Passer au contenu
Début du contenu

INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 avril 2001

• 1535

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le comité commence l'examen statutaire de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui trois témoins: John Chenier, rédacteur et éditeur de ARC Publications, Mme Suzette Montreuil, coordonnatrice d'Alternatives North et à titre personnel, M. Sean Moore, conseiller en politique publique et affaires publiques chez Gowling Lafleur et Henderson.

Je propose à chacun des témoins de nous présenter son exposé, puis nous passerons aux questions. Si la question ne vous est pas adressée directement mais que vous ayez quelque chose à ajouter, signalez-le et nous veillerons à faire en sorte que chacun puisse participer à la discussion.

Je vous propose de commencer dans l'ordre de l'avis de convocation, à moins que vous ne souhaitiez procéder différemment. Nous allons donc commencer par vous, monsieur Chenier.

M. John Chenier (rédacteur et éditeur, ARC Publications): Merci, madame la présidente. Je vous remercie, ainsi que les membres du comité, de m'avoir invité aujourd'hui pour parler de cette loi.

Je vais commencer par m'interroger sur la mission de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Quels sont ses objectifs et est-ce qu'elle parvient à les atteindre? Il me semble qu'on peut envisager deux tendances dans la révision d'une mesure législative sur les lobbyistes. La première, la plus étroite, concerne les mécanismes de la loi proprement dite. Est-ce qu'elle fonctionne comme prévu? Est-ce qu'elle met en lumière toute l'activité envisagée par le législateur? Dans quelle mesure est-elle respectée? Sa formulation ou son application pose-t-elle des problèmes? A-t-on vu apparaître des lacunes qui semblent menacer l'intégrité ou l'efficacité de la loi?

La deuxième tendance, qui est plus vaste, examine les motifs pour lesquels il a fallu imposer cette loi au départ, à savoir la préservation de la confiance du public en l'intégrité de l'appareil gouvernemental. Il s'agit ici de savoir si grâce à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, le public fait davantage confiance au processus décisionnel. La loi s'intègre-t-elle bien aux préoccupations éthiques d'équité, d'objectivité, de prudence et de probité? Est-ce qu'elle s'harmonise bien avec d'autres lois ou avec les lignes directrices sur après-mandat ou sur les conflits d'intérêts?

Je parlerai d'abord de la tendance la plus étroite, puisque c'est apparemment le mandat du comité, d'après la lettre de M. Tobin du 9 mars. Dans les domaines administratifs où une telle loi existe, on en trouve de différents types. Certaines lois visent à identifier les spécialistes des relations avec le gouvernement et les campagnes de lobbying en cours. Plus récemment, les mesures législatives de ce genre comportaient un élément permettant d'identifier les dépenses encourues dans les campagnes de lobbying afin de mesurer l'intensité de la campagne et d'identifier les personnes en cause.

D'autres types de loi visent à cerner tous les efforts visant à infléchir la conduite des affaires publiques par l'exigence de l'enregistrement de tous les lobbyistes et de toutes les activités de lobbying. La loi prévoit habituellement différents registres et formulaires. La loi actuelle relève à mon avis de cette première catégorie, puisqu'elle vise à identifier les principaux responsables des relations avec le gouvernement et les sociétés qu'ils représentent. On aurait tort de supposer que la loi actuelle couvre toutes les activités de lobbying. En l'absence de recherche, il est impossible de déterminer dans quelle mesure la loi est respectée, comme nous invitait à le faire la lettre du ministre Tobin.

À ce propos, dans le cadre de la réforme parlementaire, on a vu avec intérêt que le Sénat américain avait décidé d'examiner sa législation sur les lobbyistes. Il pourrait s'adresser au General Account Office et lui demander de faire une étude de six mois pour mesurer le degré de conformité à la loi et les problèmes qu'elle pose, avant de prendre toute autre mesure.

En ce qui concerne la conformité, cependant, vous avez déjà recueilli certains témoignages. Au bout de 11 ans, il semble qu'on ait une loi qui ne soit ni applicable, ni, quant à cela, appliquée. Les efforts antérieurs d'application de la loi se sont heurtés aux délais qu'elle comportait—ainsi, Jack Horner, dans l'affaire d'Air Canada, à cause du délai de six mois prévu dans la loi. Des affaires en cours actuellement semblent poser des difficultés à cause de la formulation de la loi.

J'ai noté l'avis exprimé par le conseiller en déontologie, qui a dit que malgré le fait que la loi actuelle utilise une définition du lobbyisme dans l'ensemble similaire, sinon la même, à celle de l'Ontario, de la plupart des compétences aux États-Unis, et du projet de loi sur les lobbyistes de la Nouvelle-Écosse—c'est-à- dire de communiquer en vue d'influencer—les avocats du ministère de la Justice considèrent qu'elle n'est pas applicable.

• 1540

En ce qui concerne l'application de la loi, je vous rappelle le témoignage de la des lobbyistes devant ce comité le même jour. Selon son témoignage, ceux qui choisissent de ne pas s'inscrire, mais dont les activités sont portées à sa connaissance par le biais de fonctionnaires, n'ont qu'à plaider leur ignorance à la registraire et lui soumettre tout simplement une inscription pour échapper aux sanctions.

Honnêtement, j'ai été surpris, puisque j'étais dans la salle ce jour-là, qu'aucun des députés demande à la registraire le nombre de fois que cela s'est produit ou si elle estimait qu'il s'agissait là de mesures suffisantes dans les circonstances.

Franchement, j'imagine mal comment quelqu'un pourrait gagner sa vie en vendant son expertise en relations gouvernementales et ne pas être au courant d'une loi—et une loi très visible—qui est en vigueur depuis 12 ans.

En ce qui concerne les suggestions précises du ministre Tobin, je dirai ceci. À mon avis, adopter pour les sociétés les mêmes règles en matière de rapport qu'ont les lobbyistes agissant au nom d'une organisation serait une erreur. Les organisations—en général des associations—sont plus petites, plus centralisées, et savent qui est chargé des relations gouvernementales. Les grandes sociétés, par ailleurs, sont plus grandes, plus étalées sur le plan géographique, plus hétérogènes, et elles n'ont pas les liens hiérarchiques ni les structures en place pour veiller à ce que les toutes les activités de lobbyisme puissent ou soient canalisées par un seul intermédiaire.

En ce qui concerne les lobbyistes-conseils, je suis d'accord que ce serait une bonne idée qu'ils soient obligés de reconfirmer leur enregistrement régulièrement. Cela pourrait également aider à la collecte de données qui, combinées aux autres, offriraient des avantages, notamment connaître le montant dépensé en campagnes de lobbyisme au cours de la période. Sur ce point, je recommande au comité de se pencher peut-être sur les formulaires utilisés à Washington pour recueillir des renseignements sur les lobbyistes sur une base de permanence.

En ce qui concerne la question plus vaste, je me demande s'il est raisonnable de se pencher uniquement sur les rouages dans le cadre de l'examen de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. La loi, qui remonte à la fin des années 80, reconnaît la préoccupation répandue dans le public que des lobbyistes rémunérés devenaient de plus en plus actifs dans de la prise de décisions politiques et qu'ils avaient une plus grande influence—même indue—dans les décisions du gouvernement.

La Loi devait faire la lumière sur qui était en cause, quand, et à propos de quelles décisions. On a dit que la lumière solaire était un désinfectant hors pair. C'est peut-être vrai. Cependant, un des résultats, à mon avis, c'est que les gens n'aiment pas forcément ce qu'ils voient de cette lumière. Une des choses que cela nous a fait comprendre, c'est que le centre de l'élaboration des politiques et de la prise de décisions dans les régimes parlementaires n'est pas le Parlement. Je ne veux pas entamer une discussion à ce sujet, mais je tiens à vous dire que parfois quand examine les activités à la loupe; on cause plus de problèmes qu'on en résout.

Je vous donnerai un exemple du secteur privé. Est-ce que le renvoi un autre dirigeant d'une grande entreprises commerciale pour comportement conforme au code déontologique fait augmenter ou diminuer notre confiance dans les marchés financiers? D'une part, ils les trouvent, mais d'autre part, ça alors, ils les trouvent.

Ceci dit, bien que cela ne relève pas de l'examen que fait le comité, je vous dirais que les lignes directrices actuelles sur les conflits d'intérêts dans la fonction publique, surtout celles qui concernent les cadeaux et les avantages, laissent beaucoup à désirer.

En l'absence de valeurs précises concrètes, l'acceptation d'un cadeau est laissée au jugement de la personne. La règle en effet serait que si à votre avis le cadeau n'aura pas d'influence sur vos décisions à venir, vous pouvez l'accepter. Je trouve déplorable et inacceptable une norme aussi vague—c'est un scandale en puissance, qui pourrait et qui devrait être évité.

Je signale également que le présent gouvernement, comme beaucoup d'autres, doit occasionnellement faire face aux problèmes du syndrome de la porte-tambour. Quel lien avec le lobbyisme? Eh bien, le lobbyisme et les lobbyistes sont souvent au coeur des problèmes relatifs aux lignes directrices sur l'après-mandat, aussi connu sous le nom de porte-tambour, et les lobbyistes «font souvent des offrandes» aux titulaires de charges publiques.

Ces faits, ajoutés à la croissance ininterrompue des activités de contacts avec les pouvoirs publics font, comme dirait Hugh MacLennan, que «le baromètre monte».

En guise de conclusion, permettez-moi de parler brièvement de l'avenir et de la façon dont il semble se dessiner. Le lobbyisme continuera de croître et s'intensifiera sans doute. L'apparition et l'emploi de nouvelles technologies seront un facteur. Aux États-Unis, un pays que j'observe beaucoup, où il y a peu de discipline de parti et où les législateurs participent davantage à l'élaboration des politiques, l'application de la technologie à des mécanismes nouveaux et améliorés d'informer et de mobiliser les électeurs s'accroît chaque mois. Si l'emploi de cette technologie devait se répandre au Canada—j'admets que c'est loin d'être chose faite, mais si cela devait se produire—cela pourrait entraîner des mesures en faveur de changements radicaux du rôle des parlementaires, des partis et du Parlement.

Pourquoi? Eh bien, rarement les députés canadiens ont-ils eu—si tant est qu'ils l'ont jamais été—à réagir à une avalanche de fax, d'appels téléphoniques et de messages électroniques de leurs électeurs sur tel ou tel sujet. Jamais non plus ont-ils vraiment été des cibles précises pendant une campagne électorale. Cela pourrait changer.

J'appelle cela l'autre côté de la médaille—le côté populistes—de la participation des citoyens. Je suis curieux de voir quel sera le point d'intersection des futurs efforts des pouvoirs publics pour faire participer les citoyens et des efforts des citoyens de faire bouger le gouvernement dans un nouveau cyber-monde.

• 1545

Sur ce point, je vous renvoie aux conclusions de l'étude Ekos intitulée Rethinking Citizen Engagement. Je lis:

    Malgré les efforts des ministères et, plus récemment, des gouvernements fédéral et provinciaux relatifs à l'entente-cadre sur l'union sociale, les Canadiens affichent des niveaux relativement élevés de scepticisme à propos de la mesure dans laquelle les pouvoirs publics tiennent compte de l'avis et des intérêts des citoyens lorsqu'ils prennent des décisions.

Je passe sur plusieurs autres recommandations qui semblent dire «ils semblent plus sûrs, toutefois, que le gouvernement écoute l'avis de ceux qui sont organisés.»

Je terminerai là-dessus. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Chenier.

Je donne maintenant la parole à Mme Montreuil de l'Alternatives North.

Mme Suzette Montreuil (coordonnatrice, Alternatives North): Merci. Bonjour. Je représente ici aujourd'hui Alternatives North, une coalition d'action sociale composée entièrement de bénévoles des Territoires du Nord-Ouest. Je tiens à remercier le comité de m'avoir offert l'occasion de vous exposer nos vues sur cette très importante question.

Tout d'abord, permettez-moi de féliciter le gouvernement d'avoir entrepris un examen à cette loi. Comme vous le savez, elle a été modifiée pour la dernière fois en 1994. À ce moment-là, le premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, aurait dit que les modifications de la loi mettraient un terme aux ententes à huis clos et feraient sortir les lobbyistes de l'ombre. Cet objectif demeure louable et nous espérons que l'examen en cours permettra de l'atteindre.

Comme les membres du comité le savent sûrement, le lobbyiste est une industrie en plein essor dans la capitale de notre nation. Sa taille a plus que doublé au cours des cinq à six dernières années, ses revenus annuels étant évalués au bas mot à 250 millions de dollars. À en juger par la porte-tambour entre le gouvernement et les entreprises de lobbyisme, nombreux sont ceux qui considèrent aujourd'hui la fonction publique comme un marchepied vers des postes plus lucratifs dans le secteur privé. De la façon dont nous voyons les choses en tant que citoyens d'une région plus éloignée, il serait à peine exagéré de dire que les lobbyistes, qui sont surtout concentrés à Ottawa, dirigent notre gouvernement. C'est parce que nous croyons en un système démocratique ouvert et parce que nous lui attachons du prix que cette question nous intéresse.

Nous voulons profiter de cet examen pour nous assurer que les règles applicables aux activités de lobbyisme incitent tous les intéressés—politiciens, fonctionnaires et lobbyistes—à se conduire de façon morale. Nous tenons notamment à nous assurer que les intérêts pécuniaires n'exercent pas une influence indue sur nos élus.

Nous sommes tombés, en faisant des recherches, sur les travaux de la Government Ethics Coalition dont Démocratie en surveillance est le fer de lance. Nous avons été heureux de pouvoir nous joindre à cette coalition pour aider à promouvoir des règles du lobbyisme et de l'éthique plus strictes et le respect de l'éthique au Canada. De plus, nous appuyons les recommandations de cette coalition. Il se peut que ses travaux vous soient déjà familiers, mais j'aimerais profiter de l'occasion pour passer ces recommandations en revue et vous expliquer pourquoi nous pensons que leur mise en oeuvre déboucherait sur un système de lobbyisme plus respectueux de l'éthique.

Le vaste objectif des huit premières recommandations est de faire en sorte que toutes les activités des lobbyistes qui ont trait à leur capacité d'influer sur les décideurs du gouvernement soient suivies à la trace et que tous les moyens par lesquels ils peuvent exercer une influence répréhensible soient restreints. Pour atteindre cet objectif, les ministres et les hauts fonctionnaires devraient être tenus de divulguer leurs réunions et autres communications avec des lobbyistes afin que tous les efforts de lobbyisme fassent l'objet d'un suivi et d'une divulgation publique. Il incombe aux dirigeants élus et aux fonctionnaires d'assumer leur part de responsabilité à l'égard de la transparence de ce processus.

Il faudrait améliorer le système actuel en vertu duquel les lobbyistes rémunérés sont tenus d'enregistrer leurs efforts de lobbyisme auprès des ministères et organismes fédéraux. Par exemple, les lobbyistes devraient être tenus de s'enregistrer même lorsqu'un fonctionnaire les invite par écrit à faire du lobbyisme. À l'heure actuelle, l'article 4.2 de la Loi les dispense de cette exigence. En outre, les lobbyistes devraient être tenus de s'enregistrer s'ils obtiennent ou donnent de l'information qui n'est pas à la portée du grand public et s'ils consacrent plus de temps que la limite prescrite au lobbyisme. La Loi dit actuellement «dont les fonctions, pour une partie importante...», mais sans préciser de limite, bien que le conseiller en éthique ait recommandé qu'elle soit de 20 p. 100. Nous tenons à signaler qu'une limite est prescrite par différents États américains.

Les lobbyistes devraient être tenus de divulguer quelle somme leurs clients et eux-mêmes consacrent à leurs campagnes comme l'exigent 33 États américains. Cette mesure permettrait au public de mieux juger de l'influence de ceux qui financent des activités de lobbyisme.

• 1550

Les trois recommandations qui suivent ont essentiellement pour objet de restreindre le rôle des lobbyistes dans les campagnes politiques. De nombreux résidents du Nord croient que les lobbyistes qui travaillent à des campagnes politiques sont en mesure de se voir accorder des faveurs une fois la campagne terminée. C'est pourquoi,

—Les lobbyistes devraient être tenus de divulguer leurs rapports antérieurs ou actuels avec les gouvernements, les partis politiques ou les candidats à une charge publique fédérale.

—Il devrait être interdit aux lobbyistes d'occuper des postes supérieurs dans le cadre des campagnes de partis politiques ou de candidats, comme cela l'est dans le Maryland et au Nouveau-Mexique.

—Il devrait être interdit aux lobbyistes de travailler pour des ministères auprès desquels ils font du lobbyisme. À l'heure actuelle, le Code de déontologie des lobbyistes stipule uniquement que «les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts confidentiels ou concurrentiels sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause». Cependant, le fait pour les lobbyistes de pouvoir travailler à la fois pour des entreprises clientes et le gouvernement aux mêmes questions brouille la distinction entre les intérêts du gouvernement et ceux de l'industrie du lobbyisme et ébranle la confiance du public dans l'objectivité du gouvernement.

Il faudrait éliminer la déduction d'impôt à laquelle ont droit les entreprises pour les dépenses de lobbyisme. On estime que par le biais de ce qui apparaît être une déformation du système démocratique, les contribuables subventionnent le lobbyisme des entreprises à un rythme de plus de 100 millions de dollars.

Il serait possible également de renforcer les règles fédérales du lobbyisme et de l'éthique en mettant en oeuvre les mesures suivantes:

La période de restriction concernant l'après-mandat devrait passer de deux à cinq ans pour les ministres et les hauts fonctionnaires et de un à deux ans pour les autres fonctionnaires, comme c'est le cas aux États-Unis. Cela aiderait à fermer la porte-tambour par laquelle passent les fonctionnaires, tirant ainsi parti de leur expertise et de leurs renseignements d'initiés lorsqu'ils quittent leur charge publique, au détriment peut-être du public.

Le gouvernement devrait mettre en place un processus ouvert sans lien de dépendance et axé sur le mérite pour les nominations gouvernementales et l'octroi de contrats.

Le Parlement devrait adopter un code de déontologie pour tous les députés et sénateurs, y compris des règles éthiques strictes, dont l'obligation de divulguer les investissements et les intérêts que leur conjoint, les personnes qui sont à leur charge et eux-mêmes pourraient détenir et, dans certains cas, de s'en dessaisir. Je tiens à signaler que toutes les provinces, ainsi que les Territoires du Nord-Ouest, ont un code de déontologie qui s'applique à tous les députés. Il n'y a aucune raison pour laquelle le code fédéral devrait être restreint aux ministres du Cabinet. L'application du code à tous les députés les empêcherait d'agir comme lobbyistes pour des intérêts privés.

Tous les codes de déontologie devraient renfermer des restrictions strictes quant à la remise de cadeaux à des fonctionnaires et des employés, surtout par des lobbyistes.

Il faudrait appliquer plus efficacement les règles fédérales du lobbyisme et de l'éthique en prenant les mesures suivantes:

L'actuel conseiller en éthique, qui relève du premier ministre, devrait être remplacé par une Commission d'éthique indépendante de trois personnes qui relèverait du Parlement. La Commission devrait avoir le pouvoir d'enquêter sur les fonctionnaires et les lobbyistes et, si elle constate qu'il y a eu violation d'une règle du lobbyisme ou de l'éthique, de recommander des sanctions au Parlement dans un rapport public. Lors d'une récente déclaration sur les rapports hiérarchiques, l'actuel conseiller en éthique a indiqué que les rapports qu'il entretenait avec le premier ministre étaient une question de «convention constitutionnelle». Les membres du comité pourraient-ils me dire si une question de «convention constitutionnelle» est plus importante que la perception qu'a le public de l'impartialité et de l'autonomie de la charge?

Les règles du lobbyisme et de l'éthique devraient englober une disposition générale destinée à empêcher les gens de profiter des échappatoires. Cela cadrerait avec la disposition du Code de déontologie des lobbyistes selon laquelle ces derniers doivent respecter non seulement la lettre, mais aussi l'esprit du code. Cela serait conforme également à des dispositions analogues de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Toute personne assujettie à un code de déontologie du gouvernement fédéral devrait être tenue de signaler à la Commission d'éthique toute violation des règles du lobbyisme ou de l'éthique au sujet de laquelle elle a des preuves.

Toute personne qui, agissant de bonne foi, signalerait une violation des règles du lobbyisme ou de l'éthique à la Commission d'éthique devrait être à l'abri de représailles ou mesures disciplinaires, sinon les abus ne seront pas dénoncés.

Si une personne déposait une plainte de violation des règles du lobbyisme ou de l'éthique auprès de la Commission d'éthique, celle-ci serait tenue d'enquêter dans un délai donné, par exemple 60 jours, à défaut de quoi l'intéressé aurait le droit de s'adresser aux tribunaux pour obtenir une ordonnance obligeant la Commission d'éthique à enquêter.

Appel devrait pouvoir être interjeté auprès de la Cour fédérale de toutes les décisions de la Commission d'éthique.

• 1555

Enfin, j'aimerais souligner l'importance d'assurer aux citoyens un plus grand accès au processus décisionnel du gouvernement tout en réduisant le pouvoir des lobbyistes. Il suffit de regarder ce qui s'est fait au récent Sommet des Amériques sur la Zone de libre-échange des Amériques pour voir comment les choses ne devraient pas être faites. À Québec, alors que la société civile a été tenue à l'écart des réunions, les entreprises canadiennes ont pu acheter le droit de participer à des activités de réseautage et, dans certains cas, de se choisir une place prioritaire aux événements du sommet.

Ce régime d'accès fondé sur l'argent est non seulement antidémocratique, mais il va aussi complètement à l'encontre de l'éthique. Un véritable esprit démocratique assurerait que tous les processus de consultation du gouvernement offrent aux citoyens de véritables occasions de participation.

L'invitation à comparaître devant le comité qu'Alternatives North a reçue est un exemple de la participation aux processus décisionnels à laquelle les Canadiens ont le droit de s'attendre et je vous remercie une fois de plus de l'occasion que vous m'avez offerte.

La présidente: Merci beaucoup.

Je vais maintenant céder la parole à M. Sean Moore.

M. Sean Moore (témoignage à titre personnel): Je vous remercie, madame la présidente et honorables députés de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. C'est la deuxième fois que je comparais comme témoin devant un comité parlementaire chargé d'examiner la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Comme c'était le cas en 1993, je trouve la discussion fascinante et je suis heureux d'avoir la possibilité d'y participer, même un peu.

Je dois signaler aussi que je parle uniquement en mon nom personnel, pas comme représentant du cabinet où je travaille comme associé et certainement pas au nom de nos clients.

Je suis fasciné parce que je crois fermement que les questions soulevées à des audiences comme celles-ci constituent l'essence même de la démocratie: le gouvernement, la politique, la politique publique, la prise de décisions publiques au Canada. C'est pour cette raison que la façon dont on discute de ces questions est très importante.

L'examen quadriennal de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes est une des rares occasions d'étudier de façon publique et générale les vrais mécanismes décisionnels au gouvernement.

J'ai lu la transcription de certaines séances récentes de votre comité. Mettant de côté les amendements proposés, qui sont généralement assez mineurs, il me semble que les questions soulevées peuvent se résumer, grosso modo, de la façon suivante: le rôle réel et modeste de l'aile législative du gouvernement canadien; l'accès à l'information et la divulgation publique; la délégation de la prise de décisions aux bureaucrates; l'accès aux responsables des politiques et aux décideurs; le rôle des groupes d'intérêt; le financement électoral et le financement des partis; le rôle relatif des ressources financières dans les activités de lobbyisme; et le potentiel de pot-de-vin, de la corruption et des conflits d'intérêts.

Ce sont là des questions très importantes. Elles font penser à un scénario d'un film d'Oliver Stone. À mon avis, ces questions devraient être soulevées dans toutes discussions sur la façon dont les gouvernements, et notamment notre gouvernement fédéral, prennent des décisions et sur les divers enjeux qui entrent en ligne de compte. Il y a des liens, même s'ils sont un peu tenus, entre tous ces sujets, avec lesquels on associe des faits et des mythes qui peuvent profondément saper le fonctionnement efficace, responsable et équitable de toute société.

Je sais que le comité a pour tâche d'examiner les dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et de voir si la loi atteint les objectifs fixés lors de son adoption il y a plus de 10 ans. Je crois, cependant, que pour ce faire, il faut tenir compte du contexte des activités de lobbyisme ou, pour employer l'expression plus sophistiquée, de la défense des intérêts dans le domaine de la politique publique.

Il existe un marché certain pour les conseils et l'aide à fournir à ceux qui font affaire avec le gouvernement, non seulement parmi les entreprises mais aussi parmi les organismes sans but lucratif, les oeuvres de bienfaisance, les associations professionnelles et même les autres paliers de gouvernement.

Pour les fins de notre discussion, nous allons les appeler les lobbyistes, même si, selon la définition de lobbyisme contenue dans la Loi, la plupart de ces personnes devraient être appelées des consultants de relation avec le gouvernement, dont le rôle est davantage de fournir des conseils que de faire des démarches auprès du gouvernement.

Que font ces personnes, exactement? Des personnes comme moi. Que faisons-nous pour nos clients qu'ils ne peuvent pas faire ou qu'ils ne font pas pour eux-mêmes? J'ai tâché de traiter de ces questions lors d'une conférence récente que j'ai donnée pour la Bibliothèque du Parlement et qui portait le titre «Ce que les lobbyistes disent à leurs clients». Environ 25 adjoints et attachés de recherche ont assisté à cette conférence. Je ne sais pas au juste s'il y avait dans l'auditoire des députés ou des sénateurs, mais il me ferait plaisir de présenter cette même conférence pour vous ou pour d'autres députés, si cela peut vous intéresser.

• 1600

Je crois qu'il est très important de ne pas se contenter de parler de façon très générale des activités des lobbyistes ou des consultants en relations avec le gouvernement, mais surtout de comprendre aussi concrètement que possible ce qui se fait et pourquoi, et ce que cela signifie concernant la nature du gouvernement et de la politique publique aujourd'hui.

Je répondrai avec plaisir aux questions.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Moore.

Nous prendrons maintenant des questions. Monsieur Penson, s'il vous plaît.

M. Charlie Penson (Peace River, AC): C'est un domaine passionnant, et j'éprouve de la difficulté à déterminer ce qu'il faut faire. Il me semble qu'à moins de rendre les activités de lobbyisme carrément illégales, où se situe le problème? Pourquoi avons-nous un besoin quelconque d'une loi sur l'enregistrement des lobbyistes? La loi repère ceux qui font du lobbyisme—mais alors? Cela nous dit qu'ils font du lobbyisme.

Si je téléphone à une société forestière touchée par le problème du bois-d'oeuvre, ce sont des renseignements dont j'ai besoin pour aider des gens dans ma circonscription. Et à moins que notre intention soit d'interdire totalement ce genre d'activités, je ne suis toujours même pas convaincu de la nécessité de cette Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

C'est donc à vous que je commencerai par poser cette question que je ferai suivre d'une autre. Madame Montreuil, je crois que vous êtes la seule à avoir suggéré l'adoption de mesures requérant des ministres et des fonctionnaires de tenir un dossier de leurs réunions et d'en divulguer le contenu si nécessaire. J'aimerais demander aux deux autres témoins ce qu'ils pensent de cette proposition.

La présidente: Monsieur Chenier.

M. John Chenier: Je crois, pour commencer, qu'une loi sur l'enregistrement des lobbyistes est nécessaire. Je crois que la simple présence d'un groupe considérable de gens dont le métier consiste à informer leurs clients sur la manière d'infléchir les décisions prises par le gouvernement me suggère pour le moins la nécessité d'un certain nombre de règles prescrivant ce qui doit être rendu public et ce qui ne doit pas l'être.

Il faut alors nous demander de quelles règles nous avons besoin. Il me semble que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes a pour objet de préserver la confiance du public dans nos institutions publiques—d'en préserver la forme autant que le fond. Je crois que la loi a pour objet de garantir que les décisions prises en conséquence se fondent sur autre chose que la simple capacité d'embaucher des gens qui comprennent l'administration, qui savent comment influer sur les décisions du gouvernement.

Or, quels renseignements faut-il divulguer pour que le public sache qui travaille pour qui et jusqu'où faut-il aller? C'est une donnée en constante évolution, proportionnelle à la croissance du lobbying et probablement à la complexité de l'exercice du pouvoir.

M. Charlie Penson: Oui, monsieur Chenier, mais vous avez dit vous-même que cette loi qui existe depuis 11 ans n'est ni applicable ni appliquée. J'en déduis que vous devez réclamer autre chose afin d'aboutir à une meilleure transparence.

M. John Chenier: Je crois qu'il y a deux éléments à prendre en considération. La vaste majorité de la communauté des professionnels des relations avec le gouvernement respecte l'esprit de la loi. Cela ne fait aucun doute. Le registre est là pour le prouver. Le problème c'est que si certaines personnes décident de ne pas respecter l'esprit de la loi—et il y en a un certain nombre—il y a des portes qui restent ouvertes.

Il faut alors vous demander si vous voulez faire en sorte que la loi ferme ces portes afin que les règles soient les mêmes pour tout le monde? Certains lobbyistes n'y verront pas d'inconvénient, d'autres s'y verront forcer. C'est ce que je veux dire quand je dis que la loi actuelle pose des problèmes.

Pour ce qui est des registres, je les consulte en permanence, et abondance ou pénurie pose le même problème. Mais je suis d'accord avec ce qui semble être une tendance générale de la loi: connaître le montant consacré à une campagne dans des délais raisonnables.

Actuellement, on peut voir par exemple que 50 compagnies font des démarches pour qu'une certaine décision soit prise—mais il est possible que certaines dépensent 1 000 $ sur six mois et d'autres 300 000 $. Est-ce que cela a une importance? Encore une fois, c'est une épée à double tranchant. Certains diront peut-être: «Wow ça leur a coûté 300 000 $ mais ils ont obtenu la décision qu'ils voulaient!» Ce n'est pas un bon exercice du pouvoir.

• 1605

Ce que je veux dire, c'est qu'actuellement dans la majorité des compétences où il y a une loi sur le lobbying, les autorités ne pensent plus en termes de divulgation d'honoraires, mais plutôt en termes de sommes consacrées par les sociétés pendant une période donnée à leurs efforts relationnels avec le gouvernement.

La présidente: Très bien.

Monsieur Moore, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Sean Moore: Je suis tout à fait d'accord avec John sur la nécessité d'une loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Comme John l'a fait remarquer, il y a beaucoup de lobbyistes et pas seulement du genre consultant commercial. Pratiquement toutes les organisations auxquelles vous pouvez penser comptent dans leurs rangs quelqu'un qui joue le rôle de lobbyiste—je n'en connais pratiquement pas une qui n'en a pas. Je crois que ceux qui exercent ce genre d'activités devraient avoir l'obligation de le déclarer publiquement. À mon avis, c'est une nécessité incontestable.

Pour ce qui est de l'application de la loi, je ne suis pas moi-même juriste, bien que je passe mes journées entières avec des avocats, et je ne peux donc pas vous dire si le texte de cette loi se prête à une application facile. Je vous dirais simplement ceci: comme pour beaucoup de lois relevant du fédéral, du provincial et du municipal, celle-ci repose presque exclusivement sur le principe de dépôt de plaintes. Mais pour la majorité des lois de toutes les assemblées du pays, il n'y a pratiquement personne pour les faire appliquer, ce n'est donc pas si différent.

Mon dernier commentaire, monsieur, concerne le registre. Ce n'est pas une idée nouvelle—c'est la norme dans les organismes de réglementation américaine. L'organisme de réglementation de l'énergie nucléaire, par exemple, doit inscrire dans un registre tous les appels téléphoniques, tous les documents, pratiquement toutes les rencontres même dans la rue. Ce serait un fardeau énorme pour notre fonction publique qui est déjà anorexique.

Je crois qu'une des principales raisons d'une telle demande d'aide et d'assistance au niveau des relations avec le gouvernement, c'est qu'il y a de moins en moins de gens susceptibles de répondre à vos questions quand vous téléphonez au gouvernement.

M. Charlie Penson: Mais ayant appuyé l'idée d'une loi d'enregistrement, pour montrer à la population canadienne que le système est ouvert, transparent—je suppose que c'est à cette étape que nous en sommes maintenant—mais qu'a-t-on vraiment accompli? Nous savons que les gens font du lobbying et quelqu'un a demandé à ce que l'argent dépensé soit déclaré. La question que nous nous posons maintenant c'est: «Et alors?».

M. Sean Moore: N'en attendons pas trop. C'est une simple loi de divulgation. C'est la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et non pas la loi sur la réglementation du lobbying. C'est une simple loi de divulgation.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Vous voulez lui donner un nouveau nom?

M. Charlie Penson: C'est exactement ce que je pense, monsieur Moore.

M. Sean Moore: J'ai souvent dit que notre pays avait plus besoin d'une loi de protection des consommateurs pour les clients des lobbyistes que d'une loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

M. Charlie Penson: Je crois que vous me rejoignez. Quand ne doit-on plus parler de lobbying si cela devient trop...

M. Sean Moore: D'après moi, nous en sommes encore très loin. Bien qu'à mon avis certaines des questions soulevées par votre comité indiquent cette direction.

Je suis d'accord avec vous, il est impossible de l'interdire. C'est une activité protégée par la Constitution. Dans la tradition démocratique, les particuliers ont le droit de pétitionner le gouvernement. Il serait impossible de l'interdire.

La présidente: Merci.

Madame Montreuil.

Mme Suzette Montreuil: J'aimerais dire la raison pour laquelle nous estimons que les ministres et les fonctionnaires devraient assumer leur part de responsabilité. Je crois que le public s'intéresse plus à leurs activités qu'à celles des lobbyistes, bien qu'ils s'y intéressent aussi. Cela transfère la responsabilité aux ministres eux-mêmes car l'intérêt du public pour eux est plus grand.

Le préambule de la loi le dit très bien: il est souhaitable que les titulaires de charge publique et le public puissent savoir qui cherche à exercer une influence sur le gouvernement. Poser des questions comme les sommes d'argent consacrées à certaines campagnes donne au public la possibilité de mesurer l'influence exercée par une certaine partie de la société.

La présidente: Madame Torsney, s'il vous plaît.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur Moore, que font en fait les lobbyistes?

• 1610

M. Sean Moore: Je vais résumer pour ne pas vous ennuyer avec les détails.

Un des plus gros problèmes pour les gens lorsqu'ils sont confrontés a une question de politique administrative est de définir la perspective dans laquelle les responsables gouvernementaux envisagent cette question. Je crois qu'avant toute chose, un client recherche chez un lobbyiste ou un consultant en relations gouvernementales une aide pour comprendre la façon dont les responsables gouvernementaux pensent quand ils étudient une question. C'est le seul moyen d'avoir gain de cause.

Je peux à peine me retenir quand je pense au langage utilisé par Démocratie en surveillance pour caractériser le gouvernement, les politiciens et les bureaucrates. C'est largement exagéré. En passant, c'est un organisme dont je suis membre. J'y ai adhéré il y a quelque temps afin d'en apprendre un peu plus sur ses activités. Je ne vois pas du tout l'impact que peuvent avoir les sociétés qui embauchent quelqu'un pour qu'Ottawa prenne une décision en leur faveur.

La réalité c'est que généralement il y a toujours deux camps qui s'opposent sur chaque question. La vaste majorité des questions tranchées par Ottawa n'oppose pas l'intérêt public à l'intérêt privé. Généralement, c'est une lutte titanesque entre deux intérêts opposés qui ont chacun leur champion. Je n'y vois aucun favoritisme. Je vois par contre les conséquences d'une stratégie de lobbying qui inclut une analyse attentive des intentions du gouvernement.

Quels sont les objectifs administratifs et politiques du gouvernement? Quels sont les rôles que jouent les différents ministères au niveau des décisions dites horizontales prises par le gouvernement? Quelles solutions sont posées à celles proposées par le gouvernement?

Mesdames et messieurs, cela représente énormément d'efforts. Paddy, vous connaissez le métier. Vous avez vu comment ça se passe. Il y a ceux qui travaillent au niveau général. Il faut comprendre les dynamiques politiques. La vaste majorité de ceux qui travaillent dans le domaine des relations avec les gouvernements font du travail qui nous ennuierait à mourir tant sur le niveau du volume que sur celui du détail d'analyse nécessaire.

Encore une fois, je me ferais un plaisir de déposer auprès de votre présidente une synthèse de ce travail avec tous les détails sur les différents niveaux de service et d'analyse fournis par certains lobbyistes à certains de leurs clients.

Mme Paddy Torsney: Très bien, merci.

Je crois qu'il y a beaucoup de malentendus sur ces activités. Il est certain que nous voulons que les organisations qui utilisent les services de lobbyistes ou de consultants en relations gouvernementales puissent le faire de la même manière qu'elles retiennent les services de fiscalistes pour leurs problèmes fiscaux et de comptables pour leurs déclarations de revenus puisque ce sont eux les spécialistes dans ces domaines respectifs.

Il faut des gens pour être informés sur les intentions du gouvernement. Il arrive qu'elles ne répondent pas aux attentes des entreprises. Il faut qu'elles comprennent qu'un bon consultant en relations gouvernementales leur répond souvent que ce qu'elles demandent est totalement impossible au moment où elles le demandent.

M. Sean Moore: Absolument.

Mme Paddy Torsney: Je suppose que ma question suivante s'adresse à vous, monsieur Chenier. Pardon. Pas à vous, mais à Mme Montreuil.

Il reste la question des honoraires versés pour ces divers services et de l'opportunité de les rendre déductibles. En fait, il s'agit d'éduquer les fonctionnaires, de leur faire comprendre comment vous fonctionnez afin qu'ils puissent mieux mesurer l'incidence des décisions du gouvernement sur vos activités. D'une certaine manière, c'est une sorte de campagne de marketing ou de publicité que vous faites pour votre client. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi vous trouvez répréhensible que les entreprises fassent savoir ce qu'elles font au gouvernement. Il est à penser que quand les choses vont bien, il y a création d'emplois ou maintien de l'emploi.

Par exemple, j'adore qu'une compagnie vienne me dire ce qu'elle fait pour que je regarde s'il n'existe pas quelque chose qui lui permettrait de le faire mieux. Je suis tout à fait prête à discuter avec eux d'initiatives pouvant avoir un impact négatif car c'est contraire aux intérêts de mes commettants qui travaillent pour cette compagnie.

Mme Suzette Montreuil: Nous ne disons pas qu'il est répréhensible qu'ils vous informent de ce qu'ils font. Nous disons que cette activité ne devrait pas être subventionnée par les contribuables. La recommandation était d'éliminer les déductions fiscales. Vous n'avez aucun contrôle sur ce qu'ils consacrent à cette activité. Si j'y consacre 100 millions de dollars, dois-je bénéficier d'une plus grosse déduction? Cela ne me semble pas juste.

• 1615

Il n'y a rien de répréhensible à ce qu'ils vous éduquent sur ce qu'ils font. Cela ne nous pose pas de problème. Ce qui nous pose un problème, c'est que cette activité soit subventionnée.

M. John Chenier: Je crois que cette question est en partie résolue par le concept nébuleux de «règles égales». Il est impossible de savoir si les frais de lobbying sont ou ne sont pas déductibles aux États-Unis simplement à cause de ce concept. La raison en est que les organismes de charité n'ont le droit de consacrer que 10 p. 100 de leurs revenus à des activités de lobbying parce que c'est une dépense déductible. En conséquence, si vous voulez conserver votre statut d'organisme de charité, il vous est interdit de vous mêler des affaires publiques.

En revanche, si les organismes de charité décident de ne plus être des organismes de charité mais de se transformer, si vous voulez, en groupes de défense d'intérêt public comme Greenpeace, vous pouvez leur faire des dons, mais ce sont des dollars nets d'impôt.

D'une certaine manière, c'est dire que la majorité des activités de lobbying devraient être financées par des dollars nets d'impôt, et c'est ça le concept des règles égales. Je ne suis ni pour ni contre, je vous donne simplement les raisons.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: L'autre question soulevée concernait les dons aux campagnes électorales et tout le reste. Saviez-vous que tous ces renseignements étaient publics? Le dernier numéro du Hill Times donnait tous les renseignements sur toutes les dépenses, avec beaucoup de gros chiffres pour ceux que ça peut intéresser.

Une voix: C'est sur Internet.

Mme Paddy Torsney: C'est sur Internet, c'est vrai?

Tous les dons dans le cadre de la campagne électorale sont publiés. Je ne sais pas pourquoi on voudrait limiter la participation de la population au processus électoral.

Mme Suzette Montreuil: Oui, nous savions que ces renseignements étaient publics. Nous ne demandions pas à ce que ces renseignements soient accessibles. Nous voulions simplement dire que le fait que les lobbyistes ayant participé à cette campagne, surtout à des postes clés dans des partis politiques, retrouvent ensuite leur rôle de lobbyistes rend les eaux troubles et crée une perception de favoritisme pour services rendus.

Mme Paddy Torsney: Vous êtes en train de me dire qu'il faudrait leur interdire de faire quelque chose parce qu'ils... Vous voulez limiter un de leurs droits fondamentaux. Ceux qui auraient travaillé pour ma campagne parce qu'ils s'intéressent à la politique, s'il se trouvait qu'ils ont un travail de consultant auprès de...

Mme Suzette Montreuil: Si vous êtes en situation de conflit d'intérêt, vous pouvez prendre congé si vous souhaitez poursuivre cette activité. Que la même personne qui travaillait pour votre campagne revienne au lendemain des élections vous solliciter en qualité de lobbyiste pour défendre un dossier particulier ne peut que créer une certaine perception aux yeux du public. Cela crée un sentiment d'influence inopportune.

Mme Paddy Torsney: Je suggère que nos accroissions le nombre de participants, y compris les agents de police et d'autres fonctionnaires; nous essayons d'encourager la population à participer au processus politique plutôt que de créer des obstacles à sa participation. Donc, j'ai trouvé assez choquant que vous proposiez de décourager certains d'y participer.

La présidente: Merci, madame Torsney.

[Français]

Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Ma question s'adresse à M. Moore.

Vous avez dit, dans votre présentation, qu'il fallait examiner la situation dans un contexte très large. Vous avez énuméré une série de points, dont le rôle du pouvoir législatif. On a déjà eu quelques discussions intéressantes à ce sujet-là. On a l'impression que l'activité des lobbyistes est fortement concentrée sur le pouvoir exécutif et l'appareil bureaucratique même, beaucoup plus que sur les législateurs, c'est-à-dire les députés. Est-ce que votre expérience confirme cette pratique? Si oui, est-ce qu'il ne semble pas y avoir un certain déséquilibre entre ces deux pouvoirs-là, c'est-à-dire les pouvoirs exécutif et législatif?

[Traduction]

M. Sean Moore: C'est exactement ce que j'ai constaté, et je ne crois pas que vous rencontrerez beaucoup de lobbyistes ou de consultants en relations gouvernementales qui vous diront le contraire. Mais il importe de noter qu'au niveau du nombre de questions qui se posent, que vous soyez lobbyiste consultant comme moi qui ai des clients, ou que vous travailliez pour des patrons, que vous travailliez à l'interne, la vaste majorité des choses qui attirent votre attention n'ont aucun lien avec la loi. Elles sont liées au changement de réglementation ou à certaines questions administratives longtemps après l'adoption d'une loi.

• 1620

J'ai aussi travaillé à Washington pendant quatre ans et à un moment donné John et moi-même avons travaillé ensemble à la publication d'un bulletin sur le lobbying, le «Lobby Monitor».

Quelle est la différence entre les États-Unis et le Canada vis-à-vis du rôle législatif? Je n'ai pas à vous le dire, je suppose. Vous savez très bien quelle est la différence entre le rôle du législateur ici et là-bas. C'est quand nous essayons d'expliquer à nos soeurs et à nos frères américains le rôle du pouvoir législatif au Canada par rapport à celui du pouvoir législatif aux États-Unis que nous réalisons combien le rôle des législateurs dans notre pays est modeste.

Cela ne veut pas dire pour autant que lorsqu'il s'agit de questions législatives nous ignorions les députés, mais pour être franc, ils se trouvent généralement beaucoup plus bas sur la liste des personnes à contacter car la genèse des lois dans notre pays commence généralement deux ou trois ans avant que la Chambre des communes n'en soit saisie. Donc, que vous défendiez des intérêts ou que vous soyez lobbyiste, il faut intervenir dès que les responsables des politiques cachées au fin fond d'un ministère commencent à penser en termes législatifs.

C'est donc à une étape passablement avancée que vous prenez contact avec les législateurs; de plus, compte tenu les réalités associées à la discipline de parti, au gouvernement majoritaire, vous vous concentrez alors sur le pouvoir exécutif.

Tout cela changerait s'il y avait un gouvernement minoritaire, une situation que j'ai vécue brièvement en 1979, pendant cette période absolument merveilleuse et enlevante au cours de laquelle il existait un modèle différent, un paradigme différent. Mais ça n'a pas duré très longtemps. C'est à ce moment que vous commencez à constater, en raison de la façon dont fonctionne notre système, que les législateurs peuvent jouer un rôle différent.

[Français]

M. Pierre Brien: Si je vous comprends bien, le peu de lobbying fait auprès des députés démontre finalement que le pouvoir se trouve ailleurs, même pour ce qui est des décisions concernant le législatif. C'est bien ça?

[Traduction]

M. Sean Moore: Oui.

[Français]

M. Pierre Brien: Si vous occupiez ma chaise aujourd'hui à titre de député, quel changement souhaiteriez-vous apporter pour améliorer cette situation?

[Traduction]

M. Sean Moore: Je serais énormément frustré, mais je ne... C'est une question assez complexe. Je ne suis pas expert en matière de réforme parlementaire. C'est une question qui m'intéresse depuis déjà très longtemps, et j'ai écrit nombre de textes là-dessus, mais je ne dirais pas que je suis un expert.

Je crois que l'on doit procéder à un examen fondamental du rôle du pouvoir législatif au Canada, ne serait-ce que parce qu'il y a tout un écart entre ce que les Canadiens croient ou veulent croire lorsqu'ils vont voter et la réalité du travail que font ceux qu'ils ont élus. C'est un écart absolument incroyable.

Lorsque nous parlons des valeurs qui nous tiennent à coeur—le gouvernement démocratique et la souveraineté du Parlement—c'est vide de sens lorsque vous voyez ce que je perçois être le rôle des députés ici. Je crois que vous méritez plus que ce qu'on vous donne, compte tenu des sacrifices que vous devez faire au niveau du mode de vie, de la rémunération et d'autres choses. Cela va au-delà de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et je ne prendrai pas plus de temps pour en discuter; cependant, je vous exhorte tous à insister plus sur cette question au sein de vos partis respectifs.

[Français]

M. Pierre Brien: Je vous remercie.

Il y a quand même un petit lien quelque part, un lien qui est même majeur, en ce sens que pour nous, la frustration découle du fait qu'il faut maintenant examiner comment nous pouvons encadrer davantage les fonctionnaires ou les décideurs parce qu'ils sont perçus comme des gens ayant un plus grand rôle à jouer. Nos efforts d'encadrement sont maintenant axés sur eux.

Voilà qui m'amène à une question plus technique que j'adresse à Mme Montreuil.

• 1625

Dans votre présentation, vous avez suggéré qu'on rende publics les actifs ou les biens que possèdent les députés et leur conjoint ou conjointe. J'ai deux points à soulever par rapport à cela.

Pour ce qui est des biens, à la limite, ça ne me préoccuperait pas beaucoup de le faire, mais je me vois mal dire à ma conjointe que je vais rendre publics ses biens à elle. Si, par exemple, je suis célibataire et que je rencontre quelqu'une et que je lui dise, comme ça en passant, que je vais devoir rendre publique la liste de ses actifs si je la marie, je trouve que cela va un peu trop loin.

Mme Suzette Montreuil: Mon seul commentaire est que cela se fait déjà fait dans plusieurs juridictions au Canada et aux États-Unis et que c'est requis.

M. Pierre Brien: Pour les conjoints?

Mme Suzette Montreuil: Oui, pour les conjoints aussi.

[Traduction]

Une voix: Qu'avez-vous dit?

Mme Suzette Montreuil: J'ai dit dans d'autres compétences.

La présidente: Pouvez-vous les nommer?

Mme Suzette Montreuil: Non, je ne peux les nommer.

[Français]

M. Pierre Brien: Si vous pouviez nous faire parvenir cette information, ça m'intéresserait.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Brien.

[Traduction]

Monsieur McTeague, vous avez la parole.

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Moore, si je vis assez longtemps pour avoir l'occasion de me présenter à nouveau au poste de Président de la Chambre, je ferai certainement appel à vos services au chapitre de la réforme parlementaire. Mais je sais que nous ne sommes pas ici pour discuter de cette question. Pourtant, comme vous l'avez signalé au début de votre exposé, ils sont néanmoins liés intimement à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

J'aimerais discuter de quelques questions avec vous car je juge qu'il importe que les députés comprennent à quel point il est important que ceux qui ont travaillé au sein de l'exécutif soient indépendants de l'exécutif.

Je me demande si vous—ou les autres personnes qui ont déjà pris la parole—pourriez donner un exemple au comité de situations où actuellement ou par le passé des particuliers qui ont travaillé au BCP ou au CPM et qui y travaillent encore maintenant ou qui jouent un rôle important au sein de l'exécutif, et qui sont donc en mesure d'avoir un impact sur la politique après leur départ et qui ne sont assujettis évidemment qu'à une période d'exclusion de deux ans plutôt qu'à une période de cinq ans, ce que, sauf erreur, certains ont proposé.

M. Sean Moore: Je vais parler ici, monsieur McTeague, d'influence. Je ne crois pas que ces gens en raison de l'emploi qu'ils ont ou de qui ils sont ont en fait une influence. J'oeuvre dans le secteur depuis 30 ans. Je ne crois pas que ce soit le problème. Ils ont peut-être des contacts, et ces contacts sont importants. Ils peuvent peut-être communiquer avec un sous-ministre adjoint ou avec l'adjoint administratif d'un ministre et dire: Qu'est-ce qui arrive dans ce dossier? Quelles sont les politiques prévues? Que dit le caucus sur cette question? Qu'avez-vous entendu? Qu'est-ce que le ministère de la Justice a dit à ce sujet? Quelle est l'opinion du ministère des Affaires étrangères dans ce dossier?

En réalité, dans pratiquement dans toutes les questions de politique publique, tout le monde a son mot à dire. S'imaginer qu'on va prendre une décision en faveur de quelqu'un d'autre parce qu'un tel connaît un tel, c'est à mon avis faire preuve d'une innocence colossale sur la façon dont sont prises les décisions au gouvernement. On le constate tous les jours.

Je me concentre sur cette question d'influence, monsieur McTeague. Combien de fonctionnaires quittent les rangs supérieurs du gouvernement pour entrer dans le secteur privé? Beaucoup.

M. Dan McTeague: Monsieur Moore, pour être peut-être un peu plus précis—il est arrivé à certains d'entre nous ici de voir qu'on modifiait des projets de loi, que le Parlement intervenait, et qu'ensuite un comité supprimait tout simplement tout cela un peu plus tard, manifestement avec l'aide de lobbyistes très puissants et influents.

Peut-être pourriez-vous nous donner des illustrations sur le rôle par exemple d'un groupe qui peut prétendre représenter 70 p. 100 de tout le PIB du Canada, une Chambre de commerce, une Association du Barreau canadien, un Conseil canadien des chefs d'entreprise... On a beaucoup parlé de la relativité des influences. Il y a eu une réunion au sommet où il en a peut-être été question à l'échelle internationale. Je ne veux pas tellement parler du rôle du législateur ici, mais plutôt de la capacité qu'ont certaines personnes de suggérer au gouvernement des orientations qui ne correspondent pas nécessairement aux principes sur lesquels se sont entendus les législateurs.

Avez-vous une expérience dans ces domaines? Craignez-vous que ce genre de chose se produise de nos jours? Auriez-vous de bonnes suggestions ou conclusions à nous proposer pour nous aider à donner peut-être aux législateurs un rôle un peu plus important que celui que peuvent exercer des personnes susceptibles d'influer sur la politique publique?

• 1630

M. Sean Moore: Cela me dérange toujours quand on emploie des termes comme «puissants» et «influents». Personnellement, j'estime que la plupart des gens qu'on qualifie de lobbyistes puissants et influents ne doivent cette image qu'aux organisations qui leur attribuent du pouvoir et de l'influence. Franchement, personnellement, je ne le vois pas.

Il y a des tas d'autres personnes avec qui je suis en concurrence dans cette ville et qui sont censées être puissantes et influentes. Cela ne me paraît pas évident.

Pour ce qui est de la question sur les législateurs, ils sont les seuls à pouvoir faire quelque chose pour avoir plus d'influence sur la façon dont le gouvernement prend ses décisions. Ce ne sont pas les lobbyistes qui vont s'en occuper. Aucun autre groupe d'intérêt ne va s'en occuper. Je crois que c'est ici, sur la rue Wellington, qu'il y a quelque chose à faire. C'est uniquement là que les choses peuvent changer.

Je n'ai peut-être pas bien compris votre question à ce sujet, mais pour revenir encore une fois sur ces adjectifs «puissants» et «influents», personnellement je ne vois pas cela comme ça.

M. Dan McTeague: On nous a recommandé, et Mme Montreuil en particulier naturellement, de porter la restriction qui s'applique aux ministres et aux hauts fonctionnaires de deux ans à cinq ans.

Est-ce que ce ne serait pas une façon plus appropriée de mettre en place une période de latence analogue à celle qu'ont nos concurrents, nos partenaires commerciaux, dans le cas de personnes qui exercent un rôle assez important ou de personnes qui ont eu une influence sur les décisions? Ou est-ce que nous considérons qu'au Canada nous ne tenons strictement aucun compte des normes acceptées dans le reste du monde?

M. Sean Moore: Je pense qu'il est logique de prévoir un certain délai dans certaines situations, mais j'aimerais poser la question à l'inverse. Imaginons que les députés aient un rôle beaucoup plus important qu'actuellement dans le processus législatif. À ce propos, l'un des indicateurs de leur insignifiance relative—je veux dire, du caractère modeste de leur influence, c'est...

M. Dan McTeague: Nous vous comprenons tout à fait, monsieur Moore.

M. Sean Moore: ... c'est le fait qu'il n'y ait pratiquement aucun lobbyiste qui soit un ancien député. Il y en a très peu. Il y a quelques anciens ministres, mais pratiquement aucun ancien député ou membre du personnel d'un député. À mon avis, c'est l'une des preuves les plus flagrantes des influences qui s'exercent sur le système.

M. Dan McTeague: D'autres ont-ils des commentaires?

M. John Chenier: J'en quelques-uns.

Monsieur McTeague, je crois que vous faisiez peut-être allusion à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement l'an dernier, qui a été adoptée par le comité puis a été renvoyée à la Chambre, où elle a été de nouveau modifiée. La campagne de lobbying était très manifeste. Elle était très puissante et a fortement influencé les changements qui ont ramené la loi à son intention initiale.

Je suis d'accord en gros avec mon ancien collègue et bon ami Sean, mais sans aucun doute, dans cette ville, il y a des gens qui peuvent plus que d'autres influencer le processus politique. Certains d'entre eux travaillent au gouvernement, et d'autres, à l'extérieur du gouvernement. Je ne pense pas que ce soit vraiment discutable. Ils ne gagnent pas toujours, mais ils ont certainement une influence.

L'un des éléments clés, encore une fois, c'est la capacité d'influencer. Vous pouvez prendre une définition plus large et dire que si vous ne savez rien, vous ne savez pas quoi influencer ni comment le faire. Mais si vous trouvez toute l'information nécessaire quant aux personnes qui sont en poste, les points faibles de leur argumentation, les alliés que vous pouvez avoir, vous avez de bien meilleures chances de gagner, au bout du compte. Dans un sens, c'est ce qu'on peut acheter dans le milieu des relations gouvernementales. Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas pouvoir acheter cette information, mais c'est certainement ce qu'on obtient. On obtient des renseignements et des conseils qui...

M. Dan McTeague: Dites-vous que c'est mal?

M. John Chenier: Je ne dis pas que c'est mal, mais je dis que ce n'est offert qu'à quelques personnes. Ce n'est pas n'importe qui qui peut appeler un tel, réussir à le rejoindre et obtenir les renseignements nécessaires. C'est la vie.

Que disiez-vous en terminant?

La présidente: Rapidement.

M. Dan McTeague: En termes simples, lorsque quelqu'un a eu une influence au niveau exécutif, parce qu'il a travaillé au Bureau du premier ministre ou au Conseil privé, il devrait y avoir un hiatus de deux à cinq ans.

M. John Chenier: Quand Bill Clinton a été élu à la présidence, le concept des portes tournantes était un élément clé de sa campagne. Il voulait y mettre fin. Il n'a pas attendu pour adopter une loi; il a demandé à tous ses hauts fonctionnaires de signer des contrats civils qui, d'une certaine façon, étaient exécutables. Ils pouvaient se voir imposer une amende ou être l'objet de poursuites s'ils rompaient les conditions du contrat civil. Le contrat civil prévoyait essentiellement une période pendant laquelle ils ne devaient pas travailler pour des intérêts extérieurs. Cela a duré jusqu'au premier départ, et cela vient de s'écrouler.

• 1635

Il est très difficile d'empêcher quelqu'un de gagner sa vie. Quelqu'un quitte une carrière pour une autre. Comment pouvez-vous dire: «Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas travailler pendant 12 ou 18 mois, ou deux ans; allez quêter au coin de la rue»? On peut seulement avoir des règles qui contrent les influences indues ou l'exploitation des renseignements d'une manière qui nuit à un bon processus décisionnel.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur McTeague.

Monsieur Lastewka, vous avez la parole.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci beaucoup.

Je crois que dans mon milieu, on en fait tout un plat et on va continuer d'insister là-dessus. Je veux qu'on qu'on ne retienne que ce qui est vraiment nécessaire pour que ce soit fonctionnel et qu'on sépare cela du superflu, afin que d'autres organisations y aient aussi accès. Je parle des renseignements vraiment nécessaires.

Je travaillais autrefois pour une grande entreprise et quand je suis venu à Ottawa, il était très évident que le secteur de l'automobile n'avait pas passé suffisamment de temps à Ottawa à diffuser de l'information. Le secteur s'est amélioré de ce côté. De plus en plus de parlementaires comprennent le secteur de l'automobile et je crois donc qu'il y a une différence entre les relations gouvernementales et le lobbyisme.

Vous êtes maintenant aux commandes et vous pouvez améliorer notre loi, nous débarrasser de ce qui n'est pas nécessaire et vous concentrer sur ce qui l'est, dans notre régime. Alors dites-moi, qu'est-ce qui est vraiment nécessaire?

M. John Chenier: Je crois qu'il s'agit des trois questions dont j'ai parlé au début, au sujet de l'objet du projet de loi. Il s'agit de décisions de nature politique et non technique. Ces questions se rapportent aux attentes fondamentales de vos électeurs, pour ce qui est de l'ouverture du gouvernement et de la clarté. Dans un sens, il s'agit de décisions de nature politique, et on ne peut pas simplement tirer un trait et dire voilà ce dont nous avons besoin. En effet, ce sont les citoyens canadiens, vos électeurs, qui décident de ce qui est acceptable, de ce qui est clair ou vague, de l'information ou de l'absence d'information fournie sur les processus décisionnels et l'influence dont elles font l'objet.

Je ne pense pas qu'il y ait une réponse à votre question. Si demain vos électeurs disaient qu'ils veulent tout, vous diriez que si c'est ce qu'ils veulent, il faut le leur donner. Je vous poserais donc la question: à votre avis, qu'est-ce que vos électeurs estiment qu'ils devraient savoir sur la façon dont le gouvernement prend des décisions ou sur ceux qui l'influencent?

M. Walt Lastewka: Je puis vous dire qu'à une demi-heure d'Ottawa, il y a très peu de discussions sur les lobbyistes, leur enregistrement et tout ce qui doit être fait. Maintenant que vous avez posé la question, je peux vous dire que je n'ai rien entendu en huit ans.

Je peux répondre à Mme Montreuil, qui donnait l'exemple du sommet: ma porte était ouverte pour ceux qui voulaient me rencontrer. Deux fois, ils ont annulé, parce qu'ils sont allés à Québec. J'avais réservé du temps pour eux, ils ne se sont pas présentés mais sont allés à Québec. Il est possible de rencontrer les parlementaires.

Mais revenons aux lobbyistes. Que devons-nous savoir, à part le nom du lobbyiste et le nom des entreprises? Qu'est-ce qui est nécessaire?

M. Sean Moore: Je ne crois pas qu'il y ait rien de nouveau dans ce qui est nécessaire. Je suis d'accord avec vous, mais si vous vous intéressez aux autres moyens d'appliquer les principes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, décrits dans le préambule, soit la transparence et l'ouverture, il y a beaucoup d'autres choses qui peuvent être faites et qui vont au-delà du mandat de votre comité, même si, je le sais, il y a un certain chevauchement. Il faudrait apporter des changements non seulement à la Loi sur l'accès à l'information, mais aussi à la mentalité gouvernementale au sujet de l'information au Canada.

L'une des choses qui se dégagent de l'anxiété manifestée au sein de groupes comme Démocratie en surveillance et celui de Mme Montreuil, c'est qu'il n'y a pas suffisamment d'information sur ce que fait le gouvernement. Je pense qu'on peut faire beaucoup de choses, en commençant par des principes généraux sur la quantité d'information que le gouvernement devrait fournir sur une question.

• 1640

À mon avis, ce qui aiderait les lobbyistes, ceux qui ne peuvent pas s'en payer, les députés et tout le monde, serait que le gouvernement, sur la plupart des questions, au moins pour les plus importantes, s'écarte du modèle que nous avons depuis toujours au pays, celui qu'on appelle DAD: décider, annoncer, défendre. C'est la méthode du gouvernement parlementaire de décider, d'annoncer et de défendre, plutôt que d'être plus ouvert, lorsqu'il s'agit de grandes questions et de dire: «Voici la question, voici les options, voici les avantages et les inconvénients de chacune des options, et voici les raisons pour lesquelles nous ne les choisissons pas.»

La seule organisation qui fait cela, avec une certaine discipline, c'est le ministère des Finances. Quand les options budgétaires arrivent, le ministère fait un assez bon travail en disant voici ce que nous avons entendu et voici les raisons pour lesquelles nous ne suivons pas ces recommandations. C'est un modèle à suivre pour le gouvernement, qui pourrait ainsi expliquer aux Canadiens la complexité des questions dont il est saisi. On ne parle pas d'un magasin de bonbons. Pourtant, beaucoup de gens croient que c'en est un.

Les refus sont parfois justifiés. On peut faire des compromis, accepter une contrepartie, combiner plusieurs solutions. Avec cela, vous ne régleriez pas tous les problèmes. Si vous voulez remplir les objectifs de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, c'est déjà fait, en général; mais si vous voulez appliquer l'esprit de la loi au gouvernement en général, vous devez penser à d'autres choses.

La présidente: Madame Montreuil, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Suzette Montreuil: Oui.

La seule autre exigence qui n'est pas déjà prévue, c'est de révéler combien on consacre aux campagnes. Les autres choses—qui fait du lobbyisme et sur quel sujet—sont déjà prévues par la loi et ne nécessitent pas de nouvelle disposition.

M. Walt Lastewka: Les dépenses de campagne sont rendues publiques.

Mme Suzette Montreuil: Non. Excusez-moi, mais ce n'est pas de cela que je parle.

M. Walt Lastewka: Je vous donne un exemple. En huit ans, je n'ai pas entendu une seule question à ce sujet.

M. John Chenier: Monsieur Lastewka, il ne s'agit pas seulement de voir ce qui fait l'objet de questions; ces choses-là existent. Si vous supprimiez ces dispositions, s'il n'était plus nécessaire de divulguer ces informations, si on s'en remettait à l'imagination de chacun, que nous resterait-il? Est-ce que ce serait mieux?

M. Walt Lastewka: Non. Je comprends cela. Voici où je veux en venir: lorsqu'on nous demande des informations sur les projets de loi, sur les discussions, sur les observations qui ont été faites, nous les fournissons. Nous rencontrons des gens régulièrement.

Lundi, j'ai rencontré des représentants de la Fédération des enseignants et nous avons discuté de bien des choses. Il est probable que 90 p. 100 des sujets abordés relevaient des provinces, mais il y avait aussi deux ou trois questions de compétence fédérale. Ces personnes voulaient de plus amples informations et je les leur ai données. Je crois que tous les députés, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition, font l'impossible pour fournir les renseignements qu'on leur demande.

Pour assurer une plus grande transparence, nous avons décidé de télédiffuser les débats de la Chambre des communes. Est-ce que cela a été avantageux pour nous? Malheureusement, maintenant, tout ce que nous faisons, c'est pour les caméras. Il y a transparence. C'est certain, il y a transparence: vous pouvez voir les délibérations de la Chambre quand ça vous plaît. Est-ce bon pour le gouvernement, pour la démocratie? C'est à qui pourra lancer la meilleure insulte en 30 secondes. Je me dis donc que nous devons être prudents, ne pas aller trop loin; sinon, nous irons à l'encontre de notre objectif, soit d'avoir un bon gouvernement.

J'aimerais que vous me donniez des réponses concrètes, ce qui n'est pas le cas. Vous me dites que nous devrions faire ceci, regarder cela, envisager cela. Dites-moi ce que nous devrions faire.

M. Sean Moore: Pour répondre à votre question de savoir si la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes devrait exiger la divulgation de plus de renseignements, je réponds non.

M. Walt Lastewka: Je vous remercie de votre réponse.

La présidente: Merci.

• 1645

M. John Chenier: À mon avis, le seul renseignement qui manque, c'est l'intensité—autrement dit, quelles sommes sont consacrées à quoi. À l'heure actuelle, on a l'impression que toutes les campagnes de lobbyisme sont les mêmes, ce qui n'est pas le cas. C'est là un renseignement qu'il serait bon de connaître.

[Français]

La présidente: Monsieur Brien, avez-vous d'autres questions? Non?

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup pour vos présentations. J'ai vraiment des sentiments partagés par rapport aux présentations que vous avez faites aujourd'hui. Il s'agissait d'excellentes présentations.

Madame Montreuil, vous dites que dans trois États américains, les lobbyistes sont obligés de divulguer les sommes que leurs clients et eux-mêmes consacrent à leur campagne. Cela existe-t-il au niveau fédéral, aux États-Unis?

Dans le domaine du bois d'oeuvre, il y a tout un conflit maintenant. Nous avons gagné deux fois dans les juridictions acceptées par les deux gouvernements, selon nos traités, etc., mais les lobbyistes aux États-Unis, tant au niveau des États qu'au niveau fédéral, mènent toujours une campagne et ont réussi à influencer les législateurs américains afin de les embarquer dans un autre conflit, qui va probablement durer de nombreuses années et qui va mettre notre propre industrie, nos emplois et la vie des Canadiens et Canadiennes, d'un océan à l'autre, en péril.

Je ne crois pas que le fait de divulguer les sommes assurera nécessairement les Canadiens et les Canadiennes que les législateurs, les ministres et les cadres supérieurs agissent pour le bien de la population, d'une part, et d'autre part, qu'ils agissent en fonction de la réalité, des faits réels. On n'a qu'à regarder cette situation aux États-Unis. La réalité et les faits n'ont rien à voir avec ce qui motive les Américains à prendre la position qu'ils prennent. C'est seulement le profit qui les motive. Voilà une des raisons pour lesquelles j'ai des sentiments partagés.

J'ai également des sentiments partagés en ce qui concerne la question du rôle que nous, les législateurs, jouons ici, au Canada. Dans un sens, monsieur Moore, lorsque vous dites que nous ne prenons pas véritablement part à l'élaboration des politiques, puisque le processus débute longtemps avant de prendre la forme législative déposée en Chambre, etc., vous avez raison.

Mais, d'une autre façon, cela n'est pas tout à fait vrai, parce que chaque député—et je pense que ceux qui sont autour de la table maintenant, que ce soit leur premier, deuxième ou troisième mandat, ont des sujets d'intérêt, des questions de politique dans des domaines bien précis qui les intéressent—tente d'influencer le ministre ou le Cabinet afin qu'il reformule, revoie ou révise la politique actuelle. Les lobbyistes qui font bien leur travail ont identifié les intérêts de chacun des députés, le cas échéant, et tentent de travailler avec eux lorsque l'occasion se présente, par exemple lorsqu'ils sont sur la même longueur d'onde; parfois, ils tentent plutôt de s'opposer aux députés parce que ceux-ci ne partagent pas le même point de vue.

Là où j'ai le plus de difficulté par rapport aux recommandations, c'est en ce qui concerne la question d'abolir le poste de conseiller en éthique pour simplement le remplacer par une commission d'éthique. Je vais vous expliquer pourquoi.

J'ai déjà travaillé dans le milieu de la déontologie policière, au Québec. J'ai travaillé dans les deux systèmes, soit le système où la commission avait le pouvoir de réglementer, d'administrer, d'enquêter et de recommander après une enquête publique, et le système civil, complètement indépendant de la police, auquel on avait attribué un pouvoir exécutoire. J'ai constaté qu'il y avait de bons et de mauvais côtés dans les deux systèmes.

• 1650

S'il existe seulement une commission de déontologie ayant le pouvoir d'enquêter et de sanctionner les parlementaires, où les parlementaires obtiendront-ils des conseils d'un expert? Aujourd'hui, je peux appeler le conseiller en éthique et le consulter à l'égard d'une problématique quelconque. Par exemple, lorsque j'agis de telle ou telle façon ou que je me comporte de telle ou telle façon, ce comportement constitue-t-il une violation du code d'éthique, même si le code d'éthique, en principe, ne s'applique pas à moi parce que je ne suis pas membre du Cabinet ou secrétaire parlementaire, etc.? Avec les recommandations que vous proposez, je n'aurais plus ce genre de conseils, parce que vous avez recommandé d'abolir le poste de conseiller en éthique.

D'une part, chaque député pourra toujours aller chercher conseil, mais ce ne sera pas le même conseiller, ce seront des personnes différentes: mon avocat à moi, son avocat à lui, etc. Il n'y aura donc pas de normes et d'interprétation uniques. D'autre part, j'ai de la difficulté à accepter qu'une commission indépendante, d'une certaine façon, puisse sanctionner ou même recommander des sanctions. Ce sont les électeurs qui nous élisent et ultimement, c'est au Parlement qu'on devrait rendre compte de nos actions et de nos comportements.

[Traduction]

La présidente: Quelqu'un voudrait-il répondre aux remarques de Mme Jennings?

Madame Montreuil.

[Français]

Mme Suzette Montreuil: Merci beaucoup. J'en avais plusieurs. Vous soulevez un très bon point.

Les fonctions de conseil et le pouvoir d'enquête devraient être séparés, à tout le moins parce que ce sont deux fonctions très importantes. Je relis la recommandation et je suis d'accord. Toutefois, je sais que l'entente n'est pas d'abolir la fonction de conseil parce que, comme vous le dites, elle est importante et il est également important que tout le monde ait accès au même conseil. Mais on trouve qu'il est un peu maladroit que la même personne occupe ces deux fonctions. Cela lui enlève son objectivité: ayant déjà donné un conseil, elle ne va pas revenir en arrière. D'après mon expérience—je ne suis pas complètement branchée—, en sept ans, nous n'avons jamais eu un conflit, apparemment. C'est formidable.

Mme Marlene Jennings: Je vais vous interrompre en vous donnant un exemple. La Commission de police du Québec, qui a été créée en 1968, avait le pouvoir d'établir des règlements concernant le comportement et la conduite déontologique des policiers, les procédures administratives des corps de police, etc. Par la suite, la commission a également eu le pouvoir d'enquêter en réponse à une plainte d'un citoyen ou d'un chef de police concernant la conduite d'un policier ou d'un corps de police en général. Son objectivité n'a jamais été mise en doute.

Mme Suzette Montreuil: Était-ce une personne?

Mme Marlene Jennings: Non. Il s'agissait de plusieurs personnes, d'une commission composée de plusieurs membres, mais on ne va pas débattre de cela maintenant parce que je sais que la présidente veut continuer sur une autre voie.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Jennings. Je dois vous interrompre. M. Moore voudrait prendre la parole. D'autres députés voudraient aussi poser des questions.

Monsieur Moore, vous avez une remarque à faire?

M. Sean Moore: Nous faisons une distinction entre ces deux fonctions; nous faisons une distinction entre celui à qui vous vous adressez pour obtenir des conseils et le modèle de la Colombie- Britannique, par exemple.

Mme Marlene Jennings: Que se passe-t-il si vous suivez les conseils qu'on vous a donnés et que vous faites ensuite l'objet d'une enquête au terme de laquelle vous êtes reconnu coupable?

M. Sean Moore: Cela fait partie de votre défense, je suppose.

À mon avis, le poste de conseiller en éthique avec le mandat dont il dispose actuellement au niveau du gouvernement fédéral n'est plus crédible aujourd'hui. À mon avis, en dehors des limites de la Colline parlementaire, et dans l'esprit d'au moins la moitié des gens sur la Colline, ce n'est plus une option crédible.

Soit dit en passant, les raisons qui m'avaient été citées par un haut fonctionnaire à l'époque où le gouvernement Chrétien a créé le poste de conseiller en éthique, n'avaient rien à voir avec ces questions dont nous parlons aujourd'hui. À l'époque, on pensait que le nouveau gouvernement était au pouvoir et qu'il prenait un certain nombre de mesures, entre autres, la rationalisation de ministères et d'organismes qui existaient déjà.

• 1655

À l'époque, on m'avait dit que la dernière chose dont nous avions besoin au Canada, c'était d'un autre responsable irresponsable au Parlement. Ces gens-là avaient examiné la croissance du budget du vérificateur général et du commissaire aux langues officielles et conclu que nous n'avions vraiment pas besoin d'un troisième poste de ce genre. Personnellement, je pense que l'absence d'un droit de regard indépendant risque de nous coûter beaucoup plus cher à l'avenir.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Pierre Brien: Non, c'est bon. Ce que je voulais dire a été dit.

[Traduction]

La présidente: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Vous avez dit à la fin que pendant de nombreuses années il n'y avait eu aucun conflit. Je peux vous dire, moi qui suis secrétaire parlementaire, que nous devons tous respecter les règles relatives aux conflits d'intérêts. Chaque fois que nous avons un doute, nous téléphonons et nous posons la question. Très souvent il m'est arrivé de ne pas pouvoir faire quelque chose ou qu'on me dise de refuser quelque chose, mais cela n'a jamais été jusqu'au conflit car je me suis dit... Je suis certaine que la plupart de mes collègues sont aussi malins que moi et suivent les conseils qu'on leur donne, même s'ils doivent rater des occasions. Au moins, cela leur évite les conflits d'intérêts.

Deuxièmement, je dois vous dire, bien que votre exposé n'ait pas été aussi sévère que celui de Démocratie en surveillance, que cette idée que certaines entreprises pourraient dépenser 500 000 $ pour obtenir une chose à laquelle tous les députés s'opposent, est une idée ridicule. Ce n'est pas parce que les gens ont beaucoup d'argent qu'ils obtiennent ce qu'ils veulent alors que...

M. Sean Moore: Le lobby des banques.

Mme Paddy Torsney: Le lobby des banques est un excellent exemple. Dieu sait combien d'argent elles ont dépensé. Des centaines de milliers de dollars, pour ne pas dire des millions, mais elles n'ont pas obtenu ce qu'elles voulaient.

Je suis convaincue qu'il ne suffit pas d'avoir énormément d'argent, des sommes considérables, qu'il ne suffit pas d'avoir de l'influence un peu partout pour obtenir ce que l'on veut. Bref, le système qui sert à rendre des comptes au public, la surveillance des médias, tout cela fonctionne. Je suis convaincue que le système fonctionne beaucoup mieux que certains groupes dans l'antichambre ne le pensent.

D'un autre côté, ce n'est pas forcément de l'argent. Très souvent, un groupe vient me voir pour me demander des conseils sur la façon de rédiger une lettre, sur les meilleurs moyens pour obtenir quelque chose. Les informations que je leur donne, ce sont exactement les informations que je donnais jadis... Peut-être pas toutes, mais en tout cas, cela coûte beaucoup moins cher de venir me consulter que de consulter la firme pour laquelle je travaillais jadis. En fait, on a plus tendance à écouter un organisme à but non lucratif qu'une compagnie.

J'ai trouvé absolument choquants certains éléments de votre exposé et de ceux d'autres organismes, des éléments qui sont absolument contraires à ma perception de la réalité.

Mme Suzette Montreuil: Dans ce cas, il faudrait faire une campagne de relations publiques dans la rue à cause de cette perception, et c'est ce à quoi je m'emploie.

Mme Paddy Torsney: Oui, évidemment, nous avons chacun notre idée.

Mme Suzette Montreuil: Si je n'avais pas confiance dans le système, je n'aurais pas fait dix heures d'avion hier pour venir ici. De toute évidence, j'ai encore une certaine confiance dans le système.

Mme Paddy Torsney: Absolument. Comme je l'ai dit, il y a dans votre exposé beaucoup plus d'éléments que j'approuve que dans certains autres exposés que nous avons entendus.

La présidente: Merci, madame Torsney.

Monsieur McTeague.

M. Dan McTeague: Merci encore, madame la présidente.

Je tiens à dire à Mme Montreuil et aux autres témoins que tous les députés n'ont pas eu la même expérience. Certains d'entre eux, et cela dépend de leur spécialisation, comme on l'a dit plus tôt, ont eu par le passé des raisons de s'inquiéter, de s'alarmer même de l'influence de certains groupes. C'est particulièrement inquiétant quand on voit les parlementaires obnubilés par les deux ou trois questions les plus importantes. Tous les jours, il y a beaucoup de détails qui échappent aux médias. Et pourtant, des décisions sont prises. Très souvent, le Parlement n'y participe pas. Il y a des décisions prises par décret en conseil, il y a également la réglementation. Au cours des prochains jours, notre comité va se pencher sur certaines de ces décisions, et probablement en particulier sur une d'entres elles qui est particulièrement controversée.

J'ai voulu mettre cela au point, car j'aimerais connaître votre opinion à tous. Madame Montreuil, vous nous avez expliqué en quoi consistent vos recommandations. Monsieur Chenier et monsieur Moore, vous avez parlé de sévérité, mais peut-être devrions-nous parler également des sommes qui sont en cause.

• 1700

Je reviens à cette notion qui, à mon avis, est fondée sur des faits et selon laquelle certaines personnes abusent de leurs relations et réussissent à véritablement prendre des décisions. En outre, nous savons que certaines personnes qui travaillent actuellement dans le secteur public pourraient un jour passer au secteur privé. On a de bonnes raisons, et cela dépasse le mandat de ce comité, de s'interroger sur le salaire des fonctionnaires qui n'est peut-être pas égal à ce qu'on leur offrirait dans le privé.

Je ne vais veux pas citer de ministères, je ne mentionnerai pas de noms, et je ne parlerai certainement pas de certains problèmes en particulier. Vous et moi pourrons en discuter après. Mais à la lumière de ce que nous savons tous, à la lumière des perceptions du public, qu'est-ce que vous pourriez nous recommander pour améliorer cette loi. En effet, nous allons entendre l'opinion d'autres personnes, des gens qui n'ont pas de relations avec les lobbyistes, et j'aimerais donc savoir ce qui, à votre avis, est nécessaire pour assurer une transparence que les parlementaires ne réussissent pas toujours à établir d'eux-mêmes?

La présidente: Nous ne cessons de répéter cette question d'une façon différente.

M. Dan McTeague: Non, elle est un peu différente cette fois-ci. Tout à l'heure, il s'agissait de probité.

La présidente: Cela ressemble beaucoup à la question de M. Lastewka.

Monsieur Chenier, vous voulez reprendre?

M. John Chenier: Accordez-moi quelques secondes pour réfléchir.

Je vais céder la parole à Sean.

La présidente: Monsieur Moore.

M. Sean Moore: Est-ce que vous posez la question à propos de la loi, ou bien d'une façon générale en ce qui concerne...

M. Dan McTeague: Non, nous ne pouvons pas parler d'une façon générale car nous sommes ici pour examiner la loi. C'est la question qui nous occupe, celle qui a été renvoyée au comité.

Votre collègue, Mme Montreuil, nous a fait un certain nombre de suggestions. Il y en a une qui me plaît beaucoup, celle qui porte sur un délai de deux à cinq ans. Toutefois, monsieur Moore, j'ai bien compris vos préoccupations d'une façon générale, mais j'aimerais maintenant savoir quelles recommandations précises ce comité pourrait faire pour profiter de cet examen pour donner à la loi un peu plus de mordant et assurer le public que nous faisons bel et bien notre travail?

M. Sean Moore: La seule chose que je puisse dire à ce sujet, mais je ne pense pas que ce soit le sens de votre question, c'est que certains, au ministère de la Justice, pensent que le langage actuel de la loi pose des difficultés sur le plan de son application. Si c'est vraiment le cas, il faudrait s'en occuper.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'application, j'ai vu trop d'enquêtes abandonnées à cause du délai d'application prévu par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Dans la première loi, nous disposions de six mois, et maintenant cela peut aller jusqu'à deux ans. Remarquez, c'est uniquement pour les cas de déclaration sommaire de culpabilité, mais je continue à croire que la période d'application devrait être plus longue car dans ce genre de choses, il faut parfois attendre très longtemps pour qu'on prenne conscience du problème, et ensuite, il faut du temps pour enquêter.

Cela dit, je n'ai personnellement rien contre l'idée de déclarer les sommes payées si la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes le prévoyait. Cela dit, mes clients ne seraient probablement pas très enthousiastes.

Personnellement, et je sais que mes collègues qui s'occupent de relations avec le gouvernement se fichent de moi quand je dis cela, j'ai l'impression que la plupart du temps quand ils s'opposent à déclarer cela, c'est qu'ils ne veulent pas qu'on sache à quel point certains clients les paient peu. Pour attirer les clients, ils peuvent leur demander 2 000 $ ou 3 000 $ par mois, mais pour faire plus ou moins la même chose, ils peuvent demander à quelqu'un d'autre 9 000 $ par mois. C'est une excellente raison de ne pas vouloir faire de déclaration, mais c'est exactement l'inverse de ce qu'on pourrait penser.

Je ne sais donc pas vraiment. Sur le plan financier, je me débats avec cette idée de déclaration financière depuis des années. Lorsque John et moi-même avons examiné ce qui s'est passé aux États-Unis lorsqu'ils ont imposé une déclaration financière, nous avons pu constater que les choses sont devenues très vite ridicules car certaines associations industrielles devaient calculer le pourcentage de leurs frais d'éclairage, de chauffage et de stationnement ayant servi à des activités de lobbying. Bref, les chiffres ont très vite perdu toute signification. Et c'est justement ce que je crains ici, c'est qu'on promette de grandes choses grâce à cette loi alors qu'en réalité, elle ne nous dira rien que nous connaissions déjà.

Comme Mme Torsney l'a observé, tout le monde sait que les banques ont parié des sommes énormes sur la Loi sur les banques, et en fin de compte, elles n'en ont rien tiré du tout. Et les lobbies sont innombrables.

Un bon lobbyiste réussit dans environ la moitié des cas qu'il entreprend.

M. Dan McTeague: Les grandes compagnies pétrolières ont dépensé beaucoup d'argent en 1986 au moment de la Loi sur la concurrence et elles ont fini par obtenir la loi qu'elle voulait.

La présidente: Monsieur McTeague, merci. Deux autres témoins souhaitent répondre à vos questions.

Monsieur Chenier.

M. John Chenier: Monsieur McTeague, le problème avec votre question, c'est que cela nous ramène à un problème que j'ai soulevé au sujet de la loi. Vous examinez les aspects mécaniques de la loi, et je suis probablement d'accord avec ce que mon ami Sean vient de dire. Il y a des problèmes au niveau de l'application. Ce serait vraiment une bonne chose qu'à la troisième tentative nous réussissions à avoir une loi applicable, une loi qui serait appliquée.

• 1705

Cela m'amène à ma préoccupation suivante, la question du conseiller en éthique. Pour l'instant, cette personne joue un rôle clé dans l'administration de la loi. Toutefois, pour l'instant, je vois des problèmes dans la façon dont il exécute ses fonctions. En effet, cette personne pourrait devenir juge et jury. Autrement dit, elle sera amenée à déterminer si un lobbyiste a enfreint un code sur les conflits d'intérêts. Le conseiller doit donner suite à toutes les plaintes, lancer des enquêtes, mais pour commencer, il n'a pas de personnel pour enquêter. Je pense que certains détails doivent être précisés en ce qui concerne l'application de la loi, et en particulier en ce qui concerne le rôle du conseiller en éthique.

Je pense aussi tout comme Sean, et c'est une chose que je pense depuis longtemps, que le mandat actuel du conseiller en éthique n'est pas exécutable.

La présidente: Monsieur Chenier, je vais vous demander d'accélérer un peu car nous sommes sur le point de manquer de temps. Je crois que le timbre va commencer à retentir à 17 h 15, et j'ai moi-même plusieurs questions à vous poser.

M. John Chenier: En outre, je pense qu'il ne s'agit pas uniquement des rouages de la loi, il faut également s'interroger sur les objectifs de la loi, se demander si elle atteint bien ses objectifs. Cela peut sembler être le cas aujourd'hui, mais trois manchettes de journaux plus tard, nous nous retrouvons dans la mélasse et nous nous disons: si seulement nous avions fait les choses différemment il y a six mois, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Je pense que c'est une de ces lois qui peut très rapidement vous...

La présidente: Madame Montreuil, vous voulez répondre aussi?

Mme Suzette Montreuil: Non.

La présidente: D'accord.

J'ai plusieurs questions à poser, également plusieurs choses que je tiens à préciser. Pour commencer, je vous assure que nous ne procédons pas ici à un examen superficiel. Certains députés n'ont peut-être pas assisté à toutes les réunions, mais nous sommes loin de prendre ceci à la légère.

Deuxièmement, monsieur Chenier, vous avez mentionné à plusieurs reprises le poste de conseiller en éthique. Doit-il remplir les deux fonctions, ou bien faut-il les séparer?

M. John Chenier: Oui.

La présidente: Vous répondez que oui? Est-ce que tout le monde est d'accord? Vous hochez la tête tous les trois.

J'ai une autre question; il y a quelque temps, nous avons discuté de la façon dont la politique gouvernementale s'élaborait. En fait, il y a deux types de politique gouvernementale; il y a celle qui prend naissance du côté de la fonction publique, mais d'un autre côté, il y a également une politique gouvernementale qui vient des députés et qui s'élabore à partir de là. En effet, il y a les projets d'initiative privée, il y a des idées et des discussions en caucus qui, par le passé, ont changé les choses, les ont fait évoluer.

Cela dit, il arrive à la fonction publique et au gouvernement d'embaucher des experts-conseils et de leur commander un rapport sur un sujet donné. Aujourd'hui, nous savons qui ces experts sont car ils sont inscrits.

Toutefois, ce que nous ne savons pas, dans le cas d'un examen scientifique... Les experts-conseils vont consulter des chercheurs. Qui paie les chercheurs? Ils reviennent ensuite et formulent des recommandations. Est-ce que nous savons qui paie les chercheurs? Est-ce que nous avons cette information? Est-ce que la loi devrait aller plus loin? Est-ce qu'on devrait les obliger à révéler qui ils ont consulté? Faut-il aller plus loin, faudrait-il savoir qui cet expert-conseil inscrit a consulté, quelle est l'influence qui s'est exercée à ce niveau-là?

M. Sean Moore: Vous parlez de consultations officielles du gouvernement, des cas où on embauche des experts-conseils pour tenir des audiences? Je ne sais pas si c'est ce que vous voulez dire quand vous parlez d'experts inscrits.

La présidente: Oui, c'est de cela que je parle.

M. Sean Moore: Eh bien, dans le domaine des sciences... Le lobbyisme n'est jamais aussi compliqué, difficile et frustrant que lorsqu'il s'agit de sciences et de santé. Tout cela est lié à certains aspects particulièrement intéressants. D'ailleurs, le professeur Bill Stanbury de l'Université de la Colombie-Britannique a parlé plus tôt des problèmes d'éthique associés à la guerre des sciences et aux lobbies scientifiques. Il a expliqué qu'il était possible d'acheter à peu près n'importe quelle donnée scientifique et il a parlé de la transparence qu'on pouvait attendre dans ce domaine. Est-ce que nous devrions exiger plus de détails sur les gens qui sont censés fournir des données scientifiques, est-ce qu'il faudrait savoir qui les a payés?

La présidente: C'est la question que j'ai posée.

M. Sean Moore: C'est bien ce que vous vouliez dire, d'accord.

Je ne sais pas par quoi commencer, parce qu'en effet, c'est toute une chaîne alimentaire à suivre, finalement, pour savoir quel genre de renseignements sont utilisés et fournis au gouvernement. Faut-il fournir le détail de tout le travail humain qu'il a fallu effectuer pour produire cette recherche? Je ne sais pas.

• 1710

La présidente: Monsieur Chenier.

M. John Chenier: Je suis d'accord avec Sean. Ce travail serait pénible et peut-être pas à toute épreuve. Ce qui est important, c'est de s'assurer que l'élaboration des politiques est aussi ouverte et transparente que possible. De cette façon, les gens savent qui est impliqué, qui est en train de donner les renseignements et les conseils, et savent qu'il est possible de contester quelque chose à la lumière de ce qu'ils savent. Néanmoins, il se peut qu'actuellement, les personnes qui sont consultées, les personnes impliquées, ne soient pas bien connues des autres parce que le processus de consultation est fermé. C'est là que se trouve le problème.

Je ne crois pas qu'on devrait demander aux gens s'ils ont déjà travaillé pour la compagnie de tabac R.J. Reynolds, ou des questions de ce genre, les obliger à déclarer ce qu'ils ont fait il y a 15 ans, quelque chose qui entachera tout leur témoignage. Je ne pense pas qu'on voudrait forcément avoir un processus semblable.

La présidente: D'accord. Je voudrais poursuivre la question encore une fois avec Mme Montreuil également.

Dans votre mémoire, vous parlez d'appliquer le code à tous les députés au Parlement afin de les empêcher d'agir en tant que lobbyistes pour des intérêts privés. J'ai été élue pour agir au nom de mes électeurs, et pour les représenter. Mes électeurs ont des intérêts divers. Je ne suis pas certaine de bien comprendre votre déclaration à ce sujet. Je sais que nous en avons discuté, mais je voudrais m'assurer de vous avoir bien comprise.

Mme Suzette Montreuil: Si vous prenez en considération les intérêts de tous vos électeurs, il n'y a aucun problème.

La présidente: Mais...

Mme Suzette Montreuil: Mais un code de déontologie pour les députés couvre beaucoup plus que le seul aspect du lobbyisme. Si cela existe au niveau provincial, je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas exigé au niveau fédéral.

La présidente: Je ne suis pas au courant des diverses exigences provinciales, mais du point de vue du fédéral, et de ma position, je sais pourquoi j'ai été élue. J'ai plusieurs industries différentes dans ma circonscription. J'ai probablement une des circonscriptions les plus hétéroclites au Canada, et j'ai presque toutes les industries possibles. Quand j'arrive ici et que je parle au nom d'une industrie qui touche mes électeurs, est-ce que je fais du lobbying au nom de cette industrie pour m'assurer que mes électeurs aient des emplois et que certaines choses se fassent? Est-ce répréhensible? Je ne le crois pas. Je crois que c'est à moi de le faire. C'est à moi de veiller à ce que la politique et les lois fassent en sorte que le Canada continue à se développer, qu'il y ait de la création d'emplois, que ma collectivité croisse, et que ces occasions existent. Donc...

Mme Suzette Montreuil: Si vous parlez de tous les intérêts dans votre circonscription... Chez moi, nous avons des mines de diamants, et nous avons l'impression que c'est la seule question et la question la plus importante, malgré le fait que les électeurs ne font certainement pas que cela. Maintenant, je ne cherche pas à parler de mon député en particulier, mais notre impression est que cette question attire le plus d'attention parce qu'elle est la plus grande, et c'est à ce moment-là que j'aurais un problème. Si vous avez plusieurs industries dans votre circonscription et que vous essayez de promouvoir chacune d'entre elles, il n'y a aucun problème. Le problème surgit quand cela est dévié dans une seule direction et se limite à un seul intérêt.

M. Walt Lastewka: Pourriez-vous nous donner un exemple?

Mme Suzette Montreuil: Je viens tout juste de le faire: les mines de diamants dans notre région.

M. John Chenier: Il y a un exemple au Royaume-Uni au parlement, où dans un sens, fondé sur... Je crois que cela remonte à l'époque où les syndicats avaient ce qu'ils appelaient des députés mandatés, élus pour le Parti travailliste. Les députés mandatés étaient en fait membres d'un syndicat, et ils se présentaient dans des circonscriptions sûres. Par la suite, plusieurs députés ont accepté ce qui était essentiellement des mandats. Il y avait un député pour l'industrie du tabac, qui recevait une allocation en plus de son salaire de la part des compagnies de tabac et qui avait signé un registre en tant que représentant de ces compagnies.

La présidente: Je crois que ce n'est pas du tout ce que ma question visait. J'essaye de comprendre. Je comprends ce que vous dites, mais en réalité je représente une circonscription où, par exemple, l'industrie automobile revêt une grande importance. Je parle peut-être plus de l'industrie automobile que de la pêche, mais j'ai aussi des pêcheurs dans ma circonscription. J'ai aussi des mines, mais je n'en parle pas autant que de l'automobile. Est-ce que cela veut dire que mes efforts sont biaisés?

M. John Chenier: Madame la présidente, ce que j'essayais de dire, c'est que selon la plupart des définitions du lobbyisme, il faut être payé pour le faire. Donc, si vous acceptiez des paiements de la part de certains électeurs pour promouvoir leur point de vue...

Mme Paddy Torsney: Mais elle est payée pour.

M. John Chenier: Non. De façon différente... Quand on prend des définitions du lobbyisme, la plupart énoncent qu'on fait quelque chose en contrepartie d'un salaire ou pour de l'argent. Si on interdit aux députés de faire du lobbyisme, je présume que vous dites qu'ils ne peuvent pas accepter d'argent de la part d'autres intérêts...

La présidente: Donc, c'est cela que votre déclaration voulait dire, madame Montreuil?

Mme Suzette Montreuil: Cela serait l'esprit de la chose, oui.

La présidente: Bon. Ce n'est pas ce que j'avais compris de la façon que c'était présenté. Je voulais que donc ce soit clair.

• 1715

Pour finir, monsieur Moore, vous avez dit que vous ne voyiez pas beaucoup d'anciens députés travaillant comme lobbyistes. Je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Si vous prenez les députés au Parlement élus depuis 1993—et c'est évident qu'il y aura de grands changements entre les gouvernements...

M. Sean Moore: Oui.

La présidente: ... à cause de la réalité. Mais je dois vous dire qu'en tant que députée, je suis plus disponible pour un ancien député avec qui j'ai déjà travaillé—que je le suis pour importe le parti, probablement—que je serais à une personne qui travaillait pour un ancien ministre, ou une personne que je ne connais pas. Je pense aux personnes qui ne se sont pas présentées en Ontario, celles qui n'ont pas gagné aux dernières élections, je pense à des personnes de la côte Est, et de mémoire je pourrais vous donner quatre ou cinq noms...

M. Sean Moore: Bien sûr.

La présidente: Il n'y a pas eu beaucoup de changements en Ontario depuis 1993, donc je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la remarque.

M. Sean Moore: Je parlais de la demande.

Je ne doute pas un instant que les députés actuels se sentiraient bien plus à l'aise de traiter avec un ancien député de n'importe quel parti, de s'asseoir et de discuter avec eux. Je dis que je ne vois pas beaucoup de demandes pour les services de ces anciens députés. C'est autre chose, en ce qui concerne les anciens ministres et leurs effectifs.

J'ai écrit une chronique dans le Hill Times il y a un certain temps, et je disais qu'une réforme parlementaire sérieuse dans ce pays aurait comme résultat une explosion des occasions d'emploi pour les anciens députés et leur personnel, parce qu'ils seraient très bien reçus sur la Colline par les législateurs. Je ne pense pas que c'est le cas.

La présidente: Je ne veux pas créer d'histoires et changer la façon dont les gens s'organisent dans leurs affaires, mais je sais d'après mon horaire et d'après la façon dont c'est organisé, que je ferais mon possible pour trouver 15 minutes s'il s'agissait d'un ancien député ici en ville, avec qui j'ai travaillé. Je trouverais le temps. Si des gens que je ne connais pas m'appellent pour obtenir un rendez-vous et que j'ai un horaire chargé, je ne pourrai pas les rencontrer. Il va falloir qu'ils me donnent plus de préavis.

M. Sean Moore: Oui, absolument.

La présidente: Différentes choses se produisent. C'est comme ça que nous procédons.

Je voulais vous remercier et vous dire également que ce comité a l'habitude d'être assez...

Une voix: Direct.

La présidente: Direct, c'est un mot juste.

Nous avons déjà modifié des projets de loi étudiés par ce comité—certains sont plus favorables à cette pratique que d'autres—mais nous avons été très francs. Cette évaluation sera fort intéressante en fin de compte, et j'ai apprécié la diversité des commentaires formulés aujourd'hui.

Je vois que nous ne sommes pas tous d'accord sur la façon de procéder. Je suis certaine que nous aurons des discussions intéressantes à l'étape du rapport.

Si jamais il y avait d'autres commentaires dont vous aimeriez nous faire part dans les semaines à venir, n'hésitez pas à nous les envoyer par écrit. Merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

La séance est levée.

Haut de la page