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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 mars 2001

• 1526

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques (Shefford, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Nous allons commencer les audiences sur le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi et le Règlement sur l'assurance-emploi (pêche).

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui ont affronté le mauvais temps aujourd'hui. Nous accueillons aujourd'hui Jean-Philippe Tabet, du Conseil des ressources humaines du secteur culturel; Jeannine Paulin, de l'Association des travailleurs et travailleuses d'usine-produits marins; Irène Marais, du Réseau des entreprises familiales; et Gastien Godin, du Fonds de solidarité de l'industrie du crabe.

Je vous demanderais de faire à tour de rôle une présentation d'environ cinq minutes. Par la suite, nous aurons une période de questions et de commentaires. Bon an mal an, nous essayons de limiter le tout à environ cinq minutes. Je pourrais être appelée à vous couper la parole, mais dans la mesure du possible, nous essayons de faire un deuxième tour. Donc, si on n'a pas complètement répondu à une question, nous pourrons continuer pendant la deuxième partie.

On commence donc la discussion avec M. Jean-Philippe Tabet. Bonjour, monsieur.

M. Jean-Philippe Tabet (directeur général, Conseil des ressources humaines du secteur culturel): Bonjour. Bon après-midi et merci de nous avoir invités à vous présenter notre point de vue concernant le projet de loi C-2.

Avant de commencer, j'aimerais me présenter. Je m'appelle Jean-Philippe Tabet et je suis le directeur général du Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHSC). Je ferai une présentation en trois parties: les enjeux, la conclusion et, enfin, les recommandations. J'imagine que vous avez reçu le texte de notre présentation en français et en anglais. Je ferai ma présentation dans les deux langues et je passerai d'une langue à l'autre. J'espère que les traducteurs ont reçu le texte de la présentation.

Le CRHSC est d'abord un organisme national de service culturel qui ne dépend pas actuellement du financement du gouvernement pour son fonctionnement. Il regroupe des représentants de tous les secteurs pour répondre aux besoins de formation et de perfectionnement professionnel des travailleurs culturels: les artistes, les créateurs, le personnel technique, les gestionnaires, les membres des conseils d'administration, les bénévoles, ainsi que tous ceux et celles qui mènent une activité professionnelle dans ce secteur, y compris les travailleurs autonomes.

Le secteur culturel est composé de centaines de métiers qui se répartissent en six grandes sous-catégories: la musique et l'enregistrement sonore; les nouveaux médias; les arts visuels et les métiers d'art; la création littéraire et l'édition; l'audiovisuel; les arts de la scène; le patrimoine. En outre, il comporte plusieurs milliers d'organisations, grandes et petites, certaines à but lucratif, d'autres à but non lucratif, ainsi qu'une très grande diversité d'employés et un très grand nombre de travailleurs autonomes, soit des artistes indépendants, des créateurs, des pigistes et même des propriétaires uniques.

Le travail du CRHSC repose sur une thèse très simple: l'élément humain, avec toutes ses caractéristiques, constitue la ressource fondamentale de la culture. La mission du conseil consiste à «lancer, coordonner et promouvoir la planification en ce qui concerne les ressources humaines, la gestion, le perfectionnement et la formation dans le secteur culturel».

[Traduction]

Le secteur culturel canadien est vaste, dynamique, composé de gens très qualifiés qui possèdent une solide instruction. Selon les résultats du recensement de 1996 de Statistique Canada, plus de 670 000 Canadiennes et Canadiens font partie de la population active du secteur culturel; il s'agit d'artistes, de créateurs, de producteurs, de techniciens et d'administrateurs. Compte tenu des emplois indirects, le secteur culturel englobe un million d'emplois.

• 1530

Un sondage récent a révélé que 51 p. 100 de ces personnes détiennent un diplôme universitaire ou collégial, contre 15 p. 100 seulement de la main-d'oeuvre qualifiée. Ces gens-là ont leurs propres habitudes de travail et de formation qui bousculent les vieilles idées concernant la façon de préparer quelqu'un à un emploi viable, durable, et d'améliorer ses compétences et sa mobilité. Le plus frappant est sans doute le nombre très élevé de travailleurs autonomes dans le secteur culturel.

Les créateurs, les artistes, les écrivains, les comédiens, les musiciens, les membres d'équipes de tournage et les éditeurs de petits magazines sont pour la plupart des travailleurs autonomes, comme le sont bon nombre de metteurs en scène, d'éditeurs, de conservateurs et d'employés de musée. Dans les arts de la scène, l'écriture et les arts visuels, le pourcentage des travailleurs culturels est supérieur à 50 p. 100. Il se rapproche de 80 p. 100.

À l'instar des autres travailleurs autonomes du Canada, ces travailleurs culturels doivent s'occuper de tous les aspects de la direction d'une petite entreprise. Il leur faut non seulement entretenir et améliorer leurs compétences dans le domaine culturel, mais aussi planifier, apprendre, créer, produire et commercialiser le fruit de leur travail, tenir leur comptabilité à jour, régler les questions fiscales et juridiques, s'occuper de problèmes de santé et de sécurité au travail, prendre en main leur propre programme de formation et financer leurs avantages sociaux. Ces personnes doivent donc posséder un éventail de compétences beaucoup plus larges que la plupart des employés.

De plus, la population active du secteur culturel est dispersée sur tout le territoire canadien et une grande partie de cet effectif est composée de travailleurs extrêmement mobiles qui se déplacent d'un endroit à l'autre en fonction des débouchés.

Pour bien des gens dans le secteur culturel, la sécurité d'emploi n'existe pas. Il leur est donc difficile de cesser de travailler pour suivre des cours de perfectionnement technique ou autres. Néanmoins, le succès du secteur culturel, autant au Canada qu'à l'étranger, repose en grande partie sur l'apprentissage continu de nouvelles compétences.

[Français]

À bien des égards, la population active du secteur culturel représente le modèle de la main-d'oeuvre du Canada de demain. Elle est dotée d'un esprit d'entreprise. Elle est souple. Elle est motivée et autonome. Tandis qu'un nombre croissant de travailleurs canadiens adhèrent à ces caractéristiques, par choix ou par obligation, afin de pouvoir gagner leur vie, la nouvelle économie ressemble de plus en plus à l'économie séculaire de la culture.

On a pu lire dans le rapport du Comité consultatif sur le milieu du travail en évolution:

    Les membres du Comité constatent que le milieu du travail et les relations d'emploi subissent, à un rythme accéléré, des changements importants, en raison principalement de l'utilisation des nouvelles technologies dans tous les secteurs d'activités. Le travail autonome, les contrats à court terme, le télétravail et les autres formes d'emplois atypiques prennent de plus en plus d'importance. Le changement structurel, depuis longtemps une réalité au Canada, s'accélère. Lorsqu'on examine l'évolution du milieu du travail, il faut s'interroger sur la façon de mieux l'utiliser pour répondre aux besoins des enfants, des jeunes, des adultes et des personnes âgées.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, c'est précisément la raison de notre présence ici aujourd'hui, n'est-ce-pas? Nous examinons la Loi sur l'assurance-emploi. Le CRHSC, le Conseil des ressources humaines du secteur culturel, conjointement avec ses partenaires, a des propositions à vous faire dans le cadre de cette étude. Je vais maintenant passer en revue ces propositions.

Le système des avantages sociaux rattachés au milieu de travail est menacé par le nouveau monde du travail. Le déclin des emplois pour la vie nous amène à nous tourner vers des formes plus souples et mieux transférables de régimes d'avantages sociaux gérés par des tiers. Si les travailleurs ne peuvent plus être assurés de conserver le même employeur, ils devront tirer leur sécurité de revenu des compétences qu'ils ont acquises et de leur capacité à passer d'un emploi à l'autre. Mais le besoin de régimes de retraite et d'avantages sociaux où l'employeur assume sa part demeurera. L'un des moyens de répondre à ce besoin consisterait à élargir le rôle des programmes d'assurance sociale du secteur public, et c'est ce dont je vais maintenant vous entretenir.

Le Canada pourrait confier à des organisations sectorielles comme le CRHSC la mise en oeuvre de programmes de ce genre, et améliorer la transférabilité et la reconnaissance des compétences de travail d'un emploi à un autre. Il est tout à fait sensé d'essayer d'assouplir le marché du travail et d'instaurer un contexte où les gens pourront faire des choix. La Loi sur l'assurance-emploi prévoit la réalisation de certaines activités de recherche et la mise sur pied de projets pilotes quant à la possibilité d'adapter les politiques à l'économie.

• 1535

Le CHRSC propose que le comité permanent recommande d'entreprendre un projet pilote portant sur la modification de l'assurance-emploi afin qu'elle réponde aux besoins de la nouvelle économie, en mettant l'accent sur le secteur culturel, puisque 50 p. 100 des travailleurs de ce secteur sont entièrement ou partiellement à leur compte.

Le rapport, les conclusions et les recommandations du Comité consultatif sur le milieu de travail en évolution, qui date de 1997, pourraient servir de guide à cette recherche. Par exemple, il pourrait être question de déterminer le cadre réglementaire souhaitable—normes de travail, santé et sécurité au travail, relations de travail, etc.—qui constituerait une base commune et assurerait les mêmes droits humains fondamentaux à tous les travailleurs, qu'ils soient salariés ou à leur compte, travailleurs saisonniers ou occasionnels, ou occupant des emplois précaires.

Comme l'investissement dans les gens est la clé de l'avenir du Canada, l'étude pourrait aussi se pencher sur le rôle de l'apprentissage tout au long de la vie, car les travailleurs indépendants doivent avoir accès aux possibilités de perfectionnement professionnel continu s'ils veulent demeurer compétitifs. Par exemple, des organisations sectorielles pourraient aider à concevoir des programmes correspondant aux besoins des travailleurs de leur secteur. Ces organisations seraient aussi bien placées pour déterminer les qualités professionnelles donnant accès à ces programmes.

Dans le cas des travailleurs autonomes, les options de politique sont nombreuses et diverses, selon que ce type d'emploi résulte d'un choix ou a été imposé. Une personne qui exploite une entreprise vraiment indépendante est dans une situation différente de celle d'un employé tel que défini actuellement dans la législation sur le travail. La participation volontaire au programme d'AE ou à certains aspects de la loi sur l'AE pourrait être examinée, en vue de mettre en oeuvre une telle option.

J'ai joint à mon mémoire les recommandations du Comité consultatif sur le monde du travail en évolution, à titre d'information.

[Français]

En conclusion, je voudrais vous remercier de m'avoir écouté aujourd'hui. Dans l'intérêt de plus de 700 000 travailleurs culturels au Canada, j'aimerais que nous discutions du sens de cette proposition et que nous fassions un projet-pilote pour étudier les conditions selon lesquelles l'assurance-emploi pourrait rencontrer les besoins de la nouvelle économie.

Merci.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Tabet.

Nous allons maintenant passer à Mme Jeannine Paulin, de l'Association des travailleurs et travailleuses d'usine.

Mme Jeannine Paulin (présidente, Association des travailleurs et travailleuses d'usine de produits marins du Nouveau-Brunswick): Bonjour. Je représente une association de travailleurs d'usine de produits marins qui comprend environ 3 500 travailleurs de la pêche. Je suis ici pour vous faire part de nos préoccupations.

Le document de l'association présente une analyse de la situation, après une expérience de cinq années. Il prévoit des scénarios encore plus sombres si certains changements pour les travailleurs ayant un emploi saisonnier ne sont pas apportés d'urgence à l'assurance-emploi.

Les indicateurs ou facteurs qui jouent dans l'évaluation et l'évolution des prestations de l'assurance-emploi pour les travailleurs de la pêche sont: la région économique 9; l'évolution du taux de chômage; le dénominateur et le calcul des prestations; le calcul des petites semaines (moins de 150 $ semaine); la règle de l'intensité, la règle de l'élasticité; l'échelle des semaines payables.

Il est important de saisir la portée de chacun de ces indicateurs et des liens qu'il y a entre eux afin de mieux comprendre le nouveau programme de l'assurance-emploi mis en place en 1996 et qui est pleinement opérationnel depuis le 1er janvier 1997. Les nouvelles règles ont modifié l'admissibilité aux prestations ainsi que le niveau et la durée des prestations. Ceci a eu des conséquences désastreuses dans les régions côtières qui dépendent du travail saisonnier créé par la pêche. Ce qui est le plus inquiétant, c'est que la situation risque de s'aggraver si le statu quo est maintenu. Pourquoi? Voilà la question à laquelle nous tenterons de répondre. Des correctifs s'imposent de toute urgence. Il faut réviser certains indicateurs pour corriger ceux qui causent tant de maux aux travailleurs saisonniers.

Je passe maintenant aux heures travaillées et à la règle de l'élasticité. Mise à part la question des nouveaux arrivants sur le marché du travail, où la nécessité de 910 heures nous apparaît très exigeante, les gens peuvent sans doute composer avec le minimum de 420 heures qui s'applique au travail régulier. Il est important, toutefois, de modifier la règle de l'élasticité afin de pouvoir, sans obstacle inutile, récupérer les heures travaillées durant les 52 dernières semaines.

• 1540

Ce qui pose problème, c'est le dénominateur minimal de 14 qui, souvent, rend le salaire hebdomadaire moyen encore plus bas que le salaire réel. Cette approche est sévère car elle sert de base pour fixer le niveau des prestations. Nous comprenons l'objectif très louable d'inciter fortement les individus et l'industrie à travailler le plus longtemps possible.

Nous comprenons mal pourquoi une petite variation du taux de chômage a un tel impact sur le dénominateur. Le problème se pose surtout lorsque cette diminution du chômage calculée pour une grande région n'a que peu de retombées positives pour une clientèle prisonnière économiquement de l'industrie saisonnière de la pêche.

Parlons maintenant de la règle de l'intensité. Il y a lieu, évidemment, d'éliminer la règle de l'intensité qui vient aggraver indûment la situation et pénaliser cruellement les plus petits salariés saisonniers et les plus démunis d'une industrie qui contribue par ailleurs substantiellement à l'économie des communautés et à l'économie nationale.

Il serait aussi opportun de remonter le niveau des prestations de 55 à 65 p. 100 du salaire moyen, jusqu'à concurrence du maximum de 413 $ par semaine. C'est certainement le meilleur moyen d'atténuer le problème de la pauvreté dans nos régions et d'aider les plus petits salariés, soit les plus démunis.

Examinons maintenant le rôle du gouvernement fédéral. Il est insensé que le gouvernement fédéral, qui a mis en place un programme d'assurance-emploi, doive intervenir à chaque printemps avec l'aide du Fonds de solidarité et parfois avec l'aide de la province pour compléter ce programme fédéral. On ne peut éternellement laisser se répéter ce désespoir annuel et ces crises sociales répétitives. Même si l'industrie de la pêche est disposée à faire sa part et à tout mettre en oeuvre pour offrir un minimum de 560 heures de travail, c'est que l'échelle IN-213 du ministère du Développement des ressources humaines limite les prestations à une durée maximum variant entre 20 et 34 semaines selon une variable très aléatoire, le taux de chômage d'une trop grande région, ce qui constitue un véritable drame.

À chaque printemps, la grande majorité de ces petits salariés sont inexorablement jetés dans ce vide créé directement par cette nouvelle échelle des semaines payables. Plutôt que de maintenir ces salariés la tête en dehors de l'eau jusqu'à la prochaine saison, cette échelle fédérale de partage des richesses du pays ne leur offre qu'une descente aux enfers. On ne peut échapper à cette échelle fixe, mais on peut facilement déraper et s'écraser dans le désormais trop célèbre trou noir dont parle le rapport du NPD, L'Assurance-chômage, le côté humain, soumis au Parlement canadien par le député d'Acadie—Bathurst en l'an 2000. Il faudrait plutôt fixer à 36 semaines le nombre minimum de semaines payables.

En conclusion, lorsque toute l'industrie est saisonnière, on ne peut pénaliser ni l'emploi ni l'employé. Une diminution du taux de chômage dans la grande région économique 9, qui va du comté de Restigouche au comté d'Albert, ne changera pas d'un iota la réalité saisonnière et le revenu des milliers de petits salariés de la cinquantaine d'usines du nord-est du Nouveau-Brunswick.

Il est évident qu'il faut encourager cette industrie à prolonger les heures de travail en usine en se diversifiant et en augmentant son approvisionnement en matière première, mais tant que cet objectif ne sera pas atteint, on ne peut punir injustement le petit salarié qui doit répondre aux besoins de l'industrie dominante.

Nonobstant cette triste réalité, il faut rappeler que l'industrie de la pêche contribue de façon très importante à l'économie générale de toutes les communautés qui en dépendent.

Vous comprendrez certainement qu'il est simplement raisonnable d'ajuster certains indicateurs selon les objectifs choisis afin d'atténuer la misère de ces quelques milliers de travailleurs saisonniers d'usines de poissons. Le drame des travailleurs saisonniers de la pêche est que la saison de pêche en contient plusieurs.

La réglementation de l'assurance-emploi ne tient malheureusement pas compte de cette réalité saisonnière incontournable. La solution à tous ces problèmes est probablement un programme adapté aux travailleurs saisonniers.

Merci.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, madame Paulin.

Maintenant, je cède la parole à Mme Marais du Réseau des entreprises familiales. Bonjour, madame Marais.

• 1545

Mme Irène Marais (présidente, Réseau des entreprises familiales): Bonjour, messieurs et mesdames.

J'aimerais, pour commencer, vous présenter le Réseau des entreprises familiales. Il a été fondé en 1980 et ensuite il y a eu restructuration. À la base même du Réseau des entreprises familiales, on parle des entreprises familiales au Canada. Je me demandais si vous saviez ce que représentent, en termes de produit intérieur brut pour le pays, les sommes générées par les entreprises familiales. Cinquante-cinq pour cent du PIB du pays est produit par les entreprises familiales. Cinquante pour cent de tous les salaires versés au pays proviennent d'entreprises familiales. Les entreprises familiales sont aussi responsables de 66 p. 100 de toute la création d'emplois.

D'après un sondage fait par Samson Bélair Deloitte & Touche, il y aurait au Canada 4,7 millions d'emplois à temps plein dans les entreprises familiales et 13 millions d'emplois à temps partiel. Le revenu de ces entreprises représente 1,3 milliard de dollars.

Alors, quand on parle d'entreprises familiales, je pense que tout le monde comprend que s'il y a, d'après Industrie Canada, environ 2 070 000 entreprises familiales au Canada, si on évalue qu'à peu près deux personnes par entreprise ont des liens de dépendance—et ce n'est pas une exagération—on arrive déjà à 4 millions de dossiers par année où on a des liens de dépendance.

Maintenant, je voudrais présenter le mémoire. On sait que l'assurance-chômage a été mise sur pied au Canada en 1941. On a dû attendre jusqu'à 1980 pour obtenir la reconnaissance d'un salaire pour les collaboratrices dans les entreprises familiales. Et on a dû attendre jusqu'à 1990 pour avoir accès, supposément, à l'assurance-emploi.

Donc, les entreprises familiales ont commencé à cotiser en 1980, dès que le salaire a été reconnu, parce que les comptables et les fiscalistes disaient qu'il fallait déclarer le salaire. Donc, à partir de 1980, les entreprises familiales ont commencé à cotiser à l'assurance-emploi. En 1990, elles y ont accès, sauf que l'alinéa 5(2)i) de la loi mentionne que les personnes avec un lien de dépendance doivent le déclarer lors d'une demande de prestations; elles tombent sous cet article de loi qui les place immédiatement dans la restriction qui stipule qu'elles ne sont pas admissibles s'il y a un lien de parenté. Mais elles ont droit à l'assurance-emploi même en ayant le lien de parenté.

Il demeure que chaque cas a le fardeau de la preuve. Dans son dossier, la personne doit dire qu'elle travaille et qu'elle est une salariée dans l'entreprise familiale. Ce qu'il y a de pire encore dans le dossier, c'est que tous les agents locaux ont obtenu un pouvoir discrétionnaire, ce qui veut dire que la décision qu'ils prennent ne peut quasiment pas être renversée, même par la Cour suprême. Cela a été déclaré officiellement.

Si certains à la Chambre des communes, en 1978-1979 et même par la suite, ont témoigné de demandes formulées par l'opposition afin que les femmes collaboratrices puissent bénéficier du régime, ce sont les tribunaux qui ont obligé le gouvernement fédéral à modifier sa loi.

C'est à la suite du jugement de l'affaire Druken c. Canada, en 1987, où le Tribunal canadien des droits de la personne rendait inopérants les alinéas 3(2)c) et 4(3)d), que la Cour d'appel fédérale a confirmé, en 1988, la décision du Tribunal canadien des droits de la personne. La Cour suprême du Canada a par la suite refusé au gouvernement fédéral l'autorisation de pourvoi en mars 1989.

C'est donc dans le cadre d'une importante réforme en 1990 que la Loi sur l'assurance-chômage fut modifiée en vue de permettre aux personnes qui travaillaient pour leur conjoint de bénéficier du régime. Jusqu'à cette date, la loi prévoyait l'exclusion totale de ces emplois, occupés principalement par des femmes. L'exclusion s'appliquait également aux enfants de l'employeur, à la parenté directe. Selon des statistiques, il y en a plus de 4 millions au Canada qui sont salariés.

Nous pensions avoir gagné un acquis pour les collaboratrices salariées travaillant au sein des petites et moyennes entreprises familiales canadiennes, mais nous avons été forcés de constater, malgré le changement apporté à la loi, les difficultés liées aux problématiques de l'assurabilité des emplois.

• 1550

À la page 9 de notre rapport, il est écrit que:

    ...la Cour ne saurait substituer son jugement à celui d'un agent(e) d'un organisme administratif ou d'une autorité publique dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire...

C'est ce que je vous disais tout à l'heure, et vous allez le trouver à la page 9 de notre document.

À la page 12, nous avons souligné deux choses, c'est-à-dire que notre recherche nous permet de conclure qu'il aurait fallu s'attarder non seulement à l'identification des liens qui sont déterminants quant à l'exclusion, mais aussi considérer les éléments qui permettent de conclure à l'assurabilité de l'emploi, malgré le lien de dépendance.

L'alinéa 5(2)i) cause également de graves préjudices dans toutes les entreprises familiales, non seulement en cas de mise à pied, mais également lors des congés de maternité pour les femmes, puisque l'on ne reconnaît pas l'emploi occupé comme étant assurable.

Ensuite, à la page 25 de notre rapport, il est mentionné que si l'emploi est déterminé subséquemment non assurable, une notice claire aux agents dit de ne pas réclamer de remboursement, sauf en cas de fraude jugée. En conséquence, nous croyons que toutes les personnes qui ont dû rembourser des prestations reçues devraient en demander le remboursement au ministre.

C'est à la suite de cela que j'ai reçu le dossier de Mme Viel par télécopieur à l'hôtel. Mme Viel est une agricultrice. Vous allez comprendre l'absurdité de l'assurance-emploi. Elle a fait un recours collectif avec 43 autres agriculteurs de la région. Le recours collectif a été présenté à la Cour fédérale, je pense.

Mme Viel travaille dans une entreprise agricole. Elle possède 20 p. 100 des actions de l'entreprise agricole et l'arbitre de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada avait confirmé que Mme Viel devait être considérée comme une travailleuse indépendante aux fins de l'assurance-emploi—et écoutez bien ceci—ce qui l'obligerait à déclarer 15 p. 100 des revenus bruts de l'entreprise pendant sa période de chômage.

Alors, je vous pose une question. Elle vient de perdre son cas; elle devra le porter devant la Cour suprême. À moins que le gouvernement ne change la loi, Mme Viel devra s'adresser à la Cour suprême, parce qu'ils ont déclaré qu'une personne ayant 20 p. 100 des actions d'une entreprise agricole profite des revenus bruts de l'entreprise. Donc, il faut qu'elle déclare 15 p. 100 des revenus bruts pendant sa période de chômage. Quelle est cette absurdité? Est-ce que vous connaissez des entreprises où tous les employés ont des parts, des actions dans l'entreprise? Est-ce qu'on leur refuse l'assurance-emploi parce qu'ils ont des actions?

Prenez Bombardier, une des plus grosses multinationales familiales. Tous les employés ont des actions de la compagnie. Quand ils tombent en chômage, est-ce qu'on leur demande de déclarer 15 p. 100 du produit brut de Bombardier? Plus personne ne toucherait de l'assurance-emploi. Pourtant, Mme Viel et les 43 agricultrices de Témiscouata, au Québec, viennent de perdre leur cause à la cour.

Jusqu'où doit-on aller pour que les choses changent? Nous disons tout simplement que cela n'a plus de bon sens. Le gouvernement a un surplus dans la caisse de l'assurance-emploi dont il se sert. Il se sert même des cotisations des employés et des employeurs pour rembourser une partie de la dette nationale, et pendant ce temps-là, on coupe l'assurance-emploi à tous les niveaux; on est descendu à 40 p. 100. Les gens n'ont plus accès à l'assurance-emploi alors que c'est leur propre fonds. Ils ont payé pour cela. Combien d'argent croyez-vous qu'ont investi les 13 plus 4 millions d'employés—ça fait 17 millions—qui cotisent à l'assurance-emploi, souvent depuis 1980, lorsqu'ils ont eu accès au salaire?

• 1555

Je trouve qu'il est incompréhensible et aberrant, dans un pays démocratique, qu'on fasse des choses comme ça aux entreprises familiales. Savez-vous le pire de tout? On participe dans une proportion de 55 p. 100 au revenu intérieur brut du pays. Or, j'ai demandé aux gens de Statistique Canada s'ils pouvaient me donner des statistiques sur les entreprises familiales. J'ai téléphoné à cinq départements différents de Statistique Canada. Savez-vous ce qu'on m'a répondu? Les entreprises familiales, connaît pas. Il n'existe aucune statistique, alors qu'on est le partenaire économique majeur du pays. On n'est pas connus au niveau des statistiques.

Je demande du financement pour faire un portrait socioéconomique des entreprises familiales: pas moyen d'en trouver. On m'a dit que ce n'était pas un projet très important.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse, madame, de vous interrompre.

Mme Irène Marais: Je sais, j'ai dépassé mon temps.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je ne veux pas vous interrompre, mais il faudrait peut-être que vous fassiez une brève conclusion.

Mme Irène Marais: Non.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Vous avez terminé? Merci beaucoup.

On passe maintenant à M. Godin, du Fonds de solidarité de l'industrie du crabe.

Bonjour, monsieur Godin.

M. Gastien Godin (représentant, Fonds de solidarité de l'industrie du crabe): Bonjour. Merci de nous avoir invités à participer à cette séance de travail et de réflexion sur l'assurance-emploi.

Je vais d'abord me présenter; je m'appelle Gastien Godin et j'ai travaillé pendant une quinzaine d'années comme directeur général d'une organisation de pêcheurs et, durant quatre ans, j'ai été le directeur général du fonds de solidarité, où j'ai eu à travailler beaucoup avec les travailleurs et les travailleuses d'usine et tout le secteur saisonnier. Depuis à peine quelques mois, je suis fonctionnaire au gouvernement provincial, mais mon employeur m'a libéré pour que je puisse présenter, à titre de personne-ressource, toute cette problématique au niveau du concept du travail saisonnier.

Il y a un certain nombre d'années, à partir de 1996, le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur l'assurance-emploi pour l'adapter à la nouvelle économie canadienne. Je pense qu'il était nécessaire d'apporter certains changements à la mesure législative pour s'ajuster à cette nouvelle économie. Cependant, tous semblent reconnaître aujourd'hui qu'il y a un élément qui n'a peut-être pas été pris en considération à sa juste mesure ou qu'on n'a pas su, à ce moment-là, évaluer l'impact de ces changements. On a dit qu'on allait faire les changements qui s'imposaient et qu'on verrait en cours de route les conséquences que ça aurait. Et on pensait peut-être qu'il y en aurait moins; on le souhaitait. Je suis sûr que le gouvernement ne souhaitait pas qu'il y ait ces conséquences. Malheureusement, il y a eu des conséquences assez critiques.

Il y a une réflexion qui commence à se faire et à laquelle on voudrait participer avec vous aujourd'hui. Nous aimerions souligner qu'on remarque un phénomène qui se retrouve dans certaines régions du pays, particulièrement dans le nord de plusieurs provinces et au Nouveau-Brunswick. Même si on est au sud de certaines provinces, il s'avère, par hasard, que c'est au nord du Nouveau-Brunswick et au nord-ouest que ce problème de saisonnalité est le plus important.

La saisonnalité est une caractéristique particulière des emplois dans les petites communautés côtières et rurales du Nouveau-Brunswick, où la pêche et l'exploitation de certaines ressources primaires sont dominantes. Cela est vrai dans le Madawaska rural avec l'agriculture et la forêt, ce que connaît très bien M. Castonguay.

Cette caractéristique est accentuée sur la côte est du Nouveau-Brunswick, qui longe le golfe Saint-Laurent, où la mer est recouverte de glace près de six mois par année. De plus, la pêche de toutes les espèces de poissons et crustacés est rigoureusement réglementée par le ministère des Pêches et des Océans du Canada pour des fins de conservation et autres objectifs de gestion ordonnée.

• 1600

J'y reviendrai plus tard, parce que c'est une caractéristique importante et incontournable, sur laquelle les employés n'ont aucun contrôle. Cela a évidemment pour effet que les emplois nécessaires à la transformation de certaines espèces sont de plus courte durée.

Par conséquent, les conditions de ces employés, dont les deux tiers sont des femmes, particulièrement dans la péninsule acadienne, se sont aggravées depuis les modifications apportées au programme de l'assurance-emploi il y a cinq ans. Nous croyons que le gouvernement fédéral, aujourd'hui, doit aller plus loin que ce qu'il propose pour vraiment s'attaquer au problème des emplois saisonniers.

En l'an 2000, le ministère du Développement des ressources humaines a modifié les zones économiques dans certains régions du pays, notamment au Nouveau-Brunswick, où il a créé une troisième zone. Il y en avait deux et il en a créé une troisième. Ce changement-là a eu des effets positifs dans une des zones, parce qu'il a eu comme impact d'augmenter le taux de chômage général, ce qui a avantagé un certain groupe de travailleurs en chômage. Dans l'autre zone, le calcul a donné un taux de chômage moindre, ce qui a eu un effet négatif sur les travailleurs au moment du chômage.

Il faut reconnaître qu'une solution comme celle-là n'a réglé que partiellement et temporairement le problème. Cela a fait des heureux d'un côté de la frontière et des malheureux de l'autre. Nous croyons qu'une solution comme celle-là, qui a été appliquée à certains endroits du pays—on l'a vu au Québec et on l'a vu chez nous—n'est qu'un palliatif à un problème plus fondamental. Cela ne règle pas la cause du mal qu'on appelle aujourd'hui le trou noir. On n'aime pas toujours le nommer ainsi, mais il est tristement connu un peu partout au Canada maintenant sous cette appellation. Le trou noir, c'est cette époque entre deux saisons où les gens n'ont aucune source de revenu.

C'est à la suite de ces préoccupations exprimées par les communautés et par les principaux intervenants de l'industrie que la ministre et le ministère du Développement des ressources humaines ont décidé de créer un groupe de travail chargé précisément de découvrir des solutions aux problèmes posés par les modifications au programme de l'assurance-emploi. Les intervenants de la communauté et les organismes qui ont participé à cet exercice, avec la province et le ministère du Développement des ressources humaines, croient opportun aujourd'hui de déposer le fruit de leurs réflexions et de leurs efforts pour proposer des solutions de rechange aux décisions qui ont créé des problèmes.

Le Conseil des pêches de la Péninsule acadienne, qui représente tous les secteurs de l'industrie, appuie évidemment cette réflexion-là et les pistes de solution proposées. Votre comité pourra trouver dans le rapport, dont vous avez une copie en anglais et en français, quelques pistes intéressantes de solution. Il résulte d'un exercice de réflexion et de consultation qui a duré quand même quelques mois. Nous vous le remettons parce qu'il contient des éléments intéressants.

En premier lieu, il jettera un éclairage sur l'état réel d'un secteur saisonnier très important pour l'économie du Nouveau-Brunswick et pour l'économie canadienne. Ce rapport fait aussi allusion à une étude, la première du genre faite au Canada, dans laquelle on a tenté de mieux circonscrire le concept d'emploi saisonnier. Actuellement, un exercice semblable se tient au Madawaska. On souhaite que le résultat puisse vous éclairer davantage sur le sort réel des travailleurs saisonniers.

Je terminerai là-dessus. Ce rapport-là, qui a été déposé en février 2000, propose des solutions à la situation actuelle, du moins en ce qui a trait à un aspect important, celui de la fameuse échelle qui détermine la durée des prestations. Je n'élaborerai pas davantage là-dessus maintenant, mais j'espère avoir l'occasion de le faire durant la période de questions.

À la page 20 du document en français, et à la page 17 du document en anglais, on trouve une citation extraite du rapport de contrôle et d'évaluation du régime d'assurance-emploi présenté au ministre du Développement des ressources humaines du Canada à chaque année. Je pense qu'il est pertinent de le mentionner ici parce que, pour la première fois depuis la réforme, il faisait remarquer que:

    Il est difficile de déterminer l'incidence de la réforme de l'assurance-emploi sur les travailleurs-euses saisonniers-ères, car les sources de données font rarement la distinction entre le travail saisonnier et le travail non saisonnier.

• 1605

On dit ensuite:

    Les travailleurs-euses saisonniers-ères sont souvent moins touchés-es que les autres travailleurs-euses par les cycles économiques, parce que leurs régimes de travail continuent d'être saisonniers même s'il y a une croissance de l'activité économique.

Voyez-vous? On reconnaissait déjà que les travailleurs saisonniers ne bénéficiaient pas, en fin de compte, de ce cycle économique.

Le troisième élément, qu'il est très important de noter, se lit ainsi:

    Les travailleurs-euses trouvent le travail supplémentaire nécessaire pour éviter une réduction de leurs prestations.

On se dit donc qu'il n'est pas nécessaire de s'en préoccuper étant donné qu'ils ont trouvé une solution à leur problème. Or, nous voulons démontrer que ce n'est pas le cas.

Si on revient au premier paragraphe cité, il faut bien se rappeler qu'il est vrai qu'on n'avait pas ces données-là auparavant. Aujourd'hui, cependant, on commence à les avoir et elles permettraient à votre comité de mieux examiner le concept de travailleur saisonnier et la problématique qui s'y rattache, non seulement chez nous, mais partout au pays, et de trouver des solutions appropriées.

Merci beaucoup, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Godin.

Nous allons maintenant passer à la période des questions. Donc, Val Meredith, Monique Guay, Raymonde Folco, Yvon Godin, Georges Farrah, Carol Skelton et Alan Tonks prendront la parole.

[Traduction]

Mme Val Meredith (South Surrey—White Rock—Langley, AC): Merci, madame la présidente.

Monsieur Tabet, je veux d'abord vous remercier de comparaître devant le comité. Je voudrais d'abord avoir une précision, pour être sûre de bien comprendre. Tous les travailleurs du secteur culturel dont vous avez parlé sont-ils syndiqués? Paient-ils actuellement des cotisations d'AE ou bien sont-ils complètement exclus du système tel que nous le connaissons?

M. Jean-Philippe Tabet: Je vous remercie pour cette question qui me permet de donner des précisions. Il y a un peu des deux. Premièrement, il y a dans le secteur culturel des travailleurs qui sont syndiqués dans le cadre de syndicats traditionnels comme le Syndicat canadien de la fonction publique. Il y a aussi des travailleurs indépendants qui se sont organisés dans le cadre de diverses unions qui ne sont pas des syndicats à proprement parler, mais plutôt des associations professionnelles, comme l'Union des artistes, l'ACTRA, la Canadian Actors' Equity Association, ou encore l'American Federation of Musicians. Il y a un grand nombre de travailleurs culturels qui ne font partie d'aucun syndicat.

Mme Val Meredith: C'est donc assez diversifié.

M. Jean-Philippe Tabet: C'est extrêmement diversifié.

Mme Val Meredith: D'accord.

M. Jean-Philippe Tabet: La plupart d'entre eux ne cotisent pas à l'assurance-emploi. Quand ils le font, ils ne peuvent pas toucher de prestations parce que, très souvent, leur principal travail dont ils voudraient vivre n'est pas celui pour lequel ils ont versé des cotisations. En fait, ils occupent de nombreux emplois en même temps.

Le programme précurseur de l'assurance-emploi a été créé dans les années 50 et a aidé le Canada à entrer dans la nouvelle ère industrielle. Ce programme a beaucoup aidé les Canadiens. En fait, il fait parti de la culture canadienne. Un Canadien est un Canadien à cause de l'assurance-emploi.

Mme Val Meredith: Eh bien, j'espère que non, mais...

M. Jean-Philippe Tabet: C'est vrai, il faut espérer que non. J'ignore si l'on peut parler d'espoir dans ce cas, mais je peux dire assurément que cela contribue à nous définir. Beaucoup de Canadiens se définissent en fonction de cela et aussi du RPC. Ces programmes et d'autres encore ont eu d'énormes répercussions.

Durant les années 80 et 90 et au XXIe siècle, ce type de régime d'assurance a été fortement contesté. Ce que nous essayons de voir, c'est s'il n'y aurait pas une nouvelle façon d'envisager la question dans la nouvelle économie.

Mme Val Meredith: En toute justice, je pense que nous avons déjà entendu d'autres témoins dire qu'il faut trouver une nouvelle façon de régler cela. Certains témoins ont dit qu'il faut un régime d'assurance et que les autres réalités dont on parle doivent être prises en compte à l'extérieur du programme d'assurance-emploi. Quand on parle de travailleurs saisonniers, d'une main-d'oeuvre saisonnière et d'emplois saisonniers, peut-être qu'il faudrait créer un programme distinct de l'assurance-emploi pour ce domaine particulier.

• 1610

La raison que certains d'entre eux ont invoquée est que les employeurs contribuent 1,4 fois... Ils versent près de 60 p. 100 de l'argent qui est injecté dans ce programme, et ils se demandent s'ils devraient financer ce qu'ils considèrent... Certains d'entre eux posent la question: Devrions-nous financer ces autres programmes accessoires qui ne sont pas liés au fait qu'il existe du chômage à court terme?

On semble donc craindre que les changements proposés dans ce projet de loi ne correspondent pas à la réalité du XXIe siècle.

Madame Marais, votre exposé m'a également préoccupée. Vous avez parlé d'entreprises familiales. Une telle entreprise peut être énorme. J'ignore si Bombardier peut être considérée comme une entreprise familiale, au même titre qu'un petit dépanneur. L'éventail est vraiment très grand.

Maintenant, vous avez fait allusion au secteur de l'agriculture et aux entreprises agricoles et à quelqu'un qui fait partie d'une famille qui se trouve à posséder une telle entreprise. Je m'interroge beaucoup si une telle personne devrait pouvoir toucher des prestations ou être considérée comme un actionnaire de cette entreprise. Je pense qu'il faut assurément se pencher là-dessus.

Je ne pense pas que l'on va examiner la question dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, pour être bien franche avec vous. Mais je répète la question: Les entreprises familiales paient-elles ou ne paient-elles pas des cotisations d'assurance-emploi? Versent-elles une cotisation au régime dans le cadre de l'exploitation de leur entreprise?

[Français]

La vice-présidente (Diane St-Jacques): Madame Marais, avant que vous ne répondiez, je voudrais vous demander de donner, si possible, une courte réponse parce que nous avons déjà dépassé le temps alloué.

Mme Irène Marais: Très bien.

Vous pensez, à partir de la problématique que j'ai présentée, c'est-à-dire que certaines entreprises familiales sont énormes et d'autres, petites, qu'il faudrait les dissocier les unes d'avec les autres. Je ne le pense pas.

Le lien de dépendance existe dans n'importe quelle entreprise familiale. Il existe une règle contenue dans l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'assurance-emploi. Que l'employé ait un lien de dépendance et des parts-actions chez Bombardier ou un lien de dépendance et des parts-actions dans une entreprise agricole, qu'il ait un revenu de 500 000 $ ou un revenu de 10 milliards de dollars, ça n'a aucune importance. C'est le lien de dépendance et la participation aux actions qui comptent.

Pourquoi voudriez-vous qu'on les dissocie? Vous pensez que ce n'est pas nécessaire dans la problématique qui nous occupe quant au projet de loi. Vous avez compris ce que je vous ai dit: il y a 13 millions d'emplois à temps partiel dans les entreprises familiales à temps partiel, ce qui veut dire des emplois saisonniers.

Alors, je crois que nous sommes plus que concernés par le dossier de l'assurance-emploi. Ce que nous voulons, c'est aller plus loin, c'est supprimer cette discrimination faite spécifiquement aux entreprises familiales avec lien de dépendance. Pour le gouvernement, nous sommes suspects dès qu'il y a un lien de dépendance et soupçonnés d'abus ou de fraude.

Et pire encore, le gouvernement ne devrait pas réclamer rétroactivement les prestations reçues, parce qu'il y a un article qui le dit expressément. Or, j'ai discuté de cas précis qui se sont produits dans nos bureaux. Des gens se sont fait réclamer les prestations reçues pendant cinq ans. On leur a réclamé ce remboursement sans les accuser de fraude mais en leur imposant une pénalité égale au remboursement réclamé. Pourtant, il est bien écrit qu'on ne peut pas les réclamer.

Moi, je ne vois pas en quoi je n'ai pas ma place dans le débat sur la modification de la Loi sur l'assurance-emploi.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, madame Marais.

Nous allons passer à Monique Guay, Raymonde Folco, Yvon Godin et Georges Farrah.

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Je vais faire un court commentaire et je vais laisser la parole à ma collègue Christiane Gagnon, parce que je dois absolument m'absenter; j'ai une réunion à 16 h 15.

Monsieur Tabet, je suis très contente que vous ayez parlé du travailleur autonome. D'ailleurs, j'en parle depuis le début des séances de ce comité. Je pense que je suis la seule qui en ait parlé, à part peut-être quelques collègues qui ont soulevé la question, mais c'est très important qu'il trouve sa place dans ce projet de loi. Il n'en a pas présentement.

Madame Marais, ce que vous dites est tellement vrai. J'ai personnellement eu à traiter de cas et de conflits, dans ma circonscription, et je puis dire que le centre d'emploi a vraiment tous les pouvoirs là. Les gens sont considérés coupables sans avoir fait l'objet d'enquête ou sans... Ils sont vraiment traités de façon...

Mme Irène Marais: Agressive.

• 1615

Mme Monique Guay: Absolument. Ils payent des taxes. Ils cotisent à l'assurance-emploi depuis des années, mais parce qu'ils ont des liens familiaux, avec un cousin par exemple—on va chercher loin en plus—il y a des problèmes épouvantables. C'est de la discrimination. Cela ne devrait pas exister. Je sais que des gens de mon parti se sont penchés là-dessus, dont Paul Crête qui a déposé un amendement à cet effet. J'espère qu'on en tiendra compte.

Madame Marais, j'espère que vous pousserez encore plus loin vos recherches et que vous nous soumettrez un document encore plus étoffé pour que nous puissions travailler dans ce sens.

Mme Irène Marais: Nous avons participé à une émission de J.E. Le poste de télévision reçu une avalanche de questions par la suite. J'ai appris qu'en Gaspésie, une petite jeune femme avait touché pendant quatre ans des prestations d'assurance-emploi. Après quatre ans, elle a été déclarée non assurable et on lui a demandé le remboursement des prestations plus une pénalité. La jeune femme ne voulait pas. Elle a fait dépression sur dépression. Cela a duré presque deux ans. Savez-vous ce qu'elle a fini par faire, la petite dame? Pour ne pas mettre l'entreprise de son mari et de son fils en danger, elle s'est suicidée pour ne pas avoir à rembourser.

Mme Monique Guay: Ce sont des situations terribles qu'on ne doit pas voir aujourd'hui, surtout considérant les énormes surplus que nous avons. C'est scandaleux. Il faut que l'assurance-emploi demeure au service des gens qui paient des cotisations et qui doivent en bénéficier. Je vais donner la parole à Christiane, mais je prends bonne note de vos commentaires.

Mme Irène Marais: Merci.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Merci.

Après avoir entendu les trois témoins, monsieur Tabet, je crois qu'il va falloir travailler très sérieusement pour réclamer un projet-pilote qui engloberait tous les travailleurs culturels. Je peux dire que nous sommes sensibles à la situation des travailleurs autonomes parce que l'on veut adapter cette assurance à la réalité du travail. On connaît le travail saisonnier, le travail précaire, on connaît la situation de nos jeunes, des femmes et même de certains hommes qui comptaient auparavant sur du travail plus traditionnel où il y avait des emplois plus sécuritaires. On sait que l'assurance-emploi doit être capable de couvrir tous ces aspects de la réalité du marché.

J'aimerais savoir quel genre de projet est votre projet-pilote. Est-ce un projet ciblé, vu que le secteur culturel est très large? Vous avez nommé une catégorie de gens qui travaillent dans toutes les disciplines. Serait-ce aussi un projet qui serait identifié à une région particulière? Si nous nous lançons dans toutes les directions à la fois, je crains que nous ne manquions d'appuis.

Nous savons que vous avez beaucoup de revendications et beaucoup de propositions à faire au régime d'assurance-emploi à propos de gens qui y contribuent présentement. Mais il y a beaucoup de travailleurs culturels qui ne contribuent pas à l'assurance-emploi. Il faut étudier aussi la faisabilité d'un tel projet. Je veux bien transmettre votre requête au Comité des ressources humaines. De quelle façon ce projet pourrait-il être réalisable et faisable?

M. Jean-Philippe Tabet: Pour répondre à cette question, je suis prêt à vous transmettre et à présenter au comité une étude qui a été faite à ce sujet. La contribution des travailleurs culturels au fonds d'assurance-chômage a été régulièrement de 3 p. 100 depuis près de 10 ans. Nous avons fait des études sur des millions de dossiers. Donc, il y a contribution du secteur culturel et des travailleurs culturels. Le problème est que, souvent, les programmes ne sont pas du tout adaptés aux réalités des métiers culturels.

Pour répondre à votre question, le projet-pilote est au fond un projet de recherche-action. Je n'ai pas de réponses aux questions directes que vous posez, à savoir si cela devrait se passer dans une région précise ou pour un sous-secteur particulier.

Je pense que ce qui est le plus important est que la recommandation du comité permanent soit vraiment de faire en sorte que le gouvernement du Canada et ses partenaires reconnaissent que l'assurance-emploi est, non pas devenue inutile, car elle a donné de bons résultats pendant un certain temps, mais est maintenant un peu dépassée. Il faut faire preuve de la même imagination que dans les années 1950 et dans les années 1940, quand on a osé présenter à l'ensemble du pays un projet comme la Loi sur l'assurance-emploi.

Il faut aujourd'hui aller voir cette population active en évolution qui comprend les travailleurs saisonniers, les travailleurs contingents et les travailleurs autonomes, qui forment 18 p. 100 de la population active canadienne. Nous aimerions donc étudier cette main-d'oeuvre qui n'est pas directement touchée par tous ces programmes d'assurance-emploi.

• 1620

Je n'ai pas plus de détails. Ce que je ne veux pas apporter, ce sont des solutions toutes faites. Il faut s'engager sérieusement pour que le pays ait une autre manière de voir l'évolution du monde du travail, qui est fait de très petites entreprises, de très petits entrepreneurs, pour lesquels la Loi sur l'assurance-emploi n'offre pas vraiment une bonne réponse. Je vais vous donner quelques idées, toutefois, si vous me le permettez.

Pour le travailleur autonome, la participation à un régime d'assurance-emploi n'est pas forcément la bonne solution. Pourquoi? C'est que, quand on est travailleur autonome, on est à la recherche de contrats. On doit, comme une très petite entreprise, maintenir sa compétitivité, c'est-à-dire maintenir ses compétences. Si un travailleur autonome ne maintient pas ses compétences quand il est sans emploi, il ne sera pas à même d'obtenir un nouveau contrat. Je vais vous donner un exemple très concret.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Comme on a déjà dépassé la limite de temps permis, je vais vous demander de passer à votre conclusion.

M. Jean-Philippe Tabet: Excusez-moi.

Le fait que je tiens à souligner, c'est que la participation à un programme d'assurance-emploi n'est peut-être pas la bonne solution. La participation à un programme d'éducation ou d'apprentissage, tout au long de la vie, est peut-être une solution mieux adaptée aux réalités de cette main-d'oeuvre. Voilà ce que je voulais souligner.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je vous remercie. On passe maintenant à Raymonde Folco, et ensuite à Yvon Godin et Georges Farrah.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Tabet, la question que je vais vous poser vous permettra peut-être de continuer la réponse que vous étiez en train de donner à ma collègue tout à l'heure.

Tout d'abord, je veux vous dire que j'ai bien apprécié le portrait que vous avez dressé, dans votre exposé, de la nouvelle économie et de l'importance qu'elle prend, numériquement et économiquement, à travers notre pays, par le biais des petites entreprises.

J'ai moi-même été travailleur autonome pendant plus de 10 ans. J'ai connu les joies et les affres d'être travailleur autonome. C'est sûr que lorsqu'on est travailleur autonome, parfois on travaille très fort. Parfois on travaille à double temps. Parfois on ne travaille pas du tout. Là, on se recycle ou on prend des vacances. On fait quelque chose.

Il y a certainement un problème par rapport au cercle vicieux du type de travail qu'on fait quand on est un travailleur autonome. Il y a un pattern qui n'est certainement pas un pattern linéaire. Cependant, quand on est travailleur autonome, on exerce un contrôle sur notre emploi, pas tout à fait, bien sûr, puisque l'on est lié par les contrats qu'on va chercher ailleurs. On exerce un contrôle de façon différente de celle d'un employé. L'employé, sauf indication contraire par rapport à un syndicat, est tout de même à la merci de son employeur. Le travailleur autonome l'est moins puisqu'il sait, au départ, qu'il va avoir un contrat pour x semaines ou pour x dollars.

Ma question est donc la suivante. Puisque le travailleur autonome exerce un certain contrôle sur son emploi, comment pourrions-nous faire la différence entre un travailleur autonome qui décide, à un moment donné, d'arrêter volontairement son emploi—parce que, je ne sais pas, il veut prendre des vacances ou à cause de raisons personnelles—et une personne qui n'a plus de contrat depuis six mois? Comment ferions-nous donc la différence entre ces deux-là, compte tenu du fait qu'il arrive souvent qu'un travailleur autonome ait des temps morts? Pour ma part, je sais qu'autour de novembre ou de décembre, il m'arrivait souvent de me demander ce que j'allais faire en janvier. Puis, en janvier, ça reprenait. La même chose se reproduisait pendant l'été. Comment pouvons-nous faire la différence entre ces deux-là? Ce sont des problèmes techniques, mais il me semble que ce sont tout de même des problèmes fondamentaux par rapport à la définition d'un travailleur autonome.

M. Jean-Philippe Tabet: Madame la présidente, je vais essayer d'être le plus bref possible, mais c'est une question...

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Vous avez encore deux minutes.

Mme Raymonde Folco: Excusez la longueur de ma question, mais...

M. Jean-Philippe Tabet: Il n'y a pas de quoi. C'est une question extrêmement épineuse puisqu'elle relève de ce que j'appellerais la gestion d'un fonds d'assurance. Il est sûr que, même dans le cadre de la loi actuelle, les conditions d'obtention de prestations d'assurance-emploi, lorsque vous êtes chômeur, sont complexes.

• 1625

Je vais essayer de répondre à votre question sur la notion du travail autonome. Comment est-ce qu'on mesure le temps mort du travail autonome, si je puis dire?

Au niveau du Conseil des ressources humaines du secteur culturel et de l'ensemble de nos conseils sectoriels, on a été très sensibles au fait qu'un des points importants qui montrent que le travailleur autonome est dans une période de non-travail, peut-être, mais une période active, c'est le fait qu'il a un souci de se perfectionner et de se recycler.

C'est peut-être cet engagement à un apprentissage continu qui peut nous donner la clé pour répondre à votre question. Quelle forme cela pourrait-il prendre? Je donne quelques idées; je ne trouve pas de solutions. Juste à titre d'idée de ce qui peut exister, s'il y avait, par exemple, un fonds qui permettrait l'apprentissage tout au long de la vie et auquel le travailleur autonome, avec l'embaucheur, aurait contribué, on pourrait utiliser ce fonds durant cette période de temps mort pour des fins de formation ou de perfectionnement. Ça pourrait être la réponse positive à votre question.

Mais il y a une autre question que je n'ai pas abordée, soit toute la question des bénéfices généraux: les bénéfices santé, les bénéfices de retraite, quoique les travailleurs autonomes puissent participer à l'assurance, et les congés parentaux aussi, évidemment. Une autre solution serait peut-être de permettre aux travailleurs autonomes de participer à l'assurance-emploi. Avant de définir les solutions, nous aimerions bien étudier le problème.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.

Maintenant Yvon Godin, Georges Farrah et Jeannot Castonguay.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, madame la présidente.

Premièrement, j'aimerais remercier nos témoins. Je vois que les questions sont pas mal orientées du côté culturel dans un groupe de saisonniers des usines de poisson. J'aimerais toucher surtout cette question sans pour autant dire que je n'ai pas de questions pour les autres. Peut-être qu'au prochain tour, je reviendrai à eux avec des questions.

J'aimerais parler du Rapport du Groupe de travail pour les travailleurs-euses saisonniers-ères des usines de la Péninsule acadienne présenté à Mme Jane Stewart, ministre du Développement des ressources humaines du Canada, en février 2000.

Je me rappelle, madame la présidente, qu'à titre de député, j'ai souvent posé des questions à la Chambre sur l'assurance-emploi—vous le savez—et la ministre répondait qu'elle avait créé un groupe de travail dans la péninsule acadienne, la région du député d'Acadie—Bathurst. Elle répondait qu'elle avait créé un groupe de travail qui allait faire des recommandations et qu'elle allait les écouter. Maintenant elles sont ici, devant nous, les personnes qui ont participé à cela. Quand je regarde à la page 3 du rapport, je vois le nom de Norbert Robichaud, DRHC. Norbert Robichaud est le directeur de toute la région d'Acadie—Bathurst. On voit les noms de personnes comme Serge Brideau de DRHC; Huguette Arseneau, adjointe administrative; Patrick Mallet, gestionnaire des services de l'assurance-emploi; Samuel LeBreton, économiste régional des ressources humaines. Il y a quelqu'un qui a fait du travail là-bas, chez nous.

Ma question est claire, je pense. Êtes-vous déçus qu'après les promesses faites lors de l'élection, et même avant, avec le projet de loi C-44, ce projet de loi ne dise rien—c'est mon avis—sauf pour les 5 p. 100 et la règle de récupération et ce, après qu'on ait admis que le projet de loi n'allait pas assez loin et qu'il y aurait une ouverture pour d'autres changements? J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. Comment vous sentez-vous? Excusez le mot, ce n'est pas pour vous offenser, mais sentez-vous qu'on vous a utilisés quasiment comme des dummies en réalité? On vous fait travailler, on se sert de vous comme de ce que l'on appelle en anglais des rubber stamps. Je vais creux avec mes mots. Ils sont piquants et méchants, mais je veux savoir comment vous vous sentez comme membres d'un comité qui a été mis en place par la ministre du Développement des ressources humaines pas seulement dans la péninsule acadienne, mais en Gaspésie aussi. Il y avait un comité en Gaspésie, et aujourd'hui on se retrouve avec deux ou trois petits changements. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

• 1630

Mme Jeannine Paulin: Merci, monsieur Godin.

Je pense que notre groupe est celui qui a réussi à faire venir Mme Stewart dans la péninsule acadienne. On est restés avec elle pendant plus de quatre heures pour essayer de lui expliquer la situation qu'on vivait comme travailleurs d'usine ou travailleurs saisonniers. Ça n'a pas été facile d'arriver à une conclusion, et lorsqu'elle a proposé la création du comité de travail, on était enchantés de voir qu'enfin il y aurait des gens qui travailleraient avec nous dans ce domaine pour essayer de comprendre la complexité de notre situation face au régime d'assurance-emploi.

On a travaillé plusieurs mois sur ce document. Quand on en a fini la rédaction et qu'il a été présenté, on était contents de notre travail, parce là-dedans, il y a vraiment tout ce que les gens du secteur de la pêche et les saisonniers de la péninsule peuvent vivre. Les solutions qu'on a proposées, c'étaient peut-être les mêmes que celles que je présente ici, aujourd'hui, mais si je les propose de nouveau, c'est qu'elles n'ont été suivies nulle part. Elles n'ont pas été suivies du tout.

On pensait, à ce moment-là, qu'il y aurait des changements. Nous avons essayé de voir ce qui se passait à la Chambre pour savoir si vraiment nos suggestions allaient être changées, mais ça ne nous a rien apporté jusqu'à ce que l'on promette, lors de la campagne électorale, que la règle d'intensité serait abolie. Mais on est loin de pouvoir remettre l'économie en marche dans la région. On ne compte pas seulement sur l'assurance-emploi pour le faire, mais pour le travail saisonnier auquel on fait face, je pense qu'il y a plus que la règle d'intensité qui doit être changée. Il doit y avoir un programme qui s'ajuste à tout ce travail-là.

Ce n'est quand même pas la faute des gens s'il y a de la glace. Ce n'est pas la faute des gens si la neige est là pendant la plus grande partie de la saison. On ne peut pas couper du bois ou ramasser de la tourbe lorsque la neige recouvre la terre. On ne peut pas avoir de poisson non plus dans les usines. Les gens vont nous parler de valeur ajoutée. On arrive avec une valeur ajoutée. Ça fait 20 ans qu'on parle de la valeur ajoutée et rien ne change.

M. Yvon Godin: Madame la présidente, si on regarde les personnes...

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Val Meredith): Soyez bref.

M. Yvon Godin: Oh, je serai bref. Ne vous inquiétez pas à ce sujet.

La vice-présidente (Mme Val Meredith): Vous avez déjà eu vos cinq minutes.

M. Yvon Godin: Ne vous inquiétez pas, je serai très bref.

[Français]

Madame la présidente, si la ministre du Développement des ressources humaines a accepté que son directeur des ressources humaines soit assis à la table et qu'un document contenant des recommandations soit produit avec cette même personne assise à la table, est-ce que vous ne voyez pas que le ministère est derrière cela? On disait souhaiter la bienvenue à des changements plus importants pour la région que les 5 p. 100 et la règle de récupération.

M. Gastien Godin: Il faudrait peut-être juste nuancer en ce sens que ce que le ministère a fait avec nous, c'était un petit peu nous donner la tribune appropriée pour qu'on essaie de trouver des solutions aux problèmes ensemble. Parmi ces solutions, il y avait, évidemment, celle de la règle d'intensité. On demandait qu'elle soit corrigée et, dans un certain sens, le projet de loi proposé tient compte de cet élément-là.

Le vrai problème auquel on faisait face et la raison pour laquelle on s'était réunis, c'était pour essayer de trouver une solution aux problèmes des saisonniers, à la question du trou du noir. C'est ce qu'on appelait malheureusement le trou noir. Là-dessus, je vous invite à jeter un coup d'oeil à la dernière page du rapport. Pour nous, la dernière page est la première page. Je vais vous avouer qu'on a travaillé très tard. Il y a eu quelques nuits même où on a essayé de voir ce que l'on pouvait faire, parce qu'il y avait une échéance pour remettre cela.

À l'annexe 14, il y avait un défi. Le trou noir, c'est un problème pour les travailleurs saisonniers. On s'est demandé s'il était possible de trouver la solution à l'intérieur du système actuel, parce que l'échelle que vous voyez ici, c'est l'échelle nationale, l'échelle IN-213. On s'est dit qu'on ne pouvait pas donner aux saisonniers davantage que ce qu'on donne aux autres. Je dois dire que cela a presque été fait «à la mitaine», si vous me permettez l'expression, parce que dès qu'on mettait un chiffre, l'ordinateur bouleversait tout ça. Il y a une partie du travail qu'il a fallu faire ainsi. L'ordinateur ne peut pas tout faire parfois.

• 1635

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Je m'excuse de vous interrompre. Pouvez-vous nous livrer une courte conclusion? Vous aurez sûrement la chance de revenir.

M. Gastien Godin: Tout à fait, madame St-Jacques. Je vais terminer.

Dans ce tableau-ci, ce qui est en caractères ombragés, ce sont les changements qui sont proposés, qui s'intègrent à l'échelle nationale, qui touchent une bonification pour cette période-là et qui respectent les règles de la bonification, mais toujours en tenant compte du taux de chômage et du nombre d'heures.

Les principes fondamentaux du système sont préservés. C'est évidemment à cet égard qu'on s'attendait à une écoute très attentive de la part du gouvernement, parce que c'est vraiment dans cette direction qu'on doit se diriger. Je vous mets au défi de trouver une autre approche technique pour régler le problème du trou noir. C'était une recherche et on n'a pas encore eu de réponse là-dessus, mais on souhaite qu'à partir d'aujourd'hui, la réflexion puisse mener à ces changements. C'est ce qu'on souhaite très sincèrement.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Godin.

C'est maintenant à Georges Farrah, puis ce sera à Carol Skelton, Jeannot Castonguay et Christiane Gagnon.

M. Georges Farrah (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, Lib.): Merci, madame la présidente.

Soyez tous et toutes les bienvenus à ce comité. Évidemment, vous touchez des points extrêmement délicats qui me concernent beaucoup, étant donné que je suis député de la région de Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, qui vit un peu la même situation que l'Acadie. Il y a du travail saisonnier, notamment au niveau de la pêche de de la forêt. Donc, nous sommes très préoccupés par ce qui se passe au niveau de l'assurance-emploi.

Évidemment, le trou noir est un phénomène qui, malheureusement, existe à trop grande échelle. Effectivement, il y a une période de temps pendant laquelle les gens ne reçoivent aucun revenu. Quand quelqu'un vit de prestations d'assurance-emploi pendant un bout de temps, ou même quand il travaille à un salaire modeste, il n'a pas les moyens de se mettre de l'argent de côté pour les six à huit semaines qui lui manquent. Il est très important de sensibiliser le gouvernement à ce fait.

Monsieur Godin, je sais que vous n'avez peut-être pas les moyens des ministères, mais avez-vous évalué la demande au niveau du trou noir? Comment doit-on refaire la grille en fonction des taux de chômage, etc.? Est-ce que cela avait été évalué en termes de coûts additionnels pour le gouvernement?

M. Gastien Godin: Non. Comme vous l'avez dit, il nous serait difficile de le faire. Même la région de Bathurst n'avait peut-être pas les moyens de le faire. Mais il y a une chose intéressante. Dans ce document-là, il y a, en annexe, un résumé d'une étude—c'est la première au Canada—de la Direction générale de la recherche appliquée, Région du Nouveau-Brunswick, Développement des ressources humaines Canada. Il s'agit du résultat d'une enquête sur les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick. Ce texte a été fait en décembre 1999 par Francis L'Italien, Samuel LeBreton et Louis Grignon, des économistes émérites du ministère. L'enquête portait sur 11 000 personnes.

On n'a peut-être pas de chiffres exacts, mais cela peut vous permettre de savoir avec quelle clientèle nous faisons affaire. Le coût est certainement moins élevé que si on faisait affaire avec la clientèle qui travaille dans les usines de transformation du Canada central.

Lorsqu'on regarde les salaires de ces personnes-là, on voit que 68 p. 100 des travailleurs saisonniers ont un taux horaire de moins de 10 $ et que 54 p. 100 des emplois saisonniers donnent un revenu d'emploi de moins de 5 000 $. C'est sûr que les autres offrent peut-être un revenu de 6 000 $ et plus, mais cela reste quand même dans une... On voit aussi que 43 p. 100 des emplois saisonniers offrent moins de 12 semaines. C'est pour cela qu'on avait un problème avec les 14 semaines. On est prêts à accepter de vivre avec les 14 semaines et à faire un effort pour travailler davantage, mais le trou noir continue d'exister. C'est la durée qui... On est prêts à composer avec certains éléments de la réforme, mais il y a un problème au bout de cela.

J'ai l'impression que ces caractéristiques sont le fait des travailleurs saisonniers partout au Canada. Madame disait que chez elle aussi, les salaires étaient très, très bas. Ce sont des gens qui ne reçoivent pas 413 $, qui ne reçoivent jamais le maximum. Ils reçoivent, en termes de chômage, 150 $, 160 $, 140 $ ou 130 $. Ils ne reçoivent pas 413 $. Cela veut dire que c'est une clientèle qui coûterait beaucoup moins cher, et il faut tenir compte de cet élément. Est-ce qu'on l'a fait au niveau national? C'est difficile.

Merci, madame.

M. Georges Farrah: Ce qu'il faut, ce n'est pas établir une mesure spécifique pour l'Acadie ou la Gaspésie. Quand on parle en termes de taux de chômage, il faut que cela s'applique à toutes les régions qui sont vulnérables au Canada. C'est important en termes d'équité.

• 1640

Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais soulever une question au sujet du lien parental, surtout au niveau du traitement par les fonctionnaires.

Évidemment, en Gaspésie ou aux Îles, tout le monde est parent. C'est une réalité. Ce sont tous des Landry, des Arseneault, des LeBlanc. Tout le monde est parent et c'est un irritant majeur parce que, souvent, on fait affaire avec des fonctionnaires qui sont peut-être de bonne foi, mais qui sont à l'extérieur, que ce soit à Montréal ou ailleurs. Je n'ai rien contre les gens de Montréal, loin de là, mais il y a une réalité que fait en sorte que chez nous, tout le monde est parent. C'est souvent l'argument facile qu'on invoque pour refuser, et c'est un irritant majeur.

Pensez-vous que cette méthode est utilisée de façon générale? Vous sembliez dire—je ne sais pas si ce sont des cas isolés—qu'il y avait, au niveau des fonctionnaires, une attitude qui pouvait faire en sorte que les bénéficiaires soient traités de façon inadéquate.

Je ne veux pas généraliser, mais il y a chez nous des personnes qui me disent qu'ils ont parlé à des gens de Développement des ressources humaines et même de Revenu Canada et que ces gens leur ont dit qu'ils étaient une bande de fraudeurs. En fin de compte, ils sont présumés coupables avant d'être jugés. Je voudrais savoir si cela est généralisé ou si ce sont plutôt des cas isolés. Sinon, il y a un malaise profond.

Mme Irène Marais: C'est vraiment généralisé. D'après ce qu'on a pu comprendre, les agents à la base sont libres d'avoir leur propre perception quand ils font l'évaluation. Ils n'ont pas eu de formation concrète quand l'assurance a été mise en place. Il y a eu beaucoup de lacunes et cela se retrouve dans le rapport que nous avons fait avec la recherche. Les agents ont vraiment pour attitude d'essayer de vous rendre fraudeur avant d'avoir fait la première démarche.

Si vous le voulez, je peux vous fournir quelques exemples de cas que je connais. Il y a une chose que nous refusons d'accepter. Une fois qu'un emploi a été reconnu assurable et que la personne peut toucher ses prestations, pourquoi l'enquête se répète-t-elle chaque année pendant cinq ou six ans? À chaque année, il faut recommencer le processus. Cela n'a pas de sens. S'il y a une décision de prise, qu'ils s'en tiennent à cela. Qu'ils ne recommencent pas le processus l'année suivante et toutes les autres années pendant cinq ou six ans.

Il y a beaucoup d'entreprises maraîchères où le travail se termine au mois d'octobre et recommence au mois de février ou mars. Prenons le cas d'une jeune femme, fière de sa personne. Elle va chez l'agent pour donner son formulaire de demande de prestations. L'agent la regarde, la fait asseoir et lui dit: «Oui? Vous devez travailler dans la terre dans une entreprise comme celle-là. Vous voulez me faire avaler ce lapin-là? Vous avez regardé vos mains, comment elles sont vernies, comment vous êtes coiffée?»

On nous fait part d'insultes comme celles-là en appel partout au Canada. Il font des enquêtes par téléphone. Généralement, dans les entreprises agricoles et dans les petites entreprises, la conjointe, la fille ou le fils font la tenue de livres. Ils la font sur la table de cuisine. Mais c'est interdit pour ces agents. Un agent appelle à 11 h 30 dans une entreprise agricole et dit à la dame qu'il est l'enquêteur, l'agent pour son dossier d'assurance-emploi. Il se présente et deux secondes plus tard il dit: «Il est 11 h 30, et vous n'êtes pas dans votre bureau. J'entends un bébé brailler. Vous devez l'avoir dans les bras. Vous répondez au téléphone pendant que vous tournez votre sauce à spaghetti.»

Des choses comme ça, on en voit.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Excusez-moi, madame Marais. Pouvez-vous terminer? On a dépassé le temps.

Mme Irène Marais: Pour nous, ce n'est pas une petite distinction. C'est généralisé. M. Godin a mentionné qu'en 1998, Développement des ressources humaines avait donné à ces agents des quotas de récupération de prestations d'assurance-emploi. Quand j'en ai parlé avec Développement des ressources humaines, on m'a dit que cela avait été corrigé depuis, mais cela n'empêche pas qu'ils ont déjà travaillé à quotas. Et qui sont les plus vulnérables parmi tous les bénéficiaires de l'assurance-emploi? Qu'on parle des pêcheries ou pas, les travailleurs saisonniers ont aussi des entreprises familiales. Qui sont les plus vulnérables? Ce sont ceux qui ont des liens de parenté. Cela, vous ne l'enlèverez pas si on ne change pas la loi. C'est discriminatoire au maximum.

• 1645

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, madame Marais.

Nous passons maintenant à Carol Skelton, Jeannot Castonguay, Christiane Gagnon et Yvon Godin.

[Traduction]

Mme Carol Skelton (Saskatoon—Rosetown—Biggar, AC): Irène, je veux vous remercier. Ma belle-fille vient de passer à travers cela. Elle a dû retourner au travail après trois mois, parce qu'elle a essuyé un refus, qu'on a refusé sa demande, parce qu'elle travaillait pour mon fils. Savez-vous quel est le pourcentage des femmes de votre organisation qui se sont refuser leur demande de prestations? Approximativement?

[Français]

Mme Irène Marais: Nous ne possédons pas de chiffres parce que nous n'avons aucun accès aux statistiques. Je vous ai dit que j'avais pris contact avec Statistique Canada pour avoir des chiffres. Nous avons fait une demande pour faire une recherche socioéconomique pour connaître les résultats. On n'a pas de financement. En ce moment, notre organisme possède une expertise de 11 ans en matière d'assurance-emploi. On est subventionnés par Condition féminine Canada. L'assurance-emploi dépend de Développement des ressources humaines Canada. Depuis que nous avons sorti notre rapport, en 1999, il y a eu le scandale à Développement des ressources humaines sur les subventions distribuées de façon pas trop correcte. Le message que j'ai reçu dit que je ne dois plus compter sur aucune subvention pour tout ce qui touche à l'assurance-emploi.

Comme mon organisme est petit, on me coupe le financement en pensant qu'on va m'arrêter. Mais j'ai écrit une lettre à Mme Hedy Fry l'année passée, avant qu'elle ne s'en aille, et je lui ai dit qu'elle avait le pouvoir de mettre la clé dans la porte de notre organisme, mais qu'elle n'avait aucunement le pouvoir de nous dissoudre et que, s'il nous fallait nous tenir debout sur la place publique, nous le ferions. C'est ce que nous sommes en train de faire. C'est de la discrimination pour l'assurance et, en plus, on essaie d'abattre les organismes qui sont plutôt embêtants.

[Traduction]

Mme Carol Skelton: Bien, d'accord.

Je voudrais aussi demander quelle est la différence entre les expressions anglaises «the gap» et «the black hole»?

M. Gastien Godin: C'est la même chose.

Mme Carol Skelton: Bien. J'ai entendu les deux.

M. Gastien Godin: Le «black gap».

Des voix: Oh, oh.

Mme Carol Skelton: C'est le grand trou noir.

Avez-vous des membres en règle, Irène?

[Français]

Mme Irène Marais: Oui, nous avons du membership.

[Traduction]

Mme Carol Skelton: D'un bout à l'autre du Canada?

[Français]

Mme Irène Marais: On en a au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, en Alberta, en Ontario et au Québec.

[Traduction]

Mme Carol Skelton: Pourquoi pas en Saskatchewan?

[Français]

Mme Irène Marais: Je travaille avec SWAN, mais je n'ai pas encore de participation concrète. J'ai fait une conférence à l'automne, à Saskatoon, mais ça n'a pas encore eu... Je n'ai pas les moyens financiers de me déplacer et on me coupe l'herbe sous les pieds.

[Traduction]

Mme Carol Skelton: Il y a là-bas beaucoup de travailleurs agricoles qui aimeraient bien vous parler.

Je vous remercie beaucoup d'être venus cet après-midi—j'avais oublié de le dire.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci.

Val, si vous voulez dire quelque chose, il vous reste deux minutes.

Mme Val Meredith: Ça va.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Nous passons maintenant à Jeannot Castonguay, Christiane Gagnon, Alan Tonks et Yvon Godin.

M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente. Merci beaucoup à nos invités.

Monsieur Tabet, vous avez dit que que l'assurance-emploi n'était pas la réponse dans une nouvelle économie où il y a beaucoup de PME, beaucoup d'entreprises familiales et beaucoup de travailleurs saisonniers, et vous avez ajouté qu'avant de définir les solutions, il serait peut-être bon de bien cerner le problème de cette nouvelle réalité. Évidemment, je me pose la question, moi aussi, depuis qu'on entend des témoins. J'imagine qu'une approche comme celle-là exigerait pas mal de temps. J'aimerais vous entendre commenter là-dessus.

On a déposé un projet de loi dont certains éléments ont été apportés pour ce que j'appelle «patcher» un système qui est loin d'être idéal. D'une part, madame la présidente, des gens de ma circonscription demandent qu'on ne les fasse pas attendre indéfiniment et qu'on apporte au moins certains éléments de solution. Par contre, certains autres nous disent que si on fait les changements trop rapidement, les patates sont cuites et il n'y a plus rien à faire. J'aimerais vous entendre élaborer là-dessus, monsieur Tabet, et également les autres invités.

• 1350

M. Jean-Philippe Tabet: C'est vraiment la bonne question et voilà ce qu'en a pensé notre conseil. Dans la Loi sur l'assurance-emploi, c'est sûr qu'il va falloir faire du rapiéçage, du «patchage» comme on dit. Ça, c'est sûr et il va falloir faire vite.

Toutefois, selon nous, il y a une disposition dans la loi qui permet de faire des projets-pilotes. C'est dans l'une des dispositions de l'article 5 de la Loi sur l'assurance-emploi, si je me souviens bien. Nous pensons que cela pourrait être fait immédiatement et émettrait un double message: on répondrait aux besoins immédiats, sans nier, par ailleurs, le problème qui a été soulevé. Nous ne sommes certainement pas les seuls à l'avoir soulevé et à croire que l'assurance-chômage consiste en une réponse d'hier, qui ne peut constituer la réponse à des problèmes de demain et qu'il faut essayer de trouver un moyen d'avancer.

Il y a dans la disposition de la loi, un moyen de le faire. Combien de temps ça pourrait prendre pour faire un projet-pilote? Je ne pense pas que plus d'une année soit... Il y a déjà des modèles.

Je vous donne un exemple. On a parlé des travailleurs saisonniers, des travailleurs intermittents. Eh bien, dans certains pays, il suffit que vous ayez travaillé 600 heures, que vous puissiez prouver que vous avez travaillé 600 heures au cours d'une année pour que vous puissiez bénéficier de la Loi sur l'assurance-emploi. Il y a des exemples de pays où existent des lois sociales qui contiennent ces dispositions-là. Le Canada n'est pas isolé du reste du monde; il fait partie du monde et il y a des exemples qui existent.

Alors, pourquoi pas un projet-pilote, un projet de recherche qui pourrait aussi établir précisément, concrètement les exemples qui existent? D'ailleurs, ce ne sont pas forcément des modèles, mais ce sont des exemples qui existent. Le ministère du Développement des ressources humaines les connaît. Ce ne sont pas des choses qu'il ignore. Il les connaît.

Voici un autre exemple. Le Canada dispose de conseils sectoriels. Les conseils sectoriels sont un outil qui a été élaboré au Canada au cours des 20 dernières années. Nous devons nous servir de ces outils sectoriels. Ils ont les moyens d'avoir accès à une main-d'oeuvre. Ils ont une stratégie de développement économique. Utilisons-les. Voilà deux pistes qui peuvent vous permettre de répondre à vos deux questions. Maintenant, je n'ai pas de solutions miracles, parce que c'est un problème énorme.

Juste en terminant, en 1948, si on avait demandé quelle était la main-d'oeuvre de la population canadienne, comment était constituée la population active canadienne, on se serait fait répondre qu'il y avait probablement 90 p. 100 de travailleurs autonomes. Pourquoi? Parce que la main-d'oeuvre canadienne, c'était beaucoup de pêcheurs, beaucoup d'agriculteurs, beaucoup de gens qui occupaient des emplois saisonniers dans les forêts. Mais dans les années 1950, cela a complètement changé et c'est pourquoi on a créé la Loi sur l'assurance-emploi. C'était pour faire entrer le Canada dans le XXe siècle. Eh bien, faisons-le entrer dans le XXIe siècle.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Tabet. Est-ce que quelqu'un d'autre a un commentaire à faire? Rapidement.

M. Gastien Godin: Oui, rapidement. Voici le commentaire que j'adresserai à M. Castonguay. Il est évident que la préoccupation que vous exprimez se trouve certainement présente ailleurs. Actuellement, les gens souhaiteraient un changement concernant la règle de l'intensité. Même si cela ne donnait que 10 $, 11 $ ou 15 $ par semaine, ce serait quand même important quand on pense au niveau de revenu et aux situations dont je parlais tout à l'heure, pour les enfants, entre autres. Je suis sûr que la semaine prochaine, il se trouvera certainement des municipalités, qui ont une vue plus directe sur ces situations, pour vous en parler.

Si on avait l'assurance que le gouvernement, immédiatement après cette étape-ci, s'engage à passer à une deuxième étape... Si on s'entendait dire que oui, on fait une sérieuse réflexion quant au problème des travailleurs saisonniers, qu'on réfléchit au problème que posait monsieur concernant les travailleurs indépendants, ou à la question des liens familiaux, si on avait cette assurance-là, il est évident qu'on serait plus cool, si vous me permettez l'expression.

Actuellement, on a beaucoup d'appréhension quand on pense à tout cela. On se dit que la question de l'assurance-emploi est sur le tapis et que c'est la première fois depuis la réforme qu'il y a une volonté de faire certains changements.

Nous avons eu l'impression, madame la présidente, nous des Maritimes, que le premier ministre regrettait certains des changements qui avaient été apportés. Je ne fais pas de politique partisane du tout, je fais référence à un premier ministre qui parle à son peuple. Nous sommes comme tous les citoyens et, en écoutant son discours, nous avions l'impression qu'il regrettait certains changements. Tout le monde a bien compris qu'il ne voulait pas dire qu'il regrettait tout ce qui avait été fait. C'est sûr que certains députés voudraient peut-être donner cette impression-là, mais il faut être honnête. Je suis sûr que ce n'est pas ce qu'il voulait dire de tous les changements.

• 1655

Cependant, monsieur Castonguay, nous, dans les Maritimes avons certainement eu l'impression qu'il s'intéressait à notre problème réel, pas nécessairement et pas uniquement à la règle de l'intensité. C'était plutôt cette fameuse question de gap. C'était ça, notre problème le plus sérieux. Alors, quand nous avons entendu le premier ministre dire qu'on allait faire quelque chose, nous avons pensé que c'est cela qu'on allait tenter de régler. Or, il n'y a rien, actuellement, qui traite de cela.

Si on nous donnait l'assurance qu'on a l'intention de poursuivre la réflexion, eh bien, nous nous montrerions certainement plus flexibles. Dans les circonstances actuelles, nous voulons certainement profiter de la conjoncture.

Merci.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Godin. Maintenant, nous passons à Christiane Gagnon, Allan Tonks et Yvon Godin.

Mme Christiane Gagnon: Je n'ai pas vraiment de questions. Je veux plutôt faire un commentaire. Je pense que tout est sur le tapis et qu'il suffit d'avoir la volonté politique.

On nous a dit beaucoup de choses sur la réforme de l'assurance-emploi: que ce n'est pas adapté à la réalité, que ce n'est pas adapté au marché et à l'économie et ainsi de suite. On a parlé travail en milieu familial, des entreprises familiales. Le Bloc québécois a déposé un amendement pour que le fardeau de la preuve soit inversé. Cela améliorerait les choses, mais...

Mme Irène Marais: Oui, mais ça ne changerait pas la situation.

Mme Christiane Gagnon: C'est ça. Je pense qu'il faut une remise en question de cette loi pour la rendre plus équitable. Je me demande si, dans une perspective plus large, celle d'un revenu minimum par exemple... Je ne sais trop.

C'est très dur, en tant qu'élue, de voir combien de gens sont exclus du marché de l'emploi, combien la situation est précaire, combien la population s'appauvrit. Des travailleurs qui mériteraient d'être payés pour leurs recherches, pour le travail qu'ils ont accompli... Si nous, comme parlementaires, nous n'étions pas payés pour ce que nous faisons, nous réclamerions un salaire haut et fort. C'est pourquoi il y a des élus ici, qui sont censés avoir des antennes dans la population.

Je ne peux pas ajouter autre chose parce qu'on comprend la problématique que plusieurs personnes ont soulevée. Il y a seulement quatre personnes sur dix qui peuvent se qualifier à l'assurance-emploi, ce qui est inadmissible quand des milliards de dollars sont restés dans les coffres du gouvernement pour payer un fonctionnement qui est très coûteux.

Nous allons quand même poursuivre le combat, mais nous espérons que les députés du parti de l'autre côté seront capables d'être les porteurs de vos voix auprès du gouvernement afin de montrer le sérieux du problème.

M. Jeannot Castonguay: C'est ce que nous faisons, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Est-ce que quelqu'un a un commentaire à faire là-dessus?

Mme Irène Marais: J'aurais voulu faire un commentaire. Les messages que nous recevons de plus en plus des entreprises familiales, c'est qu'elles ont gaspillé leur argent pendant 20 ans en payant leurs cotisations. Premièrement, les prestations ne remboursent jamais plus que trois ans de cotisations.

En plus, le fait que les entreprises familiales cotisent pour plus de 17 millions d'emplois à la caisse de l'assurance-emploi, à combien cela se chiffre-t-il chaque année? Vous rendez-vous compte de ce qui arriverait si les entreprises familiales disaient à un moment donné qu'elles arrêtent de payer s'il n'y a pas de changement apporté à la loi et si on continue à pratiquer cette discrimination? Où M. Martin trouverait-il son surplus pour effacer sa dette?

C'est une question que je pose parce que la réalité, c'est ça. D'où vient l'argent? Des cotisants, des employeurs et des employés qui cotisent à la caisse. Moi je trouve ça scandaleux. Je m'excuse du vocabulaire que j'emploie, mais j'ai ce dossier dans les tripes depuis 11 ans. Chaque fois que je me présente, on n'avance pas beaucoup plus.

Je suis curieuse. Je n'oserais pas mettre ma main au feu, parce que je pourrais la perdre, mais je ne suis pas sûre qu'on va faire un seul changement au projet de loi par rapport au liens de dépendance. Il n'est pas prévu du tout dans le projet de loi C-2 de changer quelque chose à cette discrimination. Pourtant, les entreprises familiales, comme je vous l'ai dit, représentent 55 p. 100 du produit intérieur brut et 17 millions d'emplois, et elles ne sont pas écoutées. Quand on veut parler un peu trop fort, on nous dit de fermer notre «boîte» parce qu'on parle trop fort. C'est ça, la réalité que nous vivons.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, madame Marais. Est-ce que quelqu'un d'autre a un commentaire rapide? Non?

• 1700

C'est maintenant à Alan Tonks et ce sera ensuite à Yvon Godin.

[Traduction]

M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, madame la présidente.

Premièrement, je remercie les témoins. Nous avons entendu aujourd'hui de nouveaux arguments sur les questions de relation et de dépendance, au sujet d'un secteur très important qui ajoute énormément de valeur à la vie canadienne dans la communauté culturelle, et l'on nous a parlé des problèmes qui découlent de l'emploi indépendant et qui sont particulièrement présents dans ce secteur où la situation est peut-être un peu différente par rapport au secteur saisonnier, si l'on veut, les pêches, etc.

Il y a dans votre exposé des questions que nous avons déjà réglées. Par exemple, nous éliminons la règle de l'intensité. Il y a encore des problèmes pour ceux qui ont épuisé leurs prestations et nous allons réexaminer la question.

Je vous félicite pour ce document; c'est de l'excellent travail. Je viens d'évoquer de petites retouches que nous avons faites, qui règlent le problème à court terme. Mais pour le long terme et la durabilité, il y a toute une liste d'autres recommandations qui ont été faites. Y a-t-il un mécanisme en place pour faire un suivi de la mise en oeuvre de ces recommandations, afin qu'on puisse en mesurer l'efficacité? Il s'agit sûrement de la refonte à long terme de la situation de l'emploi et de l'économie que vous avez évoquée.

M. Gastien Godin: Le document lui-même recommande de mettre en place un mécanisme d'évaluation des mesures.

M. Alan Tonks: Avez-vous été invité à faire parti de l'exercice visant à mesurer ces activités?

M. Gastien Godin: Non. Ce document a été remis au ministre, mais il n'y a pas vraiment eu de suivi sur ce qui a été proposé. Nous attendons toujours. Dans ce document, comme vous l'avez vu, il y a une partie qui traite du changement du régime d'assurance- chômage, mais une autre partie... Parce que les gens de notre secteur ne veulent pas rester dans cette situation pour toujours. C'est pourquoi il y a diverses propositions visant la diversification, l'éducation, la formation, etc. À ce niveau-là non plus, on n'a pas vraiment donné suite encore. Nous attendons toujours. Le gouvernement a maintenant été réélu et peut-être que c'est une question de timing, et nous sommes encore optimistes. Nous avons encore confiance que l'on donnera suite dans certains dossiers.

M. Alan Tonks: Je me rends compte que les paramètres de notre discussion et l'examen que nous faisons ici sont définis par le projet de loi sur l'AE. Mais il me semble qu'une question plus large est en jeu. Puisque vous faites des recommandations relativement au développement économique local, alors nous aussi, notre comité, puisque DRHC relève de nous, nous devrions veiller à ce qu'il y ait un suivi et une évaluation de façon globale, si vous voulez.

Je suppose que ma question ne s'adresse pas à vous. C'est plutôt une observation que je fais au comité: lorsque nous sommes mis au courant de telles initiatives, nous devrions tous tenter de faire en sorte qu'on y donnent suite.

M. Gastien Godin: Je sais qu'il y a une recommandation précise visant une évaluation complète des mesures proposées.

M. Alan Tonks: Merci.

• 1705

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Monsieur Tabet, vous devrez faire un commentaire assez court parce qu'on va devoir quitter dans 10 minutes.

[Traduction]

M. Jean-Philippe Tabet: Cela n'a rien à voir. Nous ne savions pas que nous allions parler d'un élément qui se situe vraiment à la périphérie de l'assurance-emploi, mais c'est tellement vital pour la survie de beaucoup de régions du Canada.

Il y a des mécanismes que DRHC pourrait utiliser. Ces mécanismes sont les conseils sectoriaux. Ces conseils sectoriaux sont directement liés à nos communautés et, en fait, il y a deux conseils sectoriaux dans l'industrie de la pêche. Ce sont mes homologues, ce sont des organisations indépendantes. Mais elles ont le pouls de l'industrie. Il y a donc déjà un mécanisme qu'on pourrait utiliser pour mesurer ces activités. Ce qui est très important dans l'assurance-emploi, à mon avis, c'est que le régime a toujours été en dehors de la collectivité. De plus en plus, nous assistons à un dialogue qui est nécessaire entre ce système et la collectivité qu'il dessert.

Ce n'est qu'un exemple, mais les conseils sectoriaux, autant au niveau provincial—parce qu'ils existent au niveau provincial—qu'au niveau fédéral, pourraient constituer le nouveau système permettant de se pencher sur les questions entourant les choses que nous examinons ici. Je suis certain que vous connaissez votre conseil sectoriel des pêches. Daniel aurait pu m'accompagner ici aujourd'hui, si j'avais su.

[Français]

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, monsieur Tabet.

Nous terminons la période de questions avec M. Godin.

M. Yvon Godin: Merci, madame la présidente.

Premièrement, si j'avais la chance de poser un autre question, j'aimerais la poser à Mme Marais.

Dans ma région, il y a aussi des petites et des moyennes entreprises. Dans un langage vulgaire ou non vulgaire, on pourrait dire qu'elles se font crucifier tous les jours. Je serais même prêt à dire qu'on devrait avoir une enquête royale sur Développement des ressources humaines Canada pour le vol et la fraude que fait ce ministère et arrêter d'accuser les petits de vol et de fraude. Je vais qualifier ce que je suis en train de dire. Je vais vous dire pour quelle raison.

Premièrement, les petites et moyennes entreprises sont souvent des entreprises familiales. Il faut qu'elles participent à l'assurance-emploi, madame la présidente, parce qu'on dit qu'elles ont le droit d'avoir de l'assurance-emploi. Dans ma circonscription, il n'est jamais arrivé qu'une personne ayant un lien de parenté avec le chef de l'entreprise et faisant une demande d'assurance-emploi ne fasse pas l'objet d'une enquête de Revenu Canada. En plus de ça, ils cherchent et cherchent et ils découvrent finalement que la femme du monsieur, pendant qu'elle recevait de l'assurance-chômage, a fait un dépôt à la banque. Ils disent qu'elle a travaillé pendant qu'elle recevait de l'assurance-chômage. Je me pose la question, madame la présidente. Si jamais, au moyen d'un enregistrement, avec la technologie d'aujourd'hui, ils découvrent que la dame dit à son mari, quand elle est couchée le soir, combien d'argent ils ont à la banque, ils vont sûrement lui couper l'assurance-chômage.

Vous voyez à quel point c'est ridicule maintenant. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Est-ce qu'il arrive que Revenu Canada ou Développement des ressources humaines dise aux gens qu'ils devront faire l'objet d'une enquête parce qu'ils ont payé pendant 20 ans et qu'on leur a volé de l'argent pendant 20 ans? Ça, c'est un problème majeur. J'apprécie que vous soyez ici aujourd'hui pour nous raconter cette histoire. Je vois souvent des cas comme ceux-là dans ma région. Je suis certain que vous, madame la présidente, quand vous étiez de notre côté de la table ou de la Chambre des communes, vous parliez de la même manière que nous. Les nouveaux députés disaient qu'ils aimeraient être du côté du gouvernement parce qu'il fallait changer l'assurance-emploi. Aujourd'hui, on voit que C-2 est pareil à C-44. Je pense qu'il y a eu un coup de tonnerre. Une masse nous a frappés.

M. Godin n'a pas de lien de parenté avec moi, mais il fait de bons commentaires. Il demandait si le gouvernement était prêt, après C-2... Maintenant, ils sont tous inquiets. Si on n'adopte pas C-2, on va le perde. Est-ce que le gouvernement est prêt à entreprendre tout de suite après son adoption des changements à l'assurance-emploi?

Je vais revenir à nos petites et moyennes entreprises qui, en bon français, se font crucifier tous les jours. Elles vivent l'enfer, en réalité.

Mme Irène Marais: Un véritable enfer. Monsieur Godin, vous ne pouvez pas imaginer la façon dont les choses se passent. Vous êtes obligé d'avoir des relations employeur-employé à peu près équivalentes à celles que vous auriez avec un étranger.

Moi, je dis une chose. La femme doit être payée par chèque. Regardez comment fonctionne l'assurance-emploi. Si elle prend son chèque de paye et le dépose dans le compte conjoint parce qu'elle n'a pas de compte de banque personnel, elle sera accusée de fraude parce que c'est un passe-passe d'aller et retour à son mari.

• 1710

Les agents portent des accusations du genre. D'un autre côté, de plus en plus d'entreprises autorisent leurs employés... J'ai un neveu qui est ingénieur à Bell Canada. Il peut travailler chez lui, à la maison. Il reçoit un salaire. Il travaille quand bon lui semble, à minuit ou à 7 heures du matin. Il n'y a pas d'enquêteur qui va épier ce qu'il fait, s'il fait sa lessive alors qu'il est au téléphone, ou s'il travaille à l'ordinateur.

Dans les entreprises familiales, on vient jusqu'à fouiller dans nos chambres pour savoir si on fait de la comptabilité sur le coin de la table de cuisine. Dans le cadre d'une entreprise, si on surveille le bébé qui dort ou si on brasse une sauce à spaghetti, on est quasiment des fraudeurs, et ce sur une base continuelle. Ils sont allés jusqu'à accuser une dame, lui demandant un remboursement parce qu'ils la considéraient non admissible, parce qu'elle touchait un salaire et qu'ils avaient évalué qu'elle devait travailler 35 heures par semaine, alors qu'elle en travaillait 55. L'assurance-emploi a refusé de lui octroyer des prestations en lui faisant valoir qu'elle n'était pas payée assez cher pour le travail qu'elle faisait qu'il y avait une fraude là-dedans.

Savez-vous jusqu'où ils vont? Y aura-t-il une équité quelque part, à un moment donné? Lorsque je parle, tout le monde pense que je suis fâchée. Dans le fond, je suis fâchée à cause du dossier; je suis prise dans le dossier. Vous ne pouvez pas vous imaginer les appels qu'on reçoit parfois. C'est incroyable.

M. Yvon Godin: Imaginez-vous ce que c'est quand on est député.

Mme Irène Marais: Oui, et il faut continuer.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Est-ce que c'est tout, Yvon? Il reste quelques secondes.

M. Yvon Godin: Puisqu'il reste quelques secondes, j'aimerais vous faire part d'un autre exemple. Il s'agit de la situation où une personne propriétaire d'une petite entreprise est mise à pied parce qu'il n'y a plus de travail pour une des personnes employées dans sa compagnie. Elle se fait prendre, l'inspecteur ayant trouvé qu'elle a utilisé la voiture de la compagnie et utilisé une carte de crédit pour acheter de l'essence. On lui dit qu'il s'agit d'une fraude et qu'elle doit payer 30 000 $.

Mme Irène Marais: Je suis d'accord avec vous. Cela s'est produit. Je m'explique. Une dame avait bénéficié de 20 000 $ en prestations. Ils lui ont écrit —sans porter d'accusation de fraude—qu'elle devait rembourser le 20 000 $ plus 20 000 $ de pénalité. Là où je veux en venir, c'est que l'assurance-emploi fraude elle-même en toute illégalité, parce qu'il est illégal de réclamer des prestations rétroactives sans qu'une fraude ait été prouvée. Et cela se fait à la grandeur du pays.

La vice-présidente (Mme Diane St-Jacques): Merci, madame Marais.

Au nom de mes collègues, je vous remercie de votre présence et aussi des commentaires qui nous portent à réfléchir et qui feront partie des délibérations plus tard. Merci à M. Jean-Philippe Tabet, Mme Jeannine Paulin, Mme Irène Marais et M. Gastien Godin.

Je rappelle à mes collègues qu'il y aura une réunion à 15 h 15 demain, à la salle 237-C de l'édifice du Centre, qui sera suivie d'une autre réunion, à 17 h 30 celle-là.

Bonne journée.

La séance est levée.

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