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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HUMAN RESOURCES DEVELOPMENT AND THE STATUS OF PERSONS WITH DISABILITIES

COMITÉ PERMANENT DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES ET DE LA CONDITION DES PERSONNES HANDICAPÉES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 mai 2000

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Nous nous réunissons aujourd'hui conformément au paragraphe 108(2) du Règlement pour faire une étude des subventions et contributions à DRHC.

Je vais vous présenter nos témoins dans un moment. Je suggère que nous entendions immédiatement leur témoignage et que, vers 12 h 30, nous discutions des travaux futurs du comité et des avis de motion qui figurent à notre ordre du jour. Je nous fixe donc comme objectif que nous terminions cette première partie de la séance vers 12 h 30, pour ensuite passer à l'examen des questions de régie interne.

• 1110

Chers collègues, je vous rappelle que le volet de notre rapport provisoire sur lequel nous allons nous pencher aujourd'hui porte sur la question de savoir quelles sont les attentes des bailleurs de fonds des secteurs privé et philanthropique en matière d'administration et de reddition de comptes. Le secteur public pourrait-il tirer des leçons de ce qui se fait à cet égard dans les secteurs privé ou philanthropique? C'est à ce volet particulier de notre rapport que nous allons nous attaquer aujourd'hui.

Nous sommes extrêmement ravis d'avoir avec nous aujourd'hui pour le moment—nous espérons que l'autre personne s'amènera—, M. Tom Brzustowski. Tom est président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, le CRSNG. Tom, nous sommes très heureux que vous soyez des nôtres. Nous accueillons également la présidente et directrice générale de Private Foundations Canada, Mme Julie White. Nous vous souhaitons tous deux la bienvenue. C'est très aimable à vous d'avoir accepté notre invitation.

Je présume qu'à tout le moins pour avoir lu les comptes rendus de nos travaux dans les médias, vous devez déjà vous être fait une certaine idée de la question dont nous sommes saisis. Normalement, les témoins font d'abord un exposé, après quoi nous leur posons collectivement des questions. Si cette façon de procéder vous convient, nous allons vous céder immédiatement la parole. Il ne vous reste qu'à établir lequel de vous deux parlera en premier.

Mme Julie White (présidente-directrice générale, Private Foundations Canada): Je me ferai un plaisir de commencer.

Le président: Je vous présente donc Julie White, de Private Foundations Canada. Julie, soyez la bienvenue. Je vous invite à prendre tout de suite la parole, car nous sommes impatients de vous entendre.

Mme Julie White: Merci beaucoup. Je suis ravie d'être ici parmi vous.

Je suis la porte-parole de Private Foundations Canada, une nouvelle organisation qui a été constituée en personne morale en 1999 pour représenter les intérêts et renforcer la capacité du secteur des fondations privées. Nos 29 membres donateurs gèrent environ la moitié des actifs des fondations privées, soit quelque 2 milliards de dollars. Ils octroient des subventions pour environ 100 millions de dollars par année. Je vais vous entretenir de l'expérience des membres de notre fondation ainsi que de mon expérience personnelle au service du secteur des fondations publiques, comme directrice générale de la Fondation Trillium, poste que j'occupais avant mon entrée en fonction à Private Foundations Canada.

Ce dont je vais vous entretenir dans mon exposé d'environ huit minutes, c'est de la notion de diligence raisonnable au sens qu'on lui donne dans le secteur des fondations. Je vous parlerai d'abord de la diligence raisonnable en matière de responsabilité financière, pour ensuite aborder l'autre aspect de cette question, à savoir la diligence raisonnable concernant les résultats proprement dits des programmes.

La responsabilité financière touchant l'octroi des subventions consiste vraiment à s'assurer que l'argent est dépensé judicieusement. Cette question peut être envisagée sous divers angles. Bien entendu, il nous faut établir des mécanismes et des mesures de soutien propres à nous permettre, d'entrée de jeu à l'étape du processus de demande, de poser à l'organisme demandeur les bonnes questions concernant son budget, ses états vérifiés et ses antécédents. Nous exigeons des références. À la Fondation Trillium, nous en vérifiions trois pour établir comment l'organisme avait géré ses finances dans le passé et quelle avait été la qualité de ses relations avec d'autres bailleurs de fonds. Nous nous étions dotés de systèmes internes. Nous avions un processus d'évaluation externe et interne et nous avions conçu une série d'outils pouvant permettre aux décideurs qui n'avaient pas forcément d'expérience dans le domaine d'être quand même en mesure d'évaluer la stabilité financière des organisations que nous soutenions. Nous donnions en outre une formation à notre personnel d'évaluation ainsi qu'aux évaluateurs externes.

Dans certains cas, nous imposions ou demandions aux titulaires de subvention de se trouver un parrain pour gérer les fonds qu'on leur octroyait. Nous regardions le montant demandé, nous vérifiions s'il était réaliste, puis nous mettions sur pied des mécanismes pouvant nous permettre de nous assurer que l'argent était bel et bien dépensé. Dans certains cas, nous exigions en outre que des rapports nous soient soumis régulièrement, sans quoi il y avait des sanctions. Je sais que certains des membres de notre association retiennent des sommes d'argent jusqu'à la réception du rapport final. Dans le cas d'une subvention à long terme, les versements périodiques sont également conditionnels à la réception des rapports. Ce que nous nous sommes efforcés de faire, c'est de mettre sur pied un genre de système d'alerte propre à nous permettre d'intervenir rapidement dès le signalement d'une faille concernant la gestion ou l'utilisation des fonds et d'apporter sans tarder les correctifs nécessaires.

L'autre aspect de cette question, c'est celui de la diligence raisonnable en ce qui concerne les résultats des programmes. C'est le volet le plus exigeant et le plus important de notre action. Il faut vraiment s'assurer que les fonds sont dépensés utilement, et ce, pour deux raisons: la première, c'est que l'argent a un impact. Il a un impact sur les organisations, sur les collectivités, sur les attentes et sur les systèmes. Je crois que ceux d'entre nous qui octroient des montants d'argent par l'intermédiaire d'une fondation savent fort bien à quel point nous pouvons exercer une influence sur les organisations, et il importe que nous soyons parfaitement conscients de la nature de cette influence.

• 1115

Je puis vous en donner deux ou trois exemples. Il n'y a pas que l'argent proprement dit qui est ici en cause. C'est la façon dont les fonds sont attribués. Pendant des années, la Fondation Trillium a exigé l'apport de fonds de contrepartie. Comme il s'agissait de montants de subvention considérables, les fonds de contrepartie devaient également être importants. C'était au début des années 80. Vers le milieu des années 90, le secteur des organismes de bienfaisance de l'Ontario s'était tellement engagé dans la vente de billets Nevada afin de lever ce genre de fonds que je crois personnellement que la Fondation Trillium y est quasi responsable de la prolifération des jeux de bienfaisance. Pourtant, l'intention était on ne peut plus louable puisque cette pratique avait pour but de procurer aux caisses de bienfaisance un revenu supplémentaire.

C'est donc dire que, quand nous élaborons des programmes de subvention, il nous faut vraiment prendre en considération leur impact au sens large et non uniquement la subvention elle-même, autrement dit, le programme dans son ensemble et toutes les conditions et exigences que nous imposons.

On n'a qu'à penser, pour illustrer l'importance de prendre en considération l'impact au sens large du programme, à l'expansion formidable qu'a connue l'industrie des experts-conseils en collecte de fonds, en raison des exigences de plus en plus poussées qui sont imposées concernant la présentation des propositions et de la complexité de plus en plus grande des analyses requises. Il nous faut donc élargir notre examen en conséquence.

Le deuxième aspect de cette question concerne le coût d'option. Un dollar octroyé à un secteur est un dollar qui ne pourra pas l'être ailleurs. Il est important pour nous tous, notamment pour ceux d'entre nous dont les montants à octroyer sont limités, de considérer non seulement ce qu'ils ont à gagner en optant pour tel projet, mais aussi ce qu'ils perdent du fait qu'il leur faut alors en sacrifier tel autre.

Il y a aussi l'aspect, d'ailleurs vraiment le plus exigeant, de la mise en oeuvre proprement dite du programme. Il faut au départ régler tous les mécanismes en fonction de l'articulation et de la compréhension du programme lui-même, en prenant soin de s'assurer qu'il repose sur des bases solides, qu'il est bien compris et qu'il va vraiment dans le sens des objectifs qu'on s'est fixés. Vient ensuite le processus relatif à la demande. Posons-nous les bonnes questions et obtenons-nous les renseignements que nous recherchons? Nous devons nous interroger sur la nature des exigences que nous imposons. À la Fondation Trillium, chaque fois que nous adoptions un nouveau mécanisme, nous nous demandions pourquoi nous le faisions. Pour chaque nouvel élément que nous exigions, nous en retranchions un parmi ceux déjà exigés, parce qu'il est tellement facile de tomber dans le piège d'accumuler inconsidérément des exigences qui en réalité peuvent fort bien ne pas mener du tout à de bonnes décisions ou à de bons résultats.

Enfin, toujours à ce sujet, il y a lieu de s'interroger sur ce qu'on entend par succès. Je m'étonne de constater combien souvent nous oublions de nous demander à quoi il ressemble. Comment juger de l'atteinte d'un objectif? Qu'est-ce qu'un échec, et sur quels critères pouvons-nous nous appuyer pour dire que nous en avons subi un?

En plus de ce que nous exigeons à l'externe, il faut mettre en place à l'interne certains mécanismes pour s'assurer que tout fonctionne bien. Pour réussir à octroyer correctement des subventions, de manière responsable et transparente, une organisation se doit de centrer son attention sur l'expérience, de tirer des leçons de ce qui se fait non seulement dans les organismes qu'elle finance, mais aussi dans l'ensemble des secteurs concernés. Il lui faut constamment être en mesure de tenir compte de ce qu'elle apprend, d'assimiler ces enseignements. Les leçons tirées de l'expérience ne deviennent utiles à quelqu'un que du moment où il les met en pratique.

Il faut tolérer l'imprécision et respecter l'originalité des efforts de chacun. Rares sont les programmes qui s'appliquent de la même manière quel que soit le contexte; il est important de reconnaître que les possibilités et les atouts varient d'un milieu à l'autre.

Il y a également cet autre aspect, qui concerne la nécessité de prévoir des procédures suffisamment souples pour permettre la mise à contribution, à l'interne comme à l'externe, d'évaluateurs compétents et avisés, pour pouvoir ratisser large, profiter d'une vaste expertise et compter sur des mécanismes décisionnels qui font appel au jugement éclairé de gens qui s'y connaissent. En définitive, savoir bien octroyer des subventions ne constitue pas une science, mais plutôt un art. Cette mission requiert un bon jugement, et ce jugement doit émaner de gens qualifiés, bien formés et avisés, qu'on aura impliqués dans la prise de décisions.

Mon dernier point a trait à l'importance cruciale d'entretenir de bonnes relations avec les titulaires de subventions. Quand une subvention est mal administrée, quand les choses tournent mal, quand il y a un problème dans l'organisation, si les relations sont bonnes entre le bailleur de fonds et le bénéficiaire, le dialogue s'établira et les deux parties pourront ensemble tenter de résoudre le problème. Vous pouvez déceler ces choses très tôt. Vous pouvez sauver des projets.

Le même principe s'applique dans les cas où une subvention est mal utilisée et où l'affaire est rendue publique. Des événements de ce genre se produisent dans tous les secteurs. Ils ne sont pas propres au secteur gouvernemental, loin de là. Ils surviennent également dans les fondations privées. Nous, du secteur des fondations privées, sommes très fiers du fait que nous octroyons des subventions risquées, que nous nous permettons d'explorer de nouvelles avenues. Par définition, il arrivera forcément parfois qu'une subvention risquée donne des résultats décevants ou encore soit la cible de critiques. Il va sans dire que, dans le passé, j'ai été moi-même impliquée dans l'octroi de subventions qui ont été plus ou moins bien accueillies par la population. Meilleure est la qualité de votre relation avec le titulaire de la subvention et plus vous êtes conscient de ce qui ce qui se passe, moins vous êtes susceptible d'être éclaboussé dans les médias ou dans la population.

• 1120

Voilà pour ma déclaration officielle.

Le président: Un gros merci pour votre exposé. Nous l'avons trouvé très intéressant.

Tom Brzustowski.

M. Thomas A. Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Merci, monsieur le président et madame et messieurs les membres du comité. Je constate que je suis assis sur une chaise fort grinçante. Donc, si vous me voyez me déplacer soudain, c'est que je vais demander qu'on m'en donne une autre.

Je tiens d'abord à vous remercier de me permettre de prendre la parole aujourd'hui devant le comité. J'espère que mes observations vous seront utiles.

J'ai trouvé très intéressante l'explication de votre président à propos de la question qui est à l'étude au comité. En réalité, la présence du CRSNG devant le comité est très à propos, puisque le secteur privé et la collectivité participent à ce que nous faisons, mais d'une manière qui vous étonnera peut-être et qui ne vous permettra peut-être pas de répondre directement à la question que vous vous posez.

Je suis très conscient que les circonstances dans lesquelles les activités du CRSNG s'inscrivent sont très particulières au soutien de la recherche universitaire. Je dois admettre également que, comme je suis très peu au courant des activités de DRHC, je ne saurais vous dire si, selon moi, vous auriez avantage à vous inspirer de telle ou telle de nos pratiques. À mon sens, les membres du comité pourront certainement évaluer eux-mêmes ce qu'il en est.

[Français]

Je dois souligner que je suis très conscient que les circonstances dans lesquelles les activités du CRSNG s'inscrivent sont particulières au soutien de la recherche universitaire. Je dois admettre également que je suis très peu au courant des activités de DRHC et que je ne suis pas en mesure de signaler quelles sont les pratiques du CRSNG qui pourraient présenter le plus grand intérêt pour vous. Mais cela dit, je suis très heureux de vous faire part de quelques observations au sujet de la façon dont nous gérons nos fonds.

[Traduction]

Tout d'abord, rappelons que les fonds qu'offre le CRSNG sont destinés à des universités, à des établissements d'enseignement reconnus, où ils sont gardés en fiducie à l'intention des professeurs dont la demande de subvention est retenue.

Les universités sont capables de gérer des fonds publics d'une manière responsable, et elles constituent un chaînon clé dans notre mode de fonctionnement. Les fonds que nous leur accordons ne peuvent être dépensés que selon des règles très précises, adéquatement diffusées, publiées dans des documents officiels, dont on peut prendre connaissance sur support papier ou sur notre site Web et dont nous facilitons l'application au moyen de visites d'information dans les universités. Nous effectuons en outre de temps à autre des vérifications afin de nous assurer que ces règles sont bien suivies.

Environ la moitié de nos fonds sont utilisés pour soutenir des gens, principalement des jeunes. Il s'agit d'étudiants universitaires qui terminent leur premier cycle ou qui en sont à leur deuxième ou troisième cycle, de stagiaires postdoctoraux ou de chercheurs rattachés à une université. Le reste des fonds est utilisé pour des dépenses courantes liées à la recherche: pour le fonctionnement et l'entretien de l'appareillage de recherche, pour des fournitures renouvelables, pour l'informatique, etc.

Les fonds du CRSNG ne peuvent pas être utilisés—je dis bien ne peuvent pas être utilisés—pour financer une partie des salaires des professeurs qui obtiennent les subventions, ni pour couvrir les dépenses courantes de l'université, tels le chauffage, l'électricité ou l'éclairage dans les laboratoires, ni pour couvrir des dépenses administratives liées aux activités de recherche, y compris—et vous allez peut-être vous en étonner—celles liées à l'observation des règles que nous imposons aux chercheurs. C'est ainsi que nous fonctionnons.

En définitive, nous croyons que le CRSNG ne paie qu'environ 60 p. 100 des coûts de la recherche qui s'effectue avec son appui, même lorsque le salaire du chercheur principal, du professeur, n'est pas inclus. Les universités obtiennent des fonds d'autres sources pour couvrir le reste des coûts, et je suis sûr qu'elles en auraient long à dire sur la facilité ou la difficulté de la chose.

Nous attachons beaucoup d'importance au processus de sélection. Nous tenons à ne subventionner que d'excellents projets de recherche et, à cette fin, nous veillons à ce que le processus de sélection soit aussi indépendant et objectif que possible. Pour cela, nous avons recours à l'évaluation par les pairs.

• 1125

L'évaluation par les pairs a pour avantage de limiter le risque en plus d'optimaliser la qualité de ce que nous escomptons obtenir en retour de notre investissement. Toutes et chacune des recommandations relatives au financement, qu'elles soient favorables ou non, et ce, pour tous nos programmes, sont faites par des comités d'évaluation constitués de pairs bénévoles spécialisés dans les domaines de recherche des candidats. Ces comités étudient les propositions détaillées des candidats de même que les rapports que des arbitres experts indépendants rédigent sur les antécédents des candidats, sur leurs contributions passées ainsi que sur leurs propositions actuelles. Seules les propositions des candidats qui satisfont aux conditions d'admissibilité du CRSNG sont prises en considération.

Les comités formulent des recommandations concernant le choix des propositions qui méritent d'être financées, en se fondant sur des normes très strictes d'excellence universitaire, sur l'importance des travaux projetés pour l'avancement des connaissances et sur d'autres critères qui varient en fonction du programme mais qui sont tous publiés et explicites. Le personnel supervise le processus afin de s'assurer que les comités respectent nos politiques et appliquent uniformément nos critères de sélection.

Monsieur le président, nous vous avons remis le texte de notre déclaration, mais je pense que je vais devoir m'en éloigner ici pour donner aux membres du comité une idée de l'envergure de nos activités.

Pour l'exercice en cours, nous avons distribué aux alentours de 500 millions de dollars en subventions et bourses de recherche. Nous venons en aide à tout près de 8 000 professeurs et chercheurs universitaires et à près de 13 000 étudiants d'université, employés de recherche et stagiaires postdoctoraux. Quelque 3 000 décisions sont prises chaque année, à propos de demandes de subvention dont les versements s'échelonnent sur quatre ans, par 25 comités de discipline constitués de dix à quinze bénévoles chacun, notamment d'universitaires canadiens, mais aussi de scientifiques travaillant dans l'industrie, de quelques universitaires étrangers et, à l'occasion, d'un scientifique à l'emploi du gouvernement. C'est ce que nous entendons par comités d'évaluation par les pairs. Ces experts y siègent bénévolement et leur contribution est proprement essentielle à l'efficacité de notre processus décisionnel.

Les recommandations du comité deviennent des décisions en matière de financement une fois qu'elles reçoivent l'approbation écrite du président du CRSNG. À ce stade, l'approbation ne serait refusée que pour deux raisons: si le personnel constatait quelque grave irrégularité dans le processus ou encore si—et cet écueil n'existe que depuis peu—, une fois la demande de financement approuvée, il ressortait de l'étude d'évaluation environnementale que la recherche serait nuisible à l'environnement. Autrement, les recommandations sont approuvées. Je me permets de vous signaler qu'il peut arriver que le processus d'approbation soit retardé s'il faut s'assurer que la recherche satisfait aux exigences qui s'appliquent en matière d'éthique lorsque des sujets humains ou des animaux sont utilisés dans le cadre de la recherche, mais alors, la décision est généralement tout au plus retardée.

Le vérificateur général a souligné dans un rapport récent sur l'innovation, plus précisément au paragraphe 19.77 de son rapport de l'automne dernier, ce qui suit:

    Le mérite des propositions de projet de recherche et la qualité des chercheurs ont été bien évalués. Le CRSNG a recours à un système de comités d'examen des projets qui comptent des chercheurs et des représentants de l'industrie. En outre, les projets sont soumis à des arbitres externes qui présentent une évaluation écrite de chaque proposition. Le recours à des arbitres externes accroît considérablement l'expertise disponible au sein des comités et ajoute une source essentielle d'information au processus décisionnel.

Je me permets d'ajouter que, souvent, ces arbitres externes, qui se comptent par milliers, viennent de l'étranger. Le taux de participation ou de réponse à nos demandes d'évaluation est très élevé; entre 60 et 70 p. 100 des personnes à qui on confie cinq documents et une demande de subvention à évaluer donnent suite à notre demande. C'est habituellement ainsi que travaille le milieu des chercheurs partout dans le monde. Ce n'est nullement une faveur que ces experts font au Canada.

Permettez-moi maintenant de vous dire un tout petit mot du suivi de la recherche financée par le CRSNG. Nous considérons que ce suivi fait partie intégrante de l'administration de nos programmes. Nous avons mis en place un certain nombre de mécanismes pour l'assurer: visites sur place, séances d'information à l'intention des chercheurs et des administrateurs universitaires chaque fois que des modifications sont apportées aux politiques ou aux règles, conseils prodigués à propos des dépenses admissibles, vérification annuelle de l'admissibilité des titulaires de subvention au maintien du financement, etc. Ce qui nous meut dans tout cela—car nous sommes une petite organisation localisée à un seul endroit—, c'est que nous nous efforçons par tous les moyens d'aider les titulaires de subvention et leur université à administrer de façon responsable les fonds qui leur sont accordés. Nous estimons que notre approche est efficace.

• 1130

Permettez-moi ici encore de m'éloigner de mon texte, monsieur le président. Je dirais que nous avons un taux de succès de 99 p. 100 et plus dans l'application de ces mesures. C'est du moins l'impression que j'en ai. Je sais que chaque année on interjette appel de quelque deux douzaines de nos décisions—parfois de nos décisions favorables, lorsque les proposeurs estiment qu'on ne leur a pas accordé suffisamment d'argent—et que nous recevons peut-être un nombre équivalent de commentaires de personnes qui prétendent que le processus comporte des failles ou que l'université est en faute. Mais, selon moi, si notre taux de succès se situe au-delà de 99 p. 100, c'est que nous aidons les chercheurs et leur université à faire en sorte que le processus soit géré de façon responsable.

Nous effectuons un suivi annuel, qui diffère selon les programmes. Par exemple, dans le cadre de nos ententes de partenariat avec l'industrie, nous veillons à ce que la recherche progresse dans la bonne direction et que l'industrie partenaire respecte ses engagements. Si nous constatons que ce n'est pas le cas, nous pouvons aller jusqu'à mettre fin au projet, et ce, même si le financement a déjà été promis. C'est donc dire que nous assurons un suivi.

Ici encore, je vous souligne que lorsque je parle de la participation de l'industrie, c'est de partenariats qu'il s'agit, de partenaires qui partagent avec nous le risque inhérent à toute recherche universitaire—autrement dit, ces partenaires y mettent des fonds eux aussi et ne reçoivent pas un sou du CRSNG. L'industrie est notre partenaire dans le financement de la recherche universitaire.

Dans le cadre de notre Programme de subventions de recherche, qui est notre principal programme, nous traitons chaque année entre 2 600 et 3 000 demandes de subvention d'une durée de quatre ans. Environ le tiers de ces candidats reçoivent une réponse négative à l'issue de l'examen de leur demande par le comité chargé de la sélection des boursiers dans leur discipline, et ce, toujours pour les mêmes raisons: de l'avis du comité, le candidat n'a pas été suffisamment productif dans le passé, il n'est pas à la hauteur pour entreprendre la recherche proposée, ou la recherche ne produira vraisemblablement pas assez de nouvelles connaissances importantes ou est trop peu originale. Les refus sont toujours motivés par les mêmes raisons.

Naturellement, si le tiers des demandes sont refusées, c'est dire que les deux tiers sont approuvées. Ce peut paraître élevé comme taux de succès, mais il faut se rappeler qu'il s'agit d'un régime qui est en place depuis de nombreuses décennies, et que, dans tout concours, un bon nombre des candidats sélectionnés l'avaient déjà été à l'occasion de deux ou trois concours précédents. On doit donc en conclure que les candidats qui n'ont aucune chance de succès ne s'y présentent généralement pas. Il y a donc de nouveaux candidats qui se présentent, et leurs demandes sont étudiées très sérieusement.

Malheureusement, nous n'accordons généralement aux candidats sélectionnés que la moitié du montant demandé—en fait, un peu moins de la moitié. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de leur allouer davantage. Nous avons toutefois noté, au fil des ans, que ce financement partiel permet quand même aux bénéficiaires de réaliser certains progrès et contribue à la constitution d'un bon bassin de compétences dans le domaine de la recherche. Au demeurant, d'autres programmes sont offerts aux chercheurs qui veulent obtenir des subventions. Naturellement, si nous avions plus de ressources, nous pourrions apporter un soutien accru à ces chercheurs pour leur permettre de progresser encore davantage dans la poursuite d'objectifs que nous avons nous-mêmes approuvés. Notre façon d'utiliser les maigres fonds publics dont nous disposons nous apparaît toutefois raisonnable.

Je vous ai parlé de nos visites périodiques dans les universités et de notre suivi des subventions accordées. Nous avons également des rapports d'évaluation et de rendement. Nous recourons bien sûr à des méthodes officielles de vérification et d'évaluation pour nous acquitter de nos obligations en matière de reddition de comptes au Conseil du Trésor et au Parlement. Ces mécanismes sont décrits dans notre rapport ministériel sur le rendement. Tous ces renseignements figurent sur notre site web.

En résumé, nous croyons que le CRSNG est parvenu à assurer un équilibre entre le rapport coût-efficacité à l'égard de l'administration de ses programmes et ses obligations de rendre compte de l'utilisation des fonds publics. Par exemple, nous consacrons au suivi des projets d'envergure que nous finançons dans le cadre d'ententes de partenariat université-industrie entre 1 et 2 p. 100 de la valeur de chaque projet. Dans le cas du Programme de subventions de recherche, ce coût représente environ 1 p. 100. C'est donc dire que nous dépensons énormément d'argent pour superviser les projets dont le coût s'élève à 2 ou 3 millions de dollars, par exemple pour ceux des réseaux de centres d'excellence, et très peu pour les projets de 10 000 $ à 15 000 $. Mais il s'agit là d'une décision consciente fondée sur l'appréciation du risque et sur une volonté de réduire au minimum les frais généraux et de faire servir au maximum au financement des travaux de recherche les crédits votés pour le soutien de la recherche.

• 1135

Nous parvenons à administrer l'ensemble de nos activités en ne consacrant à cette fonction que 4 p. 100 de notre budget global, de sorte que notre marge de manoeuvre s'en trouve fort limitée. Nous croyons que 4 p. 100, c'est trop peu. Compte tenu de nos maigres moyens, il nous arrive souvent de tarder à répondre aux demandes de nos candidats. Nous aimerions faire mieux. Nous allons essayer d'obtenir qu'on nous donne un peu plus de ressources pour l'administration, en particulier parce que les nouvelles exigences de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et la nouvelle politique sur l'éthique de la recherche effectuée sur des sujets humains risquent d'ajouter à la complexité de notre fonctionnement.

Nous nous estimons très coincés. Nous reconnaissons que l'affectation de 4 p. 100 de tout budget aux fonctions administratives est pratiquement devenue la norme, mais je me risquerais à dire qu'à mon avis, l'étalon-or, ce devrait être un peu plus que 4 p. 100.

Monsieur le président, voici les quatre points que j'ai tenté de faire valoir: nos fonds profitent aux universités; les règles régissant la façon dont les fonds doivent être dépensés sont largement connues et comprises, et nous aidons énormément ceux qui administrent les fonds à interpréter correctement ces règles; nous fondons nos décisions sur les résultats d'évaluations objectives faites par les pairs et sur l'appréciation d'experts; enfin, nous exerçons un suivi sur les dépenses à l'aide de vérifications ponctuelles fondées sur une appréciation des risques.

Je m'arrête ici et remercie les membres du comité de l'attention qu'ils m'ont accordée. Je serai heureux de vous fournir d'autres explications si vous le souhaitez. Merci.

Le président: Tommy et Julie, je vous remercie tous deux de la clarté avec laquelle vous nous avez présenté vos exposés. Je vous suis vraiment reconnaissant d'avoir bien voulu traiter des questions auxquelles le comité s'intéresse.

Chers collègues, gardez à l'esprit que nous devrons nous arrêter à midi trente. Voici les noms que j'ai sur ma liste: d'abord Paul Crête, puis John Godfrey, Rey Pagtakhan, Raymonde Folco, Bryon Wilfert et Larry McCormick.

[Français]

Paul Crête.

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Je voudrais vous remercier pour votre présentation. Ma question s'adresse surtout au président du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

Dans votre présentation, au chapitre sur le processus de sélection, vous dites que le vérificateur général a souligné la rigueur du processus dans un rapport récent sur l'innovation. J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus parce qu'effectivement, on n'a pas entendu le même genre de remarques sur le ministère du Développement des ressources humaines du Canada de la part du vérificateur général. Peut-être que l'information que vous allez nous donner pourrait nous inspirer d'une façon ou d'une autre.

J'aimerais que vous le fassiez en relation avec la phrase suivante, qui se trouve à la fin de votre présentation, dans le résumé:

    Le CRSNG considère qu'il est très important d'effectuer le suivi à long terme de l'incidence de ses investissements.

J'aimerais que vous élaboriez sur l'incidence des investissements dans la perspective suivante. Dans le cadre des programmes de création d'emplois où on donne une subvention pour créer des emplois, premièrement, on doit développer quelque chose de plus original que ce qui se fait présentement. Il faut savoir si des emplois ont été créés, combien de temps ils ont duré et ce qui va se passer après. Il y a seulement une minorité d'entreprises qui participent de nouveau au programme, alors que dans votre cas, les chercheurs ont probablement une obligation. Ils ont une motivation intrinsèque due au fait que vous demeurez une source de financement future. Donc, j'aimerais que vous nous fassiez part de votre expérience à ce niveau, tout en étant conscient que le contexte est tout de même différent.

M. Thomas Brzustowski: Merci pour votre question. Si vous le permettez, j'y répondrai partiellement en anglais.

Le processus de la recherche universitaire est un processus continu dont le produit est attribuable à des personnes hautement qualifiées dans les sciences et dans la technologie de pointe. Les résultats des découvertes, des inventions se trouvent partout dans l'économie, dans tous les secteurs. On peut trouver des centaines de cas où une nouvelle entreprise est créée grâce aux résultats de la recherche universitaire.

• 1140

Chez nous, on a un échantillon de 111 entreprises dont nous connaissons l'histoire depuis les premières subventions pour la recherche, il y a 20 ou 30 ans. C'est un processus continu.

[Traduction]

Je vais d'abord vous décrire l'ensemble de la situation en ce qui concerne les incidences de la recherche universitaire. Il est à la fois très facile et très difficile de cerner ce qu'il en est. Permettez-moi de commencer par le volet le plus facile de la réponse.

L'un des principaux bienfaits de la recherche dans les universités, là où non seulement il s'en effectue mais où également il s'offre un enseignement de haut niveau, c'est qu'elle enrichit la société d'un nombre considérable de détenteurs de diplômes d'études supérieures dans tous les domaines du savoir qui sont à l'avant-garde du progrès dans le monde entier. Le CRSNG estime à 50 000 le nombre d'étudiants qui ont obtenu un diplôme de maîtrise ou de doctorat en sciences naturelles et en génie depuis 22 ans. L'immense majorité d'entre eux sont allés oeuvrer au sein de l'économie canadienne. Certains ont fondé des entreprises, et nous en comptons quelques-uns dans notre équipe.

La façon facile de répondre à votre question, c'est de dire que, n'eût été de la recherche universitaire en sciences et en génie du genre de celle que finance le CRSNG, nous n'aurions pas aujourd'hui toutes ces sociétés qui travaillent et rivalisent entre elles dans leurs domaines respectifs et qui sont à la fine pointe de la technologie. Selon moi, c'est un fait indéniable, et je défie quiconque de me démontrer le contraire. J'en suis convaincu. Voilà pour la partie facile de ma réponse.

Il m'apparaît plus difficile d'établir combien d'emplois ont été créés dans l'ensemble de l'économie et combien ont été maintenus grâce à des innovations qui on résulté de la recherche et qui ont permis d'améliorer la productivité.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons constitué un échantillon de 111 sociétés—et, à notre avis, il s'agit là d'un échantillon très modeste—qui emploient au total quelque 7 000 personnes hautement qualifiées. Ensemble, ces entreprises—sans compter celles qui n'acceptent pas de publier ce genre de résultats—ont un chiffre d'affaires annuel dépassant les 1,2 milliard de dollars qui découle directement d'investissements identifiables dans la recherche universitaire. Il peut s'agir, par exemple, de sociétés qui, grâce à des travaux de recherche qui ont été réalisés dans le domaine des mathématiques, vendent aujourd'hui des logiciels utilisés partout dans le monde par les sociétés de transport-passager terrestre ou aérien pour la planification de leurs horaires.

[Français]

Quand je dis cela, je pense aux Entreprises Giro à Montréal et à Ad Opt Technologies.

[Traduction]

Cet impact est difficile à évaluer. Nous pouvons le faire assez aisément dans le cas d'un échantillon, mais pas facilement dans l'ensemble de l'économie.

Je termine là ma réponse, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

John Godfrey.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): J'aimerais revenir sur deux ou trois considérations qu'a faites Mme White, qui a parlé de choses qui pourraient sembler abominables aux oreilles de bureaucrates, par exemple de tolérance de l'imprécision et de fierté d'octroyer des subventions risquées. J'ignore si de telles notions ont leur place dans la culture de l'appareil gouvernemental canadien, mais je constate avec étonnement que c'est là la clé vers la créativité et l'innovation. Ce que nous essayons de faire, madame White, pour pouvoir établir en quoi nous pourrions nous inspirer de vos pratiques, c'est de cerner ce qui est le plus important dans tous ces processus. En fait, ces considérations peuvent sans doute tout aussi bien valoir dans le cas de M. Brzustowski.

Une des lacunes dont il a été question a trait aux dossiers incomplets. Dans vos domaines respectifs, vous arrive-t-il d'être en présence de dossiers incomplets? Si dans votre échelle de valeurs, les dossiers incomplets vous importent moins en dernière analyse que la tolérance de l'imprécision ou la fierté d'innover et de prendre des risques, nous avons là un problème. Comment conciliez-vous la nécessité d'exercer un contrôle approprié, de faire preuve d'une diligence raisonnable et de respecter vos engagements financiers envers votre client, pour ainsi dire, avec la nécessité de procéder rondement? Ces choses sont-elles vraiment conciliables? Il y a là en quelque sorte un problème subsidiaire.

• 1145

Je présume qu'on finit par envisager ces choses comme des questions de gestion du risque et d'enjeux. J'imagine que ce que vous avez vraiment en commun dans vos sphères respectives d'activités, c'est l'objectif de favoriser l'innovation, qu'on ne saurait poursuivre sans prendre des risques, un processus qui demande à être géré mais qui doit également pouvoir tolérer l'échec.

Par conséquent, si, au centre de vos préoccupations, vous pouvez avoir à la fois... en fait, il s'agit d'établir où se situerait le juste milieu entre l'ouverture au risque et la rigueur bureaucratique, si je puis m'exprimer ainsi, et de voir comment vous pourriez nous être utiles à cet égard.

Le président: Le président sent le besoin d'intervenir avant qu'on oublie la première question au sujet des dossiers incomplets. Concernant le CRSNG, je crois savoir que certains professeurs sont très oublieux, et je me demande si ce facteur n'a pas une incidence sur la préparation des dossiers.

Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]

Une voix: C'est un aveu, je crois.

Mme Julie White: Les écritures posent problème dans toute organisation, quel que soit le secteur. Bien entendu, quand on oeuvre dans une organisation qui ne dispose que de maigres moyens, qui s'efforce de faire porter les efforts sur ce qui compte vraiment, ce sont souvent les écritures qui écopent. Cela dit, il reste qu'il est vraiment important de tenir de bons dossiers, non seulement, à mon avis, pour pouvoir rendre des comptes, quoique cet aspect soit essentiel, mais également parce que les dossiers constituent pour nous une occasion d'accroître nos connaissances. La chose la plus frustrante qui soit, c'est de recevoir une demande, de constater que le demandeur a vraiment une bonne idée, que sa proposition ressemble à une autre pour laquelle une subvention a déjà été octroyée par le passé, pour ensuite sortir ce dossier et se rendre compte que le rapport d'évaluation n'y est pas et qu'aucun indice n'y figure pour nous permettre de le retrouver. Je crois donc qu'il est important de s'efforcer de bien tenir les dossiers, de les conserver, de veiller à ce toute la documentation y soit à jour, et ce, toujours dans l'espoir de pouvoir octroyer la subvention.

Là encore, l'important, c'est de s'assurer qu'on pose les bonnes questions. Vous pouvez avoir en main un dossier complet, qui contient toutes les pièces que vous avez demandées, mais qui ne répond pas pour autant à la question fondamentale que vous vous posez; il peut très bien ne pas vous procurer la protection dont vous avez besoin pour avoir la confirmation que vous avez aidé la bonne organisation, que celle-ci dépense l'argent judicieusement, etc. Par conséquent, la première chose à faire, c'est de vous assurer que vos mécanismes et vos exigences sont appropriés et que vous avez exigé et obtenu tout ce dont vous aviez absolument besoin. Nous avons recours à cet égard à un genre de cahier des charges minimales dans lequel sont énoncées les conditions dont le respect nous apparaît essentiel.

Cela dit, sur la question des risques que l'on peut prendre et de l'imprécision que l'on peut tolérer, encore là, c'est une affaire de jugement. Quiconque a déjà eu l'occasion d'évaluer une demande de financement sait fort bien que la hantise de devoir parcourir une montagne de documents pour en arriver enfin à avoir une lueur d'espoir, à trouver quelque part dans le dossier une idée intéressante—il peut ne s'agir que d'une petite partie de ce qui vous a été remis—à laquelle on pourra donner suite, de composer avec la demande telle qu'elle est présentée, de l'étoffer peut-être, de la modifier d'une certaine manière, de reconnaître qu'elle répond à un besoin dans ce milieu particulier, dans cette organisation particulière, qu'elle offre des possibilités, qu'elle constitue un enjeu... Il se peut que le projet ne soit pas tout à fait conforme aux lignes directrices du programme, et c'est là où, selon moi, l'affaire devient un peu risquée. Il se peut que votre programme prévoie qu'on doit s'en tenir à tel cadre et que le projet faisant l'objet de la demande en déborde quelque peu, mais l'esprit du projet, son objectif global, peuvent être quand même pertinents... et peuvent peut-être nous permettre merveilleusement d'accroître nos connaissances.

Je crois que c'est par l'analyse qu'on peut établir jusqu'où il convient de prendre des risques. Il s'agit de s'assurer qu'on peut compter sur l'appui du milieu, que la demande a été soumise à l'évaluation d'experts externes, que la décision a été fondée sur de solides éléments. Il se peut quand même que le projet aboutisse à un échec, mais il y a tout un monde entre lancer quelque chose, explorer une nouvelle avenue sans succès—et peut-être en aura-t-on tiré un enseignement qui pourra servir à une autre fin—et octroyer une subvention à une organisation qui l'utilise à des fins toutes autres que celles qui avaient été prévues.

Je crois donc que la gestion du risque est d'abord affaire de qualité de la décision et du processus décisionnel, puis a trait à ce qu'on fait une fois qu'on se rend compte que le projet ne fonctionne pas ainsi qu'à la transparence dont il faut faire preuve dans de tels cas.

M. John Godfrey: Tom, j'imagine que cela se ramène à la question de savoir quels genres d'organisations sont davantage disposées à tolérer l'imprécision et à prendre des risques et si nous oeuvrons tous dans des milieux de cultures différentes et aux seuils de tolérance plus ou moins élevés. J'aimerais connaître votre avis là-dessus.

M. Thomas Brzustowski: Je crois que vous allez trouver que ma réponse diffère un peu de ce que vous avancez. Elle nous ramène à la description que j'ai faite de notre mode de fonctionnement. Permettez-moi de mettre en doute la valeur de l'affirmation voulant qu'au sein de l'appareil gouvernemental, on ne baigne pas dans l'imprécision; il m'arrive de penser que nous y sommes jusqu'aux genoux.

• 1150

Mais la question de l'équilibre à maintenir entre l'exigence de dossiers bien remplis et le degré de risque à prendre est nettement atteint dans notre organisation. Les membres du personnel du CRSNG ont à coeur que les dossiers soient complets. Quand ils procèdent à des vérifications ponctuelles dans les universités, ils prennent soin de s'assurer que les déboursés sont justifiés par des factures, que toutes les dépenses ont été autorisées, que les comptes qui ont été fermés l'ont été adéquatement et que l'argent a servi aux fins prévues. C'est à cela qu'ils doivent s'employer.

C'est aux spécialistes qui font partie des comités d'évaluation qu'il appartient de prendre ou non des risques en ce qui a trait à la qualité de ce qui se fait. Ils prennent des risques au moment de l'évaluation des demandes. Quatre ans plus tard ou à la fin du projet, ils portent un jugement sur ce qui a été fait. Ils évaluent rigoureusement—en ne comptant pas uniquement sur eux-mêmes mais sur l'aide de spécialistes du monde entier—ce qui a été réalisé avec la subvention accordée.

Nous avons peut-être là un heureux partage des responsabilités. Personne n'a à choisir entre prendre trop de risques et se montrer moins rigoureux sur le plan de la reddition de comptes.

L'élément dont, selon moi, il nous faut surtout nous préoccuper est la qualité du service que nous donnons à la communauté des chercheurs, ce qui suppose notamment que nous ne soyons pas trop exigeants envers eux lorsqu'ils évaluent les projets de leurs pairs et que nous leur laissions le temps de faire de la recherche. Il me semble que c'est là que réside notre vulnérabilité.

Mme Julie White: J'aimerais simplement ajouter un commentaire.

Votre dernière clarification et observation a touché chez moi une corde sensible. Je ne crois pas qu'il faille douter que les fondations privées sont en position de prendre davantage de risques que le gouvernement. C'est indéniable. De là d'ailleurs l'importance du secteur des fondations privées, qui administrent des fonds indépendants qu'elles peuvent mobiliser rapidement, qui peuvent octroyer des subventions en tenant compte de circonstances particulières et qui sont exposées à commettre des erreurs dont le gouvernement peut prendre leçon. Je ne vois donc pas qu'il puisse en aller de même au gouvernement.

Le président: Merci.

Rey Pagtakhan.

M. Rey D. Pagtakhan (Winnipeg-Nord—St. Paul, Lib.): Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, j'aimerais faire une distinction entre l'imprécision intentionnelle et l'imprécision involontaire. Une imprécision intentionnelle serait très inquiétante, car on ne saurait alors pas ce qu'elle cache. C'est donc dire qu'il faut considérer toute imprécision comme étant un signal d'alarme, du moins à mon sens. Je ne crois pas que nous puissions ériger en principe la tolérance de l'imprécision.

Vous ai-je bien interprétée à cet égard, madame White?

Mme Julie White: Quand je parle de situations imprécises, je veux parler des cas où nous explorons un nouveau territoire qui comporte des contradictions intrinsèques ou où peu de précédents ont été établis. Je crois que nous devrions toujours nous efforcer de clarifier ce à quoi nous voulons en venir; d'ailleurs, les renseignements que nous obtenons suite à une demande de notre part devraient être aussi clairs que possible, ce qui n'est pas toujours le cas.

M. Rey Pagtakhan: Il s'agit peut-être là de ce qu'on peut appeler de l'imprécision involontaire. Autrement dit, nous devrions toujours, bien sûr, nous interroger sur les cas d'imprécision et nous demander pourquoi le demandeur a été imprécis, si sa démonstration est logique, etc., plutôt que de tolérer tout bonnement n'importe quelle proposition imprécise qui nous est soumise. En agissant autrement, nous compromettrions l'efficacité de notre contrôle de la qualité.

Monsieur Brzustowski, vos propos concernant vos 25 comités—qui sont constitués d'une dizaine de personnes en moyenne pour un total de 250—, qui distribuent environ un demi-milliard de dollars de subventions par année avec un taux de succès de 99,9 p. 100 en ce qui a trait à la qualité et aux résultats observés dans l'évaluation par les pairs, m'ont vraiment intéressé et impressionné. Les membres de ces comités sont manifestement des gens hautement motivés.

Pour le bénéfice des membres du comité, au moment où nous délibérons sur ce que nous aimerions recommander en ce qui touche l'évaluation des rapports, j'aimerais savoir, monsieur Brzustowski, comment s'est amorcé ce processus dans votre organisme. Qu'est-ce qui a motivé ce groupe d'experts à offrir leurs services bénévolement? Est-ce leur attitude mentale, le culte de la qualité et la recherche de l'éthique ou de l'excellence qui les incitent à continuer?

M. Thomas Brzustowski: Vous me posez là une excellente question, et je me réjouis de l'occasion que vous me donnez de vous parler du système d'évaluation par les pairs.

• 1155

Vos chiffres sont exacts. En fait, pour l'accomplissement de ce travail, le temps de bénévolat que nous fournit la communauté des chercheurs représente quelque part entre 60 et peut-être 80 équivalents-temps plein. Quiconque visite les locaux du CRSNG, au 350 de la rue Albert au cours du mois de février—le mois où se tiennent les concours de notre Programme de subventions de recherche—, verra que toutes les salles de conférence y sont bondées de gens qui s'y sont amenés avec leur pile de documents, leur porte-documents et leur ordinateur qu'ils nourrissent de leurs observations tout au long des travaux.

Maintenant, comment, au départ, avons-nous pu obtenir une telle collaboration? Si nous y sommes parvenus, c'est parce que ce genre de collaboration a toujours fait partie de la culture de la communauté scientifique internationale—qui estime qu'avant qu'un écrit soit publié, qu'avant qu'un projet soit financé, il faut lui faire passer l'épreuve de la critique par les pairs. Risque-t-on de faire fausse route? Le projet est-il prometteur? Tel résultat est-il satisfaisant? Voilà autant d'exemples de questions qui font depuis longtemps partie de la culture des milieux scientifiques. Essentiellement, nous avons adhéré à cette culture, nous ne l'avons pas créée.

Le processus dans le cadre duquel fonctionne le CRSNG depuis maintenant quarante ans n'a cessé d'évoluer. Le CRSNG est, depuis 22 ans, un organisme indépendant; il a remplacé l'ancien bureau des subventions et des bourses d'études du Conseil national de recherche. La séparation s'est effectuée en 1978. Il y a donc eu cette évolution.

Un autre fait qui revêt une très grande importance dans la communauté scientifique, c'est que, si les chercheurs sont, sur le plan intellectuel, portés vers le risque et l'innovation dans leur propre discipline, ils tiennent toutefois à ce que le contexte dans lequel ils effectuent leurs recherches soit stable et prévisible. Et vous voyez ce que ça donne.

Quels avantages ces bénévoles tirent-ils du fait de passer ainsi une semaine à Ottawa en février? Cette session n'est pourtant pas une des plus grandes attractions offertes dans le monde. Certains des participants apportent leurs patins, mais pas tous. Et leur participation les oblige à passer plusieurs semaines à lire de la documentation en préparation de cette session. Ce qu'ils en tirent, c'est un certain nombre de choses. Ils ont le sentiment d'être ainsi mieux placés pour se tenir au courant de ce qui se passe dans leur domaine que s'ils s'en étaient tenus à prendre connaissance de documents. Il y trouvent également la possibilité de savoir d'avance vers quoi s'oriente leur domaine. Le savoir, c'est précieux pour eux.

Ils y sont amenés à faire la connaissance de spécialistes parmi les plus en vue du pays dans leurs domaines respectifs. Ils ont la satisfaction de se sentir responsables vis-à-vis de leurs collègues. Ils assument à tour de rôle diverses responsabilités, parfois pendant deux ou trois ans.

Permettez-moi d'ajouter ceci à propos de quelque chose que nous prenons vraiment comme un défi. Dans chacun de ces groupes, nous nous efforçons de faire en sorte que la représentation soit équilibrée entre les petites universités et les grandes, entre les sous-secteurs d'un domaine donné, entre les groupes linguistiques de notre pays, entre les régions du Canada, entre les jeunes et les vieux, entre les hommes et les femmes. Il est très difficile d'y parvenir avec des groupes de 10 ou 15 personnes, mais ce que les membres du comité sont à même de constater, c'est qu'on s'efforce constamment de le faire, et tous l'apprécient. Ainsi donc, c'est tout un défi pour notre personnel que de choisir des candidats pour combler ces comités tout en essayant d'atteindre cet équilibre, et ce, en tenant compte de tous ces éléments et en gardant à l'esprit le dénominateur commun qu'est la compétence du candidat dans sa discipline.

En posant votre question, vous avez donc mis le doigt sur quelque chose d'unique et qui tient à la culture que partage la communauté des chercheurs, non seulement au Canada mais dans le monde entier, non seulement depuis peu mais depuis de nombreuses décennies.

M. Rey Pagtakhan: Les propos que vous venez de tenir constituent un message qu'on devrait transmettre au président du Conseil du Trésor, qui, au gouvernement, est responsable du programme des bénévoles, un programme prioritaire de nos jours.

Ma dernière question, par votre entremise, monsieur le président, concerne le suivi. Bien entendu, vous avez fait allusion au rapport annuel ainsi qu'aux visites sur place, et non uniquement aux publications. Ma question est à savoir combien de ces visites sont faites à l'improviste et combien sont des visites dont les groupes de recherche ou les universités sont prévenues d'avance. Et quelle proportion de ces projets de recherche ont donné lieu à des publications?

M. Thomas Brzustowski: Je répondrai ainsi à votre question, si vous me le permettez. Les visites sur place dont j'ai parlé consistent en des vérifications ponctuelles de l'administration de l'université et de son système de gestion financière. Elles ne concernent donc pas les chercheurs, dont les progrès font l'objet d'un suivi d'une autre nature que je vais vous décrire dans un instant.

• 1200

Ayez à l'esprit que nous ne cherchons pas à les prendre en défaut, mais plutôt à les aider à agir constamment comme il se doit. C'est ainsi que nous prévenons les autorités concernées que, par exemple, d'ici un an ces 9 universités seront visitées ou que d'ici deux ans, ces 18 le seront. En ce qui a trait au suivi du progrès des projets comme tels, nous pouvons procéder de deux façons. Dans le cas des subventions de recherche fondamentale s'échelonnant sur quatre ou même cinq ans, c'est par la voie du processus d'évaluation par les pairs qu'on vérifie vraiment les progrès accomplis; l'évaluation se fait à la fin de la période sur la base des publications, du nombre d'étudiants qui obtiennent leur diplôme, des résultats obtenus ou des découvertes effectuées.

Nous accordons beaucoup de latitude aux chercheurs. Après tout, étant donné que l'objet de toute recherche est d'apprendre ce qui n'est pas déjà connu, on ne saurait être trop précis à cet égard. Nous pouvons dire à un chercheur qui, après avoir choisi au départ de chercher dans telle ou telle direction, a été amené en cours de route, par suite d'une découverte, à orienter différemment sa recherche dans l'espoir d'obtenir des résultats encore plus positifs, que nous continuons de lui faire confiance. Le chercheur doit avoir cette liberté, mais il aura des comptes à rendre à ses pairs à la fin de la période. S'il n'a pas été productif, s'il n'a pas fait un excellent travail, s'il a pris des risques qui l'ont mené à l'échec, ses chances d'obtenir de nouvelles subventions dans l'avenir en seront compromises et sa carrière en souffrira, car les universités jugent leurs étudiants d'après les subventions qu'ils obtiennent du CRSNG.

Toutefois, quand il s'agit d'un projet de recherche, c'est-à-dire d'un projet ayant pour objet de résoudre des problèmes industriels qui ne peuvent l'être à l'aide des seules connaissances existantes—autrement, on ferait tout simplement appel à des experts-conseils—, nous avons un document dans lequel est exposé le problème, un plan de réalisation du projet, une structure de gestion, des jalons, des projections concernant la marge brute d'autofinancement, et des partenaires qui sont eux aussi impliqués dans le projet. Tous ces éléments font l'objet d'un suivi beaucoup plus constant, et si la recherche ne progresse pas suffisamment, nous pouvons aller jusqu'à mettre fin au projet.

Il s'agit en l'occurrence de projets réalisés dans le cadre d'ententes de partenariat entre universités et industries. Les membres de notre personnel se doivent alors d'être beaucoup plus d'affaires que dans les autres programmes et que ne le sont peut-être habituellement les fonctionnaires. Ce sont des cas où notre 4,1 p. 100, ou à peu près, de dépenses pour le suivi et le fonctionnement des programmes nous apparaît vraiment insuffisant. Il nous faut consacrer beaucoup de temps à ce genre de projet.

Mais nous effectuons alors le suivi du projet de concert avec des partenaires. Il y a des représentants de l'industrie à la table. Ils ont participé à la conception du projet. Ils en connaissent les jalons. Ils savent quand il leur faut effectuer leurs versements. Ils savent quand s'attendre à des résultats. Il s'agit donc de projets dont le suivi est beaucoup plus facile à assurer.

[Français]

Le président: Raymonde Folco.

Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Madame White et monsieur Brzustowski, je considère que, d'une certaine manière, vous êtes des témoins privilégiés en ce qui concerne le ministère du Développement des ressources humaines et en ce qui concerne le travail de ce comité. Je vais vous expliquer pourquoi.

Compte tenu du fait que vous représentez deux organismes complètement indépendants du gouvernement, mais travaillant un peu dans le même sens que ce ministère, je pense que vous pouvez éclairer nos lanternes de façon considérable.

La question que j'ai à vous poser touche le contrôle ou, comme le dit M. Brzustowski, le monitorage: le contrôle interne par rapport au contrôle externe. Comment voyez-vous l'importance relative du contrôle interne, à l'intérieur de votre propre organisme, puisque je pense que vous n'êtes, ni l'un ni l'autre, prêts à répondre en rapport avec le ministère? Si effectivement vous n'êtes pas prêts à le faire, parlez-nous plutôt du contrôle interne dans votre organisme. Comment le faites vous? À quel moment faites-vous des contrôles? Est-ce que vous voyez l'importance d'apporter des contrôles externes et, si oui, à quel moment et pourquoi? Si vous pouvez lier cette réponse au travail qui se fait à l'intérieur du ministère du Développement des ressources humaines, j'aimerais bien que vous fassiez ce lien, s'il vous plaît.

M. Thomas Brzustowski: Je trouve la question difficile, mais j'essaierai tout de même d'y répondre.

• 1205

D'abord, le CRSNG doit rendre compte au Conseil du Trésor de la même façon que tous les ministères du gouvernement.

[Traduction]

Nous sommes soumis, en matière de reddition de comptes, exactement aux mêmes règles, aux mêmes exigences. Nous rendons des comptes au Parlement par l'entremise du ministre de l'Industrie. C'est donc dire que, pour ce qui est des contrôles internes qui s'exercent au sein même de l'appareil gouvernemental sur l'utilisation des fonds qui nous sont confiés, nous sommes traités, à ma connaissance, de la même manière que n'importe quel ministère.

Je dirais toutefois qu'il nous faut également rendre des comptes à un groupe externe, la communauté des chercheurs. Vous les avez décrits comme faisant partie de notre organisation. Je les vois plutôt à l'externe, car ils exercent sur nous une pression constante pour obtenir que nous les tenions bien au courant de tout changement des politiques ou des règles, que nous allions chercher, pour répondre à leurs besoins, le maximum de fonds sous forme de crédits parlementaires, que nous transmettions leurs messages à qui de droit, et surtout, que, dans toutes les subventions que nous accordons, nous soyons les gardiens de l'intégrité des normes d'excellence qui leur tiennent à coeur.

Au gouvernement, vous les voyez peut-être comme faisant partie de notre organisation. Mais, pour nous du CRSNG, ce sont des gens qui, depuis l'extérieur, exercent sur nous une pression qui s'ajoute à celles que nous subissons du Conseil du Trésor et de tous les ministères et qui nous viennent elles aussi de l'extérieur.

Mme Raymonde Folco: Excusez-moi de devoir vous interrompre. Je voudrais simplement clarifier un point. On a peut-être fait une erreur de traduction, car je n'ai pas parlé des chercheurs comme exerçant des contrôles internes ou externes. Mais ça va tout de même, je vous remercie.

Le président: Julie White.

Mme Julie White: Merci.

J'aimerais vous parler de cet aspect en faisant ressortir le fait que, pour la plupart de nos fondations membres, nous avons deux systèmes distincts mais complémentaires, à savoir un de contrôle et un de surveillance. Ces deux systèmes se chevauchent, mais en réalité ils ont des fonctions distinctes. Nos activités de contrôle visent essentiellement à nous assurer que les promesses sont remplies.

Ce contrôle s'exerce à compter du tout début, au moment où nous établissons nos exigences. Nous énonçons ces exigences sous la forme d'un contrat qui est passablement explicite. Il s'agit généralement d'une simple lettre d'entente, et non d'un volumineux contrat. Nous avons en outre un formulaire de rapport ainsi qu'un document décrivant les normes relatives à la production des rapports et les mesures que nous prendrions si jamais le projet se mettait à déraper ou si nous obtenions divers types de renseignement que nous exigeons.

Les activités d'évaluation, qui consistent à vérifier quels ont été les résultats du projet, sont complémentaires aux activités de contrôle. Les bénéficiaires peuvent très bien avoir respecté leurs engagements et dépensé l'argent de la façon prévue, sans pour autant obtenir les résultas escomptés. On pourrait aussi observer l'inverse. On peut presque imaginer cela comme une grille.

La façon dont nous effectuons les évaluations peut varier selon l'importance de la subvention. Dans le cas d'une petite subvention, l'opération peut se ramener à un simple coup d'oeil sur les résultats. Dans les cas plus compliqués, l'opération comporte deux volets. Le premier consiste à évaluer ce que l'organisation entend faire et l'impact qu'aura vraisemblablement son intervention, et souvent, nous veillons à ce que cet aspect soit décrit dès le départ dans la planification du programme. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait après coup, mais qu'il faut intégrer dans l'ensemble du programme de manière à ce qu'on puisse avoir en main les renseignements voulus et les analyser au fur et à mesure de la réalisation du projet.

Toutefois, à propos de certaines subventions, ce que nous voulons savoir ne correspond pas nécessairement à ce que l'organisation veut savoir, et ce, parce que nous voulons suivre à la trace quelque chose d'autre ou parce que le projet s'inscrit dans un programme plus vaste, ou encore parce que nous nous intéressons tout particulièrement à tel ou tel élément du projet. Souvent, dans de tels cas, les fondations augmenteront la subvention pour couvrir cet aspect supplémentaire, ou feront appel à un évaluateur de l'extérieur, ou encore procéderont à des évaluations regroupées. Par exemple, à la Fondation Trillium, il nous est arrivé d'effectuer un certain nombre d'évaluations regroupées pour nous permettre de nous pencher sur les activités de toutes les organisations qui étaient impliquées dans des opérations relatives à l'innocuité des aliments. Nous nous sommes également penchés sur toutes les organisations qui s'étaient intéressées au développement économique. Ce que nous cherchions à faire en l'occurrence, c'était d'évaluer non seulement l'impact de tel ou tel projet de subvention mais l'ensemble du domaine en question.

Sur ce point, j'ajouterai enfin qu'en plus d'évaluer les résultats du projet subventionné, nous évaluons toujours l'ensemble du programme pour vérifier si nos présomptions étaient justes, si le programme était justifié. Ce genre d'examen porte à la fois sur l'utilisation de la subvention et sur son impact immédiat ainsi que sur l'ensemble du programme, mais également sur certaines de nos hypothèses fondamentales.

Nous nous y prenons de diverses manières pour effectuer ce travail. Ce que nous faisons parfois—en fait c'est ce que nous faisons invariablement et ce que d'autres fondations font également—, c'est de sonder les demandeurs et les bénéficiaires pour leur demander ce qu'ils ont appris, si des changements devraient être apportés au programme, ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné dans ce qu'ils ont obtenu de nous. Nous pouvons aussi nous enquérir auprès de la communauté des chercheurs pour connaître leur opinion sur l'impact du programme dans son ensemble ou du projet que nous avons financé.

• 1210

Il y a d'autres bailleurs de fonds. Il est rare de nos jours qu'un projet soit financé par une seule organisation. En règle générale, il y a un certain nombre de bailleurs de fonds pour un même projet, et il est vraiment important pour ceux-ci de travailler en collaboration, de se communiquer l'information et de soumettre chacun son programme à la critique des autres bailleurs de fonds.

Il y a donc plusieurs niveaux de contrôle, qui s'exercent tout autant sur le projet qui est subventionné que sur le programme dans son ensemble et qui prennent la forme d'un suivi et d'une évaluation. On peut considérer qu'il s'agit d'une sorte de grille comportant un certain nombre de stratégies qui sont normalement complémentaires et se renforcent mutuellement.

Le président: Raymonde Folco.

[Français]

Mme Raymonde Folco: Merci beaucoup. C'est extrêmement intéressant pour moi de vous entendre, mais je constate que vous n'avez voulu, ni l'un ni l'autre, faire le lien entre le travail que vous faites à l'intérieur de votre propre organisme et le ministère du Développement des ressources humaines. Ou bien vous ne désirez pas faire le lien, ou bien vous ne pouvez pas le faire. Pourriez-vous le faire dans une deuxième partie?

[Traduction]

Le président: J'inviterais nos témoins à s'en tenir à des réponses très brèves, car il nous faudrait accélérer un peu. Nous devrons avoir terminé dans vingt minutes.

M. Thomas Brzustowski: Je ne saurais répondre à cette question. Je ne suis pas suffisamment au fait de la façon dont DRHC fonctionne.

Le président: Très bien. Julie.

Mme Julie White: Je vais essayer d'y répondre. Je crois qu'il se commet des erreurs dans n'importe quel secteur. En l'occurrence, étant donné que je ne vois les choses que de l'extérieur, uniquement par l'entremise des médias, il m'est impossible de connaître la nature des problèmes systémiques en question.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Raymonde, je te remercie beaucoup.

[Traduction]

Chers collègues, j'ai sur ma liste Bryon Wilfert, Larry McCormick et Maurice Vellacott à qui je vais donner la parole, après quoi je suspendrai si possible la séance. Bryon Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je me fais le porte-parole des collègues de mon parti pour remercier les témoins de nous avoir donné un aperçu de la façon dont procèdent leurs organisations respectives en matière d'octroi de subventions.

Une des questions sur lesquelles il nous faut, bien sûr, nous pencher, c'est celle de la reddition de comptes et de la transparence, et j'ai été impressionné de constater que c'est un des aspects, notamment quand vous avez affaire à des cas impliquant de petits montants, comme certains dont vous nous avez parlé dans votre exposé, monsieur Brzustowski... Vous avez mentionné que le coût des contrôles représentait entre 1 et 2 p. 100 de la valeur du projet et que, même s'il ne s'agit que d'une subvention de quelques milliers de dollars, naturellement, vous n'allez pas y consacrer des ressources considérables, ou de 100 000 $, selon que... Vous dites qu'on vous alloue un budget d'environ 500 millions de dollars.

Je serais curieux de savoir, en ce qui a trait à la reddition de comptes et à la transparence, ce que vous faites dans un cas problématique où, par exemple, vous étiez pour financer un projet, l'entente a été conclue, mais vous apprenez que les conditions de l'entente ne pourront être remplies de la manière prévue. De quels mécanismes disposez-vous pour intervenir dans un tel cas, et le bénéficiaire est-il prévenu dès le départ que vous allez au besoin utiliser ces mécanismes?

M. Thomas Brzustowski: Dans le cas des partenariats université-industrie—là ou les ententes sont les plus claires, les moins imprécises—, si les travaux de recherche piétinent, si le bénéficiaire ou quelqu'un d'autre ne respecte pas les conditions qui ont été acceptées au moment de l'approbation du projet, on commence par porter l'anomalie à l'attention du bénéficiaire, puis on essaie de relancer le projet. Mais, en dernière analyse—et ce, sans trop tarder—, nous suspendons au besoin les versements, les versements d'étape. Et si tout indique qu'il ne sera pas possible de sauver le projet, nous y mettons tout simplement fin. C'est alors tout ce qu'il nous reste à faire.

Maintenant, voyons ce qu'il en est dans le cas des subventions de recherche, par exemple dans le domaine des mathématiques, où ces subventions impliquent de très petits montants—peut-être de 12 000 à 15 000 $ par année. Tout comme on devra justifier, à l'étape de l'examen de la demande par le comité de sélection, l'utilisation éventuelle du moindre sou de la subvention, on devra également rendre compte, après coup, de la façon dont l'argent a été dépensé au regard des résultats obtenus après trois ou quatre ans de recherche. En cours de route, le projet fera l'objet de vérifications ponctuelles pour établir si les procédures prescrites ont été respectées, et l'université a, à cet égard, un rôle beaucoup plus important à jouer que nous.

M. Bryon Wilfert: Madame White, en ce qui concerne les tierces parties, dans le cas de DRHC, il nous arrive souvent de devoir nous préoccuper de la question du risque en traitant avec les provinces, qui jouent souvent un important rôle, ou avec d'autres intervenants qui sont en fait des tierces parties en ce sens que l'argent ne va pas directement de nous aux bénéficiaires. Quelle attitude adoptez-vous dans ce genre de cas? Vous est-il déjà arrivé de traiter avec des tiers? Dans l'affirmative, qu'avez-vous exigé sur le chapitre de la reddition de comptes?

• 1215

En ce qui touche la question à l'étude, on a laissé entendre que plutôt que de confier l'évaluation à un responsable de projet, on pourrait faire appel à un comité de type communautaire. L'un de vous a fait allusion au rôle que pourraient jouer des comités, et je me demande comment tout cela pourrait fonctionner, pourvu naturellement qu'on évite de confier cette mission à des amis, ce qui pourrait arriver. Supposons qu'en plus du responsable de projet, on ait un comité formé de quatre ou cinq personnes provenant de la collectivité. À mon avis, l'intervention d'un tel comité pourrait également être utile sur le plan de la reddition de comptes, car si tout repose sur les épaules d'une seule personne... Il est d'ailleurs fort probable que le comité puisse intervenir au cours de la réalisation du projet, ou du moins assurer un suivi plus serré qu'on ne le fait actuellement. Donc, j'aimerais que vous me donniez également votre avis là-dessus.

Mme Julie White: Je vais d'abord répondre à cette dernière partie de votre question.

Les fondations privées mettent souvent à contribution à cette fin un comité dont les membres proviennent de la collectivité. Il faut garder à l'esprit que, les fondations étant des sociétés de bienfaisance, les membres de leur conseil d'administration sont des bénévoles, ce qui fait de tels conseils des organes indépendants. Ainsi, ce n'est pas le personnel qui prend les décisions. Le personnel peut disposer d'un certain pouvoir discrétionnaire, mais, en dernière analyse, les décisions doivent recevoir l'aval du conseil d'administration.

Ainsi, la Fondation Laidlaw a un certain nombre de programmes—le programme des enfants à risque, par exemple—dans le cadre desquels elle fait appel à des spécialistes du domaine concerné. Le personnel s'occupe du travail de préparation des dossiers, rédige les documents pertinents, les soumet au comité, et celui-ci fait ses recommandations au conseil d'administration. C'est de cette façon qu'on procède généralement. C'est une sorte de mécanisme d'équilibre, en ce sens qu'il donne à l'organisme l'assurance qu'on respectera le principe de la diligence raisonnable en ce qui a trait aux écritures, aux questions à poser, à la vérification des références et à toutes ces tâches qui pourraient difficilement être accomplies par des bénévoles. En même temps, l'organisme profite de l'expertise et du savoir de gens de l'extérieur, qu'il s'agisse de la connaissance du milieu concerné ou de la question concernée, selon que la subvention est accordée à une collectivité ou aux défenseurs d'une cause.

Je crois qu'il s'agit là d'une excellente façon de procéder, et j'ai été à même de constater que certains ministères appliquaient ce genre de procédure et faisaient appel à des évaluateurs de l'extérieur. Maintenant, la décision finale demeure politique, mais, encore là, elle s'appuie sur une très importante contribution de l'extérieur plutôt qu'uniquement sur celle du personnel.

Sur la question des tierces parties, je ne suis pas tout à fait certaine d'avoir bien compris ce que vous entendez par là. Ce que j'ai pu observer de comparable dans le secteur des fondations privées, c'est qu'effectivement, jusqu'à il y a quelque mois, les fondations qui étaient prêtes à apporter leur appui à une organisation nouvelle ou n'ayant pas encore obtenu son statut d'oeuvre de bienfaisance pouvaient fort bien accorder la subvention à une tierce partie, disons à l'organisme «Y», qui, à son tour, subventionnait, par exemple, un refuge pour femmes battues.

Le président: Je vous prie de m'excuser, mais il m'apparaît que la question faisait plutôt référence à des tiers qui auraient également des obligations liées à l'octroi de la subvention.

M. Bryon Wilfert: Il peut donc y avoir plusieurs partenaires qui financent un même projet. Par exemple, il pourrait arriver que nous appuyions un projet en collaboration avec un autre bailleur de fonds et que celui-ci, pour une raison ou pour une autre, en vienne à se retirer du projet. Si une telle éventualité se produisait, que ferions-nous en tant que partenaire—quand je dis «nous», je veux parler du gouvernement... Que ferions-nous alors de la partie du projet qui cesse d'être financée? Ou encore, supposons que certaines décisions aient été prises en fonction du rôle que jouait le partenaire qui s'est retiré, qui en subirait les conséquences? Avez-vous connu ce genre de situation où vous subventionniez un projet en partenariat avec un autre organisme?

Mme Julie White: Un autre bailleur de fonds?

M. Bryon Wilfert: Oui, avec un organisme qui participe au financement du même projet.

Mme Julie White: Oui, les fondations privées sont parfois placées dans de telles situations. Par exemple, il arrive souvent qu'une fondation accepte d'octroyer une subvention pour un projet donné à la condition qu'un autre bailleur de fonds y contribue au même titre. Si par la suite, pour une raison ou pour une autre, cet engagement n'est pas respecté, par exemple si les montants promis ne sont pas versés en raison d'un changement de gouvernement, est-ce que le partenaire qui demeure continuerait de financer le projet? Ici encore, la décision dépendrait de l'évaluation qu'on ferait du projet. Ce sont des choses qui se règlent au cas par cas, en fonction de la viabilité du projet dans les circonstances.

Un des avantages que présentent les fondations—et j'ai été témoin de pareils cas—, c'est que, si la fondation attache beaucoup d'importance à la réalisation d'un projet donné, il se peut que, à la suite du retrait de l'autre bailleur de fonds, elle décide d'augmenter sa contribution en conséquence. Donc, il se peut que les choses se passent ainsi, mais, je le répète, tout dépend de la viabilité du projet.

M. Bryon Wilfert: Vos observations ont été riches d'enseignement. C'est dommage que nous n'ayons pas été plus nombreux à entendre vos témoignages, car ils nous seront, je crois, très profitables. Merci.

Le président: Au tour maintenant de Larry McCormick, suivi de Maurice Vellacott, après quoi nous allons conclure.

• 1220

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence parmi nous.

M. Brzustowski a mentionné que son organisation ne pouvait consacrer que 4 p. 100 de son budget à l'administration et qu'il ne s'agissait peut-être pas là de l'aspect le plus positif des programmes du CRSNG. Ces considérations me font drôlement penser à un cas comme celui de Développement des ressources humaines Canada, où il faut prendre des décisions. Quand nous, du gouvernement, décidons d'imposer des restrictions budgétaires, pour quelque raison que ce soit—et nous nous attendons normalement à ce qu'elles soient comprises—, nos décisions peuvent finir par nous hanter. Voilà pourquoi je suis heureux que vous ayez fait référence à ce genre de chose.

Le sociétés de bienfaisance, madame White, peuvent compter sur des personnes indépendantes qui siègent sur un conseil d'administration indépendant, mais, dans notre cas, nous évoluons dans un contexte politique. Je crois que tous les députés ici présents jouent honnêtement leur rôle. Je sais du reste que 98 p. 100 des députés travaillent comme des fous, pour employer une expression populaire. C'est ça, la politique.

Dans le cas des sociétés de bienfaisance, quand vous octroyez des subventions, les personnes qui sont responsables de prendre les décisions sont-elles amenées à subir passablement de pressions directes ou indirectes visant à influer sur le jugement qu'elles porteront au sujet des demandes de subvention?

Mme Julie White: De la part de représentants du gouvernement ou de lobbyistes?

M. Larry McCormick: Eh bien, non, de la part de n'importe qui. Je me dis simplement que tout le monde subit des pressions. Je connais des médecins ou des professeurs qui vous diront qu'il ne s'en exerce jamais dans leur discipline, mais il y en a d'autres qui affirment le contraire.

Mme Julie White: Bien sûr. Ces choses varient tellement au sein d'un même secteur. Ça peut arriver dans le cas d'une petite fondation familiale, ou encore dans celui d'un décideur qui demeure voisin d'une personne qu'il connaît bien, qui a soumis une demande de subvention et qui l'invite au restaurant pour lui parler de ses souhaits. Bien sûr, on voit ça couramment.

Ces occasions peuvent se révéler utiles pour se communiquer de l'information. Elles dénotent l'existence d'une certaine solidarité dans la collectivité. On doit donc, selon moi, tenir compte de cet aspect.

L'avantage dont nous jouissons, nous qui sommes responsables de fondations, c'est que nous n'avons pas à nous préoccuper de notre réélection, nous n'avons pas à nous montrer équitables ni même justes. Autrement dit, nous pouvons faire exactement ce que nous jugeons important pour le succès d'un programme ou d'un projet, et c'est déjà là une chance que d'autres n'ont absolument pas.

M. Larry McCormick: Merci, madame White. Je dois en avoir étonné plus d'un dans ma circonscription quand j'ai expliqué qu'à mes yeux les lobbyistes jouaient un important rôle comme éducateurs et que j'avais beaucoup appris de certains d'entre eux. Après tout, nous n'en demeurons pas moins maîtres de nos décisions.

Monsieur Brzustowski, je sors tout juste d'une autre séance de comité où nous nous sommes penchés sur la question des OGM, des aliments, etc. Je crois qu'il y a tout un travail de sensibilisation à faire à cet égard. Je me demande si vous pourriez nous dire comment, selon vous, nous, du gouvernement, pourrions travailler plus efficacement à convaincre les contribuables de l'importance de la recherche. Je viens juste de penser à vous donner l'occasion de le faire.

M. Thomas Brzustowski: C'est une merveilleuse question. Merci beaucoup de me l'avoir posée.

Permettez-moi d'abord de vous faire remarquer que, dans le domaine de la recherche médicale, la population canadienne est parfaitement convaincue du lien qui existe entre la recherche et la bonne santé. J'en veux pour preuve que, collectivement, nous versons chaque année entre 200 et 300 millions de dollars en dons de charité aux fondations qui oeuvrent dans le domaine de la recherche médicale. Cet appui est donc indéniable.

On ne fait toutefois pas, selon moi, de tel lien causal entre l'intensification de nos efforts de recherche en sciences et en génie et l'accroissement de la prospérité dans notre pays. Encore aujourd'hui, notre mentalité à cet égard demeure influencée par le fait que jusqu'à il n'y a pas si longtemps, notre vigueur économique tenait à l'importance de nos ressources naturelles.

Je crois que le gouvernement pourrait jouer sur ce chapitre un rôle fort utile s'il s'employait vraiment à amener les gens à comprendre, en y allant d'illustrations, en appuyant les efforts exemplaires et en faisant la démonstration, comme cela se fait dans de nombreux pays du monde, qu'il existe un lien de cause à effet, encore plus évident dans cette nouvelle économie mondialisée fondée sur le savoir, entre l'acquisition de connaissances et de qualifications et l'accroissement de la prospérité.

Pour le bénéfice du compte rendu, j'aurais un mot à dire sur la question du lobbying. Je tiens à vous assurer qu'au CRSNG, le processus décisionnel n'a rien à voir avec la politique. L'épreuve décisive à cet égard, c'est que les ministres ont toujours résisté fermement aux pressions de ceux qui, après avoir épuisé tous les recours qu'ils peuvent avoir auprès de notre organisation, cherchent à en appeler par la voie politique d'une décision qui leur a été défavorable concernant une demande de subvention—et je suis heureux de pouvoir le certifier. Donc, ça n'existe pas chez nous.

Quand je me rends dans les universités, je subis à tout coup des pressions, mais celles-ci n'influent en rien sur les décisions, car ce n'est pas moi qui les prend, mais les comités d'évaluation dans chaque discipline.

• 1225

Le président: Maurice Vellacott, après quoi nous devrons remercier nos témoins.

M. Maurice Vellacott (Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. J'éprouve du soulagement à me retrouver dans ce comité. Je tiens à vous en faire la remarque, car j'arrive du Comité de la santé et je ne puis m'empêcher, monsieur le président, de louer votre courtoisie ainsi que le respect et la politesse dont vous faites preuve à l'endroit de tous les membres du comité.

Le président: Êtes-vous en train de faire du lobbying?

Des voix: Oh!

M. Maurice Vellacott: Non, il n'en est rien. C'est tout simplement que je constate le contraste. Ici, nous pouvons diverger d'opinion, être en désaccord sur certaines choses, mais au Comité de la santé, où nous débattions d'une motion visant à destituer Lynn Myers de son poste de présidente, j'ai été déconcerté par certaines remarques pour le moins insidieuses et sarcastiques de la part de la présidence. Je tenais à vous féliciter pour... Vous encaissez parfois les accès de fureur des membres du comité, qu'ils soient de l'opposition ou du parti ministériel.

Le président: Maurice, quand les louanges viennent de l'opposition, elles s'apparentent souvent au baiser de la mort...

Des voix: Oh!

Le président: ... veuillez poursuivre. Je vous alloue un temps de parole normal.

M. Maurice Vellacott: Bien entendu. D'accord.

D'abord, je vous prie d'excuser mon retard. Je vous en ai déjà expliqué la raison.

Ma question s'adresse à nos deux témoins d'aujourd'hui. Sur la question de l'évaluation par les pairs, je me demande simplement si nous pourrions appliquer cette procédure dans le cas des subventions et contributions de DRHC. Je me demande si vous pourriez vous interroger et conjecturer à propos de...

J'ai noté que vous aviez mentionné à cet égard que les bénévoles consacraient énormément de temps et d'énergie à assumer cette responsabilité. Ma façon d'envisager cet aspect est un peu différente de celle de mon collègue, mais, si j'ai bien compris, c'est ce qui vous permet de ne consacrer que 4 p. 100 du montant des subventions à l'administration du programme. Je ne veux rien contester à cet égard. Je crois que vous agissez en l'occurrence de manière responsable et judicieuse, et je me dis que ces nombreux bénévoles qui vous prêtent ainsi main-forte doivent sans doute avoir à coeur la bonne marche du programme et tenir à y contribuer.

Ce que je me demande en fait, c'est s'il n'y aurait pas possibilité de faire de même dans le secteur des subventions et contributions—par exemple, dans le cas du Fonds transitoire pour la création d'emplois, dont l'objet est de procurer des emplois aux gens.

Je crois qu'il y aurait des Canadiens compatissants qui seraient prêts à contribuer au succès d'un programme aussi louable, mais parviendrions-nous à intéresser des gens d'affaires du secteur concerné—ma question s'adresse à vous deux, Julie et Tom—à apporter une telle contribution dans le cadre d'un système d'évaluation par les pairs? Ce ne serait peut-être pas sans problème, mais cette procédure serait-elle applicable dans le cas de ce service de subventions et contributions, pour que nous puissions profiter de l'expertise de gens des secteurs concernés. Il me semble qu'il vaudrait la peine d'essayer ce système. Je lance tout simplement l'idée.

Vous allez peut-être me dire qu'un aspect qui pourrait poser problème, c'est que ces gens d'affaire pourraient se dire que, ce faisant, ils favoriseraient leurs concurrents. Mais si vraiment il n'est pas question de les amener à choisir un gagnant au détriment de leurs propres intérêts supérieurs, peut-être seraient-ils prêts à collaborer avec nous pour nous dire, par exemple, que tel programme est un programme bidon, que nous ne devrions pas financer telle entreprise mais plutôt telle autre. Étant donné que nous sommes favorables à ce que le gouvernement consacre un certain pourcentage de son budget à la création d'emplois, nous pourrions en affecter une part au financement des activités de ce groupe.

Est-ce que, selon vous, on ferait bien de réaffecter une petite partie des fonds publics à un système d'évaluation par les pairs?

Allez-y.

Mme Julie White: J'aborde cette question avec une vision un peu différente de celle de Tom, en ce sens que, d'après mon expérience, le recours à des bénévoles pour l'évaluation par des pairs ne vise qu'à assurer la qualité des décisions qui sont prises. Ce n'est vraiment pas un moyen d'économiser de l'argent. Il est coûteux de faire appel à des bénévoles. Je crois qu'on s'illusionnerait en voyant les bénévoles comme une main-d'oeuvre gratuite, car il faut assumer ce qu'il en coûte pour leurs déplacements, pour les informer, pour les former. La contribution de bénévoles s'accompagne de bien des choses.

Cela dit, ce qu'on y gagne en qualité l'emporte, selon moi, sur ces inconvénients, dont il faut toutefois tenir compte, car il ne s'agit pas de croire qu'on profite ainsi d'une main-d'oeuvre gratuite.

M. Maurice Vellacott: Je comprends cela, mais ce type d'arrangement comporte de toute évidence certains avantages, car il demeure que ces gens-là acceptent de donner gratuitement des heures et des heures pour faire profiter autrui de l'expertise qu'ils ont acquise en oeuvrant dans le domaine concerné. Mais, j'en conviens, il vous faut leur verser une rétribution, ou peut-être assumer leurs frais de déplacement, d'hébergement, et le reste.

Mme Julie White: C'est juste. La gestion de l'apport des bénévoles demande plus de temps et est plus coûteuse qu'on ne serait porté à le croire.

M. Maurice Vellacott: Oui, je le comprends.

Mme Julie White: Cela dit, il m'a été donné de voir des cas où, dans le cadre de programmes gouvernementaux, on a eu recours très utilement à des bureaux ou comités consultatifs, et je crois que les décisions y ont gagné en qualité. C'est un processus qui m'apparaît parfaitement applicable dans le secteur gouvernemental. La plupart des mes connaissances qui participent à ce type de processus le font avec énormément d'enthousiasme, avec le désir de mettre leur influence et leur expertise à contribution dans le processus de prise de décisions au sein de l'appareil gouvernemental, tout en comprenant que c'est toujours à d'autres qu'à eux qu'il appartient de prendre les décisions finales. Plus les gens s'impliquent dans l'évaluation et dans l'apport...

Je précise qu'il ne s'agit pas seulement d'évaluer des demandes de subventions une à une, mais également d'évaluer le programme dans son ensemble et de participer à sa conception. Par conséquent, je verrais d'un bon oeil qu'on s'oriente dans ce sens.

M. Maurice Vellacott: Car les membres d'un comité d'évaluation par les pairs pourraient fort bien nous indiquer que tel programme devrait être abandonné, qu'il est voué à l'échec et qu'il n'a plus sa raison d'être. Ils seraient bien placés pour intervenir de la sorte.

Mme Julie White: Exactement.

M. Maurice Vellacott: Sans aucun doute.

M. Thomas Brzustowski: Permettez-moi simplement d'ajouter qu'il y a une chose qui serait plus difficile en l'occurrence—non pas insurmontable, mais plus difficile que dans notre cas à nous. Je songe au fait que, alors que nous, nous n'avons eu qu'à nous greffer sur une culture existante d'évaluation par les pairs et de contribution bénévole, dans l'hypothèse que vous envisagez, il vous faudrait peut-être créer cette culture de toute pièce.

• 1230

M. Maurice Vellacott: Il faudrait la créer.

M. Thomas Brzustowski: Tout à fait.

M. Maurice Vellacott: Vous avez raison.

Le président: Je dois maintenant vous interrompre, Maurice, même si j'ai été touché de vos observations du début.

J'aimerais remercier M. Tom Brzustowski, le président du CRSNG. Tom, nous avons trouvé vos propos fort intéressants. Vous avez d'ailleurs pu constater par vous-même l'intérêt qu'y ont porté les membres du comité.

De même, je tiens à dire à Julie White, la présidente et directrice générale de Private Foundations Canada, que nous la remercions chaleureusement de nous avoir accordé ainsi de son temps. Nous sommes conscients que, bien que votre contribution à nos travaux ne procure à vos organisations aucun avantage direct, elle revêt une très grande importance, je crois, pour ceux qui octroient les subventions de DRHC ou qui en bénéficient.

Je tiens à vous redire que j'ai particulièrement apprécié ce que vous avez exprimé, au début, à propos des préoccupations relatives à notre enquête sur DRHC. Un grand merci à vous deux.

Chers collègues, je vais suspendre brièvement la séance. Nous allons, dans un instant, discuter de nos travaux à venir.

Le comité suspend ses travaux.