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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 2000

• 1530

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous cet après-midi. Comme vous le savez, nous recevons aujourd'hui le rapport sur les plans et priorités du ministère des Finances.

Nous avons le plaisir d'accueillir le ministre des Finances. Monsieur le ministre, prenez le temps qu'il vous faudra pour faire votre déclaration, après quoi nous entamerons la période des questions. Je vous souhaite la bienvenue.

L'honorable Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier le comité de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui dans le cadre de l'examen du Rapport sur les plans et les priorités du ministère des Finances.

Aujourd'hui, je veux me tourner vers l'avenir et vous parler de ce que nous pouvons faire pour bâtir le Canada que nous voulons tous léguer à nos enfants: l'économie prospère et la société de compassion que nous devons tout faire pour mettre en place au XXIe siècle.

Si nous devons nous concentrer sur l'avenir, c'est parce que nous sommes au coeur de la plus importante transformation économique de notre temps. Les technologies nouvelles entraînent des changements radicaux aux méthodes de production, de distribution, de commercialisation et de consommation des biens et services. Une grande partie des industries dominantes de l'économie d'aujourd'hui n'existaient même pas il y a quelques années et, dans les secteurs traditionnels de l'économie, les entreprises qui réussissent changent à vue d'oeil, en appliquant de nouvelles technologies et de nouvelles idées et en se lançant sur de nouveaux marchés.

Cette nouvelle économie a un formidable potentiel de croissance économique, de création d'emplois et d'augmentation des revenus. Dans ce contexte, nous nous sommes fixé trois objectifs dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui: premièrement, assurer notre position de leader dans la nouvelle économie; deuxièmement, donner à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes des chances égales de réussir; troisièmement, assurer la meilleure qualité de vie possible à tous les Canadiens.

Ces objectifs doivent être fondamentaux dans tout débat sur l'avenir de notre pays considéré sous l'angle économique; pourtant, ces débats sont trop souvent cantonnés à ce qu'il faudrait faire de notre excédent budgétaire. Par exemple, certains réclament un remboursement plus rapide de la dette. D'autres voudraient nous faire consacrer une plus grande partie de notre excédent budgétaire à des initiatives économiques et sociales. Enfin, pour d'autres, la priorité va à la réduction des taxes.

Monsieur le président, le fait est que nous devons adopter une démarche stratégique à tous ces égards, car chacun de ces types d'intervention est un facteur complémentaire de notre formule de succès. En d'autres termes, il faut trouver l'équilibre pour bâtir le Canada que nous voulons au XXIe siècle.

[Français]

Monsieur le président, la dette nationale est un facteur important de cette équation. Les Canadiens et les Canadiennes peuvent être fiers d'avoir éliminé le déficit, mais il reste quand même que nous devons encore 577 milliards de dollars.

La bonne nouvelle, c'est que dans chacun des deux derniers exercices, nous avons remboursé quelque 3 milliards de dollars de la dette publique nette et pour l'exercice 1999-2000, nous allons en rembourser bien plus encore.

De plus, le ratio de la dette au PIB du Canada, qui détermine notre dette par rapport à la taille de l'économie nationale, s'améliore rapidement aussi. En 1995, il s'élevait à 71 p. 100. Nous l'avons réduit de 10 points depuis, et il devrait tomber en-deçà de 50 p. 100 d'ici 2004. À l'avenir, nous devrons maintenir cette tendance à la baisse, voire l'accélérer. Nous sommes encore loin d'avoir ramené le ratio à moins de 25 p. 100, là où il se situait pas plus tard qu'en 1978.

[Traduction]

Monsieur le président, pour renforcer notre économie et bâtir une société plus solidaire, nous devons dépenser judicieusement.

Nous, Canadiens, avons hérité d'une réputation enviable. Le Canada est un pays renommé pour les soins qu'il prodigue à ses malades, un pays où tout le monde a accès à l'éducation et à la formation, un pays qui traite ses citoyens âgés, handicapés et défavorisés avec compassion et dignité. Pour profiter de cette réputation et assurer une meilleure qualité de vie à tous les Canadiens, nous devons être prêts à dépenser pour la santé et pour l'accès à la formation et à la connaissance. Aussi, depuis que nous avons équilibré le budget, nous avons concentré les deux tiers des nouvelles dépenses dans ces secteurs cruciaux.

• 1535

L'éducation est un facteur de réussite essentiel dans la nouvelle économie. Cette réalité se reflète dans les choix que nous avons faits. Notre gouvernement a investi des milliards de dollars pour aider les Canadiens à acquérir des connaissances et des compétences grâce à des programmes comme ceux des subventions canadiennes pour études et des régimes enregistrés d'épargne-études. Parallèlement, nous avons fait des investissements vitaux dans la capacité de recherche nationale, des investissements qui rapporteront pendant des décennies.

Dans le secteur de la santé, nos deux premiers budgets prévoyaient des investissements additionnels de 14 milliards de dollars en cinq ans dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), ce qui représente une augmentation de 25 p. 100. Les transferts au titre du TCSPS, compte tenu de la valeur des points d'impôt, atteignent maintenant 31 milliards de dollars. Fondamentalement, nous devons rétablir la confiance des Canadiens dans notre système de soins de santé en leur prouvant qu'il fournira les résultats tangibles qu'ils sont en droit d'attendre. Il faut bien comprendre que pour faire tout cela, de nouveaux investissements seront requis, et nous entendons bien faire ces investissements.

Il faut comprendre que le gouvernement fédéral et que les gouvernements provinciaux doivent travailler ensemble pour que tous ces nouveaux investissements soient vraiment consacrés à nos préoccupations communes, qu'il s'agisse des longues listes d'attente, de l'encombrement des salles d'urgence ou des changements structuraux à long terme grâce auxquels notre système universel de soins de santé demeurera abordable, efficace et viable.

En somme, le système canadien de soins de santé est un élément essentiel du tissu de notre nation, et le gouvernement fédéral est toujours prêt à collaborer avec les provinces pour le renforcer.

Monsieur le président, la réduction des impôts fait partie intégrante de l'approche équilibrée que le gouvernement a prise pour que le pays ait des bases économiques et sociales solides dans la nouvelle économie. Dans le budget de 2000, nous avons présenté un plan de réduction des impôts de 58 milliards de dollars sur cinq ans; ce seront les plus grosses réductions d'impôt de l'histoire du Canada. Notre plan a été conçu dans une optique stratégique pour favoriser la croissance économique et aider le Canada à l'emporter sur la concurrence au sein de la nouvelle économie.

Le 1er juillet, les Canadiens verront les effets du plan de réduction des impôts sur leur chèque de paie et les prestations qu'ils reçoivent. À compter de cette date, soit dans 23 jours, le taux intermédiaire d'impôt passera de 26 p. 100 à 24 p. 100. La Prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) augmentera d'environ 250 $ par enfant, par année. La surtaxe instaurée en vue de réduire le déficit sera éliminée pour les personnes dont le revenu va jusqu'à 85 000 $ approximativement. Enfin, conformément à notre plan, nous mettons fin au phénomène du glissement d'une tranche d'imposition à l'autre, en rétablissant l'indexation complète du régime d'impôt sur le revenu, et ce, à compter du début de la présente année. À partir de juillet, tous les contribuables canadiens commenceront donc à profiter des retombées de cette protection permanente contre l'inflation. Pour les Canadiens à faible revenu, un des éléments les plus importants de cette mesure, c'est que l'indexation n'érodera plus le crédit pour la taxe sur les produits et services, la PRCE, ni le crédit d'impôt pour les personnes âgées.

[Français]

Monsieur le président, voilà pour ce qui touche l'impôt sur le revenu des particuliers. Toutefois, le plan de réduction sur cinq ans contient aussi des mesures visant à rendre les régimes d'imposition des entreprises plus compétitifs à l'échelle internationale.

Les industries canadiennes de services, celles où une grande partie de la création d'emplois dans la haute technologie se produit, ont des taux d'imposition beaucoup plus élevés que ceux des autres secteurs d'activités. Elles doivent pourtant rivaliser avec des entreprises du monde entier qui payent moins d'impôt dans leur propre pays.

Dans cet esprit, le taux d'impôt fédéral des sociétés va passer de 28 à 21 p. 100, de sorte que le Canada sera plus compétitif à l'échelle internationale.

De plus, le budget 2000 a ramené de trois quarts à deux tiers le taux d'inclusion des gains en capital dans leur revenu pour le calcul de l'impôt.

• 1540

Notre régime fiscal doit aussi reconnaître le rôle de la petite entreprise. Après tout, elle est un moteur important de l'innovation et de la création d'emplois. Afin de l'aider, le taux d'impôt des sociétés applicable à la tranche de revenu entre 200 000 $ et 300 000 $ sera ramené à 21 p. 100 à compter de janvier 2001.

[Traduction]

Monsieur le président, j'ai indiqué au début de mon allocution que nous devions agir en fonction de l'avenir. Si importantes que ces réductions d'impôt puissent être, nous sommes loin d'avoir dit notre dernier mot sur les impôts. Je vous le dis clairement, comme je l'ai dit dans le discours du budget, les réductions d'impôts de ce plan sont le minimum auxquels notre gouvernement s'est engagé, pas le maximum qu'il entend faire. Le budget de 2000 a simplement instauré pour la première fois la discipline d'un plan fiscal quinquennal. Notre plan de réduction des impôts sera mis à jour chaque année, pour que nous puissions accélérer la cadence et en faire davantage quand nos ressources nous le permettront. C'est de cette façon que nous avons éliminé le déficit, et c'est de cette façon-là aussi que nous réduirons les impôts.

Comme je l'avais annoncé en février, notre plan prévoit des réductions d'impôts pour cette année et pour l'an prochain, ainsi que d'autres réductions d'impôts d'ici cinq ans au plus tard. Je peux vous dire maintenant que nous accélérerons ces mesures dans le budget de 2001 et que nous envisageons en outre d'autres possibilités de réduction des impôts. Ainsi, en ce qui a trait aux revenus des particuliers, les impôts sont encore trop élevés, surtout pour les contribuables à revenu moyen. Les taux marginaux applicables aux Canadiens à faible revenu peuvent en outre être élevés, étant donné les taux de récupération applicables aux prestations d'aide sociale. Pour ce qui est de l'impôt des entreprises, nous devons accélérer le processus de réduction des taux.

Bref, dans le budget de 2000, nous avons mis notre plan fiscal à l'oeuvre pour les Canadiens. Il faut comprendre cependant qu'il ne s'agit que d'un début.

La nouvelle économie est caractérisée notamment par le changement d'attitude qu'elle exige, non seulement de la part du gouvernement, mais de celle des entreprises et de la société dans son ensemble. Si nous voulons que le Canada puisse offrir à tous ses citoyens une meilleure qualité de vie dans cette économie mondiale en rapide évolution, il nous faut du courage, de la créativité et une pensée stratégique.

D'ici quelques années, dans cinq ou dix ans, nous voulons que les Canadiens aient des revenus réels nettement plus élevés qu'aujourd'hui. Nous voulons que les entreprises canadiennes soient des leaders dans la nouvelle économie mondiale. Nous voulons que la recherche canadienne génère de nouvelles économies et de nouvelles industries. Pour y parvenir, nous devons nous demander collectivement ce que nous pouvons faire pour conférer au Canada un avantage concurrentiel dans un monde en rapide évolution et où la concurrence est féroce, et comment nous pouvons donner une image de marque canadienne qui soit un modèle d'innovation et d'excellence.

Le début des années 90 a été une période difficile pour le Canada. Toutefois, les indicateurs économiques ont révélé au cours des dernières années ce dont l'économie canadienne est capable. Celle-ci s'est jointe au club du billion de dollars dans le premier trimestre de cette année. La croissance économique réelle a accéléré jusqu'à 4,9 p. 100; elle était déjà excellente l'an dernier, à 4,5 p. 100. En outre, notre excédent a tout récemment été le plus considérable de l'histoire, tandis que le taux d'inflation reste peu élevé et que le taux de chômage, à 6,8 p. 100, est à son niveau le plus bas depuis 1976. Cela signifie que les Canadiens âgés de moins de 24 ans n'ont jamais connu un taux de chômage plus bas.

Le Canada a obtenu ces bons résultats grâce à des taux d'intérêt bas, à l'élimination des déficits des administrations publiques et à la vigueur de l'économie mondiale. Ces facteurs nous donnent confiance en l'avenir.

Mais nous n'en sommes encore qu'au début. Cette confiance est d'autant plus justifiée si l'on considère les investissements de notre gouvernement dans l'éducation et la recherche ainsi que les réductions d'impôt, dont les effets commencent à peine à se faire sentir. Le défi à relever consistera à exploiter le mouvement amorcé et à établir les conditions durables nécessaires à une croissance économique vigoureuse et soutenue. Le plus grand risque qui nous guette, c'est de nous endormir sur nos lauriers.

Nous devons encourager l'entrepreneurship et le goût du risque. Ces qualités sont le piliers du succès dans la nouvelle économie.

[Français]

Monsieur le président, nous devons accroître l'investissement. Les entreprises qui investissent dans l'équipement de pointe et dans la formation de leurs employés sont celles dont la productivité augmente le plus rapidement et dont les employés sont le mieux payés.

• 1545

Pour leur part, les gouvernements doivent continuer à investir dans l'éducation, la recherche et l'innovation. Les pays qui disposent d'une main-d'oeuvre qualifiée seront gagnants dans la nouvelle économie du XXIe siècle. Ceux qui se seront dotés d'un système de recherche et d'innovation de classe mondiale seront à l'avant-garde de la nouvelle économie.

[Traduction]

Monsieur le président, le Canada doit créer un milieu plus attrayant pour les travailleurs du savoir, car ce milieu permet à un pays non seulement de conserver, mais d'attirer les plus grands talents.

Nous devons redoubler d'ardeur afin de renouveler et d'améliorer notre infrastructure. Les pays qui se dotent d'une infrastructure moderne disposent du coup de la meilleure plate-forme qui soit pour prospérer dans la nouvelle économie.

Ce faisant, nous ne devons jamais oublier notre responsabilité envers les plus vulnérables d'entre nous.

Monsieur le président, la nouvelle économie offre des possibilités exceptionnelles à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes. Le Canada doit être le pays où les choses se passent. Et le reste du monde doit savoir que nous sommes là où les choses se passent. Cela dit, nous ne pouvons pas simplement espérer réussir; nous devons assurer notre succès grâce à des choix judicieux et à une vision audacieuse. Nous ne pouvons pas être timorés; nous devons plutôt saisir toutes ces possibilités. Et ne vous y trompez, nous n'avons pas un instant à perdre.

Les quelques dernières années nous aurons enseigné que nous avons la capacité de franchir d'énormes obstacles. Sachons, au cours des prochaines, saisir les possibilités encore plus formidables qui s'offriront à nous. Nous pouvons atteindre tous nos objectifs durant cette décennie: créer une économie plus vigoureuse, réduire les impôts et la dette, créer de meilleurs emplois, réserver un environnement plus propre et plus sain, ériger les grandes cités de ce nouveau siècle, et donner à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens, peu importe la taille de la collectivité où ils vivent, les outils dont ils ont besoin pour réussir.

Tout cela est possible. C'est possible si nous conservons notre détermination et si nous nous attachons à nos priorités. Nous pouvons créer une économie et une société qui n'auront rien à envier à aucune autre au XXIe siècle. Nous pouvons bâtir un Canada qui donne à nos enfants le goût de faire leur marque ici, permettant aussi de bâtir un nouveau siècle de réussites. C'est la tâche que nous avons devant nous. C'est la possibilité qui s'offre à nous.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant faire un tour de questions. Nous ferons un premier tour de dix minutes, et nous commencerons par M. Harris.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): D'accord. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier pour cet excellent discours. Pendant un instant, j'ai failli m'y laisser prendre, mais la réalité a pris le dessus. Vous savez, il y a un vieux dicton qui dit: un gouvernement ne peut donner aux gens ce qu'il ne leur a pas pris.

Vous avez parlé de réduction d'impôts pour les Canadiens, et vous semblez vous en délecter, mais vous passez sous silence ce que votre gouvernement a fait à ces mêmes Canadiens depuis qu'il a pris le pouvoir en 1993. Vous omettez de parler du fait que le revenu disponible de la famille moyenne a chuté d'environ 4 000 $ et que le travailleur canadien moyen paie environ 2 000 $ de plus en impôts.

Donc, monsieur le ministre, lorsque vous dites que vous allez vous montrer bienveillant et généreux à l'égard des Canadiens, le fait est que vous les avez continuellement dépouillés depuis 1993 et voilà que vous voulez leur redonner leur argent maintenant. Je crois que force est de constater que les Canadiens ne bénéficieront pas d'un véritable allégement fiscal comme qu'on serait porté à le croire normalement—c'est-à-dire que les gens gagneront quelque chose—, mais qu'ils recevront seulement une partie de leur propre argent, qu'on leur a prélevé.

Votre gouvernement ne semble pas tellement disposé à se pencher sur des exemples historiques de ce que les véritables allégements fiscaux peuvent faire pour l'économie. Il suffit de voir ce qui s'est passé dans les provinces de l'Ontario et de l'Alberta pour constater les résultats, les résultats économiques, des véritables réductions d'impôt. Vous le savez très bien, et je sais que vous suivez de très près ce que font ces deux provinces pour essayer de vous en inspirer, mais vous semblez y résister quand même.

La véritable question est la suivante: quand les Canadiens verront-ils de véritables réductions d'impôt, des réductions d'impôt substantielles? Les travailleurs canadiens à revenu moyen sont imposés à outrance, et c'est la conséquence de vos programmes fiscaux des six dernières années.

Parlons-en des allégements fiscaux que vous proposez sur une période de cinq ans! Quand on regarde les chiffres—c'est de loin inférieur à ce que vous avez prélevés au cours des six dernières années—, je suis sidéré par cette fausse bienveillance que manifeste le gouvernement.

• 1550

Vous avez évoqué différentes façons de réduire l'impôt. Or, je constate que les dépenses ont augmenté radicalement chaque année, sans compter la mauvaise gestion dont sont accusés différents ministères, le manque d'imputabilité et, surtout, le gaspillage dont on entend parler tous les jours à l'échelle du pays.

En tant que ministre des Finances, ne pensez-vous pas qu'il vous appartient d'obliger ces ministères à réduire le gaspillage et à devenir plus efficace et, ce faisant, de traduire les économies ainsi réalisées par de véritables réductions d'impôt au profit des Canadiens?

M. Paul Martin: Tout d'abord, monsieur Harris, je suis ravi que vous ayez aimé ma déclaration préliminaire. J'aurais aimé pouvoir dire que je suis d'accord avec vos propos, mais malheureusement ils ne sont pas justes.

Si on prend l'exemple des revenus disponibles, vous avez raison de dire que le début des années 90 a été très difficile pour les Canadiens—la cause principale étant la récession qui avait commencé en 1989—, et je le dis moi-même dans mon allocution. Mais en réalité, les revenus disponibles au Canada, c'est-à-dire les revenus nets, sont restés stables en 1996, et depuis lors, ils ont augmenté. On s'attend à ce qu'ils augmentent de façon plus substantielle encore. L'année dernière, leur hausse a été assez fulgurante. Cette année, on escompte qu'il en sera de même, et la plupart des économistes prévoient qu'ils continueront à croître. Donc, la tendance est plutôt à la hausse maintenant. Si la première partie des années 90 a été caractérisée par la stagnation, la deuxième moitié a été marquée par une remontée substantielle des revenus disponibles. Tout cela pour dire que les Canadiens s'en tirent mieux maintenant.

Ensuite, vous avez parlé des Canadiens à revenu moyen, et votre constat est tout à fait juste. C'est pourquoi nous avons prévu dans le cadre de notre plan d'allégement fiscal de faire passer le taux d'imposition de 26 p. 100 à 24 p. 100 à partir de juillet et, à terme, à 23 p. 100 au bénéfice des Canadiens à revenu moyen. En fait, la principale différence entre le taux d'imposition uniforme, auquel vous souscrivez, et le taux progressif de l'impôt est la protection accordée aux Canadiens à revenu moyen.

D'autre part, vous avez fait une comparaison avec l'Ontario et l'Alberta. Or ces deux provinces ne voient pas la fiscalité du même oeil. En effet, l'Alberta, comme nous, a jugé qu'il fallait éliminer le déficit avant d'accorder d'importantes réductions d'impôt. L'allégement fiscal accordé à la génération actuelle ne doit pas se faire aux dépens des générations futures, et c'est précisément ce que le gouvernement Harris en Ontario a fait durant son premier mandat en décidant de financer les réductions d'impôt par des emprunts substantiels.

En ce qui concerne votre dernière question sur les dépenses, j'ai rappelé qu'en fait les deux tiers de nos nouvelles dépenses seront faites dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la recherche et de l'environnement. Monsieur Harris, laissez-moi vous dire que je ne voudrais pas qu'il en soit autrement. Les gouvernement doivent dépenser dans le domaine de la santé, de même que dans les domaines de l'éducation et de la recherche. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'ils doivent certainement faire des dépenses pour l'environnement.

M. Richard Harris: Mais cela représente la même somme que ce que votre gouvernement a retiré du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. À un moment donné, vous avez sabré 20 milliards de dollars dans les dépenses au titre du transfert, et cela représentait de 12 à 14 milliards de dollars dans le domaine de la santé. Vous ne faites que rendre petit à petit ce que vous avez pris. Vous avez donné 2 milliards de dollars dans ce budget-ci, mais le budget n'annonce rien pour les années à venir. Voilà que tout d'un coup, par magie, vous avez assez d'argent pour en donner. Doit-on s'étonner, étant donné qu'il pourrait y avoir des élections cette année? Je ne pense pas que nous soyons surpris.

Il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas de nouvelles dépenses que vous permettent les épargnes générées grâce à une gestion efficace, efficiente et économe. Il s'agit d'un nouvelle dépense que vous pouvez vous permettre parce que vous avez sabré dans les programmes de dépenses pour les soins de santé et l'éducation, d'une part, et parce que vous avez augmenté les impôts des Canadiens et des Canadiennes. On ne peut pas dire qu'il s'agit de nouvelles sommes libérées grâce à une gestion financière prudente de la part du gouvernement. C'est le moins qu'on puisse dire.

• 1555

Quant à l'impôt uniforme, ou à un taux unique d'imposition, que vous semblez craindre affreusement, on s'étonne de lire dans le journal de ce matin que M. Robert Mundell, Prix Nobel d'économie... Je pense que le journal titrait: «Mundell, Prix Nobel, approuve l'impôt uniforme». Et il vante les vertus d'un impôt unique. Il serait bon que plus de gens comme lui travaillent pour le gouvernement. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Nous ne pouvons pas être convaincus quand vous dites que le gouvernement sera généreux, qu'il s'inquiète de la crise dans le domaine de la santé au Canada, quand on sait que c'est votre gouvernement précisément qui a créé cette crise.

J'ai honte de le dire, j'ai honte pour le gouvernement, le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral, mais dans un classement de 50 régions du Canada en matière de santé, ma circonscription de Prince George—Bulkley Valley est au cinquantième rang pour la prestation des services de santé à des patients—à des gens qui ont besoin de services. C'est inacceptable dans un pays qui a le potentiel qu'a le Canada.

Votre gouvernement est au pouvoir depuis sept ans et nous avons constaté que la crise dans le domaine de la santé s'aggravait. Voilà qu'on injecte de nouveau de l'argent, mais on ne fait que restituer ce qui avait été enlevé au départ.

M. Paul Martin: Encore une fois, je vois une petite difficulté dans votre exposé des faits, monsieur Harris. Nous n'avons jamais transféré en espèces une somme de 20 milliards de dollars. Ce chiffre est inexact. Comme vous le savez, cette année, en espèces et en points fiscaux, les provinces recevront 31 milliards de dollars, ce qui représente un niveau record.

Je voudrais dire un mot à propos de votre remarque sur les élections. Le fait est que nous avons augmenté les transferts aux provinces régulièrement au cours des quatre dernières années. Depuis deux ans, ces transferts ont augmenté de 25 p. 100. Nous avons aussi dit clairement, comme l'ont dit tous les experts en matière de santé, qu'il faut trouver des solutions à long terme, et le gouvernement fédéral a déclaré sans équivoque qu'il participerait à la recherche de solutions à long terme grâce à sa part de financement à long terme.

En matière de santé, il nous faut d'abord et avant tout mettre un terme aux discours. Les Canadiens veulent que leur gouvernement réagisse. Ils veulent des solutions, et le gouvernement fédéral, a son mot à dire et fera sa part. Nous sommes convaincus de la vigueur du régime canadien de soins de santé universel. Nous pensons que nous pouvons éviter qu'il disparaisse, dans la mesure où on cessera de parlementer et qu'on s'attellera à la tâche.

Quant à ce que vous avez dit à propos des dépenses, je vous rappelle que nos dépenses correspondent à 12,5 p. 100 du PIB. Quand nous avons pris le pouvoir, elles étaient de 16,5 p. 100. C'est donc une réduction considérable qui illustre bien que nous contenons les coûts.

Pour ce qui est de l'impôt uniforme, j'espère que nous pourrons en débattre. Je voudrais dire qu'un impôt uniforme est injuste pour la classe moyenne. Son fardeau fiscal serait plus lourd que jamais. La meilleure preuve que c'est un régime fiscal qui profiterait aux riches aux dépens de la classe moyenne est le fait que même le gouvernement Harris ne s'y rallie pas. Si vous ne pouvez pas convaincre Mike Harris et Ernie Eves des avantages que présente l'impôt uniforme, je ne pense pas que vous puissiez convaincre qui que ce soit.

M. Richard Harris: Eh bien, c'est déplorable.

Le président: Monsieur Harris, votre temps est écoulé. Vous pourrez peut-être poser une autre question au deuxième tour.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Bonjour, monsieur le ministre. J'ai une question très précise à vous poser concernant la réforme du secteur financier. Vous avez mentionné dans votre exposé que vous vous apprêtiez à déposer une nouvelle loi qui va régir le secteur financier canadien.

Dans cette loi, il y a toute la question de la propriété des banques de moyenne dimension et de petite dimension. M. Landry vous a fait parvenir les conditions qu'il posait pour donner son soutien à cette nouvelle loi sur les banques afin de protéger la Banque Nationale du Canada et la Banque Laurentienne du Canada des effets pervers d'une détention par une seule personne des actions de la Banque Nationale allant jusqu'à 65 p. 100 et jusqu'à 100 p. 100 dans le cas de la Banque Laurentienne, qui est de demension plus petite.

Je vous énumère les critères que M. Landry voudrait voir dans votre loi. Il parle de critères concernant le maintien des services disponibles si on en arrivait à un niveau de détention de plus de 20 p. 100 des actions par un seul individu pour la Banque Nationale, par exemple. On compte aussi parmi ces critères l'effet des changements sur l'emploi au siège social, ainsi que sur l'emploi professionnel ou exigeant une expertise spécialisée.

• 1600

Il y a aussi l'effet de ces changements sur l'économie québécoise et sur le développement technologique au Québec, ainsi que sur le maintien des centres de décision ultime à Montréal. M. Landry ajoute:

    Nous pensons que la législation devra contenir des mécanismes assurant le respect des mesures qui seraient prises pour prévenir les effets défavorables de permettre à une personne de détenir plus de 20% des actions votantes d'une banque dans les domaines mentionnés précédemment.

Premièrement, avez-vous l'intention de répondre favorablement à cette demande de M. Landry? Deuxièmement, avez-vous l'intention de fondre ces critères dans la loi directement? Troisièmement, comment allez-vous libeller ce genre de proposition ou de demande?

M. Paul Martin: Comme vous le savez sans doute, monsieur Loubier, toutes les banques nous ont demandé de leur donner plus de flexibilité afin qu'elles puissent créer des alliances. Lorsqu'on tient compte de la mondialisation, ces alliances sont très importantes pour la croissance de ces industries. C'est d'ailleurs le cas pour n'importe quelle industrie qui veut opérer à un niveau plus large.

Dans le cas des grandes banques, c'est-à-dire les banques qui dépassent les 5 milliards de dollars, nous avons décidé d'augmenter leur capacité de faire ces alliances en faisant passer la participation maximale des actionnaires de 10 à 20 p. 100. Les banques qui se situent sous la barre des 5 milliards de dollars, donc les deux banques au Québec, soit la Banque Laurentienne du Canada et la Banque Nationale du Canada, nous ont dit que parce qu'elles étaient plus petites, elles avaient besoin de plus de souplesse, de plus de flexibilité. Or, on a jugé que leur demande avait du mérite. C'est pour cela qu'on a décidé de leur donner la possibilité de créer des alliances à un niveau plus élevé que 20 p. 100, à un niveau allant jusqu'à 65 p. 100.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, si votre cadre législatif est conforme à votre Livre blanc, vous permettez à des petites banques de s'associer, par exemple, à des sociétés de fiducies, des sociétés d'assurances, etc., dans le cadre d'un consortium. Vous permettez déjà cela. Vous permettez de faire des alliances. Comment le fait d'augmenter la propriété d'un seul individu de 10 à 65 p. 100 va-t-il donner à la Banque Nationale plus de flexibilité? Pourquoi faudrait-il, pour avoir plus de capitaux, devoir se vendre à un seul actionnaire qui détiendrait 65 p. 100 des actions? Depuis quand y a-t-il une rareté de capitaux sur le marché canadien qui fait en sorte que la Banque Nationale a besoin de se vendre à quelqu'un pour ses projets d'expansion?

M. Paul Martin: Tout d'abord, le but primordial n'est pas la vente d'une banque, mais la possibilité de créer des alliances. On a dit jusqu'à 65 p. 100, mais on n'a pas dit 65 p. 100. Il se peut fort bien qu'elles le fassent avec 30 p. 100 ou 40 p. 100. On a décidé de permettre qu'il y ait énormément de possibilités et d'options, et le gouvernement canadien se réserve le dernier mot. C'est le gouvernement du Canada qui va donner le feu vert, non seulement après, mais avant que les banques ne procèdent à une alliance.

M. Yvan Loubier: Oui, mais ce que je vous demande...

M. Paul Martin: Si vous me le permettez...

M. Yvan Loubier: Dans ce cas-là, je vous demande si vous allez inclure les critères suggérés par M. Landry dans votre mesure législative...

M. Paul Martin: Non. Nous allons...

M. Yvan Loubier: ...pour éviter qu'il y ait un seul détenteur de 65 p. 100 des actions, avec tous les effets pervers que cela impliquerait.

M. Paul Martin: Je comprends très bien votre question. J'essaie d'y répondre, mais vous ne m'en donnez pas le temps.

M. Yvan Loubier: Est-ce que vous allez répondre à cette question?

M. Paul Martin: C'est ce que je fais, mais il m'est impossible d'y répondre pendant que vous parlez.

M. Yvan Loubier: Je vous demande juste un oui ou un non. Vous n'avez pas besoin de définir votre mesure législative.

M. Paul Martin: Non, mais puisque vous ne semblez pas la comprendre, je dois l'expliquer.

M. Yvan Loubier: Je comprends fort bien.

M. Paul Martin: Il n'est pas possible d'élaborer sur toutes les options possibles dans une mesure législative. On ne veut pas créer un carcan. On veut donner plus de flexibilité et de souplesse. Certes, les considérations que M. Landry a incluses dans sa lettre sont des considérations que le gouvernement canadien va étudier sérieusement. Ce sont des considérations que nous avons déjà soulevées nous-mêmes.

Alors, la réponse à votre question est que nous allons agir dans l'intérêt du public. Dans le cas de la Banque Nationale, par exemple, nous agirons non seulement dans l'intérêt public du Canada, mais aussi dans l'intérêt public des Québécois et des autres Canadiens.

• 1605

Donc, monsieur le président, nous allons agir dans l'intérêt public, et ce sont certainement des considérations dont nous allons tenir compte.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, cela veut donc dire qu'il faut vous faire confiance et qu'on ne doit pas compter sur vous pour intégrer les critères énoncés par M. Landry dans votre loi.

M. Paul Martin: C'est exactement cela. Nous allons agir...

M. Yvan Loubier: On doit vous faire confiance pour défendre le secteur financier québécois, les intérêts des Québécoises et des Québécois...

M. Paul Martin: Monsieur Loubier, je vais vous dire une chose. Vous pouvez être absolument certain que je vais protéger le secteur financier québécois. Le gouvernement canadien est là pour le faire.

M. Yvan Loubier: Parlons justement de confiance. Vous avez mentionné tout à l'heure, monsieur le ministre... Vous ressemblez de plus en plus à votre chef. Je ne sais trop s'il déteint sur vous, mais...

M. Paul Martin: C'est un compliment. Merci beaucoup.

M. Yvan Loubier: Vous êtes en train de décrire un pays virtuel. Vous dites que ce pays-là traite les personnes avec compassion et dans le respect de leur dignité. Comment pouvez-vous affirmer une telle chose, alors que depuis que vous êtes arrivé au pouvoir, depuis 1993, le nombre d'enfants pauvres au Canada est passé de 1 million à 1,5 million? Vous n'avez pas investi un cent supplémentaire dans la construction de nouveaux logements sociaux alors que de plus en plus de personnes démunies consacrent plus de 50 p. 100 de leur revenu au loyer.

Si c'est un pays qui pratique la compassion, comment se fait-il que vous ayez exclu vous-même 60 p. 100 des chômeurs et chômeuses du régime d'assurance-emploi par la réforme de l'assurance-emploi? Comment se fait-il que d'ici 2002, vous aurez coupé, comme ministre des Finances, au-delà de 30 milliards de dollars dans le Transfert social canadien, qui sert à financer l'aide sociale, l'éducation supérieure et la santé?

Comment pouvez-vous dire que nous vivons dans un pays qui pratique la compassion, le pays politique virtuel que vous avez en tête, quand une famille de deux adultes ayant un enfant à charge commence à payer de l'impôt au fédéral à compter d'un revenu de 13 700 $, tandis qu'au Québec, par exemple, elle en paie à compter d'un revenu de 30 000 $?

Et comment pouvez-vous dire qu'on vit dans un pays de compassion alors que vous laissez les impôts des grandes compagnies être reportés indéfiniment, comme c'est le cas de la compagnie de votre ami Monty qui gère les bourses du millénaire, qui doit 2,3 milliards de dollars envers le fisc fédéral, qui n'a pas payé ces impôts alors qu'ils sont dus? Comment pouvez-vous dire qu'on est dans un pays de compassion, un pays d'équité, un pays où règne la justice sociale?

Ça me dépasse quand j'entends votre premier ministre et quand je vous entends aussi proclamer de telles choses. Je tombe du haut de ma chaise. Expliquez-moi ça.

M. Paul Martin: Vous allez tomber d'encore plus haut quand vous verrez les faits. Il faut bien dire que nous avons créé, durant la dernière année, au-delà de 350 000 à 400 000 nouveaux emplois. Il faut voir, par exemple, le nombre d'emplois qui ont été créés pour les femmes et pour les jeunes. Nous sommes en train de créer des emplois à un niveau quasiment record.

Vous parlez des impôts. Depuis notre dernier budget, une famille qui vit avec un salaire de 35 000 $, par exemple, ne paiera aucun impôt net au gouvernement canadien. C'est donc zéro. Cette famille va payer un certain montant de taxes, mais aucun impôt net.

Et vous parlez des enfants. Voyez la Prestation nationale pour enfant. Selon le dernier budget, la Prestation nationale pour enfant, qui a été créée par ce gouvernement, accorde aujourd'hui 1 800 $ pour le premier enfant, montant qui sera porté d'ici trois ans à 2 400 $, soit une augmentation de 2,5 milliards de dollars.

Donc, qu'il s'agisse d'emplois, d'enfants, de baisse ou d'élimination des impôts pour les familles avec enfants, c'est très clair. Malheureusement pour vous, monsieur Loubier, les résultats sont là. C'est une des raisons pour lesquelles le revenu réel par famille est en croissance. Et c'est une des raisons que nous avons de créer des emplois au Canada.

Voyez la situation qui existe aujourd'hui.

M. Yvan Loubier: De combien sera votre surplus cette année, surplus que vous allez chercher dans la poche des chômeurs, dans la poche des plus démunis, dans la poche des provinces aussi, surplus qui vous permet de vous péter les bretelles en disant que vous faites beaucoup pour les familles canadiennes? Il sera de combien cette année, votre surplus?

M. Paul Martin: J'espère pour ma part qu'il sera très élevé et qu'on pourra l'utiliser, comme on l'a fait, pour diminuer les impôts, investir dans la santé et abaisser le niveau de la dette. Voilà.

M. Yvan Loubier: De combien? De combien? Vous ne répondez pas. Incroyable!

M. Paul Martin: Oui, ce l'est.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Loubier.

[Français]

M. Paul Martin: C'est vraiment une révolution. Au Canada, ça va bien.

[Traduction]

Le président: Monsieur le ministre, la question viendra du côté droit maintenant.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Faites-lui la vie dure.

M. Roger Gallaway: Jamais de la vie.

Monsieur le ministre, vous êtes ici manifestement pour parler de la partie III, les plans et les priorités, et je vais vous poser des questions concernant les politiques générales qui sous-tendent ces deux éléments. On sait très bien que dans vos fonctions de ministre des Finances, vous avez contenu étroitement et minutieusement les habitudes de dépenses, si je puis dire, des autres ministères. Comme le prévoit votre mandat, vous avez prodigué des conseils aux autres ministères pour assurer une saine gestion financière. Votre ministère affirme avoir contribué au redressement des choses, et vous avez vous-même, dans votre exposé liminaire, parlé de dépenses judicieuses.

• 1610

À ce propos, je vais vous poser une question. Il y a un secteur du gouvernement qui, sans avoir augmenté le nombre de ses clients, sans avoir multiplié ses activités, n'en a pas moins augmenté ses dépenses de 30 p. 100 depuis trois ans. Je voudrais savoir quels conseils de saine gestion financière vous prodiguez au Sénat du Canada.

Des voix: Oh, oh!

Le président: C'est une bonne question.

M. Paul Martin: Nul doute. Lorne, allez-vous poser la question complémentaire?

M. Lorne Nystrom: [Note de la rédaction: Inaudible]... le Sénat.

M. Paul Martin: Cela serait inespéré!

Le fait est que nous avons imposé un contrôle très rigoureux des dépenses du Sénat et que nous avons des consultations avec le Sénat pour discuter des dépenses, même si, comme vous le savez, il s'agit d'une institution indépendante dans notre régime parlementaire. Le Sénat a entrepris récemment certaines études majeures. Il a participé activement à l'étude de toute la question de la législation sur les banques, comme l'a fait ce comité-ci, évidemment. Le Sénat vient d'entreprendre une vaste étude sur la santé.

Bien sûr, nous rencontrons les dirigeants pour discuter avec eux des dépenses du Sénat. À mon avis, monsieur Gallaway, le Sénat rend de très grands services en menant à bien le genre d'études qu'il fait.

M. Roger Gallaway: D'accord. Je vais passer à autre chose.

À propos de la décision du gouvernement de supprimer les billets de 1 $ et de 2 $, ce que bien des gens approuvent, je voudrais vous poser une question. Le gouvernement a réalisé ainsi des économies considérables. En même temps, pour certains secteurs, cette mesure a entraîné des coûts. Serait-il déraisonnable que le gouvernement, ayant épargné une somme considérable, dédommage en partie ceux qui ont dû assumer des coûts du fait de cette mesure?

M. Paul Martin: Songez-vous par exemple au secteur des machines distributrices?

M. Roger Gallaway: Oui.

M. Paul Martin: Comme vous le savez, il y a eu indemnisation partielle pour certains de ces coûts. On cherche encore à déterminer si l'indemnisation était adéquate, si elle était totale ou partielle. Il y a divergence d'opinions à ce sujet. Au sujet du huard, surtout.

Je pense que la question que vous soulevez est pertinente. Mais lorsque le gouvernement apporte des changements législatifs, ce qui est incontournable, devrait-il indemniser tous ceux qui pourraient être touchés? Le cas échéant, comment déterminer l'ampleur de cette indemnisation. C'est là que le bât blesse.

Le principe que vous avez énoncé, à savoir que le gouvernement devrait manifestement envisager l'indemnisation, est un principe auquel nous n'avons pas d'objection. Mais le problème, c'est de déterminer jusqu'où il faudrait aller et quelle devrait être cette indemnisation. Dans ce cas-ci, le gouvernement a pris la décision d'établir une limite.

M. Roger Gallaway: L'introduction du huard s'est faite avant 1993. Dans le cas du huard, on n'a pas indemnisé l'industrie. Selon un secteur de l'industrie, les coûts auraient dépassé 50 millions de dollars.

M. Paul Martin: Sauf erreur de ma part, quand je suis devenu ministre des Finances, la question de l'indemnisation pour les pertes causées par l'introduction du huard était tout à fait d'actualité. Bien que la décision ait été prise par un autre gouvernement, nous avons dû régler la question de l'indemnisation.

• 1615

L'indemnisation pour les pertes causées par l'introduction par la pièce de 2 $ est devenue une question encore plus pressante, mais dans le cas du huard, il y a eu indemnisation. Le débat porte en réalité sur le montant de cette indemnisation; la question étant de déterminer s'il est suffisant ou non. Vous savez, la question se pose toujours. Il n'est pas toujours facile de savoir où fixer les limites.

M. Roger Gallaway: Justement, ma dernière question porte sur ces limites.

En 1996, on a mis en place des nouvelles règles pour l'assurance-emploi, des règles comme la règle de l'intensité et la disposition de récupération. Par conséquent, certains... que j'appellerai des travailleurs qualifiés qui ne travaillent pas comme saisonniers, mais qui trouvent de l'emploi grâce à des investissements massifs de capitaux au Canada. Chaque année, ces travailleurs se retrouvent au chômage de temps à autre.

Dans le cadre du régime de 1996, étant donné que ces règles en sont à leur deuxième année, il y a des travailleurs qui ont touché 2 000 $, soit environ cinq semaines de prestations d'assurance-emploi, et qui doivent payer de l'impôt. En effet, ils doivent payer de l'impôt sur les 2 000 $ de prestations au taux de 70 p. 100. Nul autre travailleur canadien qui a un revenu de 42 000 $... C'est donc un revenu de 40 000 $ sur lequel ils devront payer un taux d'imposition marginal en plus des déductions. Sur ces prestations de 2 000 $, ils doivent payer 1 400 $ en impôt ou 70 p. 100; le taux d'imposition peut être aussi élevé que cela. À l'heure actuelle, la plupart des ces travailleurs paient des impôts à ce taux-là.

Que pouvez-vous dire à ces gens-là compte tenu de l'énorme excédent dont on dispose au titre de l'assurance-emploi?

M. Paul Martin: Tout d'abord, tout texte législatif, y compris celui sur l'assurance-emploi, fait évidemment l'objet d'un examen constant. C'est grâce à ce genre d'examen que le gouvernement a pu, par exemple, proposer le congé parental, qui avantage grandement les familles qui ont des enfants. Il s'agit d'un nouveau changement qui s'inscrit dans le cadre de l'examen continu.

Le problème des taux d'imposition marginaux très élevés, et il s'agit essentiellement de récupérer le dernier dollar perçu comme revenu, est un problème propre à tous les programmes établis en fonction du revenu. Voilà la raison. Cela ne touche pas uniquement le régime d'assurance-emploi. Le problème se pose chaque fois qu'il s'agit d'un programme d'avantages établis par le gouvernement en fonction du revenu; c'est une question de calcul mathématique. La solution à ce problème est simple: réduire le taux d'imposition sur le revenu. C'est de loin la solution la plus importante.

Le président: Merci, monsieur Gallaway.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur le ministre, il est agréable de vous avoir parmi nous. En relisant le texte de votre exposé, je vois ceci:

    La nouvelle économie est caractérisée notamment par le changement d'attitude qu'elle exige, non seulement de la part du gouvernement, mais de celle des entreprises et de la société dans son ensemble.

Je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites, et j'en constate d'ailleurs la preuve dans ma propre circonscription de Kitchener-Centre où l'industrie, qui était majoritairement une industrie de transformation, est maintenant fondée sur la haute technologie.

Je sais que, par rapport à ce qu'on trouve à l'étranger, notre régime de crédit d'impôt à la R-D est généreux. Il est manifeste que les entreprises investissent dans la R-D dans la mesure où cela leur procure des débouchés commerciaux. Par ailleurs, le taux de concrétisation des activités de R-D n'est pas proportionnel. La générosité même du régime est telle qu'on s'attendrait à voir davantage de compagnies en profiter.

Je me demande s'il ne nous arrive pas parfois de voir la R-D dans un cadre trop restreint. Nous devrions également nous demander si le régime fiscal applicable aux entreprises n'est pas pénalisant pour certaines d'entre elles. La marotte de mon époux est la question des gains en capital, et je vous remercie d'ailleurs encore une fois d'avoir améliorer le régime dans votre dernier budget.

Mais lorsque je pense à la situation d'ensemble, je sais que sur le plan international, l'un des problèmes qui se pose à nous est que nous devons arriver à faire la preuve que nous ne dépendons plus autant qu'auparavant du secteur des ressources. Ici encore, je pense à la croissance du secteur de la haute technologie, aux gains et aux innovations qui semblent véritablement être la marque de la nouvelle économie. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il me semble en effet que tous ces éléments doivent être placés dans leur juste contexte.

M. Paul Martin: En ce qui concerne le crédit d'impôt à la recherche scientifique et le développement, vous avez parfaitement raison. Il y a énormément de compagnies qui s'en sont prévalues et il est indubitable que ce régime a produit des dividendes énormes. Par contre, une des choses que nous avons appris, c'est qu'un certain nombre de compagnies plus petites n'ont pas été capables d'en profiter, pour des raisons de complexité bureaucratique ou parce qu'elles n'étaient pas encore parvenues au niveau nécessaire. Ces compagnies nous ont dit pour l'essentiel que le régime était trop étroitement axé sur les moyennes et grosses entreprises. C'est là quelque chose qui doit appeler l'attention du gouvernement et d'ailleurs, c'est déjà chose faite.

• 1620

Lorsque vous pensez au nombre phénoménal de toutes nouvelles entreprises qui surgissent un peu d'on ne sait où, des entreprises toutes petites, lorsqu'on pense également au niveau de réussite que vous affichez dans votre propre circonscription, à Kitchener, je pense que c'est effectivement un élément important et dont mon ministère s'est d'ailleurs saisi.

Le deuxième élément que vous mentionnez a également une très grande importance à mon avis. Une des choses que nous avons apprise pendant la crise asiatique, c'est que dans le reste du monde, on voyait surtout le Canada comme un pays qui dépendait presque totalement des ressources naturelles. Les autres pays ne pensaient pas du tout aux avancées phénoménales de notre secteur de la haute technologie depuis 15 ans, à tel point d'ailleurs que nous sommes devenus l'une des locomotives mondiales dans ce domaine. Il est extrêmement important de provoquer ce changement de perception à l'étranger parce que l'attitude des investisseurs potentiels dépend précisément de l'idée qu'ils se font du Canada. Il en va de même pour ce qui est d'attirer chez nous les talents nécessaires. Cela se constate d'un bout à l'autre de la gamme.

Une des choses que nous devons faire au Canada, c'est persuader les autres que nous sommes véritablement l'une des locomotives du développement de la nouvelle économie. Votre intervention est donc tout à fait à propos.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

Le président: Madame Leung.

Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre rapport. Vous parlez beaucoup de la nouvelle économie et de l'accroissement du financement accordé à la santé, à l'éducation, à l'investissement, ainsi qu'à la réduction de la dette publique. Quelles sont les mesures spécifiques que vous êtes prêt à prendre en vue du prochain budget?

M. Paul Martin: Vous voulez parler de la dette publique?

Mme Sophia Leung: En effet.

M. Paul Martin: Il faut regarder le problème de la dette sous deux angles. Nous avons manifestement réussi à réduire considérablement la portion de la dette publique du Canada contractée auprès des investisseurs institutionnels. Pour ce qui est des comptes publics, chaque année depuis deux ans nous avons réduit cette dette en moyenne de plus de 3 milliards de dollars et je peux vous dire que lorsque les chiffres de cette année-ci seront connus, vers la fin de l'été ou au début de l'automne, vous constaterez que nous aurons encore une fois réduit notablement ce chiffre. Cela prouve en d'autres termes qu'à mesure que les excédents gonflaient l'an dernier, nous les avons orientés sur la santé, la recherche ainsi que la réduction de la dette. Tout cela produit des dividendes très importants ainsi que des économies notables au niveau du service de la dette, économies que nous pouvons utiliser à des fins plus importantes.

Simultanément, toujours pour parler de la dette, nous avons allongé les échéances de manière à ce que notre dette à moyen et à long terme représente environ les deux tiers du total. Cela signifie qu'une augmentation de 1 p. 100 des taux d'intérêt, qui nous aurait coûté à peu près 1,7 milliard de dollars la première année lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous coûterait maintenant 900 millions de dollars environ. C'est donc une économie appréciable. Non seulement réduisons-nous la dette proprement dite, mais nous réussissons également à la gérer d'une façon beaucoup plus suivie.

Je voudrais également faire valoir qu'exception faite des États-Unis et aussi du Royaume-Uni cette année-ci, nous sommes l'un des très rares pays industrialisés qui ait réussi à réduire sa dette publique. La plupart des pays font le contraire. La plupart des pays creusent encore leur déficit. Nous par contre, nous réduisons notre dette. Lorsque vous songez à notre ratio dette publique—PIB—qui est en soit une question entièrement différente—c'est probablement le Canada qui, de tous les pays industrialisés, a réussi à faire baisser le plus ce ratio.

Mme Sophia Leung: À l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, le marché s'effondre, ce qui nous pose un petit problème économique. Vous aussi, vous venez de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Pas du tout.

Mme Sophia Leung: Mais vous êtes néanmoins de l'Ouest.

Une voix: Il voudrait bien être de la Colombie-Britannique.

Mme Sophia Leung: Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir ce que vous pourriez faire, monsieur le ministre pour rouvrir ce dossier et peut-être donner un petit coup de pouce à ma province.

• 1625

M. Paul Martin: L'économie de la Colombie-Britannique a effectivement été en proie à plusieurs problèmes, dont évidemment la crise asiatique. C'est une province dont l'économie repose beaucoup sur les ressources naturelles, l'exploitation minière, les pâtes et papier, etc, de sorte que la crise asiatique l'a durement touchée.

Cela revient d'ailleurs à la question posée par Mme Redman au sujet des investissements dans la R-D. Lorsqu'on pense aux sommes que nous avons investies dans la R-D au Canada et à l'effet que cela a eu sur les grandes universités de la Colombie-Britannique qui ont tellement profité de ces investissements, lorsqu'on songe aux grand hôpitaux universitaires de la Colombie-Britannique et à la façon dont eux aussi en ont profité, lorsqu'on songe aux modifications que nous avons apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu au profit de ceux qui veulent faire de grosses dations avec une réduction proportionnelle de leurs gains en capital et lorsqu'on constate que l'Université de la Colombie-Britannique a même reçu une dation de 50 millions de dollars—l'une des plus importantes jamais faite au Canada—en conséquence de ces amendements apportés à la Loi de l'impôt sur le revenu, et lorsqu'on fait ensuite l'adéquation avec les chiffres les plus récents qui montrent qu'en Colombie-Britannique, la création d'emplois dans le secteur de la haute technologie est en croissance exponentielle, on commence à comprendre que les politiques de notre gouvernement ont eu un effet très bénéfique en Colombie-Britannique. Cet état de choses est manifestement dû au dynamisme dont font preuve ces secteurs de l'économie de la Colombie-Britannique.

Mme Sophia Leung: Comment le fait que le Canada préside le G-20 va-t-il s'inscrire dans vos plans pour notre pays et son économie? Comment pourrions-nous en profiter ici?

M. Paul Martin: Il n'existe probablement aucun autre pays dont l'avenir soit autant lié que le nôtre à notre réussite sur les marchés internationaux. Il n'y a pas de pays qui dépendent plus du commerce que le nôtre. Ainsi, toute instabilité des marchés internationaux nous affecte beaucoup.

Je reviens encore une fois à l'exemple de la Colombie-Britannique. Pensez à l'effet que la crise asiatique a eu sur le prix des produits de base. En deux mots, chaque fois que le prix des produits de base chute, le Canada souffre. Lorsque le prix des produits de base chute, c'est l'économie américaine qui en profite. Par conséquent, la stabilité des marchés internationaux est extrêmement importante pour nous.

S'agissant du G-20, il s'agit pour nous de faire en sorte d'implanter au niveau international les structures dont nous avons besoin pour arriver à cette stabilité. Cela veut dire qu'une secrétaire à Montréal, un routier à Vancouver, un ouvrier de la région Atlantique pourront compter sur un revenu stable grâce à la stabilité des revenus sur le plan mondial.

Mme Sophia Leung: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le ministre, à supposer qu'il y ait une augmentation de la prestation fiscale canadienne pour enfants qui est un élément non imposable et qui ne fait pas partie des remboursements d'impôt accordés aux Canadiens, ce montant disponible supplémentaire fait-il partie intégrante des sommes que vous avez citées lorsque vous avez parlé de l'augmentation du revenu disponible? Ce revenu disponible est-il fonction des remboursements d'impôt ou de toutes les sources?

M. Paul Martin: Non, il s'agit du revenu disponible de toutes les provenances.

M. Paul Szabo: Je vois.

J'ai suivi avec intérêt le dialogue que vous avez eu avec M. Harris au sujet de la fiscalité. J'ai le sentiment que s'il y a une chose qui puisse mobiliser tous les Canadiens, c'est la fiscalité et la nécessité qu'il y a de réduire les impôts. D'ailleurs, ce sera très probablement l'une des clés de voûte d'une prochaine campagne électorale, à croire ce qu'en disent les différents partis.

Pour l'instant, je ne pense pas que nous sachions au juste quel mécanisme pourrait être utilisé pour arriver à un barème fixe de 17 p. 100. Cette idée d'un taux fixe de 17 p. 100 pour l'impôt fédéral à tous les niveaux de revenu nous revient sans cesse sur le tapis. Je sais par contre ce que Steve Forbes avait proposé dans le même sens aux États-Unis à l'occasion de deux campagnes présidentielles. En plus de réduire le taux d'imposition à 17 p. 100, peu importe le chiffre—bref un taux fixe—il préconisait également l'élimination des exemptions accordées à toutes sortes d'autres sources de revenu comme les héritages, d'autres types de gains, les dons et ainsi de suite, qui deviendraient imposables. Par conséquent, même si le taux d'imposition diminue, davantage de gains seraient imposés.

Dans la même veine, il y aurait beaucoup moins de déductions. En fait, il y en aurait très peu étant donné que le but même d'un taux d'imposition unique, à en croire Forbes, c'est la simplification du système. Selon sa formule, tout gain devient imposable et il ne faut pas attendre des déductions parce que nous augmenterions ainsi l'exemption de base, c'est-à-dire la première tranche de revenu exonérée, pour tout le monde.

• 1630

Étant donné que nous ne connaissons pas tous les détails des plans mis au point par quelque parti politique que ce soit dans ce domaine, si nous partons du principe que le seul changement que nous apporterions aux tables d'imposition de la Loi de l'impôt sur le revenu serait d'éliminer les deux taux actuels de 26 et 29 p. 100 pour les ramener à 19 p. 100, pourriez-vous nous dire approximativement ce que ces recettes fiscales qui disparaîtraient coûteraient au trésor public du Canada?

M. Paul Martin: De toute évidence, comme vous l'avez dit, nous ne connaissons pas tous les détails, mais selon nos calculs—d'après ce que propose par exemple l'Alliance—cela coûterait environ 20 milliards de dollars en recettes fiscales perdues.

M. Paul Szabo: Chaque année?

M. Paul Martin: Chaque année.

M. Paul Szabo: J'ai lu aujourd'hui dans un quotidien que l'un des candidats de l'Alliance avait laissé entendre que nous pourrions nous départir de certaines sociétés d'État. J'ai oublié desquelles il s'agissait, mais il semble qu'en procédant ainsi, on pourrait obtenir un surcroît de recettes, le reste devant, j'imagine, venir des budgets ministériels, Si nous prenons l'exemple du ministère du Développement des ressources humaines, dont l'Alliance voudrait réduire le budget, avons-nous réfléchi? Si les programmes conduits par le ministère étaient suffisamment réduits pour faire pendant à une telle diminution des recettes fiscales, avons-nous réfléchi aux conséquences fortuites ou négatives que cela pourrait avoir au niveau de l'augmentation du coût des programmes sociaux, de la justice, de l'éducation et ainsi de suite? Si nous n'avions pas ces programmes, quelles en seraient les conséquences?

M. Paul Martin: Il y aurait effectivement des conséquences. Laissez-moi vous donner deux exemples. On peut voir les choses sous deux angles. Si vous prenez ces 20 milliards de dollars... Les réformistes disent que cela leur coûterait environ 15 milliards de dollars en recettes fiscales perdues, mais ils omettent de dire une ou deux choses. Si vous prenez ces 20 milliards de dollars, qui sembleraient être le chiffre le plus raisonnable au cas où ce système viendrait à être adopté, et si on compare cela aux dépenses incompressibles—les frais d'intérêt par exemple—et j'imagine également qu'ils ne toucheraient pas aux pensions de vieillesse, aux transferts aux provinces pour la santé, si vous voyez ce que je veux dire—sans tenir compte même des augmentations du budget de la défense qu'eux-mêmes préconisent, le gouvernement du Canada ne pourrait probablement pas se permettre des choses comme la sécurité dans le domaine alimentaire, la GRC, et nous devrions probablement aussi fermer tous les pénitenciers. Essentiellement, avec les chiffres qu'ils avancent, le gouvernement canadien serait dans l'impossibilité d'offrir à quelque niveau que ce soit les services essentiels minimums qui sont pourtant nécessaires.

Voilà donc une façon de répondre à votre question. Cela ne tient pas compte du fait que les réformistes ont également dit que leurs mesures de réduction d'impôt et de réduction de la dette se feraient à parts égales. Par conséquent, si vous réduisez les impôts de 20 milliards de dollars, il faut que vous réduisiez également la dette de 20 milliards de dollars, ce qui veut dire moins 40 milliards de dollars. Ces 40 milliards de dollars sont déduits d'un total de 112 milliards de dollars, c'est ce que nous dépensons, sans compter la dette publique. Vous pouvez donc vous imaginer comment cela affecterait la capacité du gouvernement à offrir ses services essentiels.

L'autre façon de répondre à votre question, monsieur Szabo, s'inscrit dans le profil de ce que Stockwell Day disait ce matin même. Il a dit qu'il n'introduirait pas immédiatement son taux d'imposition uniforme, si j'ai bien compris, parce qu'il y a certains secteurs—je crois qu'il a parlé notamment des étudiants—dont il voudrait s'occuper. Comprenez bien ce que cela veut vraiment dire. Ce qu'il nous dit, c'est qu'avec notre système fiscal progressif, on peut précisément s'occuper du cas des étudiants, des handicapés, de tout ceux qui ont besoin d'un régime fiscal particulier, et qui seraient complètement délaissés avec l'introduction d'un taux d'imposition unique.

Je dois vous dire ici qu'à mon avis, c'est une lacune rédhibitoire. C'est d'ailleurs à mon avis l'une des raisons pour lesquelles—et vous avez vous-même parlé de Steve Forbes—le Parti républicain, qui a beaucoup planché sur la notion de taux d'imposition unique, n'a pas pu concrétiser cela. La raison en est qu'il n'a tout simplement pas voulu marginaliser ainsi des couches entières de la société, ce qui serait le résultat inéluctable d'un taux d'imposition unique.

M. Paul Szabo: Je voudrais vous poser une dernière question. La véritable différence entre le système actuel de surimposition et ce que d'aucuns proposent dans le cadre d'un taux d'imposition unique, c'est toute cette notion de progressivité érigée en principe fiscal.

M. Paul Martin: Tout à fait.

• 1635

M. Paul Szabo: Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire ou nous répéter que le gouvernement est résolu à conserver cette progressivité. Par ailleurs, et même si je comprends que nous essayons de réduire la disparité qui existe entre les différents taux, en aplatissant un peu la courbe, pourquoi est-il important pour les Canadiens... en d'autres termes, pour quelles raisons voudrait-on conserver ce principe de la progressivité du système fiscal?

M. Paul Martin: La raison est fort simple, et je suis prêt à la répéter sans aucune équivoque, il faut conserver cette notion pour la simple raison que plus on gagne, plus il faut payer d'impôt. Vous avez parfaitement raison, nous aimerions aplatir un peu la courbe et c'est la raison pour laquelle nous voulons réduire le taux d'imposition qui s'applique à la classe moyenne. Nous estimons en gros que lorsque les réductions d'impôt sont mises en place, même si ces réductions s'appliquent à toute la fourchette des revenus, c'est surtout ceux qui en ont besoin le plus qui doivent en profiter et, en l'occurrence, ce sont les Canadiens à faibles et moyens revenus.

Il y a une bonne raison pour que même le gouvernement Harris soit d'accord avec nous, et c'est que quel que soit le niveau de réduction du taux d'impôt, le système fiscal progressif offre davantage de réductions d'impôt à la classe moyenne, c'est-à-dire à ceux qui gagnent entre, mettons, 25 000 et 55 000 $, qu'un taux d'imposition unique.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Merci, monsieur le président.

Je ne puis m'empêcher de me demander, lorsque vous dites qu'un taux d'imposition unique nous contraindrait à fermer toutes les institutions fédérales, si cela comprend également le Sénat? Ce serait peut-être une bonne façon de régler ce problème.

Quoi qu'il en soit, je m'y perds un peu, monsieur le ministre. Je me souviens avoir entendu M. Day dire il y a quelque temps qu'il ne voulait pas que le gouvernement fédéral s'occupe de percevoir les impôts, qu'il voulait que les provinces s'en chargent et envoient tous les ans un chèque au gouvernement fédéral. Cela me semble également un peu bizarre et je suis sûr que vous n'en disconviendrez pas.

Je voudrais...

M. Ken Epp: J'invoque le règlement, monsieur le président. Je pensais que nous étions ici pour parler du plan du ministre des Finances et je trouve un peu étrange qu'il y ait des gens qui profitent du débat pour, finalement, donner une image tout à fait trompeuse de notre position, et je pense que nous devrions revenir à nos moutons.

Le président: Monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom: Comme je le disais, monsieur le ministre, je voudrais vous poser trois ou quatre questions.

Ma première question portera sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Vous dites dans votre exposé que ce transfert devra bien entendu être réexaminé après cinq ans—ce qui surviendra pendant le prochain mandat—puisqu'il vient, je crois, à échéance en 2003-2004. Pourriez-vous nous faire profiter pendant quelques instants de votre réflexion à ce sujet et nous dire en quels termes vous escompteriez le reconduire. Pour l'heure, c'est un peu un trou noir: le gouvernement fédéral injecte de l'argent et les provinces offrent des programmes différents. Il y a souvent des échauffourées entre le gouvernement fédéral et les provinces, voire entre les provinces elles-mêmes, sur la question de savoir quels sont les programmes qu'il faut mettre en place. La constitution donne aux provinces certains champs de compétence, certes, et il y a donc des choses qu'elles peuvent faire et d'autres qu'elles ne peuvent pas faire.

J'aimerais savoir ce que le ministre des Finances que vous êtes pense des changements qui pourraient vous sembler souhaitables étant donné les résultats que le transfert canadien a produit. Seriez-vous davantage enclin à conserver le système plus ou moins en état? Voulez-vous au contraire des financements mieux ciblés? Voulez-vous mettre en place de nouveaux mécanismes? J'aimerais savoir à quoi vous pensez?

M. Paul Martin: Je dirais, monsieur Nystrom, que c'est effectivement une question importante, mais à laquelle il serait prématuré de répondre maintenant. Nous devons à mon avis voir aussi quel est le sentiment des provinces. Comme vous le savez, l'an dernier, c'était autant à la demande des provinces qu'à la nôtre que l'intégralité de la très grosse augmentation du transfert canadien a été orientée sur la santé. Il s'agit là assurément d'un modèle qu'on pourrait suivre, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation ou du bien-être social et qui, dans une certaine mesure, serait un rétablissement de la situation antérieure.

L'autre solution consisterait à conserver la formule actuelle, ce qui consiste à dire que le montant en question va à la santé, mais que désormais cela vaudra pour les trois secteurs, les provinces ayant alors le choix. Je pense que tout cela va s'inscrire dans le cadre des discussions qui se poursuivent avec les provinces, et à mon avis, l'opinion des provinces va être extrêmement importante. Il a d'ailleurs été intéressant de constater que l'an dernier, ce sont les provinces qui ont dit: «Écoutez, pourquoi ne pas tout miser sur la santé.»

Je pense donc que c'est quelque chose que je préférerais aborder dans le cadre de ces discussions lorsque nous les entamerons.

M. Lorne Nystrom: Avez-vous une préférence dont vous seriez déjà disposé à nous faire part?

M. Paul Martin: Je pense que ce serait prématuré. Une chose est claire pourtant: nous voulons avoir la certitude que l'argent que nous versons pour la santé, l'argent que nous versons pour l'éducation, l'argent que nous versons pour n'importe quelle autre activité, soit effectivement dépensé dans ce sens. En d'autres termes, ce que les Canadiens veulent vraiment, je crois, c'est que lorsque nous transférons de l'argent aux provinces pour la santé, cet argent ne serve pas à financer des réductions d'impôt ou quoi que ce soit d'autre.

• 1640

Non, je pense qu'il est extrêmement important que l'argent que le gouvernement fédéral transfère aux provinces pour un programme social, pour un programme de santé ou un programme d'éducation serve bien à ce à quoi il est censé servir.

M. Lorne Nystrom: Je pense que c'est une question extrêmement importante. C'est un genre de fédéralisme fiscal, et c'est un élément extrêmement important que nous devons préciser ou modifier d'ici les deux ou trois prochaines années.

Une autre question qui est également de nature fédérale-provinciale est le Régime de pensions du Canada et l'Office d'investissement du RPC. Je vous ai d'ailleurs interpellé à la Chambre au sujet de cette question du choix éthique des investissements, et vous avez semblé y réagir positivement en signalant vos intentions à ce sujet. Je me demande si vous ne pourriez pas vous étendre un peu plus longuement sur votre position.

Il y a de plus en plus de gens qui reprochent aux fabricants de cigarettes d'inciter les jeunes gens à fumer, qui reprochent à d'autres compagnies de commercer avec des pays qui se rendent coupables des pires atteintes aux droits de la personne. Beaucoup de Canadiens nous disent maintenant que nous devrions peut-être songer à tenir compte de l'éthique dans nos investissements. Il y a déjà, aux États-Unis, des régimes publics de pension qui ont des mécanismes de filtrage dans ce sens. Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur votre sentiment à ce sujet?

Bien sûr, je sais parfaitement qu'il s'agit également d'une question à caractère fédéral-provincial et que tout dépend donc aussi des provinces, puisqu'il faut je crois qu'il y en ait sept qui acceptent avant qu'on puisse apporter un changement majeur au système.

M. Paul Martin: Je pense que cette question des investissements dans le respect de l'éthique est un débat d'importance. Il est évident que, de prime abord, l'argument est valable. Il y a des gens qui, c'est certain, prétendent comme vous qu'aucun régime de pensions, et à coup sûr un régime de pensions comme celui du Canada, ne devrait pouvoir profiter à des compagnies qui se livrent à des activités qu'ils ne sauraient admettre. Mais ces gens-là estiment néanmoins qu'il s'agit d'une question de réglementation et non pas de quelque chose qu'il faudrait plutôt imposer au protagoniste à la dérobée.

Je crois savoir, par exemple, qu'un certain nombre de grands régimes de pensions syndicaux qui, au demeurant, s'accorderaient à dire qu'il faudrait aller dans la voie des placements responsables, ne sont pas encore prêts à se les imposer à eux-mêmes précisément pour cette raison. Leurs administrateurs disent que ce sont deux secteurs distincts et qu'il faut les gérer de façon distincte. Je pense donc personnellement que c'est un débat qui doit avoir lieu.

Il y a en l'occurrence ici deux éléments à prendre en considération. Tout d'abord, ce que vous avez vous-même dit, en l'occurrence que ce n'est pas là quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait faire seul, même s'il était tenté de le faire, car il faudrait que la majorité de nos partenaires provinciaux y consentent.

Il y a encore une toute dernière chose qui fait également partie de cette problématique, monsieur Nystrom. Vous conviendrez avec moi, je le sais, de l'importance de l'indépendance de l'Office conseil d'investissement du Régime de pensions du Canada. En d'autres termes, nous ne voulons pas d'une ingérence du gouvernement. Nous voulons faire en sorte que le comité de placement du régime investisse dans le souci d'améliorer la relation fiduciaire du régime avec les bénéficiaires de celui-ci, mais l'une des choses qu'il va falloir surveiller ici est précisément que le gouvernement ne fasse rien qui risque de saper d'une façon ou d'une autre cette indépendance.

Je vous ai néanmoins fait cette promesse à la Chambre, et je la répète. Nous en avons saisi les provinces et c'est à l'ordre du jour des discussions qui se poursuivent avec elles.

M. Lorne Nystrom: D'accord. Je pense moi aussi que c'est extrêmement important. Prenez par exemple le cas du tabac: il y a actuellement toute une campagne qui a pour but de faire modifier l'emballage des paquets de cigarettes, et vous êtes d'ailleurs tout à fait au courant de cela. Dans ce cas-ci, un des organes du gouvernement veut pouvoir faire le maximum pour persuader les gens, et les jeunes gens en particulier, de ne pas fumer, et un autre organe du gouvernement—et c'est peut-être légèrement différent, dans le cas du RPC—qui fait de son côté quelque chose qui risque de battre en brèche cet objectif.

De toute façon, je voulais vous poser une autre question. Cela nous ramène à toute la question des fiducies familiales, notamment la fiducie familiale des Bronfman en 1991. Je pense que c'était en 1996 que vous aviez promis de proposer un projet de loi pour corriger la situation. Je crois que cela fait à peine quatre ou cinq jours que ce projet de loi figure sur le site Web du ministère des Finances, projet de loi que vous avez déposé à la Chambre des communes mardi, si je ne m'abuse.

Pourquoi avoir attendu tout ce temps-là? Je serais curieux de le savoir. Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de le faire il y a quatre ans, et vous avez choisi de le faire dans le cadre d'une motion de voies et moyens déposée à la Chambre des communes il y a à peine deux jours. Pourtant, vous avez des employés très compétents au ministère des Finances. Je voudrais simplement savoir pourquoi tout ce retard.

M. Paul Martin: Nous avons été très actif dans ce dossier depuis le jour où nous avons annoncé à la Chambre des communes notre intention d'agir. Nous avons entrepris de faire de vastes consultations. De plus, il y a eu un débat public intense à ce sujet. Si nous devions vous apporter tous les documents que notre ministère a reçus à ce chapitre, je suis sûr que vous vous retrouverez avec une montagne de témoignages. Je puis vous assurer que ce dossier n'a jamais été latent. Il est bel et bien actif.

Parallèlement à cela, c'est un dossier qui exige beaucoup de négociations avec d'autres pays. Nous sommes signataires de différents traités en matière fiscale, et puisque nous voulons changer les règles du jeu, il faut que nous convenions avec nos partenaires de la manière d'agir.

• 1645

Je puis vous affirmer, monsieur Nystrom, que nous progressons dans ce dossier. Je ne sais pas ce qui figure au juste sur notre site web, mais laissez-moi vous dire que nous travaillons dessus depuis des années déjà. Dans tous les cas, on veut absolument éviter la double imposition. On veut éviter de se retrouver dans une situation où l'on ampute le revenu relativement faible de quelqu'un qui immigre au Canada, puis décide de retourner vivre dans son pays d'origine.

Nous voulons vous assurer que nous n'imposerons pas de contraintes excessives à bien des Canadiens, et c'est à cela que nous avons consacré notre temps.

M. Lorne Nystrom: Monsieur le ministre, le président me dit que j'ai le temps de poser une autre question.

Je voudrais vous poser une question sur la taxe Tobin. Je sais que vous avez appuyé la taxe Tobin à la Chambre des communes le 23 mars dernier et que vous avez pris l'engagement d'en faire part aux pays membres du G-20 cet automne. Cela dit, je voulais vous demander si votre ministère a pris des mesures concrètes pour promouvoir l'idée de la taxe Tobin et persuader les principaux acteurs du monde de son importance.

Comment avez-vous l'intention de concrétiser l'engagement que vous avez pris devant le Parlement l'année dernière de convaincre la communauté internationale de l'opportunité de cette idée? Vous allez présider sous peu une réunion très importante, et vous aurez un rôle très important à jouer là-bas. C'est un point qui est prévu à l'ordre du jour. Quelles démarches avez-vous entreprises en prévision de cette réunion pour concrétiser davantage cette idée?

M. Paul Martin: J'ai soulevé la question lors de la réunion du G-7. À la suite du vote du Parlement, j'ai soulevé la question au sein du G-7 et j'en ai discuté avec nos partenaires du G-20. Mieux encore, je l'ai invoquée dans d'autres forums financiers internationaux auxquels j'ai participé, notamment l'APEC, le Commonwealth et la Conférence des ministres des Finances de l'Amérique latine.

Je puis vous assurer que ce n'est pas une idée qui fait l'unanimité. Certains pays qu'on penserait d'accord à priori, notamment les Pays-Bas, accueillent cette idée froidement. Le problème n'est pas tellement les petits États, mais les grands comme le Royaume-Uni, l'Allemagne et les États-Unis, qui refusent tout simplement d'y souscrire. Cette idée ne se concrétisera tout simplement pas.

Comme vous le savez, si j'ai appuyé cette proposition, c'est que je croyais essentiellement que cela nous permettrait de trouver les ressources nécessaires pour financer certaines initiatives internationales, notamment dans le domaine de l'environnement et de l'aide au tiers monde.

L'autre avantage, dont vous avez parlé si éloquemment, monsieur Nystrom, serait de mettre un peu de sable dans l'engrenage de la spéculation internationale. Pour ma part, j'estime qu'il est préférable de faire ce que nous faisons au Canada. Autrement dit, de tenter de mettre en place des structures—ouverture, transparence, harmonisation des états financiers, réglementation et supervision bancaire—qui sont, à notre avis, une parade plus efficace au problème. Il semblerait que nous sommes d'accord sur cette proposition, mais pour des raisons différentes.

M. Lorne Nystrom: Merci.

Le président: Merci, monsieur Nystrom.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

J'aimerais remercier le ministre d'avoir accepté de venir me rencontrer aujourd'hui. C'est merveilleux de pouvoir engager le dialogue dans le contexte du comité où les échanges sont beaucoup moins partisans qu'à la Chambre des communes. Ici, entre amis, nous pouvons aborder les choses de façon beaucoup plus candide et sans le sectarisme qui trop souvent fait obstacle au dialogue à la Chambre des communes.

Ma première question porte sur une étude réalisée récemment à l'université McGill sur la performance économique des gouvernements depuis la Seconde Guerre mondiale. Le ministre sait sans doute que le précédent gouvernement, le gouvernement progressiste- conservateur de Brian Mulroney, a obtenu les plus hautes notes au titre de la performance économique; et que le gouvernement dont il est le ministre des Finances, a reçu la plus basse note. Le succès du gouvernement Mulroney a été attribué au libre-échange et à la TPS, ainsi qu'à la déréglementation des services financiers, du transport et de l'énergie, politique auxquelles les Libéraux se sont ardemment opposés à l'époque.

J'aimerais d'emblée féliciter le ministre et tous les membres de son gouvernement de leur tête-à-queue réussi qui leur a permis d'embrasser, dans l'intérêt supérieur du pays, des politiques auxquelles ils s'étaient ardemment opposés. Il faut énormément de courage et d'intégrité pour admettre qu'on s'est trompé et pour corriger le tir. S'il y a pire que des Libéraux qui s'approprient les politiques du Parti conservateur, ce sont des Libéraux déterminés à appliquer leurs propres politiques, et c'est ce que nous commençons à craindre.

• 1650

C'est en fait davantage un commentaire qu'une question.

Le président: Pouvons-nous entendre votre question non partisane?

M. Scott Brison: Sérieusement, monsieur le ministre, vous avez dit que dans la nouvelle économie, nous ne pouvons pas être timides quant aux changements qui s'imposent au Canada. Le Conseil canadien des chefs d'entreprise dit des mesures fiscales annoncées dans votre plus récent budget qu'elles sont timides et accordées à contre coeur. Avant ce budget, nous avions les plus forts taux d'imposition du revenu des particuliers de tous les pays du G-7 et nous arrivions au deuxième rang des pays de l'OCDE au titre de l'impôt sur le revenu des sociétés. Quand les mesures budgétaires seront toutes entrées en vigueur, nous aurons toujours les taux d'imposition du revenu des particuliers les plus élevés de tous les pays du G-7 et nous serons au quatrième rang des pays de l'OCDE pour l'impôt sur le revenu des sociétés. Cela en supposant qu'aucun des autres pays n'allège le fardeau fiscal des sociétés.

En réduisant le fardeau fiscal, nous nous engageons dans la bonne voie, mais nous avançons si lentement que je crains... Une tortue sur l'autoroute ne fera pas de vieux os même si elle est engagée dans la bonne direction, et la concurrence est beaucoup trop vive pour que nous avancions si timidement.

M. Paul Martin: Monsieur Brison, j'ai grandement apprécié votre déclaration d'ouverture qui n'était aucunement partisane.

Je me permets de dire—et je me trompe peut-être—que William Watson, Bill Watson, qui n'a pas la réputation d'être un chaud libéral, et c'est plutôt le contraire, a dit de l'étude que vous avez citée—je crois que c'était Watson, mais c'était peut-être un autre économiste—que l'étude Volcker ne l'avait pas convaincu. Il a signalé que si l'on utilisait des chiffres différents—et nous savons que les économistes savent jouer avec les chiffres—les résultats...

M. Scott Brison: Tout comme les gouvernements.

M. Paul Martin: C'est juste, tout comme les partis d'opposition. Quoi qu'il en soit, les résultats auraient été bien différents.

Oui, nous avons eu connaissance de la rhétorique d'ouverture du CCCE. Il est intéressant de noter que le Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a donné une assez bonne note au budget. Il y a peu, la Chambre de commerce de Vancouver a examiné en détail nos mesures fiscales et les grandes orientations du gouvernement et les a jugées bonnes.

Vous avez, je crois, vu la réaction de la Fédération des contribuables canadiens le soir du budget. Vous avez entendu la réaction de l'Institut Caledon. Quand Ken Battle d'une part et Walter Robinson d'autre part disent tous deux que le budget nous mène dans la bonne voie, il est manifeste que le gouvernement a fait les bons choix.

Quant à la fiscalité des particuliers et des sociétés, vous avez absolument raison de dire que nos taux d'imposition sont trop élevés. Je l'ai d'ailleurs dit dans mon exposé. Bien que nous ayons mis en place les plus importantes réductions d'impôt dans toute l'histoire du Canada, j'ai aussi dit très clairement que ce n'est qu'un début et qu'il faudra alléger encore plus le fardeau fiscal. Il ne doit y avoir aucun doute là-dessus.

Nous ne sommes toutefois pas disposés à le faire en sacrifiant la santé ou l'éducation. Les recettes fiscales doivent servir à financer des services de base; et pour les Canadiens, la priorité—et c'est tout à fait justifié—c'est la santé et l'éducation. Nous ne sommes pas disposés à sacrifier ces priorités dans le but de réduire l'impôt.

Cela dit, oui, nous voulons réduire la ponction fiscale. Nous avons tout à fait l'intention de le faire. Cependant, cela pose quelques problèmes. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous consacrions 36 cents de chaque dollar au service de la dette, et nous avons ramené cela à 26 cents, mais c'est toujours considérablement plus que pour la plupart des autres pays. Le ratio de la dette au PIB reste beaucoup trop élevé, et pour me montrer aussi peu partisan que vous dans le préambule à votre question, je dirais que notre problème tient au fait que le précédent gouvernement a permis un tel gonflement de la dette nationale, que nous n'avions d'autre choix que de nous attaquer au problème. On ne peut s'empêcher de déplorer qu'il n'ait pas pris de mesures efficaces pendant qu'il gouvernait le pays car il aurait pu s'occuper de ce tout petit problème, soit une dette de 577 milliards de dollars.

• 1655

M. Scott Brison: Monsieur le ministre, le précédent gouvernement a réduit de moitié le déficit en proportion du PIB pendant son mandat et a aussi mis en place l'Accord de libre- échange et la TPS, deux initiatives qui vous ont quelque peu aidé à éponger complètement le déficit.

Ma prochaine question fait suite à celle de Mme Redman sur l'imposition des gains en capital. Dans le plus récent budget, on a annoncé une réduction du taux d'imposition des gains en capital au Canada, et c'est un pas dans la bonne direction. À mon avis, aucune autre forme de réduction d'impôt n'est davantage justifiée dans la nouvelle économie si nous voulons que les nouvelles technologies et les entrepreneurs de la nouvelle économie puissent attirer des capitaux ici au Canada. Alan Greenspan disait il y a quelques années que si l'on éliminait l'impôt sur les gains en capital, nous pourrions graduellement constater une augmentation de la croissance économique, ce qui ferait augmenter mécaniquement les recettes provenant de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés. L'impôt sur les gains en capital étouffe l'activité entrepreneuriale et la formation de capital. J'ose dire que la formation de capital et l'activité entrepreneuriale sont justement le genre d'activité que nous devrions favoriser au Canada.

Nous ne tirons pas énormément de recettes de l'impôt sur les gains en capital des particuliers au Canada. Ne serait-ce pas merveilleux de prendre une longueur d'avance par rapport aux États- Unis sur cet aspect du régime fiscal? Même après les mesures annoncées dans le plus récent budget, nous avons toujours un retard de 13 p. 100 pour ce qui est du taux effectif d'imposition des gains en capital. Pourquoi ne pas éliminer au Canada l'impôt sur les gains en capital des particuliers, ce qui ne représente pas un énorme manque à gagner pour le trésor public, mais qui serait un énorme incitatif à la formation de capital dans la nouvelle économie et pour l'activité entrepreneuriale dans les domaines de la biotechnologie et du commerce électronique au Canada?

M. Paul Martin: C'est intéressant de constater, monsieur le président, que la question revient des deux côtés de la table, passant de M. Nystrom à M. Gallaway, puis à Mme Redman et M. Brison.

M. Lorne Nystrom: La nouvelle alliance.

M. Paul Martin: Oui.

Permettez-moi de dire que nous devons en priorité veiller à maintenir l'intégrité des programmes essentiels, et là-dessus nous pouvons tous nous entendre, je crois. Cela signifie qu'il ne faut pas mettre en péril le régime de santé, le système d'éducation,... Étant donné que le gouvernement est une importante source de recherche dans la nouvelle économie, il doit fondamentalement injecter de l'argent dans ces secteurs. Cela doit donc être notre point de départ.

Cela fait, il ne fait aucun doute que la réduction des impôts rapporte des avantages économiques au pays, particulièrement dans la nouvelle économie. Absolument. Il s'agit alors de savoir par où commencer. Et vous commenceriez—je n'en suis pas certain dans votre cas, je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit—par l'impôt sur les gains en capital. Ma propre préférence serait d'alléger d'abord le fardeau fiscal des particuliers, puisque c'est le plus lourd et parce que c'est là que l'écart est le plus grand. Après avoir réduit l'impôt sur le revenu des particuliers, je réduirais l'impôt sur le revenu des sociétés de façon générale, en raison de l'avantage compétitif que cela apporte.

Cela ne signifie pas qu'il serait impossible de réduire en même temps l'impôt sur les gains en capital. Cela signifie tout simplement que si j'avais à accorder un dollar de réduction d'impôt, j'accorderais la préférence à l'impôt sur le revenu des particuliers, ensuite à l'impôt sur le revenu des sociétés, ensuite à l'impôt sur les gains en capital. Je crois que nous devons agir en même temps sur les trois fronts. Ainsi, c'est essentiellement une affaire de préférence.

Le fait est que l'impôt sur les gains en capital rapporte au trésor beaucoup plus que ne le croient généralement les gens. Les chiffres les plus récents... Les fonctionnaires du ministère sont là et pourront me corriger au besoin, mais je crois que l'impôt sur les gains en capital rapporte entre 4,5 et 5 milliards de dollars.

M. Scott Brison: Pas pour les particuliers...

M. Paul Martin: La réduction de l'impôt sur les gains en capital. Ce sont des chiffres beaucoup plus élevés que ceux normalement cités. Et je ne crois pas que nous ayons les moyens de renoncer tout simplement à cette source de recettes.

Comme vous le savez, les gens diront que si nous n'éliminons pas totalement l'impôt sur les gains en capital, nous ne ferons qu'accélérer les rentrées. Nous sommes d'avis que s'il se peut que cela accélère les rentrées... si une réduction accélère les rentrées, cela signifie tout simplement que l'on touche un peu d'avance les sommes qu'on finirait par toucher. Cela représente donc une perte nette. Ce n'est pas un argument contre la réduction de l'impôt sur les gains en capital mais plutôt un argument en faveur du choix de réduire en priorité l'impôt des particuliers puis l'impôt des sociétés.

• 1700

M. Scott Brison: Monsieur le ministre, l'expérience vécue dans d'autres pays révèle que la réduction de l'impôt sur les gains en capital n'a pas d'impact important sur les recettes en raison de l'augmentation de l'activité économique qu'entraîne la remise en circulation d'importantes masses de capitaux.

L'un des obstacles à la formation de capital au Canada c'est le fort degré d'immobilisation de nos capitaux. Parfois, certains investissements paraissent rentables d'un point de vue fiscal plus que d'un point de vue économique et j'ose affirmer qu'étant donné la faiblesse relative des recettes fiscales provenant de l'impôt sur les gains en capital des particuliers, cela présente au Canada une occasion rêvée de saisir l'avantage sur ce terrain fiscal qui a une importance critique dans la nouvelle économie. Cela n'aurait pas qu'une importance symbolique.

Il y a peut-être en face une certaine aversion pour les marchés boursiers mais quand on songe à leur importance dans la nouvelle économie, j'estime qu'il nous faut un marché boursier et des participants souples et innovateurs. Je crois que cela serait très important.

Le président: Je vous prie de poser votre question.

M. Scott Brison: Non, c'était la réplique à...

Le président: Ah, vraiment? Eh bien, je vais donner la parole à M. Epp.

M. Scott Brison: J'ai une autre question sur la réforme fiscale.

À la conférence du CCCE à Toronto, on a demandé au ministre Manley s'il croyait qu'au Canada il faut non seulement une simple réduction du fardeau fiscal, mais aussi une réforme en profondeur du régime fiscal. La réduction de l'impôt peut être une façon d'atteindre le deuxième objectif, sans créer de gagnants et de perdants, conséquence typique d'une réforme fiscale. Le ministre Manley a répondu que nous ne pouvons pas réellement faire cela puisqu'il faut qu'il y ait consensus. Il faut un consensus pour réformer le régime fiscal et nous ne réussissons pas à obtenir de consensus.

La réforme du régime fiscal n'est-elle pas trop importante pour que l'on renonce à faire preuve de leadership pour s'en remettre au populisme, au résultat de sondages, aux groupes d'intérêts et aux économistes? Ne devrions-nous pas faire notre devoir et réformer le régime fiscal pour favoriser la croissance plutôt que la cupidité?

Le président: Merci, monsieur Brison.

M. Paul Martin: J'aimerais dire une ou deux choses.

Si vous me le permettez, j'aimerais répéter que les recettes provenant de l'impôt sur les gains en capital ne sont pas négligeables. Le ministère vient de me confirmer le chiffre que je vous ai cité. L'impôt sur les gains en capital des particuliers rapporte au trésor fédéral 3,5 milliards de dollars, et au trésor provincial environ 1,5 milliard de dollars. Si nous devions éliminer l'impôt sur les gains en capital, cela représenterait un manque à gagner de 5 milliards de dollars. Ce sont des sommes assez considérables.

Ensuite, s'il se peut que vous ayez raison... manifestement, si l'on supprime l'impôt sur les gains en capital, on doit renoncer aux recettes qu'il rapporte. Certains diront que la réduction de l'impôt sur les gains en capital sera compensée par une accélération des rentrées parce que les gens vendront leurs biens ou que le taux de roulement sera plus élevé, mais le résultat net, c'est qu'on n'a fait qu'avancer la date de la vente. Au bout du compte, les gouvernements y perdront des recettes. Si nous devons engager le débat, il m'apparaît important de s'appuyer sur des faits solides.

Vous me demandez si je crois que la réduction de l'impôt sur les gains en capital serait bénéfique dans la nouvelle économie? La réponse, c'est oui. Par contre, si vous me demandez s'il faut le faire en priorité, avant de réduire l'impôt des particuliers ou des sociétés? Alors je réponds non, que la réduction de l'impôt des Canadiens à revenu moyen doit être la priorité, comme je l'ai déjà dit, car c'est ce qui rapportera le plus dans notre économie, dans la nouvelle économie.

Force m'est de dire—et je le répète—la réduction du fardeau fiscal est importante, à condition que le gouvernement n'y sacrifie pas les services essentiels, que ce soit la protection de l'environnement, la santé ou l'éducation.

• 1705

J'en viens maintenant à votre deuxième question. Je pense qu'il est plus facile de réformer le régime fiscal quand on réduit l'impôt et je crois que les impôts que l'on doit réduire sont ceux qui permettraient d'éliminer les facteurs de distorsion de l'économie. Le meilleur exemple que je puisse vous donner c'est celui de la réduction du taux d'imposition, ramené de 28 à 21 p. 100, dans certains secteurs de l'économie, notamment celui de la haute technologie, celui-là même dont vous avez parlé, où le taux d'imposition était le plus élevé.

Dans sa réponse au CCCE, John Manley disait que le gouvernement doit faire preuve de leadership, voire d'audace dans certains secteurs, qu'il s'agisse d'impôt ou d'autres choses. C'est ce que j'ai dit dans ma déclaration d'ouverture. Or, il est aussi important qu'il y ait consensus. En définitive, le gouvernement doit agir le moment venu. Mais avant d'agir, il a le devoir, en régime démocratique, d'expliquer à l'opinion publique les motifs de sa décision, et cela fonctionne très bien. À titre d'exemple, c'est l'une des raisons qui explique que l'élimination du déficit ait été si largement appuyée par l'opinion publique. La population canadienne a compris que c'était nécessaire. Quand le gouvernement s'est attaqué au déficit en disant essentiellement que c'était inévitable, l'opinion publique l'a appuyé.

C'est vraiment ce dont a voulu parler John Manley. Il va sans dire qu'il faudra faire preuve d'audace. Mais auparavant, il faut expliquer aux Canadiens exactement quels choix on a fait et quelles en seront les conséquences.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Ce sera maintenant une ronde de cinq minutes pour les députés suivants: M. Epp, M. Loubier, Mme Redman et M. Cullen. Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président. Ce n'est que justice que je prenne environ 10 secondes pour donner la réplique. Je sais que cela sert les intérêts des Canadiens et du Parlement si, comme l'a dit le ministre des Finances, nous engageons le débat en nous appuyant sur des faits concrets.

J'aimerais donc dire ici pour mémoire—et je ne veux pas en parler puisque ce n'est pas à l'ordre du jour—que notre solution 17 est tout à fait efficace. Nous avons demandé l'aide de Statistique Canada et de la Division de l'économie de la Bibliothèque du Parlement. Nous avons utilisé une étude faite par le Groupe WEFA qui a fait pour nous les mêmes projections qu'il faites pour le ministère des Finances avant que le ministre des Finances ne dépose son budget. Et si ces gens disent que notre proposition est efficace, qu'il y aura un excédent, alors je crois que nous devons nous en tenir à ces faits plutôt que d'échanger des insinuations comme l'ont fait plus tôt le ministre et un député libéral, surtout lorsqu'il parle d'un impôt uniforme par opposition à un taux d'imposition unique, puisque ce sont deux choses bien différentes.

Nous l'avons toujours dit. Nous tentons de corriger une distorsion des faits. Comme vous le savez, il y a une énorme différence entre les deux.

M. Paul Szabo: Quelle est la différence?

M. Ken Epp: Je suis désolé. Je vous en reparlerai plus tard, puisque cela concerne les déductions dont vous avez dit qu'elles étaient supprimées alors qu'elles ne le sont pas.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu et j'aimerais revenir à une question que je vous ai posée l'autre jour à la Chambre des communes sur la dette.

Vous savez que les économistes de l'OCDE demandent au Canada de réduire sa dette. Quand j'ai lu cela plus tôt cette semaine, je ne les ai pas entendus dire: «S'il vous plaît réduisez votre dette en proportion du PIB». Ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Ils ont dit qu'il fallait réduire la dette en chiffres absolus.

Or, quand je vous ai posé la question à la Chambre des communes, vous avez bien entendu répondu en disant que nous réduisons notre dette en proportion du PIB, ce qui résulte de la croissance de l'économie et de l'augmentation du PIB. Ce que vous dites est donc tout à fait juste, mais vous ne répondez pas à la question.

Je me demande si aujourd'hui, dans ce contexte non partisan, vous pourriez nous dire si vous entendez prendre des mesures pour réduire la dette et du même coup les 41 milliards de dollars que nous payons en intérêts annuellement, ce qui n'est pas rien.

M. Paul Martin: D'accord. Avant de répondre à la question... Dire qu'un impôt uniforme fonctionne, ce n'est pas énoncer un fait mais plutôt exprimer une opinion. Monsieur Epp, je crois que peu importe sa structure, un impôt uniforme est injuste envers la classe moyenne et que pour cette raison, il est de loin préférable d'avoir un régime fiscal progressif.

• 1710

M. Ken Epp: Eh bien, ce n'est pas ce que disent les chiffres.

M. Paul Martin: Sauf le respect que je vous dois, c'est exactement ce que disent les chiffres.

Mais permettez-moi de répondre à votre question principale sur la réduction de la dette, en termes absolus. Pour chacune des deux dernières années, nous avons réduit la dette de 3 milliards de dollars en moyenne. C'était je crois 3,5 milliards de dollars il y a deux ans et 2,9 milliards de dollars l'an dernier. Je puis vous dire que cette année nous réduirons la dette en termes absolus d'un montant considérablement plus élevé que cela, que nous réduirons la dette en proportion du PIB et en termes absolus aussi—pour reprendre votre expression. Depuis que nous avons éliminé le déficit, nos efforts de réduction de la dette ont été couronnés de succès.

Mais j'aimerais vous dire en même temps que nous avons un ordre de priorité, après tout nous devons réduire la dette, nous voulons réduire les impôts, et nous devons maintenir nos dépenses dans les secteurs... Pour le gouvernement, la santé, l'éducation, la réduction de l'impôt ont la priorité sur la réduction de la dette en termes absolus.

Cela ne signifie pas que nous ne devons pas réduire la dette en termes absolus; cela signifie tout simplement que si vous me demandez ce qui est plus important encore, voilà ce que je vous dirais. La santé? Je dirais que la santé est plus importante. L'éducation? Je dirais que l'éducation est plus importante. Les réductions d'impôt? Je dirais que les réductions d'impôt sont plus importantes.

M. Ken Epp: D'accord. Vous classeriez donc la réduction de la dette au quatrième rang.

M. Paul Martin: Eh bien, je ne la placerai certainement pas devant la santé, l'éducation ou la réduction des impôts.

M. Ken Epp: D'accord. Eh bien, c'est bon.

J'aimerais aborder un autre sujet et il ne me reste plus qu'une minute—même pas. Je veux vous parler du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Vous avez augmenté les chiffres sur papier, mais l'augmentation touche surtout le transfert de points d'impôt.

Il y a quelques temps, l'un de mes électeurs m'a posé une question. Il m'a demandé: «Si le gouvernement fédéral augmente effectivement les transferts au titre de la santé, pourquoi les soins de santé sont-ils toujours en crise dans notre ville?» Je lui ai répondu que le gouvernement fédéral prétend avoir augmenté les transferts mais que l'argent ne semble pas se rendre à destination.

J'ai ensuite vérifié les budgets et j'ai vu qu'il s'agit d'un transfert de points d'impôt, ce que je lui ai expliqué, et il m'a dit: «Eh bien, si les gouvernements transfèrent des impôts, est-ce que cela ne signifie pas que mes impôts fédéraux diminueront pour que la province puisse m'imposer davantage?» Que répondriez-vous à cette question? Qu'aurais-je dû répondre à cet électeur?

M. Paul Martin: Je suppose qu'il y a deux réponses possibles, qui aboutissent au même résultat.

Vous lui diriez que c'est exactement ce qui s'est produit. C'est exactement ce qui s'est produit. Le fait est que le gouvernement fédéral a abandonné un certain espace fiscal pour que les provinces puissent l'occuper. Par conséquent, les provinces pouvaient prélever davantage d'impôt pour financer la santé et l'éducation, à titre d'exemple, à tel point que le ministre des Finances de l'Ontario à l'époque, M. Miller, ne voulait que des transferts de points d'impôt, puisqu'il avait compris que les points d'impôt prennent de la valeur beaucoup plus que les transferts en espèces.

Cela étant, les provinces ont été les grandes gagnantes du transfert de points d'impôt par le gouvernement fédéral, lequel a libéré cet espace fiscal—surtout les provinces les plus riches, c'est-à-dire votre province, à titre d'exemple, et l'Ontario. D'ailleurs, l'un des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral a accumulé un si gros déficit, c'est qu'il a transféré ses points d'impôt, qu'il a perdu cet espace fiscal, au profit des provinces.

Ainsi, la première réponse à votre question, monsieur Epp, c'est que votre électeur avait absolument raison.

La deuxième explication du problème qui existe dans le secteur de la santé... Il va sans dire que le problème est en partie lié au financement mais c'est aussi une question d'administration. Le ministre des Finances du Québec a dit que ce n'était pas un problème d'argent mais bien un problème d'administration. Le gouvernement de l'Ontario réduit de beaucoup les impôts alors que le régime de santé est en difficulté. Comment ne pas dire alors: «Si ce n'est que de l'argent, comment avez-vous les moyens de réduire les impôts?» Nous savons que l'Alberta est une province très riche et pourtant son régime de soins de santé est en difficulté.

Il faut alors se demander... C'est une question d'argent mais c'est aussi une question d'administration.

M. Ken Epp: Monsieur le président, je me dois de poser une question supplémentaire là-dessus.

Si le gouvernement fédéral a abandonné un espace fiscal, comment se fait-il que l'impôt fédéral n'a pas baissé?

M. Paul Martin: Effectivement, l'impôt fédéral a baissé, et l'impôt provincial a augmenté. Voilà ce qui s'est passé.

M. Ken Epp: En pourcentage...? Sur le formulaire de déclaration d'impôt?

Une voix: Oui.

M. Paul Martin: Oui. C'est exactement ce qui s'est passé, monsieur Epp.

• 1715

M. Paul Szabo: Avec la croissance de l'économie, un plus grand nombre de personnes travaillent, de sorte que les recettes augmentent.

M. Ken Epp: Mais les taux d'impôt fédéral ont baissé...?

M. Paul Martin: Le gouvernement fédéral...

M. Ken Epp: En quelle année?

M. Paul Martin: Vers la fin des années 70.

M. Ken Epp: La fin des années 70—mais il est question ici d'un accroissement de l'espace fiscal, d'un transfert d'impôt.

M. Paul Martin: Mais on admettait volontiers à l'époque que ces points d'impôt allaient augmenter en valeur chaque année. Je veux dire par là...

M. Ken Epp: Vous ne faites donc que comptabiliser l'augmentation supposée de ce transfert d'impôt éphémère...

M. Paul Martin: Je vous prie de croire...

M. Ken Epp: ... qui n'existe nulle part en réalité.

M. Paul Martin: Je vous prie de croire, monsieur Epp, que j'aimerais bien les avoir encore en main, ces fameux points d'impôt. C'est à cause de ces points d'impôt, entre autres, que le gouvernement fédéral a connu un déficit, comme je viens de le dire. Ces points d'impôt prennent de la valeur année après année. Voilà donc pourquoi, comme je l'ai dit, Frank Miller y tenait tant: Il savait bien ce qui allait se passer. Ils ont tout à fait leur place dans le débat actuel.

Mais vous savez, monsieur Epp, en matière de régime universel de soins de santé, il faut trouver des solutions. Les Canadiens ne se soucient guère d'un débat qui pourrait avoir lieu entre vous et moi, ou qui a lieu effectivement entre les gouvernement fédéral et provinciaux. Leur message est simplement le suivant: Pour l'amour du ciel, réglez donc le problème!

M. Ken Epp: Tout à fait.

M. Paul Martin: Je pense que c'est ce que nous cherchons tous à faire, et il faudrait bien aboutir.

M. Ken Epp: D'accord. Je suis certainement d'accord là-dessus.

Le président: Merci, monsieur Epp.

[Français]

Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, j'aimerais revenir sur la réforme du secteur financier. J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi le fait de permettre à une seule personne de détenir jusqu'à 65 p. 100 des actions votantes de la Banque Nationale plutôt que de laisser 65 personnes, par exemple, détenir chacune 1 p. 100 des actions de la Banque nationale, va faire augmenter le capital disponible de la Banque Nationale et en quoi cela accroîtra sa flexibilité. Expliquez-moi ça.

M. Paul Martin: Tout d'abord, il se pourrait qu'un seul actionnaire détienne 65 p. 100 des actions, mais ce qui est envisagé... Il faut bien dire que ce ne sont pas les banques qui veulent vendre leur contrôle. Ce que les banques souhaitent, c'est avoir des alliances. Pour qu'il y ait une alliance, il n'est pas nécessaire d'avoir 65 p. 100 des actions, mais il faut certainement en acquérir plus de 1 p. 100.

Regardez les alliances qui se créent. Regardez, par exemple, l'alliance qui s'est créée entre Ameritech et Bell Canada Enterprises, alors qu'une autre compagnie a acquis 20 p. 100 des actions de BCE. Cela se pratique partout dans le monde. Ce sont des alliances avec des actionnaires qui ont des intérêts dans d'autres compagnies. C'est ce que les banques désirent faire. Elles se disent que si la possibilité leur est donnée de se tailler une place dans une autre banque, elles pourront augmenter leur pénétration de ce marché et créer des emplois chez nous. Elles se disent qu'il se peut fort bien qu'il leur faille créer des alliances pour qu'elles viennent chez nous.

M. Yvan Loubier: Alors, pourquoi n'avez-vous pas appliqué le même raisonnement aux grandes banques canadiennes qui, à l'échelle mondiale, sont de petites banques finalement? Elles ont besoin, elles aussi, d'alliances stratégiques. Pourquoi n'avez-vous pas fait le même raisonnement?

M. Paul Martin: C'est exactement ce que les grandes banques nous ont demandé, mais nous avons décidé de garantir plus de flexibilité aux banques plus petites.

M. Yvan Loubier: Oui, mais la Banque Nationale est la plus grande banque du Québec. Pourquoi traiter la plus grande banque du Québec différemment de la plus grande banque du Canada? À qui sert finalement cette réforme?

M. Paul Martin: M. Landry a très bien répondu à cette question. C'est parce qu'on veut donner à la Banque Nationale, qui est la plus petite des plus grandes banques, la possibilité de créer de telles alliances.

M. Yvan Loubier: M. Landry vous demande d'introduire dans votre nouvelle loi des critères et des mesures qui permettraient d'atteindre ces objectifs grâce à une assise législative. M. Landry vous le demande. Que lui répondez-vous? Tout à l'heure, vous avez été très évasif.

M. Paul Martin: Je n'ai pas été évasif du tout. J'ai dit que les considérations que M. Landry a exposées dans sa lettre sont exactement celles dont j'ai déjà parlé publiquement. Ce sont certainement des considérations qui vont entrer en ligne de compte dans la décision que prendra le ministère des Finances. Je n'ai pas l'intention...

M. Yvan Loubier: Mais si vous partagez ce point de vue, pourquoi ne prenez-vous pas l'engagement d'intégrer ces critères à votre loi afin de vous assurer, lorsqu'il y aura risque qu'un seul individu prenne le contrôle total de la Banque Nationale...

• 1720

M. Paul Martin: Si on veut avoir plus de flexibilité, il faut tenir compte de plusieurs considérations. Il n'y a pas que celles-là; il y en a d'autres, comme la sécurité.

M. Yvan Loubier: Vous pourriez ajouter un article qui dise «et autres considérations».

M. Paul Martin: Il y a beaucoup de considérations.

M. Yvan Loubier: Vous pourriez ajouter «autres considérations», monsieur le ministre.

M. Paul Martin: Je viens de dire...

M. Yvan Loubier: Quel est le problème?

M. Paul Martin: Non. Je n'ai pas l'intention...

M. Yvan Loubier: Qui votre réforme sert-elle? Qui servez-vous? Quels intérêts défendez-vous de cette façon? On a toujours dit, dans le secteur bancaire canadien, que la propriété diffuse était fort importante pour éviter qu'un seul individu, par exemple, n'acquière le plein contrôle d'une banque et fasse chanter ses concurrents dans d'autres secteurs industriels en leur refusant du crédit ou des choses comme ça. Vous savez que la Banque Nationale est la banque des PME au Québec. Il y a des situations qui sont fort dangereuses et qui demandent des garanties beaucoup plus grandes que celle de la confiance. Si c'est le cas, pourquoi n'avez-vous pas appliqué le même raisonnement pour les grandes banques? Pourquoi n'avez-vous pas dit, dans le cas des grandes banques, qu'il n'y aura pas de problème jusqu'à 65 p. 100, mais qu'il faudra appliquer des critères et observer ce qui va se passer?

M. Paul Martin: Écoutez bien.

M. Yvan Loubier: C'est la même chose pour les fusions, d'ailleurs.

M. Paul Martin: Voulez-vous que je réponde ou non?

Maintenant, écoutez-moi. Votre position est très claire. Je viens de dire que ces considérations sont les mêmes que celles que j'ai moi-même énoncées publiquement. Ce sont certainement des considérations dont le gouvernement va tenir compte.

Le gouvernement a le pouvoir de décider. Il n'a pas l'intention, lorsqu'il veut donner de la flexibilité et de la souplesse, de créer de la rigidité dans la loi.

Maintenant, monsieur Loubier, si votre position est que l'on ne devrait pas donner cette souplesse à la Banque Nationale, qu'on ne devrait pas lui donner la possibilité de créer des alliances et si vous pensez qu'on devrait la traiter exactement de la même façon que les grandes banques, qu'on ne devrait pas reconnaître, parce qu'elle est plus petite, qu'elle a peut-être besoin de plus de flexibilité...

M. Yvan Loubier: Non. Ce n'est pas du tout cela.

M. Paul Martin: Si c'est votre position, je l'accepte comme telle.

M. Yvan Loubier: Monsieur le ministre, écoutez bien.

M. Paul Martin: Moi, je ne suis pas d'accord avec vous.

M. Yvan Loubier: Ma position, c'est que votre mesure législative comporte des dangers pour une banque comme la Banque Nationale. Il y a des dangers pour le secteur financier québécois. Vous reconnaissez aussi qu'il pourrait y avoir certains dangers. Pourquoi ne pas nous donner des garanties supplémentaires en acceptant d'inclure ces critères et des mesures pour appliquer strictement ces critères et d'autres critères que vous pourriez juger importants? Pourquoi ne pas les fondre dans votre mesure législative? Pourquoi ne le faites-vous pas?

M. Paul Martin: Parce que—et vous allez le voir dans la philosophie de la mesure législative—le but n'est pas de mettre nos banques dans un carcan rigide, mais de leur donner de la flexibilité. On sait fort bien...

M. Yvan Loubier: Là-dessus, monsieur le ministre, on s'entend bien.

M. Paul Martin: Laissez-moi finir! Monsieur Loubier, voulez-vous que je réponde à votre question ou voulez-vous que je vous écoute?

On sait fort bien que ces industries changent. Avec la mondialisation, les choses changent tellement vite que nous ne sommes pas capables de prévoir toutes les possibilités dans notre loi. C'est pour cela qu'on va fonctionner par réglementation et qu'on va donner, dans certains domaines, la possibilité au gouvernement canadien d'exercer son jugement et de déterminer si c'est bon et si c'est dans l'intérêt public.

M. Yvan Loubier: Ne trouvez-vous pas que cela confère beaucoup de pouvoirs à un seul homme que de lui permettre de prendre ces grandes décisions?

M. Paul Martin: Ce n'est pas le pouvoir d'un seul homme. C'est un homme qui prend cette décision, mais il fait partie d'un gouvernement. C'est un homme qui va faire une recommandation au Cabinet et la décision sera celle d'un gouvernement démocratiquement élu.

M. Yvan Loubier: Alors, vous refusez de fondre cela dans la mesure législative.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur le ministre. Merci, monsieur Loubier.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Ici, au Comité des finances, nous passons beaucoup de temps à nous comparer aux pays du G-7. Et, très souvent, ce sont des étalons de mesure américains que nous retenons. En matière de productivité, d'impôt sur le revenu des particuliers, et de revenu disponible, nous nous comparons souvent aux États-Unis.

Si j'ai bonne mémoire, c'est John McCallum qui a dit un jour que nous ne réussirons jamais à devenir des Américains et qu'il nous faut notre propre image de marque comme Canadiens.

Or, dans vos observations liminaires vous avez déclaré que le Canada doit créer un climat favorable pour les travailleurs du savoir et que les pays qui agissaient de la sorte réussissaient non seulement à retenir mais à attirer les personnes les plus douées et les plus compétentes. Je ne suis pas sans savoir également que les journaux et les magazines ont consacré de nombreuses manchettes au phénomène de la fuite des cerveaux.

J'aimerais donc vous demander ce qu'il nous faut faire pour imposer cette fameuse image de marque canadienne qui nous permettra de nous distinguer avantageusement auprès d'une main-d'oeuvre extrêmement mobile.

M. Paul Martin: Je crois que vous avez justement touché du doigt ce que nous devons faire au cours des quelques prochaines années. Il nous faut investir en matière de recherche fondamentale, bien veiller à ce que nos établissements d'enseignement soient sans égal et veiller à ce que notre régime de soins de santé soit fiable. Il faut également garantir que toute personne qui souhaite effectuer un placement initial de titres au Canada puisse le faire, que les transactions financières puissent être conclues avantageusement au Canada et que l'accès aux capitaux de risque ne se limite pas aux sources primaires mais englobe aussi les investisseurs providentiels, de manière à ce que toute une gamme de capitaux de démarrage soient disponibles.

• 1725

Il faut tout un changement de mentalité. Il nous faut revoir toute la notion de risque et envisager les risques d'une nouvelle façon. Nous devons bien veiller à produire non seulement les meilleurs chercheurs, mais des personnes qui seront en mesure de valoriser les résultats de la recherche. Il nous faut également établir le genre d'alliance qui permettra, par exemple, à nos grandes places boursières d'être présentes partout dans le monde—et cela se fait déjà.

C'est tout cela, à mon avis, qui va nous donner cette image de marque dont vous parlez.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre.

J'aimerais aborder brièvement la question de la mesure législative visant le secteur des services financiers qui sera déposée devant la Chambre des communes très prochainement par vous-même et le Secrétaire d'État Peterson. J'aimerais que vous nous exposiez quels sont les objectifs et les résultats que vous visez, dans un monde où le secteur lui-même est en évolution rapide, où les fusions d'entreprises sont de plus en plus nombreuses ou prévisibles, et où les attentes des consommateurs et des dirigeants de petites entreprises sont considérables.

Cependant, avant d'aborder cet aspect, j'aimerais me pencher brièvement sur cette notion de taux unique d'imposition qui, me semble-t-il, sème quelque peu la confusion parmi les Canadiens. À titre d'exemple, en supposant un taux d'imposition unique de 17 p. 100 et compte tenu du fait que notre taux le plus élevé à l'heure actuelle est de 29 p. 100, il n'est pas très difficile de se rendre compte que les personnes dont le taux se situe actuellement entre 17 p. 100 et 29 p. 100 vont être avantagées par un taux unique de 17 p. 100. Or, cette fourchette est celle qui caractérise les Canadiens dont les revenus sont les plus élevés, comme vous l'avez signalé. Évidemment, je n'ai pas réinventé la roue en vous soumettant cette constatation.

Sur le plan de la progressivité, il est possible de l'intégrer dans une certaine mesure au bas de l'échelle, ce qui est une bonne chose. Pourtant, s'il s'agit de déplacer le fardeau fiscal des Canadiens qui gagnent les revenus les plus élevés vers les Canadiens qui gagent un revenu moyen, il conviendrait d'appeler les choses par leur nom, ce que vous avez d'ailleurs fait. Cependant, bon nombre de Canadiens considèrent que l'idée d'un taux d'imposition unique simplifie beaucoup les choses. Il suffit d'inscrire son revenu sur une feuille de papier et de multiplier par 17 p. 100 et tous ces rapports d'impôt paperassiers seront éliminés.

Pourtant, il me semble que ceux qui vont se pencher sur la question vont bien se rendre compte qu'il faut se demander quelles déductions, le cas échéant, pourront être autorisées. Va-t-on permettre des déductions pour les REER et les cotisations à des régimes de retraite? Va-t-on permettre la déduction des frais médicaux? Est-ce qu'on va autoriser des déductions pour dons de charité? Et les pensions alimentaires, vont-elles être déductibles? Va-t-on aussi permettre des déductions pour la garde d'enfants, les frais de scolarité? Si tel est le cas, évidemment, cela va coûter quelque chose. Ce serait peut-être une bonne idée, mais cela va coûter quelque chose.

Comment donc peut-on intégrer tous ces aspects et comment cela cadre-t-il avec l'idée d'un formulaire unique et d'un simple calcul de multiplication par 17 p. 100? Stockwell Day, me semble-t-il, si je puis me permettre de citer son nom, a dit qu'il envisageait une mise en oeuvre progressive. Voilà justement le problème qu'il aura à résoudre pour tenir compte de divers intérêts particuliers ou besoins tout à fait légitimes des Canadiens.

Je vous prie donc de préciser, à l'avantage des Canadiens qui sont à l'écoute, quelles sont les raisons pour lesquelles le gouvernement actuel ne favorise pas un régime fiscal à taux d'imposition unique.

M. Paul Martin: Nous n'appuierions pas un tel régime pour diverses raisons.

La raison le plus importante, et de loin, c'est qu'il s'agit d'un type d'impôt qui avantage les Canadiens riches aux dépens des Canadiens à revenu moyen. Avec un taux d'imposition unique, on peut protéger les Canadiens dont les revenus sont les plus faibles. Cependant, on ne peut pas protéger les Canadiens à revenu moyen du calcul inexorable selon lequel ils vont payer davantage d'impôt selon la formule de l'impôt uniforme que dans le cadre d'un régime d'impôt progressif.

Ainsi, la première raison pour laquelle je m'y oppose, tout comme la plupart des gens—et certainement la plupart d'entre nous du côté des ministériels—c'est que nous ne croyons tout simplement pas qu'il faille tenir à l'écart la classe moyenne lorsque le temps est venu de profiter de baisses d'impôt.

Votre deuxième observation est également fort importante. À bien des égard, l'attrait de l'impôt uniforme est celui de la simplification. En effet, qui n'aimerait pas un régime d'impôt simplifié. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il est trop complexe. Encore faut-il savoir ce qui explique une telle complexité. Le régime est complexe du fait que nous reconnaissons que les personnes handicapées ont besoin de répit, tout comme les étudiants, et les mères célibataires qui ont fardeau particulier à assumer. La liste des gens, ici au Canada, pour qui il faut égaliser les chances est passablement longue. Voilà pourquoi le régime fiscal est complexe.

• 1730

Vous avez donc tout à fait raison. D'après ce que j'ai pu lire dans les journaux d'ailleurs, Stockwell Day a reconnu l'existence du problème, tout au moins dans le cas des étudiants. Il dit ne pas souhaiter mettre en oeuvre immédiatement l'impôt uniforme à cause de ce problème particulier, mais la conclusion inévitable qui s'impose, c'est qu'il n'est pas disposé à accepter qu'il existe dans notre société diverses catégories de personnes qui ne vivent pas les mêmes situations ou qui ne bénéficient pas des mêmes avantages que d'autres, ou qui, à une certaine étape de leur vie, ont besoin d'un moment de répit. Voilà donc une deuxième raison d'être contre l'impôt unique, comme l'a d'ailleurs fait valoir M. Szabo.

Pour ce qui est maintenant du deuxième volet de votre question, le projet de loi sur le secteur financier vise en réalité deux objectifs. Notre système bancaire joue un rôle tout à fait crucial aussi bien pour la nouvelle économie que pour l'ancienne. Les sociétés du secteur emploient de nombreux Canadiens et jouent un rôle critique dans la réussite de nos entreprises, petites, moyennes et grandes. Elles sont présentes dans tous les milieux.

Or, le monde évolue et il évolue à grande vitesse. Nous devons donc lancer une réforme qui non seulement leur permettra de tirer partie de l'évolution actuelle et d'être concurrentielles, mais le faire de telle sorte que le cadre législatif puisse évoluer sans que le gouvernement n'ait constamment à corriger le tir.

Nous nous appuyons donc autant que possible sur la réglementation—ce qui implique un certain degré de pouvoir discrétionnaire de la part du gouvernement—de manière à assurer la souplesse aussi bien que la rapidité. Il s'agit essentiellement de faire en sorte que nos institutions financières puissent croître et continuer à le faire à l'avantage des Canadiens.

Parallèlement, l'autre objectif consiste à faire en sorte que les consommateurs canadiens, qu'il s'agisse d'entreprises, d'individus, de personnes fortunées, ou des Canadiens dont les revenus sont les plus faibles, aient accès aux services bancaires et, qui plus est, en toute ouverture, en toute transparence et de la façon la plus efficace possible.

Nous cheminons donc en fonction de ces deux objectifs qui vont de pair. Comment, d'une part, faire en sorte que nos institutions financières soient aussi concurrentielles qu'elles peuvent l'être—en leur donnant la possibilité d'atteindre toute l'envergure et toute la puissance possibles—et, simultanément, protéger toutes les catégories de consommateurs de la société canadienne? Voilà notre objectif et voilà donc ce que visera le projet de loi que nous allons déposer.

Le président: Merci, monsieur Cullen.

Permettez-moi une question très brève concernant l'évolution actuelle de l'économie canadienne. Monsieur le ministre, bien que nous soyons résolument Canadiens, nous sommes également tout à fait Nord-Américains. Sur le plan économique, l'Amérique du Nord est notre principal marché. L'aspect de la fiscalité devient important à cet égard, étant donné que c'est grâce au régime fiscal que les entreprises canadiennes et les Canadiens pourront être concurrentiels par rapport à leurs équivalents états-uniens.

En matière de fiscalité, malheureusement, certains disent que ceux qui favorisent des réductions d'impôt sont nécessairement contre les soins de santé, l'éducation ou d'autres programmes sociaux. Ils n'ont pas raison, selon moi. On peut-être favorable à tout cela en même temps. On peut souhaiter que les entreprises canadiennes soient prospères justement pour être en mesure de fournir les services sociaux dont les Canadiens ont besoin.

Dans son témoignage devant notre comité tout comme dans certains de ses discours que j'ai pu lire, John McCallum a également proposé qu'on accorde une plus grande importance à la réduction des impôts et de la dette. Nous voilà donc à la fameuse question du partage moitié-moitié. Puisque les excédents sont de plus en plus considérables, quand les Canadiens seront-ils prêts, selon vous, à accepter un tel changement? Est-ce que vous envisagez même un tel changement? Il s'agit en effet de planifier et d'établir l'ordre des priorités pour l'avenir. Où vous situez-vous donc à ce sujet?

• 1735

M. Paul Martin: Le dernier budget reflète de façon claire l'orientation du gouvernement. Il introduit une réduction d'impôt de première importance, et bon nombre de ses aspects majeurs ont été mis en oeuvre immédiatement. L'indexation a même été rétroactive au 1er janvier de la présente année. Les deux tiers des compressions qui visent le taux moyen entre en vigueur dans 23 jours. La réduction de l'impôt sur les gains en capital est entrée en vigueur immédiatement le soir du budget. L'élimination de la surtaxe de 5 p. 100 jusqu'à 85 000 $ entre en vigueur dès le mois de juillet de cette année. Nous avons donc bien signifié nos intentions.

À partir de maintenant, en matière de réduction d'impôt, nous souhaitons que le prochain budget et ceux qui vont être déposés par la suite annoncent une accélération dans la direction déjà prise. De plus, nous devons être également disposés à envisager d'autres possibilités de réduction d'impôt.

En bref, nous devons faire en sorte que les secteurs de notre économie qui vont être en croissance, c'est-à-dire la nouvelle économie, qui a tant d'importance, soit en mesure de croître en relevant le défi de la concurrence de partout dans le monde. Ainsi, dans l'intérêt des entreprises de ce secteur, des travailleurs du savoir, ou encore des mères célibataires ou des Canadiens dont le revenu est très faible, nous devons constater que les taux marginaux d'imposition sont trop élevés au Canada et qu'ils doivent baisser. La seule question qui subsiste est donc la suivante, à savoir à quelle vitesse pouvons-nous accélérer le processus amorcé à la faveur du dernier budget?

Le président: Monsieur le ministre, dans le cadre du prochain budget, vous avez très certainement à relever le défi du financement de nos soins de santé. De nombreux groupes préconisent un financement accru mais un grand nombre de Canadiens préconisent également une plus grande responsabilisation du régime de soins de santé. Autrement dit, que vous accordiez aux provinces 2 milliards de dollars, 3 milliards de dollars, 4 milliards de dollars ou 5 milliards de dollars, ou un autre montant, ces gens veulent savoir exactement à quoi vont servir ces 5 milliards ou 3 milliards de dollars. Or, cela ne sera possible que lorsque les provinces elles-mêmes auront réussi à s'entendre sur une norme quelconque, sur certaines obligations redditionnelles—qui pourraient, par exemple, avoir rapport à des comparaisons des pratiques optimales. Nous n'avons cependant aucune information à ce sujet et, au moment des consultations prébudgétaires prévues pour l'automne, personne ne pourra nous dire exactement où seront affectées les ressources financières.

M. Paul Martin: Il est très certain qu'il nous faut rétablir la confiance en notre système de soins de santé. Il faut donc mettre de côté les beaux discours et passer aux actes. Cela veut notamment dire mesurer les résultats. Les Canadiens veulent savoir si leur régime de soins de santé fonctionne ou non. Il s'agit là d'un aspect très important du processus.

Les Canadiens veulent savoir dans quelle mesure tout financement additionnel des soins de santé, qu'il provienne de nous ou des provinces, favorise la résolution des problèmes qui les inquiètent, qu'il s'agisse de l'encombrement des urgences, des soins de courte durée, des soins de base, ou de quoi que ce soit d'autre. Vous avez tout à fait raison. Les Canadiens souhaitent que l'on consacre de l'argent au régime de soins de santé mais ils souhaitent tout autant que les sommes soient affectées en fonction des besoins les plus pressants.

Le véritable enjeu, il est là. Et c'est pourquoi j'espère que les ministres responsables des soins de santé vont réussir lorsqu'ils se rencontreront, le cas échéant, à faire en sorte que les solutions qui seront proposées seront de nature à rétablir la confiance des Canadiens à l'égard de leur régime de soins de santé.

Tout ce que je peux vous dire, monsieur le président, dans l'optique qui est celle du ministre des Finances, c'est que le gouvernement du Canada, soyez-en assuré, fera sa part sur le plan de l'apport financier.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie.

M. Paul Martin: Permettez-moi, monsieur le président, avant de terminer, d'adresser un dernier mot à tous les membres du comité.

• 1740

Soit dans le cadre des consultations prébudgétaires, soit dans celui d'une rencontre comme celle-ci, je comparais toujours devant vous avant le budget et il arrive que je ne puisse le faire à nouveau après le budget. Je tiens sincèrement à remercier les membres du comité et à féliciter le comité dans son ensemble. En sillonnant les diverses régions du pays, vous avez accompli un travail tout à fait essentiel—et je m'adresse en disant cela à tous les députés de la Chambre, sans esprit de parti. Le travail de votre comité valorise le processus consultatif et fait en sorte que le caractère secret du processus budgétaire est chose du passé. Le processus est beaucoup plus ouvert. Il s'agit d'une démarche éminemment constructive, même dans les domaines où nous ne sommes pas d'accord. Ainsi, votre travail est-il d'un grand avantage pour les Canadiens et je tenais tout simplement à vous adresser mes remerciements les plus sincères.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Des voix: Bravo!

Le président: La séance est levée.