité pour les étudiants d'assumer le coût de leur éducation grâce à leurs économies, à leurs revenus pendant leurs études et à des subventions se traduit inévitablement par l'accroissement de l'endettement étudiant. Malheureusement, l'ACAE n'a pas trouvé de chiffres fiables à jour sur la dette étudiante moyenne au moment de l'obtention du diplôme. Nous savons que le montant total des prêts étudiants non remboursés était 6,2 fois plus élevé en 1999 qu'en 1984. Plus de 1,4 million d'unités familiales ont fait état de dettes d'étude en 1999, par rapport à 490 000 en 1984. L'endettement médian des étudiants est passé de 3 400 à 7 300 $. Il convient de noter que ce chiffre, 7 300 $, s'applique à des dettes étudiantes à diverses étapes de remboursement; la dette étudiante moyenne à la fin des études s'élève certainement à plus de 10 000 $.

C'est sans aucun doute parce qu'il était sensible à l'endettement des étudiants que le gouvernement fédéral a, dans le budget de 1998, institué le Fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire et un programme de réduction de l'endettement au titre des remboursements. Malheureusement, cette initiative n'a pas donné les résultats escomptés par les étudiants ou par le gouvernement. D'après les estimations du Programme canadien de prêts aux étudiants, 75 p. 100 des emprunteurs qui épuisent les 54 mois d'exemption de paiement d'intérêts prévus par le gouvernement fédéral sont inadmissibles à la réduction de leur remboursement. La principale raison, c'est que les critères d'admissibilité au programme de réduction de la dette et au programme d'action de paiement d'intérêts sont différents. On détermine l'admissibilité d'un candidat en se fondant sur son revenu et son niveau d'endettement.

L'ACAE est d'avis que le gouvernement fédéral devrait instaurer un programme de remise de dettes qui soit à tout le moins aussi accessible que le programme d'exemption de paiement d'intérêts. Après tout, les candidats à la remise de dettes auront déjà touché une rémunération qui leur aura à peine suffit pour survivre pendant cinq ans et auront ramené de 10 à 15 ans la période de remboursement de leur prêt.

• 1155

Dans ces circonstances, le programme actuel n'aura qu'à consentir un versement unique afin de diminuer la dette pour qu'elle s'établisse au maximum à la moitié de la dette totale de l'emprunteur, ou 10 000 $. Il va de soi que seul un petit nombre d'emprunteurs demandera ce type d'assistance. Mais l'ACAE estime qu'il convient de donner une chance à ceux qui ont dû accumuler une dette considérable et gérable pour faire des études.

Nous recommandons qu'une version améliorée du programme fédéral de remise de dettes applique les mêmes critères d'admissibilité que le programme d'exemption de paiement d'intérêts. Une fois ce programme arrivé à échéance, le programme de remise ne devrait comporter aucun plafond. Au lieu de faire un versement unique, le programme devrait accorder une remise de dette sur chaque paiement en fonction du revenu de l'année précédente de l'emprunteur.

Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, un diplôme d'études postsecondaires peut augmenter considérablement le revenu de quelqu'un, mais malheureusement ce n'est pas le cas pour tous ceux qui choisissent de se mettre en quête d'un diplôme. Espérons qu'en améliorant le programme de remise de dette et qu'en diffusant efficacement ces changements, le gouvernement fédéral incitera davantage de gens à faire des études, sachant que le risque qu'ils courent d'être aux prises avec une dette écrasante est sensiblement réduit.

En raison du manque de temps, le comité devra passer en revue les quatre autres suggestions énoncées dans notre mémoire. J'espère qu'il pourra le faire à temps.

Pour conclure, j'aimerais citer M. Stéphane Garelli, directeur du projet de réputation internationale World Competitiveness Project:

    L'appui le plus convaincant à l'argument selon lequel la concurrence existe entre les nations se voit dans les domaines de l'éducation et du savoir-faire. Dans une économie moderne, les nations ne dépendent pas des produits et des services, elles se font également concurrence dans le domaine du savoir.

    La connaissance est peut-être le facteur de compétitivité le plus important. Plus les pays montent dans l'échelle économique, plus ils comptent sur la connaissance pour assurer leur prospérité et pour être concurrentiels sur les marchés mondiaux. Chaque nation est responsable de l'acquisition et de la gestion de la connaissance. En fait, les nations se font vraiment concurrence.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Arbuckle. Je remercie tous les témoins.

Je commencerai par accorder cinq minutes à M. Epp et cinq minutes à M. Kenney.

M. Ken Epp: Je vais laisser M. Kenney commencer.

Le président: Monsieur Kenney, alors. Ensuite, nous passerons à qui voudra poser une question du côté ministériel.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Je remercie tous nos témoins.

Nous accueillons deux organisations étudiantes. Sauf erreur, l'ACAE représente 23 associations étudiantes. Combien la FCE en représente-t-elle?

M. Ian Boyko: Soixante et une.

M. Jason Kenney: Toutes dans des universités accréditées?

M. Ian Boyko: La fédération représente les collèges et universités publics, c'est-à-dire des étudiants du premier et du deuxième cycle.

M. Jason Kenney: Premièrement, j'ai une question à poser au porte-parole de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université. Dans votre exposé, vous nous avez fourni énormément de données, ce dont je vous félicite car ce n'est pas toujours le cas. C'est donc utile.

À la page 4 de votre mémoire, vous présentez les perspectives financières du gouvernement. Je constate qu'à la rubrique de l'excédent pour planification, vous évaluez à 34,6 milliards de dollars le total sur cinq ans.

Pouvez-vous me dire quand vous avez fait ce calcul? Si vous avez pris connaissance des projections financières et économiques les plus récentes, vous savez que les choses ont changé radicalement. Contrairement à la croissance de revenu que vous projetez pour les deux prochains exercices financiers, nous envisageons plutôt un revenu neutre, ce qui modifie du tout au tout les totaux de l'excédent.

M. David Robinson: Oui. De toute évidence, cela a été calculé avant le 11 septembre. Il n'en demeure pas moins que cet exercice se fondait sur des prévisions relativement modestes pour le présent exercice financier.

Je ne pense pas que le solde sous-jacent pour 2001 soit tellement éloigné de ce qui figure dans le tableau. Il se chiffrera sans doute plus près de 8 milliards—entre 7,5 et 8 milliards. C'est en 2002 que les problèmes feront vraiment surface. Nous verrons probablement un solde sous-jacent de cinq milliards de dollars seulement. Il n'y aura donc pas d'excédent pour planification en 2002.

Évidemment, le gouvernement a le loisir de puiser dans ses réserves, dans l'argent qu'il a mis de côté pour les mauvais jours, ou d'accumuler un déficit modeste s'il estime que cela pourra nous aider à traverser cette période de turbulence.

M. Jason Kenney: Évidemment, en tant que décideurs, nous devons étudier l'ensemble des perspectives. Projetez-vous un excédent pour planification de cinq milliards de dollars ou un solde sous-jacent l'an prochain?

M. David Robinson: L'an prochain, l'excédent pour planification sera tout près de zéro.

M. Jason Kenney: Pour l'excédent de planification. Évidemment, la Banque de Nouvelle-Écosse prévoit un déficit de cinq milliards de dollars l'an prochain. Quant à Wood Gundy, il prévoit un solde sous-jacent nul. La situation est donc très serrée et je suis sûr que vous en êtes conscient.

Vous avez parlé des transferts en espèces et du TCSPS. On affirme qu'ils sont en deçà de ce qu'ils étaient. Je pense que vous utilisez les niveaux de l'année de référence de 1995 par habitant. Pour ce qui est de la répartition par habitant, s'agit-il de chiffres réels ou théoriques?

• 1200

M. David Robinson: Ces chiffres ont été ajustés en fonction de l'inflation—en fonction des niveaux de 1993.

M. Jason Kenney: Par rapport à 1993. Cela figure-t-il sur un tableau?

M. David Robinson: Oui.

M. Jason Kenney: Ce n'est pas un examen. Je veux simplement savoir.

M. David Robinson: Vous pouvez voir ces chiffres au tableau de la page 7.

M. Jason Kenney: Vous vous êtes également plaint de ce que l'augmentation récente des fonds versés au titre du TCSPC ne s'est pas traduite par une hausse correspondante du financement provincial de l'enseignement postsecondaire. Est-ce le cas pour toutes les provinces ou s'agit-t-il d'une moyenne provinciale?

M. David Robinson: C'est une moyenne provinciale. C'est surtout dans de grandes provinces, comme l'Alberta et l'Ontario, où l'on constate un déclin constant malgré la hausse des transferts du TCSPC. Il est évident que l'argent n'est pas acheminé dans l'enseignement postsecondaire. Quant à savoir où il va, qui peut le dire?

M. Jason Kenney: Dans ce cas, pourquoi demander au gouvernement fédéral d'augmenter les transferts en espèces du TCSPS dont une partie, en théorie, doit être versée à l'éducation, alors qu'il n'y a aucune garantie que l'argent servira à financer votre priorité de choix. En fait, l'expérience semble prouver le contraire.

M. David Robinson: Ce n'est pas un problème nouveau. Dans ma province d'origine, la Colombie-Britannique, les gens faisaient des blagues au milieu des années 80 sur le fait que les routes de la province étaient pavées avec les transferts au titre du financement des programmes établis. Le financement global engendre un problème fondamental en ce sens qu'il n'existe ni reddition de comptes ni transparence.

Par conséquent, ce que nous soutenons dans notre mémoire, et ce que nous soutenons depuis environ deux ans, c'est que la question n'est pas seulement de savoir combien d'argent le gouvernement fédéral transfère aux provinces; il faut aussi aborder la question du mécanisme et de la reddition de comptes, pour s'assurer que l'argent est dépensé aux fins prévues. En tant que contribuables, nous sommes en droit de supposer que nos impôts fédéraux donnent lieu à quelques mécanismes de reddition des comptes, mais à l'heure actuelle, nous entendons des politiciens dire: nous ignorons où va l'argent, allez le demander aux provinces. Je trouve que c'est un problème politique important.

M. Jason Kenney: J'ai une question à poser à M. Boyko. Vous avez dit que la Fondation canadienne des bourses du millénaire a été un échec ou une catastrophe, ou quelque chose du genre. Pourriez-vous nous en parler brièvement? Pourquoi êtes-vous de cet avis?

M. Ian Boyko: Il y a un certain nombre de raisons pour lesquelles la Fondation canadienne des bourses d'étude du millénaire a fait très peu pour encourager les étudiants à réduire leur endettement. Je pense que le problème découle du fait que la Fondation se compare structurellement à une société d'État qui est indépendante à la fois du gouvernement fédéral et des provinces et qui doit donc essentiellement se fier à la bonne volonté des provinces pour que celles-ci respectent l'entente qu'elles ont signée en s'engageant à distribuer les bourses du millénaire équitablement. Au point de départ, elle était presque vouée à l'échec puisqu'elle doit dépendre de relations fédérales-provinciales déjà compliquées, et la Fondation n'a pas la dotation voulue pour alléger sensiblement la dette étudiante.

Mais pour revenir au problème de structure, il faut signaler que la province la plus populeuse du Canada, l'Ontario, et ensuite la Nouvelle-Écosse, se sont essentiellement sauvées avec l'argent qui leur a été donné à même la dotation. Le cas de la Nouvelle-Écosse est beaucoup plus clair: les étudiants n'ont obtenu aucun avantage en Nouvelle-Écosse, zéro, parce qu'on s'est servi de l'argent dans cette province pour éliminer le programme de remise de dette. Et en Ontario, c'est seulement après le tollé public que la fédération a contribué à créer que le gouvernement provincial de l'Ontario a commencé à orienter les fonds dans la direction générale de l'éducation postsecondaire, mais on était loin de dépenser cet argent pour prendre des mesures globales permettant de réduire l'endettement étudiant et d'améliorer l'accès dans les provinces.

M. Jason Kenney: L'Alliance canadienne des associations étudiantes partage-t-elle ce point de vue? C'est ma dernière question. Est-ce que vous critiquez l'administration des bourses du millénaire?

M. Liam Arbuckle: Nous sommes critiques en ce sens que nous voulons qu'elle fasse de son mieux, mais nous ne croyons pas que si les provinces ont annulé leurs propres programmes de remise de dette, il faille en imputer le blâme à la Fondation. La faute incombe aux provinces, dans notre esprit, de sorte que nous ne sommes pas aussi critiques envers la Fondation.

M. Ian Boyko: Pourrais-je ajouter quelque chose?

Le président: Désolé, monsieur Boyko, nous devons passer à l'intervenant suivant.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

Je veux revenir rapidement sur un point. Si, comme vous le dites, vous n'arrivez pas à obliger les politiciens à rendre des comptes au sujet du Fonds de dotation des bourses d'étude du millénaire, pourquoi ne demandez-vous pas des comptes à vos politiciens provinciaux? Les étudiants interviennent-ils devant les assemblées législatives provinciales pour dire aux députés provinciaux: «Cet argent vient du fédéral, nous voulons en voir la couleur»? Avez-vous agi en ce sens?

M. Ian Boyko: Absolument. Nous avons une infrastructure provinciale dans la plupart des provinces, y compris l'Ontario, et c'est exactement ce qui a été fait. Mais chacun se renvoie la balle. Le gouvernement fédéral a fourni l'argent et le gouvernement provincial dit qu'il le dépense en fonction de ses propres priorités, et nous pensons qu'il s'agit là d'une utilisation à mauvais escient de l'argent fédéral. Nous l'avons dit en Ontario et en Nouvelle-Écosse à de nombreuses reprises. Malheureusement, il n'y a pas dans ces provinces la volonté politique de venir en aide financièrement aux étudiants en utilisant la dotation du gouvernement fédéral.

• 1205

M. Ken Epp: Bon.

J'ai une question qui s'adresse probablement à tous les intervenants. À mon avis, le fait que les étudiants sortent de l'université avec une lourde dette a de graves conséquences sur notre économie. Après avoir obtenu leur diplôme, ces étudiants, au lieu de se lancer en affaires ou de s'installer, par exemple en achetant du matériel de dentisterie, dans le cas d'un nouveau dentiste, sont aux prises avec cette lourde dette qui entame sérieusement leur crédit et qui pèse lourdement, à mon avis, sur leur bien-être personnel. Ils n'achètent pas de maison. Il y a plein de choses qu'ils ne font pas.

Je voudrais voir les étudiants sortir de l'université sans dette, comme les gens de ma génération ont pu le faire. C'était il y a bien des années, évidemment, mais quand j'allais à l'école, je gagnais plus d'argent chaque été que ce qu'il me fallait pour subvenir à mes besoins pendant toute l'année. C'était magnifique. Je regrette que ce ne soit plus le cas maintenant.

Avez-vous constitué des groupes de réflexion parmi vos membres pour voir comment nous pourrions faire cela pour la génération actuelle, de manière à pouvoir financer l'éducation postsecondaire sans écraser les étudiants sous ces lourdes dettes? Quelle façon créatrice avez-vous imaginée pour résoudre ce problème?

Le président: C'était votre dernière question, monsieur Epp.

La parole est à M. Brown, et ensuite à M. Arbuckle, M. Boyko, M. Turk et tous ceux qui voudront intervenir.

M. Gerald Brown: Au niveau collégial, nous avons créé un groupe de travail formé de représentants de nos établissements d'un bout à l'autre du Canada pour examiner le problème de l'endettement étudiant. Nous avons publié un rapport qui aborde un certain nombre de questions, et nous en enverrons avec plaisir un exemplaire au comité.

Mais pour répondre rapidement à votre question, deux choses me viennent à l'esprit. Premièrement, nous devons passer d'un régime de prêt à un régime de bourse. Je pense que ce serait un bon début. Nous devons envisager le partage des responsabilités, autant au niveau des établissements d'enseignement qu'au niveau des gouvernements.

Nous avons découvert notamment, grâce à ce groupe de travail, qu'il y a une énorme lacune du côté de la recherche et des connaissances. Je pense que c'est l'un des problèmes. Il s'agit d'un système qui a été conçu dans les années 60 et qui est appliqué en 2001. Moi aussi, il m'a été possible d'obtenir mon diplôme sans m'endetter. Mais le monde a changé pour les étudiants d'aujourd'hui. Nous sommes dans un nouveau contexte et nous devons vraiment commencer à réexaminer ce modèle.

Nous avons vu bien des choses. Beaucoup d'étudiants sont... Quelle est la véritable cause du système de défaut? Nous ne le savons vraiment pas. Bon nombre de familles répugnent à s'endetter et nous ne savons pas non plus quelle est la conséquence de cet état de fait. Ensuite, comme vous l'avez dit, il y a les conséquences à long terme, économiques et sociales, de l'endettement de cette génération-ci.

Nous encourageons le gouvernement fédéral à se pencher sur les lacunes dans la recherche, parce que je pense que cela nous aiderait à concevoir le système dont nous avons besoin. Nous nous ferons un plaisir de communiquer nos résultats au comité.

Le président: Merci, monsieur Brown.

Monsieur Arbuckle.

M. Liam Arbuckle: Premièrement, je voudrais vous remercier et vous souhaiter la bienvenue dans ce combat que nous livrons tous les jours, aux problèmes auxquels les étudiants doivent se colleter quand ils entreprennent des études supérieures, le fait qu'ils sont incapables de payer ces études, l'augmentation des frais de scolarité.

Nous croyons que c'est attribuable à beaucoup de raisons différentes. Il semble y avoir consensus parmi les Canadiens pour dire que l'éducation est importante, et pourtant nous ne semblons pas avoir une stratégie nationale pour l'éducation parce que tout le monde se renvoie la balle. Que ce soit bien ou mal, c'est la réponse qu'on nous fait chaque fois que nous nous adressons à DRHC: les gens nous demandent pourquoi nous ne sommes pas allés voir les assemblées législatives provinciales. Eh bien, si l'éducation est tellement importante et fondamentale pour une nation et pour la croissance économique, alors ils doivent eux-mêmes mettre au point une stratégie nationale.

Vous avez demandé ce que nous avons fait de créateur. Nous avons conçu un programme, une sorte d'accord pancanadien sur l'éducation, en s'inspirant du modèle de la Loi canadienne sur la santé, dans lequel les provinces et le gouvernement fédéral travaillent ensemble pour aider à financer le budget de base des universités. C'est une raison majeure de l'augmentation des frais de scolarité.

Les universités ont très peu de sources de revenu. Elles obtiennent de l'argent des gouvernements, des dons privés et, bien sûr, des frais de scolarité payés par les étudiants, leur source la plus facile d'accès. Donc, quand elles sont aux prises avec une facture qu'elles sont incapables de payer, le premier réflexe est de se tourner vers les étudiants. Voilà le problème. On constate que les frais de scolarité, relativement au budget de base du gouvernement fédéral, ont augmenté rapidement au Canada.

Le président: Merci.

Monsieur Boyko.

M. Ian Boyko: En fait, c'est très simple—ou plutôt non, ça ne l'est pas.

• 1210

C'est compliqué. Premièrement, il faut augmenter les paiements de transfert, et nous appuyons la requête de l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université qui réclame une sorte de loi sur les études supérieures qui aurait pour effet de financer directement l'éducation postsecondaire au moyen de paiements de transfert. Cela fera baisser les frais de scolarité qui sont déjà trop élevés. «Des bourses et non pas des prêts», comme M. Brown l'a dit, c'était déjà le slogan d'une campagne de la fédération en 1981. Pour réduire l'endettement, il faut des bourses au lieu de prêts. C'est énoncé dans notre mémoire, même s'il n'est pas aussi détaillé que celui de l'année dernière.

L'une des idées proposées par la Fédération canadienne des étudiants concerne justement un programme de bourses et je pense qu'il serait bien financé si nous détournions des fonds des Régimes enregistrés d'épargne-études et de la Fondation des bourses du millénaire. C'est un système de subventions qui pourrait être administré au moyen du Programme canadien de prêts aux étudiants, ce qui éviterait tout ce que je disais au sujet de la Fondation des bourses du millénaire, les complications des arrangements fédéraux-provinciaux, parce que le Programme canadien des prêts aux étudiants a déjà 25 ou 30 ans, l'entente est en place et les évaluations des besoins ont été faites. Les provinces ont donné leur accord là-dessus et je pense que ce serait un bon moyen de donner une aide financière aux étudiants.

Le président: Merci, monsieur Boyko.

Monsieur Turk.

M. James Turk: Monsieur Epp, je vous remercie de votre question. Mon expérience est la même que la vôtre.

Je pense que le point de départ est très clair. C'est une question de volonté politique. Dans les années 20 au Canada, les gouvernements d'un bout à l'autre du pays étaient aux prises avec le même problème dans le domaine des études supérieures. Dans les années 1920, les études secondaires étaient jugées suffisamment importantes pour qu'on décide de les rendre gratuites et universelles. On peut soutenir, et je pense que presque tous les intervenants devant le comité sont probablement d'accord avec ce point de vue, que de nos jours, les études collégiales ou universitaires sont tout aussi importantes que les études secondaires l'étaient il y a 80 ans. Pourtant, nous nous engageons dans une direction exactement contraire, puisque les études supérieures deviennent moins accessibles et plus coûteuses.

Le point de départ est donc de savoir si nous pouvons, collectivement, l'ensemble des politiciens et des Canadiens, prendre la décision politique que l'accès au collège et à l'université est un bien que nous voulons rendre universel, comme nous l'avons fait il y a 80 ans pour l'école secondaire. Si nous prenons cette décision, il y a des moyens de le faire et certains ont été proposés. Cela aiderait d'investir les sommes énormes que nous dépensons déjà dans un régime de bourses plutôt que de prêts.

L'autre aspect, à notre avis, concerne l'adoption d'une loi et la création d'un fonds sur l'éducation postsecondaire au Canada, en remplacement d'un système de transfert global.

La réalité est que le gouvernement fédéral injecte beaucoup d'argent dans l'éducation postsecondaire, mais il n'est pas encouragé à investir beaucoup pour répondre aux besoins parce que sa contribution disparaît dans un trou noir. Je pense que c'est pourquoi le gouvernement fédéral n'a cessé de mettre de plus en plus d'argent dans des programmes spécialisés comme le Fonds de dotation des bourses du millénaire et la Fondation canadienne pour l'innovation, pour essayer de faire reconnaître davantage son importante contribution.

Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, les problèmes fondamentaux dans les universités, le déclin des bibliothèques, la réduction des effectifs enseignants, l'augmentation du nombre d'élèves par classe, l'augmentation des frais de scolarité, tout cela ne sera pas réglé tant qu'il n'y aura pas une contribution importante au budget de fonctionnement de base. Et tant que nous n'aurons pas une loi canadienne sur les études postsecondaires dotée de lignes directrices nationales et d'un régime de responsabilité pour que le gouvernement puisse injecter son argent avec confiance dans ce domaine, nous ne trouverons pas de solution à ce problème.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Turk. Merci, monsieur Epp.

Monsieur Murphy.

M. Shawn Murphy: Merci, monsieur le président. Je veux lancer une autre question à tous les témoins. Nous avons entendu dire ce matin, et nous avons essentiellement devant nous un groupe qui s'occupe d'éducation postsecondaire, que les pressions qui s'exercent sur le système sont extraordinairement lourdes, elles sont immenses, et je pense que chacun se rend compte que la situation financière deviendra quelque peu difficile.

Je vais résumer de la façon suivante. Premièrement, la demande de recherche augmente. Il y a eu une augmentation de la recherche, mais cela a entraîné une autre demande au gouvernement, à savoir qu'il finance le coût indirect de la recherche.

Deuxièmement, il y a la demande de financement durable du fonctionnement.

La troisième demande, qui est extraordinairement importante, surtout dans les petites universités, concerne le report de travaux d'entretien depuis 15 ou 20 ans.

Quatrièmement, ce dont nous venons de parler, la dette étudiante et l'aide financière.

En supposant que le gouvernement veuille établir des priorités, s'il pouvait s'attaquer à seulement un de ces problèmes à cause de la situation financière difficile, lequel des quatre vous semblerait prioritaire?

M. James Turk: Les quatre ne sont pas distincts et séparables. La demande de financement du coût indirect de la recherche, par exemple, vient essentiellement du fait qu'il n'y a pas eu suffisamment de financement de base. Les universités ont vu dans le financement des coûts indirects un moyen de répondre à certains de leurs besoins, par exemple pour l'entretien des bibliothèques, qui sont essentielles à la recherche, ou encore des laboratoires.

• 1215

À mon avis, si le budget de fonctionnement de base des universités était suffisant, les pressions qui s'exercent sur vous pour financer le coût indirect de la recherche diminueraient. Si nous avons une infrastructure vieillissante, c'est parce que le financement de base est insuffisant. Et l'une des raisons pour lesquelles la dette étudiante ne cesse d'augmenter, c'est que les universités réagissent à l'absence de financement de base suffisant en augmentant les frais de scolarité.

Je pense vraiment que nous devons revenir à ce que Louis Saint-Laurent a fait il y a de nombreuses années, dans les années 50, et qui a vraiment jeté les bases du système universitaire que nous avons aujourd'hui. Essentiellement, le gouvernement fédéral est intervenu et a reconnu que tant que le gouvernement fédéral ne jouerait pas un rôle majeur, nous serions affligés par de gigantesques iniquités dans notre réseau universitaire.

Je pense que nous avons la capacité de le faire. Si nous réglons le problème du financement de base, à mon avis, les autres disparaîtront du même coup.

Le président: Monsieur Brown.

M. Gerald Brown: En réponse à votre question, j'estime qu'une bonne partie de la solution réside dans ce que j'appellerais un programme national des compétences. Il y a selon moi des éléments d'un tel programme. Aucun de ces éléments ne peut être perçu séparément. Je pense que si nous avions un programme national des compétences, nous pourrions y intégrer bon nombre de ces problèmes. On discuterait alors de l'importance, par exemple, de la formation et du perfectionnement.

La différence pour notre pays dans l'économie mondiale se situera au niveau de la main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est pas une question d'argent ou de ressources naturelles; tout tournera autour de la compétitivité de notre main-d'oeuvre qualifiée. C'est pourquoi nous examinons ce problème.

Nous pouvons intégrer dans une telle stratégie toute la question de la dette étudiante et de la recherche. Mon plaidoyer n'est pas celui des universités. Je plaide en faveur de l'inclusion des collèges dans le programme de recherche. Tout l'argent consacré à la recherche jusqu'à maintenant a été investi à une extrémité du spectre. Je pense que la recherche est beaucoup plus vaste, elle va de la recherche pure à la recherche appliquée, et que nos établissements participent beaucoup dans le domaine de la recherche appliquée.

J'estime donc qu'il faut accorder la priorité à un programme national des compétences et qu'il y a ensuite une sous-catégorie de questions.

Le président: D'autres questions?

Je vais donner la parole à M. Nystrom et ensuite M. Brison.

M. Lorne Nystrom: Je voudrais remercier tous les témoins ce matin.

Je veux seulement poser une brève question à M. Boyko.

Vous n'avez pas parlé des frais de scolarité dans votre déclaration et cela m'a étonné. C'est la première fois que j'entends un dirigeant étudiant qui n'en fait pas mention. Il me semble que si vous voulez que l'accès à l'éducation soit universel, il faut commencer par là. Y a-t-il une raison qui explique cette omission?

M. Ian Boyko: Eh bien, je pense avoir été ferme. Je trouve que nous sommes assez clairs là-dessus dans notre message. Il en a été question indirectement dans plusieurs contextes. Mais il est vrai que les frais de scolarité, comme d'autres l'ont dit, sont certainement l'un de nos problèmes les plus importants aujourd'hui. Nous ne voyons même aucun indice d'une quelconque stratégie en vue de faire diminuer les frais de scolarité, en tout cas pas de la part du gouvernement fédéral.

Nous avons vu des engagements extraordinaires de la part des provinces qui ont bloqué l'augmentation des frais de scolarité, même pendant des périodes très difficiles. Mais ce fut une décision fort difficile à adopter et il faut alors prendre des engagements très compliqués dans d'autres secteurs pour dégager une marge de manoeuvre. Je songe par exemple au blocage des frais de scolarité en Colombie-Britannique, qui a permis de tirer des conclusions assez probantes sur ce que l'on peut faire pour améliorer l'accès dans la province et aider des gens d'une foule de milieux différents.

On a dit et redit autour de la table qu'à bien des égards, le gouvernement fédéral et le comité ne devraient pas envisager l'éducation comme un coût, comme une dépense. Je pense que Robert Allen, économiste à l'Université de la Colombie-Britannique, a fait valoir de façon assez convaincante que l'éducation est un investissement. Il estime que pour chaque dollar investi dans l'éducation au Canada, on peut s'attendre à récupérer quatre dollars en impôt par la suite. Cela devrait donc être perçu comme un investissement, comme n'importe quel autre objectif de planification à long terme.

M. Lorne Nystrom: Je voudrais poser une question à M. Turk.

J'aime bien votre idée d'une loi sur le financement de l'éducation postsecondaire. Je pense que c'est ce qu'il faut faire pour lier le financement aux fins prévues, c'est-à-dire aux universités et autres maisons d'enseignement dans les provinces.

Avez-vous pressenti les provinces à ce sujet? À votre avis, dans quelle mesure cela serait-il accepté par certaines provinces? Je songe au fédéralisme bizarre que nous avons dans notre pays, puisque l'éducation est de compétence provinciale. Le gouvernement fédéral est bien sûr habilité à financer ce secteur grâce à son pouvoir de dépenser, mais comment les provinces réagiraient-elles à votre avis? J'appuie votre idée avec enthousiasme.

• 1220

Ma deuxième question, monsieur le président, est celle-ci: quelle est la réaction des autres témoins à ce que Jim a dit sur un système de financement canalisé, c'est-à-dire que l'argent du fédéral serait nécessairement canalisé vers les dépenses prévues?

Le président: M. Turk, suivi par M. Shaddock et ensuite M. Brown.

M. James Turk: En fait, nous avons élaboré une loi modèle pour essayer de tirer l'affaire au clair et nous en avons aussi discuté avec les provinces. Pour être clair, ce que nous proposons, c'est une loi qui stipulerait: «Voici l'argent qui doit être transféré à même ce fonds d'éducation postsecondaire». Certaines directives nationales devraient être respectées pour s'assurer que l'argent est dépensé de façon générale aux fins prévues par le gouvernement fédéral. Il s'agirait de lignes directrices qui seraient rédigées de manière à être acceptables pour tous.

Nous reconnaissons aussi dans toutes les relations fédérales-provinciales le caractère unique du Québec et l'obligation du gouvernement fédéral à cet égard. Nous comprenons le fédéralisme asymétrique et les discussions doivent se poursuivre dans ce dossier. Je signale que notre organisation homologue au Québec, la FQPPU, a également appuyé notre proposition. Nous avons rencontré le ministre des Finances et le ministre du Développement des ressources humaines et les présidents de nos diverses organisations au Québec et ici pour en discuter.

Personne ne soutient que les relations fédérales-provinciales sont simples, mais je pense que l'orientation générale des lignes directrices en question serait généralement acceptable. Il faudrait toutefois consacrer pas mal de temps aux détails, mais nous estimons qu'il n'y a pas de solution de rechange. On a vu que les transferts globaux ont échoué et que leur objectif n'a pas été atteint. Comme cette solution ne convient pas, nous croyons vraiment, après avoir réfléchi à cette question et en avoir discuté pendant des années avec nos organisations provinciales et avec les gouvernements provinciaux, qu'il n'y a aucune autre solution de rechange à une telle loi.

Nous nous ferons un plaisir d'envoyer une copie de notre ébauche de loi à chaque membre du comité pour que vous puissiez en prendre connaissance et nous serions ravis de revenir pour répondre à vos questions là-dessus.

M. Lorne Nystrom: Avant d'entendre la réponse des autres intervenants, voulez-vous ajouter quelque chose au sujet des Premières nations? Les Autochtones sont maintenant de plus en plus nombreux à faire des études postsecondaires et nous avons déjà une obligation spéciale envers les Premières nations aux termes de notre constitution. Avez-vous des conseils à nous donner à ce sujet?

M. James Turk: Dans notre loi, nous n'avons pas abordé la question des Premières nations, c'est-à-dire que nous n'avons pas proposé de les intégrer à ce projet. Le gouvernement fédéral a diverses obligations à respecter envers les Premières nations, à mon avis, de sorte que...

M. Lorne Nystrom: Sur le plan du fédéralisme, par ailleurs, peut-être dans la façon dont nous...

M. James Turk: C'est exact.

M. Gary Shaddock: Merci.

En réponse à la question de M. Nystrom sur le financement de l'éducation, quand il dit que c'est de compétence provinciale, nous avons essentiellement parlé ce matin d'éducation postsecondaire et je suppose que je dois insister sur l'importance du financement de la maternelle à la 12e année également. Nous avons des lois sur un programme national pour les enfants. Je pense qu'il est important de consacrer de l'argent à ce programme pour avoir l'assurance que nos étudiants possèdent les bases voulues pour accéder aux études supérieures.

Par ailleurs, vous avez mentionné les Autochtones. Dans beaucoup de provinces, la majorité des étudiants seront autochtones au cours des prochaines années. Je viens de la Saskatchewan et je connais donc très bien la question. Nous devons nous assurer que ces problèmes sont réglés par l'intermédiaire du programme national pour les enfants et que de l'argent est versé aux provinces sans condition, mais il faut trouver un moyen d'assurer la reddition de comptes pour avoir l'assurance que l'argent est vraiment dépensé aux fins prévues.

Le président: Merci, monsieur Brown.

M. Gerald Brown: Je trouve très intéressante l'idée d'une loi canadienne sur l'éducation postsecondaire. Nous y avons réfléchi nous aussi. Quand je songe aux présentations que nous avons faites dans le passé devant le comité, nous avons toujours soutenu, de concert avec notre organisation soeur, l'AUCC, qu'il faudrait une augmentation des transferts globaux.

Vous remarquerez que nous ne disons plus cela, parce que la réalité est que le gouvernement fédéral a bel et bien augmenté les transferts globaux, mais une portion négligeable ou même nulle de cet argent a servi à financer l'éducation postsecondaire. Vous comprendrez que du point de vue des collèges, nous trouvons que l'argent rentre et semble disparaître dans les provinces. Quand il est consacré à l'éducation, c'est plutôt pour les universités. Les fonds parviennent rarement aux collèges communautaires ou aux commissions scolaires. Nous sommes donc intéressés à examiner cette question. C'est pourquoi notre proposition traite d'activités ciblées, de projets ciblés, qui nous permettraient de discerner une trace écrite de tout cela.

Quant à votre question sur les Autochtones, nous avons 150 établissements et tout près de 90 d'entre eux ont d'importants effectifs scolaires autochtones. C'est donc un aspect très important dont il faut s'occuper.

Le président: Merci.

Très brièvement, monsieur Weiner.

• 1225

M. Harvey Weiner: La question de M. Nystrom touche aux compétences provinciales et fédérales, etc. Je pense que nous sommes vraiment aux prises avec un grave problème. Il me semble que c'est un problème et une question dont nous aurions dû nous occuper il y a des années, sinon des décennies. Comme on l'a dit dans un contexte précédent, le monde a changé radicalement.

Je pense que les provinces et le gouvernement fédéral reconnaissent l'importance de faire en sorte que nos enfants grandissent en santé et bien adaptés. Tous reconnaissent l'importance de l'éducation, peu importe qu'on appelle cela l'apprentissage, l'acquisition des compétences, la formation ou la capacité de rivaliser sur la scène internationale. Il me semble y avoir consensus sur ce point.

Pourquoi n'arrivons-nous pas à mettre en place un système qui fonctionne bien? Pourquoi n'obtenons-nous pas des gens que nous élisons pour nous représenter, autant au fédéral qu'au provincial, qu'ils trouvent de nouvelles modalités et de nouveaux mécanismes pour que cette idée devienne réalité?

Nous butons constamment, à divers niveaux, sur des questions de compétence et de responsabilité, alors même que le fond de l'affaire transcende les querelles de compétence.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weiner.

Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison: Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leurs interventions d'aujourd'hui.

Ma première question s'adresse aux deux organisations d'étudiants, l'ACAE et la FCE. Je voudrais connaître leurs points de vue sur la politique suivante préconisée par la table ronde sur le commerce électronique. C'est une politique aux termes de laquelle, sur une période de dix ans après avoir obtenu son diplôme, un étudiant bénéficierait d'une déduction d'impôt calculée d'après le remboursement du principal. Cela s'oppose à la déductibilité des frais d'intérêt seulement, comme c'est actuellement le cas.

Cette politique encouragerait les diplômés à rembourser plus rapidement leur dette. Les étudiants seraient aussi encouragés à rester chez nous. Bien sûr, un diplômé ne pourrait pas bénéficier d'un avantage fiscal s'il ne travaille pas au Canada. La table ronde sur le commerce électronique y voit une façon d'enrayer l'exode des cerveaux et des diplômés universitaires, dans le domaine précis du commerce électronique et des technologies de l'information.

J'aimerais que vous nous donniez brièvement votre point de vue sur cette proposition.

M. Ian Boyko: Je voudrais dire tout d'abord que nous investissons très peu d'énergie dans la question de l'exode des cerveaux. En fait, nous sommes d'avis que les données sont contradictoires au sujet de ce prétendu exode. Je ne vais pas me lancer dans une campagne pour inciter les gens instruits à rester au Canada.

Je pense que le gouvernement actuel s'est attaché en priorité à examiner des mesures fiscales visant à alléger la dette étudiante et à réduire le coût de l'éducation postsecondaire au Canada. Dans l'ensemble, il n'a pas vraiment réussi. On n'a pas réussi à rendre le coût initial de l'éducation plus abordable pour les étudiants provenant de la classe moyenne ou des groupes à faible revenu.

En même temps, loin de nous l'idée de proposer de se débarrasser des mesures d'allégement de la dette et de la réduction des taux d'intérêt. Ce que nous disons, c'est que les mesures prises en aval, en tripatouillant le régime fiscal, n'aident pas vraiment les étudiants qui répugnent à s'endetter. L'argent serait dépensé à meilleur escient en amont, c'est-à-dire en faisant baisser le coût, plutôt qu'en obligeant les étudiants à embaucher un fiscaliste pour calculer si, dans dix ans, ils seront en meilleure posture qu'avant de s'inscrire au système.

M. Scott Brison: Monsieur Arbuckle.

M. Liam Arbuckle: Je n'ai vraiment pas besoin de répéter ce que Ian a dit. Nous avons à peu près la même position sur les données contradictoires au sujet de l'éventuel exode des cerveaux.

Ross Finnie, de DRHC, a dit plusieurs fois que le Canada s'y prend peut-être à rebours. Il faudrait donner des bourses avant des prêts. Nous voulons que les gens s'intègrent au système et qu'ils y restent, plutôt que de les inciter à s'inscrire en leur offrant des prêts et ensuite des bourses à la toute fin.

M. Scott Brison: Ma question suivante porte sur les bourses du millénaire. Je pense que M. Boyko a dit que c'était un échec colossal.

M. Ian Boyko: Un échec lamentable.

M. Scott Brison: Premièrement, monsieur Arbuckle, êtes-vous d'accord pour dire que les bourses du millénaire sont un échec lamentable ou colossal?

M. Liam Arbuckle: Non, nous ne sommes pas d'accord avec cette déclaration globale. Y a-t-il eu des problèmes à la fondation? Bien sûr qu'il y en a eu. C'est évident. C'est exactement ce que la Nouvelle-Écosse a fait au moment de l'introduction du programme.

Nous ne rejetons pas le blâme sur la fondation. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec elle. Dans le premier modèle, elle voulait que les bourses soient accordées selon un barème attribuant 50 p. 100 des points au mérite et 50 p. 100 aux besoins. Bien sûr, nous n'étions absolument pas d'accord avec cette proposition. Nous avons préconisé un modèle plus équitable, les proportions étant de 95 p. 100 et de 5 p. 100. C'est le modèle qui a finalement été adopté.

• 1230

C'est un fait que 2,5 milliards de dollars sont consacrés aux étudiants. Nous sommes d'avis que cela ne peut jamais être mauvais, quand on s'efforce vraiment de remédier au problème. Le mieux que l'on puisse dire, c'est que c'est un instrument peu raffiné. Il faudra voir les données pour savoir si cela a vraiment amélioré l'accès. À l'avenir, on se demandera si le programme a vraiment réussi à améliorer l'accès. Il faudra voir les données pour en juger.

M. Scott Brison: Je voudrais vous entretenir du plafonnement des frais de scolarité.

Je représente la circonscription de Kings—Hants. Bien sûr, l'Université Acadia se trouve dans ma circonscription. Acadia est très bien cotée par diverses études comme université de premier cycle. C'est l'une des universités de premier cycle des plus novatrices au Canada et, globalement, l'une des meilleures. Elle a aussi les frais de scolarité les plus élevés au Canada et l'augmentation des frais de scolarité qui a été plus forte que dans la plupart des autres universités. En même temps, les inscriptions augmentent constamment depuis plusieurs années.

N'est-il pas mauvais de plafonner les frais alors même que certaines universités réussissent extraordinairement bien à atteindre l'excellence dans l'éducation, en ciblant le marché qui recherche cette excellence?

M. Liam Arbuckle: C'est vrai. Il faudrait voir quels sont les niveaux de participation selon les milieux socio-économiques. Quels étudiants fréquentent cette université? Est-elle en train de devenir un établissement réservé à l'élite, c'est-à-dire ceux qui peuvent payer des frais de scolarité élevés?

M. Scott Brison: Pourquoi devrait-on empêcher l'Université Acadia d'adopter cette orientation?

M. Liam Arbuckle: Fondamentalement, cela bloque l'accès à certains étudiants qui voudraient fréquenter une université en raison de ses méthodes très novatrices, par exemple un programme Avantage où les étudiants sont dotés d'ordinateurs portables. Si l'on continue dans cette voie, seules les classes supérieures pourront fréquenter cette université.

M. Scott Brison: Il faudrait aussi plafonner les frais exigés à Harvard et à Princeton, aux États-Unis?

M. Liam Arbuckle: En fait, c'est complètement différent. Je ne pense pas que cela soit pertinent à notre situation au Canada.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Pour terminer, nous aurons deux très brèves observations de MM. Boyko et Turk.

M. Ian Boyko: J'aurais de très brèves observations à faire sur l'Université Acadia.

Vous avez demandé pourquoi Acadia ne devrait pas avoir le droit de continuer à augmenter les frais de scolarité. Je pourrais inverser la question. Pourquoi les étudiants des alentours et du Canada tout entier ne mériteraient-ils pas des frais abordables qui leur permettraient de fréquenter l'établissement. C'est absurde de croire que les établissements n'ont pas le droit de servir leur public, de remplir leur mandat qui est d'éduquer l'ensemble des Canadiens. C'est exclu au départ.

Le président: Monsieur Turk.

M. James Turk: Acadia est une magnifique université. C'est aussi une université publique. À cause des frais de scolarité élevés qu'elle exige, il y aura beaucoup d'habitants de votre circonscription, à Kentville et dans d'autres localités, qui ne pourront pas se permettre d'y aller.

Pourquoi une université publique devrait-elle pouvoir exiger des frais tellement élevés que cela revient à dire: vous pouvez venir étudier ici si votre famille est riche ou si vous êtes prêt à vous endetter?

Au Canada, notre modèle dans le domaine de l'éducation est d'avoir une qualité uniformément bonne dans les universités publiques. Celles-ci devraient être accessibles à tout le monde, de manière que tout étudiant qui est capable de tirer profit de l'éducation ait la possibilité de le faire. De plus en plus, dans la foulée de ce qui se passe à Acadia, nous sommes en train d'adopter un système où c'est la richesse de la famille, et non plus les aptitudes, qui détermine la fréquentation de cet établissement. Voilà le problème qu'il faut régler.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Turk.

Avez-vous une question?

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Oui. J'ai une question à poser à nos représentants des étudiants. Je voudrais avoir leur avis.

Parfois, le problème ne se pose pas au niveau des frais de scolarité généraux d'une université, mais plutôt des frais de scolarité exigés par une faculté. Souvent, les facultés d'administration des affaires, de médecine et de droit ont des frais plus élevés que les autres disciplines.

Est-ce que l'une ou l'autre de vos organisations a commencé à compiler des données pour vérifier si cela influe sur les inscriptions en provenance du Canada rural et urbain? Avez-vous vérifié s'il y a un lien direct avec la richesse de la famille de l'étudiant, par opposition à ses aptitudes intellectuelles?

• 1235

M. Liam Arbuckle: En fait, quand nous avons participé aux tables rondes du PC sur l'éducation, nous avons cité des données de Statistique Canada sur l'Université Western Ontario, qui est maintenant...

Mme Sue Barnes: Mon université.

M. Liam Arbuckle: Votre université.

Mme Sue Barnes: C'est pourquoi je pose la question.

M. Liam Arbuckle: Oui. C'est renversant de voir la valeur familiale nette médiane des gens qui fréquentent maintenant cette faculté de médecine après la déréglementation, en comparaison de la situation d'il y a à peine trois ans. Les frais de scolarité ont augmenté. Je n'ai pas les chiffres exacts sous les yeux, mais ils sont essentiellement passés d'environ 3 000 $ à quelque 10 000 $ ou 11 000 $. Il se trouve qu'avec cette augmentation, on envoie maintenant dans cet établissement des membres d'un groupe très restreint de Canadiens pour qu'ils deviennent médecins. Nous choisissons nos médecins à partir d'un groupe de plus en plus restreint de la population, non pas en fonction de leurs aptitudes, pas en se demandant s'ils feront de bons médecins, mais plutôt selon que maman ou papa ou quiconque est capable d'assumer le coût de leurs études. Je trouve triste que nous choisissions nos professionnels de cette manière dans notre pays. Ce n'est pas parce que quelqu'un a de l'argent qu'il sera nécessairement bon dans un domaine quelconque.

Mme Sue Barnes: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Je voudrais faire une brève observation au sujet d'un passage que j'ai lu dans un des mémoires aujourd'hui. Je pense que cela illustre très clairement les valeurs auxquelles notre comité souscrit. C'est tiré d'un discours prononcé par le premier ministre devant la Chambre de commerce du Canada à sa 69e assemblée annuelle. Il a dit: «L'avenir appartient aux sociétés dont les économies sont solides, dont la population est en santé, dont les enfants sont bien préparés et qui investissent dans les connaissances, l'innovation et l'éducation.»

Je dois dire qu'en passant en revue les recommandations formulées par notre comité au fil des années, ces valeurs sont aussi les valeurs que défend notre comité. Et je peux vous dire que rien n'a pu nous faire changer d'avis là-dessus au cours des cinq dernières années. Nous sommes encore fermement engagés dans cette voie et je suis certain que c'est également le cas du premier ministre.

Cela dit, comme beaucoup d'entre vous, nous sommes aussi aux prises avec des contraintes imposées par la limitation des ressources—parfois même la rareté des ressources—qui est vraiment le problème numéro un en économie, comme vous le savez. Comment répartir les ressources existantes pour en retirer les plus grands avantages possibles? Je dois dire que c'est le défi que nous devons relever, surtout en cette époque très difficile de l'après 11 septembre.

Mais ne perdez pas espoir. Nous allons certainement demeurer fidèles aux valeurs que le premier ministre a énoncées. Et soyez sûrs que vos réflexions seront prises en compte dans le rapport final que nous déposerons à la Chambre des communes et que le ministre des Finances analysera attentivement. Merci encore. Ce groupe est toujours très intéressant.

La séance est levée.

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