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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 29 mai 2000

• 1542

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et vous souhaite à tous la bienvenue cet après-midi.

C'est le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi d'exécution du budget de 1999 qui est à l'ordre du jour.

Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui M. Everett Colby, de l'Association des comptables généraux agréés du Canada, North American Forensics Accountants, Colby & Associés; et Mme Dawn McGeachy, gérante, secteur public. Nous recevons également, de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance, M. Bill Strain, président, fiscalité, Conference for Advanced Life Underwriting; et M. Ted Ballantyne, directeur, politique fiscale complexe, Conference for Advanced Life Underwriting.

Bienvenue.

Comme vous le savez, vous disposez de cinq à sept minutes pour faire votre exposé liminaire; par la suite, nous aurons une séance de questions et réponses. Nous allons commencer par M. Colby. Bienvenue.

M. Everett Colby (North American Forensics Accountants, Colby et Associés; Association des comptables généraux agréés du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Je m'appelle Everett Colby et je suis examinateur agréé en matière de fraude ainsi que comptable général agréé. Je suis propriétaire d'un cabinet de comptabilité publique, Colby et Associés, et nous sommes membres de North American Forensic Accountants pour ce qui est de la comptabilité judiciaire. Je suis accompagné aujourd'hui par Dawn McGeachy, CGA, gérante du secteur public pour CGA-Canada. J'aimerais également vous remercier de nous permettre de comparaître devant le comité aujourd'hui.

Avant d'exposer plus en détail nos préoccupations, je voudrais, si vous le voulez bien, vous donner une idée des activités de CGA-Canada et de ses intérêts.

L'Association des comptables généraux agréés du Canada est un organisme professionnel auto-réglementé éminemment respecté au Canada et représente, dans l'ensemble du pays, 60 000 comptables généraux accrédités et étudiants, dont nous assurons la formation, l'accréditation et le perfectionnement professionnel. Nos membres offrent des services comptables et fiscaux aux particuliers et aux entreprises de toutes tailles, notamment aux petites et moyennes entreprises. D'autres ont des responsabilités financières, administratives ou décisionnelles au sein de gouvernements, d'établissements financiers et d'organismes à but non lucratif. CGA-Canada veille à ce que ses membres se conforment à des normes professionnelles et déontologiques extrêmement élevées. Comme vous le savez, nous prenons régulièrement la parole devant des comités parlementaires pour aborder des questions de politique gouvernementale intéressant nos membres et pour faire profiter les décisionnaires de notre expertise, en temps et lieu.

Nos observations d'aujourd'hui visent uniquement les dispositions du projet de loi C-25 relatives aux pénalités administratives. Ces nouvelles pénalités s'appliqueraient à une personne qui a fait, sciemment ou dans des circonstances équivalant à une conduite coupable, un faux énoncé ou une omission pouvant être utilisée à des fins fiscales ou qui a participé à cette activité d'une manière quelconque. Cette personne peut être un conseiller fiscal ou un spécialiste en déclarations de revenus.

Je voudrais tout d'abord préciser que nos membres approuvent les efforts que le gouvernement déploie pour éradiquer la fraude et l'évasion fiscale; toutefois, nous avons de très grandes préoccupations au sujet de la mise en oeuvre et de l'administration de ce processus.

• 1545

Un expert-comptable qui est effectivement au courant d'une déclaration erronée faite par un contribuable doit en subir les conséquences. Toutefois, les comptables professionnels, comme les CGA, arrivent souvent à déceler des déclarations erronées. Les CGA assurent également la production des déclarations fiscales dans les délais prévus, tout en donnant à leurs clients des conseils conformes à l'éthique quant à la façon de produire ces déclarations. Toutefois, il faut comprendre que les pratiques professionnelles généralement reconnues n'exigent pas que l'expert-comptable vérifie si l'information obtenue d'un client dans le cadre d'une mission de fiscalité est correcte ou complète.

Au Canada—et je souligne ce point—les conseillers fiscaux peuvent déjà faire l'objet de poursuites au criminel si, sciemment, ils aident leurs clients à faire des énoncés faux ou trompeurs dans les documents destinés à l'Agence canadienne des douanes et du revenu, ou s'ils les conseillent dans ce sens. Il faut se demander pourquoi le gouvernement considère que les sanctions actuelles applicables aux personnes qui donnent de mauvais conseils sont inadéquates. J'aimerais également souligner qu'il faut aussi se demander pourquoi une personne qui est exposée à la nouvelle pénalité administrative peut toujours être exposée aux sanctions pénales pour la même infraction. Ces pénalités dépassent de loin les sanctions disciplinaires adoptées par notre association professionnelle.

Bien que nous reconnaissions que les représentants officiels ont remplacé l'expression «faute lourde» par l'expression «conduite coupable», et que le critère de la conduite coupable est plus raisonnable, le terme «indifférence» qui figure dans la définition de l'expression «conduite coupable» est susceptible d'interprétation et mériterait donc qu'on le définisse. Si des professionnels peuvent être accusés d'indifférence, ils devraient au moins savoir ce que ce terme signifie dans le contexte législatif. Les représentants officiels ont également précisé que l'intention des dispositions à l'étude est de régler les cas extrêmes où il y a déclaration fiscale fallacieuse. Bien que nous approuvions cet objectif, nous sommes d'avis qu'il faudrait apporter quelques ajustements pour garantir que l'intention fondamentale de la législation ne sera pas administrativement réduite à néant ou utilisée abusivement au détriment de relations professionnelles.

La peur des pénalités actuellement à l'étude pourrait rendre difficiles les relations professionnelles qu'entretiennent les comptables avec leurs clients. Ils seront contraints de soumettre leurs clients à un interrogatoire en règle pour s'assurer de l'exactitude de l'information qu'ils en auront reçu. Ils deviendront en fait les hommes de main du fisc. Ceci a des incidences importantes. Si les experts comptables étaient contraints, de par la loi, d'examiner et de vérifier toute l'information fournie dans les déclarations, c'est-à-dire d'exercer un surcroît important—et je dis bien important—de diligence avant de compiler l'information, les coûts du surplus de travail que cela impliquerait seraient, pour nos clients, vos contribuables, absolument prohibitifs. La plupart des Canadiens devraient ainsi payer beaucoup plus cher pour la préparation de leur déclaration de revenus.

Nous continuons d'entendre nos membres nous dire que le risque de pénalités qu'implique cette loi pourrait dissuader beaucoup d'experts en fiscalité de continuer d'offrir ce type de services à leurs clients. Ceux-ci seraient alors contraints de préparer eux-mêmes leur déclaration fiscale, souvent très complexe, ou de faire davantage appel à des préparateurs non professionnels parfois dénués de scrupules. Il y aurait donc certainement plus d'erreurs dans les déclarations de revenus, ce qui entraînerait pour le gouvernement une escalade des coûts du traitement de l'impôt et une réduction des recettes fiscales.

Nous savons que le ministre du Revenu national, Martin Cauchon, a dit dans ses déclarations, en septembre 1999, qu'une pénalité ne serait imposée à un fiscaliste qu'au terme d'un examen effectué par le comité de surveillance du Bureau principal. En vertu de la proposition actuelle, ce comité serait constitué de personnes venant du ministère de la Justice, du ministère des Finances et de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Il n'est donc aucunement prévu de consulter des experts hors de l'administration publique avant que des accusations soient portées.

Avec tout le respect que nous vous devons, nous aimerions suggérer que ce comité compte également un représentant de chacun des organismes professionnels de comptables du Canada, ainsi qu'un représentant de la communauté juridique. Il s'y trouverait donc un représentant de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada, un autre de l'Institut canadien des comptables agréés et un troisième de CMA Canada, ainsi qu'un représentant de l'Association du Barreau canadien. À notre avis, les représentants de ces quatre organismes contribueraient à créer un équilibre précieux au sein du comité et le ferait bénéficier d'une perspective plus large ainsi que de leurs connaissances et de leur expérience.

• 1550

Nous craignons que les conseillers fiscaux et autres professionnels qui pourraient être frappés de ces pénalités n'aient aucune vraie protection légale contre un comportement potentiellement inopportun de l'Agence canadienne des douanes et du revenu. Il existe toujours le risque qu'un vérificateur trop zélé du fisc utilise l'article 163 comme instrument de négociation au moment de la détermination de la nouvelle cotisation d'un client. Le vérificateur peut convaincre le fiscaliste d'accepter la nouvelle cotisation sans que ce dernier puisse s'y opposer ou avoir recours à un appel, et le menacer d'amendes administratives s'il la réfute, ce qui n'est nullement l'intention ni l'objectif de cet article.

J'aimerais préciser que nous avons déjà vu survenir à trois ou quatre reprises ce genre de situation, et alors il a été déclaré que ceci aurait été fait si la loi avait déjà été en vigueur. Pour le moment, il n'existe aucune disposition prévoyant une police des polices pour empêcher que des abus se produisent.

Un autre point de litige est la formulation de l'alinéa 163.2(10)a). Il ne devrait pas mentionner de «pourcentage fixé par règlement», mais plutôt indiquer un pourcentage. La caractérisation de la conduite inopportune pouvant entraîner des pénalités devrait incomber au corps législatif. Si le ministère des Finances et l'Agence canadienne des douanes et du revenu craignent que l'évaluation dépasse les normes acceptables, ils devraient définir les normes et être prêts à les appuyer.

De plus, nous aimerions qu'il y ait dans la loi un énoncé de responsabilité à l'égard du public canadien au nom de l'Agence canadienne des douanes et du revenu relativement à quiconque serait frappé à tort de pénalités administratives. Le simple fait d'accuser quelqu'un de conduite coupable ou de négligence entraînera des frais juridiques considérables et des pertes de temps en discussions et en procès, sans compter la débâcle professionnelle que pourrait subir l'expert-comptable et ce, que l'accusation soit fondée ou non.

Quel recours aurait un professionnel pour recouvrer entièrement les coûts élevés de la procédure ou pour recevoir compensation monétaire pour le préjudice subi? Il faut donc prévoir des mesures visant l'évaluation des coûts, et définir des sanctions contre les agents trop zélés pour prévenir les poursuites injustifiées, en guise de sauvegardes.

Comme la loi proposée ne prévoit aucun recours légal contre les abus de l'Agence canadienne des douanes et du revenu, cette loi ne va-t-elle pas s'appliquer uniquement à des situations relativement bénignes alors qu'elle ne vise en principe que les situations extrêmes? En dépit des assurances fournies que ce n'est pas le but visé, ces pouvoirs sont clairement attribués dans ce projet de loi. Qui sait ce que seront les politiques futures? Cette lacune doit être corrigée.

Lorsque ce texte de loi sera adopté, les règles du jeu seront- elles modifiées rétroactivement? Si des poursuites sont intentées en vertu de ces dispositions dans les 12 à 18 mois qui suivent leur entrée en vigueur, elles porteront très certainement sur des calculs fiscaux effectués avant la modification des règles. Même si ce n'est pas l'intention aujourd'hui, comment pouvons-nous être certains qu'il n'y aura pas rétroactivité au moment de la mise en application? Il est clair que rien dans le texte de la proposition ne le garantit.

Pour terminer, n'oublions pas que le régime fiscal du Canada est fondé sur l'observation volontaire. Ce système fonctionne très bien. Le ministère du Revenu du Canada a lui-même souligné dans son rapport de 1997, intitulé «Observation: De la vision à la stratégie», que l'observation volontaire est passée de 85 p. 100 en 1985 à 97 p. 100 en 1995. Peut-être faudrait-il comprendre par là que nous envisageons de nous servir d'une masse pour tuer une mouche?

Peut-être devrions-nous prévoir que l'application de cette loi pourrait faire une brèche dans la relation positive que les Canadiens estiment entretenir avec le gouvernement? Ceci sert-il l'intérêt public? Nos citoyens seraient-ils mieux servis si les contribuables évitent de confier leur planification ou déclaration fiscale à un spécialiste pour la simple raison qu'ils ne peuvent pas en assumer le coût?

Au fil des ans, les spécialistes en finance du secteur privé et le ministère du Revenu ont établi des liens d'étroite collaboration. Nous espérons que cette nouvelle loi ne provoquera pas la rupture de cette relation.

CGA-Canada convient tout à fait que les personnes qui participent sciemment à la préparation de déclarations fiscales frauduleuses doivent être pénalisées. Nous pensons néanmoins qu'il faudrait apporter des améliorations au texte de loi à l'étude avant de l'adopter.

• 1555

CGA-Canada est du reste prêt à collaborer avec les représentants officiels pour veiller à ce que l'entrée en vigueur de cette loi et la formulation de directives visant l'administration des règles régissant les pénalités n'empêche pas les conseillers comme les avocats et les comptables de s'acquitter de leur devoir professionnel, qui est d'agir dans le meilleur intérêt des clients, en conformité avec la loi et avec leur code de conduite professionnelle.

Monsieur le président, au nom de CGA-Canada, je tiens à vous remercier du temps que vous nous accordez aujourd'hui, et je répondrai avec plaisir aux questions des membres du comité. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Colby.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Strain. Je vous souhaite la bienvenue.

M. Bill Strain (président, Fiscalité, Conference for Advanced Life Underwriting, (CALU), Association canadienne des conseillers en assurance et en finance): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de Ted Ballantyne, le directeur des opérations fiscales complexes au Conference for Advanced Life Underwriting.

Le CALU, comme se fait appeler l'organisation, représente les 18 000 membres de l'Association canadienne des conseillers en assurance et des conseillers financiers qui fournissent des conseils, des produits et des services financiers exhaustifs dont, mais pas exclusivement, les produits d'assurance-vie et santé. L'ACCAF accueille maintenant parmi ses membres toutes les personnes participant à des activités liées à la prestation de services financiers.

L'ACCAF a créé le CALU en 1991 dans le but de répondre aux besoins de ses membres qui se spécialisaient dans les souscriptions complexes à l'assurance-vie, notamment dans les domaines comme la planification successorale, la planification de succession d'affaires, les avantages sociaux des employés et les régimes de retraite. Bon nombre des clients du CALU sont propriétaires de petites et de moyennes entreprises du Canada.

Ensemble, l'ACCAF et le CALU aident les Canadiens à assurer leur sécurité financière. Nos membres communiquent régulièrement avec des millions de Canadiens, pour déterminer leurs besoins personnels et ceux de leur famille et de leur entreprise. Les observations et les recommandations que nous vous présenterons aujourd'hui sont largement fondées sur la nature des rapports qu'entretiennent nos membres avec ces Canadiens.

Nous apprécions grandement cette occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui devant vous pour exprimer nos points de vue sur les pénalités administratives proposées dans le projet de loi C-25. À l'instar de M. Colby, nous limiterons nos observations aujourd'hui à la question des pénalités administratives.

Tout d'abord, permettez-moi de préciser que l'ACCAF et le CALU appuient la proposition voulant que les percepteurs et les conseillers qui soutiennent les activités ou qui fournissent des conseils fiscaux pouvant conduire à la production de déclarations fallacieuses ou à des omissions dans les déclarations de revenus devraient subir les conséquences de leurs actes. Nous appuyons donc l'imposition de pénalités administratives pouvant constituer un facteur de dissuasion pour les promoteurs d'abris fiscaux abusifs et les conseillers qui peuvent inciter leurs clients à user de manoeuvres abusives d'évasion fiscale et à faire des déclarations fallacieuses.

Cependant, c'est ici que nos avis divergent. L'ACCAF et le CALU sont d'avis que le texte de loi, tel qu'il est formulé actuellement, est beaucoup trop général et pourrait avoir des conséquences non intentionnelles. Nous souhaitons donc vous faire certaines recommandations.

Tout d'abord, le président de l'ACCAF, David Thibaudeau, a écrit le 28 mars au ministre des Finances, M. Martin, pour lui présenter deux recommandations spécifiques relativement aux dispositions du projet de loi C-25 se rapportant à l'exception pour les personnes qui se fient de bonne foi aux renseignements qui leur sont fournis, et à l'absence de délai de prescription quant à l'imposition des nouvelles sanctions. Nous avons joint à nos documents copie de notre lettre ainsi que de la réponse reçue du ministre, pour votre information.

Selon nous, une loi qui impose d'importantes pénalités devrait être soigneusement formulée de manière à ne cibler que ceux que visent ces pénalités. Les dispositions du projet de loi C-25, cependant, jettent un filet immense et pourraient vraisemblablement s'appliquer à peu près à n'importe qui, dans toutes sortes de situations dépassant de loin le domaine de l'évasion fiscale abusive.

Nous avons indiqué dans notre mémoire quelques exemples pour illustrer justement jusqu'où pourrait aller la loi. J'aimerais les examiner brièvement avec vous.

Mon premier exemple est celui de Marie, dont les parents ont pris leur retraite aux Bermudes il y a deux ans. Marie a eu un enfant, et ses parents sont venus lui rendre visite dans le but de passer quelque temps avec la famille. Cela fait maintenant un peu plus de six mois qu'ils sont au Canada. Comme ils ont passé plus de six mois au pays, les parents de Marie doivent être considérés comme des résidents du Canada et seraient tenus de payer l'impôt canadien sur leur revenu mondial pour l'année financière 2000. Marie, qui le sait, en a discuté avec eux, mais son père a fermement déclaré son intention de ne pas présenter de déclaration de revenus au gouvernement canadien pour l'année 2000 après son retour aux Bermudes.

• 1600

Selon la loi telle qu'elle est formulée actuellement, si Marie est d'accord avec son père, ou si elle ne fait rien pour le convaincre de présenter une déclaration de revenus au Canada, elle pourrait être passible d'une pénalité pouvant s'élever à 50 p. 100 du montant que ses parents auraient autrement eu à verser.

Le deuxième exemple que nous donnons est celui de Tom. Tom est le propriétaire d'une entreprise de rénovation domiciliaire et un client lui a demandé d'envoyer à son bureau la facture des travaux effectués à son domicile. Le client a expliqué à Tom qu'ainsi, il pourrait obtenir un crédit d'impôt pour les coûts des rénovations effectuées à son domicile. Si Tom acquiesce à cette demande, il pourrait être passible d'une pénalité de 50 p. 100 du montant d'impôt que la compagnie pourrait épargner en déclarant les frais de rénovation au titre des crédits d'impôt sur des frais d'entreprise.

Ce qui est ironique ici, c'est que Tom pourrait être pénalisé, que ce client réclame ou non ce crédit d'impôt, parce que dans la loi, il n'est question que de fausse déclaration sur laquelle un individu pourrait fonder sa déclaration fiscale.

Nous croyons aussi que la loi, tel qu'elle est actuellement, crée une espèce de double mesure. La conduite de conseillers comme les avocats et les comptables qui se font payer à l'acte ne pourra pas être jugée coupable tout simplement parce qu'ils se seront fiés de bonne foi aux renseignements fournis par leurs clients ou au nom de leurs clients. Cependant, ce moyen statutaire de défense fondé sur le crédit accordé à l'information n'est pas accessible aux conseillers engagés dans ce que la loi qualifie d'«activités exclues». Une activité exclue consiste à «accepter une contrepartie au titre de la promotion ou de la vente d'un arrangement».

Là encore, nous présentons un exemple qui illustre vraiment la nature de nos préoccupations relativement à cette disposition particulière. Je vous ai décrit une situation ou un comptable, un avocat et un professionnel de l'assurance ont été engagés en tant qu'équipe de conseillers pour concevoir et mettre en oeuvre un plan successoral exhaustif pour leur client. Le comptable et l'avocat facturent leur client de la manière habituelle, c'est-à-dire à l'heure. Le professionnel de l'assurance, quant à lui, est rémunéré au moyen de commissions sur la vente d'assurances ou d'autres produits financiers découlant de la mise en oeuvre de ce plan successoral.

D'après la formulation du projet de loi, le comptable et l'avocat seront autorisés à accorder crédit à l'information qui leur est fournie par le client ou au nom du client par les autres conseillers. Par contre, comme l'agent d'assurance reçoit une contrepartie, en l'occurrence les commissions, il sera considéré comme étant engagé dans une activité exclue et ne pourra pas invoquer pour sa défense le crédit accordé à l'information. C'est donc que le professionnel de l'assurance sera obligé d'exercer un surcroît important de diligence raisonnable à l'égard de toute l'information qui lui est fournie par le client ou par les autres conseillers au nom du client, afin de s'assurer que cette information ne comporte aucune fausse déclaration qui pourrait l'exposer à des pénalités.

À notre avis, rien ne peut justifier d'imposer une norme plus élevée à un conseiller professionnel pour le simple fait qu'il est rémunéré au moyen de commissions qui lui sont versées sur la vente de produits financiers plutôt que d'honoraires. L'ACCAF et le CALU recommandent par conséquent que le projet de loi soit modifié de manière à ce que les conseillers en assurance et en finance qui sont engagés dans des activités exclues puissent, eux aussi, invoquer le crédit accordé à l'information.

Cette situation est particulièrement troublante pour les conseillers en assurance à cause de ce qu'on appelle l'inversion du fardeau de la preuve, en ce qui concerne les questions d'évaluation. Lorsque nous faisons l'évaluation d'une propriété ou que nous fournissons un service qui déborde de la fourchette prescrite, qui sera déterminée par le règlement, à un certain pourcentage près, et que la valeur du produit ou du service particulier s'avère dépasser de cette fourchette, l'évaluation est considérée comme une déclaration fallacieuse. Cela déplace donc le fardeau de la preuve, qui incombait aux autorités du ministère du Revenu, sur le conseiller qui doit maintenant prouver que l'évaluation était raisonnable, qu'elle a été faite de bonne foi et qu'elle n'était pas fondée sur des hypothèses déraisonnables ou trompeuses.

• 1605

Dans la situation que nous avons décrite dans notre exemple au sujet de l'avocat, du comptable et du professionnel de l'assurance, si l'évaluation de la compagnie d'une personne, par exemple, se trouve à déborder de cette fourchette, le professionnel de l'assurance ne pourrait pas se défendre en invoquant le crédit accordé à l'information. Par conséquent, pour éviter d'être frappé d'une pénalité administrative, le professionnel de l'assurance serait contraint de prouver que l'évaluation était raisonnable, même s'il n'y a absolument pas pris part.

Pour terminer, monsieur le président, l'ACCAF et le CALU comprennent et approuvent le principe sur lequel sont fondées les pénalités administratives proposées dans le budget fédéral de 1999. Cependant comme, je crois, nous l'avons démontré dans nos exemples, nous sommes convaincus que la loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, a une portée beaucoup trop vaste et fait courir des risques inutiles à certains conseillers et contribuables, tout en mettant à l'abri les comptables et les conseillers juridiques, qui sont protégés par la notion du crédit accordé à l'information.

Le gouvernement fédéral a l'obligation de formuler les lois de manière à ce que leurs effets et leurs conséquences soient aussi clairs que possible et à ne pas provoquer ni permettre de conséquences non intentionnelles et inutiles sur ceux qui fournissent des services nécessaires au gouvernement canadien et aux contribuables eux-mêmes. Tel qu'il est maintenant, le texte de loi ne répond pas à cette exigence.

Je vous remercie beaucoup pour votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Strain.

Nous passons maintenant aux questions. Monsieur Forseth, vous avez la parole.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.

Je vous souhaite la bienvenue.

Je crois que ce dont il s'agit ici est peut-être une question d'équilibre. Je note particulièrement ce dernier paragraphe, qui commence par «Le gouvernement canadien a l'obligation de formuler les lois...». Manifestement, vous signalez votre difficulté à reconnaître ou à tenir compte de l'équilibre relatif.

Pourquoi le gouvernement voudrait-il faire cela? Y a-t-il un problème réel que nous nous efforçons de régler? Et si vous le reconnaissez, peut-être pourriez-vous suggérer plus spécifiquement, pour étayer un peu ce paragraphe, une solution? Ce que je comprends de votre discours est que vous ne dites pas que cet article devrait être supprimé intégralement. Vous parlez d'ajustements ou de raffinements. Alors peut-être pourriez-vous parler de cet aspect de la question plus générale de l'équilibre—je suppose que vous présumez que le gouvernement poursuivra sur cette voie, alors vous souhaitez quelque mise au point. Pourquoi le gouvernement devrait-il s'engager en ce sens? Peut-être pourriez-vous vous faire plus précis dans vos observations sur le but que nous visons réellement ici.

M. Bill Strain: Je conviens que c'est nettement une question d'équilibre. Comme nous l'avons dit dès le départ, nous ne nous opposons pas en principe à ce que le gouvernement tente de faire. Si nous revenons à l'objet de ces dispositions qui, je crois, découlent des recommandations du vérificateur général, du Comité des comptes publics et du Comité technique sur l'impôt des entreprises, tous suggéraient que des pénalités administratives soient prévues par la loi à l'intention de ceux qui favorisent l'abus des abris fiscaux. Mais je pense que ce que nous voyons ici, c'est que le gouvernement reçoit ces recommandations mais dit en fait qu'il est un peu difficile de formuler une loi qui cible spécifiquement les coupables, alors pourquoi ne pas simplement adopter une espèce de disposition globale qui permettra à l'Agence canadienne des douanes et du revenu d'user de ses pouvoirs administratifs pour s'attaquer à ceux qui, à son avis, abusent réellement du système.

• 1610

Là où nous voulons en venir, c'est que nous ne croyons pas que c'est ainsi qu'il faut procéder. Nous pensons que, s'il doit y avoir imposition de pénalités, celles-ci devraient être spécifiques aux groupes qu'elles visent.

Dans ce contexte, par exemple, il me semble que le gouvernement devrait cibler ceux qui favorisent l'abus des abris fiscaux ou qui encouragent l'évasion fiscale dans le cadre de leurs activités professionnelles courantes. Il y a des gens ou des groupes qui font cela à titre rémunérateur, pour une contrepartie.

Aucune restriction n'est prévue dans cette loi quant à l'imposition de pénalités à ceux seulement qui tirent profit de ces activités. Alors comme le disait M. Colby, cela revient à se servir d'une masse pour tuer une mouche, et nous trouvons que la loi devrait être précisée de manière à viser clairement ceux qu'elle cible.

M. Paul Forseth: Oui, monsieur Colby.

M. Everett Colby: Monsieur Forseth, si vous permettez que j'ajoute quelques observations, la Loi sur l'impôt renferme déjà des dispositions visant les contribuables qui remettent des déclarations fallacieuses, qui favorisent l'abus des abris fiscaux, etc. Il y a des sanctions pénales qui sont prévues.

Dans des discussions que j'ai eues—je travaille dans un cabinet de comptabilité publique et je m'entretienne avec des gens de la Section d'appel et d'autres secteurs de Revenu Canada—le sentiment général est que cela prend trop de temps pour atteindre le contrevenant par l'entremise de la procédure criminelle. Les procédures civiles les aident donc à accélérer le processus. C'est, à mon avis l'un des principaux buts que vise l'instauration d'une espèce de pénalité administrative, qui permet de rechercher à prime abord le recouvrement financier, contrairement à la poursuite criminelle où on peut devoir attendre jusqu'à la fin de la procédure pour avoir le moindre résultat d'ordre monétaire.

Revenu Canada lui-même—et je souligne ce point, dans son rapport de 1997 dont j'ai fait mention, «Observation: de la vision à la stratégie»—a fait sa propre étude et en 1994, un sondage relatif à l'observation, effectué à Toronto et Ottawa, a indiqué que sur l'ensemble des spécialistes en déclarations de revenus et des contribuables, moins de 40 spécialistes et moins de 12 000 contribuables, ce qui représente moins de 1 p. 100 de toutes les déclarations de revenus dans ces villes, ont été identifiés comme auteurs de faux énoncés.

Par conséquent, les faux énoncés sur lesquels est mis l'accent et le domaine où un certain jugement va être porté par Revenu Canada, mis à part les scénarios d'évasion fiscale—nous parlons des domaines où un jugement va être porté par le soi-disant comité de surveillance au sujet de ce qui constitue le fait de participer sciemment à un faux énoncé—ne posent pas un problème aussi grave que les activités frauduleuses elles-mêmes.

C'est encore une fois comme si l'on se servait d'une masse pour tuer une mouche. Le ministre des Finances est l'auteur de ce projet de loi et il veut qu'il aboutisse. Il y va de son intérêt d'avoir le plus de pouvoir possible dont il pourra user à sa discrétion dans le but de prévoir des pénalités qu'il pourra infliger sans tarder. Si vous voulez vous battre, savez-vous contre qui vous devrez le faire? Contre l'entité qui impose la pénalité.

M. Paul Forseth: J'ai bien aimé l'observation sur la façon dont il faudrait assurer la police des polices. Vous proposez, pour arriver à un équilibre...

M. Everett Colby: Dans mon rapport, je propose que le comité de surveillance compte des membres de l'Association professionnelle de comptables et de l'Association du barreau qui pourraient faire part de leurs vues et de leurs perspectives et peut-être... Je ne sais pas si ce comité va siéger et voter pour savoir s'il faut imposer des pénalités dans telle ou telle situation, mais j'imagine qu'il va examiner les faits et prendre une décision pour décider si l'activité ou le comportement en question justifie ces pénalités.

Il serait avantageux, avant même de former un jugement à cet égard, d'avoir cette influence extérieure qui peut avoir déjà l'expérience de ces questions et qui ferait des observations; ensuite, ce comité pourrait tenir un vote pour décider si la pénalité doit être imposée ou non.

• 1615

M. Paul Forseth: Il est intéressant de voir que beaucoup des sentiments généraux que vous manifestez au sujet de votre crainte d'effets pervers pourraient également s'appliquer au malheureux contribuable lui-même qui a affaire avec l'ADRC. Je termine toutefois mes observations ici pour laisser...

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Paul, je crois que vous soulevez un point très intéressant au sujet de l'observation relative à la police des polices, car, comme vous le savez, je crois qu'en vertu de la législation à l'origine de l'ADRC, cette agence ne relève plus du Parlement, elle relève du ministre du Revenu national.

M. Everett Colby: À peine.

M. Roger Gallaway: À peine, effectivement—s'il le veut bien, il émet une directive à l'agence.

Vous présentez des arguments fort intéressants, à mon avis. Ce que vous dites en fait, je crois—et, monsieur Strain, vous avez soulevé les mêmes genres de préoccupations—c'est que lorsqu'une allégation—ce que je qualifierais d'allégation—est portée par l'ADRC contre un membre de votre profession, il n'a pas le choix, il doit se battre. Selon une des règles fondamentales de notre système judiciaire, vous pouvez répondre aux accusations ou aux allégations portées contre vous. Si je comprends bien, et c'est une de vos préoccupations—qui, je pense, est très légitime—c'est que la méthodologie ou la structure permettant de répondre à ces allégations est, au mieux, vague et incertaine, n'est-ce pas?

M. Everett Colby: Dans une certaine mesure, oui.

M. Roger Gallaway: Monsieur Strain, pour passer à certains des exemples que vous avez donnés—car j'essaie de comprendre le premier, l'exemple de la fille—je suppose que cette fille n'est pas une spécialiste, ni une fiscaliste, ou bien, partez-vous de l'hypothèse qu'elle est membre de votre association?

M. Bill Strain: Non, et c'est là que nous pensons que la portée de la mesure législative est vraiment très vaste. Laissez-moi vous montrer comment nous sommes arrivés à cette conclusion. Je cite la mesure législative: «La personne»—cela ne signifie pas nécessairement un conseiller—«qui fait un énoncé à une autre personne ou qui participe, consent ou acquiesce à un énoncé fait par une autre personne, ou pour son compte». Eh bien, on peut prétendre que Mary a acquiescé au fait que son père ne fasse pas de déclaration. L'ADRC, en vertu de cette mesure législative, aurait le pouvoir d'imposer une pénalité.

M. Roger Gallaway: D'accord. Je suis sûr que les gens du ministère et de l'ADRC diraient que c'est un peu exagéré et que cela ne répond pas au critère de cohérence.

M. Bill Strain: Je suis d'accord. Par contre, ce que nous donnons aux législateurs, c'est le pouvoir le plus vaste possible d'imposer, à leur discrétion...

M. Roger Gallaway: D'accord. Permettez-moi de passer au deuxième exemple que vous donnez, celui de la rénovation domiciliaire, je crois.

Supposons que dans ce cas-là, le client de l'entreprise de rénovation, qui, vous dites, est propriétaire d'une entreprise... supposons que l'entreprise de rénovation installe un bureau à domicile qui, on pourrait le défendre, est nécessaire, et que l'ADRC juge, après coup, que ce n'est pas une dépense déductible, même si tous les employés dans la hiérarchie, si je peux présenter les choses de cette façon, croient que c'est le cas...

Peut-être vais-je faire intervenir le groupe de M. Colby. De bonne foi, chacun a cru qu'il s'agissait d'une dépense déductible, que le fait d'installer un bureau à domicile serait une dépense d'entreprise. C'est alors que l'ADRC déclare que malheureusement, ce n'est pas le cas. Est-ce que l'entreprise de rénovation pourrait être prise dans les mailles du filet, si tel était le cas?

M. Bill Strain: Je crois que dans le cas que vous décrivez, les autorités de Revenu Canada devraient donner la preuve que l'entreprise de rénovation croyait, ou qu'il était raisonnable de croire, que le fait d'imputer la dépense à l'entreprise était simplement une façon d'obtenir une déduction. Si l'entreprise de rénovation installait un bureau à domicile et qu'il était raisonnable de croire que ce bureau était une dépense d'entreprise raisonnable et déductible, je crois que l'entreprise de rénovation disposerait d'une bonne défense.

• 1620

Ce que j'essayais de montrer ici, c'est l'exemple évident où quelqu'un qui fait installer une piscine demande que la facture soit envoyée à son entreprise et précise à l'installateur que c'est parce qu'il peut ainsi obtenir une déduction fiscale. Celui qui a fait le travail de rénovation ou qui a installé la piscine sait que s'il refuse, il risque de ne pas être payé pour le travail qu'il a fait et pourtant, il court le risque de la pénalité.

M. Roger Gallaway: Je crois que nous pouvons tous les deux convenir qu'aux deux extrémités du spectre, tout est clair, mais qu'au fur et à mesure qu'on se rapproche du centre...

M. Bill Strain: Absolument.

M. Roger Gallaway: ... nous dépendons maintenant du pouvoir discrétionnaire administratif de l'ADRC.

Passons maintenant à l'exemple de l'évaluation que vous donnez au paragraphe 4. Si l'un de vos membres engage un évaluateur agréé—par exemple un CGA—et que cette personne vous donne un chiffre pour une propriété, par exemple, pour le jour-J à la juste valeur du marché ou que, pour quelque raison que ce soit, il tombe à côté de la plaque—soyons francs à ce sujet, ce chiffre ne correspond absolument pas à la réalité—êtes-vous en train de dire que vous, en tant que membre de votre groupe, vous pourriez être coincé du fait que cette personne, pour quelque raison que ce soit, est complètement à côté de la plaque?

M. Bill Strain: C'est ce que la mesure législative semble prévoir. Elle indique en fait que lorsqu'une évaluation immobilière—le pourcentage refuge étant de 20 p. 100—correspond au double de la juste valeur de marché, on présume que l'énoncé est faux et qu'il correspond à une conduite coupable de la part de ceux qui ont participé au plan—l'évaluateur, le comptable, l'avocat, l'agent d'assurance. Il revient alors à ces personnes de montrer que l'évaluation s'est faite de bonne foi et qu'elle est raisonnable dans les circonstances. Si elles ne peuvent le faire, la pénalité s'applique.

M. Roger Gallaway: Cela nous amène dans tout le domaine de... notamment en ce qui a trait à l'immobilier. Beaucoup d'entre nous ont lu des exemples relatifs à la Société immobilière de l'Ontario où l'immobilier—et je suis sûr qu'il existe des tonnes d'évaluations—se vend pour x dollars et un mois plus tard, se vend pour xx dollars. Qui a raison et qui a tort, je ne le sais pas, surtout dans un marché instable et en effervescence.

La ville d'Ottawa est un bon exemple en ce moment même. Dans certains secteurs, à Gloucester et dans d'autres, la municipalité n'arrive pas à suivre l'infrastructure. Que faites-vous en pareils cas? Où êtes-vous?

M. Bill Strain: Franchement, je ne le sais pas, et je crois que c'est le problème de cette approche. Elle consiste à dire que, par définition, si votre chiffre ne correspond pas finalement à ce qui est prévu par un certain pourcentage, tout d'un coup, il est jugé erroné, il est jugé correspondre à un énoncé faux et c'est aux conseillers de prouver le contraire.

Vous avez parlé de l'immobilier. Vous avez parlé du phénomène des entreprises.com dont l'évaluation peut être considérablement exagérée. À mon avis, c'est à Revenu Canada de démontrer qu'il y avait intention de tromper, de faire de fausses déclarations, d'avoir des activités frauduleuses pour...

M. Roger Gallaway: Si vous parlez d'intention, vous entrez dans le domaine des sanctions pénales par opposition aux pénalités administratives.

M. Everett Colby: Monsieur Gallaway, c'est le résultat de ces règles. Elles permettent d'imposer des procédures pénales de façon plus rapide, si bien qu'il faudrait avoir ces mêmes éléments d'intention.

M. Roger Gallaway: Je vous remercie de le dire officiellement, monsieur Colby.

Monsieur Colby, au dernier paragraphe de votre mémoire, vous faites une recommandation ou une observation qui me surprend dans un sens, car vous proposez de travailler avec l'ACDRA pour mettre au point des règlements garantissant que la législation ne sera pas administrativement réduite à néant ou utilisée abusivement, au détriment des relations professionnelles. Pourtant, le gouvernement a malheureusement tendance aujourd'hui, je crois, à adopter des lois par communiqués et règlements. En d'autres termes, le Parlement cède sa prérogative, ses pouvoirs et ses droits, à des agences. Ainsi, le Parlement a cédé son pouvoir, si je peux m'exprimer ainsi très directement, à l'Agence des douanes et du revenu du Canada et le Parlement ne conserve pas le droit de prendre des règlements—cette responsabilité revenant au cabinet ou au gouverneur en conseil. Pourtant, vous proposez de suivre cette voie pour mettre au point des règlements relatifs à cette mesure législative.

• 1625

Comme vous le savez, les règlements ne sont pas immuables, ils peuvent changer. Ils ne sont pas assujettis à l'examen minutieux du Parlement. Ils vont et viennent au gré du bon vouloir des ministres et des cabinets. Je ne veux pas paraître arbitraire, mais la philosophie et les orientations, dans le domaine de la perception fiscale notamment, changent profondément. Par conséquent permettez-moi de vous poser la question suivante: Pourquoi voudriez-vous vous lancer dans le processus réglementaire? Pourquoi ne recommanderiez-vous pas un changement plus profond de la mesure législative par opposition à un changement réglementaire?

M. Everett Colby: Très honnêtement, étant donné que l'ADRC est en mesure de se soustraire à l'emprise de notre merveilleux gouvernement, nous voulons nous y introduire pour nous protéger de quelque façon que nous le puissions, sachant bien qu'il ne sera pas vraiment possible de modifier cette mesure législative comme nous le souhaitons. Par conséquent, si nous ne pouvons pas obtenir tout ce que nous voulons, nous voulons à tout le moins obtenir quelque chose. C'est la raison pour laquelle nous aimerions être représentés au sein de ce comité de surveillance où nous serions au moins l'un des représentants.

J'aimerais boucler la boucle au sujet d'une observation que vous avez faite un peu plus tôt à propos de l'équité et du fait que l'ADRC est aujourd'hui, à toutes fins pratiques, indépendante. Je serais heureux de discuter avec vous de mes préoccupations au cours d'un dîner, mais lorsque nous parlons d'équité et d'impartialité, qualités qui devraient être celles de l'organisme du revenu et de la fiscalité, je m'inquiète du fait que cet organisme m'impose une pénalité et que je dois me défendre devant ce même organisme.

Certaines des questions que vous avez posées à M. Strain, le vérificateur, la portée... J'ai un exemple précis, celui d'un spécialiste en déclarations de revenus dans une petite ville du nord de l'Ontario qui prépare la déclaration du revenu du même client depuis 10 ans. La société pour laquelle travaille cette personne fournit un avantage imposable relatif à l'utilisation d'une voiture automobile. Pour cette année particulière, 1998, la société, pour quelque raison que ce soit, a oublié d'inclure l'avantage sur le T-4 de ce monsieur. Le vérificateur est intervenu, a établi la nouvelle cotisation du contribuable et dit au spécialiste: «Vous avez la chance que cet article ne soit pas en place, car vous auriez dû savoir que la société avait fait une erreur et ne lui avait pas permis de déclarer cet avantage. Par conséquent, je devrais vous imposer une pénalité minimale de 1 000 $. Même si vous lui avez demandé 40 $ pour préparer sa déclaration de revenus et que vous n'êtes absolument pas touché par le remboursement supplémentaire qu'il pourrait avoir reçu, c'est...»

Ce sont les gens sur le terrain, du fait qu'ils sont les premiers renseignés, qui vont se présenter au comité de surveillance avec cette mesure législative...

M. Roger Gallaway: Excusez-moi. Sans vouloir vous interrompre, il me semble que vous indiquez que si une personne vous dit: «Préparez ma déclaration de revenus et, soit dit en passant, voici mon T-4 et normalement, j'ai ici un avantage imposable relatif à l'utilisation d'une automobile qui normalement serait inscrit ici, mais cette année, il n'y est pas», l'ADRC dirait que c'est le spécialiste en déclarations de revenus qui devrait le savoir ou que c'est le spécialiste qui devrait poser la question suivante au client: «Pourquoi est-ce différent cette année?» En d'autres termes, vous ne pouvez pas vous fier à un T-4.

M. Everett Colby: C'est ce que nous sommes portés à croire pour l'instant. La façon dont la mesure législative est libellée, je dirais que oui. C'est la raison pour laquelle nous vous faisons ces exposés. Nous ne nous opposons pas au fait que l'ADRC ou le gouvernement fédéral impose des pénalités à ceux qui le méritent—ceux qui s'adonnent à des activités fiscales frauduleuses, ceux qui conseillent l'évasion fiscale, etc. Je suis désolé de le dire—et Dieu merci, personne ici n'est membre de l'ADRC—il ne s'agit pas d'une organisation en qui je fais aveuglément confiance depuis 10 ans, et cette mesure législative qui va être adoptée, sous une forme ou une autre, va lui donner énormément de pouvoir.

• 1630

Le président: Y a-t-il quelqu'un en qui vous faites aveuglément confiance, monsieur?

M. Everett Colby: Mon épouse.

Des voix: Oh, oh!

M. Everett Colby: Et mon député.

Le président: Je voulais simplement que cela figure au compte rendu.

M. Everett Colby: Il va falloir que j'indique à mon épouse où lire cette déclaration.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: Vous avez dit également qu'un «vérificateur trop zélé du fisc» pourrait utiliser «l'article 163 comme instrument de négociation au moment de l'établissement de la nouvelle cotisation d'un client».

Pensez-vous vraiment qu'il le ferait?

Des voix: Oh, oh!

M. Everett Colby: Voulez-vous que je réponde à cette question?

M. Roger Gallaway: Oui, c'est une question que je vous pose.

M. Everett Colby: La meilleure façon pour moi de répondre consiste à vous donner un exemple de ce qui m'est arrivé. Un de mes vérificateurs à Ottawa a procédé à la vérification d'une entreprise de rénovation domiciliaire. Ce monsieur vivait dans une très belle maison, une maison qu'il ne pouvait pas se permettre, de l'avis de la plupart d'entre nous. C'est un de ses parents fortunés qui le lui avait donnée en cadeau. Le vérificateur ne le savait pas et il a établi une nouvelle cotisation, tellement il était convaincu que cet homme-là faisait du travail non déclaré.

Une fois le tout terminé, il a dit, et je cite: «Si j'ai raison et que cette pénalité était prévue, je déterminerais l'impôt à payer, car vous devez savoir—vu que cet homme vit dans cette maison—qu'il ne déclare pas tous ses revenus.»

Si vous prenez le revers de la médaille, un client vient me voir—je travaille également dans le domaine des appels et des objections, si bien que je ne connais pas nécessairement tous mes clients depuis longtemps—uniquement parce que le vérificateur a établi une nouvelle cotisation. N'oubliez pas que les vérificateurs sont jugés en fonction de leur taux de succès, si bien qu'il ne fait aucun doute qu'ils sont un peu trop zélés.

Il me dit, «Eh bien, voici ce que je vais faire. Je ne vous imposerai pas de pénalité—parce que je pense que je pourrais le faire—si vous ne contestez pas la nouvelle cotisation.» Que vais-je faire? Je risque d'être poursuivi par le client si je ne défends pas ses intérêts, ou de me voir imposer une pénalité administrative par le vérificateur si je défends les intérêts de mon client. Quel choix s'offre à moi? Quoi que je fasse, on dira que mon comportement est presque contraire à l'éthique. Je mets ma réputation et ma carrière en jeu à cause de cela.

M. Roger Gallaway: Ma dernière question est la suivante. Les sanctions pénales existent depuis de très nombreuses années. Quelle est l'ampleur du problème? Pouvez-vous nous dire combien d'accusations portées chaque année sont examinées par votre association ou CALU?

M. Everett Colby: Vous parlez d'accusations au criminel?

M. Roger Gallaway: Oui, en vertu du présent régime.

M. Everett Colby: Comme je l'ai déjà mentionné, et ce sont les seuls chiffres que j'ai, moins de 40 spécialistes en déclarations ont fait de faux énoncés dans les déclarations de revenu.

M. Roger Gallaway: Au niveau pénal.

M. Everett Colby: Eh bien, à mon avis, les faux énoncés, qui sont habituellement frauduleux, relèvent du domaine pénal.

Si je me fie aux discussions que j'ai eues avec des vérificateurs en qui j'ai confiance—mais non pas aveuglément—ce qui les préoccupe avant tout, ce sont les abris fiscaux abusifs, où l'on voit des clients perdre tout leur argent parce que le type l'a investi dans d'autres projets ou je ne sais quoi. Leur intention est très légitime, parce qu'en vertu du régime de sanctions pénales, ils doivent attendre avant de pouvoir geler les avoirs du type.

Dans le cadre du régime de pénalités administratives, ils peuvent obtenir, par exemple, une injonction Mareva pour geler les avoirs. Je suis d'accord avec cette démarche. Ce n'est pas la grande majorité des fiscalistes, assureurs ou conseillers financiers... Ou, comme on l'a si bien dit, ce projet de loi vise tout le monde. Il n'exclut personne.

• 1635

Donc, cela veut dire que la fille est tout aussi responsable que moi, en tant que spécialiste en déclarations, si l'ADRC, dans sa grande sagesse, décide qu'elle aurait dû être au courant de ces faits et qu'elle aurait dû les prévenir. Qui va l'empêcher d'exercer ce pouvoir, sans recours aucun?

M. Roger Gallaway: Donc, vous avez recommandé ou proposé—je ne sais plus qui l'a fait—que le bureau principal examine chacun de ces...?

M. Everett Colby: Non. En raison des préoccupations que soulève l'application de ces pénalités administratives, l'ADRC a décidé qu'elle ne permettra pas, pour l'instant, à nos vérificateurs d'imposer de telles pénalités. Elle prévoit mettre sur pied un comité central de surveillance à qui le vérificateur devra s'adresser pour l'imposition d'une telle pénalité.

Nous aimerions faire partie de ce comité, pour les raisons que j'ai mentionnées. Nous n'avons pas abordé la question dans notre mémoire, mais nous aimerions que ce comité siège en permanence. Rien ne dit qu'on va le garder pour plus de trois ou quatre ans. Qu'arrivera-t-il ensuite? Nous avons des comités permanents...

M. Roger Gallaway: Mon rôle ici n'est pas de répondre à des questions, d'accord?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Vous n'avez pas une dernière question à poser?

M. Roger Gallaway: Non. C'était ma dernière question.

Le président: Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: J'aimerais parler de la procédure régulière. Quand quelqu'un se voit imposer une pénalité, à qui peut-il s'adresser pour la contester? Quelle est la marche à suivre dans ces cas là? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Par ailleurs, je me demande, quand je jette un coup d'oeil aux dispositions pertinentes... Vous avez dit que le comité devrait siéger en permanence... En tant qu'organisme, vous avez des ressources. Avez-vous consulté un conseiller juridique indépendant au sujet du genre de libellé qui, dans un contexte législatif, saurait vous satisfaire?

On peut continuer de tourner en rond et dire, eh bien, ceci ne me convient pas, cela ne me convient pas... Mais on peut aussi court-circuiter tout le processus en consultant un conseiller indépendant et en disant, voilà le libellé que je serais prêt à accepter. Avez-vous fait de telles démarches?

M. Everett Colby: Pour répondre à vos questions dans l'ordre, la pénalité administrative qui est imposée en vertu de cette disposition-ci est assimilée à un avis de cotisation; elle fait l'objet d'une nouvelle évaluation. Si vous voulez la contester, vous devez d'abord vous adresser à la direction des appels de l'organisme qui a imposé la pénalité. Si vous n'êtes pas satisfait du résultat, vous pouvez alors vous adresser à la Cour canadienne de l'impôt. Cela vous permet, à tout le moins, d'avoir accès à processus judiciaire plus impartial.

Donc, vous devez d'abord interjeter appel, comme vous le feriez pour n'importe quel autre avis de cotisation. Vous vous adressez ensuite à la Cour de l'impôt, ensuite à la Cour fédérale d'appel, et qui sait? L'affaire peut-être portée devant la Cour suprême, dans certains cas. Toutefois, c'est la procédure qui serait habituellement suivie.

Quant au libellé, nous avons demandé, par exemple, que le mot «indifférence», qui figure dans la définition de l'expression «conduite coupable», soit mieux définit pour que nous puissions avoir une meilleure idée de notre responsabilité. Nous n'avons pas encore demandé à obtenir un avis juridique au sujet du comité de surveillance, parce qu'on nous a «dit» que ce comité allait être mis en place. Le projet de loi ne prévoit rien à cet égard. On nous a dit, pour nous apaiser, «D'accord, c'est ce que nous allons faire en raison des réserves que vous avez exprimées.»

Si nous pouvons proposer que la création d'un tel comité soit précisée dans la loi, alors je vous demanderais de nous accorder peut-être quelques jours pour que nous puissions préparer un libellé qui indiquerait que le comité serait permanent, et qu'il compterait des représentants de notre organisme et d'autres groupes. Nous accepterions volontiers de le faire.

M. Paul Forseth: Il faudrait que cela se fasse très rapidement.

M. Everett Colby: Je comprends.

M. Paul Forseth: Vous avez parlé de la procédure qui est suivie pour contester une pénalité. Avez-vous un autre recours ou une autre démarche intermédiaire à proposer? Ou êtes-vous satisfait de ce qui existe déjà?

M. Everett Colby: Eh bien, si vous êtes d'accord avec l'idée que des membres de l'association professionnelle, ou du moins—et je n'ai rien contre les assureurs-conseils—de l'association qui semble la plus visée à l'heure actuelle, fassent partie du comité de surveillance chargé d'examiner la pénalité imposée, on devrait peut-être alors créer un comité spécial des appels, calqué sur le modèle du comité de l'équité, sauf que d'autres membres de l'association ou du grand public pourraient en faire partie. On aurait ainsi un comité plus impartial qui aurait pour tâche de décider si la pénalité imposée est justifiée ou non.

• 1640

M. Paul Forseth: Oui. Ces questions devraient être réglées dans le cadre d'un processus informel, parce que le fait de s'adresser à la Cour canadienne de l'impôt est tout simplement... Les gens diraient tout simplement que la partie est finie.

Une voix: Oui.

M. Paul Forseth: Oui.

Le président: Avez-vous d'autres questions?

M. Paul Forseth: Je l'ai oubliée.

Le président: Vous l'avez oubliée? Elle ne vous revient pas à l'esprit?

M. Paul Forseth: Je dirais tout simplement que vous devriez peut-être proposer un autre libellé. Il n'est pas nécessaire de produire quelque chose de formel. Vous pourriez tout simplement jeter un coup d'oeil au libellé actuel et proposer quelque chose d'autre, surtout si vous arrivez à vous entendre entre vous-mêmes, au nom de l'association, et dire que tel libellé vous conviendrait.

Toutefois, je veux bien m'assurer, aux fins du compte rendu, que vous êtes foncièrement d'accord avec le concept, le principe, l'approche adoptée par le gouvernement, c'est-à-dire les pénalités administratives. Je vous ai entendu dire aujourd'hui que vous êtes d'accord avec le principe, mais que ce sont plutôt les points de détail qui vous inquiètent.

M. Everett Colby: Nous sommes tout à fait d'accord avec l'idée d'imposer des pénalités à ceux qui ont recours à la fraude ou qui participent à des activités frauduleuses à des fins fiscales. Notre propre comité de discipline s'empressera de les radier. Mais le projet de loi, en raison de sa portée, peut être appliqué sans tenir compte de ces autres facteurs. Si telle est l'intention, alors il faut en limiter la portée. Autrement, donnez-nous des garanties que l'intention du projet de loi sera bien respectée.

Merci.

M. Paul Forseth: Est-il vraiment nécessaire que le gouvernement intervienne dans ce domaine, ou devrait-il tout laisser tomber?

M. Everett Colby: Bien sûr qu'il doit intervenir. Si on donne tous les pouvoirs à l'ADRC et que le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, qui sera le plus avantagé?

M. Paul Forseth: Ce que je voulais dire, c'est que cette disposition ne devrait peut-être même pas figurer dans le projet de loi. Le gouvernement est en train d'élargir les pouvoirs de l'ADRC. Or, vous semblez accepter cette démarche comme étant inévitable, alors que vous devriez crier haut et fort que le gouvernement ne devrait même pas intervenir dans ce domaine.

M. Everett Colby: C'est ce que nous avons fait. Nous ne sommes pas les seuls. Les avocats, les assureurs et la plupart des professions ont dénoncé le projet de loi quand il a été déposé. Toutefois, on s'est vite rendu compte que ce projet de loi, sous une forme ou une autre, irait de l'avant. Nous avons donc modifié notre position et essayé d'exposer clairement nos vues sur la question.

Si vous voulez abandonner le projet de loi, je ne m'y opposerai pas.

M. Bill Strain: Nous non plus.

Des voix: Oh, oh!

M. Bill Strain: Nous ne sommes pas contre l'imposition de pénalités administratives à ceux qui font un usage abusif des abris fiscaux. Or, quand on jette un coup d'oeil au libellé du projet de loi C-25, on se rend compte que sa portée est beaucoup plus vaste que ce que le ministre avait laissé entendre dans le budget de 1999, étant donné qu'on se trouve à donner à l'ADRC des pouvoirs beaucoup plus étendus que prévu, du moins dans mon esprit.

Si vous jetez un coup d'oeil aux rapports du vérificateur général, du comité des comptes publics et du comité technique de la fiscalité des entreprises, vous allez vous rendre compte qu'ils avaient adopté une approche plus restreinte à l'égard des pénalités administratives imposées à ceux qui font un usage abusif des abris fiscaux.

• 1645

Il faut réduire la portée du projet de loi et cerner ceux à qui des pénalités devraient être imposées. Nous sommes d'accord avec l'idée que l'ADRC établisse des lignes directrices sur le processus administratif, sauf que nous aimerions pouvoir participer aux discussions à ce chapitre. Toutefois, il faut d'abord réduire la portée du projet de loi et bien préciser à qui il s'applique.

Le président: Je ne crois pas que nous allons abandonner quoi que ce soit, et je ne veux pas vous partiez avec cette fausse impression en tête, mais nous allons certainement essayer d'apporter des modifications au projet de loi.

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je m'excuse de mon retard. Je n'ai pas entendu l'exposé, mais je connais un peu le sujet, étant donné que j'ai travaillé pendant longtemps dans le milieu des affaires. Je me demande parfois si on ne devrait pas tout simplement supprimer les vérifications. On devrait partir du principe que tous les renseignements sont présentés de bonne foi.

Or, j'ai aidé de nombreuses personnes à remplir leur déclaration de revenus, et je me souviens aussi d'avoir dit, il y a de nombreuses années de cela, que si tous les contribuables ou particuliers qui préparaient des déclarations de revenus au Canada faisaient l'objet d'une vérification, on trouverait des erreurs dans chaque cas, parce que, que cela nous plaise ou non, tout le monde essaie d'éviter de payer de l'impôt. C'est ce qu'on cherchait à faire. Au fur et à mesure que l'entreprise prenait de l'ampleur, on essayait de trouver quelqu'un de plus spécialisé, quelqu'un qui connaissait bien les subtilités de la loi. Toutefois, le fardeau de la preuve repose toujours sur celui qui signe la déclaration.

Si cette perception existe toujours, comment peut-on nous défaire de l'idée que ce n'est pas tout le monde qui est capable de remplir une déclaration de revenus sans commettre d'erreur? Cette perception a été encouragée par des personnes qui n'hésitent pas à produire des déclarations frauduleuses. Comment peut-on corriger cette situation, s'il n'y a pas de système de freins et de contrepoids dans le projet de loi?

M. Everett Colby: Monsieur Pillitteri, c'est un plaisir de vous revoir. J'ai comparu devant vous quand vous avez examiné le projet de loi sur le blanchiment d'argent et les fraudes.

La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit déjà des pénalités pour dissuader ce genre de comportement, même si nous n'arriverons jamais à empêcher ceux qui veulent tricher de le faire. Ils ne disparaîtront jamais. Il est impossible d'adopter un projet de loi qui va éliminer ce genre de comportement.

Tout ce que nous pouvons espérer, c'est qu'en simplifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, un plus grand nombre de personnes s'y conformeront. Plus nous la rendons complexes, plus il y aura de gens qui diront qu'il faut cacher ceci ou cela. Il faudrait peut-être simplifier la déclaration de revenus et n'avoir qu'une seule ligne qui dit: «Combien avez-vous gagné? Envoyez le tout.»

Des voix: Oh, oh!

M. Everett Colby: Je ne voudrais pas que cela se produise, parce que ma profession n'existerait plus. Toutefois, quand on parle d'honnêteté...

Je ne sais pas si vous étiez présent, mais j'ai dit plus tôt aux membres du comité que, en 1994, Revenu Canada a effectué un sondage sur l'observation. N'oubliez pas que le système fiscal est basé sur l'observation volontaire. Le rapport de 1997 de Revenu Canada, intitulé Observation: De la vision à la stratégie, révélait que, en 1991, à Toronto et à Ottawa, seulement 40 spécialistes en déclarations et moins de 12 000 contribuables avaient fait de faux énoncés dans leurs déclarations. Il s'agit là d'un pourcentage négligeable quand on considère qu'il y a des millions de contribuables dans ces deux villes. Donc, à mon avis, les gens ont déjà une telle crainte de Revenu Canada qu'ils respectent davantage le principe de l'observation volontaire.

Nous avons notre propre code d'éthique auquel nous nous conformons, en tant que professionnels, et chaque organisme professionnel souscrit à de telles normes. Je suis déjà jugé par mes pairs si je fais quelque chose de mal.

• 1650

Je pourrais littéralement tout perdre pour la somme de 300 $. Pourquoi le ferais-je? Je vais tout simplement arrêter de remplir des déclarations de revenus. Les gens vont le faire eux-mêmes. Croyez-vous que cela va les empêcher de faire de faux énoncés? Non.

Pour répondre brièvement à votre question, nous n'arriverons jamais à nous débarrasser des personnes qui veulent frauder le gouvernement. Cette pénalité ne les en dissuadera pas.

Le président: Croyez-vous que c'est un moyen de dissuasion?

M. Everett Colby: Si vous me permettez une analogie avec les règles régissant les déclarations relatives aux biens étrangers qui ont été mises en place il y a quelques années, cela va faire en sorte que les gens honnêtes le seront encore plus. Si une personne ne veut pas faire de déclaration, croyez-vous vraiment que cette mesure va la convaincre du contraire? Peut-être. Si théoriquement nous voulons avoir confiance aux gens, ça va. Cependant je le sais par expérience, ceux qui veulent se livrer à de l'évasion fiscale ou frauder l'impôt trouveront moyen de le faire. C'est ce qui va arriver.

Le président: Mais je vous ai demandé si vous croyiez que c'est un moyen de dissuasion.

M. Everett Colby: Non, je ne le crois pas. Ce que je pense c'est qu'on va imposer une peine pécuniaire à des planificateurs financiers, des comptables, des avocats et des conseillers fiscaux honnêtes et travailleurs qui ne voudront plus faire le travail par crainte d'une amende administrative. Les promoteurs d'abris fiscaux seront toujours là pour le faire, sous une forme différente, tout simplement.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Monsieur Colby, je comprends bien qu'un professionnel, pour 30 $, ne va pas aider quelqu'un à falsifier une déclaration de revenu. Mais dans le cas d'économies d'impôt de plus grande envergure, et c'est un fait établi que cela dépend parfois de la personne dont vous retenez les services pour préparer votre déclaration et du montant qu'il peut légitimement vous faire économiser. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit d'un élément dissuasif pour une personne qui doit penser au montant qu'il doit facturer et au fait qu'il pourrait être reconnu coupable? Ne croyez-vous pas que c'est un moyen de dissuasion?

Croyez-vous honnêtement qu'en tant que gouvernement, qu'en tant que mesure législative, c'est d'essayer de s'en prendre à cet innocent...? Je me rends compte que dans la plupart des enquêtes relatives à des déclarations et ainsi de suite, nous nous demandons toujours s'il est légitime de dire qu'il ne s'agit pas de fraude de toute façon. Je pense que c'était quelque chose qu'on ait oublié. Essayez-vous de dire que la loi fera en sorte que l'interprétation donnée par le personnel de Revenu Canada va changer cette façon de penser? Croyez-vous que c'est l'amende administrative qui va changer la façon d'interpréter la loi ou que le personnel va passer la déclaration au crible et déclarer automatiquement coupable toute personne qui a commis une erreur?

M. Everett Colby: J'aimerais croire que l'intention explicite de cette mesure législative est qu'elle aurait des limitations. Cependant, étant donné mon expérience et celles de collègues avec qui j'ai parlé avec Revenu Canada, beaucoup d'autres mesures législatives qui étaient censées avoir des limitations, par exemple la RGAÉ, c'est-à-dire la règle générale anti-évitement, les règles portant sur les déclarations relatives aux biens étrangers, et toutes ces petites tentatives spéciales de prévention, qui n'ont pas fonctionné, je n'ai pas confiance que Revenu Canada—pas maintenant, à coup sûr, étant donné qu'ils sont plus autonomes par rapport au gouvernement—appliquera la loi de cette manière. Le libellé dans sa forme actuelle ne limite pas le ministère à cette intention. Si c'était le cas, je suis convaincu que tous ceux qui sont à cette table auraient beaucoup moins de choses à dire. En effet nous approuvons les efforts qui sont déployés pour éradiquer la fraude. Je ne crois tout simplement pas qu'on s'y prend de la bonne manière.

Il faut modifier les dispositions relatives à la criminalité de la loi qui leur permet de geler les avoirs au départ. Je ne crois pas que vous étiez dans la pièce lorsqu'on a dit que Revenu Canada dispose déjà de moyens pour poursuivre ces gens, mais qu'il ne peut obtenir un remboursement, la seule façon au départ d'agir sur les fraudeurs. Ils doivent passer par le régime pénal. Laissons-le obtenir les ordonnances relatives au gel des avoirs au moyen des sanctions pénales. On ne mettra pas ainsi en place, par inadvertance, une mesure législative qui pourrait être utilisée de façon abusive.

• 1655

Je ne dis pas que je suis certain que cela va arriver. Mais nous allons tous quitter cette pièce aujourd'hui. Dans dix ans cette mesure législative sera toujours en vigueur et qui sait où nous serons tous? Cette mesure législative est là pour rester.

M. Gary Pillitteri: J'ai une dernière question, monsieur le président. D'après vous est-ce que le changement est apporté en raison de la loi antérieure ou est-ce parce que c'était entre les mains d'une agence, telle qu'on la connaît aujourd'hui?

M. Everett Colby: Non. Je n'aime le libellé actuel de la mesure législative peu importe qui va l'appliquer.

M. Gary Pillitteri: Merci.

M. Everett Colby: Je vous en prie.

M. Paul Forseth: J'aimerais faire une observation. C'est la raison pour laquelle nous avons une Charte des droits et libertés. Cette charte existe pour limiter les abus des gouvernements et bureaucraties contre les particuliers. Vous avez parfaitement démontré pourquoi il nous faut une charte équivalente des droits des contribuables, une mesure dont nous avons fait la promotion, pour faire en sorte que les bureaucraties servent ceux qu'elles sont censées servir. Qui sert qui est le problème, la question d'équilibre.

J'ai terminé.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

Monsieur Gallaway.

M. Roger Gallaway: J'ai une dernière observation qui faite suite à ce qu'a dit M. Forseth. C'est bien de faire une plaidoirie au sujet de la charte. Cependant, la charte n'est traditionnellement pas évoquée dans les affaires civiles. Le fardeau de la preuve dans les affaires civiles, comme vous le savez, est beaucoup moindre que dans les affaires criminelles. Ainsi, il devient moins facile d'établir la culpabilité.

J'aimerais que vous me disiez si vous croyez qu'il y aura une évolution, si je peux utiliser cette expression—ou peut-être davantage une dévolution—dans votre profession. Les gens vous demanderont conseil et vous pourrez en fait leur donner une déclaration pro forma et effectuer le calcul ou que sais-je encore et les facturer ensuite pour ce service. Votre nom n'apparaîtra jamais sur la déclaration. Autrement dit, vous effectuez tout le travail sauf que vous n'apposez pas votre cachet sur la déclaration, peu importe où cette ligne. Par conséquent, vous n'êtes jamais en contact avec cette déclaration. Croyez-vous que cela est possible dans votre profession?

M. Everett Colby: Si je comprends bien votre question, vous me demandez s'il est possible que des amendes administratives me soient imposées en vertu de la loi?

M. Roger Gallaway: C'est une façon d'éviter tout ce filet.

M. Everett Colby: Non. Nous avons entendu aujourd'hui mes estimés collègues nous parler des planificateurs en matière d'assurance auxquels s'appliquent les dispositions concernant la planification financière. Un des principaux domaines de mon cabinet est la planification fiscale qui malheureusement tombe sous le coup de cette disposition relative à la planification. Par conséquent, cette exception pour les personnes qui se fient de bonne foi à des renseignements ne s'applique pas dans mon cas.

Disons qu'aujourd'hui je conseille ce client pour une planification fiscale qui est conforme à toutes fins utiles à la loi ou du bon côté de la zone grise, où se situent très souvent la plupart de ces lois fiscales. Supposons que dans deux deux ans la loi est modifiée et que les conseils que j'avais donnés à l'époque ne sont plus pertinents. Si ce contribuable, que je ne compte peut être plus parmi mes clients, se fie à ces conseils et les suit, d'après le libellé actuel des amendes administratives peuvent m'être imposées et cela fait un peu peur.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

M. Roger Gallaway: Non. Je vous remercie.

Le président: Au nom du comité, j'aimerais vous remercier. Vous nous avez certes donné matière à réflexion. Il va sans dire que nous allons apporter certains amendements à ce projet de loi et que nous allons réfléchir à certains des points que vous avez soulevés. Une fois de plus, je vous remercie.

La séance est levée.